Le cardinal von Galen,
un évêque selon le Cœur de Dieu
À la suite de sainte Gertrude et de saint Pierre Canisius, de la bienheureuse Marie du Divin Cœur et de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, le cardinal von Galen compte parmi les figures de proue du catholicisme, en Allemagne. Sa béatification par notre Saint-Père Benoît XVI, le 9 octobre 2005, entre dans un dessein de grâce et de miséricorde des saints Cœurs de Jésus et Marie, dont l’ardent désir est de voir cette nation revenir au sein de l’Église romaine. Notre-Seigneur n’a-t-il pas dit à sœur Lucie de Fatima en 1940 : « Elle reviendra à mon bercail, mais ce moment est encore loin. Il s’approche, il est vrai, mais lentement, très lentement. Et les Cœurs de Jésus et Marie y régneront avec splendeur. » Puisse le bienheureux Clément-Auguste von Galen qui aima tant sa patrie, intercéder auprès du Cœur Immaculé de Marie pour hâter cet heureux retour !
Dans son étude sur mère Marie du Divin Cœur, notre Père avait commencé à nous dévoiler l’héroïque fidélité des catholiques allemands au dix-neuvième siècle. Reprenons ses analyses, pour comprendre quelle fut la sainte vie du cardinal von Galen, cousin germain de notre bienheureuse.
Une enfance prédestinée au combat
En ce 16 mars 1878, au plus fort de la persécution religieuse décrétée par Bismarck, une grande joie remplit la somptueuse propriété de Dinklage, en Westphalie : la naissance d’un garçon, prénommé Clément-Auguste, en souvenir de son arrière-grand-oncle, Mgr Clément-Auguste Droste zu Vischering. Archevêque de Cologne, il s’était opposé au gouvernement prussien qui l’exila pendant dix-huit mois. Le courageux prélat inaugura ainsi l’ère de la résistance triomphante des catholiques allemands.
Onzième de treize enfants, Clément-Auguste est baptisé le 19 mars, en la fête de saint Joseph. Son père, le comte Ferdinand von Galen, et son épouse, la comtesse Elisabeth von Spee, appartiennent à la vieille noblesse westphalienne. Au dix-septième siècle, celle-ci donna au diocèse et à la principauté de Münster le célèbre prince-évêque Christophe-Bernard von Galen, l’allié de Louis XIV contre les Hollandais.
Neveu de Mgr von Ketteler, évêque de Mayence et député au Zentrum, le comte Ferdinand a deux frères prêtres et un autre, évêque auxiliaire de Münster, auprès de qui le jeune Clément-Auguste débutera son sacerdoce. Sa sœur, Hélène, a épousé le comte Clément Droste zu Vischering, père de la bienheureuse Marie du Divin Cœur. Les deux familles sont profondément unies.
C’est dans cette atmosphère très catholique que s’écoule l’enfance de Clément-Auguste, entouré de tous les bienfaits de l’Église. Outre la récitation quotidienne du chapelet en famille, la journée commence par la messe que Clément et Franz, son jeune frère, servent et à laquelle tous les enfants sont tenus d’assister, sous peine d’être privés de repas jusqu’à midi.
Nourri du Pain célestiel, le comte reprend ses fonctions de député catholique au service du Zentrum (lire l'encart ci-dessous), tandis que la comtesse, profondément pieuse et cultivée, se consacre à l’éducation de ses enfants. Clément-Auguste gardera toute sa vie une vénération sans bornes pour ses parents dont la piété et l’ardeur à combattre et à souffrir pour l’Église s’imprimèrent au plus profond de son cœur : « Leur vie fut consacrée à suivre fidèlement le Christ, tout comme lors des processions au Saint-Sacrement où, indifférents à la chaleur, à la poussière et à la fatigue, ils suivaient notre divin Sauveur de station en station entraînant leurs enfants à leur suite. Plus que par des paroles, ils nous ont appris par leur exemple, que le seul devoir de notre vie est de suivre Notre-Seigneur, Lui seul étant notre joie et notre honneur. Et pour suivre Jésus-Christ Crucifié, ils nous ont montré qu’il n’y a pas d’autre chemin que de se renoncer et de porter sa croix. » (Souvenirs de leur fille, Paula)
Le Zentrum sous le bienheureux Pie IX
