Il est ressuscité !

N° 210 – Juin 2020

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Le pape François et la Chine :
a trahi, trahit, trahira !

ALORS que dans notre monde occidental, les gouvernements démocratiques sont unanimes pour soutenir les manifestants qui, à Hong Kong, défendent l’autonomie du territoire pourtant garantie jusqu’en 2047, mais que compromettent dramatiquement les nouvelles lois imposées par le gouvernement de Pékin, les autorités vaticanes comme le Pape restent singulièrement silencieuses.

Jean-Marie Guénois, bien renseigné, n’hésite pas à avancer l’explication dans sa Lettre aux abonnés du Figaro : « Il s’agit pour le Pape de ne pas déplaire à Pékin où il rêve de se rendre. Ce qui serait en effet “ le ” voyage de son pontificat. Là où la Compagnie de Jésus lança en 1600 une évangélisation audacieuse avec Matteo Ricci – ce jésuite italien fut le premier religieux européen à être admis à la cour de Chine, une avancée qui échoua par la frilosité de Rome qui refusa l’invention d’une liturgie typiquement chinoise – le premier Pape jésuite de l’histoire franchirait, en ce troisième millénaire, la muraille de Chine et entrerait à Pékin.

« Cette perspective est absolument fascinante. Elle était irréaliste, il y a encore peu. Elle devient réaliste à l’heure où la Chine a un besoin stratégique de redorer un blason international écorné. » (Dieu seul le sait n° 12 du 7 juin 2020)

L’IDYLLE ENTRE LE PAPE ET LA CHINE.

Le vaticaniste Sandro Magister, dans un article publié le 1er juin sur le site internet Diakonos.be, expose les signes de ce qu’il appelle « l’idylle médiatique entre le Pape et la Chine ». Il remarque tout d’abord que les médias chinois font largement écho aux discours du Saint-Père :

« Pendant les soixante-dix jours de confinement à cause de la pandémie de coronavirus, pendant lesquels le pape François a retransmis dans le monde entier ses messes matinales à Sainte-Marthe, “ la voix et le visage de l’évêque de Rome sont entrés quotidiennement dans les maisons d’innombrables catholiques chinois ”, a informé l’agence vaticane Fides. Avec de surcroît le privilège de profiter de la traduction simultanée en chinois des paroles du pape grâce à l’appli de messagerie la plus utilisée – et contrôlée – en Chine, appelée WeChat, avec un milliard d’utilisateurs actifs.

« Un autre site web est également connecté à WeChat, il s’agit de la toute nouvelle édition en chinois de La Civilta Cattolica, la revue historique des jésuites de Rome, dirigée par Antonio Spadaro, qui est à chaque fois imprimée après autorisation des autorités vaticanes et qui reflète pleinement la pensée du pape François.

« Le premier numéro de l’édition en chinois a été mis en ligne le 20 avril. L’inauguration de l’édition chinoise de la revue a été accompagnée d’une lettre d’éloge du Secrétaire d’État, le cardinal Pietro Parolin, accompagnée des formules usuelles “ de respect, d’estime et de confiance envers le peuple chinois et ses autorités ”.

« Mais naturellement, il n’y a pas de place dans la revue ni pour le cardinal Joseph Zen, évêque émérite de Hong Kong et héros des manifestations pacifiques de la ville, ni pour le cardinal birman Charles Maung Bo, auteur en avril dernier d’un acte d’accusation dur contre “ les mensonges et la propagande ” avec lesquels les autorités chinoises “ ont mis en danger des millions de vies à travers le monde ”, en falsifiant les origines de l’épidémie de coronavirus.

« Mais en revanche, le Global Times, le média du parti communiste chinois, a curieusement invoqué la religion du Pape pour se défendre d’accusations similaires émises par le Secrétaire d’État américain Mike Pompeo, accusant ce dernier d’être un “ traître au christianisme ” en désobéissant au “ neuvième commandement ” (celui contre le faux témoignage, le neuvième pour certains courants protestants mais le huitième pour les catholiques).

« En Chine, la répression de la liberté religieuse est toujours lourde et, à Hong-Kong, on ne compte plus les arrestations des plus éminents défenseurs de la démocratie, y compris chrétiens. Mais tout cela se passe dans le silence des autorités vaticanes et du pape François, qui semblent plutôt avoir d’autres fixations. Dans le message vidéo d’une minute à peine qu’il a diffusé en mars pour proposer une prière pour l’Église en Chine – prononcé en espagnol et sous-titré en mandarin – il a trouvé le temps d’admonester les catholiques chinois pour qu’ils “ ne fassent pas de prosélytisme ”, comme si c’était là leur péché capital.

« Sur le terrain médiatique, ces derniers mois en Chine, le Vatican s’est distingué par ses œuvres de miséricorde. À commencer par l’envoi par Rome début février, quand l’épidémie semblait encore se limiter à Wuhan et à ses environs, de sept cent mille masques glissés dans des enveloppes marquées du sceau de l’aumônerie pontificale. C’est à nouveau le Global Times, le tabloïd du très officiel Quotidien du Peuple qui a donné le premier cette information.

« En mars, le cardinal secrétaire d’État a rendu public l’envoi d’un don du pape François à l’organisation caritative chinoise Jinde Charities, qui s’occupe d’aide humanitaire et dont le quartier général est à Shi Jia Zhuang, à 300 kilomètres de Pékin. Un don d’un montant s’élevant à 200 000 euros.

