3 FÉVRIER 2019

L’éloge de la Charité

L’HYMNE à la Charité dans le chapitre 13 de la première Épître aux Corinthiens montre que saint Paul Vient de constater chez les Corinthiens qu’il se passe toutes sortes de prodiges que l’on appelle les charismes. Le Saint-Esprit se manifeste dans la communauté dès qu’ils sont réunis, par des prophéties, par des parlers en langues, par des interprétations du parler en langues, par des guérisons.

Saint Paul Va redresser tout cela en leur disant : C’est très beau, mais il n’y a pas besoin d’en faire toute une histoire et y mettre de la vanité, de l’orgueil et peut-être que cela va les diviser.

Aspirez aux dons supérieurs, je vais encore vous montrer une voie qui les dépasse toutes.

Saint Jean de la Croix dira : peu importent toutes les révélations, les visions, la foi seule compte. La perfection de la vie mystique, c’est de vivre dans la foi. D’autres diront : l’espérance seule compte, l’oubli des choses de la terre pour le désir des choses du Ciel.

Saint Paul dit : Il y a une voie plus parfaite, la plus parfaite, c’est la Charité. Saint François de Sales, dans son Traité de l’Amour de Dieu, dit qu’il y a trois sortes d’extases, où l’homme est au-dessus de lui-même :

– l’extase de la foi ou de l’intelligence qui est une vision des choses divines ; c’est un grand don qui peut laisser froid.

– l’extase de l’amour qui est tout à fait splendide, c’est la brûlure de l’amour de Dieu, mais cela peut faire illusion.

– L’extase des œuvres qui consiste à se dépenser pour la charité fraternelle. Là, dit-il, il n’y a pas de tromperie, et c’est parfait. Saint Paul dit que cette voie qu’il va enseigner aux Corinthiens, dépasse toutes les autres et c’est la charité. Hymne à la charité, attention, non pas la charité comme amour de Dieu, mais comme amour du prochain.

Saint Paul énumère toutes ces charités qui ne sont pas la vraie charité. Après une telle introduction, on s’attend à une définition de la Charité, mais il préfère nous en donner une description : La charité est longanime, elle dure longtemps ; la charité est serviable, elle met l’homme au service du prochain ; elle n’est pas envieuse, quand les hommes sont heureux, qu’il leur arrive de bonnes choses, on est content ; la charité ne fanfaronne pas, elle ne se rengorge pas. Elle ne fait rien d’inconvenant, c’est-à-dire qui blesse le prochain, qui est désagréable au prochain ; il y a même des assiduités à rendre service qui sont inconvenantes, qui ne conviennent pas.

Le prochain se demande : mais enfin, à force de subvenir à mes besoins, de m’entourer, cette personne me rend esclave de sa charité. Je ne suis plus libre. Elle ne cherche pas son intérêt, elle ne s’irrite pas, elle ne tient pas compte du mal. C’est très difficile cela. Je veux bien aimer telle personne à condition qu’elle soit gentille avec moi au moins. Elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout, c’est-à-dire qu’elle n’est jamais déçue, jamais déçue par le prochain, toujours à voir le bon côté des choses, à espérer que ce sera le bien qui l’emportera, toujours à accroître cette amitié, à accroître ce dévouement, à le faire plus délicat, le faire plus renoncé à soi-même.

C’était la description. Maintenant, voyons le résultat. Regardez cette belle personne qui a la vraie charité, la vraie bonté, le véritable amour ou affection ou tendresse ou amitié pour son prochain, inconditionnelle, inlassable, infatigable, vous voyez une personne qui exerce déjà ici-bas la vie, le bonheur, l’activité qu’elle aura dans le Ciel. Elle aimera dans le Ciel comme vous la voyez aimer sur la terre ; tout le reste changera, mais la charité, non. Vous êtes avec une personne tellement gentille, tellement délicate, tellement attentive, si agréable, si discrète, en même temps si serviable, vous vous dites : là, c’est comme au Ciel. Au Ciel, on sera ainsi. La charité, en effet, dit saint Paul ne finira jamais.

Aujourd’hui, c’est beau de faire des études de théologie, des conférences, parce que nous ne reconnaissons pas Dieu mais quand nous serons au Ciel, ce sera fini. Nous n’aurons plus besoin de théologie, plus besoin de professeurs ni de conférences.

Aujourd’hui, je connais d’une manière imparfaite, mais alors, je connaîtrai comme je suis connu.

Cette phrase est prodigieuse. Il faut déjà beaucoup d’expérience pour se rendre compte de ce que peut être le face à Face avec le Christ, avec Dieu ; mais ce qui est aussi délicat à comprendre, c’est le bonheur de connaître comme déjà nous sommes connus ; nous connaîtrons Dieu comme déjà lui nous connaît, c’est-à-dire totalement, parfaitement, avec bonté, avec amour. Ce sera une connaissance mutuelle. La Foi sera donc dépassée, mais cette connaissance mutuelle sera l’Amour, ce sera la forme la plus parfaite de la Charité avec Dieu et entre nous.

Recherchez bien sûr la Foi, l’Espérance, mais recherchez plus que tout l’amour fraternel qui nous conduira à l’Amour de Dieu.

Abbé Georges de Nantes
Extraits du Sermon du 25 février 1990