Il est ressuscité !

N° 195 – Février 2019

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Mystères joyeux

MÉDITATION DES MYSTÈRES DU ROSAIRE À L’ÉCOLE DE SAINTE THÉRÈSE

LA dévotion réparatrice des cinq premiers samedis du mois, établie dans le monde à Pontevedra en 1925 par Notre-Dame de Fatima, est un moyen infaillible d’aller au Ciel puisque la Sainte Vierge a promis à ceux qui la pratiqueraient de leur procurer toutes les grâces nécessaires au salut à l’heure de la mort. Notre-Dame de Fatima est vraiment « la Porte du Ciel ».

Sainte Thérèse disait, bien avant cette révélation : « J’ai cherché le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle... Je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection. » Tel qu’il est établi par les Docteurs du Carmel : saint Jean de la Croix, sainte Thérèse d’Avila, la “ grande ” sainte Thérèse...

Et cette “ petite voie ” de la “ petite ” sainte du carmel de Lisieux, « c’est le chemin de la confiance et du total abandon ».

Confiance et abandon jusqu’où ? « Total », c’est-à-dire jusqu’à l’héroïsme de toutes les vertus. Encore faut-il d’abord en demander et recevoir la grâce.

Auprès de qui ? Du Cœur Immaculé de Marie. Parce que, nous le savons depuis 1917, c’est la dernière « surprise du Bon Dieu », comme dit le pape François lorsqu’il nous exhorte à nous laisser « surprendre ».

Dieu veut établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de sa divine Mère. C’est tellement « surprenant » que le concile Vatican II, c’est-à-dire toute l’Église hiérarchique, a refusé de donner ce « rôle principal » à la Sainte Vierge, et prétend ne lui donner qu’un « rôle subordonné » (Lumen gentium, n° 68).

C’est tragique, parce que la dévotion réparatrice au Cœur Immaculé de Marie est le secret du salut. Hors de là, il n’y a qu’Enfer et damnation. La preuve : l’invasion de Satan, l’infestation de l’Église par ­l’Adversaire de la Vierge Marie, à laquelle nous assistons aujourd’hui.

Pour faire front et ne pas nous laisser entraîner en Enfer, le seul recours institué par le Ciel est la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, qui consiste à nous approprier cette flamme de l’amour qui brûle dans le Cœur Immaculé de Marie, et qui arrache aux flammes de l’Enfer, de la haine infernale déchaînée, ceux qui se consacrent à ce Cœur Immaculé. Comment ?

Par le ministère de sainte Thérèse de l’Enfant-­Jésus “ miniature de l’Immaculée ” ; par la dévotion à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, par la méditation des quinze mystères du Rosaire prescrite par Notre-Dame à Pontevedra, à l’école de sainte Thérèse.

C’est un trésor inépuisable !

1. L’ANNONCIATION.

« Réjouis-toi, Marie, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. » (Lc 1, 28)

Recevoir le don de la grâce est le fruit de ce premier mystère.

« Je suis une toute petite âme que le Bon Dieu a comblée de grâces... Je ne vois pas du tout ma beauté, je ne vois que les grâces que j’ai reçues du Bon Dieu. » Qui parle ainsi, la Vierge Marie ou sainte Thérèse ?

« Tu te trompes, écrit-elle à sa cousine, si tu crois que ta petite Thérèse marche toujours avec ardeur dans le chemin de la vertu, elle est faible et bien faible, tous les jours elle en fait une nouvelle expérience ; mais, Marie, Jésus se plaît à lui enseigner comme à saint Paul la science de se glorifier dans ses infirmités, c’est une grande grâce que celle-là, et je prie Jésus de te l’enseigner ; car là seulement se trouvent la paix et le repos du cœur ; quand on se voit si misérable on ne veut plus se considérer et on ne regarde que le Bien-Aimé ! »

Cet “ oubli de soi ” est le remède au « culte de l’homme » qui a envahi l’Église depuis le Concile et détrôné le culte de Dieu fait homme ; Marie l’a compris et chanté dans son Magnificat, et nous le chantons à vêpres chaque jour que Dieu fait.

