Il est ressuscité !
N° 199 – Juin 2019
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
Le péché de l’Église :
son ouverture au monde ennemi
Il y a cent cinquante ans, la République française déclarait la guerre à l’Église.
Dans un discours prononcé le 14 mars 1869 à la loge le Progrès, Jules Simon, un des futurs républicains de doctrine et d’action, ouvrait les hostilités : « On répète, avec raison, que la Révolution n’est pas finie. Nous voulons qu’elle le soit. Quel en est le moyen ? fonder partout des écoles ; émanciper partout la pensée [...]. Mais que la religion catholique soit dominante ou dominée, il suffit qu’elle existe à l’état d’institution politique, pour que la liberté absolue de penser n’existe pas. » (Adrien Leroux, La franc-maçonnerie sous la troisième République, p. 164-182)
L’issue de cet ultime affrontement de Satan contre l’Église du Christ ne peut être que la mort de l’un ou de l’autre combattant. Il ne peut suffire à la République que l’Église soit asservie, il lui faut l’anéantir. Pour que vive la République, il faut que l’Église soit détruite. Pour que vivent l’Église et la France catholique, il faut que crève la République ! Le drame, c’est que l’Église va se laisser circonvenir par l’Adversaire et lui ouvrir ses portes !
I. QUAND LA FRANC-MAÇONNERIE
LANCE SA GUERRE CONTRE L’ÉGLISE
LA VRAIE PERSÉCUTION DES VRAIS RÉPUBLICAINS.
Le 18 septembre 1878, à Romans, peu après l’avènement des “ vrais républicains ” à la tête de la troisième République, Gambetta dénonçait fermement, dans un discours-programme, ce qu’il appelait « le cléricalisme, cet esprit vaticanesque, monastique, congréganiste et syllabiste ». Il demandait que le Concordat soit complété afin que les ordres religieux, en particulier les jésuites, « maîtres en l’art de faire des dupes », soient surveillés étroitement, et que les curés soient soumis « à la vraie vocation » de tous : le service militaire. Enfin, il réclamait que l’enseignement soit laïcisé. Il le clame hautement, et tous ses successeurs avec lui : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! »
Jules Ferry met en œuvre ces consignes par un vaste programme de “ réforme ” scolaire. L’acharnement est méthodique, diabolique, car Ferry est ministre de l’Instruction publique : « il a voulu y être, et il sait ce qu’il veut y faire. Il fondera l’école laïque républicaine et formera, pour la défense de la République et la réforme radicale de l’esprit français, cette milice de cent mille instituteurs, destinée à tant de puissance. » (Daniel Halévy, La République des ducs, Grasset, 1937, p. 410)
Sous son impulsion, la persécution se déchaîne. Le président Grévy commence par remplacer le trop catholique Tardif par le franc-maçon Laferrière au ministère des Cultes. Puis Ferry exige la laïcisation des écoles communales de Paris. Par suite, le préfet de la Seine ferme d’un coup 112 écoles tenues par des religieux ou des religieuses qui regroupent alors 40 000 élèves.
Le 29 mars, Freycinet remet en vigueur deux décrets-lois. Le premier assigne à la Compagnie de Jésus un délai de trois mois pour se dissoudre et quitter définitivement le pays. Le second donne le même délai à toutes les congrégations non autorisées pour se faire reconnaître par l’État, sous peine d’être dispersées à leur tour. En fait, Jules Grévy et ses complices ont déjà décidé qu’ils n’accueilleraient aucune demande.
Les religieux forment alors un comité de défense pour associer leur cause à celle des jésuites : « On frappe la Compagnie de Jésus, mais on nous vise tous. Nous ne demanderons pas l’autorisation. C’est à l’Église catholique qu’on en veut. » (cité par Rochemonteix, L’attitude des congrégations en 1880, 1902, p. 146) Forts de cette unanimité et soutenus par leurs évêques, les religieux se croient en mesure de résister aux décrets.
Le gouvernement ne s’arrête pas pour si peu. Il garde l’avantage de l’offensive devant un épiscopat passif qui reçoit les coups. Les jésuites sont expulsés manu militari. Tenant tête à une Chambre des députés hostile et sectaire, Mgr Freppel, évêque d’Angers, élu député de la troisième circonscription de Brest le 7 juin précédent, dénonce le ridicule et l’odieux de cette chasse aux jésuites par des compagnies de gendarmes !
La lutte anticongréganiste s’accroît avec la suppression de la lettre d’obédience, perçue comme un « brevet d’ignorance ». Tout instituteur, laïc ou congréganiste, public ou privé, doit être doté du brevet de capacité. C’est fermer l’enseignement aux Frères et aux Sœurs. Si l’on ne considère que les Filles de la Charité, sur 37 000 sœurs à l’œuvre dans l’enseignement primaire, seules 5 700 sont diplômées, soit 15 %.
À la Chambre, s’engage aussi la discussion sur la gratuité de l’enseignement primaire. Jules Ferry a la malice diabolique de scinder son projet en deux étapes : établir d’abord la gratuité, de là l’obligation. La laïcité s’imposerait alors d’elle-même. Plan machiavélique qui dissimule aux yeux des conservateurs trop naïfs le but unique : chasser Jésus-Christ des écoles.
Mgr Freppel a beau expliquer que seule l’Église, dans ses écoles tenues par les frères ou les sœurs, peut assurer une vraie gratuité, que cette loi est foncièrement injuste puisque le pauvre paiera sous forme d’impôts, et que le budget nécessaire serait bientôt une charge énorme pour les finances de l’État, il n’est pas entendu. « Ne pas parler de Dieu à un enfant alors qu’on l’instruit sept heures par jour, c’est lui faire croire que Dieu n’existe pas. Votre école neutre ne produira donc que des sceptiques et des indifférents. Votre école neutre, que vous le vouliez ou non, deviendra logiquement, forcément l’école athée, l’école sans Dieu. »
La persécution se développe, le diable se déchaîne. Les crucifix sont supprimés des salles de classe. On expulse des religieuses soignantes et on laïcise les hôpitaux. Dans chaque village, on se divise : le curé d’un côté, l’instituteur laïque de l’autre. Les bourses accordées aux séminaristes sur le budget des Cultes sont supprimées. La persécution se solde par 261 établissements fermés et plus de cinq mille religieux expulsés !
Le 15 juillet 1889 encore, le gouvernement s’attaque au clergé séculier, par l’imposition du service militaire aux clercs, au cri de : “ Les curés, sac au dos ! ” Le but avoué est de tarir la source des vocations sacerdotales. Beaucoup de religieux s’exilent pour échapper au piège, tandis que la moitié de ceux qui se soumettent à cette obligation ne rentreront jamais en communauté !
DE LA SOUMISSION DES CATHOLIQUES AU RALLIEMENT DE LÉON XIII.
La réaction de l’Église de France est divisée. Mgr Freppel, l’infatigable évêque-député, se démène à la Chambre pour faire entendre la voix ferme de l’Église, pour contrer toute loi persécutrice. Mais peu soutenu par ses confrères, on peut dire qu’il a lutté seul. Toute une partie de l’épiscopat a déjà une tout autre manière de voir.
C’est le drame de l’Église de France, et par elle de l’Église tout entière, depuis les funestes théories de Lamennais. La plupart des évêques, des prêtres, des intellectuels de renom, sont passés par la Chesnaie, véritable académie des idées nouvelles. Condamné fermement par Grégoire XVI, Lamennais est abandonné de tous ses amis. « Mais les Montalembert, Lacordaire, et autres “ libéraux-catholiques ” du journal l’Ère Nouvelle, ne renverseront jamais l’autel qu’ils ont dressé dans leur cœur pour ce culte nouveau, face à l’autel de Dieu, et maintiendront l’impossible devise : “ Dieu et la Liberté ! ” Il est de Lacordaire ce mot affreux qui contient le germe de toutes les apostasies futures : “ La première vertu aujourd’hui n’est pas la Foi, c’est l’amour sincère de la Liberté. ” Voilà mis en retrait le service de Dieu et, jetée par-devant, la vision futuriste du règne sur terre de la Liberté. » (Lettres à amis n° 236 du 25 octobre 1966)
Avec une telle doctrine, on cherchera toujours à dialoguer avec les maçons persécuteurs, donnant des gages de plus en plus contraignants de soumission et de respect de leur autorité dans l’État. L’erreur pernicieuse et mortelle est de croire que plus le gouvernement républicain est persécuteur, plus les catholiques devraient être républicains ! Erreur anathématisée par le bienheureux Pie IX dans Le Syllabus : « L’Église peut et doit se réconcilier avec le monde moderne. »
C’est pourtant tout le programme du pontificat de Léon XIII et des évêques qu’il pousse en avant. Ainsi de Mgr Lavigerie, dont le passé et les idées libérales le font également apprécier du gouvernement français. Il va jusqu’à proposer de s’entremettre auprès des congrégations et de leur faire signer une Déclaration selon laquelle elles protesteraient « de leur respect et de leur soumission à l’égard des institutions de leur pays », récusant « toute solidarité avec les partis et les passions politiques ».
Mgr Freppel dénonce la manœuvre : « C’est un piège que l’on tend aux communautés religieuses en leur demandant une satisfaction qui ne satisfera personne, et n’aura d’autre résultat que de décourager les catholiques dans leur résistance si calme et si ferme. »
Mgr Lavigerie se récuse, en faisant savoir aux supérieurs religieux que son texte a été lu et corrigé par le Pape. Alors, par obéissance au Saint-Père, tous se soumettent, à l’exception de dom Couturier, Père abbé de Solesmes, fidèle aux conseils avisés de Mgr Freppel.
La trahison venait de haut : à Rome, le cardinal Rampolla assure à notre ambassadeur que le Pape gardera le silence « pour ne pas aggraver la situation... du gouvernement » ! « Il y a à Rome, constate tristement Mgr Freppel, un parti pris de conciliation avec les républicains. » Tandis que Léon XIII chevauche sa chimère d’une entente avec les républicains français, Jules Ferry se réjouit devant la Chambre d’avoir « comme principal collaborateur et généreux complice le Pontife pacifique qui siège au Vatican » (Journal officiel, séance du 28 mai 1881) !
