Béatification de Jean-Paul II ?

À titre de contribution au procès de béatification dudit serviteur de Dieu, nous avons adressé le mémoire suivant au postulateur de la cause.

N OUS n’oserions présenter des objections à la béatification du défunt pape Jean-Paul II, si l’autorité ne nous en faisait un devoir par l’ “ édit ” du cardinal Camillo Ruini, vicaire général du pape Benoît XVI pour le diocèse de Rome, invitant tous les fidèles à lui communiquer directement ou à faire parvenir au tribunal diocésain du vicariat de Rome toutes les nouvelles dont on puisse tirer des éléments favorables ou contraires à la réputation de sainteté dudit serviteur de Dieu.

Petits frères et Petites sœurs du Sacré-Cœur, signataires de cette déposition, nous sommes catholiques romains, soumis à l’enseignement de l’Église selon les termes du Motu proprio “ Ad tuendam Fidem ” : c’est dire que nous considérons comme infaillibles non seulement les vérités révélées, mais aussi les vérités proposées de manière définitive par le Magistère de l’Église. En outre, nous « adhérons aux doctrines qui sont énoncées soit par le Pontife romain soit par le Collège des évêques, lorsqu’ils exercent le magistère authentique, même s’ils n’ont pas l’intention de les proclamer par un acte définitif ».

Comment alors pouvons-nous présenter à votre tribunal des enseignements contraires à la réputation de sainteté dudit serviteur de Dieu, légitime Souverain Pontife pendant plus d’un quart de siècle ? Parce que, selon notre conscience éclairée, il nous paraît que ses enseignements et les actes qui en découlent contredisent les vérités révélées contenues dans la Parole de Dieu ou transmises par la Tradition. C’est dire la gravité des paroles et des actes dudit serviteur de Dieu que nous vous soumettons, et c’est cette gravité extrême qui nous détermine à faire notre devoir de baptisés, à l’appel du cardinal Ruini, pour témoigner contre sa réputation de sainteté.

De nombreuses objections ont déjà été formulées à l’encontre de l’enseignement du pape Jean-Paul II, de son vivant, par l’abbé Georges de Nantes, prêtre français et théologien, notre Père fondateur, sous forme de « plainte pour hérésie, schisme et scandale à l’encontre de notre frère dans la foi Karol Wojtyla ». Les motifs de cette plainte se trouvent rassemblés dans un “ livre d’accusation ” remis au Saint-Siège, le 13 mai 1983, par lui et deux cents délégués de la ligue de Contre-Réforme catholique. Bien que cette démarche soit conforme aux canons 212, 221 et 1417 du code de droit canonique, l’autorité a toujours refusé d’examiner et même de recevoir cette accusation contre le Souverain Pontife régnant.

Aujourd’hui, la maladie empêche l’abbé de Nantes de se présenter devant vous mais, convaincus de la vérité de son argumentation, constatant que nul théologien n’a su la réfuter du vivant dudit serviteur de Dieu, il est de notre devoir de rappeler au tribunal diocésain les motifs de la plainte de l’abbé de Nantes. Depuis 1983, d’innombrables écrits, faits et gestes dudit serviteur de Dieu n’ont fait qu’aggraver ces motifs en manifestant clairement sa persévérance dans les erreurs doctrinales qui lui avaient été reprochées au début de son pontificat par l’abbé de Nantes.

Nous entreprenons cette démarche avec confiance, surtout après avoir constaté avec une grande joie que le Compendium du Catéchisme de l’Église catholique, préparé par le cardinal Ratzinger aujourd’hui devenu par la grâce de Dieu notre pape Benoît XVI, a effacé les traces des erreurs dudit serviteur de Dieu, dénoncées par l’abbé de Nantes auprès de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le 13 mai 1993, à l’encontre de l’Auteur du Catéchisme de l’Église catholique.

Nous montrerons que ledit serviteur de Dieu s’est éloigné de la foi catholique (I), qu’il en est résulté un détournement de l’espérance chrétienne au profit de l’utopie d’un monde nouveau ici-bas (II), provoquant un tragique refroidissement de la vertu de charité dans l’Église (III). Une conclusion montrera l’étonnante obstination dudit serviteur de Dieu à ne pas répondre aux demandes de Notre-Dame de Fatima.

L’ensemble de la démonstration expliquera comment un Pape jouissant d’une réputation de sainteté apparemment universelle, a pu laisser l’Église dans un état de crise sans précédent. N’est-ce pas le cardinal Ratzinger qui, à la veille de la mort dudit serviteur de Dieu, prêchant à sa place le chemin de croix au Colisée, s’écriait : « Souvent, Seigneur, ton Église nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toute part ! »

I. CONTRE LA VERTU DE FOI

ERREUR ANTHROPOLOGIQUE : LA FOI EN L’HOMME QUI SE FAIT DIEU

En exorde à sa plainte, l’abbé de Nantes cite un texte sur lequel il se déclare prêt à engager toute sa foi, toute sa vie : « Sur lequel pourrait se juger toute la cause ». Il s’agit des pages 222 à 227 du « Dialogue avec André Frossard,N’Ayez pas peur, dont la partie qui vous est attribuée, écrit l’abbé de Nantes en s’adressant à Jean-Paul II, a été, de fait, écrite, revue et soigneusement mise au point par vous avant sa publication en 1982. »

Dans les pages incriminées, ledit serviteur de Dieu cite la réponse de Jésus à Pilate : « Oui, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. » Il commente : « Le Christ est roi en ce sens qu’en lui, dans son témoignage rendu à la vérité, se manifeste la “ royauté ” de chaque être humain, expression du caractère transcendant de la personne. C’est cela l’héritage propre de l’Église. »

Cette affirmation contredit formellement la tradition catholique selon laquelle la vérité pour laquelle est mort Notre-Seigneur Jésus-Christ concerne Dieu son Père et Lui-même dans son unique, sacrée, inviolable et inaccessible Sainteté, autrement dit sa “ transcendance ” de Fils de Dieu, unique Roi de l’univers et Sauveur de son peuple. Tandis que ledit serviteur de Dieu fait du Christ un martyr de la dignité, de la royauté, de la transcendance de l’homme.

Son erreur consiste, sous le concept kantien de “ transcendance ”, à proclamer que l’homme, tout homme et n’importe lequel, est au-delà de tout, sans proportion et donc sans relations autres que de souveraineté avec les êtres qui sont de ce monde-ci.

Cette même erreur figurait déjà dans la retraite prêchée devant Paul VI en 1976 par le cardinal Wojtyla et publiée en français sous le titre : “ Le signe de contradiction ”. On pouvait y lire : « La fonction royale de Jésus, ce n’est pas d’abord d’exercer l’autorité sur les autres, mais de révéler la royauté de l’homme. Cette royauté est inscrite dans la nature humaine, dans la structure de la personne. » (p. 176)

La première partie du Livre d’accusation de l’abbé de Nantes dénonce cette doctrine dudit serviteur de Dieu comme une nouveauté sans appui dans la sainte tradition catholique, qui contrefait l’enseignement du Christ de l’Évangile. Alors que, selon notre foi catholique, l’homme n’est que néant en face de son Créateur, et dépend de lui par une relation d’amour et de grâce, ledit serviteur de Dieu proclame, en accord avec les athées contemporains, la transcendance de l’homme.

Nous attirons l’attention du tribunal sur l’indubitable influence qu’eut sur la formation de la doctrine dudit serviteur de Dieu, son maître et ami, Mieczyslaw Kotlarczyk. L’abbé de Nantes révèle ce que les biographes taisent ordinairement, à savoir que ce mentor dudit serviteur de Dieu était un disciple du théosophe Rudolf Steiner, adepte d’un christianisme cosmique, a‑dogmatique et évolutionniste. On ne saurait y voir une simple influence de jeunesse sur ledit serviteur de Dieu fasciné par la magie enivrante de l’art théâtral, puisque, devenu archevêque de Cracovie, il accorda une introduction à l’ouvrage de Kotlarczyk, “ L’art du mot vivant ”. Or, celui-ci développe une thèse selon laquelle « un groupe de personnes, unanimement soumises au verbe poétique (sic), revêt une signification éthique : la signification d’une solidarité dans le Verbe (sic ! ), la signification d’une loyauté à l’égard du Verbe ».

Curieusement, cette préface dudit serviteur de Dieu ne figure pas dans les recensions de ses travaux...

Pour bien saisir le caractère étranger à la foi catholique de cette prétendue “ transcendance de l’homme ”, principe du dialogue avec les athées assidûment pratiqué par ledit serviteur de Dieu, il suffit de lire la transcription de la retraite “ Le Signe de contradiction ”. Il y évoque la parole du vieillard Siméon à la Vierge Marie le jour de la Présentation :

« Cet enfant doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël. Il doit être un signe en butte à la contradiction. » (Lc 2, 34)

L’appliquant à la contradiction hégélienne entre religion catholique (thèse) et athéisme moderne (antithèse), il entend montrer que l’idée d’un Dieu n’acceptant pas la royauté de l’homme est un effroyable malentendu qu’il se donne pour mission de dissiper.

En effet, au lieu de condamner le “ déicide spéculatif ” par lequel le scientifique et le philosophe moderne rejettent l’autorité de Dieu, lui substituant la leur propre, comme s’ils étaient eux-mêmes Dieu, ledit serviteur de Dieu justifie ce crime déicide par une exégèse entièrement nouvelle des trois premiers chapitres du Livre de la Genèse. Toute son argumentation repose sur une interprétation inédite du récit biblique du péché originel, selon laquelle la faute aurait consisté non pas à s’élever contre Dieu, mais à succomber au “ mensonge ” de Satan, faisant accroire à Adam et Ève que Dieu était jaloux de leur royauté !

Ledit serviteur de Dieu écrit : « Cela commença par un mensonge que l’on pourrait assimiler à une erreur d’information, à quoi l’on pourrait laisser le bénéfice de la bonne foi : “ Alors, Dieu a dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? ” La femme n’a aucun mal à rectifier l’information erronée ; peut-être ne pressent-elle pas qu’elle constitue seulement un début, un prélude aux intentions du père du mensonge. Celui-ci cherche d’abord à saper la véracité de la parole divine en insinuant : “ Vous ne mourrez pas ! ” Il porte ainsi atteinte à l’existence même de l’Alliance entre Dieu et l’homme. » (p. 48)

L’abbé de Nantes fait remarquer que le cardinal Wojtyla a, dans cette présentation, « escamoté l’existence d’un précepte de Dieu à nos premiers parents » : « Tu peux manger de tous les arbres du jardin. Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, car, le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement. » (1, 16-17) Le résultat de cette savante « omission » est l’effacement de cette vérité première « que Dieu a le droit de commander, et qu’il a commandé en fait à sa créature, sous peine de châtiment, ce qu’il a voulu lui ordonner, exigeant son obéissance pour le pur et simple bien, mérite, avantage et gloire de l’obéissance ». Selon ledit serviteur de Dieu, toute la faute revient uniquement à Satan, dont « l’énoncé veut détruire, dit-il, la vérité sur le Dieu de l’Alliance, sur le Dieu qui, par amour crée, par amour conclut avec l’humanité une Alliance en Adam, par amour pose des exigences s’étendant à l’essence même de l’homme, à la raison même de l’homme ».

Ainsi, selon cette exégèse, l’amour exclut toute loi qui irait au-delà de ce qu’exige de soi « l’essence même de l’homme » sous le contrôle de « la raison ». Ce qui revient à faire de l’autorité un péché, et de la désobéissance la réaction naturelle et vertueuse à tout empiétement de Dieu et de quiconque sur la liberté de l’homme.

