FILS DE L'ÉGLISE
II. Défenseur de l'Église et de la foi
TU en as appelé à César ? Tu iras à César ! « Cæsarem appellasti ? Ad Cæsarem ibis. » (Ac 25, 12)
En reprenant la parole du procurateur romain Festus à saint Paul, le cardinal Joseph Lefebvre, archevêque de Bourges, membre assesseur du Saint-Office et président de l'Assemblée des évêques de France, fut véritablement inspiré car il jouait le rôle de Festus, en l'occurrence, et l'abbé de Nantes celui de saint Paul. L'Apôtre n'avertissait-il pas les Galates : « Si nous-même, si un Ange venu du ciel vous annonçait un Évangile différent de celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème ! » (Ga 1, 8) Or, c'est bien un Évangile « différent » de celui que nous avons reçu, que Paul VI annonçait voici quarante ans ! (...)
L'OPPOSITION À Paul VI
En septembre 1966, le pape accorde la communion à Barbarina Olson, presbytérienne, pour son mariage célébré à... Assise ! Sur le coup, notre Père n'a pas voulu le croire : « Si c'est vrai, alors, il va falloir en conclure que Rome a perdu la foi. »
Dès novembre de cette même année, quatrième centenaire du Catéchisme romain, fruit du concile de Trente, un nouveau catéchisme est simultanément mis en chantier par les évêques de France, et lancé en Hollande. Fruits du concile Vatican II, catéchismes du Masdu, substituant à l'acte de foi catholique le libre “ dialogue ” entre les religions, et au Credo la foi en l'homme.
Cent discours de Paul VI illustrent cette foi nouvelle, par exemple son éloge de la Chine communiste et de ses gardes rouges : « Nous voudrions faire savoir à la jeunesse chinoise avec quel émoi et quelle affection Nous considérons son aspiration présente vers des idéaux de vie nouvelle, laborieuse, prospère et de concorde. Nous voudrions aussi parler de paix avec ceux qui président aujourd'hui à la vie de la Chine continentale. Nous savons combien cet idéal humain et chrétien est celui-là même du peuple chinois [...]. » Après ce discours notre Père n'hésitait pas à écrire :
« Révélation des cœurs ! Cette concorde de Paul VI et de Mao, des novateurs dans l'Église et des Gardes rouges, les chiens enragés de l'Asie, révèle et précipite la discorde entre civilisés, entre catholiques. Pourquoi le dissimuler ? Comment le nier plus longtemps ? Il existe entre ce Pape, ce Concile, cette Église nouvelle et nous une sorte d'excommunication permanente. » (Lettre à mes amis n° 240, du 6 janvier 1967)
Le 7 mars suivant, Le Conseil permanent de l'épiscopat français s'empressa de publier une mise en garde, aussitôt répercutée par la presse, pour dire : « Il affirme lui-même “ qu'il existe entre ce Pape, ce Concile, cette Église nouvelle et nous (lui et ses adeptes) une sorte d'excommunication permanente. ” Il n'y a donc pas lieu de prendre en considération ce qui est affirmé et développé dans ces lettres ; et on ne doit pas les faire circuler. »
Mais nos évêques se gardaient bien de citer le contexte, à savoir le discours de Paul VI, s'adressant à la Chine communiste pour faire l'éloge des Gardes rouges. Cette omission valait un aveu...(...)
En 1967, décrétée “ année de la foi ” par Paul VI, l'abbé de Nantes persista cependant à accuser le Pape de détruire la foi catholique en dénonçant dans l'encyclique Populorum progressio, du jour de Pâques 1967, une « analyse marxiste de la situation international ».
Ainsi, les « erreurs de la Russie » annoncées le 13 juillet 1917 par Notre-Dame de Fatima, se répandaient jusque dans l'Église, l'année même du cinquantenaire des apparitions, à la faveur de l'enseignement pontifical !
« La vision de Paul VI attise les flammes de cet incendie qui dévore notre planète. C'est Lamennais, le visionnaire, sur le trône de Saint-Pierre. » (Lettre n° 245, p. 10) C'est très exactement l'avertissement du troisième Secret de Fatima, que notre Père ne connaissait pas à l'époque, mais que la situation mondiale lui mettait pour ainsi dire sous les yeux.
