Il est ressuscité !

N° 196 – Mars 2019

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


La foi d’un nouvel Athanase

Athanasius Schneider est un évêque catholique romain du Kazakhstan, membre des chanoines réguliers de la Sainte Croix de Coïmbre. Il a réagi au Document d’Abou Dhabi signé au nom de la paix et de la lutte contre la violence par le pape François et l’imam At-Tayeb de l’université Al-Azhar du Caire, dans lequel on peut lire que « le pluralisme et les diversités de religions, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine par laquelle Dieu a créé les êtres humains. Cette sagesse divine est l’origine dont découle le droit à la liberté de croyance et à la liberté d’être différents. »

Lors d’une conférence théologique à Rome en décembre 2010, Mgr Athanasius a proposé la rédaction d’un « nouveau Syllabus » dans lequel le Pape corrigerait les interprétations erronées des Actes du deuxième Concile du Vatican. Sa proposition a été “ classée ”. Aujourd’hui, il publie une Déclaration, Le don de l’adoption filiale, datée du 9 février, soit cinq jours après la signature du Document d’Abou Dhabi qu’il condamne ligne à ligne au nom de la foi catholique.

Anton Schneider est né à Tokmok, le 7 avril 1961, en République soviétique du Kirghizistan, de parents allemands de la mer Noire d’Odessa en Ukraine. Enfant, Anton et ses trois frères et sœurs assistaient avec leurs parents à des messes clandestines. En 1973, peu après sa première communion qu’il fit en secret, Anton émigra avec sa famille à Rottweill, en Allemagne de l’Ouest.

En 1982, il entre chez les chanoines réguliers de la Sainte Croix de Coïmbre, un ordre religieux catholique romain, au sein de l’Opus Sanctorum Angelorum, en Autriche. Il reçoit le nom religieux d’Athanase, et est ordonné prêtre le 25 mars 1990. À partir de 1999, il enseigne la patristique au Séminaire Marie Mère de l’Église, à Karaganda.

Consacré évêque à l’autel de la Chaire de saint Pierre au Vatican le 2 juin 2006 par le cardinal Angelo Sodano, il est nommé évêque auxiliaire de l’archidiocèse d’Astana, secrétaire général de la Conférence épiscopale du Kazakhstan.

Outre l’allemand et le russe, Mgr Athanase Schneider parle couramment l’anglais, le français, l’italien et le portugais, et il connaît le latin et le grec. Ci-après le texte intégral de la Déclaration de François (p. 4-7), suivie de celle de Mgr Athanase (p. 7-10), et de notre commentaire (p. 11-22).

« LA FRATERNITÉ HUMAINE », NATURALISATION DE LA CHARITÉ

Au nom de Dieu qui a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité, et les a appelés à coexister comme des frères entre eux, pour peupler la terre et y répandre les valeurs du bien, de la charité et de la paix.

Au nom de l’âme humaine innocente que Dieu a interdit de tuer, affirmant que quiconque tue une personne est comme s’il avait tué toute l’humanité et que quiconque en sauve une est comme s’il avait sauvé l’humanité entière.

Au nom des pauvres, des personnes dans la misère, dans le besoin et des exclus que Dieu a commandé de secourir comme un devoir demandé à tous les hommes et, d’une manière particulière, à tout homme fortuné et aisé.

Au nom des orphelins, des veuves, des réfugiés et des exilés de leurs foyers et de leurs pays ; de toutes les victimes des guerres, des persécutions et des injustices ; des faibles, de ceux qui vivent dans la peur, des prisonniers de guerre et des torturés en toute partie du monde, sans aucune distinction.

Au nom des peuples qui ont perdu la sécurité, la paix et la coexistence commune, devenant victimes des destructions, des ruines et des guerres.

SURNATURALISATION DE LA FRATERNITÉ

Au nom de la « fraternité humaine » qui embrasse tous les hommes, les unit et les rend égaux.

Au nom de cette fraternité déchirée par les politiques d’intégrisme et de division, et par les systèmes de profit effréné et par les tendances idéologiques haineuses, qui manipulent les actions et les destins des hommes.

Au nom de la liberté, que Dieu a donnée à tous les êtres humains, les créant libres et les distinguant par elle.

NATURALISATION DE LA FOI

Au nom de la justice et de la miséricorde, fondements de la prospérité et pivots de la foi.

Au nom de toutes les personnes de bonne volonté, présentes dans toutes les régions de la terre.

Au nom de Dieu et de tout cela, Al-Azhar al-Sharif – avec les musulmans d’Orient et d’Occident –, conjointement avec l’Église catholique – avec les catholiques d’Orient et d’Occident –, déclarent adopter la culture du dialogue comme chemin ; la collaboration commune comme conduite ; la connaissance réciproque comme méthode et critère.

Nous – croyants en Dieu, dans la rencontre finale avec Lui et dans Son Jugement –, partant de notre responsabilité religieuse et morale, et par ce Document, nous demandons à nous-mêmes et aux leaders du monde, aux artisans de la politique internationale et de l’économie mondiale, de s’engager sérieusement pour répandre la culture de la tolérance, de la coexistence et de la paix ; d’intervenir, dès que possible, pour arrêter l’effusion de sang innocent, et de mettre fin aux guerres, aux conflits, à la dégradation environnementale et au déclin culturel et moral que le monde vit actuellement.

NATURALISATION DE L’ESPÉRANCE

Nous nous adressons aux intellectuels, aux philosophes, aux hommes de religion, aux artistes, aux opérateurs des médias et aux hommes de culture en toute partie du monde, afin qu’ils retrouvent les valeurs de la paix, de la justice, du bien, de la beauté, de la fraternité humaine et de la coexistence commune, pour confirmer l’importance de ces valeurs comme ancre de salut pour tous et chercher à les répandre partout.

NI FOI NI BAPTÊME

Cette Déclaration, partant d’une réflexion profonde sur notre réalité contemporaine, appréciant ses réussites et partageant ses souffrances, ses malheurs et ses calamités, croit fermement que parmi les causes les plus importantes de la crise du monde moderne se trouvent une conscience humaine anesthésiée et l’éloignement des valeurs religieuses, ainsi que la prépondérance de l’individualisme et des philosophies matérialistes qui divinisent l’homme et mettent les valeurs mondaines et matérielles à la place des principes suprêmes et transcendants.

Nous, reconnaissant aussi les pas positifs que notre civilisation moderne a accomplis dans les domaines de la science, de la technologie, de la médecine, de l’industrie et du bien-être, en particulier dans les pays développés, nous soulignons que, avec ces progrès historiques, grands et appréciés, se vérifient une détérioration de l’éthique, qui conditionne l’agir international, et un affaiblissement des valeurs spirituelles et du sens de la responsabilité. Tout cela contribue à répandre un sentiment général de frustration, de solitude et de désespoir, conduisant beaucoup à tomber dans le tourbillon de l’extrémisme athée et agnostique, ou bien dans l’intégrisme religieux, dans l’extrémisme et dans le fondamentalisme aveugle, poussant ainsi d’autres personnes à céder à des formes de dépendance et d’autodestruction individuelle et collective.

L’histoire affirme que l’extrémisme religieux et national, ainsi que l’intolérance, ont produit dans le monde, aussi bien en Occident qu’en Orient, ce que l’on pourrait appeler les signaux d’une « troisième guerre mondiale par morceaux », signaux qui, en diverses parties du monde et en diverses conditions tragiques, ont commencé à montrer leur visage cruel ; situations dont on ne connaît pas avec précision combien de victimes, de veuves et d’orphelins elles ont générés. En outre, il y a d’autres régions qui se préparent à devenir le théâtre de nouveaux conflits, où naissent des foyers de tension et s’accumulent des armes et des munitions, dans une situation mondiale dominée par l’incertitude, par la déception et par la peur de l’avenir et contrôlée par des intérêts économiques aveugles.

Nous affirmons aussi que les fortes crises politiques, l’injustice et l’absence d’une distribution équitable des ressources naturelles – dont bénéficie seulement une minorité de riches, au détriment de la majorité des peuples de la terre – ont provoqué, et continuent à le faire, d’énormes quantité de malades, de personnes dans le besoin et de morts, causant des crises létales dont sont victimes divers pays, malgré les richesses naturelles et les ressources des jeunes générations qui les caractérisent. À l’égard de ces crises qui laissent mourir de faim des millions d’enfants, déjà réduits à des squelettes humains – en raison de la pauvreté et de la faim –, règne un silence international inacceptable.

Il apparaît clairement à ce propos combien la famille est essentielle, en tant que noyau fondamental de la société et de l’humanité, pour donner le jour à des enfants, les élever, les éduquer, leur fournir une solide morale et la protection familiale. Attaquer l’institution familiale, en la méprisant ou en doutant de l’importance de son rôle, représente l’un des maux les plus dangereux de notre époque.

Nous témoignons aussi de l’importance du réveil du sens religieux et de la nécessité de le raviver dans les cœurs des nouvelles générations, par l’éducation saine et l’adhésion aux valeurs morales et aux justes enseignements religieux, pour faire face aux tendances individualistes, égoïstes, conflictuelles, au radicalisme et à l’extrémisme aveugle sous toutes ses formes et ses manifestations.

Le premier et le plus important objectif des religions est celui de croire en Dieu, de l’ho­norer et d’appeler tous les hommes à croire que cet univers dépend d’un Dieu qui le gouverne, qu’il est le ­Créateur qui nous a modelés avec Sa Sagesse divine et nous a accordé le don de la vie pour le pré­server. Un don que personne n’a le droit d’enlever, de menacer ou de manipuler à son gré ; au contraire, tous doivent préserver ce don de la vie depuis son commencement jusqu’à sa mort naturelle. C’est pourquoi nous condamnons toutes les pratiques qui menacent la vie comme les génocides, les actes terroristes, les déplacements forcés, le trafic d’organes humains, l’avortement et l’euthanasie et les politiques qui soutiennent tout cela.

De même nous déclarons – fermement – que les religions n’incitent jamais à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, d’extrémisme, ni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang. Ces malheurs sont le fruit de la déviation des enseignements religieux, de l’usage politique des religions et aussi des interprétations de groupes d’hommes de religion qui ont abusé – à certaines phases de ­l’histoire – de l’influence du sentiment religieux sur les cœurs des hommes pour les conduire à accomplir ce qui n’a rien à voir avec la vérité de la religion, à des fins politiques et économiques mondaines et aveugles. C’est pourquoi nous demandons à tous de cesser d’instrumentaliser les religions pour inciter à la haine, à la violence, à l’extrémisme et au fanatisme aveugle et de cesser d’utiliser le nom de Dieu pour justifier des actes d’homicide, d’exil, de terrorisme et d’oppression. Nous le demandons par notre foi commune en Dieu, qui n’a pas créé les hommes pour être tués ou pour s’affronter entre eux et ni non plus pour être torturés ou humiliés dans leurs vies et dans leurs existences. En effet, Dieu, le Tout-Puissant, n’a besoin d’être défendu par personne et ne veut pas que Son Nom soit utilisé pour terroriser les gens.

Ce Document, en accord avec les précédents Documents internationaux qui ont souligné l’importance du rôle des religions dans la construction de la paix mondiale, certifie ce qui suit :

– La forte conviction que les vrais enseignements des religions invitent à demeurer ancrés dans les valeurs de la paix ; à soutenir les valeurs de la connaissance réciproque, de la fraternité humaine et de la coexistence commune ; à rétablir la sagesse, la justice et la charité et à réveiller le sens de la religiosité chez les jeunes, pour défendre les nouvelles générations de la domination de la pensée matérialiste, du danger des politiques de l’avidité du profit effréné et de l’indifférence, basée sur la loi de la force et non sur la force de la loi.

– La liberté est un droit de toute personne : chacune jouit de la liberté de croyance, de pensée, d’expression et d’action. Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains. Cette Sagesse divine est l’origine dont découle le droit à la liberté de croyance et à la liberté d’être différents. C’est pourquoi on condamne le fait de contraindre les gens à adhérer à une certaine religion ou à une certaine culture, comme aussi le fait d’imposer un style de civilisation que les autres n’acceptent pas.

– La justice basée sur la miséricorde est le chemin à parcourir pour atteindre une vie décente à laquelle a droit tout être humain.

– Le dialogue, la compréhension, la diffusion de la culture de la tolérance, de l’acceptation de l’autre et de la coexistence entre les êtres humains contribueraient notablement à réduire de nombreux problèmes économiques, sociaux, politiques et environnementaux qui assaillent une grande partie du genre humain.

– Le dialogue entre les croyants consiste à se rencontrer dans l’énorme espace des valeurs spirituelles, humaines et sociales communes, et à investir cela dans la diffusion des plus hautes vertus morales, réclamées par les religions ; il consiste aussi à éviter les discussions inutiles.

– La protection des lieux de culte – temples, églises et mosquées – est un devoir garanti par les religions, par les valeurs humaines, par les lois et par les conventions internationales. Toute tentative d’attaquer les lieux de culte ou de les menacer par des attentats, des explosions ou des démolitions est une déviation des enseignements des religions, ainsi qu’une claire violation du droit international.

– Le terrorisme détestable qui menace la sécurité des personnes, aussi bien en Orient qu’en Occident, au Nord ou au Sud, répandant panique, terreur ou pessimisme n’est pas dû à la religion – même si les terroristes l’instrumentalisent – mais est dû à l’accumulation d’interprétations erronées des textes religieux, aux politiques de faim, de pauvreté, d’injustice, d’oppression, d’arrogance ; pour cela, il est nécessaire d’interrompre le soutien aux mouvements terroristes par la fourniture d’argent, d’armes, de plans ou de justifications, ainsi que par la couverture médiatique, et de considérer tout cela comme des crimes internationaux qui menacent la sécurité et la paix mondiale. Il faut condamner ce terrorisme sous toutes ses formes et ses manifestations.

– Le concept de citoyenneté se base sur l’égalité des droits et des devoirs à l’ombre de laquelle tous jouissent de la justice. C’est pourquoi il est nécessaire de s’engager à établir dans nos sociétés le concept de la pleine citoyenneté et à renoncer à l’usage discriminatoire du terme minorités, qui porte avec lui les germes du sentiment d’isolement et de l’infériorité ; il prépare le terrain aux hostilités et à la discorde et prive certains citoyens des conquêtes et des droits religieux et civils, en les discriminant.

