Il est ressuscité !

N° 207 – Mars 2020

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


LA LIGUE

La Ligue

Aller la voir un jour !

LE jeudi 20 février marquait le centenaire du jour où Notre-Dame vint chercher sainte Jacinthe Marto, morte toute seule à l’hôpital à Lisbonne pour sauver beaucoup de pécheurs. Anniversaire passé bien inaperçu, mais que notre Phalange a célébré en envoyant une délégation de cent soixante-dix pèlerins, sous la direction de frère François, vénérer les modestes souvenirs qui subsistent dans la capitale portugaise du bref séjour qu’y fit la petite voyante de Fatima, pour y mourir. Elle est le modèle de tout phalangiste, puisque son nom figure dans le premier Point de la nouvelle version de nos 150 Points de la Phalange de l’Immaculée.

La veille du départ de ce pèlerinage, frère Bruno exhorta les pèlerins à entrer dans les pensées du Cœur Immaculé de Marie pour en épouser tous les soucis. En premier lieu, « il faut prier beaucoup pour le Saint-Père ». Lui-même ne cesse d’ailleurs de le demander ! Tandis que nous ferons nôtres les préoccupations de notre Mère Immaculée, celle-ci ne se laissera pas vaincre en générosité, nous assure frère Bruno. Elle aura à cœur de faire tourner au meilleur bien toutes nos intentions personnelles.

Le samedi 15 février, nos trois autocars quittaient la maison Saint-Joseph avant le jour. Date très significative pour nous, puisqu’il s’agissait du dixième anniversaire du dies natalis de notre bien-aimé Père Georges de Jésus-Marie, héraut de Notre-Dame de Fatima, défenseur de ses privilèges et théologien de son message. Frère Bruno monta dans chacun des cars avant le départ pour rappeler aux pèlerins cette occurrence et les bénir de la part de ce Père vénéré. C’est de lui que nous tenons notre amour du Cœur Immaculé de Marie, perle la plus précieuse de son héritage. Ce pèlerinage fut encore un fruit de son œuvre.

Un pèlerinage CRC n’a rien d’un voyage touristique. C’est plutôt une véritable retraite ! Ces autocars traversant la France, l’Espagne et le Portugal ressemblent à des monastères mobiles où l’on s’instruit, médite et prie pour se préparer à la visite de tant de lieux saints. Cette année, en réponse aux exhortations insistantes de frère Gérard, les enfants étaient nombreux, accompagnant leurs parents. Nos frères, qui avaient aménagé les horaires pour leur épargner une fatigue excessive, furent heureux de les voir écouter les instructions avec attention, chanter avec entrain, prier avec ferveur.

Il ne manquait à notre groupe qu’un aumônier. Malgré tous les efforts de nos frères, aucun prêtre contacté n’avait pu se libérer de ses obligations pour accompagner le pèlerinage. Cette déconvenue nous rappelle la grande pitié de la sainte Église, objet de nos supplications. Mais ce fut l’occasion pour nos pèlerins de se confier aux soins maternels de l’Église et de se mêler plus intimement au bon peuple ­chrétien dans tant de sanctuaires visités. Et finalement, la ­Providence leur assura à chaque étape messes et confessions, tandis que leur piété encourageait les prêtres et les fidèles rencontrés.

LOURDES, « MON CIEL SUR LA TERRE »

Nos trois cars parvinrent le samedi soir à Lourdes. Lourdes, c’est d’abord la Grotte : « C’était mon Ciel », confiera Bernadette en la quittant pour toujours. C’est pourquoi, samedi soir, dès le dîner pris, nos amis s’y rendirent pour le chapelet international. À Lourdes comme à Fatima, cette prière ponctuera presque chaque soirée de cette semaine pèlerine. Quel ­bonheur de se blottir tout contre cette Roche bénie que l’Immaculée a foulée de son pied virginal ! de ­con­templer cette source miraculeuse qui nous parle si bien de Celle qui est la Médiatrice de toutes les grâces ! Nous l’avons appris de notre Père : « On ne reçoit à Lourdes qu’autant qu’on est venu y chercher. » Aussi, nos amis ne se lassèrent pas de demeurer auprès de la Grotte pour y déposer toutes les intentions de notre Phalange. Le lendemain, bien avant l’aube, nos frères y retournèrent en hâte, afin de s’agenouiller de nouveau aux pieds de l’Immaculée et lui adresser leurs supplications. Las ! Il leur fallut patienter longtemps, à l’extérieur de grilles impitoyablement fermées, jusqu’à l’ouverture du sanctuaire à 5 heures 30.