Le 1er novembre 1885, Léon XIII intervient de nouveau dans les affaires de France par son encyclique Immortale Dei. Il y affirme que « l’Église n’est inféodée à aucune forme de gouvernement ». Le premier pas vers le ralliement est fait. C’est couvert par Rome que Mgr Lavigerie prêche « l’adhésion sans arrière-pensée » à la République, lors de son fameux “ Toast d’Alger ”, en 1890.
Mgr Freppel réplique aussitôt : « L’illusion de Mgr Lavigerie est de croire que la République en France est une simple forme de gouvernement. L’archevêque d’Alger désire sans nul doute que la République française devienne autre chose que ce qu’elle est [...]. Un évêque ne peut adhérer sans arrière- pensée à un gouvernement inspiré par la franc- maçonnerie [...]. Quant à nous, entre une République athée qui n’entend renoncer à aucune de ses erreurs et une monarchie chrétienne, notre choix est fait depuis longtemps. Aucune invitation, d’où qu’elle vienne, ne nous fera changer d’avis. »
Redoutant une déclaration du Pape, l’évêque d’Angers décide de prendre les devants en se rendant à Rome. Porteur d’une pétition signée par quarante-quatre députés catholiques refusant d’adhérer à la République, Mgr Freppel se montre inflexible lors de l’audience privée que lui accorde le Pape. Après une heure de vive discussion, durant laquelle le Pape sue à grosses gouttes, Léon XIII renvoie l’évêque d’Angers par ces simples mots : « Eh bien ! J’attendrai avant d’agir. »
De fait, quelques mois plus tard, en décembre 1891, la mort de l’évêque d’Angers le débarrasse du dernier rempart contre sa politique ! Moins de deux mois plus tard, le 16 février 1892, Léon XIII publie son encyclique Au milieu des sollicitudes, imposant aux catholiques français de se rallier à la République. « Chacun peut garder ses préférences intimes, affirme-t-il, mais dans le domaine de l’action, il n’y a que le gouvernement que la France s’est donné. La République est une forme de gouvernement aussi légitime que les autres. »
« Ce ralliement à la République, ordonné froidement par une autorité pontificale, jette l’esprit catholique français dans une irrémédiable confusion. Le soupçon d’être mauvais chrétien et catholique indiscipliné pèse depuis lors sur la Droite nationale catholique. » (CRC n° 106, juin 1976, p. 4) Léon XIII personnellement, et son âme damnée Rampolla avec lui, est la cause première de l’asservissement de l’Église à la République maçonnique et anticléricale.
Car loin de désarmer, la République se déchaîne. Elle ne trouve plus qu’une opposition catholique désunie... par le Pape lui-même ! On voit des “ abbés démocrates ” surgir de partout, qui louent la République, les idées de 1789, les Droits de l’homme, la Démocratie, en se réclamant du Pape, et même de son infaillibilité ! En 1901, Léon XIII prononce lui-même le mot de « démocratie chrétienne », cherchant en vain à lui donner un sens admissible, d’une “ démophilie ”, d’un amour et dévouement pour le peuple, non plus politique mais social. Les libéraux s’en réjouissent : « le Pape a avalé le mot, il avalera la chose » !
L’ouverture, le ralliement, la réconciliation ne sont plus une simple tactique, un expédient, mais une évolution raisonnée de l’Église vers de nouveaux horizons intellectuels, politiques et sociaux. De la politique, la tolérance, la liberté et enfin l’indifférence s’étendent bientôt à la philosophie et aux sciences théologiques. Car dans ce chemin il est impossible de s’arrêter, et les extrémistes font aller toute la masse.
Léon XIII, pape libéral, est donc le premier responsable du malheur de l’Église de France. Persuadé comme Pie VII que « la forme démocratique ne répugne pas à l’Évangile », mais qu’au contraire « elle exige des vertus sublimes qui ne s’apprennent qu’à l’école de Jésus-Christ », avide d’entente avec les gouvernements, Léon XIII s’est empressé de céder à toutes les exigences, jusqu’à ordonner aux catholiques non seulement de capituler, mais d’adhérer à la République.
En guise d’oraison funèbre, le Père Fontaine, jésuite, osera écrire sans crainte de démenti : « Jamais pape n’a plus que Léon XIII, accumulé les encycliques et les documents de toute nature sur les questions bibliques, philosophiques et théologiques. Et cependant, lequel de ses prédécesseurs a-t-il laissé l’Église de France dans une confusion doctrinale et une anarchie intellectuelle égale à la nôtre ? »
II. LA LOI DE SÉPARATION « DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT »
LA PERSÉCUTION DU “ PETIT PÈRE COMBES ”.
Pendant que l’Église habitue ses brebis à se soumettre aux loups, ceux-ci se déchaînent. Le socialiste Viviani l’affirme sans nuance : « Nous ne livrons pas une escarmouche au regard des batailles du passé et de l’avenir. Il s’agit de savoir qui l’emportera de la société fondée sur la volonté de l’homme ou de la société fondée sur la volonté de Dieu. »
La persécution redouble. Le 15 janvier 1901, le projet de loi sur les associations, véritable préface à la séparation de l’Église et de l’État, est débattu à la Chambre. Il serait plus exact de parler de loi contre les congrégations, car sous couvert de liberté d’association pour tous, elle vise à mieux exclure du droit commun les congrégations religieuses. Celles-ci disposent en fait de trois mois pour déposer leur demande de reconnaissance, avant d’être « réputées dissoutes de plein droit » et de voir leurs biens confisqués. Mais à dessein, le gouvernement s’est bien gardé de donner une définition claire au terme “ congrégation ” !
Le 1er juillet 1901, le président Loubet promulgue la loi sur les associations. Dans les mois qui suivent, 89 congrégations d’hommes et 211 congrégations de femmes sont dispersées pour n’avoir pas demandé leur autorisation. Les 60 congrégations d’hommes qui la demandent se la voient refuser. 395 congrégations féminines font la démarche ; 81 se heurtent à un refus et 314 dossiers restent sans réponse.
Face à cette persécution ouverte, les supérieurs des congrégations ne peuvent s’entendre : une moitié, désireuse de se conformer aux consignes de Ralliement, se résigne à déposer une demande d’autorisation, tandis que l’autre moitié s’y refuse. Dom Delatte, abbé de Solesmes, s’en explique : « Je ne demanderai pas l’autorisation d’exister. Nous sommes autorisés par Dieu, par l’Église, par le droit commun et la liberté, enfin par nos services : cela suffit... » Car « combien de temps durera le précaire de cette autorisation qu’un caprice peut retirer ? On veut nous déshonorer avant de nous couper le cou. Ne nous y prêtons pas. » (Christian Sorrel, La République contre les congrégations. Histoire d’une passion française, Cerf, 2003, p. 48)
Sous l’influence du nonce, la majorité des évêques se montre favorable à la soumission. « Le gouvernement n’en veut qu’à quelques-uns », se persuadent-ils, et ils n’hésitent pas à conseiller d’obtempérer, fût-ce au prix du sacrifice des autres !
Il y a pire : quatre évêques libéraux et républicains, Geay, Fuzet, Le Nordez, Lacroix, approuvent ouvertement le gouvernement, n’hésitant pas à livrer leurs congrégations à la police. Mgr Servonnet, archevêque de Bourges, profite de la loi pour se débarrasser des Missionnaires du Sacré-Cœur, fondés par le Père Chevalier, tandis que Mgr Lacroix demande au procureur général de la République de le « débarrasser de ces moines rebelles », à savoir les assomptionnistes de son diocèse !
Le gouvernement n’en poursuit son plan qu’avec plus de violence. Au début du mois de juin 1902, Émile Combes succède à Waldeck-Rousseau à la présidence du Conseil. Ancien séminariste, sénateur radical de la Charente, franc-maçon, le “ petit Père Combes ” définit ainsi sa politique religieuse : guerre « à la théocratie », guerre aux congrégations religieuses, guerre au clergé séculier, guerre à l’enseignement catholique. « Le nouveau président du Conseil a en effet l’âme d’un inquisiteur. Ce qu’il veut, c’est déchristianiser la France, et il ne s’en cache pas. Au républicain modéré Ribot qui lui reproche publiquement de tout ramener à la lutte contre le cléricalisme, il répond fièrement : “ Je n’ai pris le pouvoir que pour cela ! ” » (François Vindé, L’Affaire des fiches, éd. Universitaires, 1989, p. 52-53)
Dès le 27 juin 1902, il décide la fermeture, par décret, de 135 écoles primaires tenues par des congrégations autorisées. Le 15 juillet, il impose la fermeture sous huit jours de 3 000 établissements fondés antérieurement à la loi de 1901. Affolés, beaucoup de supérieurs religieux, peu ou point soutenus par les évêques, déposent alors leur demande d’autorisation. Mais Combes, triomphant, fait savoir qu’il ne les examinera même pas, et décrète le rejet de 9 000 demandes déposées depuis 1901.
Finalement, en avril 1902, trois mille religieux prêcheurs et seize mille enseignants, répartis en 1 913 établissements, sont contraints de partir. En juin, c’est le tour de quarante mille religieuses, qui enseignaient un demi-million d’élèves ! Au 12 octobre 1903, Combes aura fermé 10 049 écoles congréganistes.
Or, par un aveuglement incroyable, plus le gouvernement se montre agressif, plus l’autorité ecclésiastique cherche à négocier. Les supérieurs, qui se sont soumis pour sauver leurs œuvres, veulent séculariser leurs religieux, dans l’espoir de préserver ainsi les écoles catholiques.
Ne suffit-il pas de faire semblant ? Mortelle erreur ! Le gouvernement exige une sécularisation « sérieuse, réelle, sincère et loyale » : les religieux doivent quitter complètement leur congrégation, être dispensés de leurs vœux, quitter tout habit religieux et revêtir des vêtements laïcs, avoir un contrat de travail en bonne et due forme, posséder un compte en banque, s’établir dans une autre ville que celle où ils demeuraient en tant que religieux, et ne plus avoir de relations avec leurs supérieurs. Ces derniers sont contraints de rédiger un acte officiel, attestant que le sujet ne fait plus partie de la congrégation.