– La relation entre Occident et Orient est une indiscutable et réciproque nécessité, qui ne peut pas être substituée ni non plus délaissée, afin que tous les deux puissent s’enrichir réciproquement de la civilisation de l’autre, par l’échange et le dialogue des cultures. L’Occident pourrait trouver dans la civilisation de l’Orient des remèdes pour certaines de ses maladies spirituelles et religieuses causées par la domination du matérialisme. Et l’Orient pourrait trouver dans la civilisation de l’Occident beaucoup d’éléments qui pourraient l’aider à se sauver de la faiblesse, de la division, du conflit et du déclin scientifique, technique et culturel. Il est important de prêter attention aux différences religieuses, culturelles et historiques qui sont une composante essentielle dans la formation de la personnalité, de la culture et de la civilisation orientale ; et il est important de consolider les droits humains généraux et communs, pour contribuer à garantir une vie digne pour tous les hommes en Orient et en Occident, en évitant l’usage de la politique de la double mesure.

– C’est une nécessité indispensable de reconnaître le droit de la femme à l’instruction, au travail, à l’exercice de ses droits politiques. En outre, on doit travailler à la libérer des pressions historiques et sociales contraires aux principes de sa foi et de sa dignité. Il est aussi nécessaire de la protéger de ­l’exploitation sexuelle et du fait de la traiter comme une marchandise ou un moyen de plaisir ou de profit économique. Pour cela, on doit cesser toutes les pratiques inhumaines et les coutumes courantes qui humilient la dignité de la femme et travailler à modifier les lois qui empêchent les femmes de jouir pleinement de leurs droits.

– La défense des droits fondamentaux des enfants à grandir dans un milieu familial, à l’alimen­tation, à l’éducation et à l’assistance est un devoir de la famille et de la société. Ces droits doivent être garantis et préservés, afin qu’ils ne manquent pas ni ne soient refusés à aucun enfant, en aucun endroit du monde. Il faut condamner toute pratique qui viole la dignité des enfants et leurs droits. Il est aussi important de veiller aux dangers auxquels ils sont exposés – spécialement dans le domaine digital – et de considérer comme un crime le trafic de leur innocence et toute violation de leur enfance.

– La protection des droits des personnes âgées, des faibles, des handicapés et des opprimés est une exigence religieuse et sociale qui doit être garantie et protégée par des législations rigoureuses et l’application des conventions internationales à cet égard.

À cette fin, l’Église catholique et Al-Azhar, par leur coopération commune, déclarent et promettent de porter ce Document aux autorités, aux leaders influents, aux hommes de religion du monde entier, aux organisations régionales et internationales compétentes, aux organisations de la société civile, aux institutions religieuses et aux leaders de la pensée ; et de s’engager à la diffusion des principes de cette Déclaration à tous les niveaux régionaux et internationaux, en préconisant de les traduire en politiques, en décisions, en textes législatifs, en programmes d’étude et matériaux de communication.

Al-Azhar et l’Église Catholique demandent que ce Document devienne objet de recherche et de réflexion dans toutes les écoles, dans les universités et dans les instituts d’éducation et de formation, afin de contribuer à créer de nouvelles générations qui portent le bien et la paix et défendent partout le droit des opprimés et des derniers.

En conclusion nous souhaitons que :

cette Déclaration soit une invitation à la réconciliation et à la fraternité entre tous les croyants, ainsi qu’entre les croyants et les non croyants, et entre toutes les personnes de bonne volonté ;

soit un appel à toute conscience vivante qui rejette la violence aberrante et l’extrémisme aveugle ; appel à qui aime les valeurs de tolérance et de fraternité, promues et encouragées par les religions ;

soit un témoignage de la grandeur de la foi en Dieu qui unit les cœurs divisés et élève l’esprit humain ;

soit un symbole de l’accolade entre Orient et Occident, entre Nord et Sud, et entre tous ceux qui croient que Dieu nous a créés pour nous connaître, pour coopérer entre nous et pour vivre comme des frères qui s’aiment.

Ceci est ce que nous espérons et cherchons à réaliser, dans le but d’atteindre une paix universelle dont puissent jouir tous les hommes en cette vie.

Abou Dabi, le 4 février 2019
Sa Sainteté Pape François
Grand Imam d’Al-Azhar Ahmad Al-Tayyeb

LE DON DE L’ADOPTION FILIALE, GRÂCE SURNATURELLE

La Vérité de l’adoption filiale en Jésus-Christ, vérité intrinsèquement surnaturelle, constitue la synthèse de toute la Révélation divine. Être adopté par Dieu comme fils constitue toujours un don gratuit de la grâce, le don le plus sublime de Dieu à l’humanité. On ne l’obtient, cependant, qu’à travers la foi personnelle en Jésus-Christ et par la réception du baptême, ainsi que le Seigneur l’a lui-même enseigné : « En vérité, en vérité, je te le dis, aucun homme, s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit-Saint, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’esprit est esprit. Ne t’étonne pas de ce que je t’ai dit : “ Il faut que vous naissiez de nouveau. ” » (Jn 3, 5-7)

Au cours de ces dernières décennies, on a souvent entendu – y compris de la bouche de certains représentants de la hiérarchie de l’Église – des déclarations à propos de la théorie des « chrétiens anonymes ». Cette théorie affirme ce qui suit : la mission de l’Église dans le monde consisterait au bout du compte à faire naître la conscience que tous les hommes doivent avoir de leur salut en Jésus-Christ, et par voie de conséquence, de leur adoption filiale en Jésus-Christ. Car, selon cette même théorie, chaque être humain possède déjà la filiation divine dans les profondeurs de sa personnalité. Cependant, une telle théorie contredit directement la Révélation divine, telle que le Christ l’a enseignée, et que ses Apôtres et l’Église l’ont toujours transmise au long de plus de deux mille ans, sans changement et sans l’ombre d’un doute.

Dans son essai Le mystère des juifs et des gentils dans l’Église (Die Kirche aus Juden und Heiden) Erik Peterson, converti et exégète bien connu, a depuis bien longtemps – c’était en 1933 – mis en garde contre le danger d’une telle théorie, affirmant que l’on ne peut réduire le fait d’être chrétien (« Christsein ») à l’ordre naturel, où les fruits de la rédemption acquise par Jésus-Christ seraient généralement imputés à chaque être humain comme une sorte d’héritage du seul fait que celui-ci partagerait la nature humaine avec le Verbe incarné. Mais l’adoption filiale en Jésus-Christ n’est pas un résultat automatique qui serait garanti par l’appartenance à la race humaine.

Saint Athanase (cf. Oratio contra Arianos II, 59) nous a laissé une explication à la fois simple et pertinente à propos de la différence entre l’état naturel des hommes en tant que créatures de Dieu et la gloire de celui qui est fils de Dieu en Jésus-Christ. Saint Athanase tire son explication des paroles du saint Évangile selon saint Jean, qui affirment : « Mais, à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu ; à ceux qui croient en son nom, qui ne sont pas nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. » Jean utilise l’expression « ils sont nés » pour dire que les hommes deviennent fils de Dieu non par nature, mais par adoption. Cela montre l’amour de Dieu, le fait que Celui qui est leur Créateur devient aussi alors, par la grâce, leur Père. Cela se produit lorsque, comme le dit l’Apôtre, les hommes reçoivent dans leur cœur l’esprit du Fils incarné, qui crie en eux : « Abba, Père ! »

Saint Athanase poursuit son explication en disant qu’en tant qu’êtres créés, les hommes ne peuvent devenir fils de Dieu que par la foi et le baptême, lorsqu’ils reçoivent l’Esprit du véritable Fils de Dieu, le Fils de Dieu par nature (verus et naturalis Filius Dei). C’est précisément pour cette raison que le Verbe est devenu chair, afin de rendre les hommes capables d’adoption en tant que fils de Dieu et de participation à la nature divine. Par conséquent, par nature, Dieu n’est pas au sens propre le Père de tous les êtres humains. C’est seulement si une personne accepte consciemment le Christ et est baptisée qu’elle pourra crier en vérité : « Abba, Père ! » (Rm 8, 15 ; Ga 4, 6).

Depuis les débuts de l’Église, cette affirmation a existé, comme en témoignait Tertullien : « On ne naît pas chrétien, mais on devient chrétien. » (Ap 18, 5) Et saint Cyprien de Carthage a formulé cette vérité avec justesse, en affirmant : « Il ne peut pas avoir Dieu pour Père, celui qui n’a pas l’Église [Marie] pour mère. » (De unit., 6).

LA FOI CHRÉTIENNE SEULE RELIGION VOULUE PAR DIEU

La tâche la plus urgente de l’Église en notre temps est de se soucier du changement climatique spirituel et de la migration spirituelle, à savoir de ce que le climat de non-croyance en Jésus-Christ, le climat du rejet de la royauté du Christ, puissent être changés en climat de foi explicite en Jésus-Christ, en climat d’acceptation de sa royauté, et que les hommes puissent migrer depuis la misère de l’esclavage spirituel de l’incroyance vers le bonheur d’être fils de Dieu, et depuis une vie de péché vers l’état de grâce sanctifiante. Voilà les migrants dont il est urgent que nous prenions soin.

Le christianisme est la seule religion voulue par Dieu. Donc, il ne peut jamais être mis côte à côte avec les autres religions comme s’il en était complémentaire. Ceux-là violeraient la vérité de la révélation divine, telle qu’elle est affirmée sans équivoque dans le Premier commandement du Décalogue, qui affirmeraient que la diversité des religions est voulue par Dieu. [C’est pourtant ce qu’affirme la Déclaration d’Abou Dhabi.]

Selon la volonté du Christ, la foi en lui et en son enseignement divin doit remplacer les autres religions, cependant non pas par la force, mais par la persuasion aimante, tel que cela est exprimé dans l’hymne des laudes de la fête du Christ Roi : “ Non Ille regna cladibus, non vi metuque subdidit : alto levatus stipite, amore traxit omnia. ” (« Il assujettit les peuples ni par l’épée, ni par la force ni la peur, mais élevé sur la croix Il attire amoureusement toutes choses à Lui. »)

Il n’y a qu’un chemin vers Dieu, et c’est Jésus-Christ, car Lui-même a dit : « Je suis le chemin. » (Jn 14, 6) Il n’y a qu’une vérité, et c’est Jésus-Christ, car Lui-même a dit : « Je suis la vérité. » (Jn 14, 6). Il n’y a qu’une vraie vie surnaturelle de l’âme, et c’est Jésus-Christ, car Lui-même a dit : « Je suis la vie. » (Jn 14, 6)

Le Fils incarné de Dieu a enseigné qu’en dehors de la foi en Lui il ne peut y avoir de religion vraie et agréable à Dieu : « Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé. » (Jn 10, 9) Dieu a commandé à tous les hommes, sans exception, d’écouter son Fils : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-Le ! » (Mc 9, 7) Dieu n’a pas dit : « Vous pouvez écouter mon fils ou vous pouvez écouter d’autres fondateurs de religion, car c’est ma volonté qu’il y ait diverses religions. » Dieu nous a interdit de reconnaître la légitimité de la religion d’autres dieux : « Tu n’auras point d’autres dieux (étrangers) devant moi » (Ex 20, 3) et : « Ne portez pas un même joug avec les infidèles ; car quelle union y a-t-il entre la justice et l’iniquité ? ou quelle association entre la lumière et les ténèbres ? ou quel accord entre le Christ et Bélial ? ou quelle part entre le fidèle et l’infidèle ? quel rapport entre le temple de Dieu et les idoles ? » (2 Co 6, 14-16)

Si d’autres religions correspondaient de la même manière à la volonté de Dieu, il n’y aurait jamais eu la condamnation divine de la religion du Veau d’or au temps de Moïse (cf. Ex 32, 4-20) ; et s’il en était ainsi, les chrétiens d’aujourd’hui pourraient impunément cultiver la religion d’un nouveau Veau d’or, puisque toutes les religions sont, selon cette théorie, des chemins qui plaisent aussi à Dieu. Dieu a donné aux Apôtres, et à travers eux à l’Église, pour tous les temps, l’ordre solennel d’instruire toutes les nations et les croyants de toutes les religions dans l’unique Foi véritable, en leur apprenant à observer tous ses commandements divins et en les baptisant (cf. Mt 28, 19-20). Depuis les prédications des Apôtres et du premier pape, l’apôtre saint Pierre, l’Église a toujours proclamé qu’il n’y a de salut en aucun autre nom, c’est-à-dire, en aucune foi sous le ciel, par lequel les hommes doivent être sauvés, mais au Nom et dans la Foi en Jésus-Christ (cf. Actes 4, 12).

Avec les mots de saint Augustin l’Église a enseigné de tout temps (à propos de la religion chrétienne) : « Voilà cette religion qui nous ouvre la voie universelle de la délivrance de l’âme, voie unique, voie vraiment royale, par où on arrive à un royaume qui n’est pas chancelant comme ceux d’ici-bas, mais qui est appuyé sur le fondement inébranlable de l’éternité. » (La Cité de Dieu, 10, 32, 1).

Ces paroles du grand pape Léon XIII témoignent du même enseignement immuable du Magistère de tous les temps, lorsqu’il affirmait : « Mettre sur le pied de l’égalité toutes les formes religieuses (...) à lui seul, ce principe suffit à ruiner toutes les religions, et particulièrement la religion catholique, car, étant la seule véritable, elle ne peut, sans subir la dernière des injures et des injustices, tolérer que les autres religions lui soit égalées. » (encyclique Humanum genus n° 16).

