Il est ressuscité !

N° 249 – Novembre 2023

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


LA LIGUE

La Ligue

Derniers temps

DEVANT le portail de  la cathédrale d’Autun, le samedi 21 octobre, une petite foule de pèlerins CRC écoute attentivement frère Thomas leur décrire l’admirable tympan du Jugement dernier : le Christ trônant en majesté, les morts ressuscitant, les uns pour une éternité de bonheur, au Ciel, les autres, hélas ! pour une damnation éternelle. Le ciseau du sculpteur a inscrit dans la pierre, de façon saisissante, ces vérités évangéliques que la fin du cycle liturgique représente chaque année à notre méditation. Le peuple chrétien, avant même de pénétrer dans le sanctuaire, apprenait à juger la terre à l’aune de l’éternité.

SAINTES FEMMES D’AUTUN

Cette somptueuse cathédrale romane fut édifiée au douzième siècle pour abriter le corps de saint Lazare, rejoint par les reliques de sainte Marthe et sainte Marie-Madeleine, que purent vénérer nos amis.

Notre Père nous en a laissé un admirable souvenir, dans l’une de ses premières pages mystiques, écrite en septembre 1968, après un séjour avec Mamine chez sa sœur, Mademoiselle Marie de Verclos.

« Nous revenons de la cathédrale, à cette heure encore déserte, où pour elle seule, je célébrai le Saint-Sacrifice (...). Au tympan, j’ai vu l’autre monde où chacun des vivants a gagné sa place définitive. Nous aussi bientôt connaîtrons l’angoissante balance. Je serre le bras de ma mère et je pense avec bonheur qu’elle passera devant moi et m’enfantera, après celle-ci, à l’autre vie pour laquelle tant d’années son cœur m’a porté et me porte encore, jusqu’à ce que je sois façonné à la ressemblance de votre Fils bien-aimé, ô notre Père. Alors nous entrerons dans la Cathédrale de mes rêves, laissant la ville, pour nous joindre aux myriades d’anges et de saints dont le Cantique couvre de sa clameur le mugissement des grandes eaux. » (Page mystique n° 4, “ Seigneur... je suis le fils de votre servante ”)

Puisque tous nos pèlerinages sont voués à la dévotion réparatrice, nos amis commencèrent la journée dans la chapelle de l’ancien monastère de la Visitation, au pied de la statue de Notre-Dame des miracles.

En 1798, un révolutionnaire voulut la profaner. Un premier coup de sabre lui entailla profondément la jambe droite. Le forcené voulait récidiver et frapper la Vierge au visage, quand l’Enfant-­Jésus, assis sur le bras de sa mère, se détourna soudain avec une expression d’effroi ! Le regard de la Sainte Vierge fit fuir le misérable. Après bien des vicissitudes et un long exil, la statue réintégra providentiellement cette chapelle en 2016. Tandis qu’une guerre meurtrière sanctionne en Terre sainte l’orgueil des réformateurs synodaux, nos amis n’eurent pas de peine à donner à leurs prières une intention réparatrice, auprès de cette Vierge blessée et de son enfant effrayé.

La chapelle elle-même est un véritable sanctuaire puisque la Visitation d’Autun fut fondée par sainte Jeanne de Chantal elle-même en 1624. Frère Thomas rappela les consolations que la sainte y reçut, tant de la part de ses filles, tellement ferventes et unies, que de la population tout entière qui proclamait sa sainteté à l’envi. Le Ciel même ne fut pas en reste et parut ratifier le choix de l’emplacement du couvent en y faisant résonner des harmonies célestes !

La journée s’acheva au château de Monthelon, à quelques kilomètres d’Autun, où sainte Jeanne de Chantal passa les années de son veuvage, héroïquement dévouée aux pauvres et aux malades. Les gens des environs l’appelaient “ la bonne Dame ” et prirent l’habitude de l’invoquer au Confiteor après la Vierge Marie et les saints ! Pieuse pratique qui s’est maintenue dans le pays aussi longtemps que la religion. Dans l’église, nos amis purent vénérer les vestiges de la chaire dans laquelle prêcha saint François de Sales à l’occasion du mariage de son frère Bernard avec Marie-Aimée de Chantal.

Ce pèlerinage prenait donc bien la suite de notre retraite de communauté consacrée à l’extraordinaire vocation de saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal, que nos amis méditeront à leur tour toute l’année lors des premiers samedis du mois.