Cette sécularisation forcée, coupant tout lien religieux, est le piège dressé par le gouvernement dans lequel se jettent les évêques. La plupart d’entre eux acceptent pour leurs congrégations diocésaines cette sécularisation honteuse. Mgr Bouquet, de Mende, n’hésite pas à affirmer : « Quittez cette robe, vous avez des diplômes qui vous permettront d’exercer, cela suffit. » L’exemple des Maristes est désolant : dans un premier temps, 414 établissements sur 605 semblent sauvés par ce moyen ; mais deux ans plus tard, les 1 500 frères sécularisés ne sont plus que... 804 !
Le 1er février 1904, les religieuses infirmières se voient interdire les hôpitaux militaires. En avril, Combes fait supprimer les crucifix dans tous les tribunaux de France. Loi sacrilège, votée le Vendredi saint ! Du 9 au 15 juillet, le Journal officiel annonce la fermeture de plus de 2 200 écoles.
Combes prétend maintenant nommer lui-même les évêques ; ainsi agit-il pour Bayonne, Saint-Jean-de-Maurienne, Constantine, Nevers, Vannes. Rome refuse cet abus comme contraire au Concordat. Combes informe alors le nonce qu’il suspend toute nomination sine die. Huit sièges épiscopaux demeurent vacants.
SAINT PIE X, SAUVEUR DE LA FRANCE.
Cependant, à Rome, les choses ont changé. Le gouvernement de la République française va l’apprendre à ses dépens. Pie X, en effet, a succédé à Léon XIII...
L’affaire des évêques de Dijon et de Laval marque le retour de Rome dans la lice, pour déjouer fermement le déferlement persécuteur. Mgr Geay, évêque de Laval, ouvertement républicain, se montrait scandaleux dans ses mœurs. Léon XIII avait laissé traîner l’affaire durant quatre ans. Mais avec saint Pie X les choses changent. Le Pape met l’évêque en demeure de venir s’expliquer à Rome. Pour fuir les sanctions, Mgr Geay a l’audace de se mettre sous la protection du gouvernement !
Quant à l’évêque républicain de Dijon, Mgr Le Nordez, soupçonné d’être franc-maçon, il fait lui aussi appel à la protection du gouvernement, qui s’empresse de dénoncer « l’ingérence du Saint-Siège » dans les affaires de l’Église de France.
Rome proteste : il s’agit de faits relevant de sa juridiction spirituelle, seule juge en matière de foi et de mœurs. Le gouvernement français réagit vivement : le 31 juillet, tout le personnel de l’ambassade quitte Rome. Le même jour, Mgr Lorenzelli, nonce à Paris, est prié de rentrer en Italie. La rupture diplomatique est consommée. Mais devant la fermeté de Pie X, les évêques Geay et Le Nordez finissent par donner leur démission.
Cependant, l’Affaire des fiches contre l’Armée précipite les événements. Le scandale est tel que Combes ne peut se maintenir au pouvoir. Il doit démissionner, le 14 janvier 1905. Il laisse néanmoins à Rouvier, son successeur, le soin de terminer son œuvre destructrice. Ce dernier confie la tâche à Aristide Briand, serpent subtil qui sait « apparaître aux catholiques comme l’interlocuteur inespéré du moindre mal. Quitte à faire ce qu’il faut, en séance, pour s’attirer les invectives de l’extrême-droite et se dédouaner ainsi, aux yeux de ses amis socialistes, du soupçon de pactiser avec la réaction. » (Anne-Marie et Jean Mauduit, La France contre la France. La Séparation de l’Église et de l’État, 1900-1906, Plon, 1984, p. 283)
La discussion de la loi de Séparation des Églises et de l’État peut désormais se tenir à la Chambre et au Sénat. Parmi toutes les interventions, citons celle du député socialiste de Draguignan, Maurice Allard : « Il faut le dire très haut, il y a incompatibilité entre l’Église, le catholicisme ou même le christianisme, et tout régime républicain. Aussi je le déclare très nettement, je veux poursuivre l’idée de la Convention et achever l’œuvre de déchristianisation de la France qui se poursuivait dans un calme parfait et le plus heureusement du monde jusqu’au jour où Napoléon conclut son Concordat. Nous combattons la religion parce qu’elle est un obstacle permanent au progrès et à la civilisation. » (cité par Jean-Marie Mayeur, La séparation des Églises et de l’État, éd. ouvrières, 1991, p. 46)
La loi est votée le 3 décembre par la Chambre à une forte majorité, adoptée le 9 par le Sénat, promulguée au Journal officiel deux jours plus tard en ces termes : « La République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes... Elle ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. » De plus, elle stipule qu’un « inventaire descriptif et estimatif » des biens ecclésiastiques sera dressé. Ceux-ci, devenus propriété de l’État, seront confiés à des “ associations cultuelles ” élues dans chaque commune.
Le Comité catholique de Défense religieuse résume ainsi la situation : « Après avoir spolié l’Église, l’État la ligote, la bâillonne et lui dit ensuite de marcher... librement ! » Mais hélas, cette loi impie de “ Séparation des Églises et de l’État ” a aussi été votée par un certain nombre de sénateurs et de députés catholiques, conduits par Albert de Mun et les “ abbés démocrates ” Lemire et Gayraud, tous “ ralliés ” à la République par Léon XIII ! Ils se rassurent avec les “ associations cultuelles ”, alors qu’en réalité « la loi veut faire de notre pays une exception unique et monstrueuse, inconnue de l’histoire, inconnue de la géographie : un pays sans Dieu », écrit le journal La Croix.
Le 2 janvier 1906, une circulaire du ministre des Finances détermine, en application de l’article 3 de la loi de “ séparation des Églises et de l’État ”, les conditions dans lesquelles un « inventaire descriptif et estimatif » des biens mobiliers et immobiliers de l’Église doit être dressé : « Les agents chargés de l’inventaire demanderont l’ouverture des tabernacles. » Cette clause sacrilège, que le gouvernement cherchera ensuite à expliquer par « une maladresse d’un service trop zélé », est significative du véritable esprit de la loi.
L’exécution de cette circulaire entraîne des incidents multiples et parfois sanglants tant à Paris que dans toute la France. L’agitation est telle que la gendarmerie et l’armée doivent être mises à contribution.
L’histoire du curé de Fay-aux-Loges, près d’Orléans, est bien représentative de la réaction des catholiques. Le curé dit à sa bonne : « Tu m’apporteras le panier à midi, moi je ne quitte pas l’église, et on verra bien ce qui arrivera. Tu vas dire au maire que j’ai mes deux revolvers sur mon pupitre, et que le premier et le deuxième qui entrent, ce sont des hommes morts ! » Arrive la troupe, accompagnant l’huissier pour forcer la porte de l’église et procéder aux inventaires. L’huissier fracture la première porte et parvient sous le clocher. Au moment de franchir la deuxième porte, il entend : « Vous êtes un homme mort. » La troupe fit demi-tour et l’inventaire n’alla pas plus loin !
Cette fois-ci, les républicains tombent sur un os. Rome intervient. Le 11 février 1906, saint Pie X condamne la loi de Séparation par son encyclique Vehementer nos, comme « très gravement injurieuse pour Dieu, car le Créateur de l’homme est aussi le fondateur des sociétés humaines et Il les conserve dans l’existence comme Il nous soutient. Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social pour l’honorer. En outre, cette thèse est la négation très claire de l’ordre surnaturel... »
Le Saint-Père décide de pourvoir, d’un coup, tous les évêchés vacants de France. Cinq évêques sont transférés d’un siège à l’autre, et quatorze nommés sans consultation du gouvernement français.
Reste la question des associations cultuelles. Indépendantes de la hiérarchie, élues par les communes et chargées de gérer le patrimoine de l’Église, elles peuvent être constituées de membres hostiles à l’Église. Vu le climat, c’est plus que probable. Faut-il les accepter, au risque de confier les biens de l’Église aux mains de ses pires ennemis, ou les refuser, au péril d’une spoliation pire que celle de la Révolution ? L’épiscopat français se divise sur la question : Mgr Turinaz, de Nancy, dénonce cette servitude, tandis que Mgr Fuzet s’y déclare favorable, à l’exemple du régime des cultes en Allemagne. Mgr de Cabrières voit dans l’acceptation des cultuelles « une victoire de tout ce jeune clergé et de ces catholiques de l’école démocratique qui rêvent de réformes et de nouveautés, visant ainsi à renverser tout l’ancien édifice de l’Église pour y substituer la nouvelle Église qu’ils rêvent d’adapter aux idées de la société moderne ».
Albert de Mun, redevenu lui-même, s’indigne : « J’entends dire qu’il faut conseiller aux catholiques l’essai loyal de cette mortelle expérience. On ne fait pas l’essai loyal de l’apostasie. On ne fait pas l’essai loyal de la haine contre Dieu. » (Anne-Marie et Jean Mauduit, ibid., p. 303)
Le 10 août 1906, le Souverain Pontife tranche, par sa lettre Gravissimo officii munere : « Relativement aux associations cultuelles, telles que la loi les impose, Nous déclarons qu’elles ne peuvent absolument pas être formées sans violer les droits sacrés qui tiennent à la vie même de l’Église. Nous ne pourrions les accepter sans trahir la sainteté de Notre charge, sans amener la perte de l’Église de France. »
Mais les libéraux-catholiques rechignent. On fait remarquer au Pape l’indigence où son refus voue l’Église de France : « Perdons les églises qui ne sont que des bâtiments de pierre, rétorque le saint Pontife, mais sauvons l’Église qui est l’édifice des âmes. » Le cardinal Ferrata, ancien nonce à Paris au temps du Ralliement de Léon XIII, supplie lui aussi le Pape « de considérer comment l’archevêque de Paris pourrait exercer sa charge sans abri, sans revenus, sans églises ». La réponse est vraiment digne d’un saint : « Si l’archevêque ne s’en sent pas capable, je nommerais à sa place un franciscain. Celui-ci, du moins, est obligé par ses vœux à la pauvreté parfaite. » Puis posant son poing serré sur la table, le Pape prononce ces paroles : « Je crois au redressement fier des âmes catholiques et des cœurs français. »
À Camille Bellaigue, il confie : « Il faut résister et donner une leçon au gouvernement de la France. Les catholiques-libéraux veulent qu’on les traite avec de l’huile, du savon et des caresses. Il faut se battre avec le poing. Dans un duel, on ne compte ni ne mesure les coups, on frappe comme on peut. On ne fait pas la guerre avec la charité, c’est un combat, un duel. Notre-Seigneur Jésus-Christ n’a-t-il pas été terrible ? N’a-t-il pas donné l’exemple de l’être ? Voyez comme il a traité les pharisiens, les semeurs d’erreurs, les loups vêtus de peaux d’agneaux et les vendeurs chassés à coups de fouet. »
Le gouvernement est fort embarrassé par le refus des cultuelles. Le 2 janvier 1907, tous les biens immobiliers de l’Église sont confisqués et remis aux communes. Les “ édifices du culte ” restent cependant à la disposition des fidèles et des ministres du Culte sur une simple “ déclaration ” de ceux-ci. Saint Pie X interdit de remplir ladite déclaration. La fermeté du Pape porte ses fruits. Son courage et sa fermeté contraignent le gouvernement républicain à reculer. Le 18 mars 1907, une circulaire adressée aux préfets met fin aux inventaires. Clemenceau l’avouera plus tard : « Nous avions tout prévu, sauf ce qui est arrivé : le refus des cultuelles par Pie X. »
Pour ne pas perdre la face, Briand fait voter le 28 mars une nouvelle loi dont l’article premier prévoit que, contrairement à la loi du 2 janvier, « les réunions publiques, quel qu’en soit l’objet, pourront être tenues sans déclaration préalable ». Il cède devant l’énergie de l’homme de Dieu !