À une époque récente, le Magistère a présenté en substance le même enseignement immuable dans le document Dominus Jesus (6 août, 2000), dont nous citons ces affirmations pertinentes :

« Cette distinction n’est pas toujours présente dans la réflexion actuelle, ce qui provoque souvent l’identification entre la foi théologale, qui est l’accueil de la vérité révélée par le Dieu Un et Trine, et la croyance dans les autres religions, qui est une expérience religieuse encore à la recherche de la vérité absolue, et encore privée de l’assentiment à Dieu qui se révèle. C’est là l’un des motifs qui tendent à réduire, voire même à annuler, les différences entre le christianisme et les autres religions. » (n° 7)

« Les solutions qui envisageraient une action salvifique de Dieu hors de l’unique médiation du Christ seraient contraires à la foi chrétienne et catholique. » (n° 14)

« On se propose souvent d’éviter en théologie des termes comme “ unicité ”, “ universalité ”, “ absolu ”, parce qu’ils donneraient l’impression d’une insistance excessive sur le sens et la valeur de l’événement salvifique de Jésus-Christ vis-à-vis des autres religions. Or, ce langage exprime en fin de compte la fidélité à la Révélation. » (n° 15)

« Il serait clairement contraire à la foi catholique de considérer l’Église comme un chemin de salut parmi d’autres. Les autres religions seraient complémentaires à l’Église, lui seraient même substantiellement équivalentes, bien que convergeant avec elle vers le Royaume eschatologique de Dieu. » (n° 21)

« Cette vérité de foi (...) exclut radicalement la mentalité indifférentiste “ imprégnée d’un relativisme religieux qui porte à considérer que toutes les religions se valent ” (Jean-Paul II, Lettre encyclique Redemptoris missio 36). ” » (n° 22)

On aurait épargné le martyre aux Apôtres et aux innombrables martyrs chrétiens de tous les temps, spécialement ceux des trois premiers siècles, s’ils avaient dit : « La religion païenne et son culte est un chemin qui correspond aussi à la volonté de Dieu. » Il n’y aurait pas eu par exemple de France chrétienne, pas de « Fille aînée de l’Église », si saint Remi avait dit à Clovis, roi des Francs : « Ne méprisez pas la religion païenne que vous avez adorée jusqu’à présent, et adorez désormais le Christ que vous avez persécuté jusqu’à maintenant. » Le saint évêque a en réalité parlé très différemment, même si c’est d’une manière assez rude : « Adore ce que tu as brûlé, et brûle ce que tu as adoré. »

La vraie fraternité universelle ne peut se réaliser qu’en Jésus-Christ, et précisément entre personnes baptisées. La pleine gloire de fils de Dieu ne sera atteinte que dans la vision béatifique de Dieu au Ciel, comme l’enseigne la Sainte Écriture : « Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu et que nous le soyons en effet. Si le monde ne nous connaît pas, c’est parce qu’il ne l’a pas connu. Bien-aimés, nous sommes dès maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que, lorsque ce sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est. » (1 Jn 3, 1-2)

Aucune autorité sur terre – pas même l’autorité suprême de l’Église – n’a le droit de dispenser les gens d’autres religions de la foi explicite en Jésus-Christ en tant que Fils incarné de Dieu et seul sauveur de l’humanité, et ce avec l’assurance que les différentes religions sont voulues en tant que telles par Dieu lui-même. Elles restent indélébiles – car écrites du doigt de Dieu et d’une clarté cristalline – les paroles du Fils de Dieu : « Celui qui croit en Lui n’est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il ne croit pas au nom du Fils unique de Dieu. » (Jn 3, 18). Cette vérité a valu jusqu’à maintenant pour toutes les générations chrétiennes, et elle restera valide jusqu’à la fin des temps, indépendamment du fait que certaines personnes dans l’Église en notre temps si capricieux, si lâches, si avides de sensationnel et conformistes, réinterprètent cette vérité dans un sens contraire à sa formulation évidente, présentant ainsi cette réinterprétation comme si elle constituait une continuité du développement de la doctrine.

En dehors de la foi chrétienne, aucune autre religion ne peut être un chemin vrai, voulu par Dieu, puisque la volonté explicite de Dieu est celle-ci : que tous croient en son Fils : « La volonté de mon Père qui m’a envoyé, c’est que quiconque voit le Fils, et croit en lui, ait la vie éternelle. » (Jn 6, 40) En dehors de la foi chrétienne, aucune autre religion n’est capable de transmettre la vraie vie surnaturelle : « Or la vie éternelle, c’est qu’ils vous connaissent, vous le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ. » (Jn 17, 3)

8 février 2019 Athanasius Schneider,
évêque auxiliaire de l’archidiocèse
de Sainte-Marie à Astana.

ADDENDA

À TRAVERS ce texte de notre “ nouvel Athanase ”, l’Église, l’Église sainte, notre Mère, l’Église catholique, apostolique et romaine de toujours accuse la nouveauté du pape François et sa corruptrice influence sur la foi, sur les mœurs et sur l’ordre du monde. Mais sans le dire, ce qui rend inopérante la Déclaration de notre “ Athanase ”.

L’abbé de Nantes, avant Mgr Schneider, a non seulement “ accusé ” explicitement Paul VI, Jean-Paul II, et l’auteur du CEC, mais il en a appelé au jugement, en ce litige apocalyptique, de la très Immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu : « Elle est descendue du Ciel, à de nombreuses et diverses reprises, écrit-il à l’adresse de Jean-Paul II, en ce vingtième siècle et toutes ses paroles, tous ses miracles, tous ses gestes et volontés vous sont contraires, ce qui déjà juge suffisamment de tout, dans l’attente d’une sentence infaillible de l’Église militante qui ne saurait certes y contrevenir. »

« Vous ignorez le grand signe qui nous est donné de Dieu, le signe apocalyptique de Fatima. »

Mais Mgr Schneider aussi ! « Et pourtant, comme dans l’Évangile, c’est par des miracles inouïs que Dieu manifeste sa volonté d’être cru et entendu. Jamais depuis le commencement du monde, on n’avait vu nulle part miracle si étonnant, signe si terrifiant que la chute du soleil ! Les pharisiens demandaient un signe dans le ciel, nous l’avons et les pharisiens de l’Église n’en font aucun cas ? “ Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles... Les puissances des cieux seront ébranlées. ” Mais vos théologiens modernistes ne croyant plus à la vérité littérale de l’Évangile, comment sauraient-ils lire “ les signes des temps ” qui le réalisent aujourd’hui ? Ce miracle inouï, prédit trois mois à l’avance, comme la preuve certaine et la garantie céleste de l’ensemble des apparitions et des paroles de la Vierge, est ponctuellement survenu le 13 octobre 1917 en plein midi et à la vue de quelque soixante-dix mille personnes. » (Liber accusationis secundus, p. 125)

Or, qu’est-ce que Fatima ?

« Fatima, c’est la religion de toujours faisant son instant reproche à l’Église du jour pour son infidélité, la menaçant de la guerre et de la domination de la Russie en châtiment de son impiété et de son immoralité. Fatima, c’est aussi le petit Secret de vingt lignes, capable, lui seul, d’effacer de l’histoire de l’Église les vingt ans d’apostasie que nous vivons. Quel que soit l’avenir immédiat, expansion mondiale du communisme, apostasie immanente de l’Église moderne, une chose est sûre : “ À la fin mon Cœur Immaculé triomphera, le Saint-Père me consacrera la Russie qui se convertira, et il sera donné au monde un certain temps de paix. ” » (p. 132) frère Bruno de Jésus-Marie.

COMMENTAIRE

À lui seul, le titre de la Déclaration de l’évêque Athanase contredit celle du pape François : en annonçant « l’adoption filiale en Jésus-Christ » comme un « don » gracieux de Dieu le Père de Notre-­Seigneur Jésus-Christ, il s’oppose à l’affirmation d’une « fraternité humaine » issue de la Création première de « tous les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité », par conséquent « appelés à coexister comme des frères entre eux », sans guerre entre les membres de la « fratrie », œuvre première du Dieu Créateur.

Selon la foi catholique d’Athanase, au contraire, « l’on ne peut réduire le fait d’être chrétien à l’ordre naturel, où les fruits de la rédemption acquise par Jésus-Christ seraient généralement imputés à chaque être humain comme une sorte d’héritage du seul fait que celui-ci partagerait la nature humaine avec le Verbe incarné ». Allusion à une théorie dont on croyait Jean-Paul II l’initiateur (Gaudium et Spes 22, 2), mais contre laquelle « dans son essai Le mystère des juifs et des gentils dans l’Église (Die Kirche aus Juden und Heiden) Erik Peterson, converti et exégète bien connu, a depuis longtemps – c’était en 1933 – mis en garde ».

Car « l’adoption filiale en Jésus-Christ n’est pas un résultat automatique qui serait garanti par l’appartenance à la race humaine ».

Par cette phrase, Mgr Schneider résume le dogme de notre foi : « L’adoption filiale en Jésus-Christ, vérité intrinsèquement surnaturelle, synthèse de toute la Révélation divine. »

Tandis qu’en prétendant agir « au nom de la “ fraternité humaine ” qui embrasse tous les hommes, les unit et les rend égaux », et non pas au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit selon notre foi catholique, le pape François renie ce « Frère aîné » qu’est Jésus-Christ en effaçant son Nom : « Je ne connais pas cet homme. » (Mc 14, 71)

Dès lors, le premier “ commandement ” de la « fraternité humaine » s’exprime « au nom de l’âme humaine innocente que Dieu a interdit de tuer » ; cette négation du péché originel a été signée de la plume du Pape ! Elle a pour conséquence la condamnation de toute mise à mort... y compris celle du Christ ! d’ailleurs niée par le Coran : « Ils ne l’ont pas tué. » (IV, 157) C’est donc un reniement du mystère de la Rédemption dont cette mort fut le prix.

Tandis qu’Athanase cite son saint patron, docteur de l’Église, évêque d’Alexandrie :

« Saint Athanase nous a laissé une explication à la fois simple et pertinente à propos de la différence entre l’état naturel des hommes en tant que créatures de Dieu et la gloire de celui qui est fils de Dieu en Jésus-Christ. » Ce changement « se produit lorsque, comme le dit l’Apôtre, les hommes reçoivent dans leur cœur ­l’Esprit du Fils incarné, qui crie en eux : “ Abba, Père ! ” » par le sacrement de baptême.

« Saint Athanase poursuit son explication en disant qu’en tant qu’êtres créés, les hommes ne peuvent devenir fils de Dieu que par la foi et le baptême. »

Et pourquoi donc ? Mgr Schneider ne fait pas état du péché originel explicitement. Mais la mention du “ baptême ”, qui est une mort au péché par l’union à la mort du Christ Jésus sur la Croix, suffit à sous-entendre toute la vérité du mystère.

En revanche, on constate l’omission de toute allusion au sacrement dans la Déclaration du pape ­François :

« Au nom de la justice et de la miséricorde, fondements de la prospérité et pivots de la foi »... biblique, d’Ancien Testament, et musulmane qui la plagie. “ Justice ” et “ miséricorde ” sont en effet les deux mots clefs du Coran.

« Au nom de toutes les personnes de bonne volonté, présentes dans toutes les régions de la terre »... la guerre est abolie en Orient et en Occident, pour laisser la place à « la culture du dialogue comme chemin », de la « collaboration commune comme conduite », de « la connaissance réciproque comme méthode et critère ».

C’est dire que ce Document doit ouvrir une ère nouvelle, et impose aux gouvernants, en commençant par le pape François lui-même, et en s’étendant « aux leaders du monde, aux artisans de la politique internationale et de l’économie mondiale, de s’engager sérieusement pour répandre la culture de la tolérance, de la coexistence et de la paix ; d’intervenir, dès que possible, pour arrêter l’effusion de sang innocent, et de mettre fin aux guerres, aux conflits, à la dégradation environnementale et au déclin culturel et moral que le monde vit actuellement ».

Tout cela sans le Christ ? sans foi ni baptême ? Oui ! Comparez avec la foi catholique de Mgr ­Schneider :

« Saint Athanase poursuit son explication en disant qu’en tant qu’êtres créés, les hommes ne peuvent devenir fils de Dieu que par la foi et le baptême, lorsqu’ils reçoivent l’Esprit du véritable Fils de Dieu, le Fils de Dieu par nature (verus et naturalis Filius Dei). C’est précisément pour cette raison que le Verbe est devenu chair, afin de rendre les hommes capables d’adoption en tant que fils de Dieu et de participation à la nature divine. Par conséquent, par nature, Dieu n’est pas au sens propre le Père de tous les êtres humains. C’est seulement si une personne accepte consciemment le Christ et est baptisée qu’elle pourra crier en vérité : “ Abba, Père ! ” (Rm 8, 15 ; Ga 4, 6). »

« Depuis les débuts de l’Église cette affirmation a existé, comme en témoignait Tertullien : “ On ne naît pas chrétien, mais on devient chrétien. ” (Ap 18, 5) Et saint Cyprien de Carthage a formulé cette vérité avec justesse, en affirmant : “ Il ne peut pas avoir Dieu pour Père, celui qui n’a pas l’Église pour mère. ” »

UNE SEULE ARCHE DE SALUT

Pour qui douterait encore que Mgr ­Schneider s’adresse au pape François, champion de la lutte contre le changement climatique et de l’accueil des migrants, voici les points sur les i :

« La tâche la plus urgente de l’Église en notre temps est de se soucier du changement climatique spirituel et de la migration spirituelle, à savoir de ce que le climat de non-croyance en Jésus-Christ, le climat du rejet de la royauté du Christ, puissent être changés en climat de foi explicite en Jésus-Christ, en climat d’acceptation de sa royauté, et que les hommes puissent migrer depuis la misère de l’esclavage spirituel de l’incroyance vers le bonheur d’être fils de Dieu, et depuis une vie de péché vers l’état de grâce sanctifiante. Voilà les migrants dont il est urgent que nous prenions soin. »

Tandis que le pape François, après avoir rendu hommage aux « progrès historiques, grands et appréciés » de « notre civilisation moderne », affiche le souci d’une « détérioration de l’éthique, qui conditionne l’agir international, et un affaiblissement des valeurs spirituelles ». Le Pape met en cause « l’extrémisme religieux et national, ainsi que l’intolérance », causes de tous les maux, « aussi bien en Occident qu’en Orient, ce que l’on pourrait appeler les signaux d’une “ troisième guerre mondiale par morceaux ”, signaux qui, en diverses parties du monde ont commencé et en diverses conditions tragiques, ont commencé à montrer leur visage cruel ; situations dont on ne connaît pas avec précision combien de victimes, de veuves et d’orphelins elles ont générés.