Première station du pèlerinage, c’est à Lourdes que nos amis devaient se confesser. La bienveillance du clergé leur assura une équipe de cinq confesseurs ! Assister ensuite à la messe dominicale à la Grotte, y faire retentir quelques-uns des cantiques du livret de pèlerinage fut une bien douce consolation ! Notre chant “ Ô Immaculée ” fit très forte impression. Après l’avoir entendu, plusieurs pèlerins et l’animatrice ­dirigeant les chants elle-même demandèrent à nos frères un carnet de chants CRC !

La fin de la matinée fut occupée par la visite du musée des miracles. Dans un exposé très concis et ­pédagogique, frère François retraça l’histoire du bureau des constatations de Lourdes. C’est à saint Pie X que l’on doit la fondation de cette institution scientifique exigeante, dans un but apologétique : pour confondre l’arrogance du modernisme et du rationalisme. Et de fait, les photographies et les récits des miraculés reconnus sont une prédication éloquente ! Par exemple la guérison de Pierre de Rudder, dont l’histoire avait été écoutée dans les cars : comment expliquer naturellement que deux morceaux de tibia séparés de trois centimètres se rejoignent instantanément ? Malheureusement, les plus incrédules ne sont pas toujours là où on les attend : plus que l’exigence extrême des médecins du bureau des constatations, plus que le positivisme qui règne dans le milieu médical, le grand obstacle à la reconnaissance des guérisons miraculeuses de Lourdes comme des « miracles » est l’incrédulité de... nos évêques, qui ne veulent plus y voir que des « signes » ! Exception encourageante toutefois, le 11 février 2018, Mgr Benoît-Gonnin, évêque de Beauvais, est allé contre cette tendance en déclarant le caractère « prodigieux et miraculeux » de la guérison de sœur Bernadette Moriau, portant à soixante-dix le nombre des miracles reconnus officiellement.

En début d’après-midi, nombreux furent nos amis qui eurent la grâce de pouvoir se baigner aux piscines, selon la demande de Notre-Dame. Qu’il est touchant d’attendre son tour mêlé à une foule de fidèles de toutes races, unis dans une même componction, une même supplication, un même amour pour la belle Dame de Massabielle ! Cette attente n’est pas une perte de temps puisque le chapelet une fois entonné par nos frères, cette petite foule put en ­réciter quatre ! Les pisciniers furent touchés par tant de ferveur : « Merci pour l’accompagnement spirituel ! »

Après 15 heures, nos pèlerins se divisèrent en deux groupes. La plupart se rendirent à pied jusqu’à Bartrès : favorisés par un soleil radieux, ce fut une magnifique promenade ! À treize ans, Bernadette y avait séjourné quelques mois, gardant le troupeau de sa nourrice. Elle en était redescendue en janvier 1858, afin de se préparer à faire sa première communion.

Devant la bergerie, sur la pelouse, frère Théophane résuma la vie de la sainte en commençant par rappeler, en citant notre Père, que c’est une habitude du Bon Dieu de choisir ses envoyés parmi les bergers. Le séjour à Bartrès de la future confidente de l’Immaculée est donc providentiel, puisqu’il l’agrège à cette corporation privilégiée ! Trois petites phrases de cette sainte enfant nous révèlent le fond de son cœur : J’aime ce qui est petit. Que voulez-vous, je n’ai jamais menti. Quand on pense : le Bon Dieu le permet, on ne se plaint pas. Bernadette à Bartrès, affamée de Jésus-Hostie, est un merveilleux exemple de “ la religion de nos pères ” que l’abbé de Nantes nous a tant fait admirer. C’est l’âme pleine de dévotion pour cette petite sainte si aimable que nos amis purent ensuite vénérer une relique de son bras dans la belle église du village.

