Il est ressuscité !

N° 196 – Mars 2019

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


LA LIGUE

La Ligue

Le temps des martyrs

« Nous savons où nous allons, où va le monde, à travers la grande apostasie prédite. Il va vers le triomphe universel du Cœur Sacré de Jésus par le ministère éclatant et magnifique, mais aussi doux et gracieux, du Cœur Immaculé de Marie ! » (notre Père, 15 août 1982)

Mais c’est un champ de bataille “ horrible, horrible ” que nous avons traversé, cette année encore, sur la route de Lourdes à Fatima. Après ceux de la Grande Guerre, et leurs innombrables “ martyrs de la charité ”, ce fut un pèlerinage aux martyrs de la foi, appelant la miséricorde de Dieu et la paix là où le mépris de l’Église, dans sa plus haute hiérarchie, pour le Cœur Immaculé de Marie, « à qui la paix a été confiée », rejetait le monde dans la révolution.

Dès juillet 1936, à Pontevedra où les milices révolutionnaires s’étaient emparées de la ville, sœur Lucie toute première s’offrait au martyre. Après la libération de la ville, le 26 juillet, elle écrit au Père Gonçalves : « En vérité, je ne me suis pas affligée un seul moment, en partie à cause de la confiance que j’avais dans les Saints Cœurs de Jésus et de Marie, et de la joie que je ressentais d’aller m’unir à eux dans le Ciel... » Et elle annonce “ le temps de paix qui sera bientôt accordé à l’Espagne ” : « Maintenant nous sommes dans l’attente de ce qui arrivera. Nous nous confions à Notre-Seigneur, à la protection du Cœur Immaculé de Marie qui, bientôt, nous accordera des jours de paix et de tranquillité. S’il n’en est pas ainsi, je suis prête et rien ne me sera plus agréable que de donner ma vie pour Dieu, afin de lui payer en quelque manière le don de sa vie pour moi... »

C’est la même offrande, et avec la même joie, que nous trouverons dans le cœur des carmélites de Guadalajara, et dans celui des visitandines de Madrid, martyres, comme une grâce de prédestination. Et encore chez les martyrs de la colline des Anges et du Valle de los Caídos, ceux des Asturies enfin, à Bugedo.

Et c’est avec l’assurance de l’intercession de ces innombrables et magnifiques martyrs que nous les avons priés, à chaque “ station ” de ces radieuses journées de pèlerinage et après avoir compris avec quelle souveraine simplicité le Cœur Immaculé de Marie accorda aux trois nations que nous traversions, la France, l’Espagne et le Portugal, parvenues aux limites du désespoir, la paix « qui lui a été confiée ». Ce fut en 1928, au Portugal, l’avènement du président Salazar, relevant son pays, établissant un concordat et un accord missionnaire en 1940, et le gardant en paix tout le temps de la Guerre mondiale. En 1939, en Espagne, ce fut la victoire de la Cruzada et l’instauration d’un gouvernement constitutionnellement et ardemment catholique, mais consacré au Sacré-Cœur par son Roi dès 1919.

En France, en 1940, ce fut la “ divine surprise ” d’un “ Verdun diplomatique ”, victoire du Maréchal.

Sœur Lucie n’hésitera pas à donner en exemple au pape Pie XII la promesse de paix donnée au ­Portugal en réponse à sa consécration au Cœur Immaculé de Marie, et la paix obtenue, pour le convaincre d’étendre au monde entier la dévotion au Cœur Immaculé de Marie : « Très Saint-Père, eu égard à la consécration que nos Excellentissimes Prélats ont faite au Cœur Immaculé de Marie, Notre-Seigneur promet une protection spéciale à notre petite nation et que cette protection sera la preuve des grâces qu’il accorderait à d’autres nations si, comme elle, elles lui étaient consacrées... » “ La preuve ” s’étendit à l’Espagne et, pour peu de temps, à la France.

LOURDES.

Mais un premier pèlerinage, le dimanche, nous arrêta à Lourdes, “ mon Ciel sur la terre ”, disait notre Père. Nous voulions, cette année, évoquer la figure de l’abbé Peyramale, emblématique de “ la religion de nos pères ” : amour des pauvres, charité sans limite, défenseur jaloux de l’honneur de Dieu, et de celui de Bernadette, « il fut pour elle, disait encore notre Père, comme saint Joseph pour la Sainte Vierge ». Il partageait avec le Père Antoine de Lavaur et Henri Lasserre le même enthousiasme pour l’Immaculée Conception venue, en puissance, reconquérir le cœur des Français et en arracher l’esprit révolutionnaire. Mais lui, il mourut dans l’abandon, les dettes et, plus cruelle que tout, la désolation de voir abandonnée l’œuvre à laquelle il avait consacré sa vie : faire de Lourdes la Cité de l’Immaculée, dans une totale pauvreté de moyens humains, où la France retrouverait la beauté de sa vocation missionnaire.

Seul un petit malade CRC obtint d’être baigné aux piscines, pour notre consolation et celle de ses parents.

Enfin, on vient à Lourdes pour se convertir, et c’est notre Père qui nous prépara à la confession par une leçon de catéchisme intitulée : “ Les vertus opposées aux vices ”. Leçon qui a tellement enthousiasmé le bon curé qui faisait pèlerinage avec nous, qu’il voulut sur-le-champ se procurer les quarante-deux leçons d’un si merveilleux catéchiste !