« En outre, il y a d’autres régions qui se préparent à devenir le théâtre de nouveaux conflits, où naissent des foyers de tension et s’accumulent des armes et des munitions, dans une situation mondiale dominée par l’incertitude, par la déception et par la peur de l’avenir, et contrôlée par des intérêts économiques aveugles. »

En fait, le pape François constate lui-même la situation mondiale que Notre-Dame de Fatima annonçait en 1917 à trois enfants du Portugal si l’on ne cessait pas d’offenser Dieu déjà « trop offensé ».

C’était le 13 juillet 1917, lors de la troisième apparition à la Cova da Iria, après avoir montré aux enfants « l’enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs », et annoncé le remède : « Pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé.

« Si l’on fait ce que je vais vous dire, beaucoup d’âmes se sauveront et l’on aura la paix.

« La guerre va finir. Mais si l’on ne cesse d’offenser Dieu, sous le règne de Pie XI, en commencera une autre pire. Quand vous verrez une nuit illuminée par une ­lumière inconnue, sachez que c’est le grand signe que Dieu vous donne qu’il va punir le monde de ses crimes, par le moyen de la guerre, de la famine et des persécutions contre l’Église et le Saint-Père.

« Pour empêcher cela, je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé et la Communion réparatrice des premiers samedis. »

Qui aurait pu penser, en 1917, au cœur de la guerre mondiale, qu’une telle puissance serait donnée au Cœur Immaculé de Marie ? Personne !

Ou plutôt un seul homme l’avait annoncé dès 1904, et cet homme était le pape saint Pie X, prophétisant et la guerre et le remède, dans son encyclique Ad diem illum du 2 février 1904, pour préparer la fête du 8 décembre qui marquerait, à la fin de l’année, le cinquantenaire de la définition du dogme de l’Immaculée Conception par saint Pie IX. Par cette encyclique, saint Pie X décrétait une année jubilaire.

Notre Père appelait saint Pie X le phare du ­vingtième siècle. Et dans sa bouche cette expression prenait toute sa forte signification, car ce docteur de l’Église a été la lumière qui a éclairé toute la vie et l’œuvre de cet autre docteur de l’Église que fut Georges de Nantes.

« Dans cette encyclique, nous disait notre Père dans son sermon du dimanche 8 décembre 1985, je retrouvais cette incomparable allégresse que donne la piété, cette piété simple, rustique, j’allais dire, de ce saint Pape, mais une piété pleine de vivacité, pleine de certitude, qui débouche dans un appel véhément à la conversion morale et puis qui va au-delà, jusqu’à jeter un regard plein d’espérance et même de certitude, dit-il, sur le renouveau de l’Église qui viendra et que déjà il pressent. Quelle magnificence !

« Dans cette encyclique, saint Pie X commence par donner la raison de son incomparable allégresse pour la communiquer à toute l’Église, au souvenir de ce 8 décembre 1854 où, dit-il, la Vierge Marie fut glorifiée par l’Église tout entière, unanime en ses évêques, ses prêtres, ses multitudes de peuples de toute race, de toute langue, de toute nation, tous unanimes pour fêter la Très Sainte Vierge dont le nom est “ Immaculée Conception ”. Dans une allégresse qui fut redoublée par les grands miracles, apparitions et prodiges de Lourdes quatre ans plus tard, le Ciel venant confirmer le dogme de l’Immaculée Conception. »

Il rappelle ensuite le premier concile du Vatican, en 1870, insigne bénédiction donnée à l’Église par l’intercession toute-puissante de la Sainte Vierge pour confirmer l’autorité infaillible du Pape. Saint Pie X jette une lumière sur ce privilège de l’Immaculée Conception en montrant que par lui Dieu l’a exemptée de toute tache « en prévision du Sang du Christ rédempteur », c’est-à-dire afin qu’Elle puisse lui donner un Sang de grand prix, infiniment Précieux, capable de nous purifier en comblant l’abîme que la faute creuse entre Dieu et nous.

Le pape Pie X nous invite par là à choisir notre camp, car il n’y a pas de milieu : ou la Sainte Vierge ou son adversaire, le Diable. En proclamant une année jubilaire, le Pape veut que l’Église tout entière fasse un immense effort de conversion par l’intercession de Marie, Médiatrice de toute grâce. Au seuil de ce siècle où il pressent l’avènement de ­l’Antichrist, il conclut que la victoire de la Vierge Marie est proche. Il achève cette encyclique en montrant la Vierge Marie comme un arc-en-ciel qui va apparaître en notre ciel, pour annoncer le renouveau de l’Église, et sa conquête de l’univers tout entier.

Trois ans après sa mort, en 1917, c’était le miracle de Fatima. Mais saint Pie X, lui, n’a pas eu de disciple sur le trône pontifical, sinon à la “ dernière place ”, tandis que les papes, de Pie XI à François, ses successeurs sur le trône pontifical, n’ont fait aucun cas des demandes de la Reine du Ciel.

Alors, on a eu la Deuxième Guerre mondiale, dont elle nous avait avertis le 13 juillet 1917 dans la deuxième partie du “ secret ”. Suivie de la même outrageante indifférence aux demandes de la Mère de Dieu. C’est pourquoi la troisième se déroule sous nos yeux, sous le signe de ce que le pape François appelle « les signaux d’une troisième guerre mondiale par morceaux », accomplissant très exactement les descriptions du “ troisième secret ” par sœur Lucie :

« Nous vîmes à gauche de Notre-Dame, un peu plus haut, un Ange avec une épée de feu à la main gauche ; elle scintillait, émettait des flammes qui paraissaient devoir incendier le monde ; mais elles s’éteignaient au contact de l’éclat que, de sa main droite, Notre-Dame faisait jaillir vers lui. »

« AU FEU, AU FEU, AU FEU ! »

L’ « épée de feu » de l’Ange est entrée en action au Moyen-Orient, à partir de la constitution de l’État d’Israël en 1947, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Celle-ci, commencée « sous le règne de Pie XI », comme l’avait annoncée le 13 juillet 1917 Notre-Dame de Fatima, en châtiment du refus opposé par Pie XI aux demandes de consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie, ne mit donc pas fin aux progrès des « erreurs de la Russie » dans le monde. Au contraire ! L’instauration de la République populaire de Chine par Mao Tse Toung en 1949 agrandit immensément leur empire sur le monde.

De nouveau, en 1967, pour le cinquantenaire des apparitions, le “ pèlerinage ” de Paul VI à Fatima fit naître un espoir auquel succéda une déception sans remède : loin de consacrer la Russie au Cœur Immaculé pour obtenir la paix, le Pape déclara que « la paix est possible parce que les hommes, au fond, sont bons » (Message de la première Journée de la paix, janvier 1968, CRC n° 4, p. 2).

La réponse ne vint donc pas du Ciel qui n’avait pas réussi à se faire entendre, sœur Lucie ayant demandé en vain à parler au Pape le 13 mai 1967. Du moins lui avait-elle remis « un parchemin, joliment enluminé, avec la demande d’intensifier la pratique du Rosaire pour la paix.

« Mais il n’est plus question de Rosaire pour la paix. Le 15 mai 1967, lendemain de la Pentecôte chrétienne, l’état d’urgence est proclamé au Caire, les blindés égyptiens montent aux frontières. Quand le cryptocommuniste U’ Thant retire les Casques bleus et que Nasser ferme le golfe d’Akaba, la guerre est inévitable. La manœuvre communiste s’appuie sur le fanatisme musulman. C’est le djihad, la Guerre sainte, dont le nom seul suffit à coaliser les peuples arabes. Il est question d’anéantir l’État juif...

« Le 5 juin au matin, pour briser l’étau, l’armée israélienne attaque en force et mène une guerre-éclair qui, en six jours, conduit ses avant-gardes au canal de Suez et à la pointe Sud du désert du Sinaï, à Jéricho et le long du Jourdain, au Nord jusqu’aux faubourgs de Damas. La Cité de Jérusalem, l’antique Sion, est tombée. Le jour de la Pentecôte juive, le 15 juin, se lève sur une Terre reconquise et un peuple dont l’orgueil est au paroxysme après l’angoisse du péril, la fièvre des combats et l’incroyable victoire. L’aumônier général de l’armée, le grand rabbin Goren, plante le drapeau israélien au cœur du Sinaï, au lieu même où Moïse donna au Peuple Élu les Tables de la Loi. Le 13 juin, au Mur des Lamentations, il avait sonné de la corne de bélier, du “ chofar ”, l’instrument sacré qui doit annoncer l’avènement des Temps messianiques. “ C’est la première fois depuis deux mille ans que nous faisons ce pèlerinage ”, disent les Israélites descendus devant ce Mur, dernier vestige du Second Temple que reconstruisit Hérode et que Titus incendia en 70, selon la prophétie de Jésus-Christ. “ Les Israéliens croient rêver, et beaucoup se demandent le plus sérieusement du monde si l’ère messianique n’est pas arrivée. Nous avons entendu des Israéliens très éloignés de la religion évoquer le dieu des armées en parlant de la guerre qu’ils venaient de gagner. Pour d’autres, l’accomplissement tellement inattendu de tant de prophéties n’en laisse plus qu’une seule en attente : l’apparition du Messie. Et l’on décèle difficilement le ton de la plaisanterie dans l’expression de ceux qui avancent une telle hypothèse. ” » (Georges de Nantes, Lettre à mes amis n° 249, du 13 juillet 1967).

L’abbé de Nantes s’interroge : « L’heure des juifs a-t-elle sonné au cadran de l’histoire ? À entendre les chrétiens, il semble que oui ! et nombre de ceux-ci s’apprêtent à entrer dans l’œcuménisme d’une Synagogue restaurée. Si l’islam accepte également cette réconciliation, voici la Paix messianique. Elle va rayonner de la Jérusalem juive, Ville sainte universelle. Le Concile a d’ailleurs prophétisé que le jour viendrait où “ tous les peuples serviraient le Seigneur sous un même joug ”, selon le prophète juif Sophonie (Déclaration Nostra Ætate, n° 4). »

Se détournant de ce fol optimisme, notre Père constatait : « Au lendemain de ce 13 mai où Paul VI crut recevoir du Ciel l’assurance que « la paix était une fin réalisable », elle cessait de l’être. De périphérique et local au Vietnam, le conflit devenait au Moyen-Orient central, vital, idéologique.

« Israël va porter maintenant sa facile victoire comme un pesant fardeau. L’allumette arabe ou israélienne, qui mettra le feu à la poudrière mondiale, n’est entre les mains de personne et peut flamber demain. Il peut venir à Israël l’envie d’une promenade militaire jusqu’à Damas et jusqu’au Caire. »

Prospective d’une étonnante lucidité qui s’est vérifiée depuis cinquante ans à maintes reprises, jusqu’aujourd’hui. Ce n’est pas une “ envie ”, mais une nécessité, du moins le croit-on à Tel-Aviv, pour chasser l’Iran, l’ennemi mortel, allié de Bachar-el-Assad. Ainsi s’accomplit ce qu’annonçait l’abbé de Nantes, notre Père :

« Israël va porter maintenant sa facile victoire comme un pesant fardeau. Le temps travaille désormais pour le camp arabe. »

Or, « Israël n’hésitera pas, attaquant ou attaqué, à entraîner le monde dans sa guerre... Israël en péril ne capitulera pas. Ce peuple résolu entraînera plutôt l’Occident dans sa perte. Nous referons la guerre “ pour les juifs ”. Je n’hésite pas à dire que ce sera pour être demeurés aveugles, endurcis, aux véritables “ signes des temps ” que nous donnait à comprendre notre foi chrétienne. Mais l’apostasie des gens d’Église aura fait son œuvre suicidaire. »

Notre Père anticipe avec cinquante ans d’avance sur Abou Dhabi en soulignant « comme paraît insensé l’appel à la “ fraternité universelle ”, dès lors qu’il ne s’adresse plus à des chrétiens mais à des juifs et des arabes ».

MARIE, MÉDIATRICE UNIVERSELLE

Il n’y a d’universelle paix que par la médiation de Marie Auxiliatrice, en vertu de la promesse faite à Lucie, François et Jacinthe le 13 juillet 1917 :

« À la fin, mon Cœur Immaculé triomphera. Le Saint-Père me consacrera la Russie qui se convertira, et il sera donné au monde un certain temps de paix. »

Hors de là, c’est la guerre.

Aujourd’hui, le président des États-Unis, Donald Trump, annonce qu’il va quitter la Syrie alors que le Pentagone continue d’y envoyer des hommes et du matériel. Comment comprendre ?

Ce qui reste de forces à l’État islamique ne tient plus qu’à un territoire de quelques kilomètres carrés près de la frontière de l’Irak, au nord de l’Euphrate. Et pourtant, au cours des deux derniers mois qui ont suivi l’annonce de son retrait par le président Trump, l’armée américaine n’a cessé d’augmenter ses effectifs et ses approvisionnements dans la région en armes et en nouveaux équipements : missiles antichars, mitrailleuses lourdes... Dans quel but ? Nul ne le sait. Trump lui-même ne semble pas le savoir puisqu’il continue à affirmer qu’il n’y a plus que deux mille soldats américains en Syrie !

Mais lorsque, le samedi 2 février, une attaque américaine a pris pour cible une position de l’artillerie syrienne dans le village de Sokkariyeh à l’ouest de la ville frontalière al-Bukamal, nous comprenons que le Pentagone continue à faire la guerre... à Bachar al-Assad pour le renverser.

L’attaque a détruit l’artillerie et blessé deux soldats. En revanche, conjointement avec l’agression américaine, les terroristes djihadistes ont attaqué des postes militaires dans la région, et les unités de l’armée syrienne ont repoussé l’attaque et tué ou blessé la plupart des terroristes.

Il est clair que les États-Unis laissent intentionnellement certains djihadistes s’échapper pour affaiblir le gouvernement syrien.

Les Américains persévèrent donc dans leur ingérence pour empêcher le gouvernement syrien de reprendre le contrôle de ses terres reconquises, de vaincre les cellules dormantes de djihadistes qui existent encore, de s’occuper des prisonniers que les Kurdes ont capturés et de tenir la Turquie à distance.

