SAINTE MARGUERITE-MARIE

IX. Le Mariage eucharistique

« Une épouse qui T’aime, mon Fils, J’aimerais Te donner,
Qui grâce à Toi, vivre avec Nous puisse mériter,
Et manger à la même table du même pain dont Je Me nourris…
 »
Saint Jean de la Croix

À l’Ascension 1684, Mère Greyfié achève son supériorat et Mère Melin, plus douce et pacifique, est élue. Elle réussit à faire admettre par l’ensemble des sœurs comme assistante, celle qui prendra désormais le nom de mère Marguerite-Marie. Confuse d’être ainsi à l’honneur, celle-ci se plaint à son ancienne supérieure :

« Vous ne me pouviez donner de plus effective marque d’une parfaite amitié qu’en m’humiliant et me mortifiant, [...] maintenant, je m’en vois privée, cela me comble de douleur. »

Marguerite-Marie (Maison Saint-Joseph)Mais Dieu a ses vues sur sa privilégiée : Il ne l’a purifiée et ne se l’est toute consacrée dans le sacrifice que pour l’unir à Lui dans une communion, un mariage eucharistique, unissant à jamais leurs deux cœurs :

« Dans ma solitude de l’année 1684, mon souverain maître me fit la miséricorde de me départir ses grâces avec tant de profusion qu’il me serait difficile de m’en exprimer… »

« Le premier jour, il me présenta son sacré Cœur comme une fournaise ardente où je me sentis jetée, d’abord pénétrée et embrasée de ses vives ardeurs qu’il me semblait m’aller réduire en cendres. Ces paroles me furent dites : “ Voici le divin purgatoire de mon amour où il te faut purifier le temps de cette vie purgative ; puis, je t’y ferai trouver un séjour de lumière et ensuite d’union et de transformation. ” »

« La nuit du jour de ma confession je me sentis réveiller, et d’abord tous mes péchés me furent représentés comme tout écrits que je n’eus qu’à les lire, en me confessant, mais avec tant de larmes et de contrition qu’il me semblait que mon chétif cœur s’allait fendre de regret d’avoir offensé cette bonté infinie… »

Après trois jours de vie purgative, elle est mise “ en un séjour de gloire et de lumière ”. L’âme de cette vierge très pure s’abandonne alors à son Dieu :

« Il épousa mon âme en l’excès de sa charité, mais d’une manière et union inexplicables, changeant mon cœur en une flamme de feu dévorant de son pur amour… »

Jésus lui fait entendre qu’Il la destine « à rendre un continuel hommage à son état d’hostie et de victime au très Saint-Sacrement » et qu’elle doit pratiquer ses vœux religieux « sur ce sacré modèle » :

« Qu’y a-t-il de plus obéissant que mon Jésus en la sainte Eucharistie ? (…) Je veux donc obéir jusqu’au dernier soupir de ma vie pour rendre hommage à l’obéissance de Jésus en l’Hostie, dont la blancheur m’apprend qu’il faut être une pure victime pour lui être immolée sans tache… »

Les moindres gestes humains ne sont plus pour elle qu’une figure, qu’une évocation bien imparfaite de son union au Corps de son Bien-Aimé :

« Lorsque j’irai prendre ma réfection, je l’unirai à cette nourriture divine dont il sustente nos âmes dans la sainte Eucharistie, lui demandant que tous les morceaux soient autant de communions spirituelles qui m’unissent et me transforment toute en lui-même. »

Jésus imprime en son cœur la vie « toute cachée et anéantie aux yeux des hommes » qu’Il mène en l’Eucharistie, en même temps qu’elle jouit de grandes grâces mystiques, comme d’une épouse caressée et baisée par son époux. Elle est pénétrée d’une faim de plus en plus ardente pour Jésus-Hostie, au point que Jésus vient lui-même la consoler :

« Ma fille, ton désir a pénétré mon Cœur si avant que si je n’avais pas institué ce Sacrement d’amour, je le ferais maintenant pour me rendre ton aliment. Je prends tant de plaisir d’y être désiré, qu’autant de fois que le cœur forme ce désir, autant de fois je le regarde amoureusement pour l’attirer à moi. »

L’union de ces deux cœurs est telle que l’humble visitandine avoue : « Je souffrais une grande peine de voir mon Jésus si peu désiré dans cet auguste Sacrement ; surtout quand on en parlait avec froideur et indifférence, ce m’était une peine insupportable. ».

Elle va donc chercher à répandre dans tous les cœurs ce feu qui la brûle et lui fait tant aimer le Cœur de Jésus : « (…) pourvu que ce divin Cœur soit content, aimé et glorifié, cela nous doit suffire », écrit-elle à Mère de Soudeilles, l’engageant à « faire à son sacré Cœur un entier sacrifice de vous-même et de tout ce qui dépend de vous, sans réserve. »

Cet incomparable don du mariage mystique la transforme et lui donne une fécondité telle qu’il sera à l’origine de l’extension du culte et de la dévotion au Sacré-Cœur dans son petit couvent et dans le monde entier.