Pendant ce temps, d’autres pèlerins, restés à Lourdes, suivaient le grand Chemin de Croix des Espélugues, aidés par les émouvantes méditations de notre Père. Les aînés du pèlerinage, notamment, ayant renoncé à la randonnée vers Bartrès accomplirent cet exercice pénitent avec une piété bien édifiante. Il leur restait ensuite encore un peu de temps pour retourner à la Grotte, visiter le Cachot, ou encore pour se rendre sur la tombe du saint curé Peyramale, dans la crypte de l’église du Sacré-Cœur. Là, c’est frère Thomas qui leur évoqua la personnalité si attachante de ce bon prêtre, qui veilla sur Bernadette et sur les débuts du pèlerinage comme saint Joseph sur la Sainte Vierge.

Décidément, accompagnant et instruisant leurs ouailles, nos frères sont partout ! Tout est parfaitement organisé et les pèlerins n’ont plus qu’à suivre, sans autre souci que de bien écouter les instructions et de beaucoup prier. C’est le résultat de l’immense travail de préparation par frère Gérard et son équipe ! Une sœur nous écrit : « Les frères sont épatants ! » Et ce sera toute la semaine ainsi...

Mais elles-mêmes, nos sœurs, entraînent le groupe des pèlerins par l’exemple de leur ardeur infatigable : toujours les premières arrivées aux diverses stations du pèlerinage, elles ne perdent jamais une seconde. Et cela durera toute la semaine ! On les rencontre à 16 h 45 aux Espélugues et à 16 h 58 au Cachot ! Dans un rayon de soleil, les voir traverser à toute allure l’esplanade du sanctuaire, mère Hélène en tête, encombrées qui d’un cabas, qui d’un fauteuil roulant, sourire aux lèvres et voile au vent, est un spectacle revigorant, à entraîner les boiteux et rendre la vue aux aveugles !

Le soir de cette belle journée, pour répondre à la volonté expresse de l’Immaculée, les frères organisèrent une procession aux flambeaux pour leur petit troupeau qu’étaient venus rejoindre les amis de la région. La ferveur de ce groupe chantant l’émouvant “ J’irai la voir un jour ” rallia d’autres pèlerins qui grossirent leur cortège. Il en ira de même toute la semaine : partout, les chants et l’enthousiasme de nos amis conquerront les cœurs. C’est la preuve que le seul fait de renouer avec une pastorale catholique traditionnelle suffit à toucher les âmes et à les ­tourner vers le Ciel. Ah oui ! Selon le mot de l’un de nos frères, en dépit des aberrations de la pastorale conciliaire qui vide la Cité de l’Immaculée de ses pèlerins : « Lourdes demeure un beau coin de Ciel sur la terre. »

Le lendemain matin, lundi 17 février, un chapelain complaisant célébra la messe aussi tôt que possible, à 7 h 15, dans la basilique de l’Imma­culée Conception, permettant un départ matinal pour ­l’Espagne.

AU PAYS DE “ LA MADRE FUNDADORA ”

Entre Lourdes et Fatima, le pèlerinage CRC devait faire étape à Avila. Pourquoi Avila ? Nos pèlerins allaient découvrir que de sainte Thérèse de Jésus à sœur Marie-Lucie du Cœur Immaculé, la filiation est toute droite. L’esprit de la réforme du Carmel au seizième siècle nous prépare à recevoir les révélations de Fatima. De plus, les instructions de frère François sur cette sainte de Contre-Réforme allaient révéler la prédilection de notre Père pour cette grande mystique, dès les premières années de son sacerdoce. À tel point qu’il voulut entrer lui-même au Carmel !