LE PORTALET.

L’après-midi nous prenions la route de Saragosse. Elle passe au pied du fort du Portalet où le Maréchal, après avoir fait le sacrifice de sa personne “ pour atténuer le malheur de son peuple ”, fut jeté, déshonoré, condamné à mort, abandonné de tous. Son crime ? Le président Blum en a fait l’aveu après la guerre : pour avoir redonné à l’Église catholique l’autorité et la liberté dont la IIIe République l’avait dépouillée par soixante-dix ans de persécution. Vengeance de la démocratie chrétienne s’unissant aux partis socialiste et communiste pour établir un gouvernement chrétien-révolutionnaire ! Nous avons écouté la déclaration du Maréchal ouvrant la première audience de son procès, l’unique déclaration de l’Innocent confondant ses accusateurs iniques devant Dieu et devant la France, et puis rentrant dans son silence. Premier acte d’un « mystère de Rédemption » que nous allions poursuivre de station en station.

« Ma vie importe peu. J’ai fait à la France le don de ma personne. C’est à cette minute suprême que mon sacrifice ne doit plus être mis en doute. Si vous deviez me condamner, que ma condamnation soit la dernière et qu’aucun Français ne soit plus jamais condamné ni détenu pour avoir obéi aux ordres de son chef légitime.

« Mais je vous le dis à la face du monde, vous condamneriez un innocent en croyant parler au nom de la justice et c’est un innocent qui en porterait le poids, car un maréchal de France ne demande grâce à personne.

« À votre jugement répondront celui de Dieu et celui de la postérité. Ils suffiront à ma conscience et à ma mémoire. » Puis, après un temps : « Je m’en remets à la France. »

SARAGOSSE.

Notre-Dame del Pilar, sanctuaire majeur de ­l’Espagne catholique. Il faut y aller au petit matin espagnol, 6 h 45 (!), où le “ Pilar ” ouvre ses portes aux plus fervents pèlerins et déjà à un premier confesseur. Ce lundi, comme chaque jour, les messes se succèdent de 8 heures à... 21 heures !

Ici, la Sainte Vierge, vivant encore à Jérusalem, est apparue à saint Jacques, apôtre, pour le conforter dans son difficile apostolat, lui promettant la pérennité du sanctuaire jusqu’à la fin du monde et sa protection spéciale sur l’Espagne et sur ses conquêtes missionnaires. Le Pilier authentifie, dans le Sang de la Flagellation, cette alliance de grâce.

En ex-voto, deux obus envoyés par les communistes en 1936 et qui n’explosèrent pas, témoignent de cette céleste protection. Ici, la Sainte Vierge, toute petite, se révéla dès la première génération chrétienne souveraine et conquérante, ouvrant le monde entier au Royaume de son Divin Fils, par droit de conquête.

La vie de saint François Xavier, racontée par frère Scubilion au cours de la journée en car, en est l’illustration héroïque. Ses innombrables miracles, jusqu’aujourd’hui où son corps demeure sans corruption, démontrent l’unique vérité et volonté divine de l’expansion missionnaire telle qu’il l’a pratiquée.

GUADALAJARA.

Le carmel de Guadalajara fut le premier des quatre sanctuaires où nous devions vénérer les reliques des martyrs, ici sœur María Pilar, sœur Teresa et sœur María Ángeles, tuées le 24 juillet 1936 en haine de la foi, jour où le Carmel célèbre la fête des bienheureuses carmélites de Compiègne.

Nous y avons été accueillis avec une sainte amitié. Pour la célébration de la messe, les carmélites ont voulu que notre bon prêtre revête une chasuble offerte par les carmélites de Marseille, chez qui la communauté avait trouvé refuge après le martyre de leurs trois sœurs. Les carmélites suivirent la messe derrière les grilles du chœur, heureuses de voir notre dévotion pour leurs saintes martyres et nous demandant de prier pour obtenir le miracle qui permettrait d’obtenir leur canonisation.

Pendant le voyage, une petite sœur qui chez nous porte le nom de María Ángeles, nous présenta la communauté de Guadalajara à la veille de la Révolution, et nous la fit aimer avec une immense tendresse et admiration : « S’ils nous mènent au martyre, écrivait sœur María Pilar, nous irons en chantant, comme nos martyres de Compiègne. Nous chanterons “ Cœur de Jésus tu régneras ”. La seule chose que je désire, c’est mourir avec le saint habit et ne pas tomber entre les mains de ces hommes. »

En 1933, elle écrivait encore : « Abandon pour ce que Dieu veut de moi et pour cela, ô mon Jésus ! vous aimer à la folie et aspirer à l’union intime avec Vous. Que rien ni personne n’occupe mon cœur, sinon Vous seul, mon Époux ! »

C’était deux ans après la proclamation de la République. Rome avait soutenu le coup d’État, la Révolution était son œuvre. Depuis le jour de son avènement, Pie XI poursuivait la même politique, “ ma politique ! ” insistait-il. Au Congrès de Gênes, en 1922, il faisait « admettre la Russie soviétique dans le concert des nations ».

