L'Évangile de saint Marc

VI. La formation des apôtres et des fidèles.
L’humilité, l’obéissance, la pauvreté.

À saint Pierre qui proclamait sa foi, Jésus-Christ avait annoncé sa mort crucifié, puis il avait demandé à ses disciples d’avoir toujours la croix dans leur pensée, comme le terme de leur vie. Pour notre jeune romain, c’était tout d’un coup un choc, une révolte de l’être, de la fierté romaine. Il était saisi par cet appel à porter sa croix, à suivre ce Maître crucifié, ce juif crucifié. Bref, c’était la grande tentation ! Comme il devait comprendre la révolte de saint Pierre à cette annonce d’un Jésus rejeté, souffrant, enfin tué et ressuscité trois jours après.

La transfiguration était, certes, venue apporter le remède à cette inquiétude, à cette horreur. Mais Jésus nous demande de croire. Ses paroles sont très rigoureuses : celui qui croit sera sauvé, celui qui ne croit pas ne sera pas sauvé. Celui qui voudra vivre, qui rougira du Christ et qui renoncera à la Croix, celui-là perdra. Et au jour du règne du Christ en gloire, le Christ ne le reconnaîtra pas.

Dans la suite, Jésus va former ses apôtres et même les foules, il veut les faire entrer dans cette perspective de la croix et leur donner une morale en rapport avec ce qui va arriver.

 DEUXIÈME ANNONCE DE LA PASSION

30 Étant partis de là, − depuis la profession de saint Pierre à Césarée de Philippe, les événements se suivent. Les six jours qui ont séparé cette profession et cette première annonce de la Passion de la Transfiguration nous paraissent très chronologiques. Dans le livre de l’Exode, entre la première apparition de Yahweh à Moïse et la seconde, il y a un délai, délai imposé par Dieu pour la purification du peuple et la purification de Moïse lui-même. Or, il se retrouve ici. Jésus semble l’avoir voulu, pour bien montrer qu’il était le Dieu de la Nouvelle Alliance et que la transfiguration était une théophanie semblable à celle du Mont Sinaï. Puis, ils descendent de la montagne comme Moïse était descendu de la montagne, avec encore ses cornes lumineuses qui lui sortaient du front en signe de la gloire de Dieu qui avait ébloui sa face. Ils faisaient route à travers la Galilée et il ne voulait pas qu’on le sût.

31 Car il instruisait ses disciples. Les apôtres ont maintenant la foi. Alors Jésus va exploiter cette nouvelle disposition qui est en eux en commentant sa première annonce de la Passion, de telle manière qu’ils adoptent les vertus nécessaires à la mission qui est la leur maintenant, qui est d’annoncer la Croix du Christ. Dans la première annonce de sa passion, Jésus leur avait dit : « Il faut »,  c’est un devoir qui lui est imposé. En redescendant du Thabor : « Et comme il est écrit du Fils de l’homme qu’il doit beaucoup souffrir et être méprisé ». Ce devoir qui lui incombe est une volonté de Dieu qui s’est inscrite dans les Écritures et qui est maintenant annoncée au monde. Son agonie a déjà été consentie et il est maintenant dans l’ordre de l’exécution d’une volonté qui maintenant est sienne.

32 Mais ils ne comprenaient pas cette parole et ils craignaient de l’interroger. [...] Pierre a raconté ses souvenirs tels quels. Il a fait cet acte d’humilité, montrant que c’était bien l’état de leur âme à ce moment-là. Cela prouve indirectement que Jésus a véritablement annoncé sa mort et sa résurrection bien avant qu’elle ne soit venue.

LE PLUS GRAND DES DISCIPLES

33 Ils vinrent à Capharnaüm ; et, une fois à la maison, il leur demandait : “ De quoi discutiez-vous en chemin ? ” 34 Eux se taisaient, car en chemin ils avaient discuté entre eux qui était le plus grand. – L’Évangile est incroyable. Jésus leur parle de mourir, d’être crucifié, et eux sont à discuter lequel sera le premier ministre. [...] Alors, Jésus leur fait la leçon, leur donne un grand avertissement.