LE SILLON : LE VER DANS LE FRUIT.
Le saint Pontife avait plus fort à faire encore, au sein même de son troupeau, où des brebis galeuses persistent à soutenir les funestes doctrines du pontificat de Léon XIII. Marc Sangnier lance, le 10 janvier 1894, avec son ami Paul Renaudin, la revue Le Sillon où il exalte L’Église et le siècle, ouvrage de Mgr Ireland, pour qui « l’Église se doit de bénir la démocratie ».
L’orientation du mouvement est claire : le « sens de l’histoire » montre que « l’avenir est à la démocratie ». Encore faut-il « donner un idéal à la démocratie, car ni le patriotisme ni le civisme ne pouvant aujourd’hui être l’âme nécessaire aux démocraties, la religion catholique seule est une force sociale suffisante pour y parvenir ». Conclusion obligée : « La démocratie sera chrétienne ou elle ne sera pas [...]. Il ne saurait donc y avoir de démocratie contre le christianisme. La force que le christianisme, depuis des siècles, est venu déposer dans les âmes, c’est la force qui tourmente inconsciemment les socialistes et les anarchistes eux-mêmes ; c’est la force que nous voulons dégager, que nous voulons affranchir et libérer, de manière à créer dans le sang du Christ la véritable démocratie de l’avenir. » Avec toutes ses conséquences de désordre, d’insoumission, de révolte contre les autorités sociales et religieuses, au Nom du Sang du Christ ! Mais c’est contraire à toute la tradition de l’Église catholique, notre seule Arche de Salut !
L’année 1907 voit la fondation du plus grand Sillon, afin de se tourner vers les non-chrétiens, faire œuvre « d’apprivoisement en cessant de mettre l’accent sur le dogme et la hiérarchie catholiques qui ne rencontrent qu’indifférence ou hostilité, pour trouver un biais pour réintroduire l’Église dans la société » et, au-delà des frontières confessionnelles, réunir tous les “ hommes de bonne volonté ” pour la défense de la démocratie.
Mgr Benigni, le fondateur de la Sapinière, confie alors à l’abbé Desgranges, encore pour un temps sillonniste : « On ne peut pas, à l’heure actuelle, être à la fois avec Marc Sangnier et avec le Pape. Marc Sangnier ne semble pas susceptible d’amendement. S’il suffisait d’aller me jeter à ses pieds pour obtenir un changement d’attitude, je le ferais tout de suite. Malheureusement il est inguérissable parce qu’il est anormal. Plus sa personnalité est puissante, et plus grave est la déviation qu’il produit. Ce sont de ces hommes qu’il faut pulvériser. »
Le 25 août 1910, par sa Lettre sur le Sillon, le plus grand document de l’Église en matière sociale, saint Pie X condamne la démocratie-chrétienne. Prophétiquement, ce texte dénonce l’erreur majeure du vingtième siècle, devenue l’hérésie et le crime de ce siècle, le malheur de l’humanité et sa damnation.
Le Sillon « va à rebours de la doctrine catholique vers un idéal condamné qui ne conduit pas au progrès, mais à la mort ». Car « on ne bâtira pas la cité autrement que Dieu ne l’a bâtie ; on n’édifiera pas la société, si l’Église n’en jette les bases et ne dirige les travaux ; non, la civilisation n’est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est ; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine, de la révolte et de l’impiété : Omnia instaurare in Christo. » (n° 11)
Au contraire, l’audace de ces novateurs est destructrice. « Que vont-ils produire ? Qu’est-ce qui va sortir de cette collaboration ? Une construction purement verbale et chimérique, où l’on verra miroiter pêle-mêle et dans une confusion séduisante les mots de liberté, de justice, de fraternité et d’amour, d’égalité et d’exaltation humaine, le tout basé sur une dignité humaine mal comprise. Ce sera une agitation tumultueuse, stérile pour le but proposé et qui profitera aux remueurs de masses moins utopistes. Oui, vraiment, on peut dire que le Sillon convoie le socialisme, l’œil fixé sur une chimère. » (n° 38)
Après vingt ans de ralliement, bien peu d’évêques comprennent la gravité de ce combat, se contentant de suivre sans enthousiasme. Les libéraux-catholiques, devenus démocrates-chrétiens, courbent le front bien bas, en attendant dans l’ombre le successeur de Pie X : « On est déçu de constater que l’Église, dans ses hautes sphères, a davantage subi que suivi ce Pape extraordinaire que le peuple aimait, et qu’elle s’est hâtée de le trahir pour reprendre le double et triple jeu d’une politique tout humaine, ou plutôt inhumaine dans son aberration ; le jeu du Libéralisme, du Progressisme démocratique et du Modernisme. » (Georges de Nantes, CRC n° 97, octobre 1975, p. 3)
III. LA RÉPUBLIQUE... ET ROME ! CONTRE LES CATHOLIQUES FRANÇAIS
UNE ACCALMIE DANS L’ORAGE : LA GRANDE GUERRE.
La Grande Guerre vient marquer un coup d’arrêt dans cette persécution implacable. Dans la nécessité où il se trouve de défendre sa survie – non pas tant celle de la France dont il n’a cure –, le gouvernement met en sourdine toutes les mesures anticléricales. Il faut en effet que les religieux exilés reviennent se faire tuer pour la défense de la Patrie... et de la misérable peau de ceux qui la gouvernent ! 25 000 prêtres et séminaristes sont mobilisés comme aumôniers, combattants, infirmiers, brancardiers.
Cependant, se produit dans la tranchée un miracle que les anticléricaux ne prévoyaient pas. « D’un instinct venu du fond des âges chrétiens et de leurs habitudes d’enfance catholique, les “ poilus ” ont adopté l’attitude, le comportement, l’esprit que requérait l’horrible déchaînement infernal de la guerre où ils n’étaient que fétus de paille jetés de-ci de-là par la mitraille et bientôt peut-être déchiquetés. Alors, finis les discours politiques, et l’anticléricalisme, les blasphèmes et le socialisme... et de se croire quelqu’un en face de Dieu, quand on n’est rien... rien que l’objet de sa douce miséricorde et tendresse. » (CRC n° 308, décembre 1994, p. 4)
Au contact de leurs aumôniers et des “ curés sac au dos ”, les Français retrouvent la foi de leur enfance. Le diable porte pierre : Gambetta et sa bande de républicains n’auraient jamais pu imaginer que leur loi du service militaire pour les prêtres et les religieux porterait un jour de tels fruits de conversion !
LA RÉPUBLIQUE MENACÉE PAR L’ACTION FRANÇAISE.
Après la fraternisation de la guerre, la République, qui demeure toujours malgré sa trahison constante, ne peut plus continuer sa persécution frontale. Le Cartel des gauches, qui se hisse au pouvoir en 1924, essaye néanmoins de relancer le programme persécuteur d’avant-guerre. Édouard Herriot, président du Conseil, annonce la suppression de l’ambassade de France auprès du Vatican, l’expulsion des congréganistes et l’application de la loi de Séparation en Alsace-Lorraine, toujours sous le régime du Concordat.
Mais les catholiques se liguent contre les projets anticléricaux. La DRAC, défense des religieux anciens combattants, réclame le droit de cité pour les congréganistes « qui ont bien mérité de la Patrie ». Le gouvernement recule. L’affrontement direct n’étant plus possible, la persécution se fait insidieuse. Pour asservir les catholiques, il faut que le Pape lui-même leur ordonne de marcher. Précisément, les républicains trouvent en Pie XI un interlocuteur complaisant.
Déjà, lors de l’élection qui propulsa le cartel au pouvoir, le Pape avait fait supprimer par son nonce la directive du cardinal Andrieu imposant de ne voter que pour des candidats résolus à condamner la laïcité renaissante. Il ose se plaindre, par suite du triomphe des gauches, auprès du cardinal Billot : « Vos Français ont bien mal voté ! – Très Saint-Père, c’est la faute de votre nonce. – Mon nonce, s’écrie le Pape en frappant la table du poing, le nonce fait ma politique ! Ma politique ! » La politique d’entente avec la République !
Briand, ministre des Affaires étrangères, mène encore une fois sa “ grande ” diplomatie. « Pie XI, trop désireux de conciliation et de concordats d’égal à égal entre l’Église libre, qui ne demande que le “ droit commun ”, et l’État libre, abandonne l’Église à la tutelle de la République. L’habile reprise des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la République française a pour contrepartie un droit de regard du gouvernement sur la nomination des évêques. À partir de là, toute nomination épiscopale en France paraît entachée de déshonneur : être l’élu des francs-maçons n’est pas bon signe. » (CRC n° 97, octobre 1975, p. 4)
L’opposition des Ligues catholiques au gouvernement n’est cependant efficace que grâce au soutien actif de l’Action française. Or, la Fédération nationale catholique (FNC) se démarque de plus en plus de l’Action française, d’ordre du Pape. Avec ses deux millions de membres, la FNC, sous les ordres du cardinal archevêque de Paris et du prestigieux général de Castelnau, entend marcher au combat électoral sous les ordres d’un chef unique, incontestable, infaillible, le Pape lui-même !