Le Cœur Immaculé de Marie, avec la même divine patience, poursuivait ses instances auprès de lui pour qu’il consacre la Russie à son Cœur Immaculé, « parce que le moment en était venu », avait dit Notre-Seigneur le 13 juin 1929 à Tuy. Cette demande, transmise au Saint-Père, n’obtint pas de réponse.

En 1931 commence la guerre civile, « horrible, horrible ! », les églises flambent, les couvents sont dévastés, les statues et les autels sont brisés. Le 13 octobre, le Premier ministre Azaña déclare aux Cortès : « Aujourd’hui l’Espagne a cessé d’être catholique. » Qu’importe ! Rome poursuit sa politique d’entente avec le gouvernement, comme elle a fait quelques années plus tôt au Mexique.

En 1934, ce sont les insurrections dans les ­Asturies, où triomphe la barbarie bolchevique. À Oviedo, des prêtres sont arrosés d’essence et brûlés vifs. Les lettres de nos bienheureuses carmélites sont pleines d’exhortation à la fidélité. Sœur Teresa écrit à ses parents : « Jamais nous ne serons si heureuses que si nous donnons notre vie pour la défense de la Religion et de l’Église. »

Sur la route de la Colline des Anges, les mystères douloureux de notre Rosaire seront introduits ce jour-là par le récit de la Passion de martyrs des milices communistes. Celle de Santiago Mosquera est l’honneur de l’Église d’Espagne. Il avait quinze ans. Enfermé dans l’église paroissiale de Villanueva de Alcardete transformée en prison, il fut attaché à une poutre :

« Blasphème !

 Jamais ! Même si vous me tuez ! »

Une gifle lui remplit la bouche de sang :

« Tu peux me battre encore, je ne blasphémerai pas. »

Une autre gifle... Ainsi attaché à la poutre pendant deux jours sans manger ni boire, le pauvre enfant gémit douloureusement.

« Si tu fais ce que nous te demandons, tu mangeras et on te laissera la vie. »

Le garçon ferme les yeux et ne répond pas.

« Ouvre les yeux ou je tire, dit un de ces monstres en lui appliquant son arme sur le ventre.

 Je ne veux pas vous voir.

 Tu ne veux pas nous voir ? Alors tu vas voir des étoiles. »

Et avec un fouet, il lacère son visage à plusieurs reprises.

Dans la nuit du 24 au 25 août, avec cinq autres prisonniers, ils sont emmenés au cimetière de ­Villanueva et sont fusillés. Mais Santiago n’est pas mort. Gravement blessé aux jambes, il ne bouge pas. Au lever du jour, il perçoit des pas, c’est le fossoyeur. L’enfant implore :

« Pitié, mon bon Monsieur, pitié ! »

De loin, des témoins ont assisté à la scène. Le fossoyeur veut encore faire blasphémer l’enfant. Il répond qu’il ne veut pas, que c’est un péché. À une nouvelle menace de mort, il répète encore : « Je préfère mourir que d’offenser Dieu. » Alors l’assassin saisit un piquet et le tue.

Le corps du petit martyr fut retrouvé après la guerre. Il tenait un chapelet dans la main gauche et son visage reflétait la grâce et la gloire de sa rencontre avec Dieu.

LE “ CERRO ”, LA COLLINE DES ANGES

Placé au centre géographique de l’Espagne, dans la commune de Getafe, et dominé par la statue du Sacré-Cœur visible depuis Madrid, cet ensemble monumental voulait aussi être le centre religieux d’une nation toute dévouée au règne de Jésus.

La Colline des Anges fête cette année le centenaire de son érection et l’acte de Consécration prononcé par le roi Alphonse XIII, le 30 mai 1919, réponse royale à la Grande Promesse du Sacré-Cœur au Bx Bernard de Hoyos, le 14 mai 1733 : « Je régnerai en Espagne, et j’y serai plus vénéré qu’en beaucoup d’autres pays. »

Le monument porte l’unique inscription qu’il portait déjà en 1919 : « Reino en España, Je règne en Espagne », alors que la Promesse transmise par le Père de Hoyos était au futur : « Reinaré en España ». C’était dire que la Grande Promesse s’accomplissait. Mais encore fallait-il la Croisade.

1923, LE DÉSAVEU DE PIE XI.

C’est dans cet esprit que le 19 novembre 1923, au temps de la guerre du Rif, lors d’une audience pontificale à Rome, Alphonse XIII, accompagné par le général Primo de Rivera, prononça une magnifique adresse au pape Pie XI, en se présentant comme l’héritier des Rois Catholiques et s’offrant à lui pour la défense de la foi :

« ... Si la Croix du Christ ne se dressait plus sur notre territoire national, l’Espagne cesserait d’être l’Espagne !