35 Alors, s’étant assis, il appela les Douze et leur dit : “ Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous. ” [...] Notre Seigneur leur dit: « Je vais descendre et être le dernier de tous, je vais me faire le serviteur de tous, et il doit en être de même pour vous ! » Non, eux vont s’efforcer de se pousser en avant, aux premières places, même si Jésus doit être à la dernière. Il faudra cependant que cet esprit d’humilité pénètre leur âme ;

36 Puis, prenant un petit enfant, il le plaça au milieu d’eux et, l’ayant embrassé, Il leur dit : 37 “ Quiconque accueille un des petits enfants tels que lui à cause de mon nom, c’est moi qu’il accueille ; et quiconque m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. ” [...] Cette parole est digne de saint Jean, d’une extraordinaire profondeur et sublimité ! Être avec Jésus, être disciple de Jésus, c’est quelque chose de merveilleux puisqu’il nous dit : “ Il y a identification de ces petits enfants avec moi ! Quiconque m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais celui qui m’a envoyé. Et comme je suis identique à Dieu, celui qui accueille un enfant accueille Dieu ”. Quelle leçon d’humilité ! Jésus veut apprendre l’esprit d’enfance à ses apôtres qui sont guindés, enfermés dans l’orgueil de l’Ancien Testament, dans l’orgueil de l’homme qui pense que Dieu ne peut vouloir pour lui qu’une élévation.

DE L’USAGE DU NOM DE JÉSUS

38 Jean lui dit : “ Maître, nous avons vu quelqu’un expulser des démons en ton nom, quelqu’un qui ne nous suit pas, et nous voulions l’empêcher, parce qu’il ne nous suivait pas. ” 39 Mais Jésus dit : “ Ne l’en empêchez pas, car il n’est personne qui puisse faire un miracle en invoquant mon nom et sitôt après parler mal de moi. 40 Qui n’est pas contre nous est pour nous. Cette maxime étend très loin la marge des fidèles du Christ. Elle montre que des âmes peuvent faire partie, d’une manière inconnue, de l’Église visible. Tout en voulant ôter aux Apôtres leur arrogance, Jésus nous donne une grande leçon de largeur de cœur qu’il faudra retenir à travers les siècles. Attention, l’Église n’est pas encore constituée, cet homme a agi innocemment. Cet événement qui est en forme de parabole, qui est très éclairant concernant le royaume de Dieu, la libéralité de Jésus, montre combien son Cœur est ouvert. [...]

CHARITÉ ENVERS LES DISCIPLES

« Laissez les petits enfants venir à moi »

41 “ Quiconque vous donnera à boire un verre d’eau pour ce motif que vous êtes au Christ, en vérité, je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense Tout homme de quelque condition qu’il soit, du seul fait qu’il invoque le Christ avec foi et sincérité, et qu’il est au Christ a une dignité. [...]

10 13 On lui présentait des petits enfants pour qu’il les touchât, mais les disciples les rabrouèrent. 14 Ce que voyant, Jésus se fâcha et leur dit : “ Laissez les petits enfants venir à moi ; ne les empêchez pas d’approcher – car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume de Dieu.  – Le Cœur de Jésus se manifeste et se laisse découvrir, non pas pour se faire admirer, mais pour que les apôtres comprennent qu’il faut avoir du cœur et qu’il est bon d’être doux et humble.

15 “ En vérité je vous le dis : quiconque n’accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant, n’y entrera pas. ” Si les apôtres ne quittent pas cette ambition qui les apparente aux Pharisiens, ils ne sont pas encore à l’image du Christ, ils n’entreront pas dans le royaume. Il leur faut devenir comme un petit enfant.

