III. Vers la résurrection d'un roi glorifié
UN PIEUX LARCIN
APRÈS avoir été désigné par la Convention pour soigner l'enfant, en remplacement du docteur Desault, après avoir assisté, impuissant, aux derniers jours du petit Roi, le docteur Philippe-Jean Pelletan fit l'autopsie de son corps en compagnie de trois autres médecins.
Il raconte :
« Chargé seul de l'opération, je le fus également du soin de réparer le corps et de l'ensevelir ; profitant alors d'un instant où mes collègues, l'officier municipal et le concierge s'étaient retirés dans l'embrasure d'une fenêtre, j'osai m'emparer du cœur, je le roulai dans le son qui couvrait la table, l'enveloppai d'un linge et le mis dans ma poche. Je dois dire que je ne courais pas de grands risques : nous étions là de confiance et, les jours de la grande Terreur étant passés, je n'appréhendais pas d'être fouillé. »
Il rapporta la relique chez lui, la plaça « dans un vase de cristalrempli d'esprit-de-vin sans en avoir même fait sortirle sangqui y était retenu, tant j'étais persuadé, dit-il, que tout en était précieux. » Ce sang coagulé se voit encore et a conservé sa couleur rouge. L'alcool éthylique fut renouvelé à mesure qu'il s'évaporait. Au bout de huit ans, le cœur était tout desséché, dans l'état où on le voit aujourd'hui.
Car le cœur du petit Roi est parvenu jusqu'à nous. C'est là un fait historique attestant un dessein de la divine Providence sur notre Pays, au moment où il est menacé de disparition, ou plus précisément de dissolution au sein de l'Union européenne.
Sur le fait de l'authenticité de la relique, pour se faire une conviction, il suffit de lire l'ouvrage de l'historien Philippe Delorme :Louis XVII, la vérité. Sa mort au Temple confirmée par la science (Pygmalion, 2000). Les cent premières pages se lisent d'un trait. Et, pour celui qui n'en croit pas ses yeux, cent cinquante pages de notes fournissent toutes les preuves d'archives. C'est incontournable. (...)
Pelletan était un honnête praticien, consciencieux, laborieux, dévoué. Vingt ans après les faits, il exagéra peut-être ses sentiments de vénération pour le petit Roi, mais il est hors de doute qu'il a dit la vérité. En voici la preuve décisive : un jour, son collaborateur Tillos, mis dans la confidence, lui vola la relique. Il n'osa le lui reprocher, de peur que l'autre niât son forfait et détruisit la pièce à conviction. Mais quelque temps après, sur son lit de mort, Tillos se repentit, et fit un devoir à sa femme de rendre la relique, attestant par là son authenticité.
« En dérobant le cœur, explique Delorme, Tillos a en effet rendu l'objet encore plus incontestable. D'abord, il l'a présenté à ses parents et connaissances comme une relique de Louis XVII, ce dont ils témoigneront. D'autre part, s'il l'avait vendu ou perdu, il est bien improbable qu'il ait demandé à son épouse de rendre un viscère substitué à Pelletan, qui ne s'était jamais plaint du vol. Le grand chirurgien, d'ailleurs, aurait reconnu immanquablement que ce n'était pas le même organe qu'il connaissait depuis 1795, et qui possédait certaines particularités bien spécifiques. Il aurait fallu, en outre, que Tillos dérobe un autre cœur d'enfant, le conserve dans l'alcool et obtienne une dessiccation identique à celle de l'original. » (p. 145) La cause est donc entendue, et l'un des principaux arguments des adversaires de l'authenticité de la relique tombe.
LA RESTITUTION DE LA RELIQUE
Dès l'avènement de Louis XVIII, en 1814, Pelletan n'eut plus qu'un souci : restituer la relique de Louis XVII à la famille royale. Or, il se heurta à une étonnante indifférence de la part du Roi et de ses ministres.
Seule, la duchesse d'Angoulême, la sœur de Louis XVII rescapée du Temple, lui réserva un accueil bienveillant et favorable. (...) Quant au roi Louis XVIII, après avoir ordonné une enquête, il arrêta tout en 1817. (...)