« La foi de mon peuple ne s’est pas refroidie et celle qui, depuis mon enfance, brûle dans mon cœur, fruit des enseignements maternels, n’a pas diminué. »

Après avoir rappelé la consécration nationale au Sacré-Cœur, il poursuivait :

« En demandant respectueusement votre bénédiction paternelle pour l’Espagne, ma famille et la vaillante armée [soutenue par le Maréchal] qui combat en Afrique pour la justice et la civilisation, nous vous promettons solennellement, si pour la défense de la foi persécutée vous décidiez, nouvel Urbain II, une Croisade contre les ennemis de notre sainte religion, l’Espagne et son Roi, à vos ordres, revendiquent l’honneur que leur assignent leurs glorieuses traditions pour le triomphe et la gloire de la Croix. »

Or le Pape, repoussant son offre de Croisade, lui adressa une véritable admonestation :

« Dans le grand et noble peuple espagnol, il existe aussi des fils malheureux, encore plus aimés de Nous, et qui refusent de s’approcher du Divin Cœur. Dites-leur que nous ne les excluons pas ; au contraire, nos pensées et notre amour vont à eux. »

LES PÈLERINAGES.

À la veille de la guerre civile, la Colline des Anges est devenue un véritable centre de pèlerinages pour les Espagnols. Ce développement est dû notamment à l’installation d’un carmel au pied du Sacré-Cœur en 1924. Mère Maravillas en devient la supérieure. Notre-Seigneur lui avait fait connaître son désir de voir une fondation dont les religieuses seraient comme les lampes de cet « autel principal de l’Espagne ». La haine communiste n’épargnerait pas cette marque éclatante de foi, de confiance et d’amour, elle en fit son premier objectif.

Le 28 juillet 1936, dans une mise en scène médiatisée, des miliciens républicains fusillent la statue du Sacré-Cœur et la dynamitent. La Colline des Anges devient la “ Colline rouge ”.

LA DESTRUCTION DU MONUMENT.

Le désir de réparation naît alors dans le cœur des pèlerins, ainsi l’Œuvre de prière et de pénitence qui organise chaque mois une veillée de prière au Monument.

Dès le début des combats, cinq jeunes membres de cette Œuvre tombent martyrs sur la Colline qu’ils étaient résolus à défendre jusqu’à la mort. Ce sont leurs restes glorieux que nous venions vénérer.

LA RECONSTRUCTION DU MONUMENT.

La Colline est libérée par la Légion au mois de novembre 1936. Mais le Monument au Sacré-Cœur n’existe plus. Les légionnaires récitent le chapelet à genoux dans les ruines en réparation.

Le Monument fut reconstruit dans l’esprit de 1919, mais la dévotion au Cœur Immaculé de Marie « à qui la paix a été confiée » y trouve une place d’honneur voulue par le Généralissime qui répétait souvent : « L’Espagne a une dette de reconnaissance envers la Vierge, pour sa protection maternelle pendant la guerre. » Lui-même a prononcé la consécration de l’Espagne au Cœur Immaculé de Marie au pied de Notre-Dame del Pilar le 12 octobre 1954.

Les groupes sculptés au pied du Sacré-Cœur sont également une volonté du général Franco de placer l’Espagne catholique sous la protection du Sacré-Cœur en exaltant son épopée missionnaire et sa défense de la foi à travers les siècles : la Reconquista, Lépante, la Cruzada y sont représentés par les noms les plus glorieux de l’Église et de l’armée.

Certainement, l’Espagne a retrouvé l’ordre grâce à la Croisade menée par Franco et l’a gardé grâce à sa politique de réconciliation nationale que notre Père admirait tant.

Avec Franco, c’est « la restauration d’une âme nationale », c’est « la recréation d’un peuple catholique », qui s’est accomplie, avec l’appui de l’Église. Le Concordat de 1953 l’a établie religion d’État. Alors, le Sacré-Cœur de Jésus régnait en Espagne, nation catholique enfin fidèle. Et l’emploi du présent de l’indicatif « Reino en España », peut-être présomptueux en 1919, était justifié !

Le pape Paul VI exigera la suppression dans la Constitution espagnole de « l’heureuse concertation » de l’Église et du gouvernement donnée par saint Pie X comme un idéal de Chrétienté.

LES VISITANDINES DE MADRID

Nous avions encore une station à faire cet après-midi de lundi, la Visitation de Madrid. C’était le 270e anniversaire de leur « sortie de France » comme elles disent, c’est-à-dire de la première fondation de la Visitation en Espagne, en 1749.

Elles fêtaient cet anniversaire par un Salut solennel qui était prévu pour 18 heures, l’heure même inscrite sur notre livret de pèlerinage ! Bénédiction du Saint-Sacrement, adoration silencieuse, puis vénération des reliques. Nous étions charmés par les chants des religieuses et nous nous sentions en famille, sachant le lien qui unit cette communauté madrilène et nos sœurs visitandines de Troyes qui priaient particulièrement pour nous ce jour-là.

Après les vêpres, l’aumônier nous demanda de chanter à notre tour, nous nous demandions pourquoi ! C’est que, elles-mêmes avaient préparé notre venue par une répétition ! il fallait donc que nous répondions dans la même langue !

La communauté compte trente sœurs et, le 19 mars, elles auront une profession, tandis que nos postulants auront reçu leur habit le dimanche précédent.

Les sept religieuses martyres appartenaient à ce monastère, qui comptait quatre-vingt-trois religieuses en 1936, ayant reçu des sœurs portugaises et mexicaines fuyant la révolution. La communauté dut à son tour s’exiler, une première fois en 1931, en Navarre catholique, puis une seconde fois en juin 1936, pour échapper à la persécution communiste. Sept sœurs furent alors désignées pour assurer la garde du monastère, nos martyres. Nous les connaissons par leurs noms et toutes mériteraient un chapitre, mais il faut choisir :

SŒUR MARIE-GABRIELLE.

