Annie Jaubert

Annie Jaubert
Annie Jaubert (1912-1980), tenace exégète qui retrouva la vérité des Évangiles.

Née en 1912, « élevée dans un milieu catholique clos », selon son expression, elle raconte dans les trois pages dactylographiées écrites la veille de sa mort en guise de testament spirituel : « Dès l'âge de quinze ans, je me passionnais pour les origines chrétiennes. La question était alors pour moi : “ Vrai ou faux ? ” Toute l'orientation de ma vie dépendant de la réponse. J'eus la chance de trouver la lumière là où d'autres demeuraient dans l'obscurité. » (...)

En 1937, Annie Jaubert est agrégée. Après neuf ans d'enseignement, elle obtient un congé de l'Université pour suivre des cours de théologie à l'Institut catholique de Paris dans les années 1946-1948. (...)

Elle obtient une bourse de l'Académie des inscriptions et belles-lettres pour suivre les cours de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem (1951-1952). Elle y arrive dans la fièvre des découvertes toutes récentes du désert de Juda. Depuis 1947, l'Église retrouvait sur les rives de la mer Morte, dans les grottes de Qumrân, les archives de sa fondation : depuis la conquête de la Terre promise par Josué (1220-1200 av. J.-C.), puisque le site est mentionné dans « le lot de la tribu des fils de Juda » sous le nom de Ir ha-mélah, « Ville du sel » (Josué 15, 62) ; jusqu'à la plénitude des temps évangéliques et apostoliques dont témoigneront bientôt les manuscrits chrétiens découverts dans la grotte 7, lorsque le Père O'Callaghan les aura déchiffrés.

La jeune stagiaire fut tout de suite engagée sur la bonne voie par le Père Dominique Barthélemy. Celui-ci lui parla de la secte mystérieuse des Magharya, « gens de la grotte », vivant en Palestine, ainsi nommés dans les textes judéo-arabes parce que leurs écrits avaient été découverts dans des grottes. Ils faisaient commencer l'année le mercredi, quatrième jour de la semaine, parce que le soleil et la lune avaient été créés le « quatrième jour » (Gn 1, 19). C'est, en effet, depuis que les astres règlent le cours du temps qu'ont commencé à courir les jours, les mois et le cycle des fêtes.

Le rapprochement des « gens de la grotte » avec ceux de Qumrân lui fut un trait de lumière. Et son labeur inouï, solitaire, aboutit en 1957 à la publication d'un livre d'une prodigieuse nouveauté, créatrice :La date de la Cène. Calendrier biblique et liturgie chrétienne. Adhésion chaleureuse, opposition passionnée, le petit club des spécialistes se partagea en deux camps pour ou contre Annie Jaubert.

Quarante ans ont passé, douze livres et articles ont paru. L'opposition des exégètes patentés a détruit Annie Jaubert, faible femme, héroïque à sa façon. En 1979, l'année qui précéda la mort de « cette femme-exégète unique en son genre » (P. Grelot), Jean Starcky l'enterrait en trois lignes : « La Cène du Christ eut‑elle lieu un mardi soir, comme la Pâque dans le calendrier essénien ? Cette thèse, défendue par Annie Jaubert, est très discutée. » (DBS IX, 1979, col. 998) Une seule référence, à un bref article de vulgarisation paru dans les Dossiers de l'archéologie, n° 10 (1975) ! Il suffit de parcourir l'œuvre laissée par Annie Jaubert pour mesurer le parti pris ! Et pourquoi ? (...) Qu'avait donc de si dérangeant pour ces messieurs « une hypothèse si neuve » ? Annie Jaubert l'a fort bien discerné : « Cette solution a été violemment attaquée en grande partie par crainte de revenir à un historicisme qui ferait concorder entre eux les récits évangéliques. »

Frère Bruno Bonnet-Eymard

Conclusion de notre Père, l'abbé de Nantes :

« Femme d'un immense mérite au péril de tant d'hommes altiers et lâches, jaloux de sa beauté spirituelle et droiture, de son génie solitaire comblé de découvertes d'une immense portée, par lesquelles la science la plus moderne rejoignant le trésor de nos traditions et de nos dogmes, bannit toutes erreurs et gnoses, tout reniement et toute apostasie, dans le simple et modeste triomphe de la réalité et vérité des Évangiles.

« Laissez-moi contempler en cette prophétesse, un instant, la figure de cette Femme de l'Apocalypse, nouvelle Ève victorieuse du Serpent antique, annonciatrice du retour de Jésus-Christ, “ en avant de tous les déluges ”. Car bientôt, sous nos yeux, s'avanceront tous les peuples du monde sur la double avenue de la science et de la foi heureusement concertantes, Voie sacrée de la réconciliation des Juifs et des Gentils aux pieds de leur Christ et divin Sauveur. »

Extraits de Bible, Archéologie, Histoire, Tome 2, p. 129-132

  • La vérité des Évangiles. Réponse aux « vingt-sept » d'Arte, frère Bruno Bonnet-Eymard, CRC tome 29, n° 336, août 1997, p. 1-36 (BAH 2, p. 97-117)
    • p. 33-36 : Après de si étranges ténèbres - D'une femme enjôleuse à une savante chrétienne, par l’abbé Georges de Nantes
  • Pour venger la pensée française, quelques mots sur les raisons d'une controverse, CRC tome 31, n° 355, Avril 1999, p. 29-30