DISCIPLES DE SAINT FRANÇOIS D’ASSISE

Trois semaines plus tard, c’est autour d’un autre François, le Poverello d’Assise, que nos amis se réunirent, le dimanche 12 novembre. La Permanence Charles de Foucauld avait réussi à organiser dans une paroisse parisienne une vénération de l’insigne relique du manteau de saint François, habituellement conservé dans le couvent des capucins de Paris.

Or l’amant de Dame Pauvreté, le poète mystique de la création, le missionnaire intrépide, le stigmatisé de l’Alverne est devenu paradoxalement le garant de toutes les aberrations modernes : justice sociale, écologie, fraternité universelle, dialogue interreligieux... Précisément toutes les nouveautés que le pape François, parangon de cette nouvelle sainteté franciscaine, entend imposer aujourd’hui à l’Église. Afin de vénérer son manteau en vérité, une clarification s’imposait : il s’agit de discerner qui aujourd’hui dans l’Église est l’héritier de l’esprit de saint François. C’est pourquoi frère François avait prévu, la veille, samedi 11 novembre, une controverse publique visant à réhabiliter la véritable sainteté de son saint patron.

Deux heures durant, en compagnie de frère Louis-Gonzague, notre frère réfuta les interprétations modernes mensongères que lui exposait successivement un jeune phalangiste, ce dernier citant abondamment des franciscains contemporains, le cardinal Ratzinger, le pape François, etc. Saint François fut-il vraiment ce contempteur de la Croisade, cet apôtre de la non-­violence, ce précurseur du dialogue interreligieux qu’on nous présente aujourd’hui ?

Pour rétablir la vérité, il n’est que de raconter la vie du Poverello en suivant ses premiers biographes, dont l’honnêteté est incontestable : Thomas de Celano et saint Bonaventure. Celui-ci rapporte que par trois fois, la ferveur de son amour « le pressa de passer chez les infidèles pour favoriser, en y répandant son sang, l’expansion de la foi en la Sainte Trinité. »

Et voici une réplique du pauvre frère François lui-même au redoutable sultan du Caire : « Il est juste que les chrétiens envahissent la terre que vous habitez, car vous blasphémez le nom du Christ et vous détournez de son culte tous ceux que vous pouvez. Mais si vous vouliez reconnaître, confesser et adorer le Créateur et Rédempteur, les chrétiens vous aimeraient comme eux-mêmes. » Voilà une authentique charité missionnaire, pressée d’arracher les âmes à l’enfer !

C’est donc mensongèrement que le Saint-Père s’est réclamé de l’exemple de saint François pour signer en février 2019, à Abou Dhabi, un Document sur la Fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune avec le grand imam At-Tayeb et un Appel sur la ville de Jérusalem, le mois suivant, avec le roi du Maroc Mohammed VI.

En revanche, son encyclique Laudato si ne relève-t-elle pas d’un authentique esprit franciscain en nous apprenant à louer et servir Dieu dans sa création ? Les franciscains actuels, en s’engageant pour l’écologie, ne sont-ils pas fidèles à l’esprit de leur fondateur ?

Hélas ! Dans leur contemplation de la beauté de l’univers, tous se rendent coupables de la même omission en faisant l’impasse sur la tragédie, dont dépend toute la réalité de notre esthétique chrétienne, explique notre Père. Il s’agit de la question du péché irrémissible, de l’enfer et des âmes qui y sont damnées pour l’éternité. C’était la grande angoisse de saint François, au point que dans la joie débordante de son Cantique de frère Soleil surgit soudain cette terrible phrase : « Loué sois-tu, mon Seigneur, par notre sœur Mort corporelle, à laquelle nul homme ne peut échapper. Malheur à ceux qui mourront dans les péchés mortels, bienheureux ceux qu’elle trouvera en tes très saintes volontés, car la mort seconde ne leur fera pas mal. »

Or les commentateurs franciscains ignorent soigneusement cette phrase ! De même, le pape François dans son encyclique. Leur esthétique amputée leur permet de se réconcilier avec l’humanisme moderne.