PROFANATION DE FATIMA
Précisément, 1967, « année de la foi », était aussi l'année du cinquantenaire des apparitions de Fatima. Le 13 mai 1967, Paul VI s'y rendit, non pas en pèlerin, mais en « expert en humanité », refusant de se laisser photographier avec Salazar, éconduisant sœur Lucie qui demandait à lui parler seule à seul, ne se rendant même pas sur les lieux des apparitions ! Qu'allait-il donc faire là-bas ? Réciter devant un million de personnes ce que notre Père a appelé des « Litanies incantatoires aux hommes » :
« Hommes, Nous vous disons en ce suprême instant, rendez-vous dignes du don divin de la Paix. Hommes, soyez des hommes. Hommes, soyez bons, soyez sages... », etc. (...)
Dans cette extraordinaire homélie, observait l'abbé de Nantes, le Pape demandait non pas à Dieu ni à la Sainte Vierge, mais aux hommes, le miracle de la paix et du renouveau cosmique attendus comme une grâce merveilleuse qu'ils s'accorderont à eux-mêmes. Non pas par “ Prière et Pénitence ”, mais par une nouvelle révélation en vertu de laquelle le Ciel l'avait encouragé, lui, le Pape, à appeler non seulement les catholiques, mais tous les hommes, à construire la paix.
En effet, de retour à Rome le soir même, Paul VI déclarait :
« À Fatima, nous avons interrogé la Madone sur les voies à suivre qui mènent à la paix, et il nous a été répondu que la paix était une fin réalisable. » (...)
Quelques jours plus tard, la guerre éclatait au Proche-Orient…
L'abbé de Nantes écrivit : « Au lendemain de ce 13 mai où Paul VI crut recevoir du Ciel l'assurance que “ la paix était une fin réalisable ”, elle cessait de l'être. » Depuis, le Moyen-Orient n'a plus cessé d'être une poudrière, conformément aux prévisions de notre Père annonçant :
« Israël va porter maintenant sa facile victoire comme un pesant fardeau [...] mais il n'hésitera pas, attaquant ou attaqué, à entraîner le monde dans sa guerre. » (...)
Cependant rien ne semblait pouvoir guérir Paul VI d'un irrémédiable aveuglement.
DÉMISSION DU CARDINAL OTTAVIANI
Le 1er janvier 1968, le Pape Paul VI institue la “ Journée mondiale de la paix ”, en lieu et place de la fête traditionnelle de la Circoncision du Christ, (...) en lançant ce message : « La paix est possible parce que les hommes, au fond, sont bons... » Notre Père lit cela dans La Croix du 3 janvier. Il télégraphie, le 5 janvier 1968, son indignation au cardinal Ottaviani, préfet du Saint-Office :
« Bouleversés texte discours attribué au Saint-Père. [...]– Étonnés de négation pratique démon, péché originel, rédemption, nécessité de foi et grâce pour sauver ordre humain,– épouvantés de naturalisme, messianisme temporel et indifférentisme religieux prêtés au Magistère suprême, – scandalisés de silence sur agression communisme persécuteur, du mauvais coup porté au monde libre, et d'aggravation conditions de défense chrétienté Sud-Vietnam. – supplions Votre Éminence démentir ou intervenir pour honneur de sainte Église et infaillibilité du Siège apostolique. »
Que croyez-vous qu'il arrivât ? Quarante-huit heures après, nous apprenions la démission du cardinal Ottaviani. (...) Coïncidence ? Détrompez-vous : l'abbé de Nantes était parfaitement connu et écouté du cardinal Ottaviani ; c'est sur son conseil qu'il avait retiré du commerce, en 1951, le livre hérétique du Père Congar : “ Vraie et fausse Réforme dans l'Église ”. (...)
Donc, Ottaviani a bien dû reconnaître que notre Père avait raison, mais plutôt que d'intervenir auprès du Pape, il a démissionné : « C'est évidemment une solution... », écrivit notre Père dans la Contre-Réforme catholique au XXe siècle, bulletin mensuel qui avait succédé aux Lettres à mes amis à partir du mois d'octobre 1967. « Mais l'ennemi a désormais le champ libre. Et l'Église romaine menace ruine si elle abandonne la garde fidèle de sa foi catholique. » (CRC n° 4 de janvier 1968, p. 12)
De nouveau, les termes mêmes du Secret de Notre-Dame de Fatima, connus du pape Paul VI mais ignorés de l'abbé de Nantes, venaient sous la plume de ce dernier, spontanément, imposés par la situation. Le Pape, en ne faisant aucun cas des avertissements de Notre-Dame, conduisait en effet l'Église à la « ruine », et le monde avec elle et par elle.(...)