Il en résulte que l’obéissance, la soumission, l’adoration sont trois exigences mensongèrement prêtées à Dieu par Satan, selon ledit serviteur de Dieu. Il explique : « Le Dieu de l’Alliance est effectivement présenté à la femme comme un Souverain jaloux du mystère de sa domination absolue. Il est présenté comme l’ennemi de l’homme auquel il convient de s’opposer. » (p. 48)

Un tragique “ malentendu ” serait né de là, qui traverse toute l’histoire jusqu’à nous, selon ledit serviteur de Dieu : « On peut dire que nous nous trouvons au commencement de la tentation de l’homme, au commencement d’un long processus, qui va se déployer sur toute l’histoire. » (p. 50)

Aujourd’hui, cet artifice du démon explique l’athéisme qui oppose l’homme moderne à Dieu depuis la naissance de l’humanisme. Heureusement, ce malentendu a été, selon ledit serviteur de Dieu, dissipé par le concile Vatican II lorsqu’il a proclamé solennellement « pleinement légitime l’autonomie des hommes en société et des sciences » (p. 52).

Loin d’avoir à se soumettre, les hommes de notre temps ont donc raison de revendiquer une autonomie que ledit serviteur de Dieu déclare conforme à la volonté du Créateur.

Pourtant, il faut bien reconnaître que la condamnation de l’autonomie de l’homme dans le monde, attribuée par ledit serviteur de Dieu à Satan, était la doctrine catholique immuable jusqu’à Pie XII !

C’est ainsi que ledit serviteur de Dieu sacrifie la religion catholique traditionnelle à son antithèse moderne, l’humanisme athée. À ce “ Vendredi saint spéculatif ”, il fait succéder un “ Samedi saint dialectique ”, de « descente aux enfers » pour y « dialoguer » avec les athées. À André Frossard, ledit serviteur de Dieu affirme : « Si la situation de l’homme dans le monde moderne – et surtout dans certains cercles de civilisation – est telle que s’écroule sa foi, disons sa foi laïque (sic)dans l’humanisme, la science, le progrès, il y a bien sûrement lieu d’annoncer à cet homme le Dieu de Jésus-Christ, Dieu de l’Alliance, Dieu de l’Évangile, tout simplement (ce “ tout simplement ” est d’une incroyable densité, commente l’abbé de Nantes)pour qu’il retrouve par là (par la foi en Dieu, en Jésus-Christ, en l’Évangile)le sens fondamental et définitif de son humanité, c’est-à-dire le sens proprement dit de l’humanisme, et de la science, du progrès, qu’il ne doute pas, et qu’il ne cesse pas d’y voir sa tâche et sa vocation terrestre. » (N’ayez pas peur, p. 273).

N’est-ce pas aussi le cardinal Wojtyla qui déclara : « Il est très important de nous rendre compte dans quelle mesure une réinterprétation de l’Évangile (nous soulignons l’aveu d’une incompatibilité avec l’interprétation traditionnelle, donc vraie, de l’Évangile)ouvre de nouvelles voies à l’enseignement. Les chrétiens ont le devoir de façonner le visage de la terre et de rendre la vie plus humaine. Il est de leur devoir de donner à ce qu’on appelle le progrès social sa véritable signification. » (Blazynski, Jean-Paul II. Un homme de Cracovie, éd. Stock, 1979, p. 253)

Dès lors, on ne s’étonnera pas de cette affirmation de sa première encyclique, Redemptor hominis : « L’attitude missionnaire commence toujours par un sentiment de profonde estime face à “ ce qu’il y a dans l’homme ”. » Ledit serviteur de Dieu se réfère à Jean 2, 25. Mais, si l’on se reporte à ce passage du quatrième Évangile, on doit constater que Jésus, loin de manifester une telle estime pour les hommes, « ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous, et qu’il n’avait pas besoin d’être renseigné sur personne : Lui, savait ce qu’il y a dans l’homme ».

Pour accorder sa « foi en l’homme » avec l’Écriture, ledit serviteur de Dieu est contraint de l’interpréter à contresens !

Dans “ Signe de contradiction ”, on peut lire encore : « La gloire de Dieu est l’homme vivant ! Et Dieu le conduit vers la gloire... Cette gloire, c’est Dieu qui avant tout la désire. Lui seul a le pouvoir de révéler la gloire de la créature, de révéler la gloire de l’homme dans le miroir de sa Vérité, et par conséquent dans les dimensions de l’Accomplissement final... La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. » (p. 231)

L’abbé de Nantes commente : «  Voilà donc enfin la synthèse de la Religion ancienne et de l’Athéisme contemporain. C’est leur accomplissement final en l’Homme vivant, riche en avoir et en être, parachevé dans le sentiment sacré de son existence et dans la gloire de sa liberté. L’Homme et Dieu sont réconciliés, mais c’est dans l’Homme. Saint Irénée entendait de tout autre manière une telle réconciliation, non pas en l’Homme mais en Dieu : “ La gloire de Dieu, c’est que l’homme vive. Et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu ” (Adv. hær. IV, 20, 5-7) ! L’homme y dépend tout de Dieu et de sa grâce, non de sa propre liberté et de son propre orgueil ! De l’un à l’autre il y a toute la différence d’une religion à son contraire, du culte et de l’amour de Dieu jusqu’au sacrifice de soi-même et à la mort de la croix, au culte et à l’exaltation de soi jusqu’à la mort de Dieu et à l’effacement de Jésus-Christ. » (Liber accusationis II, p. 62)

La justification et l’éloge de l’humanisme contemporain sont exprimés par ledit serviteur de Dieu en termes idolâtriques. Le théocentrisme de notre sainte religion catholique a fait place, dans le cœur et la pensée dudit serviteur de Dieu, à l’anthropocentrisme, le culte de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, au culte de l’homme qui se fait dieu. Cette idolâtrie s’exprime par exemple dans le discours prononcé par ledit serviteur de Dieu à l’Unesco, le 2 juin 1980 :

« Il faut considérer jusqu’à ses dernières conséquences et intégralement l’hommecomme une valeur particulière et autonome, comme le sujet porteur de la transcendance de la personne. Il faut affirmer l’homme pour lui-même et non pour quelque autre motif : uniquement pour lui-même. Bien plus, il faut aimer l’homme parce qu’il est homme, il faut revendiquer l’amour pour l’homme en raison de la dignité particulière qu’il possède. L’ensemble des affirmations concernant l’homme appartient à la substance du message du Christ, malgré ce que tous les esprits critiques ont pu déclarer en la matière, et tout ce qu’ont pu faire les divers courants opposés à la religion en général et au christianisme en particulier. »

Dans ce même discours, ledit serviteur de Dieu déclarait que « dans le domaine culturel, l’homme est toujours le fait premier : l’homme est le fait primordial et fondamental de la culture... C’est en pensant à toutes les cultures que je veux dire ici, à Paris, au siège de l’Unesco, avec respect et admiration :Voici l’homme ! »

L’abbé de Nantes a qualifié cette parole de « blasphème ». Il est, de fait, significatif que notre Saint Père le pape Benoît XVI, dans son message adressé à l’Unesco pour le vingt-cinquième anniversaire de ce mémorable discours dudit serviteur de Dieu, a cité ce passage, mais non pas cette dernière phrase.

En présence d’un tel texte, le théologien de la Contre-Réforme catholique s’interroge :

« Serait-ce une construction intellectuelle destinée à rapprocher les athées, les incroyants, les indifférents, d’une Église qui se montrerait plus accueillante à leurs problèmes, même avec quelques excès d’éloquence ? » S’il en est ainsi, « ce serait un moindre mal, que l’insuccès total d’une telle apologétique devrait suffire à terminer ». Mais il est légitime de se demander si ce ne serait pas davantage : « Une vraie passion, une obsession de l’homme, de sa grandeur, de son amour, de sa réussite ? » Dans ce cas, annonçait l’abbé de Nantes audit serviteur de Dieu en 1983, « cet humanisme encombrera de plus en plus l’espace de votre esprit, de votre cœur, de votre temps, de vos activités ! Et cela sera d’autant plus grave que vous êtes monté au plus haut degré de la hiérarchie ecclésiastique. Parce que alors tout doit être enfin donné à l’homme et enlevé à Dieu, tout ce qui est conservé pour Dieu paraissant refusé à son rival l’homme. » (Liber accusationis II, p. 67-68)

En 1983, l’abbé de Nantes accusait ledit serviteur de Dieu d’étouffer la religion. Sept ans plus tard, ledit serviteur de Dieu avouait lui-même que « le nombre de ceux qui ignorent le Christ et ne font pas partie de Église augmente continuellement, et même il a presque doublé depuis la fin du Concile » (Redemptoris missio, 7 décembre 1990, n° 3).

ERREUR CHRISTOLOGIQUE : JÉSUS-CHRIST UNI À TOUT HOMME

Cette erreur anthropologique sur la transcendance de l’homme se double d’une erreur christologique dont la gravité ne peut échapper au tribunal : se servant de la dualité des natures dans l’unique Personne du Jésus de notre foi catholique, ledit serviteur de Dieu dévolue, en vertu de la “ communication des idiomes ”, les attributs de la nature divine à la nature humaine dans le Christ, pour ensuite considérer qu’ils lui appartiennent en propre, et donc à tout homme.

Certes, ledit Serviteur de Dieu a maintes fois dissimulé la nouveauté de cette pensée par la citation d’une phrase du paragraphe 22 de la Constitution conciliaire Gaudium et spes selon laquelle « le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme par son Incarnation ». Mais cette phrase a été introduite dans le schéma conciliaire sur proposition dudit serviteur de Dieu, alors archevêque de Cracovie. En citant continuellement Gaudium et spes 22, 2, faute de trouver le moindre fondement à une telle pensée dans la Sainte Écriture ou dans les Pères de l’Église, ledit serviteur de Dieu se citait donc lui-même !

Ainsi dans l’encyclique Redemptor hominis, où la référence revient à quatre reprises.

Le tribunal remarquera qu’au paragraphe n° 13 la restriction “ en quelque sorte ” a disparu :

« Jésus-Christ s’est uni à chacun, pour toujours, à travers ce mystère de la Rédemption. »

Ledit serviteur de Dieu confond la nature et la grâce, la vie humaine et la vie divine, l’une étant “ en quelque sorte ” présente à l’autre, selon lui, en tous et pour toujours, comme il le répète clairement au paragraphe 14 : « Le Christ est en quelque sorte uni à l’homme, à chaque homme sans aucune exception, même si ce dernier n’en est pas conscient. »

L’absence de toute condition à l’union de tous au Christ, et donc au salut de tous, conduit à l’affirmer comme donné à tous, sans distinction de religion. « L’événement de la Rédemption est le fondement du salut de tous », écrit ledit serviteur de Dieu dans son encyclique Redemptoris Missio, citant à l’appui de cette affirmation son encyclique inaugurale Redemptor hominis : « Parce que chacun a été inclus dans le mystère de la Rédemption, et Jésus-Christ s’est uni à chacun, pour toujours, à travers ce mystère. »

On peut affirmer que cette pensée a gouverné tout le pontificat dudit serviteur de Dieu, jusqu’à son ultime Lettre apostolique Mane nobiscum du 7 octobre 2004, instituant l’année de l’Eucharistie :

« En Lui, Verbe fait chair, se révèle en effet non seulement le mystère de Dieu, mais le mystère même de l’homme. Parce que dans le Christ la nature humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même, cette nature a été élevée en nous à une dignité sans égale. Car, par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme (G. S. 22, 2). »

FOI MODERNISTE : LA RELIGION EST LE FRUIT D’UN SENTIMENT NATUREL DISPENSÉ À TOUS LES HUMAINS

De la conjugaison de ces deux erreurs anthropologique et christologique résulte ce que l’abbé de Nantes appelle une “ Pâque idéaliste ”, succédant au “ Vendredi saint spéculatif ” et au “ Samedi saint dialectique ” : selon la doctrine dudit serviteur de Dieu, c’est par l’acceptation de l’humanisme, de l’athéisme et du matérialisme dans toute leur rigueur, que l’Église sauvera sa foi au milieu d’un monde qui la rejette.

