SAINTE MARGUERITE-MARIE

II. La victoire de la miséricorde

SAINTE Marguerite-Marie va sur ses 18 ans et les affaires de famille s’arrangent tout doucement. Tandis que son entourage la pousse à se marier, afin de sortir sa mère de la misère, et que des partis flatteurs se présentent, « le désir que j’avais d’être religieuse me persécutait sans cesse, et l’horreur que j’avais de l’impureté. »

Elle est dans une sorte d’agonie, luttant à la fois contre son Dieu et contre la tentation. Suivant le penchant naturel de son humeur aimable, elle prend goût à « voir le monde et à me parer pour lui plaire ». Mais Jésus, jaloux de son pauvre cœur, ne tolère pas ses infidélités :

Jésus apparaissant flagellé à Marguerite« Le soir, quand je quittais ces maudites livrées de Satan – je veux dire ces vains ajustements, instruments de sa malice  mon souverain Maître se présentait à moi, comme il était en sa flagellation  tout défiguré  me faisant des reproches étranges : que c’était mes vanités qui l’avaient réduit en cet état et que je perdais un temps si précieux, et dont il me demanderait un compte rigoureux à l’heure de la mort (...).

« Tout cela s’imprimait si fortement en moi, et faisait de si douloureuses plaies dans mon cœur, que je pleurais amèrement (...).

« Mais Vous, mon Dieu, seul témoin de la grandeur et longueur de cet effroyable combat que je souffrais au-dedans de moi-même, et auquel j’aurais mille et mille fois succombé sans un soutien extraordinaire de votre miséricordieuse bonté, (…) fîtes bien connaître [à mon cœur] qu’il lui serait bien dur et difficile de regimber contre le puissant aiguillon de votre amour. »

Le divin Cœur de Jésus lui rappelle le vœu de chasteté prononcé solennellement par elle à l’âge de quatre ans :

« Je t’ai choisie pour mon épouse et nous nous sommes promis la fidélité lorsque tu m’as fait vœu de chasteté. »

Notre-Seigneur avait enregistré cet acte de don total d’elle-même. Cela avait été un contrat de mariage entre eux :

« C’est moi qui te pressais de le faire avant que le monde y eût aucune part dans ton cœur, car je le voulais tout pur et sans être souillé des affections terrestres. »

Et pour conserver intact le cœur de sa petite épouse, Il l’a confiée au soin de sa sainte Mère. « Aussi m’a-t-elle toujours servi d’une bonne mère et ne m’a jamais refusé son secours. Et j’y avais tout mon recours dans toutes mes peines. »

La pauvre Marguerite avait bien besoin de cette maternelle protection. Ne pouvant plus résister aux larmes de sa mère qui la suppliait de se marier afin de se trouver une situation, elle était sur le point de céder « mais [la sainte Vierge] me reprit sévèrement lorsqu’elle me vit derechef prête à succomber au terrible combat que je sentais dans moi. »

Enfin, Notre-Seigneur lui apporte sa paix en se manifestant à elle plus intimement et se présentant comme « le plus beau, le plus riche, le plus puissant, le plus parfait et accompli de tous les amants. »

En 1668, elle éconduit gentiment les prétendants et demande à entrer dans un couvent « où je n’aurai ni parente, ni connaissance, afin d’être religieuse pour l’amour de Dieu ». Elle est si attachante que sa famille ne veut pas se séparer d’elle. On consent toutefois à l’envoyer chez les Ursulines de Mâcon où se trouve déjà sa cousine.

« Plus on m’en pressait jusqu’à me vouloir faire entrer, plus j’en sentais de dégoût. Et une secrète voix me disait : “ Je ne te veux point là, mais à Sainte-Marie. ”»

Ce n’est qu’en 1671, lors du Jubilé, qu’elle obtient par l’entremise d’un bon père franciscain, le consentement de son frère et la dot nécessaire pour entrer au couvent. La Très Sainte Vierge lui avait donné l’assurance qu’elle entrerait dans une maison qui lui serait consacrée :

« Ne crains rien, tu seras ma vraie fille, et je serai toujours ta bonne Mère. »

Aussi notre sainte réclame avec assurance: « Je veux aller aux Sainte-Marie ». [C’est ainsi qu’étaient désignées les maisons de la Visitation]. On lui propose plusieurs monastères « mais aussitôt qu’on me nomma Paray, mon cœur se dilata de joie et j’y consentis d’abord. ». Et elle est confortée dans ce sentiment lorsque, venant pour la première fois se présenter au parloir, elle entend distinctement cette voix intérieure :

« C’est ici que je te veux ! »

Nous verrons à quel point elle est préparée, purifiée, sanctifiée. Elle est l’hostie de l’offertoire et le calice rempli de vin excellent prêt à la consécration, au Sacrifice dont elle sera la victime.