On comprend qu'Ottaviani ait démissionné. Il n'est pas donné à tout le monde de faire remontrance au Pape. Notre Père a eu ce courage. Le 24 avril 1968, il était convoqué à Rome pour y répondre de ses accusations d'hérésie contre le Concile et le Pape. Il y est resté douze jours, expliquant ses raisons devant le tribunal du Saint-Office. (...)
À la clôture de l'instruction de son procès, (...) les juges et l'accusé s'aperçurent que le procès-verbal, mal rédigé par un greffier italien, était irrecevable. Que faire ? Qui saurait, en trois jours, rédiger un compte rendu précis, exact, intégral, et surtout impartial ! de ces longues heures de subtil débat théologique ? Fort embarrassés, les juges confièrent ce travail... à l'accusé.
« C'est ainsi que je rédigeai le procès-verbal de mon propre procès. [...] Au jour fixé, les juges lurent, approuvèrent et contresignèrent [...]. Je crois le fait unique dans les annales du Saint-Office ! »
De retour à la maison, il ne nous dit rien, ayant promis le secret jusqu'à ce que le Tribunal ait rendu sa sentence. Il nous donna seulement l'ordre de confirmer une commande de sept tonnes de papier, et nous comprîmes que La Contre-Réforme catholique, qui tirait alors à vingt mille exemplaires, continuerait. (...)
INSTRUCTION DU PROCÈS AU SAINT-OFFICE
Le 30 juin 1968, pour la clôture de l'Année de la foi, le Pape prononçait solennellement sa Profession de foi catholique. Le Credo de Paul VI qui répondait point par point à toutes les hérésies du catéchisme hollandais. Mais le Pape se gardait bien de sévir. Il ne prenait aucune sanction contre personne. Était-ce donc seulement une nouvelle tentative pour désarmer l'opposition de l'abbé de Nantes ? On peut le croire. La preuve en est que, le 1er juillet 1968, celui-ci était de nouveau convoqué à Rome, pour se voir invité à rétracter purement et simplement ses critiques du Pape, du concile Vatican II et des évêques français, et à leur jurer à tous une obéissance entière, inconditionnelle et sans limites, selon une formule approuvée par le Pape en personne, et même corrigée de sa main.
Tout était parfaitement agencé pour plonger “ l'accusé ” dans un abîme de perplexité. (...)
« La veille encore du jour de la décision, j'étais résolu à une soumission aveugle, entière, définitive. J'y voyais une volonté de Dieu exprimée par son Vicaire sur terre. Il me paraissait surnaturel d'abandonner le combat, de renoncer sans limites, dans une obéissance qui irait à l'encontre même de mes certitudes les plus fondées, remettant à d'autres et à Dieu le souci de la doctrine et le soin du troupeau. [...]»
« Mais ce jour-là, j'obtins une audience [de Mgr Marcel Lefebvre, alors supérieur général de la congrégation des Pères du Saint-Esprit] dont j'attendais la plus sûre des directives. J'y fis part à mon auguste interlocuteur de ma résolution bien arrêtée de signer. Il m'interrompit fermement : “ Vous ne le pouvez pas. Vous n'en avez pas le droit. ” C'était clair, c'était formel et ce fut aussitôt motivé par les plus invincibles raisons qu'appuyaient l'autorité et l'exemple de Celui que j'écoutais : “ Nous-mêmes l'avons écrit en son temps au Souverain Pontife : la cause de tout le mal est dans les Actes du Concile. Soyez ferme dans la vérité. ”
« En sortant, traversant la place Saint-Pierre, j'eus l'impression que mon fardeau, un instant rejeté, pesait de nouveau sur mon épaule, et aussi que j'avais de nouveau retrouvé ceux que, dans ma glorieuse soumission, j'allais abandonner... »
Nous nous demandâmes longtemps pourquoi Mgr Lefebvre n'avait pas pris sa canne et son chapeau pour accompagner l'abbé de Nantes au Saint-Office. Jusqu'au jour où nous avons appris que Mgr Lefebvre en était bien empêché, ayant lui-même signé tous les Actes du Concile ! Cependant, notre Père suivit son conseil, préférant en toute circonstance s'en remettre à autrui, à l'exemple des saints.
Il n'avait d'ailleurs qu'un souci, en cette heure dramatique : celui de sauvegarder le Magistère infaillible de l'Église. Songeant que son excommunication « aurait pour immanquable effet de canoniser d'une sorte d'infaillibilité subséquente et d'une nécessité irrévocable ce maudit Concile comme toute parole tombée de la bouche du Pape actuel », il se demandait comment, après la ruine, théologiens et historiens pourraient alors excuser et justifier cette faillite de l'infaillible Magistère romain. Angoissante et lancinante question.
