Ps 26 : Offertoire

C E psaume prend la suite du précédent, avec le même vocabulaire et les mêmes thèmes. Le secret de « Je Suis » est un secret de miséricorde, qui trouve son achèvement dans cette prière d’offertoire du Messie-Prêtre, innocent, pur, pour la rédemption de son peuple.

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  1. À David. Faites-moi droit, Yahweh, car moi, j’ai marché dans mon innocence et en Yahweh j’ai espéré et je n’ai pas fléchi.
  2. Sondez-moi, Yahweh, mettez-moi à l’épreuve, éprouvez mes reins et mon cœur.
  3. Car votre miséricorde est devant mes yeux, et je me promène dans votre Vérité.
  4. Je ne me suis pas assis avec de vains mortels, ni avec ceux qui se dissimulent je n’entre.
  5. Je hais l’assemblée des vauriens et avec les impies je ne m’assieds pas.

DIVINE LITURGIE

  1. Je lave mes mains dans l’innocence et j’entoure ton autel, Yahweh !
  2. Pour écouter la voix de l’action de grâces et pour publier tous vos prodiges.
  3. Yahweh, j’aime la beauté de votre maison, et le lieu de l’habitation de votre gloire.
  4. Ne joignez pas mon âme avec les pécheurs, ni ma vie avec les hommes de sang,
  5. qui ont dans leur main l’infamie, et leur droite est pleine de présents.
  6. Mais moi, je marcherai dans mon innocence, rachetez-moi et ayez pitié de moi.
  7. Mon pied est resté dans la voie droite, dans les assemblées, je bénirai Yahweh.
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1. À David.

Faites-moi droit, Yahweh, car moi, j’ai marché dans mon innocence et en Yahweh j’ai espéré et je n’ai pas fléchi.

Ce verset est tissé de réminiscences des psaumes précédents : le Messie se proclame innocent (cf. Ps 25, 21) et il « marche » dans la bonne voie (cf. Ps 1, 1), sans fléchir (cf. Ps 18, 37) car Yahweh est toute son espérance (cf. Ps 25, 2).

2. Sondez-moi, Yahweh, mettez-moi à l’épreuve, éprouvez mes reins et mon cœur.

Comme le fondeur éprouve au feu l’argent pour affiner son métal précieux, ainsi du Messie qui sera trouvé pur de tout péché (cf. Ps 17, 3).

3. Car votre miséricorde est devant mes yeux, et je me promène dans votre Vérité.

Le mode du verbe « hâlak » (marcher) est ici le même que celui employé quand « Yahweh se promenait dans le jardin à la brise du jour » (Gn 3, 8).

Comme s’il s’agissait d’un retour aux origines, d’une restauration opérée par le Messie. Mais lui, à la différence d’Adam et Ève, marche dans la « Vérité » de Yahweh, il n’a pas besoin de se cacher.

4. Je ne me suis pas assis avec de vains mortels, ni avec ceux qui se dissimulent je n’entre.

« De vains mortels », l’expression n’est employée que deux fois dans toute la Bible, ici et dans le livre de Job, par un des contradicteurs de ce saint homme, qui prétendait le convaincre de leur appartenir puisqu’il était objet d’un châtiment (Jb 11, 11). Eh bien ! comme Job, le Messie proteste de son innocence au milieu de son épreuve même.

« Ni avec ceux qui se dissimulent, je n’entre ». Il s’agit ici d’entrer dans le Temple, comme dans le Psaume 24 : « Élevez, porches, vos frontons, élevez-vous, portes d’éternité, et il entrera le roi de la gloire. » (Ps 24, 9 ; cf. Ps 5, 8). Jésus ainsi prêchera dans le Temple, au grand jour, sans se « dissimuler », au vu et su de ses ennemis : « C’est au grand jour que j’ai parlé au monde, j’ai toujours enseigné à la Synagogue et dans le Temple où tous les juifs s’assemblent et je n’ai rien dit en secret. » (Jn 18, 20)

Pourquoi cette entrée dans le Temple, qui paraît ici être un repaire de brigands ? Pour accomplir l’oracle du livre de Malachie : « Et soudain il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez [...]. Il viendra pour fondre et purifier l’argent. Il purifiera les fils de Lévi et les affinera comme or et argent, et ils deviendront pour Yahweh ceux qui présentent l’offrande selon la justice. » (Ml 3, 1. 3)

5. Je hais l’assemblée des vauriens et avec les impies je ne m’assieds pas.

L’ « assemblée » désigne ordinairement une réunion liturgique (cf. Ps 22, 23. 26). Ici c’est celle d’un culte idolâtrique, comme les Samaritains en tenaient sur le mont Garizim, mais aussi jusque dans le Temple de Jérusalem. Eh bien ! le Messie n’aura aucune compromission avec ces « impies » (cf. Ps 1, 1 ; 5, 8. 10). Passant aux actes, Jésus chassera même les marchands du Temple, « car il est écrit : “ Ma maison sera appelée une maison de prière. Mais vous, vous en faites un repaire de brigands. ” » (Mt 21, 13 ; cf. Is 56, 7)