« L’Église de Dieu, Épouse sacrée de Notre-Seigneur, doit être libre en Prusse. Les années de Kulturkampf que nous avons subies ont été des années de gloire ; car, depuis la Réforme, jamais la vitalité et la puissance de l’Église n’ont été comme elles le sont aujourd’hui, reconnues par nos ennemis eux-mêmes... » (Windthorst) Depuis 1860, les catholiques allemands ont formé un parti, le Zentrum, dirigé par Windthorst, Savigny et Mallinckrodt. Ils comptent une centaine de députés au Reichstag, à Berlin, et sont solidement établis en Rhénanie. Ils désirent que l’unité de l’Allemagne se fasse autour de l’Autriche. Les hommes du Zentrum défendent trois principes : la légitimité des princes dépouillés par la Prusse, la souveraineté des Principautés et leur foi catholique. Ils s’opposent au chancelier Bismarck, principal agent de la franc-maçonnerie, qui les accuse d’être « les ennemis de l’Empire et les alliés de la France ». Celui-ci veut unifier l’Allemagne, et avoir une Église nationale. Dans sa lutte contre Rome, il va jusqu’à projeter de démembrer la France, pour qu’elle ne puisse plus prêter son appui à la papauté. Windthorst (17 janvier 1812 - 14 mars 1891) est né à Kaldendorf, en Westphalie. Sa piété l’incline au sacerdoce mais la Providence le conduit à suivre des études de droits pour devenir avocat. Fort du soutien de Pie IX, il défend les intérêts de l’Église avec une âme d’apôtre et un cœur de feu. Ses interventions à la Chambre des députés feront obstacle au schisme de Bismarck : « La papauté comme l’Église du Christ est bâtie sur des fondements divins... et tous les efforts de l’impiété pour la détruire seront inutiles... Oh ! Messieurs, le Pape dont vous avez si souvent annoncé la mort, vit et vivra, et, malgré votre opposition, la vérité sera proclamée au monde. « C’est un duel terrible que celui où nous sommes engagés. C’est le combat de la foi contre l’incrédulité ; pour tout dire, c’est la révolte contre Dieu ou la soumission sous la Croix. Or, ne l’oubliez pas, Messieurs, cette Croix est le symbole de la victoire ; puisque nous luttons pour sa défense, notre triomphe est assuré. « Que devient la liberté quand les libéraux arrivent au pouvoir ? Nous l’avons appris à nos dépens. C’est aussi ce que nous voyons tous les jours en France où l’on opprime l’Église de tous côtés, on exerce des violences et où on ne reconnaît de liberté que pour sa propre coterie (...). « Avec vos écoles d’où la religion est bannie, toute amélioration dans le domaine social est nécessairement impossible. La société ne peut être sauvée que si la religion est à la base de l’éducation. »(Vie de Louis de Windthorst – G. Bazin.)
Clément-Auguste fait sa Première Communion le 27 avril 1890, puis, accompagné de son frère Franz, quitte sa chère famille pour commencer ses études au collège Stella Matutina de Feldkirch, en Autriche, où les jésuites allemands se sont exilés. Le jour de son arrivée, le collège célèbre la clôture du mois de Marie. Cette grandiose cérémonie remplit son cœur d’amour pour sa Mère du Ciel et il ne tarde pas à s’inscrire à la Congrégation des enfants de Marie. Il en gardera la médaille autour du cou, jusqu’à sa mort.
Dès lors, une importante correspondance s’établit entre la comtesse et son fils. Considérations politiques et religieuses relatives au combat du Zentrum se mêlent aux encouragements à bien travailler et à réformer son caractère. Magnifiques lettres de cette mère exemplaire et profondément chrétienne ! Clément-Auguste fait de si rapides progrès que, quatre ans plus tard, il quitte le collège avec de brillants résultats. Et il se sent appelé à se donner à Dieu.
Le “ lion de Münster ” sans peur et sans reproche, selon sa devise : « Nec laudibus, nec timore ».
En 1896, ayant obtenu leur bac, les deux frères sont envoyés à Fribourg, en Suisse, pour approfondir leurs connaissances. Clément-Auguste s’ouvre de sa vocation au Père Schäffer et, sur son conseil, s’inscrit en 1898 au petit séminaire jésuite d’Innsbruck (Autriche), non sans combat intérieur, lui qui est si attaché au foyer paternel. Là, notre jeune séminariste découvre avec émerveillement l’histoire de l’Église, les beautés de la liturgie, la richesse de l’enseignement théologique.
Le supérieur, le Père Hoffman qui a la réputation d’être un saint, enseigne à ses séminaristes que la dévotion au Sacré-Cœur est « la source et la richesse de toutes les grâces sacerdotales. » Souvenons-nous qu’un an plus tôt, sur la demande de Notre-Seigneur à mère Marie du Divin Cœur, Léon XIII a consacré le monde au Sacré-Cœur. Clément-Auguste puise dans cette dévotion toute son intimité avec le divin Maître.