Mais l’ “ État profond ” de la politique étrangère américaine n’est toujours pas disposé à lâcher prise, pour une raison clairement avouée par Donald Trump dans une interview, dimanche 3 février : “ Nous devons protéger Israël ”. C’est la raison pour laquelle le président américain affirmait dans la même interview vouloir « garder » la base militaire d’Aïn al-Assad en Irak, à l’ouest de Bagdad, pour « surveiller l’Iran » voisin, terreur d’Israël, donc bête noire des États-Unis. Ainsi, a-t-il dit, « si quelqu’un cherche à faire des armes nucléaires, nous allons le savoir, avant qu’il le fasse ».

Ces propos ont déclenché la colère de nombreux responsables irakiens (Le Figaro du 5 février). Le président de la République Barham Saleh, qui entretient des relations anciennes avec l’administration américaine, lui a répondu le lendemain, lundi, que « la Constitution irakienne rejette toute utilisation de l’Irak comme base pour frapper ou agresser un pays voisin. Les forces américaines sont présentes en vertu de la loi et dans le cadre d’accords entre les deux pays, toute action hors de ce cadre est inacceptable. »

Le président Barham Saleh, élu en novembre 2018, est issu d’un parti kurde qui entretient des relations cordiales avec l’Iran.

Tandis que les Kurdes exigent une autonomie que Damas rejette, ils devront bientôt choisir entre accepter les conditions de Damas ou se faire massacrer par une force d’invasion turque.

La voie de la sagesse vient de la Russie, une fois de plus, en s’employant à rétablir le mémorandum d’Adana conclu entre la Turquie et la Syrie en 1998. La Syrie promettait d’empêcher toutes les attaques kurdes syriennes contre la Turquie, tandis que la Turquie s’abstenait de tout engagement antikurde sur le sol syrien.

L’obstacle nouveau est aujourd’hui le territoire conquis sur la Syrie par la Turquie.

L’EUROPE

Vue du Canada, l’Europe est en guerre avec Bruxelles, son centre nerveux ! Selon Bruxelles, la fusion des géants français et allemand du chemin de fer, Alstom et Siemens, pourtant souhaitée par les deux pays, enfreint les règles de la communauté européenne : « C’est ainsi que Bruxelles vient d’immoler sur l’autel du sacro-saint marché libre la possibilité de créer un géant européen du chemin de fer, et cela, alors même que le mastodonte chinois CRCC est déjà numéro un mondial. » (Christian Rioux, Le Devoir du 8 février 2019)

Citant l’ouvrage de l’économiste Ashoka Mody, Eurotragedy (Oxford University Press), ancien du FMI et de la Banque mondiale, Rioux affirme « qu’en passant du Marché commun à la monnaie unique, le continent a fabriqué son propre déclin : dans ces six cents pages, l’économiste de Princeton raconte une tragédie qui, depuis vingt ans, mène l’Europe de déboire en déboire. Selon lui, non seulement la monnaie unique fut une erreur magistrale, mais depuis, l’Europe s’est enfermée dans une véritable “ bulle cognitive ” qui ne fait qu’aggraver son erreur et la rend sourde à ce que disent les peuples et la réalité économique. » En vertu de laquelle « l’euro permet aujourd’hui à Berlin de dicter ses réformes économiques à la France ».

Car « l’euro fut d’abord et avant tout un choix idéologique défiant toutes les lois de l’économie et de la géopolitique. Dans un monde de taux flottants, les pays européens se privaient de cette souveraineté monétaire qui agit comme un “ pare-chocs ”. Les dévaluations permettent aux plus faibles de reprendre leur souffle, contrairement à ce que croyaient Pompidou et Giscard d’Estaing, qui y voyaient un objet de honte. »

L’économiste Mody note que les électeurs qui avaient voté en France contre le traité de Maastricht (1992) ressemblent étrangement à ces gilets jaunes qui ont réellement occupé les ronds-points. C’est de cette époque, dit-il, que date le début de la rébellion d’une partie de la population contre l’Europe. « Au lieu d’entendre la voix du peuple et de colmater la fracture, les responsables européens ont décidé de l’ignorer. » Mais la question monétaire n’est pas seule en cause. Maurras, l’incroyant, l’avait bien vu aux seules lumières de l’expérience et de l’histoire : “ l’Église est la seule internationale qui tienne ”.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a lancé sa campagne européenne pour les élections de mai sous le signe de la défense de “ Notre héritage chrétien ”. L’éditorialiste de La Croix, sous le titre : “ Une religion emmurée ” grince des dents : « On peut être chrétien et ressentir un profond malaise en voyant le Premier ministre hongrois se poser en défenseur des “ nations chrétiennes ” contre “ l’internationale ” dont “ la nouvelle citadelle ” s’appelle Bruxelles et son outil est “ l’immigration ”, financée par le milliardaire américain George Soros et le Néerlandais Frans Timmerman, tête de liste des socialistes.

« Autrement dit, la foi chrétienne se trouve ici instrumentalisée dans une version contemporaine du maurrassisme », horreur ! Et même du pétainisme, avec son « plan d’action en sept points sur la protection de la famille pour éviter aux Hongrois de devenir “ un nuage de poussière sur la grande route des peuples ” ».

Avec ou sans “ instrumentalisation ”, comment défendre “ notre héritage chrétien ” sans la foi ? Maurras lui-même n’y a pas réussi. Et comment garder la foi si Rome l’a perdue, comme le montre à l’évidence la Déclaration d’Abou Dhabi signée par notre Saint-Père le Pape ?

ROME

« La crédibilité de l’Église et du Pape est arrivée à un état apocalyptique. » (Propos de François Devaux recueilli par Jean-Marie Guénois à Rome, le jeudi 21 février, jour d’ouverture du “ sommet contre la pédophilie ”, Le Figaro du jeudi 21 février 2019.)

En effet, ce même jour d’ouverture de ce synode paraît un pamphlet contre l’Église, intitulé SODOMA, en huit langues et vingt pays. L’auteur, Frédéric Martel, présenté par la presse avec les titres de “ sociologue ”, de “ chercheur ”, d’ “ historien ”, a acquis une certaine célébrité par son dernier essai, traduit en plusieurs langues, Global gay, dédié à la marche triomphale du mouvement gay dans le monde entier.

Le but de ce militant bien connu est la “ normalisation ” de l’homosexualité. Il a produit de nombreux articles pour promouvoir le pseudo – “ mariage ” homosexuel en France, jusqu’à sa légalisation complète le 18 mai 2013.

Je voulais réagir comme notre Père en 1983, au cours d’une conférence d’Actualités du 17 mars 1983, à la Mutualité. Je cite :

« Je vous ai dit que je vous parlerai du livre de Roger Peyrefitte, La soutane rouge, dès qu’il serait paru, si j’en avais connaissance. Évidemment, ­Peyrefitte me l’a tout de suite envoyé. Alors je regrette, je ne sais pas du tout comment vous en parler. Pour la bonne raison que je ne veux pas que vous le lisiez. C’est un livre qui est mêlé d’horreurs... luxure, mêlée de sacrilège... Enfin, c’est vraiment offensant de lire un livre pareil. C’est véritablement se prêter à l’entreprise satanique de démolition de l’Église. » Donc, je ne lirai pas SODOMA ni vous non plus. Comme au temps de l’Inquisition. Au feu !

Cela dit, il y a certainement beaucoup de vrai dans les “ révélations ” de ce bouquin, et beaucoup de mensonges. Mais ce qui est sûr, c’est que certains faits avérés contribuent à “ décrédibiliser ” l’Église et le Pape, comme dit Jean-Marie Guénois. Car le pape François fut bien informé par Mgr Maria Vigano des antécédents du maléfique cardinal McCarrick, prédateur rôdant comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer : séminaristes et jeunes prêtres. Le pape ­François n’en releva pas moins ce cardinal des restrictions que Benoît XVI lui avait imposées et le prit comme conseiller pour les nominations aux États-Unis et comme son envoyé personnel en Amérique du Nord, en Chine, en Arménie, à Cuba, en Iran.

Aujourd’hui, Mgr Vigano ayant dit la pure et simple vérité en affirmant que Jorge Maria ­Bergoglio était au courant depuis longtemps, le Pape s’est mis en colère. Ce qui n’a fait que confirmer la vérité des propos de Vigano et le Pape fait maintenant, bien tardivement et à contrecœur, preuve de fermeté contre le mauvais cardinal, sans pour autant condamner l’homosexualité, mais en détournant l’attention du public vers les seuls crimes de pédophilie et d’abus de pouvoir.

Le public n’est pas dupe. Dans son discours de clôture, dimanche 24 février, « qui a pu décevoir ceux qui attendaient des mesures concrètes » (La Croix, du 25 février), le Pape a, certes, clairement réaffirmé sa volonté de « protéger les petits des loups avides », mais il n’a prononcé aucune condamnation de l’homosexualité. C’est incroyable, mais c’est un fait !

Comment s’en étonner ? Avec le décret de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements daté du 25 janvier, fête de la Conversion de saint Paul, le pape François a établi que la mémoire de “ saint Paul VI ” soit insérée dans le Calendrier général romain, compte tenu de l’importance universelle de son action et de l’exemple de sa sainteté donnée au peuple de Dieu. La Congrégation du culte divin et de la discipline des sacrements, dont le préfet est le cardinal Sarah, a ajouté à la liturgie des Heures du commun des pasteurs, pour le Pape, un extrait « des homélies de saint Paul VI, pape », destiné à « l’office de la lecture » (ad officium lectionis) :

« Il faut connaître l’homme pour connaître Dieu. »

« L’Église du Concile, il est vrai, ne s’est pas contentée de réfléchir sur sa propre nature et sur les rapports qui l’unissent à Dieu : elle s’est aussi beaucoup occupée de l’homme, de l’homme tel qu’en réalité il se présente à notre époque : l’homme vivant, l’homme tout entier occupé de soi, l’homme qui se fait non seulement le centre de tout ce qui l’intéresse, mais qui ose se prétendre le principe et la raison dernière de toute réalité. Tout l’homme phénoménal, comme on dit de nos jours, c’est-à-dire avec le revêtement de ses innombrables apparences, s’est comme dressé devant l’Assemblée des Pères conciliaires, des hommes eux aussi, tous pasteurs et frères, attentifs donc et aimants : l’homme tragique victime de ses propres drames, l’homme qui, hier et aujourd’hui, cherche à se mettre au-dessus des autres, et qui, à cause de cela, est toujours fragile et faux, égoïste et féroce ; puis l’homme insatisfait de soi, qui rit et qui pleure ; l’homme versatile, prêt à jouer n’importe quel rôle, et l’homme raide, qui ne croit qu’à la seule réalité scientifique ; l’homme tel qu’il est, qui pense, qui aime, qui travaille, qui attend toujours quelque chose, “ l’enfant qui grandit ” (Gn 49, 22)... »

« Joseph est un plant fécond, près de la source, dont les tiges franchissent le mur » : que vient faire ici cette référence à cette figure de la prospérité et de l’accroissement de la maison de Joseph, fils de Jacob et objet de ses bénédictions ? Alors que l’on parle de l’homme moderne émancipé de la révélation divine !

« ... et l’homme qu’on doit considérer avec une certaine vénération à cause de l’innocence de son enfance, le mystère de sa pauvreté et sa douleur pitoyable ; l’homme individualiste et l’homme social ; l’homme, “ qui loue le temps passé ” et l’homme qui rêve à l’avenir ; l’homme pécheur et l’homme saint ; et ainsi de suite.

« L’humanisme laïque et profane enfin est apparu dans sa terrible stature et a, en un certain sens, défié le Concile. La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu. Qu’est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver ; mais cela n’a pas eu lieu. La vieille histoire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes pour les hommes l’a envahi tout entier. La découverte et l’étude des besoins humains (et ils sont d’autant plus grands que le fils de la terre se fait plus grand), a absorbé l’attention de notre Synode. Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous, humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme. » (7 décembre 1965)

ANATHÈME !

L’abbé de Nantes, notre Père, a écrit « à notre Saint-Père le pape Paul VI, par la grâce de Dieu et la loi de l’Église juge souverain de tous les fidèles du Christ », une « plainte pour hérésie, schisme et scandale au sujet de notre frère dans la foi, le pape Paul VI ». En citant le passage du discours de clôture du Concile que nous venons de transcrire, il insiste :

« Oui, oui, Très Saint Père, c’est Vous qui avez prononcé devant toute l’Assemblée conciliaire, dans la journée historique du 7 décembre 1965, ce Discours dont il est certain qu’il n’y en a jamais eu de tel dans les annales de l’Église et qu’il n’y en aura jamais, ce Discours qui culmine dans la proclamation, à la face du monde et à la Face de Dieu, du culte de l’Homme :

« On mesure ici le glissement forcé de votre hétéropraxie à l’hétérodoxie pleine et entière, je ne dis même plus de l’hérésie, mais de l’apostasie. Dans votre bonté, apostolique ! à l’encontre des conseils de prudence et des enseignements infaillibles de tous vos prédécesseurs, vous voulez être le Samaritain évangélique, affectueusement penché sur tout homme, son frère... Et voilà que ce sentiment d’amour immodéré vous conduit à vous réconcilier avec le Goliath du Monde moderne, à Vous agenouiller devant l’Ennemi de Dieu qui vous défie et vous hait. Au lieu de prendre courage et de lutter, comme David, contre l’Adversaire, vous vous déclarez plein d’amour pour lui, vous l’adulez et vous allez bientôt vous ranger à son service exclusif ! Votre charité se fait culte et service de l’Ennemi de Dieu et, pour le flatter, vous allez jusqu’à rivaliser avec lui dans son erreur, dans son blasphème même.

« Vous pactisez avec l’homme qui se fait Dieu ! Vous prétendez les dépasser tous, ces humanistes athées de notre temps, fous d’orgueil, en fait de culte de l’homme. Tenez, relisez cet Hymne à la gloire de l’homme que vous entonniez à l’occasion d’un voyage de la terre à la lune, plagiat blasphématoire de l’Hymne au christ roi des siècles :

“ Honneur à l’Homme ;

“ Honneur à la pensée ; honneur à la science ;

“ Honneur à la technique ; honneur au travail ;

 Honneur à la hardiesse humaine ;

“ Honneur à la synthèse de l’activité scientifique et du sens de l’organisation de l’homme qui, à la différence des autres animaux, sait donner à son esprit et à son habileté manuelle des instruments de conquêtes ;

“ Honneur à l’homme roi de la terre et aujourd’hui prince du ciel.