PIE XI CONTRE L’ACTION FRANÇAISE.
Pour que la politique du Pape puisse prévaloir sans encombre, il faut abattre Maurras, écraser l’Action française, et d’abord l’isoler. Le Pape chercha un cardinal apte à déclencher la mise à feu du système, montée de connivence avec Briand. Il en trouva un, mal pris à Rome et à Paris, tenu par le Pape comme par Briand pour une histoire d’évasion fiscale et de diamants : le cardinal Andrieu, archevêque de Bordeaux.
Tout est en place. La bombe éclate le 25 août 1926, anniversaire de la Lettre sur le Sillon de saint Pie X. Dans la Semaine religieuse du diocèse de Bordeaux, le cardinal met en garde contre Maurras et l’Action française : « Catholiques par calcul et non par conviction, les dirigeants de l’Action française se servent de l’Église, ou du moins ils espèrent s’en servir, mais ils ne la servent pas puisqu’ils repoussent l’enseignement divin qu’elle a mission de propager [...]. Athéisme, agnosticisme, antichristianisme, anticatholicisme, amoralisme de l’individu et de la société », sont ses moindres erreurs, sans parler de la « restauration du paganisme » !
Le 5 septembre, Pie XI envoie une lettre d’approbation au cardinal. Le 16, l’Action française fait parvenir au Pape des protestations de soumission, de respect et de vénération, tandis que la campagne de presse des démocrates-chrétiens se fait de plus en plus violente. Le 20 décembre, dans son discours au Consistoire, le Pape parle aux cardinaux de son grand souci : la résistance de l’Action française à ses avertissements paternels ! « Il n’est pas permis aux catholiques, en aucune manière, d’adhérer aux entreprises qui mettent les intérêts des partis au-dessus de la religion. » Tout a commencé fin août ; fin décembre, le crime était consommé. La Congrégation du Saint-Office inscrit, dès le 29 décembre, sept livres de Maurras à l’Index. En quatre mois, des sanctions inouïes sont lancées contre l’Action française, sans raison précise. Du jamais vu dans l’histoire de l’Église !
Pour mieux assommer les catholiques d’Action française, et paraître apporter quelque raison doctrinale à ce crime, Pie XI prétend avoir découvert avec son flair de bibliothécaire le décret de condamnation signé de Pie X ! Une seule faille à cette “ trouvaille ” : les papes ne signent jamais les décrets de l’Index...
Conscients de l’abus de pouvoir, les ligueurs commencent par résister à cet « empiétement du spirituel sur le domaine temporel qui a toujours au long des siècles amené des catastrophes pour les nations et pour l’Église ».
Mais le 8 mars 1927, la Sacrée Pénitencerie déclare excommuniés les fidèles qui s’obstinent dans leur attachement à l’Action française, suspens les confesseurs qui refuseraient d’appliquer ces sanctions, en instance de renvoi les séminaristes suspects.
Les évêques opposés à la condamnation doivent se séparer publiquement de l’Action française suite à une succession d’ultimatums du Pape, transmis par le nonce et par le secrétaire d’État. Et ceux qui refusent de se soumettre sont sanctionnés. Le Père Le Floch, supérieur du Séminaire français de Rome, connu pour son opposition doctrinale au laïcisme et au libéralisme, est renvoyé. Quant au cardinal Billot, il est acculé à démissionner de sa charge. L’Église de France est frappée en ses meilleurs enfants.
Loin de se satisfaire de la soumission des évêques, Pie XI procède, en quelques années, à une véritable épuration de l’épiscopat français : « 49 sièges sont touchés sous la nonciature de Mgr Maglione (1926-1936), et 12 du début de la nonciature de Mgr Valeri à la déclaration de guerre, soit 70 % du total. » (Étienne Fouilloux, Les chrétiens français entre crise et libération, 1977, p. 178)
La FNC du général de Castelnau elle-même est peu à peu abandonnée par le Pape. Efficace pour le mal, en évinçant l’Action française, que sa condamnation avait rendue suspecte aux braves gens, la FNC fut sans utilité pour le bien, n’ayant aucune doctrine politique. D’ailleurs, le Chef suprême qui en avait rêvé s’en désintéresse bientôt au profit d’autres chimères...
Les masses catholiques, dégagées de la politique, vont être mobilisées et engagées dans un nouvel apostolat, de méthode et d’esprit démocratiques : l’Action catholique. C’est la JOC en 1927, la JAC en 1929, la JEC en 1930, la JMC en 1932, enfin en 1936 la JIC, Jeunesse indépendante chrétienne, fourre-tout pour ceux qui n’étant ni ouvriers, ni paysans, ni étudiants, ni marins n’étaient rien, rien que “ bourgeois ”... Tous ces “ mouvements spécialisés ” forment les grandes divisions de l’ACJF, le Parti Unique du Pape... Cette Action Catholique de la Jeunesse Française était un mouvement d’action sociale et civique assez endormi dans le libéralisme de son ralliement ; il végétait. Pie XI le reprend pour en faire l’instrument de la “ royauté ” du Christ sur la société, royauté directe, exclusive, immédiate, totalitaire, internationale et pacifiste... spirituelle !
Une lutte commence, sourde mais sans merci, entre 1’Église légale, qui veut dénationaliser les Français ! d’une part, et l’Église réelle qui demeure de droite nationaliste, obstinément, d’autre part. Le triomphe de l’une sur l’autre, avec la bénédiction du Pape, est désormais cause de tous nos malheurs.
Cette fâcheuse évolution est d’autant plus irrésistible que pour vaincre l’Action française condamnée, il a fallu faire appel au ban et à l’arrière-ban de la vieille démocratie-chrétienne, naguère condamnée par Pie X, et lui laisser libre cours. C’est le Sillon, c’est le Modernisme le plus avancé qui ont soutenu la cause du Pape de 1926 à 1930, y trouvant l’occasion inespérée de former les cadres de l’Action catholique nouvelle, d’en constituer l’Aumônerie au point d’en faire une hiérarchie parallèle, par là d’envahir les Maisons des Œuvres et les Séminaires, en attendant de grimper sur tous les sièges épiscopaux. L’Action catholique entre avec zèle dans les vues du Pape, tant qu’il est question d’aller à gauche et de militer contre l’Action française. L’obéissance est à sens unique, pour trahir exclusivement !
« Une nouvelle fois, la politique du ralliement se montrait telle qu’elle ne pouvait pas ne pas être : une manœuvre de la franc-maçonnerie pour attirer Rome dans son camp et ainsi jeter le désarroi dans une France catholique et nationaliste, capable par ses seules forces réunies, de faire échec à la Révolution et de restaurer sa monarchie en même temps que sa religion. » (CRC n° 330, février 1997, p. 23)
IV. LA RÉVOLUTION NATIONALE ET CATHOLIQUE DU MARÉCHAL
LA LIBERTÉ RENDUE A L’ÉGLISE.
Lorsque survient la débâcle de 1940, tout change. Les républicains en fuite, la France chrétienne semble renaître et retrouver la foi catholique de ses Pères. « La République judéo-maçonnique, le régime des partis, et avec eux l’anticléricalisme, se sont volatilisés. Le Monarque, en la personne du Maréchal, dictateur et père de la Patrie, acclamé par tous, et Dieu, enfin arraché aux sales pattes des démos-rouges-chrétiens antifascistes, le Dieu simplement catholique est rendu au culte des Français. » (CRC n° 106, juin 1976, p. 12)
Les évêques invoquent ses bénédictions sur la France et sur son chef providentiel. « Nous n’hésitons pas à le proclamer, écrit Mgr Girbeau, évêque de Nîmes, dans sa lettre pastorale de janvier 1941 : le maréchal Pétain est, à cette heure, l’homme de la Providence, de cette Providence qui a prédestiné la nation française à porter l’Évangile dans le monde et à sauver le culte de l’idéal chrétien, et qui ne veut pas que cette nation périsse, parce que, avec elle, disparaîtrait la gardienne nécessaire de la civilisation. »
« La “ divine surprise ” dont s’émerveille Maurras avec tous les Français est, dans l’écroulement de tout, cet avènement pacifique d’un Chef humain, chrétien, sûr de sa légitimité, tout appliqué à défendre la Patrie, atténuer son malheur, relever ses ruines matérielles et son moral à la dérive, organiser sa survie, dans l’espoir de sa résurrection. » (CRC n° 106, p. 12)
« Toutes les voix épiscopales, universitaires, préfectorales, tous les écrivains et tous les journalistes le proclament avec le cardinal Gerlier, parce que c’est l’évidence et que cela est bon : “ La France c’est Pétain, et Pétain c’est la France ! ” Avec le Maréchal, la Patrie renaîtra, Maréchal, Maréchal nous voilà ! » (Georges de Nantes, Mémoires et Récits, t. I, p. 221)
Le Maréchal rend à l’Église sa pleine liberté et tous ses droits, rompant avec le laïcisme impie. L’Église, délivrée des institutions républicaines, à nouveau elle-même, reprend toute sa place dans la société. Le 15 août 1940, la procession du Vœu de Louis XIII, interdite par la République depuis 1900, parcourt les rues de Vichy, capitale provisoire de l’État français. Le dimanche 2 mai 1941, c’est au Puy-en-Velay que le Maréchal Pétain se rend en pèlerinage. Les manifestations de culte public ne manquent pas, le chef de l’État, tout son peuple derrière lui, et l’Église retrouve toute sa splendeur, malgré les difficultés de l’Occupation.
