13 JANVIER 2019

La mission de Jean-Baptiste

EN ce dimanche de la fête du Baptême de Notre-Seigneur, l’Église, à travers un court passage de l’Évangile de saint Luc nous demande de méditer sur la mission de Jean-Baptiste. La question qui se pose est la suivante :

Comment Notre-Seigneur va-t-il sortir de son obscurité et s’imposer aux foules pour annoncer l’Évangile ?

D’une manière qui est absolument inattendue parce qu’elle est absolument inouïe, incomparable. Il m’a fallu attendre bien des années pour en avoir le choc. Lorsque l’heure de l’Évangile sonne au cadran de l’histoire, ce n’est pas Jésus qui paraît sur la scène du monde, c’est un autre que lui.

En effet, avoir un disciple est une chose commune, mais avoir un précurseur, c’est une chose inouïe. Nous sommes en présence d’un homme de la stature de Jean-Baptiste dont toute la fonction va être, non pas de tourner les foules vers lui, mais de témoigner d’un Autre. C’est considérable ! Quand on pense à toutes les jalousies, toutes les rivalités des grands hommes, comme ils sont préoccupés de sauver leur renommée, comme ils sont préoccupés de concurrence, de rivalité les uns contre les autres, on admire comme un fait surnaturel la manière dont Jean-Baptiste est tout absorbé dans sa vocation de Précurseur, pour s’effacer dès que Notre Seigneur va paraître.

Le témoignage de cet homme qui a toutes les formes d’un prophète attendues par les Juifs et qui va donner sa vie pour témoigner de Jésus avant de s’effacer devant Lui va être la preuve capitale de la légitimité de Jésus, de la vérité de l’Évangile.

Quand il a vu Jésus venir, se soumettre, procéder avec une infinie douceur, une infinie mansuétude, Jean a été bouleversé et il a compris que Notre-Seigneur allait prêcher un Évangile qui serait d’abord un Évangile de douceur, un Évangile de pardon, et qu’il aurait, pour purifier son peuple et pour purifier le monde entier de ses souillures, une manière inattendue, qui ne serait pas ce jugement par le feu, mais qui serait la douceur, la charité que l’Évangile allait manifester.

Du coup, saint Jean-Baptiste se sent confondu d’humilité devant Jésus. Voilà pourquoi il va laisser partir ses disciples, voilà pourquoi, à ceux qui lui viennent de Jérusalem, envoyés par les prêtres et les lévites, et dont certains sont pharisiens, il reconnaît qu’il n’est rien, qu’il n’est pas digne de délier la courroie de la chaussure de Celui qui est là au milieu d’eux. « Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas. » Ce quelqu’un, c’est Jésus. Alors que lui, prophète, est célèbre, qu’il est le point de mire de toute la société judéenne de ce temps-là, Jésus est inconnu, et c’est pourtant lui, Jésus, qui doit être le Sauveur.

Je dirais que lorsque Notre-Seigneur paraît, certainement avec un sourire profond, avec une bonté, avec une joie, indescriptibles, Il subjugue Jean. Jean, bouleversé, se sent d’un coup en état d’infériorité devant Celui qui est là devant lui et dont il pressent qu’il est quelque chose de très grand. Au contraire, c’est Jésus qui devrait baptiser Jean. Mais Jésus l’arrête d’un mot. Et c’est là cette parole énigmatique : « Laisse faire, laisse-moi faire jusqu’à maintenant, il nous faut accomplir toute justice. »

Notre-Seigneur entend se soumettre, beaucoup plus qu’aux rites et à Jean lui-même, à un ordre de Dieu. Il faut qu’il entre dans son peuple ; Il accepte une solidarité, et au même moment où Jean voudrait écarter le Christ parce qu’il sent en lui une innocence, une dignité de vie qui rendent ce baptême inutile, au même moment, Jésus, lui, prend la solidarité sur ses épaules, la solidarité de tous les péchés de son peuple. Il veut se faire péché pour nous, avec nous, avec les siens. Voilà le sens de ce baptême, qui est aussi le sens de la traversée de la mer Rouge. Il n’y a pas de doute que ce Baptême, c’est un rappel du passage de la mer Rouge, et Jésus veut traverser ce baptême, comme Moïse en tête de son peuple a traversé la mer Rouge, puisque Jésus est le nouveau Moïse de la Nouvelle Alliance.

  • Aussitôt après cet acte de soumission, cet acte de religion et d’expiation, l’Esprit, sous la forme d’une colombe descend du ciel qui s’est déchiré et “ il demeure ” sur le Christ pour bien montrer à Jean que le baptême d’Esprit et de feu qu’il a prophétisé sera l’œuvre de ce Jésus qui est là devant lui mais que, pour l’instant, l’Esprit demeure en Jésus, en Jésus seul. Il ne se répand pas encore à droite et à gauche. Jésus, voilà l’instrument de l’Esprit, de l’Esprit de Dieu.

C’est alors que Jean, entendant la parole qui vient du ciel : « C’est toi mon Fils bien-aimé : Moi aujourd’hui, je t’ai engendré. » Cette parole renseigne Jean-Baptiste et lui permet dorénavant d’affirmer que Jésus est vraiment Celui qui vient, le fondateur du nouveau Royaume.

Abbé Georges de Nantes
Extraits de la retraite sur l’Évangile (S 9), 5e conférence