Notre Père, en revanche, nous explique : « Seul le péché irrémissible, le péché que vient sanctionner la damnation éternelle, nous arrache à la quiétude d’une esthétique naturelle. Il fait voler en éclat tout humanisme chrétien. Il n’y a, il n’y aura jamais de beauté dans le fait brut, implacable, de l’enfer éternel. C’est alors que notre foi s’est toute reversée dans l’espérance. Notre esthétique, pour faire face à cette réalité implacable, s’est faite éthique. Il ne s’agit pas de contempler le mal, mais de lutter contre lui. » (“ La misère de Dieu ”, CRC n° 128, avril 1978) Comment ? En disciples du pauvre d’Assise, en avertissant, en priant, en se sacrifiant pour sauver les âmes de l’enfer.

Finalement, pour identifier un véritable héritier de saint François, ne faudrait-il pas désigner l’abbé de Nantes ? Voici deux tests pour le vérifier. Un disciple de saint François devrait nécessairement avoir pris la défense du Saint Suaire contre ses détracteurs, puisque cette relique a renouvelé au vingtième siècle le prodige des stigmates de saint François, nous montrant les Saintes Plaies de Notre-Seigneur et enflammant notre dévotion. C’est bien ce qu’a fait notre Père !

Ce n’est pas tout. L’école franciscaine, depuis le bienheureux Jean Duns Scot jusqu’à saint Maximilien-Marie Kolbe, s’est distinguée par son zèle pour promouvoir les gloires de Marie. De nos jours, ses continuateurs doivent se reconnaître à leur ardeur pour défendre ses privilèges contre toutes les négations et mépris dont elle est l’objet dans l’Église depuis le concile Vatican II. Or nul n’a sondé plus avant le dogme de l’Immaculée Conception que notre Père, qui pénétra même le mystère de sa préexistence !

La cause est entendue : le vrai disciple de saint François au vingtième siècle, c’est notre frère Georges de Jésus-Marie, tertiaire franciscain depuis 1945. Prenant la suite de saint Bonaventure et Duns Scot, notre docteur mystique de la foi catholique féconda la recherche de la vérité, desséchée par trop de subtilités et d’abstractions scolastiques, par un ardent amour de Jésus et Marie.

Le lendemain, après avoir récité le chapelet dans le sanctuaire de Notre-Dame de Boulogne-la-Petite, les familles CRC de la région parisienne se retrouvèrent auprès du manteau de saint François pour prier et chanter avec les paroissiens du lieu. Cette relique est authentique, son histoire est très sûrement attestée. En 1224, le cardinal Hugolin, protecteur de saint François, obtint que celui-ci envoie son pauvre et vieux manteau à sainte Élisabeth de Hongrie, qui avait embrassé l’esprit franciscain avec une ferveur extraordinaire. Après la mort de la sainte, son beau-frère Conrad de Thuringe hérita de la relique avant de la donner à notre saint Louis, pour le remercier d’être intervenu comme médiateur entre le Pape et l’empereur d’Allemagne. En 1250, le roi de France, voyant les franciscains si combatifs à la Croisade, décida de leur confier le manteau qui fut déposé dans leur couvent, près de Saint-Germain-des-Prés.

Vénérant ce pauvre manteau dans sa monstrance, nos amis demandèrent à saint François, comme jadis Élisée, dépositaire du manteau d’Élie, une double part de son esprit : une foi catholique combative et une tendre dévotion réparatrice envers l’Immaculée.

SESSION DE LA TOUSSAINT

Entre deux opérations extérieures, notre Phalange s’entraîne et s’instruit à la maison-mère. L’En-travers devait prévoir les bons fruits que produirait notre session de la Toussaint, car il a soufflé avec rage sur tout le pays, désorganisant le réseau ferroviaire pour empêcher les jeunes CRC de rejoindre la maison Saint-Joseph. Néanmoins, deux cent cinquante amis se pressaient en nos murs, du 3 au 5 novembre.

JÉSUS NOUS PARLE EN PARABOLES.

Pendant trois jours, nos retraitants écoutèrent notre Père leur prêcher les paraboles de l’Évangile (disponible sur la VOD : sigle PC 48). Quel merveilleux conteur ! Son talent nous fait entrevoir le charme de la prédication de Notre-Seigneur lui-même. La simplicité de ses paraboles, la concision et la noblesse de leur style, la richesse d’évocation des images et la force de leurs leçons manifestent le génie humain, surhumain, divin de Jésus.