Il faut seulement remarquer que ladite foi que ledit serviteur de Dieu prétendait réconcilier avec l’humanisme contemporain est une foi moderniste, fruit de la création spontanée et universelle du sentiment humain le plus profond.

Comme exemple de ce modernisme, nous pouvons citer l’interprétation dudit serviteur de Dieu considérant la « descente aux Enfers » de Jésus-Christ après sa mort sur la Croix comme une “ conception ”, et non pas comme un événement historique. Selon lui, cet article de notre Credo est une pure métaphore évoquant non pas une « descente » mais une accession « à la plénitude de la vision béatifique de Dieu », ce qui suggère plutôt une “ ascension ” (Allocution du 11 janvier 1989) !

Cette explication « sent l’hérésie » arienne et nestorienne, assimilant le Christ à un être humain ordinaire, moralement parfait, saint, et « admis » seulement après sa mort à « la plénitude de la vision béatifique de Dieu ». Contrairement à l’enseignement de l’Église selon lequel Jésus, Fils de Dieu, Dieu lui-même, a joui, dès le premier exercice de ses facultés humaines, de la vision béatifique de sa propre déité, de son Être divin, de son identité personnelle. L’Église interdit tout enseignement contraire et saint Thomas en montre la raison dans l’union existentielle des deux natures, divine et humaine, en la Personne du Verbe :

«  Par une telle union, le Christ-homme est lui-même bienheureux de la béatitude incréée, comme aussi bien par cette union il est Dieu. Mais de surcroît, il fallut que sa nature humaine possédât cette particulière béatitude créée par laquelle son âme était en possession de la fin ultime de sa nature humaine. » ( III a, question 9, article 2, ad 3 ) C’est pourquoi, dès ici-bas, « son âme était élevée par une lumière participée de sa nature divine à la perfection de la science bienheureuse qui consiste dans la vision de Dieu en son essence » (ad 1).

Autre exemple de naturalisation du surnaturel : le 23 mai 1984, à l’audience du mercredi, ledit serviteur de Dieu rejette l’interprétation mystique du Cantique des cantiques pour n’en retenir que l’interprétation érotique : « L’analyse du texte de ce Livre nous oblige à placer son contenu hors du cadre de la grande analogie prophétique », déclare-t-il.

Ledit serviteur de Dieu récuse donc l’enseignement de la sainte tradition juive ancienne et catholique unanime, ainsi que les démonstrations scientifiques et mystiques, interprétant ces poèmes comme des dialogues mystiques entre Dieu et son peuple, entre le Christ et son Église, entre l’Époux divin et l’âme pécheresse dont sa grâce entreprend de faire son épouse spirituelle en vue de l’éternité bienheureuse.

Les deux erreurs, anthropologique et christologique, dudit serviteur de Dieu, et sa conception moderniste de la foi expliquent enfin son attitude vis-à-vis des “ autres religions ”.

Sur ce sujet, le tribunal n’aura qu’à relire le discours dudit serviteur de Dieu, du 22 décembre 1986, adressé aux cardinaux et aux membres de la Curie romaine pour l’échange des vœux, où ledit serviteur de Dieu, imbu du « grand événement que fut la prière de tous pour la Paix à Assise », se laisse prendre “ en flagrant délit ” d’apostasie. C’est pourquoi l’abbé de Nantes a publié un commentaire littéral de ce discours (CRC n° 230, février 1987) que nous joignons en annexe, tant il met en lumière les erreurs dudit serviteur de Dieu.

« Avec Jean-Paul II, écrit l’abbé de Nantes, l’Église est encore le “ signe ” de l’unité intime de tous avec Dieu et de l’unité du genre humain dans ses membres, tous fraternels. Elle n’en est plus le “ sacrement ”. C’est “ le genre humain entier ”, sans préalable de conversion ni d’entrée dans l’Église, qui se voit attribuer une union satisfaisante avec Dieu et entre ses membres. » (ibid.)

«  Certes, continue l’abbé de Nantes, il n’y a eu “ aucune ombre de confusion ni de syncrétisme ” à Assise. Il y a eu plus grave : dans ce défilé carnavalesque et ringard de tous les folklores afro-asiatiques, un effacement suicidaire du Christ et de l’Église. » Lorsque ledit serviteur de Dieu justifie cette réunion d’Assise par une citation de l’Évangile de saint Jean : « Le Seigneur a offert sa vie non seulement pour la nation, mais encore pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés »(Jn 11, 52), l’abbé de Nantes s’élève contre cette « nouvelle citation abusive de l’Écriture sainte pour appuyer l’hérésie qui lui est la plus contraire ! Notre-Seigneur est mort sur la Croix pour que tous, juifs et païens, renonçant à leur “ ignorance ” séculaire ou à leur “ perfidie ”, cèdent à l’aiguillon de la Vérité et entrent dans l’unique et sainte Église. » (ibid.)

Relisant ce discours, nous ne pouvons imaginer que les membres du tribunal, à leur tour, ne s’insurgent pas avec l’abbé de Nantes lorsqu’ils liront le n° 11, où ledit serviteur de Dieu « avance une hypothèse sur un ton de certitude, comme le résultat d’une longue méditation des Écritures et de la tradition : “ Nous pouvons penser, en effet, que chaque prière authentique est suscitée par l’Esprit-Saint ”... mais il ne dit pas ce qu’est une prière “ authentique ” et, par le biais d’une relative, passe de l’hypothétique au catégorique : “ par l’Esprit-Saint, qui est mystérieusement présent dans le cœur de chaque homme ” (...). Ainsi la parole de saint Paul qui, dans l’Épître aux Romains, ne concerne explicitement que les chrétiens (catholiques évidemment ; luthériens et calvinistes n’étaient pas concernés, n’existant pas encore ! ), est dite de tout individu humain, lui garantissant la grâce et toutes les faveurs possibles de Dieu le Père qui ne peut résister aux “ gémissements ineffables ” de l’Esprit-Saint ! » (ibid.)

Persévérant dans ses erreurs, ledit serviteur de Dieu a baisé religieusement le Coran, le 14 mai 1999. Et le dimanche 6 mai de l’an 2000, après avoir enlevé rituellement ses chaussures, il est entré dans la mosquée des Umayyades, à Damas, pour écouter la lecture des versets du Coran et la litanie des noms d’Allah, suivies de l’homélie du grand mufti affirmant que « l’islam est la religion de la fraternité et de la paix », et que « nous adorons tous le même Dieu ». Par là, ledit serviteur de Dieu a conforté un milliard de musulmans dans leur “ foi ” au Coran selon lequel Dieu n’a pas de fils.

Ces quelques citations et faits, choisis entre mille, constituent un échantillon qui suffit à établir l’altération de la pureté de la foi catholique dudit serviteur de Dieu, entachant son enseignement d’erreurs assez graves pour compromettre définitivement sa réputation de sainteté. Il est cependant nécessaire de poursuivre notre analyse en montrant que ledit serviteur de Dieu a aussi manqué gravement à la vertu d’espérance.

II. CONTRE LA VERTU D’ESPÉRANCE

En un mot, nous pourrions dire que pendant son long pontificat, le pape Jean-Paul II a détourné l’espérance chrétienne du Royaume de Dieu vers la cité des hommes. Au lieu de nous montrer le chemin du Ciel, il s’est attaché à nous mobiliser pour la construction d’un monde plus juste ici-bas. Pour s’en convaincre, le tribunal n’aura qu’à lire attentivement l’allocution du 16 mars 1991 adressée au Conseil pontifical pour le dialogue avec les non-croyants qui débattait de “ la recherche du bonheur et la foi chrétienne ”.

On trouve dans ce discours les mots chrétiens « les plus beaux, les plus riches, les plus savoureux, les plus mystérieux aussi, reconnaît l’abbé de Nantes. Mais la religion de la nouvelle et éternelle Alliance dans le Sang de Jésus-Christ, historique, réelle, unique et sainte, apostolique et catholique en est totalement absente. Pire, exclue ! Ni Alliance divine, conditionnelle, ni Loi révélée, ni adoration, ni culte de Dieu. Ni conversion, ni foi, ni baptême. Ni croix, ni sacrifice, ni justification, ni octroi de la grâce. Ni Église, ni sacrements ; ni confession, ni communion. Ni ciel, ni enfer, encore moins de purgatoire. Ni jugement particulier, ni général. Ni anges bons ou mauvais, ni saints du paradis, ni dévotions aux Cœurs sacrés de Jésus et de Marie. La pauvre Sainte Vierge est oubliée. Pire, exclue... » Que reste-t-il alors ? «  L’Appel à un amour informel, inconditionnel, illimité, comme serait l’amour en Dieu, et l’offre d’une joie en Jésus-Christ qu’on promet, dès son acceptation et sans effort, une béatitude actuelle et perpétuelle dans la certitude d’une résurrection universelle. » (CRC n° 273, mai 1991, p. 10)

Voilà pourquoi l’abbé de Nantes parlera de « gnose wojtylienne ». Fondée sur les erreurs contre la foi dénoncées ci-dessus, cette “ gnose ” porte aussi atteinte à la vertu théologale d’espérance surnaturelle en vidant l’enfer et le ciel de toute réalité concrète, pour appeler à la construction d’un monde nouveau à l’occasion du troisième millénaire.

L’ENFER EXISTE BIEN, MAIS IL NE RETIENT PERSONNE

Du fait que « par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme », l’accompagnera-t-il en enfer ? Certes, non ! ledit serviteur de Dieu en conclut que, très probablement, il n’y a personne en enfer. Par exemple, dans son livre “ Entrez dans l’Espérance ” :

« La possibilité de la damnation éternelle est affirmée dans l’Évangile sans qu’aucune ambiguïté soit permise », reconnaît-il. « Mais dans quelle mesure cela s’accomplit-il réellement dans l’au-delà ? » À cette question ledit serviteur de Dieu répond par une autre interrogation : « Si Dieu désire que tous les hommes soient sauvés, si Dieu, pour cette raison, offre son Fils qui à son tour agit dans l’Église par l’opération de l’Esprit-Saint, l’homme peut-il être damné, peut-il être rejeté par Dieu ? De tout temps, la question de l’enfer a préoccupé les grands penseurs de l’Église, depuis Origène jusqu’à Mikhaïl Boulgakov et Hans Urs von Balthasar. Les premiers Conciles ont rejeté la théorie dite de l’apocatastase finale, selon laquelle le monde après sa destruction serait renouvelé et toute créature serait sauvée, théorie qui abolissait implicitement l’enfer. Cependant la question continue de se poser. Dieu, qui a tant aimé l’homme, peut-il accepter que celui-ci Le rejette et pour ce motif soit condamné à des tourments sans fin ? Pourtant, les paroles du Christ sont sans équivoque. Chez Matthieu, Il parle clairement de ceux qui connaîtront des peines éternelles.