« Ce qui attire le plus de grâces du Bon Dieu, c’est la reconnaissance, car si nous le remercions d’un bienfait, il est touché et s’empresse de nous en faire dix autres... J’en ai fait l’expérience, essayez et vous verrez... »

Ce n’est pas tout ! « Le Bon Dieu veut que les saints se communiquent les uns aux autres la grâce par la prière, afin qu’au Ciel ils s’aiment d’un grand amour, d’un amour bien plus grand encore que celui de la famille, même la famille la plus unie de la terre [comme était la famille Martin]. Combien de fois ai-je pensé que je pouvais devoir toutes les grâces que j’ai reçues aux prières d’une âme que je ne connaîtrai qu’au Ciel. Au Ciel, on ne rencontrera plus de regards indifférents, parce que tous les élus reconnaîtront qu’ils se doivent entre eux les grâces qui leur ont mérité la couronne.

« Ô Jésus ! que ne puis-je dire à toutes les petites âmes combien ta condescendance est ineffable... Je sais que si par impossible tu trouvais une âme plus faible, plus petite que la mienne, tu te plairais à la combler de faveurs plus grandes encore, si elle s’abandonnait avec une entière confiance à ta miséricorde infinie. » Dans son Magnificat, la Vierge Marie ne dit pas autre chose : Elle se glorifie de sa « bassesse », et Thérèse de même, glorifiée au point de devenir la “ Reine d’un Empire ”, comme disait notre Père. Une reine investie d’une puissance singulière :

« Mon Ciel est de pouvoir attirer sur les âmes...
Les grâces de Jésus et ses divines flammes,
Qui savent embraser et réjouir les cœurs. »

 

2. VISITATION.

« Marie se rendit en hâte vers le haut pays, dans une ville de Juda. Elle entra chez Zacharie et salua Élisabeth. » (Lc 1, 39-40)

« Tu me le fais sentir, ce n’est pas impossible
De marcher sur tes pas, ô Reine des élus
...
Chez sainte Élisabeth recevant ta visite
J’apprends à pratiquer
l’ardente charité. »

« La charité fraternelle, c’est tout sur la terre. On aime le Bon Dieu dans la mesure où on la pratique. Se replier sur soi-même, cela stérilise l’âme ! Il faut se hâter de courir aux œuvres de charité. » Par exemple en aidant sœur Saint-Pierre, la vieille sœur incommode :

« Parfois, on est si mal chez soi, dans son intérieur, qu’il faut promptement en sortir. Le Bon Dieu ne nous oblige pas à rester en notre compagnie, au contraire. Il permet souvent qu’elle nous soit désagréable afin que nous la quittions. »

Ça, c’est l’expérience décisive. Ce que notre Père appelle, dans ses Mémoires et Récits, “ la honte de moi ”, qu’il éprouva si profondément toute sa vie.

« Je ne sais pas d’autre moyen en ce cas, que de sortir de chez soi et d’aller rendre visite à Jésus et Marie en courant aux œuvres de charité. »

Toute l’œuvre de notre Père, toute la Contre- Réforme catholique est née de là, comme une application à imiter sainte Thérèse :

« J’ai compris que la charité ne doit point rester enfermée dans le fond du cœur : “ Personne, a dit Jésus, n’allume un flambeau pour le mettre sous le boisseau, mais on le met sur le chandelier afin qu’il éclaire tous ceux qui sont dans la maison. ” Il me semble que ce flambeau représente la charité qui doit éclairer, réjouir non seulement ceux qui me sont les plus chers, mais tous ceux qui sont dans la maison sans excepter personne.

« Partagez votre pain, c’est-à-dire donnez de vous-même, faites entrer dans votre maison, prodiguez-vous, donnez de vos biens : votre tranquillité, votre repos à ceux qui ne savent où se retirer, qui sont pauvres...

« Une parole, un sourire aimable suffisent souvent pour épanouir une âme triste. » Thérèse en a fait l’expérience lorsque la Sainte Vierge l’a guérie d’un sourire. « Je veux être aimable avec tout le monde pour réjouir Jésus... Quel festin pourrait offrir une carmélite à ses sœurs si ce n’est un festin spirituel composé de charité aimable et joyeuse ?

« Oui, je le sens, lorsque je suis charitable, c’est Jésus seul qui agit en moi ; plus je suis unie à Lui, plus aussi j’aime toutes mes sœurs.