Mais la route est longue à travers les plateaux de Castille et nos cars firent halte à Palencia, la ville épiscopale d’un saint très cher au cœur de notre frère Gérard : Mgr Manuel Garcia, l’évêque des tabernacles abandonnés. Avant de vénérer son tombeau, au pied du tabernacle, frère Thomas fit un exposé précis et captivant pour évoquer sa vie et son œuvre de réparation eucharistique. Il semble qu’il suffirait de reprendre cette pastorale toute surnaturelle pour redonner vie à notre Église mourante ! Et pourtant, qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Frère François, dans l’un de ces éclaircissements orthodromiques dont il a le secret, rappela que pour assurer la pérennité de cette œuvre et lui faire porter tous les fruits qu’on pouvait en attendre, il aurait fallu que le pape Pie XI réponde à la volonté de Dieu d’établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. C’est par la faute des Papes se détournant de la source de la grâce que l’Église dépérit, moribonde. Là encore, les prières et les chants de notre groupe furent très appréciés : des pèlerins si pieux, français en plus, et avec tant d’enfants, cela n’existe plus ! À moins d’être disciples de l’abbé de Nantes et dévots de Notre-Dame de Fatima.

À la tombée du jour, le convoi parvint à Avila. Dans le soleil couchant, le rempart de granit aux quatre-vingt-huit tours avait fière allure ! Jamais la place ne fut prise par les musulmans. Ce spectacle grandiose illustrait les exposés de nos frères ­François et Louis-Gonzague écoutés en chemin, retraçant la vie si haute en couleur de la fille la plus glorieuse de la catholique Espagne, alors à l’apogée de sa grandeur : sainte Thérèse de Jésus. On ne se lasse pas des multiples péripéties jalonnant l’histoire de la Réforme du Carmel et des fondations de “ la Madre ” : imprévus des chemins et mésaventures aux étapes, censures ecclésiastiques et caprices des grands d’Espagne, affrontements jusque dans les couvents... À travers tant d’anecdotes, nos frères dévoilèrent le rôle orthodromique joué par sainte Thérèse dans l’histoire de l’Église, l’aidant à passer d’une spiritualité qui, à la fin du Moyen Âge, tendait à devenir abstraite, à une mystique caractérisée par l’amour du Dieu incarné, notre Jésus de la crèche, de la croix et du tabernacle. Ce que notre Père a aimé, chez sainte Thérèse, c’est qu’elle a fait de sa religion un amour !

Après une nuit passée à l’Université de la Mystique, bien plus confortable que les “ mauvaises auberges espagnoles ” du seizième siècle, mais assez dépaysante par son architecture ultramoderne, nos pèlerins se retrouvèrent en terrain familier en se rendant au carmel de l’Incarnation. Il gelait, ce matin-là, mais l’accueil des carmélites fut des plus chaleureux. Elles demandèrent même un parloir avec nos sœurs et nos jeunes filles ! La messe, célébrée par leur bon aumônier dans la chapelle de la Transverbération, fut l’occasion d’échanger des cantiques à travers la grille de la clôture. Le chœur des carmélites est bien caché de la vue des fidèles : en hauteur et en arrière. Aussi, quand à la fin de la messe leur chant s’éleva, semblant venir du Ciel, c’est à un concert angélique que nos amis crurent assister !

Après la messe, frère François eut le temps de prononcer quelques mots pour rappeler certaines correspondances de la vie de sainte Thérèse avec le message de Fatima. Il insista d’abord sur l’importance de sa vision de l’enfer qui annonce celle qu’auront les trois pastoureaux de Fatima, éveillant dans son âme le même désir ardent de se sacrifier pour les pécheurs : « C’est là une des grâces les plus insignes que le Seigneur m’ait accordées. Elle a produit en moi le plus grand profit (...). Cette vision m’a procuré une douleur immense de la perte de tant d’âmes et en particulier de ces luthériens qui étaient déjà par le baptême membres de l’Église. Elle m’a procuré aussi les désirs les plus ardents d’être utile aux âmes. Il me semble en vérité que, pour en délivrer une seule de si horribles tourments, je souffrirais très volontiers mille fois la mort. »

La dévotion à Notre-Dame du Mont-Carmel est un autre lien entre Avila et Fatima. C’est elle, en effet, qui apparut dans le ciel de Fatima, le 13 octobre 1917, tenant à la main son scapulaire. Sœur Lucie en recommandera le port, comme un signe de notre consécration à la Sainte Vierge. Message bien compris de nos amis qui, au dernier soir du pèlerinage, seront cinquante-cinq à s’avancer pour se le faire imposer. Même les plus jeunes étaient bien conscients de la portée de cet acte : ils veulent appartenir à la Sainte Vierge.

