3 SEPTEMBRE 2017

L’humiliation de saint Pierre

NOUS avons vu dimanche dernier comment Notre Seigneur a consacré saint Pierre chef de son Église et il en sera de même pour tous ses successeurs. Le Pape est bien le représentant de Jésus-Christ sur la terre, le chef visible de l’Église. C’était le côté fort du personnage de saint Pierre. Mais dans ce même chapitre 16e de saint Matthieu, nous allons voir son côté faible ou son humiliation lorsqu’il refuse d’entrer dans les vues de son divin Maître en n’écoutant que sa prudence humaine.

Il faut bien comprendre que tout ce qui est arrivé à saint Pierre dans l’Évangile, était prémonitoire. Si les Évangélistes, inspirés par l’Esprit-Saint, nous ont raconté ces remarques, ces paroles, ces attitudes de saint Pierre, c’est parce que, précisément, elles auraient valeur de signe éternel, elles resteraient un enseignement pour tous les siècles et un avertissement à tous les papes jusqu’à la fin du monde.

Pierre avait dit à Jésus : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. » Notre-Seigneur profite de cette foi des Apôtres en lui comme le Saint de Dieu, comme le Messie Fils de Dieu, pour leur révéler ce qui va se passer.

Ce qui va se passer sera effrayant : il va être rejeté de cette génération, insulté, méprisé et crucifié, c’est-à-dire maudit. Car la Loi dit que celui qui meurt sur le bois est maudit. Donc, c’est une malédiction qui va tomber sur lui. Il le leur explique a priori pour qu’ils ne soient pas scandalisés : « Le Fils de l’homme va aller à Jérusalem pour y être maltraité, condamné, livré aux païens et crucifié, mais le troisième jour, il ressuscitera. »

Et Pierre, impulsif, n’écoutant que sa prudence humaine, n’écoutant que ses passions mondaines : « Seigneur, mais tu es fou ! Surtout pas ça ! Jamais de la vie ! » Et Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! Dégage ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes. Laisse-moi passer ! »

Ainsi, dans le même chapitre, nous avons le « Tu es Petrus » qui est chanté solennellement à Rome pour le couronnement des Papes. Et un peu plus loin : « Vade retro Satana » ! pour le même homme ! Le Satan, dans saint Pierre, c’est l’homme présomptueux et charnel, c’est l’homme qui raisonne selon le monde, qui cherche à plaire au monde, qui va à l’ONU pour dire ce que l’ONU lui a demandé de dire. C’est le Pierre mondain et présomptueux.

Quand Jésus va être livré aux païens, va être persécuté, Pierre dit : « J’irai, je mourrai avec toi ! » Jésus hausse les épaules et lui dit : « Tu mourras pour moi ? Avant demain matin, que le coq chante deux fois, trois heures du matin, tu m’auras déjà trahi trois fois. » Voilà l’homme !

Il est le représentant du Christ sur la terre le plus grand homme du monde, c’est lui qui a les clés du Royaume des cieux pour ouvrir ou fermer, celui qui nous donnera le salut ou bien qui fera notre perdition. Mais c’est aussi le même homme qui est accessible aux raisonnements les plus humains et aux prudences les plus humaines et qui s’effondre au moment où on aurait besoin de lui. Car Pierre a abandonné Jésus dans sa Passion !

Et pourtant, Jésus lui a dit : « Quand tu seras revenu, confirme tes frères. » Donc, il ne faut dire : d’un côté, il y a le grand homme, et de l’autre le traître, le lâche. Non, cela ne fait qu’un seul homme, et le Christ a prié pour lui, afin que sa foi ne défaille pas et que, à travers ses abandons de cœur, à travers ses lâchetés d’homme, sa foi divine subsiste et soit la pierre angulaire sur laquelle est construite l’Église.

D’où ma conclusion : Ayant pénétré dans l’âme de Pierre et de ses successeurs, il y a le même mélange de divin et d’humain. Le Pape comme saint Pierre n’est pas un Dieu sur la terre mais un homme qui a des prérogatives divines et en même temps des faiblesses humaines.

Voilà le fondement de notre assurance aujourd’hui. Car si nous sommes amenés à critiquer le Pape, ce n’est pas dans la part divine de lui-même, qui est, grâce à l’Église, bien délimitée quand il parle ex cathedra. Mais lorsqu’il fait son œuvre de Pierre en cédant à la prudence humaine, il ne fait rien de durable et tout s’écroule de ce qu’il fait. Nous le déplorons et nous lui demandons de revenir, afin de nous confirmer dans la foi.

Comme le Christ lui a promis que sa foi ne défaillirait pas ; parce que Jésus a prié pour Pierre et ses successeurs qui ne font qu’un ; parce que Jésus a dit qu’il serait avec eux jusqu’à la fin du monde. Même s’il faut attendre des années dans la détresse où nous sommes de voir l’Église à moitié en ruines, nous conserverions la foi parce qu’il est écrit : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. »

« Il nous faut beaucoup prier pour le Saint-Père... »

Abbé Georges de Nantes
Extraits du sermon du 1er octobre 1979