“ Honneur à l’être vivant que nous sommes, dans lequel se reflète l’image de Dieu et qui, en dominant les choses, obéit à l’ordre biblique croissez et dominez. ”

« Dans une autre occasion, en 1969, vous disiez pareillement : “ L’homme est à la fois géant et divin, mais dans son principe et dans son destin. Honneur donc à l’homme, honneur à sa dignité, à son esprit, à sa vie. ” » (Liber accusationis, t. I, 1973, p. 19-20)

Il résulte de cette exaltation de « l’homme à la fois géant et divin » un effacement du Dieu fait homme devant l’homme qui se fait Dieu.

« Sans doute est-il question de Dieu et même, en passant, du Christ Fils de Dieu fait homme, dans ce Discours formidable du 7 décembre 1965. Mais il n’est pas question de la Croix du Christ, du don de l’Esprit-Saint, de la grâce baptismale, de tout le mystère de foi qui est le trésor de Vérité, de Vie, de Vertu de l’Unique Église catholique.

« L’homme est le terme... “ le premier terme dans la montée vers le terme suprême et transcendant, vers le principe et la cause de tout amour. ” Le visage de l’homme vous révèle le visage du Christ, dites-vous en citant, bien à tort certes, Matthieu 25, 40... et donc, en celui-ci, le visage du Père Céleste. Ainsi vous voyez Dieu en l’homme. Et vous exultez “ Notre humanisme devient christianisme, et notre christianisme se fait théocentrique, si bien que nous pouvons également affirmer : pour connaître Dieu il faut connaître l’homme. ”

« Mais, Très Saint Père, sauf votre respect, c’est de l’idolâtrie. » (ibid., p. 20)

L’IDOLÂTRIE.

« Et je vous demande n’avez-vous pas succombé à la troisième tentation, celle du Pacte avec Satan, celle à laquelle Jésus répondit par cette parole qui condamne tous vos propos : “ Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, c’est à Lui seul que tu rendras un culte ” ? La traduction n’est pas suspecte, elle est de la Bible de Jérusalem. Jésus refuse, même dans le but avantageux de se voir soumis tous les royaumes de la terre, de rendre à quiconque un culte qui n’appartient qu’à Dieu seul. Et Vous, pour gagner le monde, pour le disposer sans doute à la conversion nécessaire, Vous osez proclamer, au nom de l’Église et en présence du plus grand Concile de tous les temps, votre sympathie pour l’homme qui se fait Dieu et votre culte de l’Homme ?

Comparez ce Discours à celui que tenait saint Pie X dans sa première encyclique, dans laquelle il pressentait cette apostasie :

« Qui pèse ces choses a le droit de craindre qu’une telle perversion des esprits ne soit le commencement des maux annoncés pour la fin des temps et comme leur prise de contact avec la terre, et que véritablement le Fils de Perdition dont parle l’Apôtre n’ait déjà fait son avènement parmi nous. Si grande est l’audace et si grande la rage avec lesquelles on se rue partout à l’attaque de la religion, on bat en brèche les dogmes de la foi, on tend d’un effort obstiné à anéantir tout rapport de l’homme avec la divinité ! En revanche, et c’est là, au dire du même Apôtre, le caractère propre de l’Antéchrist, l’homme, avec une témérité sans nom, a usurpé la place du Créateur, en s’élevant au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu. C’est à tel point que, impuissant à éteindre complètement en soi la notion de Dieu, il secoue cependant le joug de sa majesté et se dédie à lui-même le monde visible en guise de temple, où il prétend recevoir les adorations de ses semblables...

« Et c’est pourquoi le but vers lequel doivent converger tous nos efforts, c’est de ramener le genre humain à l’emprise du Christ. Toutefois, pour que le résultat réponde à nos espérances, il faut par tous les moyens et au prix de tous les efforts, déraciner entièrement cette monstrueuse et détestable iniquité propre au temps où nous vivons et par laquelle l’homme se substitue à Dieu. » (E supremi apostolatus, 4 octobre 1903, citée in CRC n° 1, p. 1, octobre 1967)

« C’est une tout autre doctrine, de tous autres sentiments, une tout autre inspiration, bref un autre Esprit, n’est-ce pas ? Saint Pie X, que vous n’aimez pas, que vous omettez de citer même quand ce serait pour Vous une obligation, une nécessité, saint Pie X prêche le Christ selon la plénitude de la foi et de la loi catholiques. Il refuse la tentation de Satan et engage courageusement le combat contre lui... Et Vous, Très Saint Père ? Votre libéralisme s’est fait de pastoral doctrinal, de pratique théorique, était-ce délibéré ? était-ce prémédité ? Il y avait déjà de votre part témérité immense à enfreindre toutes les condamnations de vos Prédécesseurs pour adopter un comportement libéral, fût-ce sous les meilleures intentions apostoliques. Mais pris dans l’engrenage, entraîné de la deuxième tentation, qui consiste à tenter Dieu par l’extravagance, à la troisième qui abandonne Dieu pour suivre Satan, Vous êtes tombé dans le culte de l’Homme qui se substitue à Dieu, culte luciférien auquel se reconnaît l’Antéchrist.

« Vous avez proclamé ce nouveau Credo le 7 décembre 1965 en présence de tous les évêques du monde, inattentifs, complices, envoûtés, je ne sais. Mais la Sainte Église ne peut, ne pourra jamais souscrire à de tels propos. De ce jour, il est certain que vous deviez être retranché de l’Église du Christ pour aller à l’Église qui est la Vôtre, la Contre-Église, la Synagogue de Satan où l’homme se fait dieu. Vous êtes encore, par l’inertie, par la lâcheté des hommes, sur le Siège de Pierre, dans les fonctions de Juge Suprême de l’Église. Notre Accusation capitale porte sur votre libéralisme et votre culte de l’Homme qu’elle déclare blasphématoires, hérétiques, schismatiques et, pour tout dire, apostats. La décision vous appartient. Vous êtes toujours le Vicaire de Jésus-Christ sur la terre. Jugez Vous-même et, si j’ai menti, retranchez-moi. Vous savez que je ne mens pas. Si j’ai dit la Vérité, retranchez-Vous de cette Communauté sainte que Vous avez trahie ! » (p. 21)

Hélas ! Loin de s’en retrancher, le voilà qui monte sur les autels ! Et, sans jugement de son « culte de l’Homme », le voilà promu sur les autels en guise de jugement, de sentence finale du procès ouvert par les objections de l’abbé de Nantes.

Alors, nous adressons, nous disciples de l’abbé de Nantes, au pape François, successeur du pape Paul, l’exhortation par laquelle notre Père adressait sa plainte :

« REVIENS ET CONFIRME TES FRÈRES ! »

« Très Saint Père,

« Je Vous demande en grâce d’accepter l’expression de ma compassion et l’exhortation que j’ose Vous adresser, prosterné à Vos pieds, d’avoir pitié de votre âme, d’avoir souci de l’Église Sainte et de songer à l’Honneur de Dieu.

« TRÈS SAINT PÈRE, AYEZ PITIÉ DE VOTRE ÂME ! »

« Je n’ai pu comme habiter votre esprit jour et nuit pendant tout ce temps, inventorier vos pensées, sonder vos sentiments et vos intentions, recenser vos décisions, sans constater l’immense ravage opéré en Vous par les doctrines nouvelles de l’hérésie. Je Vous ai vu seul, dressé contre tous vos Prédécesseurs, retranché de l’Église nonobstant l’illusoire unanimité des applaudissements mondains qui se font sur votre passage, en rupture avec tous les saints et les multitudes des fidèles de notre grand passé catholique.

« J’ai dû mesurer la profondeur, la largeur, la hauteur de ce grand dessein qui s’oppose en Vous diamétralement à la foi de l’Église. Je le comparais spontanément à celui de Votre Prédécesseur, saint Pie X : “ Le triomphe de Dieu sur les individus et la société entière, n’est pas autre chose que le retour des égarés à Dieu par le Christ et au Christ par son Église : tel est notre programme. ” (Communium Rerum, 21 avril 1909) Le Vôtre est, à l’opposé, de conduire l’Église catholique à un néo-christianisme plus large et indistinct, faire sombrer ce christianisme dans un œcuménisme universel dont la Charte sera la foi en l’Homme, le culte de l’Homme qui se fait Dieu, pour enfin mettre cet humanisme déiste au service des constructeurs de la Tour de Babel moderne. Comment Rome se ferait-elle la Grande Babylone, la prostituée de l’Apocalypse !

« La découverte de cette profonde altération de votre esprit m’a épouvanté. Je me suis demandé quelle puissance maudite avait influence sur Vous et j’ai craint pour votre salut éternel. J’ose l’écrire, Très Saint Père, moi qui suis misérable pécheur parmi les pécheurs, j’éprouve un grand tourment pour Vous à la pensée du Jugement de Dieu, si proche, inexorable, et je Vous supplie : Ayez pitié de votre âme.

« Je le fais avec l’espérance d’être entendu. Car en d’autres discours et en d’autres moments que ceux pour lesquels je Vous accuse, Vous avez fait paraître l’angoisse de votre insuffisance et de votre indignité. Et je ne puis oublier l’étrange confidence que Vous fîtes aux pèlerins du mercredi 12 avril 1967 :

« “ Voici le phénomène étrange qui se produit en Nous : en voulant vous réconforter, se communique en Nous, en un certain sens, le sentiment de votre danger, auquel Nous voudrions porter remède. Et, conscient de Notre insuffisance, Nous pensons aux faiblesses de Simon, fils de Jean, appelé à devenir Pierre par la volonté du Christ..., le doute..., la crainte..., la tentation de plier sa foi à la mentalité moderne... l’enthousiasme irréfléchi. ” Souvent une certaine détresse se manifeste dans vos paroles qui ne peut qu’exciter notre ardeur à prier pour Votre Sainteté et... l’encourager à briser avec ce qui l’entraîne, pour renouer avec le Christ et... “ confirmer ses frères ” !

« Vous rappeliez, le mercredi des Cendres dernier, les fins dernières de l’homme : “ La vie éternelle... ou la damnation éternelle ” ; et aussitôt Vous marquiez le caractère terrifiant d’une telle issue. “ Il y a de quoi frémir ”, disiez-Vous. Oui, cette pensée a de quoi faire frémir ceux qui luttent contre Dieu. Cette pensée est assurément terrifiante. Terrifiante pour les hérétiques, terrifiante pour les schismatiques, terrifiante pour les scandaleux. Je ne puis avoir remarqué en Vous ce triple reniement sans Vous dire avec tout l’amour de mon cœur : Très Saint Père, ayez pitié de votre éternité !

« TRÈS SAINT PÈRE, AYEZ SOUCI DE L’ÉGLISE ! »

« Cette Église qui Vous a été confiée et dont il Vous sera demandé un compte rigoureux, dépérit sous votre action novatrice, réformatrice, perturbante, exténuante. Vous-même le savez, Vous en avez évoqué les maux en termes saisissants le 7 décembre 1968. C’était le troisième anniversaire de votre proclamation du “ Culte de l’Homme ”. Comment n’avez-Vous pas reconnu dans tant de ruines le résultat trop sûr et certain de votre erreur ?

« “ L’Église se trouve en une heure d’inquiétude, d’autocritique, on dirait même d’autodestruction. C’est comme un bouleversement intérieur, aigu et complexe, auquel personne ne se serait attendu après le Concile (Ah ! là, Vous vous trompez et Vous trompez le monde, car nous nous y attendions très certainement, nous le disions et nous l’écrivions, au point que l’autorité ecclésiastique avec Votre consentement nous a fermé la bouche par ses sanctions infamantes). On pensait à une floraison, à une expansion saine des conceptions mûries dans les grandes assises du Concile. Cet aspect existe également mais... on en vient à remarquer surtout l’aspect douloureux. Comme si l’Église se frappait elle-même. ”

« Et le 29 juin 1972, votre jugement sur tout ce qui se passe dans l’Église est plus noir encore, noir d’encre. Il a saisi d’effroi tous ceux qui ne savaient pas, à qui on cachait la grande pitié de l’Église en état de Concile et de Réforme :

« “ Par quelque fissure est entrée la fumée de Satan dans le temple de Dieu : le doute, l’incertitude, la problématique, l’inquiétude, l’insatisfaction, l’affrontement se sont fait jour. On ne se fie plus à l’Église, on se fie au premier prophète profane qui vient à nous parler de la tribune d’un journal ou d’un mouvement social et on court après lui pour lui demander s’il possède la formule de la vraie vie, sans penser que nous la possédons déjà. Le doute est entré dans nos consciences, et il est entré par des fenêtres qui devaient être ouvertes à la lumière...

« “ Dans l’Église même règne cet état d’incertitude. Nous aurions cru que le lendemain du Concile serait un jour de soleil pour l’Église. Mais au lieu de soleil, nous avons eu les nuages, la tempête, les ténèbres, la recherche, l’incertitude. Nous prêchons l’œcuménisme, et nous nous séparons toujours davantage les uns des autres. Nous cherchons à creuser de nouveaux abîmes au lieu de les combler.

« “ Que s’est-il passé ? Nous vous confions notre pensée : une puissance adverse est intervenue, le diable, cet être mystérieux auquel saint Pierre fait allusion dans sa Lettre. Combien de fois dans l’Évangile le Christ ne nous parle-t-il pas de cet ennemi des hommes ! Ce quelque chose de surnaturel (correction postérieure : « préternaturel ») est venu dans le monde précisément pour gâter et dessécher les fruits du Concile œcuménique et empêcher que l’Église éclate en hymnes de joie pour avoir redécouvert la conscience d’elle-même (?!) ”.

« Le diable contre le Concile ? N’est-il pas plutôt pour ? N’y est-il pas entré pour y régner ? Toujours est-il que c’est effrayant. Que ferez-Vous donc pour sauver l’Église de Dieu de l’emprise de Satan dont Vous constatez l’œuvre destructrice ?