Puis frère Louis-Gonzague fit visiter le monastère. Pas facile de circuler à cent soixante-dix dans ces couloirs étroits et ces petits escaliers ! Tous purent néanmoins parcourir sans heurts les parloirs, les ­cellules, l’ancienne salle de chapitre, vénérer les reliques, la statuette du Christ à la colonne dont la vue con­vertit sainte Thérèse et la statue de Notre-Dame de la ­Clémence, victorieuse de la révolte des carmélites.

C’est à Alba de Tormes que s’acheva ce pèlerinage à sainte Thérèse, au pied de ses reliques. Du moins, ce qu’il en reste, puisque son saint corps fut littéralement dépecé pour satisfaire la dévotion des fidèles !

Là, frère François tourna les regards vers Fatima en rappelant la recommandation que sœur Lucie demanda à l’une de ses nièces de transmettre à notre groupe de pèlerins en février 1992 : « Tu leur diras de beaucoup prier. Il faut beaucoup prier. » Et notre frère de rappeler notre grande intention : implorer du Cœur Immaculé de Marie un miracle, le miracle de la conversion du pape François. D’ailleurs, sur la route, une instruction de frère Vincent vint rappeler que la prière pour le Saint-Père fut, avec le souci des pécheurs qu’il faut sauver de l’enfer, la préoccupation constante de sainte Jacinthe depuis la vision de l’évêque vêtu de blanc, le 13 juillet 1917, et celles dont elle avait bénéficié personnellement par la suite. Il est impressionnant de l’entendre ponctuer toutes ses prières, ses actes d’offrande et d’amour par son émouvant leitmotiv : « et pour le Saint-Père ». Au terme du pèlerinage, les frères en ont témoigné : tous nos amis se sont appliqués à beaucoup, beaucoup prier, dans une unanimité de cœur très édifiante.

FATIMA, “ DANS LA CONFUSION DES PARTIS ET DES SECTES ”

Cette année encore, nos pèlerins devaient ressentir durant leur passage à Fatima l’ambivalence de ce sanctuaire. Certes, c’est un bonheur de se retrouver au pied de la Vierge de la Capelinha, là où elle est apparue, d’abord pour la consoler et puis pour lui présenter nos intentions. Et cependant, comment ne pas ressentir l’impression pénible d’une occupation de ces lieux bénis par un clergé qui, tel celui de Jérusalem du temps de Notre-Seigneur, a confisqué à son profit la parole de Dieu, le message de Notre-Dame, pour en imposer une interprétation outrageante, étouffant toute voix discordante... La dévotion populaire est contrariée par la religion prétendue “ christocentrique ” froide et aseptisée des autorités, sans sacrifice ni amour pour la Sainte Vierge, ni même de dévotion pour les petits voyants malgré l’occurrence du centenaire de la mort de Jacinthe. Cette opposition se manifestera plusieurs fois brutalement à nos amis tout au long de ce 19 février, passé à Fatima.

Ce fut encore une journée très intense ! Les plus courageux profitèrent de la première nuit pour aller réciter le rosaire au Cabeço. Pour le reste des pèlerins, la matinée commença par la messe de 7 h 30 et dans la basilique du Rosaire, tout près des tombes des voyants : quelle grâce !

Mais quand ils revinrent, à 10 heures, pour une cérémonie organisée en l’honneur des pastoureaux, ils furent très déçus par une “ liturgie de la parole ”, pauvre, sans vénération des reliques. Heureusement, à la fin, ils purent la relever en entonnant le ­cantique “ François et Jacinthe ”, chanté à pleins poumons.

C’est ainsi que de station en station la ferveur de notre groupe CRC fut très remarquée. À 11 heures, lors du chemin de pénitence, il était émouvant de voir derrière nos sœurs les plus jeunes enfants et les doyens du pèlerinage s’appliquer à parcourir tout le chemin à genoux, ajoutant à chaque dizaine du chapelet l’invocation : « Ô Jésus, c’est pour votre amour, en réparation des outrages au Cœur Immmaculé de Marie et pour la conversion des pauvres pécheurs, et pour le Saint-Père. » Pèlerins et touristes les contemplaient, stupéfaits !