Née en Andalousie, d’une famille de huit enfants, fut pensionnaire ici même, à la première Visitation de Madrid et c’est à Lourdes, à la Grotte, qu’elle entendit l’appel à la vie religieuse, à l’âge de quinze ans.

Elle s’était consacrée à la Sainte Vierge en 1905 :

« Je voudrais aujourd’hui épuiser tout mon amour et ma tendresse en vous louant, Vierge pure, et célébrer dignement vos gloires et votre beauté. Vous êtes Vous, Vierge Marie, Mère du Dieu fait homme et du mortel exilé, du pauvre délaissé, et pour lors ma Mère. Orpheline dans mon jeune âge, vous m’avez adoptée avec bonté, c’est à Vous que j’ai eu recours en toutes choses, et c’est Vous, tendre Mère, qui avez adouci mon abandon.

« Vous avez toujours été ma Mère, la reine de mes amours, l’objet de mes louanges, les ardeurs de mon âme, la joie de ma vie. Que pourrais-je vous donner ? Tout ce que j’avais, je vous l’ai offert, et cela depuis longtemps. Que pourrais-je vous donner ? Je pourrais vous aimer toujours davantage ! »

Élue supérieure en 1929, elle sera désignée pour être la prieure des sept sœurs qui resteront garder le monastère.

SŒUR THÉRÈSE-MARIE.

Elle naît le 30 juillet 1888, fille aînée d’une famille de quatorze enfants. Le jour de sa première communion, elle fait cette prière : « Jésus, concède-moi la grâce de ne jamais commettre un seul péché véniel. »

Quelque temps avant son martyre, son confesseur témoignera : « Je n’ai jamais trouvé en confession ni en dehors, une âme aussi pure, aussi sainte, avec une conscience aussi claire. Elle possédait le regard des grands saints pour voir les plus petites fautes que n’importe qui d’autre n’apercevrait pas... »

En attendant l’heure du martyre, elle s’y prépare, comme sa « chère petite sainte Thérèse », par une vie de sacrifices : « Parfois le sang du cœur tombe goutte à goutte et c’est là un bon martyre à offrir au Cœur Divin, tant que nous ne serons pas dignes d’un autre martyre. J’en suis sûre, Notre-Seigneur nous donnerait sa grâce s’il nous offrait l’occasion de lui offrir notre vie. Et, y a-t-il quelque chose de plus désirable ? Non, n’est-ce pas ? Mais ce serait trop pour une pauvre pécheresse comme moi, et c’est pour cela que nous accepterons que le sang de notre cœur tombe goutte à goutte par de petits sacrifices jour après jour. »

SŒUR MARIE-CÉCILE.

Elle faisait partie des “ Marie des Tabernacles ” de Mgr Manuel Gonzalez Garcia, comme beaucoup de religieuses martyres. Elle entre en 1930 à la Visitation où son abnégation et son caractère serviable lui gagnent dès son arrivée le cœur de toutes les sœurs.

Lorsque surviennent les événements de 1931, elle est encore postulante. La maîtresse des novices se rend compte qu’elle a peur :

« Veux-tu retourner chez toi ?

 Non, non, ma sœur, avant, couper tête », répond-elle sur un ton enjoué dans son pauvre castillan qu’elle commence seulement à parler, étant née au pays basque, à Azpeitia !

Le 27 septembre 1935, elle prononce ses vœux solennels, entourée par ses parents et ses sœurs. Sa mère lui demande : « Qu’est-ce qui te coûte le plus au monastère ? – Marcher doucement ! » Sa sœur Jeannette, qui entrera chez les clarisses, se souvient qu’elle rayonnait de joie.

Quelques jours avant leur martyre, sœur Marie- Cécile écrivait : « Nous attendons la palme du martyre. Et si notre sang versé peut mériter le salut de l’Espagne, Seigneur, faites que ce soit le plus tôt possible ! Oui, si par notre sang l’Espagne pouvait être sauvée ! »

LE MARTYRE.

Le 15 juin 1936, les sept sœurs se retrouvent donc à Madrid, d’abord un mois au monastère puis, à partir du 13 juillet, dans un sous-sol proche où elles essaient de garder une vie régulière, de travail et d’oraison. Elles y resteront jusqu’au 18 novembre, quatre mois dans l’incertitude quotidienne d’une dénonciation.

Le 18 novembre vers 19 heures, les miliciens emmènent les sœurs. En montant dans le camion, elles font leur signe de croix, sous les huées et les moqueries. Le camion part et s’arrête dans un terrain vague. Au fur et à mesure que les sœurs descendent, elles sont criblées de balles. Sœur Marie-Cécile sentant tomber la sœur à qui elle donnait la main s’échappa sans réflexion, fut arrêtée dans une rue de Madrid et confessa qu’elle était religieuse. Elle a été fusillée cinq jours plus tard, le 23 novembre. C’est sa Croix de profession, brisée par une balle et laissée au tribunal du Pont de Vallescas avec son rosaire, qui a permis de retrouver son corps. Elle repose au Valle de los Caídos avec deux de ses sœurs martyres jetées avec elle dans une fosse commune.