« Qui seront-ils ? L’Église n’a jamais voulu prendre position. Il y a là un mystère impénétrable, entre la sainteté de Dieu et la conscience humaine. Le silence de l’Église est donc la seule attitude convenable. »

Ce disant, le pape Jean-Paul II jetait le doute sur les dires de sœur Lucie selon laquelle la Vierge Marie n’a pas adopté cette “ attitude convenable ” à Fatima, le 13 juillet 1917, en montrant à Lucie, François et Jacinthe « l’enfer où vont les pauvres pécheurs », vision pourtant bien attestée, ne serait-ce que par le cri d’effroi jeté par Lucie, entendu par les témoins de cette troisième apparition :

« Notre-Dame ouvrit de nouveau les mains, comme les deux derniers mois. Le reflet de la lumière) parut pénétrer la terre et nous vîmes comme un océan de feu. Plongés dans ce feu nous voyions les démons et les âmes d es damnés). Celles-ci étaient comme des braises transparentes, noires ou bronzées, ayant formes humaines. Elles flottaient dans cet incendie, soulevées par les flammes qui sortaient d’elles-mêmes, avec des nuages de fumée. Elles retombaient de tous côtés, comme les étincelles dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, au milieu des cris et des gémissements de douleur et de désespoir qui horrifiaient et faisaient trembler de frayeur. C’est à la vue de ce spectacle que j’ai dû pousser ce cri : “ Aïe ! ” que l’on dit avoir entendu de moi. Les démons se distinguaient d es âmes des damnés par des formes horribles et répugnantes d’animaux effrayants et inconnus, mais transparents comme de noirs charbons embrasés.

« Cette vision ne dura qu’un moment, grâce à notre bonne Mère du Ciel qui, à la première apparition, nous avait promis de nous emmener au Ciel. Sans quoi, je crois que nous serions morts d’épouvante et de peur. »

Ne nous étonnons pas que ledit serviteur de Dieu ne tienne aucun compte de cette vision, puisqu’il nie la damnation certaine de Judas :

« Même si le Christ dit, à propos de Judas qui vient de le trahir : “ Il vaudrait mieux que cet homme-là ne soit jamais né ! ” cette phrase ne doit pas être comprise comme la damnation pour l’éternité. »

Que le tribunal veuille bien aussi constater que dans l’encyclique Dives in Misericordia, Jean-Paul II travestit la parabole de l’enfant prodigue (Lc 15, 11-32) pour reconnaître un prétendu droit de l’homme à la miséricorde divine parce qu’il est fils de Dieu, non par adoption, non par grâce reçue au baptême, mais par un lien de nature :

« La fidélité du père à soi-même, écrit-il, est totalement centrée sur l’humanité du fils perdu, sur sa dignité. Ainsi s’explique surtout la joyeuse émotion du moment du retour à la maison. Allant plus loin, on peut dire que l’amour envers le fils, cet amour qui jaillit de l’essence même de la paternité, contraint le père à avoir le souci de la dignité de son fils. » (n° 6)

LE CIEL N’EST PAS UN LIEU

Si ledit serviteur de Dieu a enseigné abusivement à ne pas craindre l’enfer, il n’a pas inspiré pour autant le désir du Ciel.

Nous invitons le tribunal à reprendre les allocutions du mercredi de l’année 1989. Ledit serviteur de Dieu y achève un commentaire suivi du Credo, article après article, commencé en janvier 1982. Nous avons déjà vu plus haut, comment, le 11 janvier 1989, il expliquait que la descente aux enfers était une « représentation métaphorique » qui « proclame le début de la glorification du Christ » enfin admis en son âme « à la plénitude de la vision béatifique ».

Si les deux allocutions suivantes affirment nettement la Résurrection de Jésus sortant du tombeau, condamnant les négations modernistes de cette vérité historique, en revanche, dans les trois premières allocutions du mois d’avril, ledit serviteur de Dieu en arrive à nier le fait physique de l’Ascension corporelle de Jésus au Ciel. Selon lui, l’Ascension n’est pas une translation locale de Jésus ressuscité, de la terre en quelque ciel, mais sa « soustraction pleine et définitive aux lois du temps et de l’espace ». « Autant dire, commente l’abbé de Nantes, sa dématérialisation. »

Après quoi, le tribunal sera certainement surpris de constater que les allocutions des mercredis suivants changent de sujet, sans achever l’explication du Credo où il aurait dû en venir à traiter de la réalité physique du Ciel et de l’enfer !

Cependant, remarquons que le Catéchisme de l’Église catholique publié sous l’autorité dudit serviteur de Dieu, et qui enseigne sa conception de l’Ascension (nos 645-646, 659), ne fait ni du Ciel ni de l’enfer un lieu (nos 1027, 1033), mais uniquement un état. Au contraire, le Compendium publié par le pape Benoît XVI réintroduit la notion de lieu (nos 209 et 212) en évoquant les élus « rassemblés autour de Jésus et de Marie, des Anges et des saints » (n° 209). Sachant que Jésus ressuscité et sa divine Mère sont élevés corps et âme à la gloire du Ciel, «  il faut bien, écrit l’abbé de Nantes, que leur mutuelle présence constitue un espace, inaugure un lieu qu’on appelle le Ciel ou Paradis, séjour bienheureux des élus ».

LA CONSTRUCTION D’UN MONDE NOUVEAU ICI-BAS, POUR L’AN 2000

Si ledit serviteur de Dieu n’eut que des mots abscons pour parler du Ciel, il mit en revanche toutes ses immenses capacités intellectuelles et ses charismes au service de l’utopie d’un monde de paix par la démocratie universelle dont l’Église serait l’animatrice spirituelle. « Rompant avec la morale catholique, avec l’honneur des peuples civilisés, avec les règles immémoriales de la diplomatie pontificale, constate l’abbé de Nantes, Jean-Paul II n’a pas contredit le soulèvement révolutionnaire à prétexte syndical, à masque religieux. Il n’a pas, comme ses valeureux prédécesseurs du siècle dernier, exigé des peuples la soumission au pouvoir et ordonné à l’Église de coopérer avec l’État, pas plus en Pologne qu’il ne le fait dans le reste du monde. Il n’a pas réservé sa sollicitude au salut des âmes et à la tranquillité publique, mais il l’a gaspillée dans les causes douteuses de la justice, des droits de l’homme et de la liberté. » (CRC n° 176, avril 1982, p. 3)

L’encyclique “ Sollicitudo rei socialis ”, du 30 décembre 1987, en offre un exemple flagrant. Ledit serviteur de Dieu y fait un devoir à chacun « de se consacrer au développement des peuples » :

« C’est un impératif pour tous et chacun des hommes et des femmes, et aussi pour les sociétés et les nations ; il oblige en particulier l’Église catholique, les autres Églises et Communautés ecclésiales, avec lesquelles nous sommes pleinement disposés à collaborer dans ce domaine. »

Pour parler comme saint Pie X dans sa Lettre sur le Sillon, « nous n’avons pas à démontrer que le “ développement des peuples ” n’importe pas à l’action de l’Église dans le monde » ; ce qui lui importe, en revanche, c’est de mener les peuples, « tous et chacun des hommes et des femmes », s’il est possible, au bonheur du Ciel.

À cet égard, le cardinal Ratzinger, dans un ouvrage récent, parle comme saint Pie X : « En cemonde-ci [ c’est lui qui souligne] ,nous devons nous opposer aux mirages des philosophies fausses et reconnaître que nous ne vivons pas seulement de pain, mais tout d’abord de l’obéissance à la Parole de Dieu. Ce n’est que là où cette obéissance est vécue que croissent les convictions aptes à procurer du pain à tous. » (Chemins vers Jésus, éd. Parole et Silence, 2004, p. 93)

Cette pensée catholique du futur Benoît XVI est aux antipodes de l’unanimisme gnostique dudit serviteur de Dieu, selon lequel, « dans cette recherche du développement intégral de l’homme, nous pouvons également faire beaucoup avec les croyants des autres religions » (Sollicitudo rei socialis).

C’est dire que dans le « développement intégral de l’homme », ledit serviteur de Dieu n’inclut pas l’entrée au Ciel, pour y prendre place au festin des noces de l’Agneau ! L’application naturaliste qu’il fait de la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare à la vie économique et sociale nous le confirme :

« Il est indispensable, comme le souhaitait déjà l’encyclique Populorum progressio », déclare-t-il dans l’encyclique Sollicitudo rei socialis, « de reconnaître à chaque peuple le même droit à “ s’asseoir à la table du festin ” [ des biens de ce monde] au lieu d’être comme Lazare qui gisait à la porte, tandis que “ les chiens venaient lécher ses ulcères (cf. Lc 16, 21). » (n° 33)

Déjà, le 2 juin 1980, parodiant la parole de Jésus au désert, ledit serviteur de Dieu avait proclamé hautement au siège de l’Unesco : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi de culture. » En remplaçant « toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4), par la culture, ledit serviteur de Dieu montre que sa “ religion ” se réduit à la seule fonction culturelle d’appoint. Ou, plus exactement, précise-t-il, « elle s’efforce d’apporter à l’élaboration culturelle humaine la composante surnaturelle » (discours à Camerino, 19 mars 1991).

Loin d’être « surnaturelle », ladite « composante » est purement naturelle, selon ledit serviteur de Dieu. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre connaissance de son discours au corps diplomatique, du 10 janvier 1998. Il y révèle son ambition de se faire le mentor de tous les peuples du monde, comme le meilleur “ expert en humanité ”,traitant de tous leurs problèmes par appel à l’idéologie des droits de l’homme, de sa liberté, de son culte ; mais l’orateur n’y dit pas un mot de sa propre religion !

Le discours dudit serviteur de Dieu à Funchal, en la fête de l’Ascension 1991, est tout aussi révélateur :

« “ Ainsi l’Ascension du Seigneur n’est pas un simple départ, résume l’abbé de Nantes. C’est tout d’abord le début d’une nouvelle présence et d’une nouvelle action salvifique ”... celles de l’Esprit, qui “ donne la force divine à la vie terrestre de l’humanité dans l’Église visible ”. Mais sitôt rappelée, cette limite de l’Église visible est renversée. La plénitude de “ toute la création restaurée ”, la “ nouvelle création du monde et de l’homme ” que “ nous célébrons dans l’Eucharistie du dimanche ”, remplissent “ l’Église et le monde ” sans plus de différence et sans condition. Nous retrouvons là cet unanimisme gnostique où la dilution du Corps du Christ est totale et définitive, tandis que l’humanité et le monde matériel même prennent leur stature de “ Corps ” au souffle de l’ “ Esprit ” ; et ce sera le second Avènement du Christ, dans l’Âge de l’Esprit, qui va bientôt paraître.

« “ L’Ascension du Seigneur est, à la lumière de la liturgie d’aujourd’hui, conclut le Pape, la solennité de la maturation [de qui ? de quoi ? ne cherchez pas : de tout ce qui n’est pas le Christ, mais qui le devient...]dans l’Esprit-Saint pour la plénitude du Christ. ” Il n’y a donc plus, en nul Paradis, un vrai et vivant Homme-Dieu Jésus-Christ, en chair et en os, en compagnie de sa glorieuse Mère montée aux Cieux, ni aucune Présence réelle en aucune messe. Il n’y a plus d’autre venue à espérer de ce Christ Sauveur, que celle de l’an 2 000, “ le deuxième et définitif Avènement du Christ sauveur ” :

« “ Ainsi l’homme nouveau en dignité, en contemplation et en adoration, s’approche de Dieu avec confiance, dans une grande fête de toute la création restaurée. On célèbre la splendeur renouvelée de la bonté pleine [sic]du monde en Dieu : le Christ ressuscité, dans sa grâce infinie, libère l’homme de ses limites. La Pâque est la nouvelle création du monde et de l’homme. ” » (CRC n° 273, mai 1991, p. 16)

Sous le règne dudit serviteur de Dieu, l’Église avait pour seul but de tous ses travaux d’ « apporter sa propre contribution à la préparation des hommes qui entreront dans le nouveau millénaire ».

Récusant « les “ prophètes de malheur ”, prêts à voir des catastrophes partout », ledit serviteur de Dieu rendait hommage aux « prestigieux objectifs atteints » comme autant de « moments du chemin de l’homme au seuil de l’an 2000 » : conquête de l’espace, énergie nucléaire, génétique, informatique, robotique (discours à Camerino, 19 mars 1991)...