« La charité me presse
Car je te vois dans les âmes mes sœurs
.

 

La charité, voilà ma seule étoile...

Je vis d’amour ! »

3. NOËL !

« Vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche. » (Lc 2, 12)

Recevoir l’esprit d’enfance, tel est le fruit de ce mystère de la Nativité d’un Dieu fait homme. Sainte Thérèse nous en communique le secret :

« Quand je vois l’Éternel enveloppé de langes,
Ô ma Mère chérie, je n’envie plus les anges...

 

Auprès de toi, Marie, j’aime à rester petite. »

Sur des images de Noël qu’elle peignait, elle écrivait :

« Jésus, qui vous a fait si petit ?

 L’Amour ! »

« L’esprit d’enfance », ce n’est pas de l’enfantillage. C’est une force divine qui habitait la Sainte Vierge, l’Immaculée Conception, la Bambina, dès sa naissance, et qui envahit Thérèse à l’âge de quatorze ans.

« En cette nuit lumineuse qui éclaire les délices de la Trinité Sainte, Jésus, le doux petit Enfant d’une heure, changea la nuit de mon âme en torrents de lumière... En cette nuit où Il se fit faible et souffrant pour mon amour, il me rendit forte et courageuse...

« Ce fut le 25 décembre 1886 que je reçus la grâce de sortir de l’enfance, en un mot la grâce de ma complète conversion. Nous revenions de la messe de minuit où j’avais eu le bonheur de recevoir le Dieu fort et puissant. En arrivant aux Buissonnets je me réjouissais d’aller prendre mes souliers dans la cheminée, cet antique usage nous avait causé tant de joie pendant notre enfance que Céline voulait continuer à me traiter comme un bébé puisque j’étais la plus petite de la famille... Papa aimait à voir mon bonheur, à entendre mes cris de joie en tirant chaque surprise des souliers enchantés, et la gaîté de mon Roi chéri augmentait beaucoup mon bonheur, mais Jésus voulant me montrer que je devais me défaire des défauts de l’enfance m’en retira aussi les innocentes joies ; il permit que Papa, fatigué de la messe de minuit, éprouvât de l’ennui en voyant mes souliers dans la cheminée et qu’il dît ces paroles qui me percèrent le cœur : “ Enfin, heureusement que c’est la dernière année !... ” » Puisque son entrée au Carmel est décidée, mais qu’elle n’obtiendra que le 9 avril 1888.

« Je montais alors l’escalier pour aller défaire mon chapeau, Céline connaissant ma sensibilité et voyant des larmes briller dans mes yeux eut aussi bien envie d’en verser, car elle m’aimait beaucoup et comprenait mon chagrin : “ Ô ­Thérèse ! me dit-elle, ne descends pas, cela te ferait trop de peine de regarder tout de suite dans tes souliers. ” Mais Thérèse n’était plus la même, Jésus avait changé son cœur ! Refoulant mes larmes, je descendis rapidement l’escalier et comprimant les battements de mon cœur, je pris mes souliers et les posant devant Papa, je tirai joyeusement tous les objets, ayant l’air heureuse comme une reine. Papa riait, il était aussi redevenu joyeux et Céline croyait rêver !... Heureusement c’était une douce réalité, la petite Thérèse avait retrouvé la force d’âme qu’elle avait perdue à quatre ans et demi [à la mort de sa mère] et c’était pour toujours qu’elle devait la conserver !...

« En cette nuit où Il se fit faible et souffrant pour mon amour, Il me rendit forte et courageuse, Il me revêtit de ses armes et depuis cette nuit bénie je ne fus vaincue en aucun combat, mais au contraire je marchai de victoire en victoire et commençai pour ainsi dire “ une course de géant ! ” [“ terrible comme une armée rangée en bataille ” : dix ans... pour monter jusqu’au Ciel !] La source de mes larmes fut tarie et ne s’ouvrit depuis que rarement. »

Notre Père commente :

« Vous lirez cela et vous l’adapterez à votre conduite. Il y a des religieux et des religieuses qui passent leur vie monastique dans des petits brimborions comme cela : je désire faire ceci, je désire faire cela ; est-ce qu’on m’a vu quand j’ai fait ceci, est-ce que j’ai donné le bon exemple ? Etc. Perpétuellement des enfantillages et après, c’est trop tard pour m’en corriger.