Les francs catholiques royalistes, de leur côté, aspiraient à rendre un culte public au cœur de Louis XVII. Antoine de Saint-Gervais, auteur d'une Vie du jeune Louis XVII, apprenant en 1816 que la dépouille de l'enfant-roi n'avait pas disparu entièrement et que l'on avait conservé son cœur, écrivait :
« Cette noble partie de lui-même sera sans doute exposée un jour aux hommages des Français ; l'on contemplera, avec un respect religieux, dans le silence de la douleur et avec la plus profonde vénération, ce cœur qui fut si aimant, restes sacrés d'une victime de la plus épouvantable tyrannie. »
Après d'innombrables démarches, Pelletan demeurait toujours en possession de la relique. Finalement, il la remit entre les mains de l'archevêque de Paris, Mgr de Quelen, le 23 mai 1828, et mourut l'année suivante.
1830 : JÉSUS DÉPOUILLÉ DE SA ROYAUTÉ EN FRANCE
Survinrent les journées révolutionnaires de juillet 1830. Le 29 juillet, une troupe d'émeutiers mit à sac l'archevêché de Paris. Tout fut pillé, détruit, jeté à la Seine ou brûlé sur le quai. Que devint le cœur de Louis XVII dans cette dévastation ? (...)
Le vase de cristal contenant la relique se trouvait dans un étui en bois, placé derrière des livres sur un rayon de la bibliothèque de l'archevêque, avec une attestation de son authenticité. Au milieu de la mêlée, un ouvrier imprimeur, nommé Lescroart, s'empara de l'un et de l'autre.
« En dévissant l'étui, il trouva un bocal en cristal qui renfermait un corps dont il ne connaissait pas la valeur, mais la richesse de la monture lui faisant penser que ce pouvait être un objet précieux, il partit pour aller le déposer à l'Hôtel-Dieu. Il tenait le vase de cristal à la main, lorsqu'un des forcenés voulut le lui disputer et, d'un coup de sabre, fit voler en éclats l'étui et le vase de cristal. Alors Lescroart se trouva seulement possesseur du manuscrit, abandonnant des débris qu'il ne supposait pas avoir de la valeur. »
Comme le papier portait le nom de Pelletan et que ledit Lescroart connaissait le docteur Pelletan, fils du célèbre chirurgien, habitant l'île de la Cité, près de Notre-Dame, il alla lui porter le manuscrit. Les deux hommes revinrent ensemble, quelques jours plus tard, le 5 août exactement, sur les lieux du pillage. Et, miracle ! non seulement les débris du vase de cristal, mais la relique elle-même que Pelletan reconnut pour l'avoir souvent examinée avec son père, était là, abandonnée sur un tas de sable, bien reconnaissable à sa petitesse, à sa couleur rouge foncé, au morceau d'aorte que, contrairement aux usages, son père avait conservé.
Pelletan-fils garda la relique recouvrée jusqu'à sa mort, en 1879. Personne ne s'inquiéta de ce qu'elle était devenue dans le sac de l'archevêché. La famille royale en exil la crut perdue, et n'en parla plus... (...)
IL REVIENT, AVEC SON CŒUR !
La relique du cœur de Louis XVII, « petit Roi dormant de la Monarchie française », comme l'appelle joliment la princesse Amélie de Bourbon-Parme, passant de main en main, aboutit dans la chapelle du château de Frohsdorf, en Autriche, où elle demeura près d'un demi-siècle, sous la garde de la fille de don Carlos, Béatrice, princesse Massimo, de la famille des Bourbons d'Espagne.
Échappant aux destructions nazies et soviétiques pendant la guerre, le cœur de Louis XVII trouva de nouveau refuge en Italie. En 1975, une fille de la princesse Massimo décida de rendre la relique à la France. Quelqu'un lui suggéra de la remettre à monsieur Valéry Giscard d'Estaing, alors président de la République française. Elle répliqua : « La République ? Jamais ! » Voilà pourquoi la relique fut offerte à l'association du Mémorial de France à Saint-Denis.
Quelques mois auparavant, en octobre 1973, l'abbé de Nantes tenait une réunion publique (...) à Paris, sur le thème :le Sacré-Cœur de Jésus, salut du monde. (...)