Toutes ces conquêtes, selon ledit serviteur de Dieu, conduisent l’Église à se rendre compte « qu’elle vit une phase parmi les plus innovatrices de l’histoire », en raison de l’extension du « concept même de culture ». Or, comme l’homme doit se nourrir non seulement du « pain gagné par le travail de ses mains... mais aussi du pain de la science et du progrès, de la civilisation et de la culture » (Laborem exercens, 1), dans ce foisonnement de « formes de sociétés multiculturelles qui dépassent les frontières traditionnelles géographiques et politiques », l’Église n’a qu’une pensée : « À la lumière de Dieu, affirmer le primat de l’homme ! »

De fait, en l’an 2 000, ledit serviteur de Dieu a pensé inaugurer une ère nouvelle, définitive, une nouvelle civilisation. Le 26 mars 2 000, il s’est rendu, dans cette intention, en pèlerinage à Jérusalem. Il en marqua la première “ station ” sur l’ancienne esplanade du Temple juif, devenue esplanade du Dôme du Rocher, “ mémorial ”, selon le Coran, « consacré pour que les hommes y reviennent fidèlement et qu’ils célèbrent le “ Lieu d’Abraham ” par des prières » (sourate II, verset 125).

Remarquons que, de fait, le dessein dudit serviteur de Dieu présente une extraordinaire similitude avec celui de l’auteur du Coran qui est de restaurer la religion « parfaite » ( ’islâm) née d’Abraham, et de la substituer au judaïsme et au christianisme perpétuellement en guerre l’un contre l’autre !

Ledit serviteur de Dieu a donc formulé le vœu que « le Tout-Puissant apporte la paix à cette région tout entière et bien-aimée, afin que tous les peuples qui y vivent puissent jouir de leurs droits, vivre en harmonie et en coopération, et rendre témoignage au seul Dieu en acte de bonté et de solidarité humaine » (cité dans Résurrection n° 1, janvier 2001, p. 11).

Même si, depuis, la violence n’a fait que croître en ladite région, comme il était prévisible parce que « sans Moi, vous ne pouvez rien faire », a averti Notre-Seigneur, ledit serviteur de Dieu a persévéré dans son attente d’un monde de paix sans recours obligé au Christ. Pourtant Lui seul est notre Paix, le tribunal en conviendra, et Il a commis l’office de cette Paix à sa divine Mère comme Elle nous l’a appris lors des apparitions de Fatima auxquelles ledit serviteur de Dieu s’est pourtant intéressé à la suite de son attentat.

La deuxième “ station ” de pèlerinage pontifical fut le Mur des Lamentations, où ledit serviteur de Dieu s’est rendu pour y déposer le texte de la repentance (teshouva) de l’Église à l’égard du peuple juif et toucher de sa paume la pierre du “ Qotel ”, Mur occidental qui soutenait le Temple, où reposait la « présence » du Dieu vivant, jusqu’à sa destruction en 70 par les Romains.

Ledit serviteur de Dieu s’est donc comporté en successeur de Pierre... avant qu’il « revienne » de son reniement et invite les « hommes d’Israël » à se repentir et se faire baptiser « au nom de Jésus-Christ » pour la rémission de leurs péchés, afin de recevoir le don du Saint-Esprit : « Car c’est pour vous qu’est la promesse,leur dit-il, ainsi que pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera. » (Ac 2, 38-40)

En 2001, ledit serviteur de Dieu s’est rendu en Grèce, en Syrie et à Malte, « sur les pas de saint Paul ». À Damas, dans une église anciennement chrétienne, transformée en mosquée, il a déclaré à ses hôtes musulmans : « Notre rencontre dans ce lieu renommé nous rappelle que l’homme est un être spirituel, appelé à reconnaître et à respecter le primat absolu de Dieu sur toutes choses. » Il n’a pas dit : « du Christ qui est Dieu », en vrai disciple de l’auteur du Coran, mais non pas de saint Paul qui, aussitôt converti sur le chemin de Damas, « se mit à prêcher Jésus dans les synagogues, proclamant qu’il est le Fils de Dieu » (Ac 9, 20).

« Je souhaite ardemment, a-t-il poursuivi, que les responsables religieux et les professeurs de religion, musulmans et chrétiens, présentent nos deux importantes communautés religieuses comme des communautés engagées dans un dialogue respectueux, et plus jamais comme des communautés en conflit. »

Il ne faudra donc « plus jamais » parler de Jésus-Christ comme du Fils de Dieu.

Sous le pontificat dudit serviteur de Dieu, l’Église, sans espérance surnaturelle, est devenue un mouvement d’animation spirituelle de la démocratie universelle. On peut légitimement se demander si ne s’accomplit pas sous nos yeux la parole de Jésus-Christ : « Mais le Fils de l’homme quand il reviendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ? » (Lc 18, 8)

En tout cas, la réputation de sainteté dudit serviteur de Dieu ne peut plus être soutenue !

D’autant plus que si sa foi est entachée d’erreur, si son espérance n’est pas orientée par la Croix du Christ qui ouvre le Ciel aux pécheurs, il est logique qu’une charité sans feinte lui fasse aussi gravement défaut.

III. CONTRE LA VERTU DE CHARITÉ

La « gnose wojtylienne », dont nous venons d’exposer la pensée directrice, est si étrangère à la doctrine et à la vie séculaire de l’Église, qu’on ne peut la professer sans se trouver en opposition d’esprit et de cœur, sinon toujours d’attitude apparente, avec ceux qui restent attachés à l’Église, à sa vérité, à sa vie surnaturelle. La rupture avec la vérité qu’elle professe entraîne une rupture du lien de charité entre chrétiens.

Nous n’en retiendrons que trois témoignages à charge contre ledit serviteur de Dieu, entre tant d’autres déjà recueillis en 1983 par l’abbé de Nantes dans son Livre d’accusation. Le premier témoignage touche l’attitude dudit serviteur de Dieu vis-à-vis de ceux qui le critiquaient ; le deuxième témoignage touche son attitude vis-à-vis des enfants de l’Église persécutés en haine de la foi ; le troisième témoignage touche son attitude vis-à-vis des adversaires de l’Église.

LE MÉPRIS DES OPPOSANTS PAR ABSENCE DU SOUCI DU BIEN DES ÂMES

Le 4 octobre 1979, l’abbé de Nantes écrivait audit serviteur de Dieu cette lettre dont le tribunal appréciera la pondération. Elle témoigne d’un sens de l’Église, et d’une attitude filiale qui attend tout de son Pasteur suprême :

« Très Saint Père,

« Est-il permis au dernier des fidèles de l’Église de s’adresser en ultime recours au Pasteur suprême, Serviteur des serviteurs de Dieu, pour lui demander de dire clairement quelles sont exactement les conditions qu’il faut remplir pour être membre de l’Église catholique romaine “ à part entière ”, ou alors quelles sont les fautes qui en excluent ? Mes amis et moi, nous ne pouvons savoir de personne si nous sommes encore vos fils, dans l’unique bercail du Christ, ou si nous en sommes rejetés et pourquoi ? et à quelles conditions souscrire pour y retrouver notre place et tous nos droits ?

« Certes, nous nous sommes opposés de tout notre esprit, de tout notre cœur et de toutes nos forces à cette prétendue réforme de l’Église qui, hors des sentiers obligés de la foi, de la morale et de la grande discipline catholiques, cause sa décadence, son autodémolition. Et nous savons que cette opposition n’a pas plu aux prophètes et aux promoteurs de ce gigantesque bouleversement de toutes nos traditions et de toute notre vie chrétienne.

« Mais nous avons conscience de ne point manquer aux exigences sacrées de la foi et de la morale catholiques, au contraire c’est pour les servir et les défendre que nous avons été conduits à nous opposer à ceux qui les attaquent et les bafouent ouvertement, immensément, et impunément. Ceux-là pourtant, qui invoquent la réforme conciliaire pour couvrir leurs pratiques liturgiques aberrantes et leurs négations explicites des mystères divins, ne sont pas frappés comme nous de suspens ou de disqualification ; on les croit d’Église et excellents apôtres quand on nous tient pour exclus de la communauté catholique et mauvais chrétiens.

« Faut-il pour être en communion avec Rome cesser de croire aux dogmes et à la morale rappelés par Paul VI lui-même, en revanche applaudir à toutes les opinions et les options nouvelles et déconcertantes des derniers Papes et du dernier Concile ? Ce serait un étrange renversement !

« Nous osons attendre de Votre Sainteté qu’elle rende un jugement digne de sa haute mission, de sa charge inaliénable de Docteur infaillible et de Pasteur suprême, pour nous obliger tous, fidèles catholiques, à tenir la foi catholique mais nous permettre de diverger d’opinions et d’options avec les novateurs si haut et si nombreux qu’ils soient, pourvu que la charité demeure entre tous : In necessariis unitas, in dubiis libertas, in omnibus caritas. »

Après avoir rappelé les démarches entreprises depuis mai 1978 pour une réconciliation, l’abbé de Nantes poursuivait :

« Très Saint Père, nous ne demandons pas qu’on nous pardonne, qu’on nous excuse, qu’on nous flatte. Nous demandons la Vérité, et nous osons penser qu’il n’y a pas de plus grande charité ni de meilleur service de nos âmes que de nous dire la Vérité : sommes-nous encore, tels que nous sommes, tels que nous nous exprimons dans la droiture de notre conscience, membres vivants de la Sainte Église catholique romaine ou bien notre opposition à la réforme actuelle nous en bannit-elle absolument ?

« Il nous semble grave et même pernicieux que l’Église, société visible et hiérarchique, tout à la fois efface ses limites, abatte ses remparts et ses panneaux-frontières, admettant à sa communion des membres de communautés chrétiennes naguère encore réputées schismatiques et hérétiques, ou encore des fidèles de religions monothéistes essentiellement antichrétiennes, et au même moment élève des murs à l’intérieur et s’invente, se crée des divisions, des ségrégations illusoires, fondées sur des opinions disputées ou des orientations incertaines.

« C’est parce que nous Vous reconnaissons, Très Saint Père, l’autorité suprême, et non seulement l’honneur de la primauté mais sa charge, son devoir, que nous Vous supplions de définir les frontières de l’Église hors de laquelle il n’y a pas de salut, aussi vastes qu’il est possible à Votre miséricorde, au-dehors desquelles nul n’est plus en sécurité et doit être averti de se corriger et convertir au plus tôt pour échapper à la Colère de Dieu.

« Et nous croyons pouvoir affirmer, contrairement à ce qui a été avancé ici ou là, et à Rome même, pour nous diffamer, que Votre Sainteté, définissant avec l’extraordinaire solennité et puissance de son magistère infaillible ce qui est vérité de foi en toutes matières controversées, tels l’œcuménisme, la liberté religieuse, les droits de l’homme, et anathématisant ce qui est hérésie, trouvera en nous et en tous ceux qui tiennent de nous leurs convictions les fils les plus respectueux et les plus soumis.

« Daigne Votre Sainteté recevoir l’hommage religieux de notre entière et sincère fidélité. »

L’abbé de Nantes publia aussitôt cette pressante et pathétique requête, en éditorial de la Contre-Réforme catholique d’octobre 1979. Il l’accompagna du commentaire suivant, intitulé “ Le sens d’une démarche ” :

« L’Église ne peut vivre dans les liens de la charité que si elle conserve l’unité de la foi. Faute d’une claire définition et d’un respect absolu de la foi catholique, toute vie commune s’avère impossible et nous le voyons aujourd’hui. C’est le devoir primordial de l’Église hiérarchique, pour le salut de nos âmes et pour la subsistance de son magistère infaillible, de garder et de transmettre le dépôt du Christ intact, intégral, jusqu’à la fin des temps, disant la vérité, proscrivant l’erreur. Il est sûr et certain que c’est là le premier de tous les services que nous sommes en droit d’attendre du Pape et que nous devons solliciter de lui, quitte à paraître importuns, jusqu’à ce que nous l’obtenions enfin de sa paternité, infailliblement.