Nous partîmes chargés d’images et de reliques, mais le cœur comblé par la découverte de vraies sœurs d’esprit et de cœur, et nous arrivâmes au Valle de los Caídos à la nuit tombée. Mais quelle journée !

LE VALLE DE LOS CAÍDOS

UNE ŒUVRE DE RECONCILIATION NATIONALE AU PIED DE LA CROIX.

En 1938, avant même la fin de la Croisade, le général Francisco Franco Bahamonde, comprenait l’urgence d’une œuvre de réconciliation. En effet, au-delà de la participation des grandes puissances mondiales dans le camp communiste et nationaliste, cette guerre était le fruit de l’aveuglement politique de la monarchie libérale. Le régime parlementaire avait, entre autres, favorisé l’antagonisme des classes sociales. D’un côté les bourgeois aux idées libérales, proches de la franc-maçonnerie, et de l’autre une classe prolétaire pauvre et ignorante, où les erreurs de la Russie faisaient des ravages. Il fallait donc d’abord travailler à la réconciliation.

C´est en 1940, au cours d’une promenade à cheval, en compagnie du général Moscardó, le héros de l’Alcazar, que Franco s’arrêta devant le rocher de la future basilique. « Un jour viendra, où des milliers d’Espagnols monteront jusqu’ici... », dira-t-il à ­Moscardó. Cela s’est avéré, et s’avère encore aujourd’hui malgré les persécutions du gouvernement. L’année même, les travaux commencèrent.

... LA CROIX.

Pendant dix ans, le travail consista à percer le tunnel de la Basilique. Le remblai permit de créer la grande esplanade qui accueille les pèlerins.

La Croix fut construite entre les années 1950-1953. Elle s’élève à trois cents mètres. Une grande Croix sur une montagne escarpée. Ce n’est pas seulement une grande Croix, mais une descente de Croix. En effet, au-dessus du portail d’entrée de la Basilique se trouve une piéta. Le jeu des perspectives permet que le Christ soit contemplé du même regard que la grande Croix d’où il a été descendu. Ainsi, la Sainte Vierge se trouve-t-elle au centre de cette œuvre de réconciliation.

Et tout cela a été conçu et mis en œuvre par le général Franco. La construction elle-même est une œuvre de réconciliation puisque à ces travaux participèrent, aux côtés des ouvriers libres, un pourcentage significatif de prisonniers bénéficiant d’un régime de remise de peine. Ils percevaient un salaire égal à celui des travailleurs libres ainsi que de nombreux avantages. Après avoir purgé leur peine, certains d’entre eux continuèrent même à travailler sur le chantier en tant qu’ouvriers libres.

LA BASILIQUE.

La Basilique est d’abord le lieu de sépulture des morts de la guerre, avec plus de 33 700 corps provenant de toute l’Espagne. La seule condition posée pour être enterré ici était d’être baptisé et espagnol. Comme la majorité des républicains étaient baptisés, les membres des deux camps sont confondus.

À l’aplomb de l’immense Croix, l’autel est surmonté d’un grand crucifix dont le corpus fut sculpté par un républicain converti et le tronc de bois brut taillé par Franco lui-même.

La messe est dite tous les jours pour le salut de l’âme de ceux qui sont morts à la guerre et pour la réconciliation de l’Espagne.

Chaque fois que le prêtre achève de prononcer les paroles, ceci est mon Corps livré pour vous, toutes les lumières de la Basilique s’éteignent, seuls demeurent illuminés l’autel et la Croix.

LES TOMBES DE FRANCO ET DE PRIMO DE RIVERA.

Entre le chœur et le presbyterium se trouve une simple pierre en granit portant gravée une croix et le nom du défunt. Quelqu’un qui ne connaîtrait rien aux affaires de l’Espagne, serait surpris d’apprendre que Francisco Franco est l’ancien chef de l’État, fondateur de la Basilique, vainqueur du communisme, restaurateur de la monarchie catholique traditionnelle. Il serait plus étonné encore en apprenant que le gouvernement socialiste veut à tout prix que son “ mausolée ” soit détruit, et son corps envoyé dans un cimetière de village. Cependant c’est là qu’il attend la résurrection des morts, par ordre du roi Juan Carlos I.

Nous nous sommes réunis autour de sa tombe pour la lecture de son testament et une très émouvante sonnerie aux morts.

« Au moment où arrive pour moi l’heure de rendre ma vie au Très-Haut et de comparaître devant son Jugement sans appel, je demande à Dieu de m’accueillir avec bonté en sa Présence, car j’ai voulu vivre et mourir en catholique. Mon honneur est dans le Nom du Christ, et ma volonté a été constamment d’être un fils fidèle de l’Église, dans le sein de laquelle je vais mourir.

« Je demande pardon à tous, comme je pardonne de tout cœur à tous ceux qui se déclarèrent mes ennemis, sans que je les tinsse pour tels. Je crois et je désire ne pas en avoir eu d’autres que ceux qui le furent de l’Espagne, Patrie que j’aime et que j’ai promis de servir jusqu’à mon dernier souffle.

« Je veux remercier tous ceux qui ont collaboré avec enthousiasme, désintéressement et abnégation à la grande entreprise de faire une Espagne unie, grande et libre...