16 Puis il les embrassa et les bénit en leur imposant les mains. [...] Jésus a essayé d’inspirer à ses apôtres l’humilité, l’enfance spirituelle. Jésus aime les petits et ceux qui leur ressemblent, parce qu’on peut être petit selon le monde et cependant grand aux yeux de Dieu, c’est-à-dire cher aux yeux de Dieu par la simplicité de son âme et la confiance. Toujours dans ce même mouvement d’amour miséricordieux, Jésus va nous délivrer, en passant, une vérité formidable. Tout d’un coup, il fait paraître une terrible violence contre ceux qui les scandalisent.

LE SCANDALE

42 “ Mais si quelqu’un doit scandaliser l’un de ces petits qui croient, − c’est la foi chrétienne dans une âme simple, c’est l’humilité du chrétien qui rend une âme si chère à Dieu. − Il serait mieux pour lui de se voir passer autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d’être jeté à la mer. [...] Le pire scandale est le scandale de la foi, celui de souiller la foi innocente d’un fidèle chrétien. Ceux qui détruisent la foi de ces fidèles qui croient avec un esprit d’enfance à ce qu’a dit Notre Seigneur, méritent la damnation éternelle.

43 Et si ta main est pour toi une occasion de péché, coupe-la : mieux vaut pour toi entrer manchot dans la Vie que de t’en aller avec tes deux mains dans la géhenne, dans le feu qui ne s’éteint pas. Jésus est possédé par une colère sacrée contre ceux qui sont cause de corruption des autres et puis ceux qui se corrompent eux-mêmes. Tout un coup l’effroi de l’enfer éternel est là devant les yeux du Christ et lui fait parler avec cette véhémence.

44 45 Et si ton pied est pour toi une occasion de péché, coupe-le : mieux vaut pour toi entrer estropié dans la Vie que d’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne. 46 47 Et si ton œil est pour toi une occasion de péché, arrache-le : mieux vaut pour toi entrer borgne dans le Royaume de Dieu que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne 48 où le ver ne meurt point et où le feu ne s’éteint point. − C’est une citation d’Isaïe. − 49 Car tous seront salés par le feu. [...] Cette parole annonce le purgatoire, une sorte d’atténuation de cette terrible menace de la géhenne. La géhenne était une vallée où le feu brûlait toutes les ordures. Jésus voulait par là représenter l’enfer qu’il révélait aux hommes de sa propre autorité. Tout d’un coup la vie apparaît dramatique et à cause de cette pensée de Jésus sur les enfants qui pourraient être détournés de croire en Lui.

LE SEL

50 C’est une bonne chose que le sel ; mais si le sel devient insipide, avec quoi l’assaisonnerez-vous ? Les apôtres qui perdraient la virulence de leur foi dans leur prédication ne valent plus rien et ni le peuple ni eux ne pourront être prêchés par personne.

Ayez du sel en vous-mêmes et vivez en paix les uns avec les autres. ” : Ayez la force de la sagesse de la foi, pour conserver votre âme dans la vertu, puis vivez en paix les uns avec les autres.

LA MONTÉE VERS JÉRUSALEM EN ROUTE POUR LA JUDÉE

INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE

10 Il est en Transjordanie, en pays païen. 2 S’approchant, des Pharisiens lui demandaient : “ Est-il permis à un mari de répudier sa femme ? ” Nous sommes dans un moment d’ouverture sur les exigences du royaume. Jésus demande d’être comme des enfants, de ne pas scandaliser son prochain, de veiller à garder la vertu à tout prix, serait-ce au prix de ses yeux, de sa main, de son pied. Des retranchements très douloureux à la nature sont exigés pour être sauvé comme la question de renvoyer sa femme ou de la garder. Celle-ci est au centre de la vie de tout être humain. Les Pharisiens profitent de cette excellente occasion pour mettre Jésus à l’épreuve, pour le prendre en faute et le condamner vis-à-vis de l’opinion ou par rapport à la loi juive, mais aussi parce que c’était le problème qui leur parlait à tous. Mais Jésus est rigoureux avec son Cœur, il fait une révélation sur la dignité et la sainteté du mariage monogamique.