Son amour pour l’Église devient plus ardent, à mesure qu’il apprend les vexations que le gouvernement fait subir au clergé : « Ah ! s’il m’était donné la grâce, comme à sainte Catherine, de défendre notre foi également devant l’empereur et les érudits ! » Malheureusement, il ne peut plus s’appuyer sur le Zentrum qui ne s’oppose plus à la politique de Guillaume II, comme l’explique notre père :
Le Zentrum sous Léon XIII et Pie XI
« Il faut bien rendre le Zentrum inoffensif car aussi longtemps que le Zentrum existera, on ne le fera pas plier s’il est en majorité et, s’il est en minorité, on ne l’intimidera pas. Il faut donc nous débarrasser du Zentrum et, avant tout, du méchant guelfe Windthorst. » (Bismarck) Après la mort de Pie IX en 1878, Bismarck s’est tourné vers Léon XIII pour vaincre la résistance qu’il rencontre au Parlement. Il obtient du Pape la promesse que le Zentrum renonce à ses exigences politiques pour ne plus défendre que sa foi. En conséquence, notre Père explique que, « trente ou quarante ans après la mort de Windthorst, non seulement la cause des États et des provinces du sud, de l’ouest et du nord fut méthodiquement négligée, non seulement de bons chanceliers catholiques, comme Brüning, se firent les plats courtisans de la Reichswehr, mais il arriva en outre ceci : la cause religieuse se trouva perdue à l’heure même où von Papen, président du Zentrum, devint le chancelier du Reich. Car il se rua au service d’Hitler, jusqu’à vouloir que la foi catholique le cède aux exigences “ laïcardes ” et protestantes de Berlin. Là où le légitimiste, régionaliste et catholique Windthorst bravait Bismarck, son successeur ne put que capituler devant Hitler. « Vous croyez que vous serez plus forts quand vous serez uniquement catholiques ? Mais vous ne vous rendez pas compte que catholiques respectueux de vos princes et attachés à votre indépendance séculaire, cela faisait un bloc absolument infrangible ! Tandis que vous ne discuterez plus que sur les lois anticatholiques, vous vous laisserez absorber et affaiblir dans tout le reste. Nous autres, en France, nous avons fait pareil, et au même moment, mais sous d’autres influences... »(Conférence du 12 mai 1996)
1904- 1933 : Disciple de saint Pie X
Clément-Auguste est ordonné prêtre le 28 mai 1904, à Münster, et est nommé vicaire de la cathédrale, auprès de son oncle Mgr von Galen. Il le seconde dans ses tournées de confirmation et, pour le cinquantenaire de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception, l’accompagne à Rome. Le bonheur d’assister aux magnifiques cérémonies se double de la joie d’une audience privée du Pape : « Comment décrire l’impression que Pie X me fit ! Il est très, très différent de Léon XIII. La bonté et la gentillesse mais aussi une gravité sereine se lisent sur les traits de son beau visage. On est loin de voir en lui un souverain comme Léon XIII ; en effet sa bonté ne nous donne pas cette impression de condescendance... L’audience dura dix minutes et je dus m’en contenter. » (Lettre à sa mère, 25 novembre 1904)
Peu après son retour de Rome, il apprend la mort de son père, le comte von Galen : « Chère petite mère, qu’il est consolant de savoir notre cher père là où, toute sa vie, il s’est préparé à aller et à nous conduire. Deo Gratias pour tout ! » (31 janvier 1906)
Clément-Auguste est nommé vicaire à Berlin, ville on ne peut plus protestante et industrialisée, qualifiée de détestable par mère Marie du Divin Cœur. Ce ministère dans un monde sans Dieu lui sera une grande souffrance morale. Sa nouvelle paroisse Saint-Matthias compte trente mille âmes : « Je garde courage et suis heureux de pouvoir enfin dépenser toutes mes forces pour la Gloire de Dieu et le salut des âmes », écrit-il à sa mère.
Il consacre tout son temps à confesser, prêcher, catéchiser. Il entreprend aussi « les épineuses tournées pastorales » dans les foyers, pour obtenir que les enfants fassent leur Première Communion. Mais très vite, il se trouve confronté aux anticléricaux qui, dans cette ville de quarante mille chômeurs, profitent de la détresse religieuse du peuple et de sa misère sociale : « Les socialistes passent de maison en maison et réussissent avec un succès effrayant à obtenir que les habitants quittent l’Église. » (Lettre de 1906)
Pour ramener les âmes à Notre-Seigneur, il prêche des missions. Par sa dévotion au Sacré-Cœur et à la Sainte Vierge, il attire les âmes aux confessionnaux et à la sainte Table. Aussi, n’est-il pas rare qu’il achève la mission par la consécration des familles au Sacré-Cœur ou par un salut du Saint-Sacrement, solennellement présidé par l’évêque.