« Certes, Vous manifestez un certain désir d’aider, de confirmer vos frères dans la foi : “ C’est pourquoi Nous voudrions être capable, plus que jamais, d’exercer la fonction que Dieu a donnée à Pierre : tu dois confirmer tes frères dans la foi. Nous voudrions vous donner ce charisme de la certitude que Dieu a donné à celui qui le représente sur cette terre, quelle que soit son indignité. ” Mais en regard de la puissance de Satan, de l’étendue du mal, du tragique de la situation, combien nous paraît pauvre, insuffisante, insignifiante cette velléité d’action !

« Nous osons donc Vous exhorter à Vous soucier de l’Église ! Si votre propre salut Vous est indifférent, ayez du moins quelque égard pour le salut de la multitude et gouvernez courageusement votre peuple !

« À certaines de vos réflexions, il a semblé que Vous songiez à Vous retirer. Je n’y ai pas attaché d’importance mais d’autres s’en sont trouvés ébranlés : “ C’est le Seigneur qui a créé l’Église, ce n’est pas nous. Il n’est ni facile ni agréable d’avoir certaines responsabilités. Mais Jésus a déclaré : tu seras l’Apôtre. Sur toi je fonderai mon Église... Il serait bon d’éloigner de nous cette responsabilité. Mais je ne le veux pas. Et vous qui êtes là, ne pouvez-vous pas montrer au moins votre compréhension et votre affection pour ceux qui, dans l’Église, ont des fonctions hiérarchiques : c’est-à-dire ceux qui ont la charge du ministère ? ”

« Certes, nous comprenons la lourdeur de la charge, “ le poids des clefs de saint Pierre ”, et “ la couronne d’épines ” que sont pour le Pape tant de désertions et de tristes événements devenus le pain d’amertume de l’Église, le sien et le nôtre. Mais nous revient à l’esprit le mot de saint Pie X, si encourageant, si noble, si fort : “ Faites votre devoir et tout ira bien. ” Très Saint Père, n’avez-Vous pas jeté Vous-même de plein gré, à plaisir, avec passion, la barque de saint Pierre dans la tempête ? Et Vous vous plaignez maintenant ! Plaignez plutôt l’Église.

« Et d’autant plus que, dans cette conjoncture angoissante, voilà que Vous lâchez le gouvernail et que Vous abandonnez à Dieu le soin de sauver l’Église ainsi aventurée par Vous seul.

« Déjà le 7 décembre 1968 : “ Il y en a tellement qui attendent du Pape des gestes retentissants, des interventions décisives et énergiques. Le Pape n’estime pas devoir suivre d’autre ligne que celle de la confiance en Jésus-Christ, qui aime son Église plus que quiconque. Ce sera lui qui calmera la tempête. Combien de fois Jésus n’a-t-il pas dit : Ayez confiance en Dieu, croyez aussi en moi ! Le Pape sera le premier à suivre ce commandement du Seigneur et à s’abandonner sans inquiétude et sans angoisse inopportune à l’action mystérieuse de l’invisible mais très certaine assistance que Jésus assure à son Église. ”

« Le raisonnement est faux. Trois ans plus tôt, quand il s’agissait de tout mettre sens dessus dessous, de tout réformer, changer, modifier, c’est Vous qui le faisiez, c’est Vous qui gouverniez et qui imposiez vos idées, créant toutes les conditions de cette horrible tempête où voilà l’Église. Et maintenant Vous prétendez Vous croiser les bras, lâcher le gouvernail que Dieu a mis entre vos mains et que Vous teniez si bien pour nous mener à cette catastrophe ? Et Vous laissez à Jésus le soin de Vous sauver par miracle ! “ Aide-toi, le Ciel t’aidera. ” Voyez plutôt saint Paul dans la tempête, comme il mène son monde, promettant à tous la vie sauve, à condition d’y travailler de toute leur énergie !

« De nouveau, le 21 juin 1972, Vous répétez cette fausse doctrine qui Vous ôterait le souci de gouverner l’Église et toute responsabilité pour les remettre à d’autres, à Satan pour le mal que Vous nous avez fait, et au Christ pour le salut qu’il nous faut :

« “ Dans certaines de nos Notes personnelles, Nous trouvons ce propos : Peut-être le Seigneur m’a-t-il appelé à ce service non pas parce que j’y avais quelque aptitude, non pas pour que je gouverne l’Église et la sauve de ses difficultés présentes, mais pour que je souffre quelque chose pour l’Église et pour qu’il apparaisse clairement que c’est Lui, et non un autre, qui la guide et qui la sauve. Nous vous confions ce sentiment, non certes pour faire un acte public – et donc vaniteux – d’humilité, mais pour qu’à vous aussi il soit donné de jouir de la tranquillité que Nous éprouvons Nous-même en pensant que ce n’est pas notre main faible et inexperte qui est à la barre de la barque de Pierre mais bien la main invisible du Seigneur Jésus, sa main forte et aimante. ”

« Ah ! que ce langage est faux, hypocrite et pernicieux ! En réalité, le Seigneur ne vous avait pas appelé à perdre l’Église par votre Réforme et Vous n’auriez pas à la sauver maintenant si Vous l’aviez seulement gouvernée selon la juste et saine tradition de Vos Prédécesseurs. Mais, maintenant, ne lâchez pas la barre pour abandonner la barque à la fureur des flots ! c’est tenter Dieu que d’appeler le miracle quand il faudrait s’humilier, corriger sa faute et faire chacun l’œuvre du salut qui est de son devoir. C’est Vous et non le Christ qui avez voulu et mené cette Réforme criminelle. C’est à Vous, non au Seigneur, de vouloir et de faire maintenant la Contre-Réforme Catholique. Si Vous ne voulez ou ne pouvez la faire, Très Saint Père, cédez votre place à un autre mais ne continuez pas davantage à retenir un honneur dont Vous ne remplissez pas la charge et à réclamer de votre peuple, une confiance, une obéissance, une sécurité que Vous ne méritez plus.

« TRÈS SAINT PÈRE, SONGEZ À L’HONNEUR DE NOTRE DIEU. »

« Notre Père du Ciel, dont Vous êtes comme l’image et le lieutenant sur la terre en lieu et place de son Fils Bien-Aimé, pour enseigner, paître et gouverner en son Nom tout le peuple qu’il s’est choisi, Dieu, qui Vous comble des lumières et des énergies de son Esprit-Saint, Vous instituant Chef du Corps Mystique dont il est l’âme et Vous comblant de grâces comme son instrument excellent de sanctification universelle, Dieu a remis entre vos mains son Honneur et sa fortune...

« Vous êtes le chaînon vivant de cette immortelle chaîne et succession des Pontifes Romains sans lesquels il n’y aurait rien et par qui tout bien nous est donné et conservé. En cette position, pensez à la gloire du Père Céleste et ne regimbez plus contre les exigences de son dessein, mille et mille fois plus sage, plus admirable, plus efficace que le Vôtre, dérisoire !

« Que son nom soit sanctifié, glorifié, par votre ministère ! Cessez donc de glorifier, de louer, d’exalter l’homme – l’homme qui se fait Dieu – dans toutes les créations de son orgueil dont Vous voyez bien le néant, de la place élevée où Vous êtes ! Pensez aux milliards d’êtres humains qui attendent, gisant dans les ténèbres et l’ombre de la mort, la révélation du Nom divin. Et réjouissez-Vous à la pensée du dessein de notre Dieu d’introduire tous ces hommes dans la connaissance de sa Sainteté et de sa Gloire ! Ô merveilleuse vision de foi que celle d’une humanité entière clamant, d’un pôle du monde à l’autre, la première demande de notre Pater : Sanctificetur Nomen tuum.

« Cessez de nous prêcher le culte de l’homme pour nous exhorter enfin à Sanctifier le Nom de notre Père du Ciel.

« Que son Règne arrive, servi par votre zèle infatigable. Qu’est-ce que l’ONU, l’UNESCO et toutes ces autres institutions internationales, en comparaison de son Règne, de son Église, “ la seule internationale qui tienne, et il n’y en a point d’autre ”, disait Charles Maurras en 1917, penseur politique que Vous n’aimez guère, mais qui, disant cela, parlait bien ! Vous vous tuez à bâtir des châteaux de sable quand la même activité mise au service paisible et ordonné de l’Église lui procurerait aujourd’hui, du fait de l’attente et du malheur des hommes, de merveilleux accroissements ! Comment Manhattan peut-il exercer sur le Romain que Vous êtes une telle séduction ! Rome n’est-elle pas la Ville par excellence, source de toute grâce divine et de civilisation humaine universelle ? Comment admirez-Vous les foules idolâtres de Bombay plus que le peuple du catholique Portugal chantant son inoubliable cantique de Fatima : Ave, Ave, Ave Maria ? La sainteté n’est-elle pas toute dispensée par Marie, Vierge, Mère et Reine de la Chrétienté ?

« Je prie pour que Vous soyez enfin saisi par la vue splendide de l’Église des siècles et que Vous vous exclamiez, à l’encontre même de vos discours préparés et de vos antipathies : “ Que tes tentes sont belles, ô Jacob, et tes demeures, Israël ! ” Que la “ bienheureuse vision de Paix ” d’une humanité rassemblée d’Orient et d’Occident, selon les prophéties d’Isaïe, dans l’Unique Église Vous donne enfin le courage des décisions héroïques d’une très nécessaire Contre-­Réforme. Laissez tomber les rêves d’une politique universelle sans Christ et sans Dieu, pour Vous occuper de votre seule Église, l’Église du Christ, en priant : Adveniat Regnum tuum.

« Que sa Volonté soit faite, sur la terre comme au Ciel. Voyez ce qu’ont fait en dix ans les volontés des hommes appelés par Vous à la Liberté ! Voyez ce que devient la terre depuis qu’elle est gouvernée par Liberté, Égalité, Fraternité, Grands Principes de 1789 substitués à la Loi de notre Dieu ! Non, il en coûte trop cher, en sueurs, en larmes, en sang douloureusement versé, de soumettre la terre à la Charte des Droits de l’Homme. Cessez donc d’exalter cette Loi de Satan, revenez à l’humble et fidèle observation et prédication des Commandements de Dieu et de l’Église.

« Dieu, qui est “ lent à la colère et riche en miséricorde ”, aura vite et facile de repousser dans les fins fonds de la Sibérie et de la Mongolie les hordes communistes, “ verges de sa colère ”, instruments aveugles de ses châtiments. De nouveau, il dispensera aux peuples sa grâce abondante, à Votre prière, pour les détourner des faux humanismes et du culte idolâtrique que le monde moderne se rend à lui-même. Dieu pardonne. Dieu aidera, à condition que l’homme revienne au culte de sa Loi, de sa Loi naturelle et de sa Loi révélée, mosaïque et évangélique. Soyez le Législateur et le Juge fidèle qui se complaît dans l’Honneur de Dieu, qui a soin de défendre les Droits de Dieu et de faire appliquer sur la terre sa Souveraine Volonté. À ceux qui cherchent le Royaume de Dieu et sa justice, le reste sera donné par surcroît.

« Retournez à Fatima, Très Saint Père ! Dites avec l’immense foule unanime : Fiat voluntas tua sicut in cælo et in terra, et, réalisant fidèlement toutes les demandes de Marie, Vous obtiendrez le don miraculeux de la Paix.

« De toute manière et quoi que nous fassions, Très Saint Père, l’Avenir est à Dieu, Notre Père. L’avenir est au Christ, Fils de Dieu Sauveur, et à nul autre roi, messie ni seigneur de ce monde. Déjà “ le Prince de ce monde est jeté dehors ”. L’avenir est à l’Église, Unique et Sainte, catholique, apostolique et romaine. Jamais aucun Masdu de Satan ne tiendra contre Elle.

« Alors pour moi je suis heureux et confiant, dans mon néant, maintenant que j’ai accompli cette œuvre que je devais faire. J’ai dit, naguère, une parole que je ne regrette pas et que je réitère même : que Dieu me punisse si je me trompe et trompe ceux qui me suivent ; qu’Il me frappe de mort violente si je ne sers pas la vérité mais le mensonge. Il y a dans l’histoire certains moments exceptionnels où les ténèbres se font si épaisses que l’appel, autrefois appelé ordalie, au Jugement de Dieu même, dans la défaillance des juges humains, s’impose à celui qui a la foi.

« Mais Vous, Très Saint Père, maintenant que Vous avez en main ce Libelle d’accusation, Vous ne serez plus en règle avec l’Église ni avec le Christ que Vous n’ayez jugé infailliblement de l’erreur et de la vérité en cette division et ce scandale qui ravagent votre Église. J’ai peine à être le porteur de cette sommation, divine et humaine, de faire votre devoir. Mais la charité seule a guidé mon courage. Car Vous n’aurez de repos ni en ce monde ni en l’Autre si Vous ne revenez de dix ans – et peut-être pour Vous-même de cinquante ans – d’hérésie, de schisme et de scandale maintenant dénoncés publiquement devant Votre Tribunal et contre Vous.

« Si Vous daignez enfin nous manifester quelque union plus profonde et le lien de la charité catholique, Très Saint Père, accordez-nous cette grâce de réciter avec nous, maintenant, trois Pater et trois Ave à Vos intentions, aux intentions du Souverain Pontife telles qu’elles ont toujours été formulées et que je les trouve dans Le Manuel de Prière d’Ars, édition de 1844 : “ Prions pour les intentions du Souverain Pontife : pour la propagation de la foi, l’exaltation de la Sainte Église, l’extirpation des hérésies et la paix entre les princes chrétiens. ” Ces intentions sont vraiment nôtres, Très Saint Père, et elles doivent être les Vôtres...

« Pater, Ave.

« Et daigne Votre Sainteté, dans toute la puissance légitime de son Souverain Sacerdoce, implorer sur nous les lumières et les grâces de Dieu, bénir les membres dévoués de la Ligue de Contre-Réforme Catholique et le dernier d’entre eux,

« Votre très humble serviteur et fils

Georges de Nantes.

« En ces jours du vingt-cinquième anniversaire de mon Ordination Sacerdotale et de ma Première Messe, de notre Maison Saint-Joseph, les 27 et 28 mars 1973, à Saint-Parres-lès-Vaudes, France. »

Au premier Livre d’accusation ont succédé un deuxième « au sujet de notre frère dans la foi, Karol Wojtyla », remis au Saint-Siège le 13 mai 1983, et un troisième « à l’encontre du prétendu catéchisme de l’Église catholique », porté au Vatican le 13 mai 1993.