« À chacun de nous de demander cette grâce. Que cela nous soit donné, résolument, décidément, carrément. » (Notre Père, 26 septembre 1992)

Par l’intercession du cœur de sainte Thérèse, miniature du Cœur Immaculé de Marie.

4. PRÉSENTATION AU TEMPLE.

« Quand les parents apportèrent le petit Enfant Jésus... Siméon le reçut dans ses bras. » (Lc 2, 27-28)

Sainte Thérèse s’applique ce mystère comme une conséquence de la grâce reçue à Noël : il lui faut « recevoir l’élan de l’offrande » que font Marie et Joseph en présentant leur Enfant à Siméon pour un sacrifice que celui-ci leur annonce.

« Je me suis offerte à Jésus afin qu’il accomplisse parfaitement en moi sa volonté, sans que jamais les créatures y mettent obstacle. »

« Je ne suis qu’une enfant impuissante et faible, cependant, c’est ma faiblesse même qui me donne l’audace de m’offrir en victime à ton Amour, ô Jésus !... Autrefois, pour satisfaire la justice divine, il fallait des victimes parfaites, mais à la loi de crainte a succédé la loi d’Amour, et l’Amour m’a choisie pour holocauste, moi faible et imparfaite créature... Oui, pour que l’Amour soit pleinement satisfait, il faut qu’il s’abaisse, qu’il s’abaisse jusqu’au néant, et qu’il transforme en feu ce néant. »

C’est dire que ce feu est purification. Et c’est bien ce que promettait le prophète Malachie, cité à la fête de la Purification : (Ml 3, 1-4), purification de nous, mais pas de Marie, puisque Marie est Immaculée dès sa naissance, et même bien avant, dès sa conception, à l’origine des temps.

« Ô Jésus, je le sais, l’amour ne se paie que par l’Amour... Moi, je suis l’Enfant de l’Église... Ce que demande ce petit enfant, c’est l’Amour... Mais comment témoignera-t-il son Amour, puisque l’Amour se prouve par des œuvres ? Eh bien ! le petit enfant jettera des fleurs... Oui, mon Bien-Aimé, je n’ai d’autre moyen de te prouver mon amour, que de jeter des fleurs, c’est-à-dire de ne laisser échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter de toutes les plus petites choses et de les faire par amour... Je veux souffrir par amour et même jouir par amour. »

Par amour de qui, de quoi ?

« Mon seul Amour, c’est Toi, Seigneur !...
Tu veux mon cœur Jésus, je te le donne.
Tous mes désirs, je te les abandonne. »

« Jésus veut que tout soit pour Lui... Eh ! bien tout sera pour Lui, tout, même quand je ne sentirai rien à pouvoir lui offrir ; alors, comme ce soir, je lui donnerai ce rien !...

« Depuis longtemps je ne m’appartiens plus, je me suis livrée totalement à Jésus, il est donc libre de faire de moi ce qu’il lui plaît.

« Le mérite ne consiste pas à faire ni à donner beaucoup, mais plutôt à recevoir, à aimer beaucoup... Jésus dit que c’est bien plus doux de donner que de recevoir, et c’est vrai, mais alors quand Il veut prendre pour Lui la douceur de donner, ce ne serait pas gracieux de refuser. Laissons-le prendre et donner tout ce qu’il voudra ; la perfection consiste à faire sa volonté, et l’âme qui se livre entièrement à Lui est appelée par Jésus Lui-même : “ Sa mère, sa sœur ”, et toute sa famille. »

5. LA VIE CACHÉE À NAZARETH.

« Il revint à Nazareth, et il leur était soumis. Il croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes. » (Lc 2, 51-52)

Fruit de ce mystère : recevoir la sagesse de la vie cachée.

« Le Roi de la Patrie au brillant soleil est venu vivre trente-trois ans dans le pays des ténèbres ; hélas ! les ténèbres n’ont point compris que ce divin Roi était la lumière du monde... Mais, Seigneur, votre enfant l’a comprise cette divine lumière...