Mais parce que l'Église est divine, l'excommunication n'est jamais venue. (...)
L'ULTIMATUM
La bataille pouvait reprendre. En février 1969, il entreprend une Croisade nationale contre le Nouveau Catéchisme français, et fait salle comble à Paris et en province, ralliant l'unanimité des traditionalistes. (...) Alors, les évêques français prirent peur et intervinrent pour que Rome fasse quelque chose pour arrêter ça. Mais quoi faire ? Condamner l'abbé de Nantes ? Encore fallait-il expliquer pourquoi !
Au mois de mai 1969, il fut convoqué à l'évêché de Troyes par le cardinal Joseph Lefebvre (...) qui l'enjoignit à nouveau de signer la formule de rétractation et de soumission inconditionnelle au Pape et aux évêques, qu'il avait refusé de signer l'année précédente à Rome. Avant de répondre, notre Père demanda au cardinal s'il réprouvait l'hérésie du Nouveau Catéchisme français, ainsi que la Note pastorale de l'épiscopat sur la contraception, qui prenait le contre-pied de l'encyclique Humanæ Vitæ.
Le cardinal répondit par une véhémente défense des textes incriminés. En conséquence, l'abbé de Nantes le récusa comme juge, se refusant à poursuivre l'entretien et à discuter de rien d'autre.
La décision était ainsi encore une fois remise au Souverain Pontife. Le 11 juillet suivant, l'abbé de Nantes recevait un ultimatum du cardinal Seper, successeur du cardinal Ottaviani, lui demandant de rétracter ses accusations d'hérésie, de schisme et de scandale.
Réponse cristalline :
« Je ne puis en conscience rétracter les graves accusations portées, en pleine lucidité et prudence, contre le Pape régnant et le concile Vatican II en raison de leurs actes dits pastoraux et réformateurs, parce qu'ils m'ont paru, après étude approfondie, contraires à la foi catholique et parce qu'ils sont manifestement, à l'expérience, causes du désordre général et de la ruine présente de l'Église. Contre mes analyses et démonstrations il n'a rien été opposé de solide. Les considérer a priori et sans plus d'examen ni preuve comme des imputations téméraires et calomnieuses est un procédé facile, désobligeant, mais sans valeur.
« Je ne puis en conscience désavouer l'accusation d'hérésieque j'ai formulée en plusieurs occasions précises et publiques contre le pape Paul VI et, par suite, je ne puis revenir sur la conclusion que j'en ai tirée, de l'opportunité de sa déposition par le clergé romain, après avertissements, en cas d'opiniâtreté, puisque rien ne m'a été objecté de sérieux, ni sur le fait de l'hérésie ni sur la conduite qui s'impose en pareil cas. Je désavouerais mes accusations et j'en ferais réparation si les étranges pensées et volontés du Pape régnant m'étaient démontrées véridiques et honnêtes, en conformité avec le dépôt sacré de la foi, ce à quoi nul ne s'est risqué. Ou si celles-ci faisaient un jour l'objet de définitions infaillibles du Magistère solennel, ce qui est bien impossible ! » (...)
En fait, la cause est entendue. Mais certains vont en tirer des conclusions erronées, et c'est une nouvelle bataille qui commence sur un nouveau front.
CONTRE LA DISSIDENCE
Alors que notre Père était sous le coup de l'ultimatum du cardinal Seper, le 21 juillet 1969, des prêtres intégristes se donnèrent rendez-vous à la maison Saint-Joseph pour tenter de le convaincre que le Pape était déposé du seul fait de la promulgation d'un nouvel ordo Missæ, qui devait entrer en vigueur à l'automne. La tentation d'échapper aux foudres romaines, en suivant ces schismatiques “ sédévacantistes ” dans leur dissidence, n'effleura même pas le théologien de la Contre-Réforme catholique. Il y avait répondu par avance dans la profession de foi adressée au cardinal Seper, le 16 juillet, en motivant son refus de signer la rétractation demandée :
« La formule qui m'est imposée interdit, en violation de la doctrine catholique, de concevoir toute possibilité même théorique d'hérésie matérielle ou formelle du Pape comme personne publique ou privée. Elle présente de plus comme aberrante la conclusion normale, obligée et prudente qu'enseignent les meilleurs théologiens de l'Église : Papa hæreticus deponendus est, le Pape hérétique doit être déposé. Elle considère ainsi, à l'encontre de toute vérité et de toute justice, que l'opposition au Pape pour fait d'hérésie est en tout état de cause sacrilège et délictueuse, alors qu'elle est reconnue par l'Église comme légitime et parfois obligatoire. »
Lorsque notre Père apprit le mois suivant – par la presse ! – que la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi avait déclaré « disqualifiés » « l'ensemble de ses écrits et de ses activités par lesquels il prétend servir l'Église ». Cette « notification » sans valeur canonique manifestait l'impuissance des autorités ecclésiastiques à réfuter la matière même de ses accusations par l'autorité des saintes Écritures et des enseignements du Magistère infaillible.
