Benoît XVI et Fatima

UN THÉOLOGIEN ALLEMAND ET LA SAINTE VIERGE

Benoît XVI à Fatima en mai 2010.
Benoît XVI à Fatima en mai 2010.

CONTRAIREMENT à Pie XII et à Jean-Paul Ier, et même à Jean-Paul II qui affectait une dévotion mariale, rien ne semblait prédisposer le cardinal Ratzinger à être le Pape de Fatima. Évoquant le message de Fatima en l’an 2000, il avouait ne pas comprendre la dévotion au Cœur Immaculé de Marie... question de sensibilité culturelle : « Comme chemin vers ce but [le salut des âmes], est indiquée – de manière surprenante pour des personnes provenant de l’ère culturelle anglo-saxonne et allemande – la dévotion au Cœur Immaculé de Marie ».

Jeune théologien au concile, expert du cardinal Frings et artisan de la réforme, il se rangeait alors parmi les « minimalistes ».

Il changea cependant. Une confidence de lui en témoigne :

« Au début du Concile, je ne comprenais pas du tout ces antiques formules comme “ Marie est l’ennemie de toutes les hérésies ”. D’autres, comme “ De Maria numquam satis, de Marie on ne dira jamais assez ”, me semblaient excessives. La situation changeant, pendant le Concile et depuis, et en approfondissant ce thème, j’ai dû changer d’avis. »

L’aveu fait irrésistiblement songer – mais en sens inverse – à celui du cardinal Luciani, ralliant, après une longue et pénible lutte intime, la thèse de la liberté religieuse.

Mais, ce changement forcé, imposé par « la situation », correspondait-il chez le cardinal Ratzinger à une vraie conversion intime, à une véritable dévotion mariale ?

En 1984, dans un entretien avec le journaliste Vittorio Messori, le cardinal poussa un “ cri d’alarme ”, dressant un portrait réaliste, sans complaisance, de l’état de l’Église en perte générale de la foi. Interrogé sur le troisième secret de Fatima, il répondit : « Si, l’ho letto, oui, je l’ai lu ! ». L’abbé de Nantes releva aussitôt ce propos et, plein d’espérance, s’offrit au cardinal pour aider de tout son pouvoir au rétablissement doctrinal initié par Rome.

Malheureusement, il apparut très vite que le « changement » du cardinal n’était dicté que par une pure et sèche réflexion théologique et non par une quelconque obéissance aux manifestations célestes.

On s’aperçut que le cardinal Ratzinger était favorable aux apparitions de Medjugorje. Celles-ci, qui avaient débuté quatre ans auparavant, avaient déjà fourni ample matière à un salutaire discernement des esprits. Mais le cardinal disait : « Dans un tel domaine, la patience est un élément essentiel de la politique (sic) de notre Congrégation. Nous ne pouvons évidemment pas interdire à Dieu de parler à notre temps par des personnes simples et des signes extraordinaires. »

L’attentisme calculé du cardinal s’étendait pareillement au mouvement charismatique, dont il espérait une nouvelle Pentecôte pour l’Église.

Déçu, amer, l’abbé de Nantes formula ce constat : « Je comprends enfin que Joseph Ratzinger n’est là, en ce haut poste auprès de Jean-Paul II, que par sa servilité doucereuse et empressée, depuis l’âge de trente-cinq ans envers le cardinal Frings, archevêque de Cologne et chef du complot moderniste allemand destiné à abattre la foi catholique romaine, d’abord par le démantèlement du Saint-Office et ensuite par la conquête du trône pontifical. »

PÈLERIN DE FATIMA

Le cardinal Ratzinger à Fatima le 13 octobre 1996.
Le cardinal Ratzinger à Fatima
le 13 octobre 1996.

En octobre 1996, tandis que la Contre-réforme catholique accomplissait son grand pèlerinage à Fatima, annoncé et préparé de longue date, et que l’abbé de Nantes était chassé de sa communauté par une injonction arbitraire de son évêque, Jean-Paul II désigna le cardinal Ratzinger pour le représenter lors des cérémonies commémoratives du 13 octobre au sanctuaire de Fatima.