DIVINE LITURGIE

6. Je lave mes mains dans l’innocence et j’entoure ton autel, Yahweh !

C’est un prêtre qui parle, car il obéit à la prescription de Yahweh : « Moïse, Aaron et ses fils se lavaient les mains et les pieds quand ils entraient dans la Tente du Rendez-vous ou qu’ils s’approchaient de l’autel, ils se lavaient, comme Yahweh l’avait ordonné à Moïse. » (Ex 40, 31-32) Mais ici, il ne s’agit pas de purification, car c’est en toute « innocence », comme Ruth suivant le conseil de Noémie qui l’envoie demander à Booz de la racheter : « Ma fille, lave-toi et parfume-toi, mets ton manteau et descends à l’aire. » (Rt 3, 3)

Le psalmiste médite l’accomplissement de la prophétie de Malachie : « Le Messie purifiera les fils de Lévi et ils deviendront pour Yahweh ceux qui présentent l’offrande selon la justice. » (Ml 3, 3). Au jour de son baptême, Jésus s’est « lavé » en toute innocence dans les eaux du Jourdain, en vue de son Sacrifice, celui dont il sera la Victime et le Prêtre. À sa suite, les prêtres de la Nouvelle Alliance seront purs comme d’autres Christ, remplaçant avantageusement les prêtres corrompus de l’Ancien Testament.

« J’entoure ton autel » pourrait se traduire : « J’embrasse ton autel », comme la Bien-Aimée entourant de ses bras son Époux (Ct 1, 12). Ainsi de la Vierge Marie après l’Annonciation, entourant son Jésus, en accomplissement de la prophétie de Jérémie : « Car Yahweh crée du nouveau sur la terre : la Femme entourera un homme. » (Jr 31, 22)

Ainsi ce verset peut-il être facilement mis dans la bouche de la Sainte Vierge après l’Annonciation, comme aussi le verset suivant.

7. Pour écouter la voix de l’action de grâces et pour publier tous vos prodiges.

Les « prodiges » de Yahweh sont ceux de toute l’histoire sainte, qui manifestent l’Alliance de Yahweh avec son peuple (cf. Ps 9, 2). Le prêtre écoute le chœur liturgique chanter la gloire de Yahweh, tandis qu’il médite :

8. Yahweh, j’aime la beauté de votre maison, et le lieu de l’habitation de votre gloire.

La « maison de Yahweh », c’est le Temple de Jérusalem (cf. Ps 5, 8 ; 23, 6).

La « beauté » est un des thèmes centraux du Cantique des cantiques. « Que tu es belle, que tu es charmante ! » (Ct 7, 7) Ici, la « beauté » du Temple aux yeux du Messie, est une figure de l’Immaculée Vierge Marie, temple du Saint-Esprit, tabernacle de Jésus après le jour de l’Annonciation.

9. Ne joignez pas mon âme avec les pécheurs, ni ma vie avec les hommes de sang,

10. qui ont dans leur main l’infamie, et leur droite est pleine de présents.

L’ « infamie » est le terme employé par Ézéchiel dans son chapitre 16 pour désigner les prostitutions idolâtriques d’Israël. Et les « présents » sont ceux que cette enfant chérie de Yahweh, mais dévoyée, offre à ses courtisans (Ez 16, 33). Ces deux versets expriment une détestation de l’idolâtrie.

Au contraire, le Messie demande la grâce de la fidélité à son Dieu :

11. Mais moi, je marcherai dans mon innocence, rachetez-moi et ayez pitié de moi.

« Rachetez-moi », c’est la prière de Ruth demandant à Booz d’être son “ goêl ”, son « rédempteur » (cf. Rt 3, 9).

12. Mon pied est resté dans la voie droite, dans les assemblées, je bénirai Yahweh.

Voilà qui fait inclusion avec le psaume 1, 1 : « Heureux l’homme qui ne reste pas dans la voie des pécheurs. »

Les « assemblées » sont celles des justes (cf. Ps 1, 5) en opposition avec l’assemblée sacrilège du verset 5. Voilà qui place ce psaume dans la suite du psaume 22 où l’on trouvait déjà cet antagonisme. À la veille de l’avènement de Jésus, c’est la hantise du psalmiste d’être trouvé dans la bonne assemblée, fidèle à son Dieu, afin d’être purifié par lui.

C’est encore la prière du prêtre de la Nouvelle Alliance qui récite la deuxième partie de ce psaume pendant l’offertoire ,Lavabo inter innocentes... avant de célébrer le Saint-Sacrifice de la messe. Prière de purification, bien plus, prière pour fuir l’idolâtrie, le culte de l’homme, et rester fidèle à Je Suis - Jésus par sa grâce.

Frère Bruno de Jésus-Marie
Il est ressucité ! n° 106, juin 2011 p. 25