JACINTHE DE FATIMA 
victime réparatrice pour les pécheurs

JACINTHE, née le 10 mars 1910, était d'un tempérament et d'un caractère très différents de François. Très douce dans sa tendre enfance, elle devint en grandissant parfois capricieuse et boudeuse, car elle était vive et passionnée en tout, expansive et d'un caractère enthousiaste. Mais ce n'était là que l'envers d'un caractère riche et enthousiaste. Extrêmement docile à la grâce baptismale, Jacinthe était un cœur extrêmement pur, capable d'immenses affections. Tandis que François s'efforce d'être le consolateur des saints Cœurs de Jésus et de Marie, Jacinthe veut être leur coopératrice.

LA HANTISE DU SALUT DES ÂMES

Jacinthe et Lucie de Fatima
Jacinthe et Lucie

« Jacinthe, écrit Lucie, prit tellement à cœur les sacrifices pour la conversion des pécheurs qu'elle ne laissait passer aucune occasion. Il y avait quelques enfants, fils de deux familles de Moita qui passaient de porte en porte à mendier. Nous les rencontrâmes un jour, alors que nous allions avec notre troupeau. En les voyant, Jacinthe nous dit : “ Donnons notre repas à ces pauvres enfants pour la conversion des pécheurs !” Elle courut le leur porter. » (…)

« Jacinthe, raconte encore Lucie, avait pour la danse une affection toute spéciale et beaucoup de grâce. Je me souviens qu'un jour elle pleurait à cause de son frère qui était à la guerre et que l'on croyait mort sur le champ de bataille. Afin de la distraire, je préparai un petit bal avec deux de ses frères, et la pauvre enfant dansait tout en essuyant les larmes qui lui coulaient sur la figure. Malgré cet amour particulier qu'elle avait pour la danse (il lui suffisait d'entendre les instruments des pasteurs pour commencer à danser, même toute seule), à l'approche de la Saint-Jean et du Carnaval (de 1918), elle me dit : – Maintenant je ne danserai plus. – Pourquoi ? – Parce que je veux offrir ce sacrifice à Notre-Seigneur. « Comme nous étions à la tête des jeux qui se faisaient parmi les enfants, les danses qui avaient lieu à ces occasions cessèrent. » (…)

Elle avait toujours cette pensée, qui lui était devenue habituelle, de souffrir pour les pécheurs, en réparant à leur place, en se substituant à eux pour leur obtenir le pardon et la grâce de la conversion. « Lorsque, par mortification, elle ne voulait pas manger, je lui disais : – Jacinthe, allons, mange maintenant. – Non, j'offre ce sacrifice pour les pécheurs qui mangent trop. « Quand, déjà malade, elle allait à la messe un jour de semaine, je lui disais : – Jacinthe, ne viens pas, tu n'en as pas la force ; aujourd'hui, ce n'est pas dimanche. – Peu importe, j'y vais pour les pécheurs qui n'y vont même pas le dimanche. « S'il lui arrivait d'entendre une de ces paroles trop libres que certaines personnes se font gloire de prononcer, elle se couvrait la figure de ses mains et elle disait : « “ Ô mon Dieu ! ces gens ne savent donc pas qu'en disant ces choses, ils risquent d'aller en enfer ? Pardonnez-leur, mon Jésus, et convertissez-les. Certainement, ils ne savent pas que cela offense Dieu. Quelle pitié, mon Jésus ! Je prie pour eux.” « Et elle répétait alors la prière enseignée par Notre-Dame : “ Ô mon Jésus, pardonnez-nous, sauvez-nous du feu de l'enfer, et attirez au Ciel toutes les âmes, surtout celles qui en ont le plus besoin. ” »

« Jacinthe répétait fréquemment ces sacrifices, mais je ne peux continuer à les raconter tous, conclut sœur Lucie, sans quoi je n'en finirai jamais ! »

LA CONFIDENTE DU CŒUR IMMACULÉ DE MARIE

« Selon moi, remarque Lucie, Jacinthe est celle à qui la Sainte Vierge avait accordé, avec une plus grande abondance de grâces, une meilleure connaissance de Dieu et de la vertu. » En effet, bien qu'elle fût la plus jeune des trois voyants, c'est elle qui semble avoir tout d'abord bénéficié de la plus grande intimité avec la très Sainte Vierge. Le cycle des six apparitions publiques étant clos, Notre-Dame lui est apparue encore trois fois.