Il y fit une homélie sur les noces de Cana insistant sur la parole de Marie : « Faites tout ce qu’il vous dira », pour ne pas vouloir admettre qu’au XXe siècle, par une volonté expresse de Dieu, la Vierge Marie a changé de langage : « Je veux » répète-t-elle à chaque apparition, et encore ceci : « Si l’on fait ce que JE vais vous dire ».

Il ne cita aucune parole du message de Notre-Dame de Fatima.

Pire : dans un entretien accordé à Aura Miguel le 11 octobre, il aborda la question de la non-divulgation du troisième secret :

Aura Miguel : Votre Éminence est une des rares personnes au monde à connaître la troisième partie du secret de Fatima. Nous n’avons pas la prétention de vous demander de nous révéler ici son contenu, mais pourquoi l’Église continue-t-elle à le garder secret ?

Cardinal Ratzinger : Je dirai que c’est pour s’opposer au sensationnalisme et à cette soif des choses étranges et pour ramener la dévotion mariale à l’essentiel. Quand on voit toute cette expectative de tant de côtés à la fois, il me semble que ce serait une déviation de céder à ces pressions. C’est toujours l’intention, je dirais même la mission de l’Église, de ramener au point central, à ce qui est le centre des choses réellement importantes. Ainsi, nous obéissons à Notre-Dame parce que Notre-Dame, en apparaissant à des enfants, à des petits, des gens simples et inconnus du monde, n’est pas venue pour faire sensation mais pour attirer notre attention par le moyen de ces gens simples vers l’essentiel, c’est-à-dire la conversion, la prière, la foi, les sacrements.

Aura Miguel : Mais la décision de ne pas révéler le secret vient du Pape ?

Cardinal Ratzinger : Oui, elle dépend du Pape mais le Pape est guidé par l’Esprit-Saint, ne l’oublions pas.

Aura Miguel : À propos du contenu de ce secret, quel est votre conseil pour tous les curieux ?

La communauté en pèlerinage à Fatima en 1996Cardinal Ratzinger : Qu’ils soient rassurés, car Notre-Dame n’est pas sensationnaliste, Notre-Dame ne provoque pas la peur, Notre-Dame ne fait pas de prévisions apocalyptiques mais elle conduit à son Fils et ainsi à l’essentiel.

Frère Bruno de Jésus commenta : Elle a quand même montré l’enfer aux enfants, elle a quand même annoncé le châtiment de la Seconde Guerre mondiale, « horrible, horrible » !

Dans cet entretien, évoquant la liste des papes dévots à Fatima, le cardinal sauta par-dessus le nom de Jean-Paul Ier, le seul qui exprima le désir de répondre exactement aux demandes du Ciel. Or ce Pape avait été choisi comme patron du pèlerinage de la Contre-Réforme, son portrait bien visible sur une grande bannière, défila sous les yeux du cardinal...

On apprit plus tard sa pensée concernant ce bref pontificat. Il récusait absolument la possibilité d’un attentat. Il disait même que la mort précipitée de Jean-Paul Ier était un message : Dieu signifiait ainsi aux cardinaux qu’ils s’étaient trompés de candidat.

LE COMMENTAIRE THÉOLOGIQUE DU TROISIÈME SECRET.

Avec Mgr Bertone lors de la présentation du commentaire du troisième secret.
Avec Mgr Bertone lors de la présentation
du commentaire du troisième secret.

En mai 2000, quand Jean-Paul II se décida, avec quarante ans de retard, à divulguer le troisième secret, le cardinal Ratzinger fut chargé par lui d’en faire le commentaire théologique.

Il commence par décourager son lecteur : « Celui qui lit avec attention le texte de ce qu’on appelle le troisième “ secret ” de Fatima [...] sera probablement déçu (sic) ou étonné après toutes les spéculations qui ont été faites. [...] Aucun grand mystère n’est révélé ; le voile de l’avenir n’est pas déchiré ».