UN DESSEIN DE MISÉRICORDE ET DE SALUT
Notre Père rappelait alors le grand dessein de miséricorde de Jésus-Christ sur son royaume de France, malheureusement contrecarré depuis trois siècles :
« Louis XIV n'a pas fait ce qui lui était demandé, ni Louis XV ; Louis XVI l'a promis mais c'était trop tard, quand il était prisonnier au Temple. Louis XVIII ne l'a pas voulu, l'impératrice Eugénie en a été dissuadée par l'archevêque de Paris. Poincaré, au pire moment de la Grande Guerre, n'en a pas eu l'audace, et le peuple souverain depuis lors ne s'en est nullement soucié, tombant de défaites en malheurs, sans plus de réflexion ni de remords...
« Sans doute, les Vendéens ont mené leur combat sous le signe du Sacré-Cœur, qu'avait popularisé parmi eux saint Louis-Marie Grignion de Montfort. ( ...)
« Sans doute, nos arrière-grands-pères ont décidé de bâtir le Sacré-Cœur de Montmartre, en hommage de repentir et de dévotion au Christ Sauveur. Mais leur geste religieux ne déboucha pas sur une réforme, – une révolution –, de toute leur vie temporelle conformément aux appels du Sacré-Cœur... Sans doute une Archiconfrérie du Sacré-Cœur se développa rapidement entre 1873 et 1914 ; et les soldats de la Grande Guerre arborèrent par milliers de petits drapeaux marqués du Cœur de Jésus sur leurs vareuses bleu horizon, et la paix leur fut donnée mais ni belle, ni complète, ni stable. Ils ne firent pas eux non plus, d'autres malgré eux ne firent pas ce que le Ciel demandait depuis tant de temps à la terre, et principalement, d'abord, à cette terre de France qui lui appartient, “ tribu de Juda de la Nouvelle Alliance ”, selon le mot de saint Pie X.
« Et comment ne pas rappeler la floraison du signe sacré, de l'emblème du Père de Foucauld sur les murs d'Alger, d'Oran, de Constantine, partout le Cœur et la Croix témoignant de la volonté (...) de garder cette terre française au Christ-Roi. Et pourtant l'Algérie a été perdue pour la France et pour le Christ ! Que devait-on faire donc, qu'ils n'ont pas fait ? Comment la leçon de tant de débâcles peut-elle être pour nous une leçon d'espérance, de certitude, de courage ?
« Eh bien, je persiste à vous dire : le Sacré-Cœur a promis. Il tiendra ses promesses. Mais il les tiendra parfaitement quand les hommes auront tout simplement et vraiment accompli le peu qu'il leur demande, mais qu'il leur demande absolument. »
Et notre Père de conclure : « C'est ici la pierre d'achoppement depuis trois siècles. Si les humbles acceptèrent de bon cœur et en grand nombre la dévotion nouvelle, les grands ne l'acceptèrent pas, ne voulurent pas se conformer aux Volontés de ce Divin Cœur qui leur étaient transmises par des saints. Quant aux tièdes et aux méchants, ils lui furent hostiles avec un acharnement extraordinaire. C'était prévu :
« Il m'a fait connaître, écrivait Marguerite-Marie à la mère de Saumaise, qu'il n'a que faire des puissances humaines parce que la dévotion et le règne de ce Sacré-Cœur ne s'établirait que par des sujets pauvres et méprisés, et parmi les contradictions, afin que l'on n'en attribuât rien à la puissance humaine. »
Voilà pourquoi le cœur du petit Roi, persécuté et rejeté depuis deux cent ans comme son divin Maître, s'offre aujourd'hui à notre culte pour nous rappeler, comme naguère sainte Jeanne d'Arc, la place que Dieu, que Jésus et Marie, dans leur très unique Cœur, réclament dans notre vie nationale. Oui, sainte Jeanne, dont le cœur fut lui aussi retrouvé, sur son bûcher de Rouen, « intact et plein de sang », avant d'être jeté à la Seine, avec les cendres de son corps virginal !