Nommé président d’un Patronage catholique, fondé par le bienheureux A. Kolping, il devient le conseiller et le confident de sept cents jeunes artisans et ouvriers. Avec l’héritage de son père, il leur construit une maison de deux cents lits, et une église qu’il dédie à saint Clément Hofbauer, rédemptoriste autrichien d’esprit de Contre-Réforme, canonisé par Pie X. En 1907, il peut se féliciter d’avoir conduit quatre cent quatre-vingts compagnons à la Communion pascale : « Un spectacle comme Berlin en a rarement vu ! » écrit-il. Il y aurait tant à faire, mais le diocèse manque de prêtres : « Si j’étais l’archevêque de Breslau , je m’adresserai à tous les évêques allemands afin d’obtenir des prêtres pour Berlin : combien d’âmes seraient à sauver, si l’on pouvait davantage s’occuper de chacune ! »
En 1910, notre vicaire s’enthousiasme pour l’encyclique Editae sæpe Dei, dans laquelle Pie X dénonce le mal qui dévore notre société, pire que celui de la “ Réforme ” protestante, et rappelle les remèdes du concile de Trente. L’abbé apprécie particulièrement son « langage franc et intrépide, en ce temps où tout est confus et vide de pensée ». Il stigmatise la trahison de certains évêques qui empêchent la diffusion de cette encyclique, et la lâcheté des journaux catholiques qui en considèrent la publication inopportune : « Personne n’ose dire que le Saint-Père n’a fait qu’affirmer la vérité. »
Son amour de la vérité et sa droiture d’esprit lui font embrasser avec joie les réformes de saint Pie X. Le décret sur la sainte Communion produit de beaux fruits dans sa paroisse : « Cette année, nous avons eu 80000 communions contre 28 000 en 1906. » (30 décembre 1910)
Lorsque éclate la guerre en 1914, l’abbé y voit la main de Dieu. Il veut s’engager comme aumônier militaire mais, à cause de sa charge paroissiale, sa demande n’est pas retenue.
Pendant ces années terribles, l’Allemagne traverse de graves crises politiques qui aboutissent, en 1918, au renversement de l’Empire et à l’avènement de la République de Weimar. Berlin plonge alors dans un profond chaos, ce que l’abbé von Galen avait prévu. Avec tristesse, il constate que « les pauvres gens déçus à qui l’on avait promis le paradis sur terre avec la révolution, la république et le socialisme, se disputent maintenant avec violence les biens et les jouissances. » (Lettre du 13 mars 1919)
Tandis qu’en 1919 l’abbé von Galen est nommé curé de sa paroisse, un combat s’engage contre le nouveau gouvernement pour la défense des écoles libres. Il se réjouit des protestations que publie l’archevêque, Mgr Hähling. À son tour, en 1922, il écrit un article dans la Correspondance catholique, mais il ne se fait pas d’illusion : « Tout cela ne servira à rien tant que les évêques ne prendront pas la chose en main. »
Enfin, en 1926, les évêques mettent en garde publiquement les catholiques contre la laïcité. L’abbé von Galen reprend leur document dans une brochure « Vexilla Regis prodeunt », qu’il adresse à l’aristocratie allemande, pour qu’elle réagisse. Sans résultat. « Si la situation continue ainsi, écrit-il à son frère, les intrépides devront aller de l’avant tout seuls ; dans la vieille Rome païenne, les premiers chrétiens aussi durent s’abstenir de participer aux fêtes et réunions de leurs concitoyens. Il se peut que le nouveau paganisme ne puisse être vaincu que par de tels sacrifices. Toutefois : Nolite timere, pusillux grex, quia placuit Patri vestro dare vobis regnum ! » (27 octobre 1926)
En 1929, l’abbé von Galen est envoyé à Münster et nommé curé. Il commence par instituer l’adoration quotidienne du Saint-Sacrement et s’attaque tout de suite au laïcisme. En 1932, il publie une brochure : « Contre la peste du laïcisme. » Lorsque Hitler accède au pouvoir, le 30 janvier 1933, la Westphalie est l’un des Länder où il a recueilli le moins de voix.