Dès le premier sermon du Père, dès les premières paraboles qu’il nous commente, nous sommes saisis par le drame primordial de notre salut, comme les foules chrétiennes franchissant le seuil des cathédrales : le pauvre Lazare et le mauvais riche, l’intendant infidèle comme le riche insensé nous enseignent que nous ne sommes sur la terre que de passage, pour gagner le Ciel et éviter l’enfer. Voilà posé d’emblée, par le Fils de Dieu fait homme, le cadre strict de la vie du chrétien.

L’alternative est rigoureuse, accablante même, car notre Père, en racontant ensuite les paraboles du Semeur et des ouvriers de la onzième heure, nous expose le mystère de la prédestination. Il nous l’expose seulement, sans chercher à nous l’expliquer. Tous les théologiens qui ont essayé d’élucider indiscrètement ce mystère du bon Plaisir divin en ont donné des présentations incomplètes, fausses, détestables, errant entre les théories également désespérantes de la réprobation calviniste ou du pélagianisme.

Notre Père ayant étudié les montagnes de papier accumulées par des siècles de controverse stérile nous fait admirer dans les paraboles de l’Évangile l’expression la plus riche et la plus juste du mystère. Et ce qui le rend supportable, c’est la révélation conjointe de l’infinie miséricorde de notre Sauveur qui nous enseigne le recours souverain de la prière, à l’exemple de la veuve importune. Il est notre Bon Samaritain, notre Beau Pasteur, venu sur terre pour y rechercher sa brebis, sa drachme perdue, toujours prêt à accueillir ses enfants prodigues.

Deux semaines avant cette session, le 13 mai 1993, notre Père était allé déposer au Saint-Office son troisième Livre d’accusation, contre le CEC. En cratère, avec frère Bruno, il nous raconta le voyage éclair à Rome en compagnie de deux cent cinquante amis, la rencontre lamentable avec un sous-fifre de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, la démarche supplémentaire accomplie huit jours plus tard auprès de Mgr Sandri, de la Secrétairerie d’État, en vue d’obtenir l’ouverture d’un procès. En vain...

Parce qu’il était accaparé par la rédaction du Liber accusationis, le Père avait choisi de prêcher lors de la session de la Pentecôte sur un sujet qui ne lui demanderait pas beaucoup de travail : les paraboles. Or, tout au long de ses sermons et conférences, il ne put s’empêcher de constater la contradiction entre l’Évangile et la religion moderne telle que présentée par le prétendu Catéchisme de l’Église catholique : prédestination, béatitude éternelle, culte de l’homme, responsabilité du peuple juif... Quelle confirmation du bien-fondé de sa démarche romaine !

Le deuxième jour, notre Père, suivant toujours les discours de Notre-Seigneur, nous indiqua le chemin du Ciel : les Béatitudes, la voie de la Croix. C’est précisément contraire au monde moderne et à la religion conciliaire, épris de l’épanouissement de la personne humaine ! « Comment l’homme peut-il se construire, s’écrie notre Père, à quoi cela rime-t-il ? Alors que la vérité du christianisme, c’est qu’il faut se détruire pour renaître au Ciel ! » Cependant, pour le disciple qui consent à se détourner du monde pour suivre Jésus, cette loi nouvelle de perfection positive devient très attirante, d’une beauté et bonté enthousiasmante !

Les dernières instructions de la session nous ouvrirent des perspectives vertigineuses sur l’avenir. En quelques paraboles, Notre-Seigneur nous révèle lumineusement le dessein de Dieu sur l’histoire, ce que nous appelons l’orthodromie. Dans les paraboles des deux fils, du pharisien et du publicain, des vignerons homicides, des invités discourtois, nous devinons l’opposition de deux peuples : le peuple juif orgueilleux rejetant son Messie, d’une part, qui sera maudit comme le figuier desséché, et, d’autre part, la multitude des nations païennes qui se convertiront et prendront leur place au banquet des noces du Fils de Dieu. Jésus prophétise alors la chute de Jérusalem, prélude de la fin du monde et du Jugement dernier, tellement redoutable.

Heureusement, le sermon de clôture nous indiqua l’Arche du Salut, l’Église, préfigurée par la barque de Pierre surnageant dans les tempêtes et pêchant miraculeusement les élus. Parmi lesquels se rangèrent résolument la dizaine de jeunes qui s’avancèrent au pied de l’autel pour promettre fidélité à la Phalange de l’Immaculée !

ACTUALITÉS : APOCALYPSE

Le dimanche matin 5 novembre, la conférence d’Actualités prit la suite des enseignements du Père sur le discours eschatologique de Notre-Seigneur.