« Ainsi, voici quinze ans que l’abbé Hans Küng et le signataire de la présente lettre au Saint-Père sont tous deux, mais inégalement, suspects dans l’Église. Curieusement, tout ce que le premier conteste et refuse, le second l’accepte de toute son âme comme divine vérité. Et il est de fait que ce qui déplaît à Hans Küng relève proprement du magistère ordinaire de l’Église et souvent jouxte l’infaillibilité de son magistère solennel.

« En revanche, tout ce qui plaît énormément à Hans Küng dans l’enseignement de Vatican II, des papes Paul VI et Jean-Paul II, nous paraît absolument irrecevable, étranger à l’Écriture et à la Tradition, au contraire tout inspiré des principes de la société moderne, de son rationalisme philosophique, de son humanisme athée, de son esprit révolutionnaire. Or tout cela, auquel nos Papes et nos évêques attachent une telle importance, ne relève jusqu’à ce jour que de leurs pensées et options de théologiens privés. Du moins, nous semble-t-il.

« Il paraît que les Papes et les Conciles peuvent se tromper sur des points secondaires. Küng, qui le dit, s’en autorise pour rejeter les mystères de la Sainte Trinité, de l’Incarnation, de la Rédemption, et la réalité historique de la Résurrection, sans parler de la morale chrétienne. Et on le laisse se glorifier de son immunité dans l’Église.

«  Nous faisons avec Paul VI profession de foi catholique, nous adhérons à son Credo comme à tout son enseignement moral absolument traditionnel. Mais nous contestons son culte de l’homme, son œcuménisme universel, sa théorie de la liberté religieuse, opinions inouïes de la part d’un Pape. Et notre libre critique de ces points secondaires n’est pas tolérée ; elle nous vaut d’être suspens et disqualifiés dans l’Église !

« Voilà. Il y a de la clarté à remettre dans les idées, de l’ordre à remettre dans l’Église pour que, par la vérité divine et la justice humaine, nous nous retrouvions unis dans une sincère et profonde charité, c’est notre désir le plus ardent. Or, qui le peut faire hors du Pape ? qui mieux que le Pape, et ce Pape précisément, S. S. Jean-Paul II, peut le faire ? C’est à lui que nous en appelons, et avec l’aide de Dieu nous ne serons pas confondus. »

Le 8 octobre 1979, la nonciature à Paris avertit l’abbé de Nantes que sa lettre au Saint-Père allait être « transmise à sa haute destination ». Cependant, durant les mois suivants, aucune réponse ne vint de Rome. Il en fut ainsi pendant tout le pontificat dudit serviteur de Dieu : aucune des suppliques de l’abbé de Nantes ne reçut jamais la moindre réponse de leur auguste destinataire, mais toujours des fins de non-recevoir émanés des bureaux du Vatican.

La volonté délibérée dudit serviteur de Dieu de refuser de mener à terme l’examen des accusations de l’abbé de Nantes, malgré les prescriptions du droit canonique, était pour ses collaborateurs si évidente que sous son pontificat de nombreux actes illégitimes de l’autorité, “ déclarations ” officielles, mises en garde épiscopales et sanctions antérieures à toute enquête ou procès, se sont succédé sans crainte de réprobation.

Ces actes ont causé un dommage considérable, voire irréparable à la réputation de l’abbé de Nantes et de nombreuses autres personnes qui le soutenaient, à l’encontre de toute présomption d’innocence. Pourtant, le droit à la bonne réputation est un droit fondamental reconnu à tous les fidèles de l’Église catholique, et particulièrement aux clercs, non pas en vertu de la dignité et des droits de l’homme, mais en vertu de la dignité de notre condition de baptisés, qui nous faits « non pas enfants d’une servante » mais de « la femme libre » qui est l’Église (Ga 4, 31). N’est-ce pas le devoir du Père Commun de veiller à la sauvegarde de la bonne réputation de chacun de ses enfants ?

Si les accusations de l’abbé de Nantes étaient mensongères, gravement fautives, pourquoi ne pas faire aux lecteurs de la Contre-Réforme catholique, dont le nombre s’élevait alors à trente-six mille ! la charité d’un procès en bonne et due forme selon le droit de l’Église, comme l’abbé de Nantes le réclamait. S’il était coupable, il était urgent de le montrer afin d’obtenir sa rétractation et d’éclairer les nombreux lecteurs de ses articles. Dans une situation similaire quoique de bien moindre gravité, saint Pie X avait agi rondement avec l’ancien chancelier de la curie épiscopale de Belluno, don Angelo Volpe, frappé d’interdit par son évêque parce qu’il s’opposait publiquement à la politique pontificale sur la Question romaine :le saint Pontife voulut le rencontrer personnellement, s’expliqua avec lui et trouva une formule d’entente. Quelques jours plus tard, le prêtre interdit remontait à l’autel. Mais Pie X était un saint et n’avait rien à se reprocher...

Toute différente était la situation dudit serviteur de Dieu, uniquement soucieux de sauvegarder sa réputation. Une petite anecdote le montre indubitablement. En 1993, Mgr Sandri, alors assesseur à la secrétairerie d’État, m’accorda une audience, sollicitée en vue d’engager des pourparlers au sujet de l’examen de la plainte de l’abbé de Nantes contre l’Auteur du Catéchisme de l’Église catholique. Ce prélat me fit cet extraordinaire aveu : « Si nous faisions ce que vous demandez [à savoir instruire ce procès]cela voudrait dire que tout cela a unfundus veritatis, un fond de vérité. Si nous commencions à examiner, cela voudrait déjà dire que vous avez raison. Nous ne pouvons le faire. » Fallait-il que ledit serviteur de Dieu et ses services soient bien persuadés qu’ils ne pourraient convaincre d’erreur l’abbé de Nantes ! En effet, chaque jour dans le monde et dans l’Église quantité de plaintes sont examinées, fondées ou non. C’est le déroulement du procès qui établit le bien-fondé d’une plainte, et non pas son ouverture !

Alors, sans égard pour l’infamie ainsi jetée sur la personne de l’abbé de Nantes à seule fin de le faire taire, ledit serviteur de Dieu a fermé son oreille et son cœur à tous les recours, manquant gravement à la charité due à ce prêtre et à ceux qui le suivaient, et se montrant plus attaché à sa propre doctrine qu’à la vérité, fondement de la charité.

TRAHISON DES MARTYRS UNIATES

Pendant que Jean-Paul II mobilisait sa diplomatie et les médias pour attirer l’attention du monde sur les mouvements de libération de certains pays comme le Nicaragua, l’Afrique du Sud, la Palestine, il manifestait la plus grande indifférence à l’égard des Ukrainiens persécutés.

Un des rares actes dudit serviteur de Dieu qui aient provoqué une opposition formelle et publique de la part d’un membre du Sacré Collège montre jusqu’où a pu mener la volonté de réconciliation œcuménique à l’encontre de toute considération de la vérité. Le tribunal n’est pas sans savoir quels tourments sans nom eurent à subir nos frères catholiques uniates sous le joug communiste à cause de leur fidélité au Siège de Rome. Sur cinquante-quatre millions d’Ukrainiens catholiques, dix millions sont morts à la suite des persécutions. Le 3 décembre 1980, le Synode des Ukrainiens, tenu à Rome avec l’approbation dudit serviteur de Dieu, publia une Lettre pastorale proclamant la nullité du “ Synode de Lvov ” de 1946 réuni sans l’approbation de Pie XII, qui avait proclamé, sous la contrainte du pouvoir communiste stalinien, l’unification forcée de l’Église catholique uniate avec l’orthodoxie.

Or, le 22 décembre 1980, le patriarche orthodoxe de Moscou adressait audit serviteur de Dieu une lettre comminatoire lui enjoignant de désavouer la Lettre pastorale du Synode romain des uniates, sous peine de créer « une tension tellement dangereuse qu’elle ne pourrait être qualifiée que de tragique, à en juger par les conséquences destructrices qu’elle pourrait amener au sein des relations entre nos deux Églises sœurs », cette dernière expression désignant Rome et Moscou. En effet, l’Église catholique uniate, surtout ukrainienne, subissait toujours, en ces années 80, le joug du pouvoir communiste, protecteur du patriarcat de Moscou !...

Que fit ledit Serviteur de Dieu ? Il répondit par une lettre secrète, en date du 24 janvier 1981, où il « regrette une telle publication qui a eu lieu sans même que j’eusse eu connaissance de ces documents ». Mais il avertit aussitôt toutes les nonciatures des pays où vivent des communautés ukrainiennes catholiques, que la Lettre pastorale du Synode romain des uniates n’avait pas été approuvée et était donc dépourvue de tout caractère officiel. Il demandait également d’en éviter la publication et, autant que faire se peut, la diffusion. Aucun organe du Saint-Siège n’y fit allusion.

Mais, le 8 avril 1981, le patriarcat de Moscou publia la lettre secrète dudit serviteur de Dieu dont la lecture provoqua la colère indignée du cardinal Joseph Slipyj, archevêque majeur de Lvov des Ukrainiens, confesseur de la foi. Celui-ci demanda alors publiquement des explications audit Serviteur de Dieu. Même le journal La Croix, rendant compte du communiqué du cardinal, était obligé de constater le dilemme : « Pris entre le respect que l’on doit au martyr de l’Église ukrainienne et le désir de faire avancer l’œcuménisme avec les Églises orthodoxes, le Saint-Siège ne dispose que d’une marge étroite. » (CRC n° 170, octobre 1981, p. 13)

FLATTEUR DES ENNEMIS DE L’ÉGLISE

Plus encore que par son attitude méprisante vis-à-vis de celui qui osait faire appel à son autorité souveraine contre ses propres erreurs, plus encore que par son indifférence à l’égard de ses frères persécutés pour leur foi, le fond du cœur dudit serviteur de Dieu s’est révélé lorsqu’il invita l’Église catholique, l’Église sainte, à se convertir elle-même en se repentant de ses péchés et erreurs, dans sa Lettre apostolique Tertio millennio adveniente, malgré l’opposition de certains cardinaux. Cette volonté arrêtée manifeste clairement le prurit de popularité dudit serviteur de Dieu, cherchant l’estime des hommes, nonobstant leur mépris de leur Sauveur. Elle manifeste aussi tout autant son absence de vénération, de charité, pour l’Église sainte.

Comme l’écrivait déjà l’abbé de Nantes au pape Paul VI, «  les Novateurs s’excitent à choisir et à rejeter dans les traditions ecclésiastiques selon les lumières de la conscience individuelle... et selon les orientations actuelles de l’Autorité. C’est le monde renversé ! S’il faut se garder de l’erreur et du péché, ce ne peut être que ceux de l’Église actuelle, et cela ne peut se juger que par rapport à nos saintes traditions et doctrines séculaires. » (CRC n° 2, p. 11)

C’est pourquoi le péché de certains catholiques ne doit pas être imputé à l’Église sainte qui lutte sans cesse pour continuer l’œuvre rédemptrice de son Seigneur. Avérés, ces péchés sont un poids pour elle, une croix qu’elle porte unie à son Époux-rédempteur, sans jamais les faire siens pour autant ; en demander pardon au nom de l’Église tend à faire croire qu’elle en est responsable !

Bien plus, lui imputer ces “ péchés ” sur la foi des propos calomniateurs de ses ennemis, y accorder le moindre crédit ou, par son attitude, leur donner un “ fond de vérité ” ( fundus veritatis ! ), c’est cela qui est un péché contre la sainteté de l’Église. Dans les deux cas, loin d’attirer à l’Église, la repentance en détourne les âmes ! Outrageante pour la sainte Église, cette démarche est un malheur pour les pauvres pécheurs ; se prétendant œuvre de vérité, elle n’a pour effet que de les maintenir dans les ténèbres de l’erreur.