1933 : Évêque de Münster « Nec laudibus nec timore »
L’abbé von Galen est consacré évêque, le 28 octobre 1933, trois mois après la signature du Concordat entre Pie XI et Hitler. Il choisit comme devise épiscopale : « Nec laudibus nec timore », « Je ne m’écarterai de la Loi de Dieu ni par les éloges ni par les menaces. »
Sa première lettre épiscopale laisse présager à quel combat il va s’affronter : « Vous êtes le troupeau du Christ, vous avez donc le droit que la Vérité divine révélée vous soit prêchée de manière intégrale, inchangée et non falsifiée. Je veux veiller à ce qu’aucune hérésie ne s’immisce dans la doctrine et la foi de l’Église de Münster. Ni les menaces des hommes ni la peur ne m’en détourneront. » (28 octobre 1933)
Mais de quel combat s’agit-il ? Notre Père l’explique, en s’appuyant sur les archives de la Wilhemstrasse : « Hitler voulut reprendre l’œuvre de la Réforme luthérienne pour l’amener à son terme dans la ruine totale du christianisme romain et envisageait d’atteindre ce but par la proclamation de cette liberté absolue des confessions diverses qui est chez nous l’intangible dogme de la République laïque ! » (14 avril 1950)
Après la violation du Concordat par Hitler et ses attaques systématiques contre l’Église, l’offense faite à Dieu et le souci du salut des âmes sont la principale angoisse de notre évêque. Mgr von Galen invite son clergé à prier et à réparer. Du haut de sa chaire, il dénonce l’impiété des autorités publiques, qui appelle la châtiment de Dieu sur l’Allemagne : « Dieu ne permet pas que l’on se moque de lui impunément (...). Le Fils de Dieu qui sait tout, a vu autrefois qu’il Lui faudrait prononcer à notre égard cette sentence : “ Tu n’as pas voulu ! Voyez, vos demeures vont être ravagées ! ”(...)J’espère qu’il est encore temps... Ce qui seul peut nous sauver, nous préserver du Tribunal de Dieu : faire des commandements de Dieu la règle de notre vie et prendre pour devise : “ Plutôt mourir que pécher ! ” » (sermon du 3 août 1941) On comprend pourquoi ses sermons se répandent dans toute l’Allemagne, et jusqu’à l’étranger !
Le 17 avril 1941, en la fête de Notre-Dame des Sept-Douleurs et en union avec tous ses prêtres, Mgr von Galen renouvelle la Consécration de son diocèse au Sacré-Cœur. Il s’abandonne à la Volonté de Dieu, vivant dans la pensée constante du martyre auquel il aspire ardemment. Il ne subira cependant pas le martyre du sang (Hitler sachant qu’en l’éliminant, la Westphalie se soulèverait contre lui !) mais celui du cœur. En effet, malgré ses véhémentes protestations, il assiste impuissant à la déportation de ses prêtres, à l’exil de ses religieux et religieuses, à l’endoctrinement de la jeunesse, au meurtre des innocents.
En outre, les bombardements alliés lui causent d’indicibles souffrances, quand il voit que ce sont les civils qui en sont les victimes. Pour lui, c’est « un juste châtiment de Dieu qui s’abat sur une grande partie de l’Europe non chrétienne » (Lettre à Pie XII, le 4 novembre 1943). Lui-même doit quitter le palais épiscopal bombardé. Il écrit à son frère : « La Croix est un signe et un gage de l’amour et de la miséricorde de Dieu » (28 octobre 1943). Tout n’est plus que monceaux de ruines. Après la guerre, lorsque les officiers anglais des Forces d’occupation le féliciteront d’avoir ainsi tenu tête à Hitler, il leur reprochera vivement de servir « le règne du communisme et de l’anarchie, et de livrer les populations à la famine ».
Au lendemain de la guerre, Mgr von Galen est créé cardinal à Rome. À cette occasion, il dépose entre les mains de Pie XII une pétition en faveur de la proclamation du dogme de l’Assomption qu’il considère comme la quatrième grande fête de l’année. Il profite de ce séjour pour réconforter les prisonniers allemands et leur confie paternellement : « Je ne resterai plus longtemps ici-bas. Quand je serai là-haut, adressez-vous donc à moi. »
De retour à Münster, il tombe gravement malade et désire mourir le jour de la fête de saint Joseph. Il s’éteint le 22 mars 1946 en prononçant ces dernières paroles : « Comme Dieu veut. Vous devez continuer à travailler pour la Gloire de Dieu. Il protège notre chère patrie. Continuez à travailler pour Lui. »
Sœur Muriel du Divin Cœur
Il est ressucité ! n° 40, novembre 2005 p. 31