Cette rupture délibérée avec le laïcisme de la troisième République se concrétise aussi dans la législation, selon ce qu’affirme le Maréchal lui-même : « Je puis vous donner l’assurance que la Constitution sera conçue dans un esprit véritablement chrétien. Tous les travaux préparatoires témoignent de mon souci d’y introduire non seulement le respect d’un certain idéal spirituel, mais même la reconnaissance des devoirs envers Dieu. »
Les paroles sont suivies de faits, irrécusables. Dès le 3 septembre 1940, les lois interdisant l’enseignement aux congrégations religieuses sont abrogées. Ce n’est pas tout : le budget de 1942 accorde à l’École libre 386 millions de francs, et 471 celui de 1943. « C’est la première fois, remarque l’évêque d’Angers, que l’État français aide les catholiques à assurer la subsistance de leurs propres écoles. » Les Frères des Écoles chrétiennes enseignent de nouveau dans leur saint Habit de “ frèresquatre-bras ”, sous le regard du crucifix replacé au mur.
De la même manière, le “ délit de congrégation ” est supprimé, et les instituts religieux restent libres, s’ils le désirent, de développer leurs activités sans reconnaissance légale.
DES ÉVÊQUES ENTHOUSIASTES... EN APPARENCE.
C’est en effet dans le catholicisme traditionnel du peuple français que le Maréchal compte puiser l’inspiration de sa rénovation nationale et trouver d’inégalables sources d’énergie, de dévouement, d’abnégation. « L’Église réelle, l’Église populaire répond magnifiquement. L’Église officielle, l’Église des bureaux et ses hiérarchies parallèles, se courbe très bas, certes ! Mais aucune doctrine, aucun mysticisme, aucun apostolat, aucune force créatrice ne vient apporter à l’État nouveau le supplément d’âme qu’il requiert. Ce n’est ni manque d’imagination ou d’énergie, ni lâcheté ni ignorance, mais trahison constante des gens d’Église, des hommes de Dieu. Plus démocrates que chrétiens, ils jouent le double jeu, eux aussi, pressés de revenir à leurs anciennes amours, la République, la démocratie, les partis et tout le tremblement de ce régime de mort spirituelle et temporelle. » (CRC n° 106, p. 12)
Trop d’idées fausses demeurent. On n’apprend pas facilement la fidélité à un peuple qui, depuis cent ans, fait des paris sur les chances des gouvernements et se range du côté du plus fort. Qu’apparaisse un chef légitime, on se met à son service. Mais si l’adversité vient et rend son pouvoir fragile, chacun calcule ses chances et, se croyant seulement habile, contribue à la trahison générale. Par cette mentalité de vaincus, le gouvernement légitime se trouve privé de tout appui à la première difficulté, et le gouvernement révolutionnaire aidé, soutenu de tout ce que les honnêtes gens comptent de prévoyants ralliés ! Doucement, ceux-ci glissent jusqu’à la trahison.
La consigne vient de haut : « Le nonce apostolique, Mgr Valerio Valeri, entretient avec le maréchal Pétain et son entourage les meilleures relations personnelles, mais sa conviction profonde est que l’Église doit éviter de trop se compromettre avec ce régime qui n’est pas assuré de durer. À plusieurs reprises, il donne donc aux évêques des conseils de prudence : “ Ne vous rapprochez pas trop du maréchal Pétain, dit-il. D’ailleurs, cet homme est circonvenu. ” » (Jacques Duquesne, Les catholiques français sous l’occupation, Grasset, 1966, p. 49)
Les démocrates-chrétiens, de leur côté, ne pardonnent pas au Maréchal la suppression de leurs syndicats libres, tandis que la JOC se garde de ce que le nonce appelle la « propagande civique ». Emmanuel Mounier, un des chefs de file de la démocratie chrétienne des années trente, rejoint rapidement les rangs de la Résistance qu’il pare de ses chimères personnalistes.
Témoin lucide, Amicus dresse un jugement sans concession des catholiques français :
« Si la peur habite ceux qui demeurent inactifs et ne défendent rien que leur misérable peau, l’explication profonde est dans le ralliement à la Révolution de tant d’esclaves-nés qui paraissent garants de l’ordre et indéfectibles tenants de l’autorité légitime. S’il est une doctrine qu’il faut rayer avec horreur de nos manuels de morale politique – on s’étonne qu’elle y soit entrée –, c’est celle du ralliement. » (Amicus, Assez de ralliements ! 10 août 1951)
V. LA RÉVOLUTION DE 1944 : CONTRE L’ÉGLISE...
AVEC LE CONSENTEMENT DE L’ÉGLISE !
UN ÉPISCOPAT TERRORISÉ OU COMPLICE.
Nous sommes entrés, en 1944, dans un monde faux où non seulement les idéologies des partis sont trompeuses, mais encore, mais surtout l’analyse des événements, la description des faits sont mensongères. Le mensonge acquiert droit de cité.
L’abbé de Nantes en a été le témoin, au sein même du séminaire : « C’est cela une révolution : le passé a cessé d’être, du moins tel qu’il a été. Renié ou tu par contrainte, falsifié et vite oublié, il est comme n’ayant jamais existé. Et les nouveaux maîtres construisent l’avenir avec les mensonges et les illusions du moment. » (Georges de Nantes, Mémoires et Récits, t. II, p. 99)
L’épuration qui s’ensuit n’épargne pas l’Église, bien au contraire. C’est l’occasion de se débarrasser des membres contre-révolutionnaires du clergé. Dès septembre 1943, une liste d’ecclésiastiques à épurer était établie dans la clandestinité. Plusieurs d’entre eux sont assassinés par la Résistance en raison de leur soutien effectif au Maréchal. Au moment de la Libération, c’est un déchaînement. Ne prenons que l’exemple de l’abbé Niort, curé de Tautavel, âgé de soixante-cinq ans, qui eut le thorax enfoncé et les côtes cassées. On lui arracha les ongles, les cheveux et des lambeaux de chair avec des tenailles. Condamné par une “ Cour martiale ”, il fallut lui faire des piqûres pour qu’il tienne jusqu’au poteau. Dès qu’il s’effondra, la foule se précipita sur son cadavre. Des femmes le frappèrent, des hommes urinèrent sur lui... De tels faits ont lieu dans toute la France, avec ou sans apparence “ légale ”.
Le petit clergé n’est pas le seul à être visé. Joseph Hours, théoricien impénitent des résistants catholiques de Lyon, écrit dans ses Cahiers Politiques : « À la France renouvelée, il faut un épiscopat neuf » ! Dès le mois de juillet 1944, une liste de 27 évêques sur 87 est établie, plus un coadjuteur et deux auxiliaires, dont les résistants chrétiens demandent la démission, saisissant l’occasion de se débarrasser des prélats réactionnaires, pour prendre toute la place.
Ainsi, sur la recommandation de Mgr Théas et de Mgr de Flory, chaleureusement reçus par Mgr Montini, substitut à la secrétairerie d’État, Pie XII accepte de reconnaître le gouvernement provisoire et de remplacer le nonce Mgr Valeri par Mgr Roncalli. Le discours que ce dernier prononce à son arrivée à Paris est, sous des phrases anodines, une nouvelle déclaration de ralliement de l’Église à la République française.
À notre connaissance, un seul homme d’Église ose élever la voix contre les crimes de l’épuration. Dans son sermon de Carême prononcé à Notre-Dame de Paris, en la fête de l’Annonciation, le 25 mars 1945, le Père Panici dénonce le « régime d’abattoir » qui pérennise la violence sanguinaire dans tout le pays. François de Menthon, garde des Sceaux, fait savoir au cardinal Suhard que le R. P. Panici coucherait le soir même sur la paille d’un cachot de Fresnes. Défendu par le prélat, le courageux jésuite n’est pas jeté en prison, mais, l’année suivante, le R. P. Riquet, bon “ résistant ” et courtisan, le remplace. Comme le constate le chanoine Desgranges, ex-député démocrate populaire : « Jamais un ministre communiste n’aurait obtenu, aussi vite et aussi discrètement, la disparition, comme dans une trappe, d’un prédicateur éminent, et il fut beaucoup plus adroit de la part des communistes d’opérer par personnes dévotes interposées. » La collusion des démocrates-chrétiens et des communistes persévère à laver la conscience de ces bons apôtres dans un bain de sang.
Le silence de l’épiscopat n’en demeure que plus coupable. La condamnation de quelques-uns conduit les autres à se taire ou à se rallier ouvertement au nouveau pouvoir, tandis qu’à Rome, Pie XII exalte les vertus de la démocratie. « Héritier de l’esprit de Léon XIII, Pie XII a une répugnance à neutraliser le traître, voulant croire à l’honnêteté fondamentale et aux promesses des hommes. Ayant fait carrière exclusivement à la Secrétairerie d’État, et principalement sous Pie XI, il est imbu de démocratie sociale, politique et internationale. » (CRC n° 97, octobre 1975, p. 5)
« Le déshonneur qui reste attaché, par la servilité du grand nombre et leur peur durable d’un pouvoir révolutionnaire, à la personne des notables de notre pays, sape les convictions. Quand le doute et les choix tortueux encombrent les âmes, les vertus s’envolent sans retour ! L’irréparable drame de la Libération est là. La cascade des injustices, des rébellions, des retournements, étend l’immoralité, des hautes sphères des illégitimes partis jusqu’aux moindres citoyens contraints de taire leur indignation, d’accepter la forfaiture, finalement d’y mettre la main ! » (Amicus, Qui des deux est catholique ? 2 février 1951)
L’exemple de saint Pie X était là, qu’il suffisait de suivre, héroïquement, jusqu’au martyre ! La vertu de l’Église est de préférer les persécutions, et au terme de celles-ci, la victoire. Le jeune abbé Georges de Nantes l’avait bien compris, lui qui écrivait au moment d’entrer en lice dans ce grand combat : « L’heure est venue de secouer le joug de tant de paresse bourgeoise, d’insouciance cléricale, de lâcheté intellectuelle : le sang a trop coulé pour que la Vérité, le respect de l’Ordre des êtres vivants et de leurs exigences soient encore retenus par je ne sais quelle tradition de libéralisme, de pacifisme ou de ralliement... Nous sommes mobilisés par le bien commun de la nation française, le bien commun de l’humanité ; les diverses nations doivent s’affranchir du joug des mystiques de libération et de divinisation de l’Homme. Il faut que chacune retrouve le culte et le dévouement de ses fils. Il faut retrouver la fidélité qui fait l’histoire paisible et heureuse, au lieu de ce charnier dont rêvent nos ennemis et sur lequel tablent déjà les transfuges... »
LA COLLUSION DES DÉMOCRATES-CHRÉTIENS ET DES COMMUNISTES.