Inutile de dresser la liste de ces “ repentances ” ; prenons seulement quelques exemples.

Le 4 mai 2001, à Athènes, le Pape demande pardon aux orthodoxes pour tous les « massacres perpétrés par les catholiques », en particulier lors du sac de Constantinople en 1204, passant sous silence l’obstacle opposé par les Byzantins, schismatiques depuis 1054, au succès de la Croisade, et leurs multiples trahisons au profit des Turcs et de Saladin. Séparés de Rome pour des questions de rites et d’usages, ils en étaient venus à massacrer les Latins résidant à Constantinople, pour le plaisir ; en 1182, on avait pu voir, sur les pavés de la ville, rebondir la tête d’un cardinal attachée à la queue d’un chien ! Après avoir tu ces vérités historiques, ledit serviteur de Dieu pouvait s’adresser aux évêques catholiques pour leur prêcher l’esprit d’ouverture : « Combien nous rêvons que les pasteurs de cette terre illustre, qu’ils appartiennent à l’Église orthodoxe ou à l’Église catholique, les difficultés du passé surmontées et en affrontant avec courage et esprit de charité les difficultés présentes, se sentent responsables ensemble de l’unique Église du Christ et de sa crédibilité aux yeux du monde. » Comment des évêques schismatiques – qui viennent d’être confortés dans leur opposition à Rome par la “ repentance ” du Pape – se sentiraient-ils « responsables de l’unique Église du Christ », s’ils ne commencent par y entrer ? On a le sentiment très net que ledit serviteur de Dieu ne discerne plus l’Église dont il est le Chef. Son cœur et sa pensée sont absorbés par son rêve, son utopie, sa gnose.

Autre exemple : le message adressé par ledit serviteur de Dieu au colloque romain sur le jésuite Matteo Ricci. Prenant parti pour celui-ci, il demande pardon pour les « erreurs » du passé : « Je ressens avec une profonde amertume ces erreurs et limites du passé » qui ont pu donner « l’impression d’un manque de respect et d’estime pour le peuple chinois ».

Le dévouement de milliers de missionnaires et de religieuses, exercé dans des conditions de pauvreté héroïque, notamment dans les léproseries, n’est-il donc pas suffisant pour montrer l’amour de l’Église sainte pour le peuple chinois ? Ledit serviteur de Dieu n’en parle pas. Comment l’auteur d’un tel mensonge par omission, qui ternit l’image de l’Église aux yeux des Chinois, pourrait-il être béatifié ?

Daigne le tribunal considérer un troisième exemple. En novembre 2001, pour la première fois, un Pape a envoyé personnellement un e - mail aux responsables catholiques du monde entier. Ce document, Ecclesia in Oceania, reprenait les conclusions du synode romain de 1998 consacré à l’Océanie ; l’une d’entre elles consistait à condamner les abus sexuels commis par les prêtres lors de l’évangélisation de l’Océanie et de l’Australie au dix-neuvième siècle. Ledit serviteur de Dieu accréditait de ce fait les calomnies répandues par les protestants et les administrateurs francs-maçons contre les missionnaires pour détourner d’eux les indigènes, au lieu d’exalter leur incomparable œuvre civilisatrice.

La triste situation de la Papouasie-Nouvelle-Guinée sombrant depuis dans l’anarchie, l’immoralité et la violence, au point de ne trouver de salut que dans un retour déguisé à la colonisation australienne, est le fruit de cette méconnaissance de l’action bienfaisante de l’Église une, sainte, catholique, apostolique, par ledit serviteur de Dieu.

Il est notable que partout où ledit serviteur de Dieu a pu faire prévaloir sa doctrine, il s’en est suivi une consomption de l’Église et, du même mouvement, un retour en force du mal sous toutes ses formes. Il suffit de citer l’exemple du Nord-Ouest canadien où, durant près d’un siècle, les missionnaires oblats de Marie-Immaculée se sont dévoués dans les missions les plus pénibles du monde. Le dialogue œcuménique, la revendication des droits de l’Homme, la “ repentance ” ont eu là-bas des effets dévastateurs : des diocèses et des missions sont au bord de la faillite sous le coup de condamnations des tribunaux pour abus sexuels et, comme il n’y en avait pas assez pour les ruiner, pour abus... culturels. Les juges ont trop bien entendu ledit serviteur de Dieu déclarer, lors de son voyage au Canada en 1984, que l’Église n’avait pas respecté la culture des peuples autochtones ! Aujourd’hui, tandis que les missions ferment leurs portes, la jeunesse autochtone sombre dans tous les vices, lorsqu’elle ne retourne pas aux pratiques chamaniques !

La conclusion s’impose : non seulement ledit serviteur de Dieu n’a pas pratiqué l’héroïcité de la charité, mais il s’est rendu coupable d’une inversion du zèle apostolique.

CONCLUSION : NOTRE-DAME DE FATIMA MÉPRISÉE

Si ledit serviteur de Dieu a manqué gravement à la foi, à l’espérance et à la charité, la cause est entendue. Cependant, il paraît opportun d’apporter au tribunal la vérification de notre démonstration par une preuve qui ne relève pas de la théologie, mais d’une simple constatation. Ledit serviteur de Dieu, dont la devise “ Totus Tuus ” proclame la dévotion mariale, a toujours méprisé les apparitions de Notre-Dame de Fatima et ses demandes bien précises.

Pourtant, personne ne peut douter de leur authenticité, ni de celles de 1917, ni de celles qui les complétèrent à Pontevedra en 1925 et à Tuy en 1929. Elles constituent l’épiphanie mariale la plus importante de toute l’histoire de l’Église. Toutefois, il a fallu attendre la tentative d’assassinat dont fut l’objet ledit serviteur de Dieu le 13 mai 1981, jour anniversaire de la première apparition, pour que, de son propre aveu, il s’y intéresse. Il est vrai qu’il s’est rendu par la suite à Fatima en pèlerinage, qu’il a béatifié les deux voyants, François et Jacinthe, morts en 1919 et 1920, qu’il a élevé au rang de sanctuaire le lieu des apparitions de Pontevedra. Dès lors, comment parler encore de mépris ?

Il est cependant avéré que sœur Lucie, la dernière des voyantes de Fatima, retournée à Dieu quelques semaines avant ledit serviteur de Dieu, n’a pas été de son vivant mieux traitée que... l’abbé de Nantes ! On a beaucoup reproché à celui-ci le “ ton offensant ” de ses remontrances ; le tribunal observera que les innombrables marques de vénération et d’affection pour le Père Commun données par sœur Lucie n’ont pas obtenu davantage d’attention et de bienveillance.

Comment s’en étonner puisque le message de la Mère de Dieu, transmis fidèlement par la voyante, était inconciliable avec les pensées personnelles dudit serviteur de Dieu ? En effet, après la vision de l’enfer, la Sainte Vierge révèle le moyen d’en détourner les âmes : « Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. » De l’obéissance de l’Église à cette volonté divine dépend le salut des âmes et la paix du monde. Tout est donc entre les mains du Saint-Père : il lui appartient de consacrer la Russie au Cœur Immaculé de Marie, après avoir ordonné aux évêques de le faire avec lui, pour qu’elle se convertisse ; à lui aussi de recommander la dévotion des cinq premiers samedis du mois. Par ces simples demandes, c’est la nécessité de la conversion à l’Église catholique, la médiation de la Vierge Marie, l’autorité universelle du Vicaire du Christ-Roi, l’existence du Ciel et de l’enfer qui sont rappelées au monde, toutes vérités qui heurtent précisément de plein fouet la « gnose wojtylienne » !

C’est pourquoi, lorsque ledit serviteur de Dieu recommande, le 28 octobre 1981, la récitation du Rosaire, il se garde bien de mentionner explicitement la demande expresse que fit Notre-Dame, à chacune de ses apparitions de 1917, de la récitation quotidienne du chapelet.

Lors de son pèlerinage sur le lieu des apparitions, le 12 mai 1982, non seulement il ne révéla pas le secret tant attendu, mais il en parla avec désinvolture :

« Vous voulez que je vous enseigne un secret... ? C’est simple, et ce n’est déjà plus un secret : “ Priez beaucoup, récitez le chapelet tous les jours. ” »

La seule chose qui ne fut jamais un “ secret ” !

Dans sa prédication lors de ce pèlerinage, non seulement ledit serviteur de Dieu n’approuva pas la dévotion réparatrice mais il en détourna les fidèles :

« Dans la jubilante attente de concrétiser tout cela, complètement, à la sainte Messe de demain, vivons à plein, dès maintenant, en eucharistie, notre pèlerinage en nous offrant à Dieu par le Cœur Immaculé de Marie, en action de grâces et en disponibilité ; offrons nos sacrifices en union avec le Christ rédempteur et répétons dans une prière expiatrice et propitiatrice de nos âmes : “ Seigneur Jésus, c’est pour votre amour, en réparation des péchés et pour la conversion des pécheurs. ” » Or la formule exacte de la prière enseignée par la Sainte Vierge est : « Ô Jésus, c’est pour votre amour, en réparation des offenses au Cœur Immaculé de Marieet pour la conversion des pauvres pécheurs. » En outre, ledit serviteur de Dieu substituait à laconsécration à Marie ou au Cœur Immaculé de Marie, l’offrande à Dieu par Marie.

Ledit serviteur de Dieu cita aussi la prière de l’Ange : « Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je Vous aime », mais il passa sous silence la seconde partie de cette prière : « Je Vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas, qui ne Vous aiment pas. » Pourquoi ?

Le matin de ce 13 mai 1982, il rencontra sœur Lucie seul à seule. Pendant l’entrevue, qui dura vingt à vingt-cinq minutes, la messagère du Ciel put lui remettre une lettre importante dans laquelle elle confirmait que les visions du troisième Secret sont en relation étroite avec les paroles de la Vierge qui les précèdent : elles décrivent, sous une forme allégorique, les promesses divines, et surtout les châtiments liés aux refus des hautes autorités de l’Église de satisfaire aux demandes du Ciel :

« La troisième partie du Secret, que vous êtes inquiet de comprendre, écrit-elle au Pape, est une révélation symbolique, qui se réfère à cette partie du Message, conditionnée par notre réponse ou notre non-réponse à ce que le Message lui-même nous demande : “ Si on écoute mes demandes, la Russie se convertira et on aura la paix ; sinon, elle répandra ses erreurs à travers le monde, etc. ”Étant donné que nous n’avons pas tenu compte de cet appel du Message, nous constatons qu’il s’est réalisé, la Russie a inondé le monde de ses erreurs. Et si nous ne voyons pas encore, comme un fait accompli, la fin de cette prophétie, nous voyons que nous y allons à grands pas. »

Durant cet entretien avec sœur Lucie, ledit serviteur de Dieu tenta de la convaincre qu’il n’était « ni nécessaire ni prudent de révéler le contenu du troisième Secret, vu que le monde ne le comprendrait pas ». Il éluda la question de la consécration de la Russie en disant qu’il parlerait de « toutes ces choses » aux évêques, pendant le synode de 1983...

Mais dans son homélie au cours de la messe qui suivit, ledit serviteur de Dieu laissa entendre faussement que ses prédécesseurs avaient déjà répondu aux demandes de « la Dame du message » : « Pie XII a voulu consacrer au Cœur Immaculé de Marie tout le genre humain et spécialement les populations de la Russie. N’a-t-il pas, par cette consécration, donné satisfaction à la résonance évangélique de l’appel de Fatima ? »

Pour sa part, ledit serviteur de Dieu prétendait vouloir seulement « accomplir une fois encore ce que mes prédécesseurs ont déjà fait : confier le monde au Cœur de la Mère ».