« N’oubliez pas que les ennemis de l’Espagne et de la civilisation chrétienne sont en alerte. Veillez, vous aussi, et dans ce but abandonnez toute ambition personnelle, ne regardant que les suprêmes intérêts de la Patrie et du peuple espagnol...

« Je voudrais, à mon dernier moment, unir les noms de Dieu et de l’Espagne, et vous embrasser tous, pour que nous criions ensemble, une fois encore, au seuil de la mort :

« ¡Arriba España ! ¡Viva España ! »

En vis-à-vis se trouve la sépulture de José Antonio Primo de Rivera, fondateur de la phalange espagnole, fusillé le 20 novembre 1936 en souhaitant la réconciliation de l’Espagne. Son œuvre avait pour but de fonder un mouvement social soucieux de rendre justice aux ouvriers, selon le vœu de Franco lui-même qui ordonna qu’il ait une place d’honneur dans la Basilique.

LA COUPOLE.

Le presbyterium est couronné par une coupole figurant la communion des saints. Au centre, Jésus et Marie qui attirent les âmes à eux. À droite et à gauche de Notre-Seigneur, saint Paul et saint Jacques précèdent les grands saints espagnols, confesseurs et martyrs. Du côté de la Sainte Vierge, à droite et à gauche, se trouvent les militaires et les civils morts à la guerre.

On distingue bien les martyrs, ceux qui montent vers le Ciel d’un seul élan et ceux qui s’agrippent à une grande ancre, les mérites des saints. En effet, tous les morts de la guerre ne sont pas des saints, loin de là, et ils ont grand besoin d’intercesseurs. C’est par le sang des martyrs répandu sur ceux qui s’approchent de Dieu que leur est ouverte l’espérance du Ciel. C’est une préfiguration du troisième Secret de Fatima.

UN COMBAT DÉCISIF DU DÉMON AVEC LA VIERGE.

Notre Père a immensément admiré cette œuvre de miséricorde et de réconciliation. Il disait : « Rares en notre siècle se sont manifestés les chefs d’État de si grand mérite, peut-être même les âmes d’une si éclatante et pleine vertu. » Mais ni le parti socialiste ni le pape François ne veulent cette réconciliation, le Pape qui ordonne l’obéissance au gouvernement.

Nous avons rencontré là-bas des amis pris dans la tourmente du « combat décisif du démon avec la Vierge » mais confiants dans le Cœur de Jésus et le Cœur Immaculé de Marie.

Nous parvient aujourd’hui la nouvelle que le ­président Vladimir Poutine est intervenu pour dire qu’il ne fallait pas déplacer les restes de Franco, « pas plus que nous n’avons voulu détruire le mau­solée de Lénine, pour ne pas raviver les divisions dans le peuple russe ». Comment ne pas voir dans ce geste l’inspiration du Cœur Immaculé de Marie qui aime le peuple russe. « Je sais que le peuple russe est grand, généreux, cultivé, capable de marcher sur les chemins de la justice, de la vérité, du bien... » (Lettre de sœur Lucie au Père Aparicio, 1948)

ALBA DE TORMES

Mercredi, malgré une journée de 25 heures, nous ne pûmes nous arrêter à Avila et c’est peut-être là que nous reprendrons le chemin des pèlerins en 2020 si Dieu le veut ! Mais nous nous sommes arrêtés à Alba de Tormes, au pied du reliquaire de sainte Thérèse d’Avila.

Frère Benoît nous rappela que c’est à Alba de Tormes que mère Marie du Divin Cœur, sur la route d’Angers, reçut la grâce insigne d’une nouvelle alliance et d’une nouvelle mission, le 31 janvier 1896 :

« Notre Divin Sauveur me dit à peu près ceci : “ Le temps du désir pressant des souffrances et des sacrifices est passé. Je veux maintenant que tu t’abandonnes à moi entièrement et paisiblement. Tu dois désormais entrer dans un commerce d’amour plus intime avec moi et faire un pas en avant dans le sanctuaire de la chambre nuptiale. Je ne réclame plus les sacrifices violents de l’excès de travail. Je t’accorderai davantage de temps et de tranquillité pour ce commerce et je te donnerai de poursuivre ce voyage dans le calme et la paix. L’unique condition que je mets à la conclusion de cette alliance, à l’établissement de ce commerce plus intime, c’est que tu tiennes ton cœur détaché de tout ce qui est terrestre et que tu renonces aux appuis humains. ”

« Il me donna sainte Thérèse, sainte Gertrude et sainte Catherine de Sienne pour modèles particuliers, pour patronnes et pour compagnes. »

Sainte Gertrude qui propagea dès le treizième siècle le culte amoureux du Sacré-Cœur, prédisant son rayonnement de gloire dans les derniers temps et Le priant pour « l’extinction de ces exécrables hérésies, et le retour à la vraie foi des cœurs endurcis des hérétiques ». Sainte Thérèse d’Avila, dans son œuvre de réforme du Carmel, qui se sacrifia pour ceux qui défendaient l’Église au plus fort de la lutte contre le protestantisme. Enfin, sainte Catherine de Sienne qui aida à la réforme du clergé et exhorta le Pape à retourner à Rome et prêcher la Croisade. C’est tout l’esprit et le but de notre Contre-Réforme Catholique.