« La première fois dans l'église de Fatima, durant la messe, le jour de l'Ascension. La Vierge lui apprit alors à réciter le chapelet. La deuxième fois, ce fut la nuit, à la porte de la cave, alors que toute la famille dormait. La troisième fois, dans la maison, au-dessus d'une table ; la Vierge était silencieuse, restant à cet endroit jusqu'au moment où Jacinthe dit à sa mère : “ Regarde !... ne vois-tu pas, là, en dessous, la Dame que j'ai vue là-haut (à la Cova) ? ! Regarde !... ” » (…) Jacinthe pu aussi contempler plusieurs visions prophétiques, comme en autant de tableaux vivants, et qui décrivaient certains événements annoncés dans le grand Secret du 13 juillet 1917. (...)

Lorsque, à la fin d'octobre 1918, la “ grippe espagnole ” atteignit Jacinthe puis, peu après, François, c'était pour tous deux le commencement des souffrances qui allaient les acheminer bientôt au sacrifice suprême. (…) Pour renouveler leur ferveur, Notre-Dame était venue, à la fin de l'année 1918 ou au début de janvier 1919, visiter Jacinthe et François : « Notre-Dame est venue nous voir et elle a dit qu'elle viendrait chercher François bientôt pour l'emmener au Ciel. Elle m'a demandé si je voulais convertir encore des pécheurs. Je lui ai dit que oui. Elle m'a dit que j'irais à l'hôpital et que, là, je souffrirais beaucoup ; que je souffrirais pour la conversion des pécheurs en réparation des péchés contre le Cœur Immaculé de Marie, et pour l'amour de Jésus. Je lui ai demandé si tu viendrais avec moi, Elle m'a répondu que non. C'est ce qui va m'être le plus difficile. Elle m'a dit que ma mère m'emmènerait à l'hôpital et qu'ensuite je resterais là toute seule. »

VERS L'IMMOLATION PARFAITE CŒUR À CŒUR AVEC JÉSUS

Jacinthe savait depuis longtemps, comme une vérité certaine et absolue, que plus elle souffrirait, plus nombreuses seraient les âmes qu'elle arracherait ainsi aux flammes éternelles. Instruite par la grâce infuse qui accompagna les paroles de l'Ange, elle avait compris « la valeur du sacrifice, combien celui-ci est agréable à Dieu et combien par égard pour lui, Dieu convertit les pécheurs » Et elle donna son “ oui ” généreux au dur sacrifice qui lui était demandé. (…)

Le principal motif de son inquiétude, pour le séjour à l'hôpital que Notre-Dame lui avait annoncé, c'était qu'elle ne pourrait y communier. Un jour, raconte encore sœur Lucie, « je lui apportai une image qui représentait le saint Calice avec une Hostie. Elle la prit, l'embrassa et, rayonnante de joie, elle disait : “ C'est Jésus-caché ! Je l'aime tellement ! Qui me donnera de le recevoir à l'église ! Communie-t-on au Ciel ? Si on peut y communier, je communierai tous les jours. Ah ! si l'Ange venait à l'hôpital m'apporter de nouveau la sainte Communion, que je serais contente ! ” » En effet, bien qu'elle eût maintenant plus de huit ans, l'abbé Ferreira, indocile aux récentes prescriptions de saint Pie X, se montrait toujours aussi inflexible : à l'été 1918, il n'avait pas encore accordé à la petite voyante la faveur de s'approcher de la sainte Table. Toutefois le Seigneur est libre de ses dons et, répondant à l'amour d'une âme qui le désirait avec tant d'ardeur, il se donnait à elle spirituellement, et lui faisait la grâce de sentir sa divine présence : « J'aime tellement dire à Jésus que je l'aime ! confiait-elle à Lucie. Lorsque je le lui dis plusieurs fois, il me semble que j'ai du feu dans ma poitrine, mais ce feu ne me brûle pas. » (…)