Tout au long de son exposé, il reprend à son compte la thèse du P. Édouard Dhanis, le plus pernicieux adversaire de Fatima, disant que les visions rapportées par Lucie sont des « projections du monde intérieur d’enfants qui ont grandi dans une ambiance de profonde piété, mais qui étaient en même temps bouleversés par la tourmente qui menaçait leur époque ».

D’où l’explication typiquement moderniste : « La conclusion du “ secret ” rappelle des images que sœur Lucie peut avoir vues dans des livres de piété et dont le contenu provient d’anciennes (sic) intuitions de foi. » Bref, Lucie serait une affabulatrice : son psychisme aurait été marqué par les horribles nouvelles de la guerre, et son imagination débridée aurait été nourrie de dévotions infantiles.

RÉVÉLATION PRIVÉE, DONC FACULTATIVE ?

Il entreprend ensuite de « déterminer le lieu théologique des révélations privées », pour en conclure qu’elles sont « une aide qui est offerte, mais dont il n’est nullement obligatoire de faire usage ». Erreur profonde !

L’Église hiérarchique a le pouvoir et même le devoir d’examiner la vérité des révélations, sous quelque forme qu’elles se présentent. Mais lorsque leur authenticité est établie, les Pasteurs de l’Église ne peuvent plus se considérer libres de toute obligation à leur égard. Bien au contraire, l’autorité souveraine de la hiérarchie en la matière, s’accompagne du devoir de satisfaire avec ferveur aux volontés du Cœur de Dieu et aux requêtes du Ciel.

Certes, de nouvelles révélations, comme le dit saint Jean de la Croix, ne sont pas a priori nécessaires, mais dans la mesure où le Ciel intervient dans notre histoire, par un excès d’amour, c’est un aveuglement très coupable de déprécier ces apparitions qui, dans le cas de Fatima, lient une véritable et nouvelle alliance conditionnelle.

VISION “ IMAGINATIVE ”

Le cardinal Ratzinger traite alors de « la structure anthropologique des révélations privées », distinguant parmi elles les trois formes de perception ou de “ vision ” : la vision des sens, – perception externe corporelle –, la perception intérieure et la vision spirituelle (visio sensibilis – imaginativa – intellectualis).

« Il est clair que, dans les visions de Lourdes, Fatima, etc., il ne s’agit pas de la perception normale extérieure des sens : les images et les figures qui sont vues ne se trouvent pas extérieurement dans l’espace, comme s’y trouve par exemple un arbre ou une maison. Cela est absolument évident, par exemple, en ce qui concerne la vision de l’enfer (décrite dans la première partie du “ secret ” de Fatima) ou encore la vision décrite dans la troisième partie du “ secret ”, mais cela peut se montrer très facilement aussi pour les autres visions, surtout parce que toutes les personnes présentes ne les voient pas, mais en réalité seulement les “ voyants ”. De même, il est évident qu’il ne s’agit pas d’une “ vision ” intellectuelle, sans images, comme on en trouve dans les autres degrés de la mystique. Il s’agit donc de la catégorie intermédiaire : la perception intérieure, qui a certainement pour le voyant une force de présence, laquelle équivaut pour lui à la manifestation externe sensible. »

Nouvelle erreur ! abondamment réfutée par une pléiade de témoignages concordants. La Vierge Marie est apparue en son corps glorieux, doté de toutes ses manifestations sensibles. Un murmure de voix léger fut perçu par les témoins les plus rapprochés, le ploiement des branches du chêne-vert et son inclination vers l’orient au départ de l’apparition témoignent de son poids réel, et le petit nuage qui lui servit de véhicule fut visible par tous les assistants. On peut également signaler la communion eucharistique reçue de l’Ange en 1916, et que les voyants assurent avoir ressenti physiquement.

UNE TOTALE INCOMPRÉHENSION

Commentaire du 3e secret par le cardinal RatzingerParvenu aux trois quarts de son exposé, le cardinal Ratzinger en vient à la troisième partie du secret lui-même, sautant à pieds joints par-dessus les deux premières parties, sous prétexte qu’elles « ont déjà été discutées amplement dans la littérature qui les concerne et il n’est pas utile de les illustrer ici une nouvelle fois. »

Troisième erreur : Ce dédain pour les deux premiers actes du Secret lui ferme la compréhension du troisième, qui forme avec eux un ensemble logique et cohérent. Il ne peut donc pas discerner ni expliquer les causes, la nature et la signification des malheurs qui y sont décrits.