CONTRE-OFFENSIVE UKRAINIENNE.

Frère Bruno commença par faire le point sur la guerre en Ukraine, à partir de l’entretien accordé à The Economist par le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Valeri Zaloujny. Reconnaissant l’échec de la contre-offensive lancée en juin, il craint un enlisement du conflit comparable à celui de la Première Guerre mondiale. Les raisons qu’il en donne nous rappellent précisément le général Joffre, qui traçait des flèches sur la carte sans se préoccuper de la réalité du terrain, ni de l’ennemi, ni des armements en présence. De même, l’armée kiévienne, élaborant sa stratégie « selon les manuels de l’Otan », imaginant que quatre mois lui suffiraient pour « atteindre la Crimée, y combattre et en revenir ». Le constat de son chef est aujourd’hui accablant : à moins de livraisons supplémentaires d’armes modernes, « tôt ou tard, nous nous rendrons compte que nous n’avons tout simplement pas assez de monde pour nous battre ».

Nous assistons donc à un échec inéluctable des États-Unis, au moment même où l’embrasement du Proche-Orient les attire sur un nouveau front.

LE MASSACRE DU 7 OCTOBRE : QUELLE EST LA RESPONSABILITÉ D’ISRAËL ?

Le massacre et les prises d’otages perpétrés par le Hamas le 7 octobre dans les communautés juives frontalières de la bande de Gaza ont déclenché en effet une guerre sanglante où la barbarie tient lieu de règle. Bien qu’elle semble plus propre côté israélien, elle est tout aussi immorale. « Nous n’oublierons jamais les atrocités commises par nos ennemis, déclarait le 13 octobre le chef du gouvernement israélien, Netanyahou, et nous ne pardonnerons jamais. Et nous ne laisserons jamais le monde, ni personne, oublier de telles atrocités qui n’avaient pas été infligées au peuple juif depuis de nombreuses décennies. »

D’aucuns ont accusé le gouvernement israélien d’avoir cyniquement orchestré ou bien laissé s’accomplir le pogrom du 7 octobre, afin de justifier une opération militaire de grande ampleur sur la bande de Gaza. Plusieurs éléments troublants pourraient le laisser croire et, en particulier, l’inefficacité de la clôture ultra sophistiquée qui ceinture la bande de Gaza. Elle n’a pas fonctionné, alors qu’elle a été percée à presque trente endroits différents !

Par la suite, malgré les appels au secours des populations agressées par le Hamas, l’armée a été très lente à intervenir, parfois au bout de plusieurs heures seulement.

Plus embarrassant, le peu de cas que le gouvernement a fait des mises en garde de ses services de sécurité au sujet d’une prochaine flambée de violence à Gaza. Dix jours avant l’attaque, Abbas Kamel, directeur des renseignements égyptiens, avait lui aussi mis en garde Tel-Aviv contre une opération terrible de la part du Hamas, en vain.

Cependant, la riposte de l’armée israélienne a été si chaotique, si coûteuse en pertes humaines que l’hypothèse d’une opération terroriste du Hamas commanditée par Israël ne semble pas vraisemblable. Au total, au moins trois cent quarante soldats et officiers du renseignement ont été tués, parmi lesquels certains de haut rang. De nombreux témoignages indiquent que le haut commandement militaire a donné l’ordre de tuer de nombreux civils israéliens avec leurs agresseurs palestiniens, dans une confusion totale, ce qui ne pouvait que se retourner contre le gouvernement. Enfin, comment imaginer qu’Israël ait organisé cette opération terroriste qui a permis au Hamas de capturer plus de deux cents otages ? Cette prise constitue une terrible entrave à l’action de Tsahal dans la bande de Gaza et impose une lourde pression psychologique et politique au gouvernement.

D’autant que les partis de gauche, adversaires politiques de Benjamin Netanyahou et de son parti de droite du Likoud, comptent bien profiter de ces événements pour revenir au pouvoir.

En dernière analyse, il semble que le gouvernement avait commis l’erreur de focaliser toute son attention sur la Cisjordanie, et non pas sur la bande de Gaza. En 1973, Israël avait été surpris de manière analogue par une attaque sur deux fronts menée par l’Égypte et par la Syrie, parce que déjà, le gouvernement de Golda Meir n’avait pas écouté ses services de renseignements.