Lorsque Lucie la visita un jour à l'hôpital, Jacinthe lui confia : « J'aime tellement souffrir pour leur amour et pour leur faire plaisir ! Ils aiment beaucoup ceux qui souffrent pour la conversion des pécheurs. » (…) « Lorsque je suis seule, confiait-elle à Lucie, je descends de mon lit pour réciter les prières de l'Ange. Mais maintenant, je ne suis plus capable de mettre la tête sur le sol, parce que je tombe ; je prie seulement à genoux. » (…)

DÉRÉLICTION D'UNE ENFANT DE MARIE

« Un jour, raconte Lucie, je la trouvai en train d'embrasser une image de Notre-Dame en prononçant ces paroles : “ Ô ma Mère du Ciel, alors je dois mourir toute seule ? ” La pauvre enfant semblait effrayée à l'idée de mourir seule. Afin de lui donner du courage, je lui dis : “ Qu'est-ce que cela peut te faire de mourir seule, si Notre-Dame vient te chercher ? ” – “ C'est vrai, cela m'importe peu. Mais, je ne sais pas comment cela fait, il y a des moments où je ne me souviens plus qu'Elle viendra me chercher ; je me souviens seulement que je mourrai sans que tu sois près de moi. ” » Lucie essayait de la distraire en lui disant : « “ Ne pense pas à cela. ” – “ Laisse-moi y penser, parce que, lorsque j'y pense, je souffre davantage, et je veux souffrir pour Notre-Seigneur et pour les pécheurs. ” »

Parfois, elle se rappelait la promesse de Notre-Dame : bientôt, ce serait le Ciel ! « Un jour, je lui demandai : “ Que feras-tu au Ciel ? ” – “ Je vais beaucoup aimer Jésus, le Cœur Immaculé de Marie ; je vais beaucoup prier pour toi, pour les pécheurs, pour le Saint-Père, pour mes parents et mes frères, et pour toutes les personnes qui m'ont demandé d'implorer en leur faveur. ”

« Lorsque sa mère se montrait triste de la voir si malade, elle lui disait : “ N'aie pas tant de peine, maman, je vais au Ciel. Là-haut, je prierai beaucoup pour toi. ” » Comme sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, elle était résolue à « passer son Ciel à faire du bien sur la terre. » (…) « De Lisbonne [où elle avait été transférée], écrit Lucie, Jacinthe me fit dire que Notre-Dame était déjà venue la voir, qu'Elle lui avait dit l'heure et le jour de sa mort, et qu'Elle me recommandait d'être très bonne. » (…)

« Le 10 février, Jacinthe fut opérée, relate le P. De Marchi. Elle eut beaucoup à souffrir, car on ne pouvait la chloroformer, à cause de son extrême faiblesse, et on dut se contenter d'une anesthésie locale dont la méthode était encore très imparfaite à cette époque. Toutefois, elle souffrit encore davantage l'humiliation de se voir entièrement dévêtue. (…) Le résultat de l'opération, faite par le Dr Castro Freire, assisté du Dr Elvas, parut d'abord encourageant. On lui avait retiré deux côtes du côté gauche ; la plaie était large comme la main. Elle en souffrait beaucoup, et la douleur se ravivait chaque fois qu'il fallait panser la plaie. Cependant son seul gémissement était : “ Aïe ! Aïe !... Oh ! Notre-Dame ! ” Elle ajoutait : “ Patience ! nous devons tous souffrir pour aller au Ciel ! ” »

LE 20 FÉVRIER 1920 : ELLE MOURUT SEULE

Exhumation de Jacinthe de Fatima
La première exhumation du corps de Jacinthe, le 12 septembre 1935. L'abbé Fischer examine le visage de Jacinthe, parfaitement conservé quinze ans après sa mort !