L'AUTHENTIFICATION DE LA RELIQUE
Le retour de Louis XVII commença dans l'humilité, au matin du 10 avril 1975. Le petit Roi revenait dans son royaume… si discrètement qu'on n'osait même pas affirmer son identité ! La plaque métallique, apposée sur l'urne contenant la relique, indiquait : « Cœur présumé de l'enfant mort au Temple sous le nom supposé de Louis-Charles Capet. » (sic ! )
Il fallut encore attendre vingt-cinq ans pour que des tests génétiques confirment l'enquête historique. Une première expérience avait eu lieu en 1998, confrontant l'adn de la reine Marie-Antoinette, extrait de ses cheveux, avec l'ADN de Naundorff, le plus célèbre des prétendus survivants, enterré à Delft en Hollande.
L'analyse révélait une incompatibilité absolue. Exit donc la théorie absurde et impie du survivantisme.
Restait à faire la même comparaison des cheveux de la Reine avec le cœur du Roi. Philippe Delorme fut à l'origine de cette analyse. Le prélèvement d'échantillons s'effectua le 15 décembre 1999. La réussite de l'expérience n'était pas acquise d'avance, étant donné l'état de “ momification ” de la relique. Les savants de deux laboratoires indépendants l'ont cependant obtenue : « Les résultats sont convergents et démonstratifs, à 100 % », déclarait le professeur Cassiman de l'université de Louvain, le mercredi saint 19 avril 2000. (...)
L'histoire et la science sont donc bien au rendez-vous : « Après plus de deux siècles de confusion, la vérité triomphe enfin, écrit Philippe Delorme. Justice est rendue au petit Roi sans couronne, mort au Temple le 8 juin 1795. Louis XVII a bien succombé victime de la Révolution. » (Delorme, p. 94)
LE SACRE DE LOUIS XVII
Gomin, le gardien de l'enfant-roi au Temple, raconte qu'après la mort de son prisonnier, il monta une dernière fois sur la plate-forme de la Tour. Il remarqua que les oiseaux qui habituellement venaient s'ébattre et boire dans un petit bassin, et que l'enfant-roi appelait « mes oiseaux », s'étaient envolés.
« Je ne sais comment et pourquoi les souvenirs du sacre des Rois me passèrent alors par la tête ou plutôt par le cœur. Je me rappelai malgré moi, à cette heure de deuil, les oiseaux qu'à l'heure joyeuse de l'intronisation d'un Prince, on laisse s'envoler dans la basilique de Reims, et, tout à coup, dans la fièvre de ma douleur, quelque chose sembla m'annoncer que c'étaient là aussi les oiseaux d'un sacre, et que l'enfant venait d'être couronné ! »
C'est là une ultime ressemblance de Louis XVII avec Notre-Seigneur Jésus-Christ qui fut, lui aussi, intronisé Roi lors de son entrée au Ciel, comme le marque saint Luc dans son récit de l'Ascension du Seigneur, à la fin de son Évangile. Le petit Roi règne donc. Pour éprouver le bienfait de son gouvernement, encore faut-il que son peuple le reconnaisse et lui rende un culte de reconnaissance et de réparation.
LA FRANCE DÉVOTE ET PÉNITENTE
Dans son cours de Politique totale, l'abbé de Nantes insiste sur l'union étroite liant le peuple à son roi, comme un corps à sa tête, à son chef légitime, dans un lien d'obéissance et d'amour mutuel, sans lesquels ni l'un ni l'autre ne peut vivre.
Le “ Corps mystique et politique du Royaume ”, pour reprendre la formule chère au grand juriste du XVe siècle, Jean de Terrevermeille, c'est la Patrie rassemblée, dans la tranquillité de son ordre, autour de son roi légitime, participant à la grâce capitale du Christ, répandue dans son Corps qui est l'Église. « L'unité morale, affective, volontaire, condition de la vie et du salut de tous trouve dans ce chef sa source mystique. »
Ainsi le plus pur, le plus éprouvé et le plus méritant de nos rois de France attend la reconnaissance de la France, pour lui valoir le gracieux pardon divin, et déverser sur elle une profusion de grâces, dont la plus belle, la plus miraculeuse, sera le retour du Roi très chrétien, lieutenant du Christ au royaume de France qui est sien. (...)
Extraits de Il est ressuscité ! n° 23, juin 2004, p. 21-27