Ceux-ci pourront être écartés, dit-il, « grâce à notre liberté », comme si l’homme, par sa liberté, était maître de son destin, capable à tout moment d’arrêter ou de suspendre les châtiments divins : « De cette manière est soulignée l’importance de la liberté de l’homme : l’avenir n’est absolument pas déterminé de manière immuable, et l’image que les enfants ont vue n’est nullement un film d’anticipation de l’avenir, auquel rien ne pourrait être changé. »

Nous savons pourtant, depuis le refus de Pie XI, sanctionné par la Majesté divine, que le Saint-Père ne pourra se soustraire au châtiment. Notre-Seigneur le disait à Lucie en 1931 : « Fais savoir à mes ministres, étant donné qu’ils suivent l’exemple du roi de France en retardant l’exécution de ma demande, qu’ils le suivront dans le malheur. » C’est inéluctable.

Au sujet de l’ « Évêque vêtu de Blanc » qui tombe sous les coups de ses ennemis, le cardinal se plie à l’interprétation officielle en insinuant que le Pape observé dans la lumière divine est Jean-Paul II, sans oser l’affirmer clairement :

« Lorsque, après l’attentat du 13 mai 1981, le Pape se fit apporter le texte de la troisième partie du “ secret ”, ne devait-il pas y reconnaître son propre destin ? Il a été très proche (sic) des portes de la mort et il a lui-même expliqué de la manière suivante comment il a été sauvé : “ C’est une main maternelle qui guida la trajectoire de la balle et le Pape agonisant s’est arrêté au seuil de la mort. ” (13 mai 1994). Qu’ici une “ main maternelle ” ait dévié la balle mortelle montre seulement, encore une fois, qu’il n’existe pas de destin immuable, que la foi et la prière sont des puissances qui peuvent influer sur l’histoire et que, en définitive, la prière est plus forte que les projectiles, la foi plus puissante que les divisions. »

Dès lors, il est loisible au cardinal d’affirmer que le troisième Secret est révolu : « Avant tout, nous devons affirmer avec le cardinal Sodano : “ Les situations auxquelles fait référence la troisième partie du secret de Fatima semblent désormais appartenir au passé ” (!). Dans la mesure où des événements particuliers sont représentés, ils appartiennent désormais au passé. »

Pour nous en persuader tout à fait, le préfet de l’ex-Saint-Office tronque l’ultime parole de Notre-Dame, son irrévocable promesse : « ... mon Cœur Immaculé triomphera ». En omettant le début de la phrase : « À la fin... », il la détache de son contexte historique pour en faire une promesse intemporelle en vertu de laquelle « le Cœur ouvert à Dieu, purifié par la contemplation de Dieu, est plus fort que les fusils et que les armes de toute sorte ».

Il est bon d’opposer à cette herméneutique moderniste le discours limpide du Père Joaquin Alonso, expert officiel de Fatima : « Le triomphe final du Cœur de Marie est certain et sera définitif. Mais il aura lieu “ à la fin ”, c’est-à-dire après une terrible purification de l’humanité pécheresse, dans un baptême de feu, de sang et de larmes. » (Doctrina y espiritualidad del mensaje de Fatima, 1990, p. 272)

SUR LE TRÔNE DE SAINT-PIERRE

Mais peut-être le cardinal Ratzinger n’agissait-il que sur l’ordre de Jean-Paul II ? Au moins pouvait-on espérer que, une fois élevé sur le trône de Pierre, il aurait la liberté de revenir au vrai message de Fatima et de le reconsidérer dans la simplicité des faits.

Élu au mois d’avril 2005, Benoît XVI demanda au cardinal Policarpo, de Lisbonne, de bien vouloir se rendre à Fatima le 13 mai suivant pour « déposer son pontificat aux pieds de Notre-Dame »...

Il fallut attendre cinq ans pour l’entendre parler à nouveau de Fatima.