3 Il leur répondit : “ Qu’est-ce que Moïse vous a prescrit ” 4 “ Moïse, dirent-ils, a permis de rédiger un acte de divorce et de répudier. ” [...] Ils supposaient qu’il allait être contre la loi de Moïse. Ils se trompaient ! Jésus ne rentre pas dans le piège et a aussitôt une réponse qui les dépasse tous avec toutes leurs controverses, une réponse de Maître, de sage qui sait tout, qui est libre par rapport à tous les commentateurs, qui est libre par rapport à la loi de Moïse.

5 Alors Jésus leur dit : “ C’est en raison de votre dureté de cœur qu’il a écrit pour vous cette prescription. 6 Mais dès l’origine de la création, Il les fit homme et femme. [...] Jésus rappelle l’idéal de la création et va redonner des forces pour la pratiquer. Jésus est Fils de Dieu, c’est évident.

7 Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère, 8 et les deux ne feront qu’une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Jésus commente la loi des origines, l’approfondit et en manifeste la perfection. 9 Eh bien ! Ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer. ” Dieu les fait un, les rassemble dans l’unité. 10 Rentrés à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur ce point. 11 Et il leur dit : “ Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère à son égard ; à l’égard de sa femme qui est toujours sa femme 12 et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère. ” [...] Jésus remet l’égalité ; l’homme et la femme sont unis par Dieu l’un à l’autre aussi longtemps qu’ils vivront et l’un à l’autre autant. Jésus est parfait. Depuis, des millions d’êtres humains, à cause du Christ et de sa croix et portant leur croix, acceptent.

LA QUESTION D’UN RICHE

« Une seule chose te manque : va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis, viens, suis-moi »

17 Il se mettait en route quand un homme accourut et, s’agenouillant devant lui, il l’interrogeait : “ Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? ” La bonté de Jésus est tellement inscrite sur son visage et dans ses paroles que ce mot vient spontanément mais cordialement à la bouche de cet homme. 18 Jésus lui dit : “ Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu seul. Jésus invite cet homme à revenir sur le fond de son cœur d’où est sortie cette appellation tout à fait extraordinaire. Il l’invite à prendre conscience que Jésus est Dieu ! C’est un commencement d’amour de la part du Christ qui voit cet élan vers lui qui devrait aboutir à un acte de foi magnifique à une adhésion de tout le temps. 19 Tu connais les commandements : Ne tue pas, ne commets pas d’adultère, ne vole pas, ne porte pas de faux témoignage, ne fais pas de tort, honore ton père et ta mère. ” 20 “ Maître, lui dit-il, tout cela, je l’ai observé dès ma jeunesse. ” Cet homme est un juste de l’Ancien Testament qui est happé par Jésus et qui va aller plus loin. 21 Alors Jésus fixa sur lui son regard et l’aima. Ce regard plein d’amour de Jésus est tout à fait exceptionnel. Et il lui dit : “ Une seule chose te manque : va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis, viens, suis-moi. ” Cette parole de Jésus est d’une plénitude. Cet homme reçoit un contrat. Déjà il lui annonce qu’il aura la rémunération dans l’éternité !

22 Mais lui, à ces mots, s’assombrit et il s’en alla contristé, car il avait de grands biens. Jésus a là un échec cuisant pour son Cœur, parce que cet homme a déçu son attente à cause de ses biens. Alors Jésus fait une mise en garde générale :

LE DANGER DES RICHESSES

23 Alors Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples : “ Comme il sera difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu ! ” 24 Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles – parce que dans tout l’Ancien Testament, la richesse était un signe de bénédiction.  Mais Jésus reprit et leur dit : “ Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le Royaume de Dieu ! ” Il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu, pour tout le monde, et particulièrement pour les riches.