Dans ce véritable renouvellement d’alliance, prélude à la grande mission qu’il allait lui confier, Il lui annonça également qu’elle ne pourrait bientôt plus marcher. Dès lors, mère Marie du Divin Cœur allait partager avec ces trois saintes la grâce singulière de concilier dans une immolation totale une vie d’oraison très ardente avec un service intrépide de l’Église, la demande au Saint-Père de la consécration du monde au Sacré-Cœur.

Et lorsque notre Père recevra une grâce semblable, en 1993, « un commerce d’amour plus intime avec moi... un cœur détaché de tout ce qui est terrestre et sans appuis humains », grâce d’anéantissement mais de force, pour le même service intrépide de l’Église, afin d’obtenir du Pape la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie, il comprit que la Sainte Vierge renouvelait pour lui la grâce d’Alba de Tormes.

L’APPEL AU SOUVERAIN PONTIFE

Quant à nous, tellement heureux de séjourner aux pieds des martyrs et comblés, ne serait-ce que par les miettes tombées de leur table, par la pureté de leurs âmes, l’incandescence de leur foi, leur fidélité jusqu’à la mort à laquelle ils nous entraînent, l’arrivée à Fatima le mardi soir nous parut un retour sur le champ de bataille incertain du « combat décisif du démon avec la Vierge », tellement bien décrit par sœur Lucie.

« Mon Père, disait-elle au vice-postulateur de la cause de béatification de François et Jacinthe le 26 décembre 1957, la très Sainte Vierge est bien triste car personne ne fait cas du message, ni les bons, ni les mauvais. Les bons continuent leur chemin, mais sans faire cas du message, les mauvais continuent leur vie de péché sans se soucier du message. »

Le martyre de sœur Lucie fut de se voir constamment fermer la porte du pape qui, de pontificat en pontificat, ne fait lui-même aucun cas du message et cela depuis 1929 où Notre-Seigneur « m’avertit que le moment était venu où il voulait que je fasse connaître à la Sainte Église son désir de la consécration de la Russie et sa promesse de la convertir. »

LORSQUE TOUT AURA ÉCHOUÉ, C’EST ALORS QU’ON VERRA LE MIRACLE.

Ce qui a clairement échoué depuis un siècle, ce sont les appels successifs des meilleurs défenseurs de la foi au Souverain Pontife, Mgr Freppel en 1892, mère Marie du Divin Cœur en 1898, sœur Lucie obstinément, les cardinaux Slipyi et Mindzenty, et notre Père depuis octobre 1967, tandis que les papes recevaient avec faveur les ambassadeurs de tous les pays soulevés par la révolution bolchevique, le Mexique, le Portugal, la France et les chefs de toutes les rébellions coloniales.

Sœur Lucie écrit au Père Gonçalves le 18 mai 1936 :

« S’il convient d’insister pour obtenir la consécration de la Russie ?... D’une manière intime, j’ai parlé à Notre-Seigneur de ce sujet et il y a peu de temps, je lui demandais pourquoi il ne convertirait pas la Russie sans que Sa Sainteté fasse cette consécration :

«  Parce que, dit Notre-Seigneur, je veux que toute mon Église reconnaisse cette consécration comme un triomphe du Cœur Immaculé de Marie, afin d’étendre ensuite son culte et placer, à côté de la dévotion à mon Divin Cœur, la dévotion à ce Cœur Immaculé.

 Mais, mon Dieu, dis-je, le Saint-Père ne me croira pas, si vous ne le mouvez vous-même par une inspiration spéciale.

– “ Le Saint-Père ! Priez beaucoup pour le Saint-Père. Il le fera, mais ce sera tard. Cependant le Cœur Immaculé de Marie sauvera la Russie, elle lui est confiée. ’’ » Ce fut l’intention majeure de notre pèlerinage, mais accompli d’abord pour notre bien-aimé frère Bruno.

Sœur Lucie écrivait de nouveau au Père Gonçalves le 21 janvier 1940 :

« J’ai beaucoup de peine de ce que, malgré la motion du Saint-Esprit, on ait laissé passer l’occasion de faire la consécration de la Russie. Notre-Seigneur s’en plaint aussi. En considération de cet acte, il aurait apaisé sa justice et épargné au monde le fléau de la guerre que, depuis l’Espagne, la Russie suscite parmi les nations. Dieu est si bon qu’il est toujours disposé à user de miséricorde envers nous, c’est donc sa volonté que soit renouvelée la demande auprès du Saint-Siège.

« Si cet acte par lequel nous sera accordée la paix n’intervient pas, la guerre cessera seulement lorsque le sang répandu par les martyrs sera suffisant pour apaiser la divine justice. »

Le miracle promis ne serait-il donc pas le triomphe du Cœur Immaculé de Marie sur le cœur du Saint-Père pour qu’enfin il adopte la politique que lui dicte le Bon Dieu, et qui commence par cet acte de consécration au Cœur Immaculé de Marie, victoire de la foi, et toute notre espérance ? Mais le miracle demande de notre part prière et pénitence, et confiance dans les mérites de nos chers martyrs, “ l’ancre ” de notre Phalange.

frère Gérard de la Vierge.