L’Église réelle avait applaudi la Révolution nationale et catholique du Maréchal. Celle-ci épurée ou terrorisée, le parti démocrate-chrétien peut triompher insolemment. La Secte a pris le pouvoir, jusque dans l’Église, en France à présent ouvertement, et déjà à Rome. Le parti démocrate-chrétien, Mouvement Républicain Populaire (MRP), partage le pouvoir avec les socialistes et les communistes. Ce ne sont plus seulement les républicains qui persécutent l’Église, ce sont les « mauvais catholiques », que craignait sainte Bernadette en son temps, qui font régner leur terreur sur tous ceux qui ne suivent pas la ligne de leur parti.
Le but de toute “ démocratie chrétienne ”, qu’elle se dénomme Sillon, Parti Démocrate Populaire, ou enfin MRP, est clair : il est de “ christianiser la démocratie ”. Les chrétiens doivent mettre au service de la démocratie toute leur force surnaturelle et morale. Les revendications chrétiennes n’ont plus rien, sur le plan politique, d’exclusif, de propre et de distinct. Le catholique doit être un citoyen qui fait vivre pour sa part le jeu normal de la démocratie, avec “ le maximum de conscience et de responsabilité ”.
Ce faux-semblant ne trompe pas les vrais catholiques. L’abbé de Nantes, s’appuyant sur la Lettre sur le Sillon de saint Pie X, ose dénoncer le MRP comme « fourrier du marxisme », lors d’une conférence à Nantes, fief de la démocratie-chrétienne. La réaction de la Secte ne se fait pas attendre. Le préfet de la ville alerte le préfet de Paris qui transmet la plainte à l’archevêque : « Je fus cité à comparaître devant l’official, le chanoine Potevin, racontera notre Père, et expulsé du diocèse de Paris sans considération ni pitié par Mgr Feltin lui-même. Je dus me résigner à interrompre ma collaboration à l’Action française et ma thèse de théologie », se retrouvant une fois de plus sur le pavé de Paris avec ses caisses de livres.
C’était pour continuer, tout en bas de la hiérarchie, mais dans l’Église, cette lutte inaugurée par Mgr Freppel et poursuivie par saint Pie X contre cette persécution sans précédent, républicaine, maçonnique, enfin démocrate-chrétienne, en France et dans l’Église. « Celui qui a vu cela ne peut plus se taire ! »
VI. L’OUVERTURE AU MONDE DU CONCILE VATICAN II,
ADULTÈRE DE L’ÉGLISE
L’erreur profonde, qui ronge peu à peu l’Église, nous l’avons vu, est le “ ralliement ”. Cette chimère nous est funeste de manière constante depuis 1892, imposée par le Pontife suprême ! Le mal intrinsèque de cette doctrine, notre Père le démasque dans l’esprit même de nos papes modernes : « Euripide l’a dit, toute la Grèce et Rome à son école le redirent : “ Ceux que le Dieu veut perdre, il leur dérange l’esprit ”. L’ubris grecque, l’orgueil chrétien, la paranoïa moderne, nomment le même mystère de l’esprit s’enfonçant dans son rêve, le faisant passer dans son œuvre à l’aveugle, et finalement, n’en récoltant que des fruits désastreux. Ainsi en est-il du ralliement prôné par Léon XIII, Pie XI et leurs successeurs actuels qui s’y épuisent encore, avec les mêmes espoirs et les mêmes déceptions. » (CRC n° 330, février 1997, p. 22) À transiger, on finit toujours par se faire dévorer.
Saint Pie X l’avait prédit : « Le premier pas a été fait par le protestantisme, le deuxième pas est fait par le modernisme, le troisième pas sera fait par l’athéisme. » De plus en plus, les catholiques sont sollicités d’entrer dans ce “ mouvement de l’histoire ” présenté comme inéluctable. « Les chrétiens doivent épouser leur époque », à ce qu’on dit, et abandonner leur foi dans un coin de leur conscience, afin d’employer toutes leurs énergies à la construction d’un monde vraiment uni et fraternel !
Le Livre de l’Apocalypse donne une tout autre “ lecture de l’histoire ”. Aux chapitres douze et treize apparaît la puissance de Satan contre la Femme et sa descendance. La première Bête qui surgit est la Bête politique, qui profère des paroles d’orgueil et de blasphème. Mais vient à son secours une deuxième Bête : « Je vis ensuite surgir de la terre une autre Bête ; elle avait deux cornes comme un agneau, mais parlait comme un dragon. Au service de la première Bête, elle en établit partout le pouvoir, amenant la Terre et ses habitants à adorer cette première Bête. » (Ap 13, 11-12)
Frère Bruno commente ainsi ces versets : « Cette hypocrisie d’un pouvoir spirituel qui se veut libéral, pastoral, sympathique, ouvert, au service du monde, au service des hommes caractérise le Magistère de l’Église depuis le concile Vatican II. » (Il est ressuscité n° 160, février 2016) C’est ainsi que « hors de ses bornes, l’Église elle-même peut devenir le lieu de l’Apostasie des hommes d’Église, soit qu’ils la proclament par un honteux abus sous les apparences du Magistère ordinaire, soit qu’ils la reçoivent sous les apparences de la foi et de l’obéissance », écrivait notre Père, appliquant à Paul VI ce même verset de l’Apocalypse (CRC n° 5, février 1968, p. 11).
C’est une forme de domination diabolique, celle qui s’exerce au sein même de l’Église comme l’avait prédit saint Pie X et qui agit insidieusement sous son nom, par ses ministres et ses organes, souvent couverte par son autorité, mais toujours en accord et en faveur de ses ennemis du dehors. De lâcheté en ralliement, de ralliement en compromission, le magistère suprême en arrive à l’apostasie, se faisant le garant spirituel du gouvernement persécuteur.
Notre Père, l’abbé de Nantes, dénonçait, avant même la clôture du Concile dévastateur, dans une suite de Lettres à mes Amis sur le Mystère de l’Église et l’Antichrist, la chimère qui convoie la Révolution : « Il y a des hommes d’Église qui tuent l’Église pour la rendre conforme à l’Idée qu’ils s’en font [...]. La Révolution dans l’Église, c’est la destruction systématique de tout ce qui est, parce que cela est justement, parce que cela demeure étranger, inassimilable, dominateur, et s’oppose à la liberté et au rêve des individus. »
Il faut que l’ancienne Église disparaisse pour qu’advienne cette Église nouvelle dont rêve tout progressiste. « Ce sera une Église sans péché, mais sans pénitence ; sans bruit d’argent autour de l’autel, mais sans besoin d’argent ; sans vieilles bonnes sœurs acariâtres mais sans chasteté ; sans écoles libres, bien sûr, mais sans liberté du tout ; sans persécutions mais sans vérité divine, etc. En bref, l’Église que veut la Secte, loin d’être un “ signe de contradiction ” qui indique le Ciel, sera exactement l’épouse complaisante du Satan qui domine le Monde et lui donnera le peuple chrétien pour enfants et serviteurs. Cela fait frémir. » (Lettres à mes Amis n° 105, mars 1962)
Le monde croit à la Liberté depuis 1789. L’Église, jalouse d’un tel progrès ! a embrassé cette cause de la Liberté au concile Vatican II. Elle en a fait sa religion, son culte, son dogme, sa morale, sa passion, sa mystique, en lieu et place de l’obéissance à Dieu le Père et de l’imitation de Dieu le Fils, Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Inspirés par un tel culte de la liberté depuis plus de cinquante ans, les rares évêques qui voudraient faire quelque chose sont réduits à l’impuissance, lorsque l’immense majorité d’entre eux sont consentants. De toute manière, ils ne sont plus responsables le moins du monde : la “ conférence épiscopale ” disperse de manière “ collégiale ” toute responsabilité personnelle. « Les évêques ne sont plus, au bout du compte, des pasteurs libres et responsables, mais des parlementaires, membres d’une assemblée législative et exécuteurs de ses décrets dans leur diocèse. » (Préparer Vatican III, p. 23)
« ÉVEQUES AVORTEURS ! »
Le jugement que notre Père portait sur l’épiscopat au moment du Concile n’a pas vieilli d’une ligne : « J’en ai vu partir et revenir, de ces princes, pour lesquels l’infaillibilité devait être enfin le pouvoir d’enseigner ouvertement le faux, et l’autorité le moyen d’y soumettre sans peine les fidèles hésitants. C’était, toute proche, la célébrité pour eux, car il est plus glorieux d’innover bruyamment aux applaudissements des méchants que de condamner l’erreur au nom de la Tradition sacrée. Et il est plus aisé de soumettre les bons chrétiens au nom de l’Obéissance que de s’attaquer au nom de son Autorité pastorale au parti de la rébellion [...]. Nous sommes invités à obéir sans broncher ni chercher à comprendre. » (Lettres à mes Amis n° 135 du 21 mars 1963)
Les mains tout à fait libres, le gouvernement reprend sa persécution, plus pernicieuse, certes, mais qui n’en est pas moins violente, contraignante. La République ne force plus les portes des monastères pour en chasser les religieux. Ce sont les âmes qu’elle entend forcer. Il ne s’agit plus de faire des martyrs, il faut faire des apostats !
Et l’épiscopat, flatté par l’invite, prête son concours à ses pires ennemis. La Déclaration des évêques de France à propos de la loi sur l’avortement est l’exemple le plus scandaleux de cette collusion des prélats français avec le pouvoir républicain.
Dans la première partie de sa Déclaration, en effet, le Conseil Permanent de l’Épiscopat concède aux massacreurs d’enfants que la législation devait suivre les mœurs (pareilles mœurs !). Dans la seconde partie, il rappelle la doctrine chrétienne en l’édulcorant au maximum, et la met démocratiquement aux voix, en vertu de la liberté religieuse et d’opinion devenue liberté d’assassiner les innocents encombrants. Ce prétendu réalisme politique et ce culte de la souveraineté populaire apportent l’appui inconditionnel de leurs Éminences et Excellences au club des avorteurs gouvernementaux. Encore leur faut-il se donner l’allure de défenseurs de la Vie et de la Cité, au moment où ils leur portent un coup mortel. Il faut faire oublier par de belles paroles ces milliers de poubelles remplies à pleins bords, demain, des bébés tués avec leur épiscopale bénédiction et remboursés par la Sécurité sociale. C’est à quoi nos Évêques assassins s’emploient dans leur troisième partie.