Entre-temps, il développait un enseignement diamétralement opposé. Par exemple, dans son encyclique Spe Salvi, de décembre 2007, il déclarait :

« La pensée de pouvoir “ offrir ” les petites peines du quotidien, qui nous touchent toujours de nouveau comme des piqûres plus ou moins désagréables, leur attribuant ainsi un sens, était une forme de dévotion, peut-être moins pratiquée aujourd’hui, mais encore très répandue il n’y a pas si longtemps [Très précisément : jusqu’au concile Vatican II qui a voulu y mettre fin, notamment sous l’influence du jeune théologien Joseph Ratzinger]. Dans cette dévotion, il y avait certainement des choses exagérées et peut-être aussi malsaines... »

C’est ainsi que, toujours anxieux de ne pas blesser l’interlocuteur protestant, le Pape prenait le contrepied de la dévotion réparatrice révélée à Fatima :

« Offrez sans cesse au Très-Haut des prières et des sacrifices... » ou bien : « Voulez-vous vous offrir à Dieu pour supporter toutes les peines qu’il voudra vous envoyer en acte de réparation pour les péchés par lesquels il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs ? »

VOYAGE AU PORTUGAL

Il programma enfin un pèlerinage au Portugal pour mai 2010. Ce voyage, ponctué de neuf discours importants, lui permettrait de célébrer tout à la fois les apparitions de Fatima et... le centenaire de la Révolution de 1910 !

Incroyable, quand on sait ce que fut cette révolution, assassine, anticléricale et persécutrice de l’Église, d’ailleurs prestement condamnée par saint Pie X, le 24 mai 1911, dans l’encyclique Jamdudum in Lusitania :

« Nous réprouvons, condamnons et rejetons la loi sur la séparation de la République portugaise et de l’Église : loi qui méprise Dieu et répudie la foi catholique. »

Dans l’avion qui le menait à Lisbonne, il déclara que « la plus grande persécution contre l’Église ne vient pas des ennemis du dehors, mais elle naît du péché dans l’Église ».

À l’aéroport, il complétait sa pensée : « le passage au régime républicain, qui s’est produit voici un siècle au Portugal, a ouvert, dans la distinction entre l’Église et l’État, un nouvel espace de liberté pour l’Église ».

C’était consacrer le dogme démocrate-chrétien de la laïcité de l’État et rejeter le règne social du Christ, préférer la secte maçonnique au long règne paisible du président Salazar, qui fit du Portugal, pendant près de quarante ans, la “ vitrine de Notre-Dame ”.

Et qu’en était-il du grand combat de l’Église et de révolution, satanique dans son essence ? Rien d’autre qu’une “ tension ”, normale, entre le présent et le passé, et sans incidence sur la marche du progrès :

« L’idéal chrétien de l’universalité et de la fraternité avait inspiré cette aventure commune également marquée par les influences des Lumières et du laïcisme. Cette tradition a donné naissance à ce que nous pouvons appeler une “ sagesse ”, c’est-à-dire un sens de la vie et de l’histoire marqué par une cohérence éthique et un “ idéal ” réalisé par le Portugal, lequel a toujours cherché à établir des relations avec le reste du monde. »

Voilà comment on veut réconcilier le Christ et Bélial.

Benoît XVI, « LUMIÈRE DU MONDE » ?

Toutefois, au sanctuaire de Fatima, Benoît XVI prononça un sermon grave, dont certaines paroles pouvaient paraître un retour au vrai message de Fatima. Comme celle-ci : « Celui qui croit que la mission prophétique de Fatima est achevée se trompe. »

Il s’en expliqua en décembre suivant dans le livre Lumière du Monde, composé d’entretiens avec le journaliste Peter Seewald. Il en ressort que cette phrase, dans la bouche du Saint-Père, ne pouvait se comprendre qu’à la “ lumière ” des a priori du Père Dhanis : cette fameuse distinction “ Fatima I ”, l’événement historique, et “ Fatima II ”, l’affabulation postérieure. Voici les propos du Saint-Père, entrecoupés du commentaire acide de frère Bruno de Jésus :

« Dans le message de Fatima, il faut dissocier deux choses : d’une part, un événement déterminé, représenté dans des formes visionnaires, d’autre part la légende fondamentale dont il est question ici [Chacun appréciera le mépris qui se cache derrière ces mots de visionnaires, de légende fondamentale ! Haro sur les “ fondamentalistes ” !]