Après la cérémonie, il insinua qu’il avait satisfait aux requêtes célestes. À la sacristie du sanctuaire, quand un évêque le félicita d’avoir consacré le monde, il répondit en souriant : « Et aussi la Russie. » De surcroît, au lendemain de son voyage au Portugal, lors de l’audience du 19 mai, en évoquant la “ consécration ” du 13 mai, il affirma : « J’ai cherché à faire tout ce qui pouvait être fait dans les circonstances concrètes pour mettre en évidence l’unité collégiale de l’évêque de Rome avec tous ses frères dans le ministère et le service épiscopal du monde. »

L’abbé de Nantes pouvait légitimement conclure dans un éditorial de la Contre-Réforme catholique, intitulé “ L’imposture suprême ”, que ledit serviteur de Dieu avait fait semblant d’obéir à Notre-Dame :

« Le pire est qu’il a voulu faire accroire aux bons qu’il faisait tout le nécessaire, tout l’humainement possible, tout ce qu’une prudence surnaturelle lui inspirait de faire. Tandis qu’il montrait aux méchants qu’il n’était pas dupe des légendes et affabulations et hystéries fatimistes. Et qu’il n’exigeait pas qu’on y croie, qu’il ne demandait aucun effort à personne. »

Quant à sœur Lucie, elle observait que, conformément aux paroles de Notre-Seigneur, lors de la révélation de Rianjo, en 1931, ses ministres ne voulaient pas écouter sa demande ; ils en retardaient l’exécution. Le lendemain de son entrevue avec ledit serviteur de Dieu, elle eut, au carmel de Fatima, un parloir avec Mgr Hnilica, le Père Sebastian Labo, don Luigi Bianchi, et le provincial des carmes :

« Ma sœur, lui demanda don Bianchi, hier dans son acte d’offrande le Pape a-t-il vraiment consacré la Russie au Cœur Immaculé de Marie ? » De l’index, sœur Lucie eut un geste de dénégation. Puis, des deux mains, elle dessina la forme du globe terrestre en expliquant que, pour répondre à la requête de Notre-Dame, il faudrait que chaque évêque fît dans sa cathédrale une consécration publique et solennelle. Elle fit remarquer que la Russie n’avait pas été l’objet de la consécration. Or, Dieu voulait « la consécration de la Russie et uniquement de la Russie, sans aucune adjonction », insista-t-elle, car « la Russie est un immense territoire, bien circonscrit, et sa conversion se remarquera, montrant ainsi ce qu’on peut obtenir par la consécration au Cœur Immaculé de Marie ».

Toutefois, sœur Lucie ayant de nouveau témoigné des volontés du Ciel, et Mgr Beltritti, patriarche de Jérusalem, les ayant rappelées aux évêques du synode de 1983, ledit serviteur de Dieu se décida à écrire, le 8 décembre 1983, aux évêques du monde entier pour les informer de la cérémonie qui aurait lieu à Rome le 25 mars 1984 afin qu’ils puissent, ce jour-là, « renouveler » avec lui la consécration : « Les paroles du texte que je vous envoie, correspondent, avec de légères modifications, à celles que j’ai prononcées à Fatima le 13 mai 1982. » Assurément, de « légères », trop « légères modifications » : le seul ajout était la mention de l’année jubilaire de la Rédemption.

Au carmel de Coïmbre, le jeudi 22 mars 1984, madame Pestana, sa vieille amie, lui demanda : « Alors, Lucie, dimanche, c’est la consécration ? » La voyante fit signe que non et déclara :

« Cette consécration ne peut avoir un caractère décisif » puisque « la Russie n’apparaissait pas nettement comme étant le seul objet de la consécration » (Toute la vérité sur Fatima, t. 4, p. 425).

La “ consécration ” annoncée eut bien lieu le 25 mars 1984, à Rome, sur le parvis de la basilique Saint-Pierre, devant la statue de Notre-Dame de Fatima apportée tout exprès de la Capelinha. Ledit serviteur de Dieu lut son acte d’offrande en y ajoutant la supplication suivante : « Éclaire spécialement les peuples en faveur de qui tu attends notre consécration et notre offrande. »

Le soir, lors de l’Adieu à Notre-Dame, il déclara avoir voulu consacrer « tous les peuples, particulièrement ceux qui ont tant besoin de cette consécration, ces peuples pour lesquels Tu [ la Vierge Marie] attends toi-même notre acte de consécration, l’acte qui Te les confie ». En s’exprimant ainsi, ledit serviteur de Dieu reconnaissait que la Vierge Marie attendait encore la consécration demandée. Il concédait que son acte d’offrande n’avait pas répondu à la requête du Ciel.

Les pensées dudit serviteur de Dieu couraient à l’opposé de celles du Cœur Immaculé de Marie. Le Pape souhaitait la réconciliation des “ Églises séparées d’Orient et d’Occident ”, mais il ne voulait pas pour autant « convertir » la Russie au catholicisme, puisque son grand dessein millénariste était de faire l’union de toutes les confessions, à égalité, sans laisser l’Église catholique se prévaloir d’aucune supériorité sur “ les autres ”. Tout son programme répondait à sa chimère d’un monde pacifique où les religions ne formeraient plus qu’un seul “ Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle ”, chimère dont la réunion qu’il organisa à Assise, le 27 octobre 1986, fut le symbole. La contradiction violente qui existe entre les volontés de Dieu révélées à Fatima et les démarches interreligieuses pour la paix, dudit serviteur de Dieu, son ministre, fut rendue manifeste, précisément au cours de la rencontre d’Assise, par un événement bouleversant. Un cortège s’était avancé, portant un brancard de procession sur lequel était dressée la statue de Notre-Dame de Fatima, au-dessus d’un berceau de fleurs arrangées en forme de cœur blanc portant la blessure, sur un fond de fleurs rouges. Or, le service d’ordre l’avait refoulé et le brancard avec la statue avait dû être abandonné là, par terre, dans l’herbe.

« Voilà l’incident qui donne à réfléchir, commenta l’abbé de Nantes, le signe céleste dans une longue journée froide et sans joie, sans foi, sans lumière, où Dieu sembla sourd aux prières qui montaient vers lui. De quoi s’agissait-il ce jour-là, en ce lieu, en ce concours de tant de gens ? De la paix. De procurer au monde la paix. Par qui et par quels moyens ? Par toutes les religions et par tous les cultes.

« Et c’est alors que s’avance la personne qui a reçu de Dieu unique et véritable le don de la paix. Elle monte, elle approche, elle vient offrir à l’assemblée de toutes les religions le don de sa grâce à tous ceux qui voudront la prier et la supplier, et par Elle toucher le Cœur de son Fils, sans qui nul homme, nul peuple ne peut rien faire. Et voilà qu’elle est refoulée, quel signe ! Par respect pour le grand rabbin de Rome et le grand mufti de La Mecque, les adorateurs du serpent et les adorateurs du feu, et les sectateurs du bouddha qui, pour lors, siège tout en or sur le tabernacle vide de l’église Saint-Pierre !

« Mais qu’ont-ils fait à Assise ? Le but, le désir suprême de Jésus, c’est que les hommes, que le Pape, tous les évêques, que tous ouvrent leurs cœurs à Marie. Et à Assise, l’autre soir, ils l’ont expulsée, refoulée ! On préfère prier Bouddha et Allah pour la paix !

« Fatima nous apprend qu’Elle seule pourra nous secourir pour obtenir la paix du monde et la fin de la guerre. Et pourtant Elle seule est refoulée à Assise. Par un Pape qu’elle avait, dit-il lui-même, sauvé de la mort le 13 mai 1981, cinq ans auparavant. Quel égarement sans remède ! » (CRC n° 228, déc. 1986, p. 10-11)

Dans son encyclique Redemptoris Mater, publiée le 25 mars 1987 pour préparer une Année mariale, il ne cita qu’une fois Fatima, comme un lieu de pèlerinage parmi d’autres. Il ne recommandait pas la récitation du chapelet : le mot ne s’y trouvait même pas ! Il parlait certes du “ Cœur de Marie de Nazareth ”, mais n’employait jamais l’expression “ Cœur Immaculé ” qui évoque tellement son insigne privilège.

Bien plus, ledit serviteur de Dieu a travesti les promesses de Fatima, en laissant croire que l’éclatement de l’Union soviétique et la fin des persécutions contre l’Église orthodoxe en avaient marqué la réalisation. La vérité est que le conflit entre le Saint-Siège et le patriarcat de Moscou n’a fait qu’empirer depuis la réorganisation de l’Église catholique latine, en Russie, en Biélorussie et au Kazakhstan, décrétée en 1991. La loi de la Fédération de Russie sur la liberté de conscience et sur les associations religieuses, entrée en vigueur le 1er août 1997, oblige chaque paroisse catholique à s’inscrire annuellement dans un registre officiel, comme s’il s’agissait d’une secte quelconque, genre témoin de Jéhovah, et cette inscription peut être annulée, arbitrairement, à tout moment.

Enfin, en 1989, pour en finir avec Fatima et les demandes de consécration de la Russie qui l’importunaient, ledit serviteur de Dieu voulut que sœur Lucie cessât de dire que l’acte d’offrande du monde du 25 mars 1984 ne répondait pas aux demandes de Notre-Dame de Fatima. Elle fut contrainte de soutenir le contraire par un ordre de Jean-Paul II transmis à la voyante par l’intermédiaire du cardinal Casaroli, secrétaire d’État (Toute la vérité sur Fatima, t. 4, p. 452).

Plus grave encore. En mai 2000, à l’occasion de la béatification des deux petits voyants, François et Jacinthe, ledit serviteur de Dieu rendit publique la troisième partie du Secret occultée depuis 1960, mais en l’accompagnant d’une odieuse mise en scène qui priva cette révélation de son effet salutaire pour l’Église et le monde. Avant même sa publication intégrale, le cardinal Sodano, secrétaire d’État donna, en présence dudit serviteur de Dieu, une interprétation officielle qui réduisait le Secret à l’annonce de l’attentat contre ledit serviteur de Dieu, identifié arbitrairement à « l’évêque vêtu de blanc » de la vision. Lorsque six semaines plus tard, le texte authentique fut dévoilé, et qu’il devint évident que « l’évêque vêtu de blanc » ne pouvait être ledit serviteur de Dieu, l’événement de la révélation du Secret n’intéressait déjà plus les agences de presse... L’Église tout entière n’y accorda plus aucune attention, puisqu’on croyait déjà en savoir l’essentiel. Quant au document explicatif émané de la Congrégation pour la doctrine de la foi, accompagnant le texte intégral du Secret, ses omissions et inexactitudes sont telles qu’il est difficile de penser que ses auteurs ne se soient pas fait forcer la main.

À la fin de notre démonstration, le tribunal doit être saisi de la gravité des manquements dudit serviteur de Dieu à la foi, à l’espérance et à la charité, et du peu de cas qu’il a fait des demandes du Ciel révélées à Fatima par la Vierge Marie. Ces faits indubitables sont des obstacles insurmontables à sa béatification, mais ils expliquent l’état dramatique dans lequel il a laissé l’Église. À sa mort, elle apparaissait en toute vérité comme la « ville à moitié en ruine » de la vision du Secret montrée aux petits voyants le 13 juillet 1917.

En revanche, la prédication de la vérité de la foi, de l’espérance et de la charité à laquelle s’est consacré le pape Benoît XVI dès son accession au souverain pontificat, aide déjà à la restauration de l’Église et à la préparation des esprits et des cœurs pour la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie. Alors un temps de paix sera donné au monde, et les âmes seront sauvées.

De notre maison Saint-Joseph, le samedi 6 août 2005,
en la fête de la Transfiguration de Notre-Seigneur.
Pour les Petits frères et Petites sœurs du Sacré-Cœur,
frère Bruno de Jésus.