25 Il est plus facile à un chameau de passer par le trou de l’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu ! ” Le riche qui veut entrer dans le royaume de Dieu doit passer par la porte de l’aiguille, c’est à dire abandonner tous ses biens, alors là il passe ! Et il retrouve tous ses biens au centuple dans le royaume de Dieu ! Seulement, la richesse tient au cœur des riches et il leur est comme impossible de s’en séparer. Un chameau, on peut le débâter, un riche, il meurt avec sa richesse. C’est absolu.

26 Ils restèrent interdits à l’excès Et se disaient les uns aux autres : “ Et qui peut être sauvé ? ” 27 Fixant sur eux son regard, Jésus dit : “ Pour les hommes, impossible, mais non pour Dieu : car tout est possible pour Dieu. ” Avant Jésus, il était impossible aux hommes de renoncer à leurs richesses, à leurs vices, sinon par une grâce car rien n’est impossible à Dieu, mais cette grâce était faite individuellement, à chacun, selon ses mérites, ou en vertu des mérites de Jésus déjà présents à la pensée de Dieu, mais maintenant, c’est devenu une institution. L’Église qui va permettre aux hommes de faire l’impossible.

RÉCOMPENSE PROMISE

28 Pierre se mit à lui dire : “ Voici que nous, nous avons tout laissé et nous t’avons suivi. ” On est capable de faire les sacrifices qui mènent au salut que dans l’admiration du Christ. Et le malheureux jeune homme n’a pas su faire. 29 Jésus déclara : “ En vérité, je vous le dis, nul n’aura laissé maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou champs à cause de moi et à cause de l’Évangile, 30 qu’il ne reçoive le centuple dès maintenant, au temps présent, en maisons, frères, sœurs, mères, enfants et champs, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. Cette parole est d’une plénitude extraordinaire, elle est restée à travers les siècles une invitation au détachement pour se donner à l’œuvre de Dieu. Jésus ajoute : “ avec des persécutions ” et montre ainsi qu’il n’a pas oublié ce qu’il disait quelques instants auparavant, que chacun doit porter sa croix. [...] Puis, pour la première fois dans l’histoire du monde Jésus affirme qu’il y a une vie éternelle où on sera récompensé infiniment de tout ce qu’on aura quitté en ce monde. Il parle de ce qu’il sait.

31 Beaucoup de premiers seront derniers et les derniers seront premiers. ” Cette maxime ramène toujours les Apôtres à cette grande leçon : “ il faut descendre, il faut quitter les choses, il faut renoncer et prendre sa croix si on veut être avec le Christ ”.

TROISIÈME ANNONCE DE LA PASSION

32 Ils étaient en route, montant à Jérusalem ; et Jésus marchait devant eux, et ils étaient dans la stupeur, et ceux qui suivaient étaient effrayés. Prenant de nouveau les Douze avec lui, il se mit à leur dire ce qui allait lui arriver :

33 “ Voici que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes; ils le condamneront à mort et le livreront aux païens, Jésus emploie le terme “ Fils de l’homme”, pour montrer son humanité fragile, et maintenant son humanité exposée au pire :

34 ils le bafoueront, cracheront sur lui, le flagelleront et le tueront, et après trois jours il ressuscitera. ” Après la première annonce de la Passion, saint Pierre s’était dressé contre Jésus et envisageait une prospérité temporelle, après la deuxième, les apôtres discutaient pour savoir quel est le plus grand d’entre eux ! Or après la troisième, ils ne sont toujours pas guéris. De nouveau ils remettent cela.

LA REQUÊTE DES FILS DE ZÉBÉDÉE

42 Les ayant appelés près de lui, Jésus leur dit : “ Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. 43 Il ne doit pas en être ainsi parmi vous : Les apôtres doivent comprendre que, puisque Jésus s’est fait le Serviteur, le dernier de tous, il doit en être également pour eux, au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, 44 et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l’esclave de tous. Jésus allait être le dernier avant eux, il se ferai l’esclave tous. Toutes ces leçons d’humilité préparent la Passion. 