Quant à Tsahal, l’armée israélienne, si peu réactive le 7 octobre, elle avait mis toute sa confiance dans la technologie de ses systèmes, persuadée qu’ils dissuaderaient le Hamas.

« Il ressort de tout cela, résume frère Bruno, non pas une impression de maîtrise et de suivi d’un plan, mais de confusion, de désordre, de maquillages, de décisions adoptées à l’arraché et de prises de risques extrêmement dangereuses. Le gouvernement savait qu’il allait arriver quelque chose, mais il ne s’est pas rendu compte de l’ampleur de la menace. Maintenant, il cherche à tirer son épingle du jeu, à grand renfort de médias, de mensonges, de pression et de censure, et à assouvir sa vengeance contre la population palestinienne. »

LES CAUSES PROFONDES DU CONFLIT.

Ce qui est étonnant, dans la guerre électorale que se livrent les partis politiques israéliens, c’est qu’alors même que la gauche déplore la cruauté de la répression militaire à Gaza ordonnée par Netanyahou, personne ne semble capable de l’arrêter, pas même sur la scène internationale. À titre de comparaison, en février 2022, en quelques semaines, tout avait été fait pour bloquer la Russie lors du déclenchement de son opération militaire spéciale. Contre Israël, en revanche, aucune mesure économique, diplomatique ou militaire n’a été prise pour stopper son intervention, alors que l’État juif ne peut pas survivre sans les importations et les capitaux étrangers. Bien au contraire, Netanyahou a obtenu une aide massive étrangère.

En réalité, malgré leur compétition électorale, les partis israéliens partagent tous l’idéologie sioniste. Aussi, toute rivalité cesse lorsqu’Israël est en danger.

En considérant son histoire, on constate que l’État hébreu ne récolte que ce qu’il a semé. Lors de la guerre israélo-arabe de 1947-1948, les juifs procédèrent en toute impunité à un nettoyage ethnique de 750 000 Palestiniens qui furent dispersés dans tout le Moyen-Orient. Ceux qui subsistèrent dans les frontières de l’État hébreu ne furent jamais considérés que comme des citoyens de seconde zone. Depuis soixante-quinze ans, Israël attend son heure pour achever l’œuvre de ses fondateurs : conquérir toute la terre, la Terre promise, mais sans ses habitants.

Ces dernières années, plus particulièrement, Benjamin Netanyahou a mené une politique machiavélique pour affaiblir l’Autorité palestinienne basée en Cisjordanie : afin d’empêcher son président Mahmoud Abbas de progresser vers la création d’un État palestinien, le chef du gouvernement israélien a favorisé la montée en puissance du Hamas dans la bande de Gaza. C’est ainsi que, depuis 2018, Israël a laissé entrer à Gaza par ses points de passage des valises contenant des millions en argent qatari. Des centaines d’Israéliens ont payé de leur vie cette stratégie.

Un autre facteur contribue à expliquer l’aveuglement d’Israël devant le péril arabe : la décadence de la société israélienne, que constatent certains analystes juifs eux-mêmes. Israël s’est laissé envahir par le néolibéralisme des États-Unis, son principal collaborateur, et par tous les vices de nos “ sociétés libérales avancées ”. De plus, Israël est devenu trop dépendant de la technologie moderne, et ses citoyens et ses militaires se sont ramollis.

VERS UN EMBRASEMENT ?

La haine des populations arabo-musulmanes contre Israël est portée à son paroxysme par la répression sanglante exercée à Gaza. Les musulmans chiites du Hezbollah libanais, mais aussi en Irak, en Syrie, au Yémen, prennent les armes sous l’égide de l’Iran qui se pose en champion de la cause palestinienne. La position des États sunnites, en revanche, est plus ambiguë. Plusieurs d’entre eux – Bahreïn, Égypte, Jordanie, Maroc, Émirats arabes unis et même Arabie Saoudite – avaient entrepris de normaliser leurs relations avec l’État hébreu pour favoriser le commerce. L’écrasement de la bande de Gaza sous les bombes juives tombe à point nommé pour ruiner une entente israélo-arabe insupportable aux musulmans.