« Jésus est un trésor caché, un bien inestimable que peu d’âmes savent trouver, car il est caché et le monde aime ce qui brille... Pour trouver une chose cachée, il faut se cacher soi-même, notre vie doit donc être un mystère, il nous faut ressembler à Jésus, à Jésus dont le visage était caché... “ ­Voulez-vous apprendre quelque chose qui vous serve, dit l’Imitation : Aimez à être ignoré et compté pour rien... ” »

« Je veux me cacher sur la terre
Être en tout la dernière
Pour toi, Jésus !
« Ta Face est ma seule richesse... En elle me cachant sans cesse,
Je te ressemblerai, Jésus ! »

« Que je suis heureuse d’être pour toujours prisonnière au Carmel, je n’ai pas envie d’aller à Lourdes pour avoir des extases, je préfère “ la monotonie du sacrifice ” ! Quel bonheur d’être si bien cachée que personne ne pense à vous !... d’être inconnue même aux personnes qui vivent avec vous... »

« J’ai reconnu par expérience que le bonheur ne consiste qu’à se cacher, à rester dans l’ignorance des choses créées. »

« Pour moi, j’avoue que je n’ai jamais recherché la gloire. Le mépris avait de l’attrait pour mon cœur, mais, ayant reconnu que c’était encore trop glorieux, je me suis passionnée pour l’oubli. Oui, je désire d’être oubliée, et non seulement des créatures, mais aussi de moi-même. Je tâche de ne plus m’occuper de moi-même en rien. »

« Quel privilège d’être méconnue sur la terre !... Ah ! les pensées du Bon Dieu ne sont pas nos pensées ; si elles l’étaient notre vie ne serait qu’une hymne de reconnaissance !... »

« Mon Ciel est de sourire à ce Dieu que j’adore.
Lorsqu’Il veut se cacher pour éprouver ma foi,
Souffrir en attendant qu’Il me regarde encore,
Voilà mon Ciel à moi !... »

frère Bruno de Jésus-Marie.

EXTRAIT DE L’HISTOIRE D’UNE “ PETITE ÂME ” QUI A TRAVERSÉ UNE FOURNAISE

SOUS ce titre, sœur Geneviève (Céline), la sœur de sainte Thérèse, adressait ses propres souvenirs à sa supérieure, mère Marie-Ange de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face. Comparant sa conduite à celle de sa petite sœur, elle écrivait :

« Dans la mienne, c’était la voix de la nature qui se faisait entendre et dans celle de Thérèse la voix de la grâce qui se révélait. Nul doute que l’une soit beaucoup plus parfaite que l’autre puisque Bossuet va jusqu’à dire : “ Si Adam et Ève avaient pu avouer humblement leur faute, qui sait jusqu’où se serait portée la miséricorde de Dieu ? ” semblant par là se demander si Dieu n’eût point pardonné sans exiger le tribut de pénitence imposé à la race humaine.

« Oh ! oui, qu’elle était belle en toutes ses démarches, ma petite sœur chérie ! Aussi je l’aimais au-delà de tout ce que je puis dire. Je l’avais surnommée “ Ange incarné ” et ne pouvais souffrir être séparée de mon Ange une seule minute. De son côté, c’était le même attachement pour moi et maman disait de nous : “ Ces deux petites sont inséparables, on n’a jamais vu des enfants tant s’aimer... ” Nous ne pouvions, en effet, vivre l’une sans l’autre, toute la journée nous jouions ensemble dans le jardin nous amusant surtout à ramasser les petites paillettes brillantes qui se trouvent dans le sable de granit, et pendant ce temps nous parlions du Bon Dieu et de nos pratiques de vertu. Cette conversation continuait même ailleurs que dans la solitude, car maman écrivait : “ L’autre jour les petites étaient chez l’épicier, Thérèse parlait de ses pratiques avec sa sœur et discutait fort avec elle. La dame a dit à Louise : Qu’est-ce qu’elle veut donc dire ? Quand elle joue dans le jardin on n’entend parler que de pratiques ; il y a une voisine qui avance la tête par sa fenêtre pour essayer de comprendre ce que veut dire ce débat de pratiques. ” »

(Manuscrits de 1909 et 1931, archives du Carmel de Lisieux.)