45 Aussi bien, le Fils de l’homme lui-même n’est pas venu pour être servi, mais pour servir – Jésus se montre comme le Serviteur de Yahweh et semble leur dire : “ Allez donc voir ce qui est dit du serviteur de Yahweh dans Isaïe 52-53 et vous y retrouverez l’annonce de ma passion ”.

Seulement il va ajouter un mot qui va achever la formation des apôtres : Et donner sa vie en rançon pour une multitude.  Jésus se fait le dernier par ce qu’il doit s’offrir en sacrifice. Ce baptême de sang qu’il doit connaître, ce calice qu’il doit recevoir, sont pour payer les péchés du monde. Maintenant, les apôtres ont la foi en lui, puisqu’ils savent que c’est lui le Rédempteur, que c’est lui qui va remettre les péchés. Cela ne peut pas être sans qu’il paye le sacrifice. La phrase d’Isaïe 53, 8 :“ s’il pose le sacrifice d’expiation ” est la clé de l’Ancien Testament qui annonce la croix du Christ. Et cette parole de Jésus est préparée par tout ce qui précède. Si Jésus doit souffrir, mourir et s’il ressuscitera, c’est parce que cette mort que Dieu lui fera vivre sera acceptée de sa part. Cette mort a une importance rédemptrice absolument essentielle. C’est le grand moment de sa vie, de l’histoire humaine. Xavier Léon Dufour dans son livre Face à la mort de Jésus a rayé ce mot de l’Évangile de saint Marc pour dire que Jésus n’a jamais voulu mourir en sacrifice ! L’Église l’a inventé ensuite. C’est absolument scandaleux. Non, cette phrase est le sommet de l’Évangile, le pivot même de toute la rédemption. Si Jésus n’est pas mort pour nous en sacrifice, c’est un pauvre vaincu et là on comprend que saint Pierre lui ait dit : « Mais jamais de la vie, Seigneur, défendez-vous mieux ! » Il faut lire les 10 pages de Dufour pour savoir ce qu’est la perversité moderniste, la perfidie. Tous les mots sont menteurs, c’est-à-dire donnent comme science ce qui n’est pas probable, comme probable ce qui est absolument faux, embrouille les esprits dans le but très certain de nier le mystère de la Rédemption, de l’effacer de notre esprit et de scandaliser les âmes faibles, à partir de quoi notre religion n’existe plus.

L’AVEUGLE DE LA SORTIE DE JÉRICHO

51 Alors Jésus lui adressa la parole : “ Que veux-tu que je fasse pour toi ? ” L’aveugle lui répondit : “ Rabbouni, que je recouvre la vue ! ” 52 Jésus lui dit : “ Va, ta foi t’a sauvé. ” Jésus ne dit pas : « Va ! sois guéri » Mais « Ta foi t’a sauvé. » Il va toujours à l’âme, et il guérit l’âme et par-dessus le marché il guérit le corps. C’est pour que les gens comprennent qu’il est venu pour guérir l’âme. Et aussitôt il recouvra la vue et il cheminait à sa suite.

« Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Les jours de Jésus commencent à être comptés, il le sait, c’est écrit : il doit donner sa vie en rançon pour la multitude. Les Apôtres ne sont pas entrés dans cette perspective malgré les efforts de Jésus pour les en convaincre, il faudra qu’ils passent eux-mêmes par l’épreuve avant de s’avouer vaincus et devenir vraiment chrétiens. Alors nous autres tâchons de rentrer dans cette perspective car nous sommes chrétiens depuis notre baptême et que ce sont des choses qui devraient nous être tout à fait familière.

Abbé Georges de Nantes
S 90 : L'Évangile selon saint Marc, retraite automne 1986