1er JANVIER 2019

Vœux de notre Père...
toujours actuels, pour la nouvelle année

EN ce 1er janvier, il nous est doux de nous adresser mutuellement des vœux pour l’année qui vient. Mais en nos temps d’apostasie, est-il encore possible de nous souhaiter joyeusement des vœux de bonne santé, des vœux de bonne et sainte année, et de regarder l’avenir avec sérénité et confiance ?

La leçon générale que nous donnent les saints, c’est la sérénité, l’espérance, la confiance et même la joie dans les difficultés, même les plus angoissantes, les tourments les plus accablants. Quand nous relisons la vie des saints, nous apprenons qu’il y a eu la peste ou une grande famine dans le pays, ou bien que cette année-là, le pays a été ravagé par des tremblements de terre, que les ennemis ont brûlé les églises, pillé les monastères... Tout cela, c’est écrit noir sur blanc dans des livres qui, de toute manière, se terminent bien ; et le saint est passé à travers tout cela indemne ou bien il y est mort, ce fut pour lui l’occasion d’aller au Ciel. Nous lisons cela et nous ne remarquons pas la leçon suivante : ces événements ont été très pénibles à supporter et encore plus difficiles à voir venir sans perdre son calme et sa paix. Très probablement, il y a bien des gens qui, à ce moment-là, étaient complètement affolés ! Il y en a peut-être même qui se sont suicidés par peur de ce qui allait venir !

Donc, les événements sont souvent tragiques et affolants pour les hommes sans foi. Les saints, eux, passent à travers parce que ce n’est pas cela qui les préoccupe. Pour ce qui est des choses temporelles, ils ont une confiance éperdue en Dieu. Ils savent que, dans les cataclysmes et les châtiments, le chrétien doit plutôt relever la tête vers Notre-Seigneur avec joie et confiance, comme l’Évangile nous l’enseigne.

Pourquoi ferions-nous différemment ? Mais, pour donner à mes vœux un thème plus ferme et plus précis, en même temps que plus religieux, je vous dirai tout simplement ce que je suis en train de lire un écrivain russe de la fin du XIXe siècle, Soloviev, qui était disciple et ami de Dostoïevski, mais qui avait beaucoup plus de génie que lui et tout orthodoxe qu’il soit, est très profondément catholique.

Ce Soloviev avait discerné en Tolstoï, grand ennemi de l’humanité, celui qui se parerait des dépouilles du Christ et proposerait la suprême falsification du bien. Soloviev qui était plein du véritable christianisme voyait que Tolstoï rêvait de bâtir un monde qui ne serait plus le monde de la division, mais le monde de l’union. Il voyait en lui l’homme qui écartait la division, écartait les guerres, voulait la non-résistance au mal, l’union de tous les hommes dans le rassasiement spirituel et matériel. Ainsi, il voyait dans Tolstoï l’homme qui allait vider notre civilisation occidentale de toute sa substance, la vidant de toute sa foi au Christ. Tolstoï, peu à peu, ferait de nos pays des pays de vieillards sans réaction, incapables de défendre ni leur terre, ni leur maison, ni leur honneur, ni leur foi !

En décembre 1899, Soloviev disait que l’Antéchrist allait paraître, Tolstoï, lui ayant préparé le chemin et tous les pays le suivraient, se laisseraient aller à l’esclavage, plutôt que de résister au mal !

Cela me fait penser à la parole de sainte Bernadette lorsqu’elle était à Nevers, en 1870-1871, et qu’on lui demandait si elle craignait les Prussiens : « Non, je ne crains pas les Prussiens, je ne crains que les mauvais catholiques. »

C’est assez dire que nous sommes aujourd’hui en face d’un redoutable instrument du démon qui est devenu maître de l’Occident : l’esprit de Tolstoï qui a été aussi l’esprit de Marc Sangnier, l’esprit de la démocratie chrétienne, que justement à la même époque condamnait saint Pie X. Esprit de paix, de liberté, de bonheur terrestre, de fraternité qui a été aussi l’esprit de Paul VI prêchant la civilisation de l’amour, la réconciliation universelle, l’union de toutes les religions pour faire le bonheur du monde !

Nous sommes menacés de nous laisser séduire par cette civilisation nouvelle dont nous risquons d’être les victimes. Au christianisme vrai, qui est une foi au Christ Sauveur, ressuscité et qui était la foi de Soloviev, on veut nous substituer un christianisme vague où le Christ n’est plus qu’un mythe qui n’est ni Fils de Dieu ni ressuscité, comme déjà l’enseignait Tolstoï au début de ce siècle. Avec un pareil christianisme, c’est l’homme qui se fait Dieu et non plus le culte du Dieu qui s’est fait homme. Ce n’est plus la recherche de notre salut surnaturel, mais la recherche du salut terrestre, du bien-être terrestre, la recherche de nous-mêmes.

Mettant en scène cet Antéchrist, Soloviev disait que le caractère le plus profond de cet être serait un homme qui trouve tout son bonheur en lui-même et n’a donc plus besoin du Christ.

Demandons-nous si nous ne sommes pas en train de glisser sur cette pente, auquel cas il faudrait que nous considérions ce Nouvel An comme l’année de notre espérance de notre conversion au Christ pour nous-mêmes et pour ceux qui nous sont proches, beaucoup plus que l’année de crainte des châtiments ou des cataclysmes qui peuvent survenir.

Si j’étais bien fidèle à l’esprit de Soloviev, je vous dirais en terminant : je vous souhaite, au cours de cette année, non pas d’être épargnés des malheurs qui peuvent survenir, mais tout simplement de conserver la foi en Jésus-Christ, Fils de Dieu, ressuscité, notre Sauveur !

Abbé Georges de Nantes
Extraits du sermon du 1er janvier 1983