Et point d’autre réponse que la canonisation du pape Paul VI, c’est-à-dire de ses hérésies, schismes et scandales dûment catalogués par l’abbé de Nantes, et confirmés par le silence du « Juge souverain de tous les fidèles du Christ. » Car, “ qui ne dit mot consent ”...

Mais voici la divine surprise : deux évêques, Mgr Vigano et Mgr Schneider prennent le relais en dénonçant les hérésies, schismes et scandales qui submergent l’Église sous le règne du pape François, successeur et disciple de Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI. Une lecture attentive de la Déclaration d’Abou Dhabi révèle une connaissance approfondie de tout l’héritage du concile Vatican II, en même temps que du Coran... et la profession de foi de Mgr ­Schneider répond, presque ligne à ligne par l’affirmation de la foi catholique.

Quant à la lettre ouverte de Mgr Vigano à McCarrick (Il est ressuscité n° 195, éditorial, février 2019, p. 1), elle paraît tout inspirée de l’exhortation de Georges de Nantes à Paul VI :

« Très Saint Père, ayez pitié de votre âme ! »

« Très Saint Père, ayez souci de l’Église ! »

Mais François n’entend pas plus que Paul VI. Depuis la mort de saint Pie X (20 août 1914), le Vicaire du Christ, « évêque vêtu de blanc » n’entend pas les volontés du Ciel. Jean-Paul Ier mis à part. C’est pourquoi, pour que son Fils trouve la foi sur la terre quand il reviendra, la Vierge Marie est descendue du Ciel pour dire à trois innocents petits enfants comment guérir l’Église malade du Concile.

L’ÉVANGILE DE NOTRE-DAME DE FATIMA

D’abord, demander pardon. C’est le premier message du Ciel porté par un ange :

« Ne craignez pas ! Je suis l’Ange de la Paix. Priez avec moi ! “ Mon Dieu ! je crois, j’adore, j’espère et je vous aime. Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas et qui ne vous aiment pas. ” »

Si nous prions ainsi nous obtiendrons miséricorde pour tous, car « les Cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs à la voix de vos supplications ».

Quelle extraordinaire révélation ! C’était au printemps 1916. À l’été, l’ange revient. Les enfants jouaient. Quoi de plus naturel pour des enfants ?

« Que faites-vous ? Priez, priez beaucoup ! Les Saints Cœurs de Jésus et de Marie ont sur vous des desseins de miséricorde. Offrez sans cesse au Très-Haut des prières et des sacrifices. »

« Quels sacrifices ? » demande Lucie.

« De tout ce que vous pourrez, offrez à Dieu un sacrifice, en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la con­version des pécheurs. De cette manière, vous attirerez la paix sur votre patrie. Je suis son Ange gardien, l’Ange du Portugal. Surtout, acceptez et supportez avec soumission les souffrances que le Seigneur vous enverra. »

Ces paroles sont un jet de lumière sur l’amour dont Dieu nous aime et veut être aimé de nous en retour, la valeur du sacrifice et combien celui-ci lui était agréable, parce qu’il est la seule preuve d’amour que nous puissions donner à Dieu en retour de celui dont il nous aime. Il ne suffit pas de dire « Je vous aime ! » sans preuve à l’appui. Le sacrifice est la preuve qui incite Dieu à ne pas se laisser vaincre en générosité, à répandre la paix sur le Portugal.

C’est pourquoi, à partir de ce jour, ils ne cessèrent plus d’offrir les contrariétés et mortifications que les circonstances leur apportaient sans chercher davantage, sinon de répéter l’instante prière apprise de l’ange jusqu’à tomber de fatigue, prosternés contre terre.

Mais nos prières et nos sacrifices ne suffisent pas à obtenir le pardon de notre Père du Ciel, il faut les unir au sacrifice de la Croix. À l’automne 1916, l’ange revient leur enseigner le “ mémorial ” de ce Saint-Sacrifice : « Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, je vous adore profondément, et je vous offre les très précieux Corps, Sang, Âme et Divinité de Jésus-Christ, présent dans tous les tabernacles de la terre, en réparation des outrages, sacrilèges et indifférences par lesquels il est lui-même offensé. Par les mérites infinis de son très Saint Cœur et du Cœur Immaculé de Marie, je vous demande la conversion des pauvres pécheurs. »

Et l’ange conclut cette fois la cérémonie par la communion eucharistique, pour consoler Dieu le Père de l’immense apostasie. C’est ainsi que Lucie reçut le baiser eucharistique de Jésus, le Verbe fait chair, immolé et ressuscité, en communiant à son Corps, et François et Jacinthe en buvant son Précieux Sang.

Tandis que l’Ange disait ces paroles qui sont aujourd’hui d’une tragique actualité : « Mangez et buvez le Corps et le Sang de Jésus-Christ horriblement outragé par les hommes ingrats. Réparez leurs crimes et consolez votre Dieu. »

À cette année de préparation succédera l’année des apparitions de la Sainte Vierge.

Dimanche 13 mai 1917 : « Je suis du Ciel. » Vingt ans auparavant, sainte Thérèse avait subi le tourment d’une soudaine nuit de l’esprit : « Aux jours si joyeux du temps pascal, Jésus m’a fait sentir qu’il y a véritablement des âmes qui n’ont pas la foi, qui par l’abus des grâces perdent ce précieux trésor, source des seules joies pures et véritables... »

Ces âmes qui ont perdu le précieux trésor de la foi logent aujourd’hui au Vatican !

« ... Il permit que mon âme fût envahie par les plus épaisses ténèbres et que la pensée du Ciel si douce pour moi ne soit plus qu’un sujet de combat et de tourment... Cette épreuve ne devait pas durer quelques jours, quelques semaines, elle devait ne s’éteindre qu’à l’heure marquée par le Bon Dieu et... cette heure n’est pas encore venue... Je voudrais pouvoir exprimer ce que je sens, mais hélas ! je crois que c’est impossible. Il faut avoir voyagé sous ce sombre tunnel pour en comprendre l’obscurité. Je vais cependant essayer de l’expliquer par une comparaison.

« Je suppose que je suis née dans un pays environné d’un épais brouillard, jamais je n’ai contemplé le riant aspect de la nature, inondée, transfigurée par le brillant soleil ; dès mon enfance il est vrai, j’entends parler de ces merveilles, je sais que le pays où je suis n’est pas ma patrie, qu’il en est un autre vers lequel je dois sans cesse aspirer. Ce n’est pas une histoire inventée par un habitant du triste pays où je suis, c’est une réalité certaine car le Roi de la patrie au brillant soleil est venu vivre trente-trois ans dans le pays des ténèbres ; hélas ! les ténèbres n’ont point compris que ce Divin Roi était la lumière du monde... Mais, Seigneur, votre enfant l’a comprise votre divine lumière, elle vous demande pardon pour ses frères, elle accepte de manger aussi longtemps que vous le voudrez le pain de la douleur et ne veut point se lever de cette table remplie d’amertume où mangent les pauvres pécheurs avant le jour que vous avez marqué... Mais aussi ne peut-elle pas dire en son nom, au nom de ses frères, Ayez pitié de nous Seigneur, car nous sommes de pauvres pécheurs !... Oh ! Seigneur, renvoyez-nous justifiés... Que tous ceux qui ne sont point éclairés du lumineux flambeau de la Foi le voient luire enfin... ô Jésus, s’il faut que la table souillée par eux soit purifiée par une âme qui vous aime, je veux bien y manger seule le pain de l’épreuve jusqu’à ce qu’il vous plaise de m’introduire dans votre lumineux royaume. La seule grâce que je vous demande c’est de ne jamais vous offenser !...

« Ma Mère bien-aimée, ce que je vous écris n’a pas de suite ; ma petite histoire qui ressemblait à un conte de fées s’est tout à coup changée en prière, je ne sais pas quel intérêt vous pourrez trouver à lire toutes ces pensées confuses et mal exprimées, enfin ma Mère, je n’écris pas pour faire une œuvre littéraire mais par obéissance, si je vous ennuie, du moins vous verrez que votre enfant a fait preuve de bonne volonté. Je vais donc sans me décourager continuer ma petite comparaison, au point où je l’avais laissée. Je disais que la certitude d’aller un jour loin du pays triste et ténébreux m’avait été donnée dès mon enfance ; non seulement je croyais d’après ce que j’entendais dire aux personnes plus savantes que moi, mais encore je sentais au fond de mon cœur des aspirations vers une région plus belle. De même que le génie de Christophe Colomb lui fit pressentir qu’il existait un nouveau monde, alors que personne n’y avait songé, ainsi je sentais qu’une autre terre me servirait un jour de demeure stable. Mais tout à coup les brouillards qui m’environnent deviennent plus épais, ils pénètrent dans mon âme et l’enveloppent de telle sorte qu’il ne m’est plus possible de retrouver en elle l’image si douce de ma Patrie, tout a disparu !

« Lorsque je veux reposer mon cœur fatigué des ténèbres qui l’entourent, par le souvenir du pays lumineux vers lequel j’aspire, mon tourment redouble ; il me semble que les ténèbres, empruntant la voix des pécheurs, me disent en se moquant de moi :

« “ Tu rêves la lumière, une patrie embaumée des plus suaves parfums, tu rêves la possession éternelle du Créateur de toutes ces merveilles, tu crois sortir un jour des brouillards qui t’environnent ! Avance, avance, réjouis-toi de la mort qui te donnera, non ce que tu espères, mais une nuit plus profonde encore, la nuit du néant. ”

« Mère bien-aimée, l’image que j’ai voulu vous donner des ténèbres qui obscurcissent mon âme est aussi imparfaite qu’une ébauche comparée au modèle ; cependant je ne veux pas en écrire plus long, je craindrais de blasphémer... j’ai peur même d’en avoir trop dit. » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte-Face, Histoire d’une âme, 1897)

Aujourd’hui, en 2019, c’est trop peu dire pour exprimer le blasphème qui sort de la bouche du Pape lui-même !

La réponse ne pouvait venir que du Ciel :

« Nous vîmes, sur un petit chêne-vert, une Dame, toute vêtue de blanc, plus brillante que le soleil, irradiant une lumière plus claire et plus intense qu’un verre de cristal rempli d’eau cristalline traversé par les rayons du soleil le plus ardent. Nous nous arrêtâmes, surpris par cette Apparition. Nous étions si près que nous nous trouvions dans la lumière qui l’entourait, ou plutôt qui émanait d’Elle, peut-être à un mètre et demi de distance, plus ou moins.

« Alors, Notre-Dame nous dit :

 N’ayez pas peur, je ne vous ferai pas de mal.

 D’où vient Votre Grâce ? lui demandai-je.

 Je suis du Ciel.

 Et que veut de moi Votre Grâce ?

 Je suis venue vous demander de venir ici pendant six mois de suite, le 13, à cette même heure. Ensuite, je vous dirai qui je suis et ce que je veux. Après, je reviendrai encore ici une septième fois.

 Et moi aussi, est-ce que j’irai au Ciel ?

 Oui, tu iras.

 Et Jacinthe ?

 Aussi.

 Et François ?

 Aussi, mais il devra réciter beaucoup de chapelets.

« Je me souvins alors de poser une question au sujet de deux jeunes filles qui étaient mortes depuis peu. Elles étaient mes amies et elles venaient à la maison apprendre à tisser avec ma sœur aînée.

 Est-ce que Maria das Neves est déjà au Ciel ?

 Oui, elle y est.

« Il me semble qu’elle devait avoir environ seize ans.

 Et Amélia ?

 Elle sera au Purgatoire jusqu’à la fin du monde.

« Il me semble qu’elle devait avoir entre dix-huit et vingt ans. »

C’est alors que Notre-Dame, telle une mère affligée, adressa aux enfants sa requête, avec une politesse exquise :

« Voulez-vous vous offrir à Dieu pour supporter toutes les souffrances qu’Il voudra vous envoyer, en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs ?

 Oui, nous le voulons.

 Vous aurez alors beaucoup à souffrir, mais la grâce de Dieu sera votre réconfort.

« C’est en prononçant ces dernières paroles (la grâce de Dieu, etc.) que Notre-Dame ouvrit les mains pour la première fois et nous communiqua, comme par un reflet qui émanait d’elles, une lumière si intense que, pénétrant notre cœur et jusqu’au plus profond de notre âme, elle nous faisait nous voir nous-mêmes en Dieu, qui était cette lumière, plus clairement que nous nous voyons dans le meilleur des miroirs.

« Alors, par une impulsion intime qui nous était com­mu­niquée, nous tombâmes à genoux et nous répétions intérieurement : “ Ô Très Sainte Trinité, je Vous adore. Mon Dieu, mon Dieu, je Vous aime dans le Très Saint-Sacrement. ”

« Les premiers moments passés, Notre-Dame ajouta :

 Récitez le chapelet tous les jours afin d’obtenir la paix pour le monde et la fin de la guerre. »

Parce que viendront des jours où vous ne ­pourrez plus assister à la Messe, faute de prêtres. Ce sera la “ Messe de la Sainte Vierge ”, comme disait l’abbé de Nantes, notre Père, dans son commentaire du chapelet.

« Pouvez-vous me dire si la guerre durera encore longtemps, ou si elle va bientôt finir ?

 Je ne puis te le dire encore, tant que je ne t’ai pas dit aussi ce que je veux.

« Ensuite, elle commença à s’élever doucement, en direction du levant, jusqu’à disparaître dans l’immensité du ciel. La lumière qui l’environnait semblait lui ouvrir un passage entre les astres, ce qui nous a fait dire parfois que nous avions vu s’ouvrir le ciel. »

Les trois petits demeurèrent encore quelque temps comme fascinés, les yeux levés vers le ciel, fixant le point où la céleste vision avait disparu.

« L’apparition de Notre-Dame vint de nouveau nous plonger dans le surnaturel, confie Lucie, mais d’une manière beaucoup plus suave que les apparitions de l’Ange. Au lieu de cet anéantissement en la divine présence, qui nous prostrait, même physiquement, celle-ci nous laissa une paix, une joie expansive qui ne nous empêchait pas de parler ensuite de ce qui s’était passé. »  (À suivre.)