L’après-midi fut occupé par le Chemin de Croix des Hongrois, les stations aux Valinhos, au Cabeço, aux maisons des voyants et enfin à l’église de Fatima. Lors de la traversée d’Aljustrel, les commerçants, d’habitude si volubiles, furent décontenancés par ce groupe si uni qui s’avançait en chantant ses Ave Maria. À tel point qu’ils n’osèrent pas le déranger !

Mais lors de leur passage au musée de la vice-­postulation, ce fut au tour de nos amis de demeurer interdits : venus y vénérer les reliques des voyants, ils furent accueillis par une jeune religieuse en costume civil, qui s’efforça de démontrer à nos enfants que la prière du “ Je vous aime ô Marie ” s’adresse en fait à... Jésus ! Bien formés, ils ne s’en sont heureusement pas laissé conter !

Le contraste entre la piété populaire et l’indifférence de la hiérarchie fut encore plus violent le soir, lors de la veillée organisée en l’honneur des saints François et Jacinthe dont c’était la fête liturgique. Après la procession, la foule s’assembla derrière la statue de Notre-Dame sur son brancard, silhouette si pure, frêle et gracieuse qui émouvait tant notre Père. Certains de nos frères et phalangistes eurent même le privilège de la porter ! Ce triomphe de la Reine du Ciel, s’avançant parmi les acclamations de son bon peuple portugais – dont nous sommes ! – est un moment de Paradis. Mais quelle tristesse de voir, aussitôt la procession rentrée dans la basilique, Notre-Dame se voir remisée dans la sacristie et la cérémonie continuer, sans Elle, de façon tout à fait protestante ! Notre-Dame est proscrite, jusqu’en son sanctuaire. Cela doit stimuler notre ardeur à réparer tant d’outrages et d’indifférences.

CENTENAIRE DE SAINTE JACINTHE

Encore une dernière journée très chargée avant de songer au retour. Ce jeudi 20 février était le sommet du pèlerinage, puisqu’en ce jour centenaire de l’entrée au Ciel de sainte Jacinthe, notre délégation CRC allait se rendre à Lisbonne, sur les lieux mêmes où elle vécut ses derniers moments.

Dans les cars, une belle instruction de frère Thomas sur les sept flammes du cœur de Jacinthe y avait bien préparé nos amis, en leur présentant d’une manière neuve et enthousiasmante les paroles les plus ardentes de la petite sainte. Si vous avez lu Francisco et Jacinta, si petits... et si grands ! de notre sœur Françoise de la Sainte Colombe, cela doit vous parler : l’amour des siens, d’abord, puis la flamme de l’amour de Dieu, allumée dans son cœur par l’Ange du Portugal en 1916. L’amour de la Sainte Vierge, ensuite, qui embrasa son cœur le 13 mai 1917 et plus encore le 13 juin, tandis que le 13 juillet, ce fut un amour compatissant pour les pécheurs tombant en enfer qui s’empara de son âme, ainsi qu’une ardente dévotion pour le Saint-Père. La sixième flamme du cœur de Jacinthe fut sa sainte amitié, si pure et très intime, pour Lucie. Et la dernière ? « “ L’Amour n’est pas aimé ! ” Alors un feu embrasait le cœur de Jacinta, celui d’une dévotion tendre, ardente, jubilante, pour les Cœurs de Jésus et Marie. Cette septième flamme nourrit toutes les autres et consuma littéralement la petite voyante. »

La première station de ce pèlerinage à Lisbonne fut la grand-messe à la basilique de l’Estrela : messe magnifique, célébrée spécialement pour notre groupe, animée par nos plus beaux chants qu’accompagnait une phalangiste aux grandes orgues du sanctuaire.