En bonne mère, la Vierge Marie eut pitié de son enfant et vint bientôt adoucir son épreuve... Elle lui apparut au pied de son lit : « Notre-Dame m'a dit qu'Elle viendrait me chercher bientôt et que je ne souffrirai plus. » Et de fait, depuis ce jour, Jacinthe ne manifesta plus aucune souffrance. Elle savait le jour et l'heure de sa mort.

« En ce soir du 20 février, vers 6 heures, précise le Dr Lisboa, la petite dit qu'elle se sentait mal et qu'elle désirait recevoir les derniers sacrements. On appela le curé de la paroisse des Anges, M. l'abbé Pereira dos Reis, qui l'entendit en confession vers 8 heures du soir. On m'a dit que la petite avait insisté pour qu'on lui apportât le Viatique. Mais M. l'abbé Pereira dos Reis, la voyant apparemment bien, ne voulut pas le faire, et lui promit seulement de lui apporter Notre-Seigneur le jour suivant. De nouveau, la petite insista pour recevoir la Communion, en disant qu'elle allait bientôt mourir. De fait, vers 10 heures et demie du soir, elle s'éteignait tranquillement, mais sans avoir pu communier. »

Tout était accompli. La prophétie de la Vierge Marie s'était réalisée Jacinthe s'éteignit seule, sans parents ni amis, sans personne qui assistât à ses derniers instants. Et la douce présence de Jésus-Hostie, qu'elle désirait depuis si longtemps pour l'instant suprême, venait de lui être refusée. Mais Notre-Dame a sûrement tenu sa promesse ; nous pouvons en être certains. Elle est venue chercher son enfant, pour l'introduire enfin dans la béatitude infinie du Ciel ! Le cercueil de la petite voyante fut déposé dans l'église des Anges. (…)

M. Antonio Rebelo de Almeida, associé de la Maison des Pompes funèbres, avait été chargé des funérailles. Voici son témoignage : « Il me semble encore, écrit-il, voir ce petit ange. Couchée dans son cercueil, elle paraissait vivante, avec les lèvres et les joues d'une belle couleur rosée. J'ai vu beaucoup de morts, jeunes et vieux, et je n'ai jamais vu chose semblable... Le parfum agréable qu'exhalait le corps ne peut s'expliquer naturellement... L'homme le plus incrédule ne pourrait en douter. Que l'on pense à l'odeur que dégagent les cadavres et qu'on ne peut supporter sans répugnance ! Or la petite était morte depuis trois jours et demi, et l'odeur qu'elle exhalait était celle d'un bouquet de fleurs variées... » (…)

Quinze ans plus tard, le 12 septembre 1935, Mgr da Silva ordonna le transfert du corps de Jacinthe dans le cimetière de Fatima. Lorsqu'on ouvrit le cercueil, tous les assistants furent émerveillés de constater que le visage de la voyante était resté intact. (…) Déclarée Bienheureuse par l'Église depuis le 13 mai 2000, nous pouvons faire nôtre la belle prière que sœur Lucie lui adresse au début de ses Mémoires :

Ô toi, qui sur la terre
Es passée d'un seul vol,
Jacinthe très chérie,
Dans une douleur intense,
Tu aimais ton Jésus.
N'oublie pas la prière
Que jadis je te fis :
Sois mon amie,
Auprès du trône
De la Vierge Marie !
Ô lis de candeur,
Perle brillante,
Là-haut dans le Ciel
Où tu vis triomphante,
Ô séraphin d'amour,
Avec ton petit frère,
Prie pour moi
Aux pieds du Seigneur !

 

Extraits de Fatima, joie intime, événement mondial, p. 131-140

  • Fatima, Salut du monde, frère François de Marie des Anges, 395 pages, 2007
    • 11. La course de François
  • Francisco et Jacinta, si petits et si grands, par Sœur Françoise de la Sainte Colombe, 414 pages, 1998
Audio/Vidéo :
Pour une lecture intégrale de Francisco et Jacinta, si petits et si grands, par son auteure :
  • LOGIA 97, n° 37-38, 51-55 (10 h 30)
Sur le procès de béatification des voyants :
  • Francisco et Jacinta sur les autels, frère François de Marie des Anges, CRC tome 32, n° 363, Janvier 2000, p. 7-16