Cet incendie pourrait aussi se propager aux parrains occidentaux d’Israël, qui hébergent d’importantes diasporas juives : les États-Unis, la Grande-Bretagne et surtout la France qui compte en outre la plus grosse minorité arabe et musulmane d’Europe. La tension particulièrement vive entre pro-Juifs et pro-Arabes dans notre pays est encore exacerbée à des fins électorales : Jean-Luc Mélenchon a ainsi décidé de ne pas condamner le Hamas, pour obtenir les voix des musulmans de France. Une fois de plus, la démocratie convoie la guerre civile ! Emmanuel Macron, pour sa part, s’aligne sur la position américaine de soutien massif à Israël. Mais en même temps, il ménage les susceptibilités arabes par l’envoi de deux navires-­hôpitaux au large de la Palestine. Quel comble !

Un seul pays paraît capable d’exercer une médiation dans cette guerre : la Russie, toujours soucieuse de maintenir des relations diplomatiques avec toutes les parties au conflit, avec le Hamas comme avec Israël, et prônant l’application des résolutions de l’Onu. Cependant, si prenant ombrage des rapports entretenus avec le Hamas par la Russie, Israël décidait de rompre avec cette dernière, le conflit au Proche-Orient pourrait devenir, en arrière-plan, un nouveau théâtre de l’affrontement entre Russes et Américains.

LA POSITION DE L’ÉGLISE.

Le 25 janvier 1904, Théodore Herzl, fondateur du sionisme, obtint une audience du pape saint Pie X, afin de solliciter son appui. Il consigna les propos du Saint-Père dans son journal. En quelques phrases, c’est le jugement de notre foi sur l’assujettissement des Lieux saints à un État juif.

« Nous ne pouvons pas soutenir votre mouvement. Nous ne pourrons pas empêcher les juifs d’aller à Jérusalem, mais nous ne pouvons en aucun cas soutenir cela. Même si elle n’a pas toujours été sainte, la terre de Jérusalem a été sanctifiée par la vie de Jésus-Christ. En tant que chef de l’Église, je ne peux vous dire autre chose. Les juifs n’ont pas reconnu Notre-Seigneur, c’est pourquoi nous ne pouvons pas reconnaître le peuple juif (...).

« Deux cas peuvent se présenter. Ou bien les juifs restent fidèles à leur croyance et continuent d’attendre le Messie, qui pour nous est déjà venu. Dans ce cas, ils nient la divinité de Jésus, et nous ne pouvons rien faire pour eux. Ou bien ils vont là-bas sans aucune religion, et dans ce cas-là nous pouvons encore moins les soutenir. La religion juive a été la base de la nôtre, mais elle a été remplacée par la doctrine du Christ, et dès lors, nous ne pouvons plus reconnaître son existence. Les juifs, qui auraient dû être les premiers à reconnaître Jésus-Christ, ne l’ont pas fait jusqu’à ce jour (...).

« Si vous allez en Palestine et si vous y installez votre peuple, nous préparerons des églises et des prêtres pour les baptiser tous. »

L’Église est demeurée fidèle à cette vérité, à cette charité surnaturelle, jusqu’au concile Vatican II, soucieux de gagner la faveur des juifs. En 1994, Jean-Paul II reconnut finalement l’État d’Israël, mais sans aucun profit pour la paix au Proche-Orient.

Prise en étau entre la barbarie musulmane et un État sioniste qui brave la malédiction de Dieu contre son peuple déicide, la Terre sainte ne pourra jamais recevoir la paix que de la Chrétienté restaurée. Pour l’heure, comme l’écrivait notre Père en janvier 1991, le Proche-Orient demeure sous la menace « d’un État hébreu reconnu par l’Onu depuis 1949, installé précairement sur une terre usurpée, aux frontières mal découpées, indéfendable, sauf à se donner du large, à se défendre préventivement en attaquant, sans souci des lois internationales, et prêt à mettre le feu au monde pour sauver son existence. »

Nous assistons à la réalisation de la vision du Secret de Fatima : « un Ange, avec une épée de feu à la main gauche ; elle scintillait, émettait des flammes qui paraissaient devoir incendier le monde ». Au lendemain de la guerre des Six Jours en 1967, notre Père analysait déjà : « L’allumette arabe ou israélienne, qui mettra le feu à la poudrière mondiale, n’est entre les mains de personne et peut flamber demain. »

Prions pour qu’une fois de plus, les flammes de l’Ange s’éteignent au contact de l’éclat que, de sa main droite, Notre-Dame peut faire jaillir vers lui.

frère Guy de la Miséricorde.