Frère Vincent prononça un sermon très roboratif sur la puissance d’intercession de sainte Jacinthe. Après avoir rappelé diverses grâces accordées à la prière de la voyante, de son vivant même, puis quelques guérisons spectaculaires obtenues par son intercession, après sa bienheureuse mort, notre frère conclut ainsi : « La puissance d’intercession de sainte Jacinthe nous parle de celle du Cœur Immaculé de notre très chère Mère du Ciel à qui elle les demande. Dieu a voulu nous montrer par sainte Jacinthe que le recours efficace pour obtenir des grâces, c’est la Médiation du très bon Cœur de Marie, toute miséricordieuse. »

Voilà qui nous excite à la prier avec une confiance accrue, pour lui demander la conversion du Saint-Père !

La visite de l’orphelinat Notre-Dame des Miracles fut sans doute l’étape la plus émouvante de ce pèlerinage. Jacinthe y demeura une douzaine de jours, avant d’entrer à l’hôpital pour y mourir. Dans sa chambre, on peut encore vénérer quelques objets lui ayant appartenu ainsi que son lit et sa chaise, si petite, sur laquelle Notre-Dame elle-même s’assit un jour !

Malheureusement, notre groupe était seul, en ce jour anniversaire, à vénérer ainsi Jacinthe. C’est une raison supplémentaire pour nous pénétrer de ses dernières paroles à Lucie, rappelées par frère Jean Duns dans la chapelle de l’institution, comme si elle nous les adressait à nous-mêmes : « Le moment venu, ne te cache pas. Dis à tout le monde que Dieu nous accorde ses grâces par le moyen du Cœur Immaculé de Marie. »

La fin de la journée fut occupée à visiter la ville de Lisbonne, ville au prestigieux passé forgé par ses Croisés, ses martyrs, ses missionnaires et ses explorateurs. Frère Thomas nous fit tour à tour admirer la cathédrale, ancienne mosquée reconquise sur l’en­vahisseur musulman, puis vénérer la chambre natale de saint Antoine... de Lisbonne, mort à Padoue. Enfin, il entraîna nos amis jusqu’au bord de la “ Mer de paille ”, l’estuaire du Tage, pour leur décrire le monument des découvertes par lequel le président Salazar voulut ­exalter la mémoire de l’épopée missionnaire et coloniale portugaise. Lui-même était animé du même esprit : « Partout où le Portugais a pris pied, il a planté l’arbre de la Croix : elle s’y est enracinée et a poussé, elle s’y maintient vivante et fidèle à Rome. Quel intérêt y avons-nous trouvé ? Qu’avons-nous obtenu en échange de l’argent dépensé, des efforts fournis, de la faim, de la misère, des climats adverses, des navigations audacieuses, des luttes en terres lointaines, des martyres que nous avons soufferts ? Qu’avons-nous gagné ? – D’avoir pu travailler à l’extension du royaume de Dieu, et donc à l’élévation des hommes de toutes les races à une plus haute spiritualité de vie et de fraternité chrétiennes. » (30 novembre 1954)

Cette visite s’acheva dans la somptueuse abbatiale Sainte-Marie de Belém du monastère des Jéronimos, où les navigateurs venaient se confier à la Sainte Vierge.

Jésus-Hostie était exposé au maître-autel. Hélas ! il fallut bien partir, le laissant seul dans une immense église déserte : dernière tristesse de notre pèlerinage, ultime et clair appel à le consoler davantage !

De retour à la maison Saint-Joseph, frère Jean Duns tira les leçons de cette semaine si comblée de grâces : « Un pèlerin m’a dit : “ Ce pèlerinage, c’est vraiment le fruit de l’école de pensée CRC. ” Pour une raison très précise : c’est que nous avons appris de notre Père à nous mettre entièrement à l’école de la Sainte Vierge, nous consacrant à son Cœur Immaculé dans une soumission amoureuse, une docilité qui conduit à embrasser toutes ses volontés. C’est ce qui a motivé notre école de pensée à étudier à fond ce que veut la Sainte Vierge.

« Je le souligne, car en dehors de la CRC, cela n’existe pas. On ne trouve nulle part un pèlerinage aussi fourni en instructions : nous n’avons même pas eu le temps de tout écouter ou visionner durant la semaine ! Demeurons donc dans l’action de grâces d’être les disciples de notre Père et par lui enfants de Marie. »

frère Guy de la Miséricorde.