« Il ne s’agissait tout de même pas de satisfaire une curiosité [non ! mais seulement une volonté du Ciel !]. Dans ce cas, nous aurions dû rendre le texte public beaucoup plus tôt [la Sainte Vierge avait dit à Lucie : 1960 au plus tard].

« Non, il s’agit de faire allusion à un point critique, à un instant critique dans l’histoire : tout le pouvoir du mal qui s’est cristallisé, au cours de ce vingtième siècle, dans les grandes dictatures et qui agit encore aujourd’hui, d’une autre manière. [La Sainte Vierge n’a pas parlé des « grandes dictatures » mais des « erreurs de la Russie »].

« Il s’agissait d’autre part de la réponse à ce défi. Cette réponse ne consiste pas en de grandes actions politiques. [Comme le pacte conclu par le Vatican avec Moscou à la veille du Concile, par exemple ?] Elle ne peut en dernier ressort provenir que de la transformation des cœurs – de la foi, de l’espoir, de l’amour et de l’expiation [ça s’appelle la conversion de la Russie par sa consécration au Cœur Immaculé de Marie]. Dans ce sens, le message n’est justement pas clos [effectivement, puisque la Russie n’est pas consacrée au Cœur Immaculé de Marie, donc pas convertie], même si les deux grandes dictatures (!?) ont disparu. »

À Fatima, Benoît XVI avait terminé son sermon par ce vœu :

« Puissent ces sept années qui nous séparent du centenaire des Apparitions hâter le triomphe annoncé du Cœur Immaculé de Marie à la gloire de la Très Sainte Trinité. »

Peter Seewald : Cela signifie-t-il que le Pape, qui occupe il est vrai une fonction prophétique, juge possible qu’au cours des sept années qui viennent la Sainte Mère de Dieu apparaisse d’une manière qui équivaudra à un triomphe ?

Benoît XVI : J’ai dit que le “ triomphe ” [les guillemets sont de lui, puisqu’il a révisé le texte du livre avant son impression] se rapprocherait. Sur le fond, c’est la même chose que lorsque nous prions pour que le royaume de Dieu se rapproche. Cela ne signifiait pas – je suis peut-être trop rationaliste pour cela – que j’attends désormais un grand tournant, que je pense voir l’histoire changer subitement de cours, mais que le pouvoir du mal sera refréné ; que la force de Dieu se montre toujours à travers la force de la Mère et la maintient en vie. »

Alors, il n’y a pas eu de miracle, du moins pas sous ce pontificat, qui a obstinément tourné le dos aux demandes de Notre-Dame de Fatima. Mais Benoît XVI était grand-prêtre, cette année-là (cf. Jn 11, 51), peut-être a-t-il vraiment prophétisé sans le vouloir, et le vrai triomphe est-il à attendre pour le centenaire ?

Il a renoncé à la charge apostolique le 11 février 2013, fête de Notre-Dame de Lourdes. Prions Dieu pour son successeur, le pape François : qu’il soit le Pape que nous attendions, qui accomplira les prophéties et consacrera la Russie au Cœur Immaculé.

  • Le cardinal Ratzinger à la conquête du trône pontifical, Il est ressuscité ! tome 9, n° 88, décembre 2011, p. 11-24
  • Benoît XVI et Fatima, Il est ressuscité ! tome 10, n° 94, juin 2010, p. 4-5
  • Benoît XVI, « lumière du monde » ?, Il est ressuscité ! tome 10, n° 100, décembre 2012, p. 5-12
  • Que fera Benoît XVI ?, Il est ressuscité ! tome 5, n° 39, octobre 2005, p. 1-4
  • Miracle à Lourdes ! Le cardinal messager de la Vierge, Il est ressuscité ! tome 8, n° 65, janvier 2008, p. 1-2