L’abbé de Nantes s’indigne contre ces « évêques avorteurs », « évêques pires que tous ». Les évêques, en faisant confiance à la démocratie, se font complices du mal et de la mort. Mais surtout, ainsi, ils retirent leur épingle du jeu, en faisant endosser au “ Peuple souverain ” le crime dont ils sont, eux plus que tous, responsables. Car dans cette France chrétienne, gouvernée laïquement par un président [Pompidou] et des ministres qui vont-à-la-messe, obsédée par une camarilla d’avorteurs, juifs et francs-maçons pour la plupart, les évêques et les évêques seuls – non sans le Pape, toujours sous le Pape – devaient et pouvaient faire échec à l’énorme entreprise de corruption et de mort qui se développe sans obstacle aujourd’hui.
« La seule arme contre les massacreurs d’enfants, qui se prétendent encore catholiques, ce n’est pas le couteau de notre vengeance, c’est l’excommunication ! et s’ils sont prêtres, la déposition. Arme efficace, sûrement ! Pourquoi le Pape et les évêques ne la brandissent-ils pas ? Ils ont préféré biaiser. Ils ont dit de l’avortement qu’il était “ toujours un mal, un malheur, un échec ”, comme toute “ œuvre de mort ”, confondant ainsi l’assassinat, la légitime défense, la guerre, la peine de mort. Noyant le poisson... Acceptant la loi qu’on nous prépare, la grande loi avorteuse, mais l’acceptant, comme ils disent ignoblement, “ la mort dans l’âme ”. » (CRC n° 74, novembre 1973, p. 4-5)
Que fallait-il donc faire ? La solution est pourtant bien simple, exprimée par notre Père pour que tout le monde comprenne : « Si Pompidou se rendant à la messe à sa chère église de Cajarc, comme tout bon Auvergnat qui a du foin dans ses bottes, se voyait sous les flashes de la télévision interdire l’entrée du Lieu saint, à cause du sang innocent dont cet Hérode moderne est couvert, Pompidou reculerait. Et s’il s’obstinait à être l’Avorteur en chef au pays de France, je vous dis qu’excommunié solennellement il mordrait la poussière aux prochaines élections et son UDR [le parti gaulliste] avec lui. » (CRC n° 72, septembre 1973, p. 1-2)
LUSTIGER, GARANT DE LA DOCILITÉ DU CATHOLICISME EN FRANCE.
Prenons l’exemple emblématique de cet épiscopat nouveau, en la personne de son prélat le plus médiatique : Jean-Marie Aaron Lustiger, cardinal archevêque de Paris.
Notre Père pouvait le juger en toute connaissance, lui qui l’avait connu au séminaire d’Issy-les-Moulineaux : « Quand je vous ai avertis de ce que valait Jean-Marie Aaron Lustiger, vous n’en avez rien voulu croire. Maintenant, c’est trop tard. Il est le cardinal archevêque de Paris, le copain de Mitterrand, le fils chéri du pape Jean-Paul, en un mot le chien couchant de tous les maîtres du monde présent. Ce n’est pas parce que Mgr Lustiger ferme la bouche à nos jeunes gens en leur criant, avec dépit : “ Je suis votre évêque, je suis le Christ parmi vous, ici, à Paris, vous devez m’écouter ” qu’ils doivent le prendre pour le Bon Dieu ! Il va à la manif, comme de Gaulle à Alger, comme le Pape à Fatima. “ Je vous ai compris ” ! et déjà il vous a trahis, pauvre piétaille démocrate et bien-pensante ! » (CRC n° 201, juin 1984)
Avec le culot monstre que sa promotion a transformé en infaillibilité hargneuse, Lustiger s’est bien moqué de la manifestation démocratique pour l’école libre, à laquelle les catholiques ne sont priés de participer qu’en abdiquant d’avance leur foi, leurs convictions politiques et tout simplement leur bon sens, pour être foule, foule d’on ne sait qui, pour on ne sait quoi, d’avance trahie par son pape et ses évêques.
De lâcheté en compromission, les évêques s’engagent toujours plus avant dans leur servilité à la République. Malheureusement, ce n’est pas d’agenouillement qu’il faut parler, mais de prosternements des catholiques actuels devant les veaux d’or, de grouillements à quatre pattes, d’humilité abjecte... « de cette bande d’hystériques que l’idée loufoque qu’il n’y a plus de problèmes que le monde n’ait résolus ou ne soit en passe de résoudre, suffit à plonger dans un état délirant... Ils n’entendent pas l’énorme éclat de rire qui soulève peu à peu le monde, devant le spectacle offert par leur servilité maniaque. » (Père Louis Bouyer, La décomposition du catholicisme, 1968, p. 62-63)
Devant la trahison de leurs élites, les catholiques se divisent ou s’aplatissent, démocrates d’un côté comme de l’autre : « S’agit-il de s’opposer dans l’Église à son autodestruction, chacun se hâte d’organiser une chapelle et de tendre à la secte pour aller jusqu’au schisme... à moins de sauver sa bonne affaire, délaissant toute considération plus haute, en se ruant à la servilité d’un ralliement lourd de reniements tacites et honteux. » (Lettre à la Phalange n° 21, 8 décembre 1988)
La vraie réponse est celle de l’abbé de Nantes, notre Père, faisant appel du Pape au Pape contre cette collusion, conséquence de la nouvelle religion qui tyrannise l’Église tout entière. La Contre-Révolution en France ne pourra pas se passer de la Contre- Réforme.
ET AUJOURD’HUI, BARBARIN EST SURPRIS ?
Après cent cinquante ans de persécution républicaine que nous venons de survoler, nos évêques demeurent plus que jamais aveugles sur les coups qui les frappent aujourd’hui.
En condamnant le cardinal Barbarin à six mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d’abus sexuel, les juges, et derrière eux toujours la Secte, ont voulu faire un exemple, visant au-delà du prélat condamné, l’Église en général et les évêques de France en particulier. « Je crois en toute humilité que l’Église de France s’en souviendra », a déclaré François Devaux, le responsable de la “ Parole libérée ”, qui est à l’origine des poursuites contre le cardinal. On ne peut être plus clair !
Ce procès du primat des Gaules est une iniquité. La campagne est amplifiée à plaisir par tous les médias. Au moment bien choisi du procès sort un film à charge, mettant en cause le prélat et ses collaborateurs mis en examen sous leur véritable patronyme, sans aucun respect pour la présomption d’innocence. « Dès lors, il était difficile pour le tribunal de résister à une telle pression avec des documentaires, un film... Cela pose de vraies questions sur le respect de la justice », se plaint l’un des avocats de Barbarin. C’est le moins qu’on puisse dire !
Les confrères du cardinal, en contrepartie, ne se bousculent pas pour lui manifester leur solidarité et l’assurer de leur soutien. La Conférence des évêques de France s’est bornée à déclarer, dans un communiqué, qu’elle attend « l’issue de cette nouvelle procédure », à savoir l’appel du cardinal. Pourquoi une telle pleutrerie ? Parce que tous nos évêques sont tenus ! Par la condamnation du cardinal, la République a voulu faire un exemple. Tous sont sous la menace de voir, un jour ou l’autre, une vieille affaire exhumée par une association de victimes qui les traînera devant les tribunaux.
Le crime de l’Église aujourd’hui « à moitié en ruine » n’est pas de dissimuler des abus, c’est de se tromper elle-même et de tromper les catholiques sur les coups qui la frappent et menacent de l’anéantir. Il est urgent de sortir de cet aveuglement fatal, en écoutant les avertissements de Notre-Dame de Fatima.
CONCLUSION :
TOUT RESTAURER DANS LE CŒUR IMMACULÉ DE MARIE !
Saint Pie X avait pour volonté de tout restaurer dans le Christ, selon la maxime de son pontificat : Omnia instaurare in Christo. Ce retour du Christ en majesté que nous attendons n’adviendra cependant qu’après avoir été une seconde fois préparé par sa Très Sainte Mère. Alors ce sera le Règne universel du Christ-Roi, dans l’Église et dans l’État à nouveau heureusement concertés.
C’est pourquoi notre Père et frère Bruno à sa suite ajoutent que cette restauration glorieuse prend naissance dans le Cœur Immaculé de Marie. C’est en l’Immaculée Conception et en Elle seule que l’Église a l’assurance des promesses de la vie éternelle. Les portes de l’enfer, de l’enfer éternel et de l’enfer qui se déchaîne ici-bas, républicain et maçonnique, ne prévaudront pas contre l’Église, en raison de l’éternelle promesse des Origines : la Femme écrasera la tête du Serpent (Gn 3, 15).
Au début de ce siècle, dans lequel saint Pie X affirmait qu’il y avait tout lieu de craindre que « le Fils de Perdition dont parle l’Apôtre n’ait déjà fait son avènement parmi nous », la certitude du triomphe du Cœur Immaculé nous a été donnée en 1917 lorsque Notre-Dame de Fatima annonçait que « Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé ».
Dans le « monde » où règne aujourd’hui la franc-maçonnerie ? Oui ! Alors la défaite de cette dernière est certaine.
Mais cette victoire de Notre-Dame passe d’abord par l’humiliation de ses serviteurs, par la Croix. Le Bon Dieu ne nous demande à présent que de pratiquer la fidélité douloureuse et la « patience des saints » dont notre Père nous a donné un exemple héroïque, gardant les yeux fixés sur les mains de sa céleste Maîtresse, y guettant l’ordre d’où renaîtra la Miséricorde pour l’Église et la France, à l’heure de son Bon Plaisir.
« Ne sentez-vous pas que l’heure approche où Jésus-Christ va mettre sa main divine dans les choses de France ? J’attends l’aide de Dieu et, quand le moment sera venu, je parlerai. » (saint Pie X à un Français impatient)
frère Luc du Cœur de Marie.