Par son égal refus, et d'une soumission inconditionnelle au Pape et d'une dissidence, considérées l'une et l'autre comme abusives et profondément immorales, l'abbé de Nantes s'engageait sur une « ligne de crête », entre deux abîmes, celui de l'hérésie où avait sombré l'Église conciliaire, à gauche, et celui du schisme où se précipitaient maintenant les “ intégristes ”, à droite.
Seul, le petit nombre consentit à le suivre sur cette voie étroite. Sur cette question de la Nouvelle Messe, en effet, le grand mouvement traditionaliste rassemblé contre le Nouveau Catéchisme, se brisa : les intégristes la disaient invalide et en concluaient qu'il n'y avait plus de Pape. Notre Père tenta de leur montrer que même en admettant le Pape déchu du fait de la promulgation d'une messe hérétique et invalide, encore fallait-il que toute l'Église constate et reconnaisse cette “ déposition ” par un jugement de l'autorité romaine. (...) Celui qui passerait outre à cette nécessité deviendrait hérétique, ayant perdu la foi en l'Église et dans les promesses de Notre-Seigneur.
L'abbé de Nantes fonde alors une Ligue pour retenir les “ traditionalistes ” sur l'étroite « ligne de crête » de la Contre-Réforme catholique. « Je ne veux pas d'un parti de la Messe de saint Pie V qui se prétende l'Église fidèle, l'Église des bons prêtres, l'Église des justes, pas davantage que de l'autre parti, de la Réforme. Un parti ne peut être l'Église. »
Et, à partir du 13 mai 1971, dans une série de conférences publiques consacrées à l'étude des Actes du Concile, il appelle pour bientôt « un vrai et grand Vatican III qui liquide dans l'enthousiasme le cadavre pourri de Vatican II. » Le mot de « cadavre » étant encore une extraordinaire prémonition du troisième Secret de Fatima. (...)
Déjà, tandis que les uns veulent réformer l'Église, ce qui est un sacrilège car l'Église est sainte, et que les autres prétendent la sauver alors que c'est elle qui nous sauve, l'abbé de Nantes, conduit ceux qui le suivent entre ces deux écueils, leur enseignant cette prière :
« Jésus, loin de moi l'idée de juger l'Église ma Mère ni de m'en jamais séparer, loin de moi ! J'ai trop besoin de la nourriture qu'elle me donne pour m'en éloigner un seul jour, j'ai trop de désirs qu'elle seule peut combler pour la considérer d'un œil soudain étranger. Hors de l'Église je n'ai point de salut ni sur terre ni dans le Ciel et si, comme autrefois les Apôtres repoussaient les enfants bruyants ou l'aveugle importun, je venais à en être chassé, ô mon Sauveur, je resterais sous le porche écoutant les voix fraternelles chanter les louanges divines et je ferais signe, encore, aux passants d'entrer pour jouir des biens dont je serais exclu. » (Pages mystiques n° 13, juillet 1969, t. I, p. 79)
Et, refusant de suivre les papes Paul VI et Jean-Paul II, et le concile Vatican II, c'est-à-dire tous les évêques de la terre, dans l'hérésie, le schisme et le scandale, il ne se juge pourtant pas meilleur que les autres :
« Si je ne suis pas tombé, si je n'ai pas été emporté, c'est par grâce ! Seigneur et Juge souverain de mon âme, je ne suis pas l'accusateur de mes frères et de mes pères, mais l'héritier et le compagnon de leurs luttes et de leurs misères. Leur combat est le mien, le mien aide le leur. » (ibid.)
C'est ainsi qu'il sera conduit, pour la défense de l'Église et de la foi, à porter sa plainte au vicaire de Jésus-Christ lui-même, à Rome.
Frère Bruno de Jésus-Marie
Extrait de Il est ressuscité ! n° 21, avril 2004, p. 5-14