« Ensuite, les flux se sont inversés. Début avril, l’organe de presse de Jinde Charities, a envoyé au Pape une lettre l’invitant à “ porter lui aussi un masque ” accompagnée de trois livraisons de masques, de gants chirurgicaux, de tenues et de lunettes de protection depuis la Chine vers le Vatican, des équipements que le Vatican a fait parvenir à plusieurs bénéficiaires en Italie.

« Le 10 avril, à Pékin, le porte-parole des Affaires étrangères chinoises a publiquement fait l’éloge du Vatican pour ce geste de solidarité visant à “ protéger la sécurité sanitaire mondiale ”.

IL N’Y A PIRE AVEUGLE QUE CELUI QUI NE VEUT PAS VOIR.

« Il est évident que cette idylle médiatique fait office d’écran de fumée pour le Vatican devant les graves événements qui se déroulent à Hong Kong.

« Là-bas, le diocèse est toujours privé d’évêque à proprement parler depuis janvier 2019, après la mort inattendue du titulaire de l’époque, Michael Yeung Mingcheung, et est provisoirement administré par le cardinal John Tong Hon, qui en avait été l’évêque jusqu’en 2017.

« Son successeur naturel aurait dû être l’évêque auxiliaire Joseph Ha Chi-shing, mais ce dernier est considéré comme trop proche du cardinal Zen et des courants libéraux de la ville, et donc trop impopulaire aux yeux de Pékin pour que le Saint-Siège le choisisse, bien que l’accord suicidaire signé le 22 septembre 2018 qui confie aux autorités chinoises le soin de proposer chaque nouvel évêque ne s’applique pas à Hong-Kong.

« En revanche, Peter Choy Waiman, l’actuel vicaire du diocèse, est un candidat qui plaît davantage à Pékin. Et c’est lui que Rome aurait choisi comme nouvel évêque de Hong-Kong. Sa nomination était donnée pour imminente en janvier mais elle est restée en suspens depuis.

« Par contre, le gouvernement n’aura pas perdu de temps pour installer comme nouveau chef du bureau du Conseil d’État pour les affaires de Hong Kong et de Macao Xia Baolong, un fidèle du président Xi Jinping qui a été son homme de main dans le Zhejiang, où il s’est distingué par son intolérance contre les communautés “ souterraines ” protestantes et catholiques. Entre 2013 et 2017, quand Xia était vice-président du parti communiste dans cette région, on compte que 1 200 croix et des dizaines d’églises ont été rasées au sol. »

Sandro Magister relève aussi les singuliers silences du pape François, après le Regina Cœli du dimanche 24 mai, en la fête de la Vierge de Sheshan. S’il a adressé des paroles de salutation et de soutien « dans les épreuves de la vie » aux catholiques chinois, « il n’a rien dit, ni sur la répression qui fait rage à Hong Kong, ni sur un autre sanctuaire marial, celui de Donglü, où l’église a par contre été démolie sous prétexte d’un refus des prêtres et des fidèles d’adhérer à l’association de l’Église patriotique, le bras répressif du parti communiste.

« Le Pape n’a pas non plus pipé mot, ni cette fois ni jamais, sur le fait que c’est aussi à Sheshan, juste à côté du sanctuaire, que l’évêque de Shanghai, Mgr Thaddée Ma Daqin, se trouve aux arrêts domiciliaires depuis 2012 pour le seul crime d’avoir démissionné de l’association de l’Église patriotique le jour même de son ordination épiscopale. »

Le Pape ne pourrait pas plaider l’ignorance. En effet, ce dimanche 9 juin, Mgr Claudio Maria Celli, responsable des relations avec la Chine au Vatican, tout en annonçant que l’accord entre le Saint-Siège et la Chine sur la nomination des évêques sera « probablement reconfirmé pour un ou deux ans », reconnaissait qu’il existait « des situations qui nous laissent plus que pensifs. Je dirais même inquiets (...). Il est indéniable qu’il existe des situations et des événements qui nécessitent un cheminement qui ne sera pas facile. »

CLAQUE COMMUNISTE CHINOISE.

Ce n’est pourtant pas une nouveauté. Déjà en 1981, le pape Jean-Paul II qui, lui aussi, rêvait d’être le premier Pape à se rendre en Chine, avait saisi la main tendue par les autorités chinoises. Un éditorial de l’abbé de Nantes, sous le titre “ Claque communiste chinoise ” (Contre-Réforme catholique, n° 167, juillet 1981), mérite d’être relu et devrait être enseigné à l’Académie pontificale ecclésiastique, pour déniaiser les futurs diplomates du Saint-Siège.

Notre Père commençait par rappeler l’illusion qui est celle de tous les libéraux, ennemis de la Croix :

« Si un Pouvoir communiste reconnaissait en fait comme en droit la liberté religieuse ; si cet État, plus largement, respectait les droits de l’homme et travaillait à l’avènement de la justice et de la paix dans le monde, cet État ne réintégrerait-il pas ainsi la communauté des nations ? En cessant d’être esclavagiste, oppresseur et persécuteur, ne cesserait-il pas d’être condamnable ?

« Sans même attendre cette conversion totale, mais pour la préparer, le Pape ne peut-il pas, ne doit-il pas dans sa charité universelle, tendre les mains aux peuples qui se sont donné un pouvoir communiste ? et fournir des gages de bonne volonté et de loyauté à ces gouvernements ? »

Telle était la pensée du « Pape venu d’un pays communiste ». En conséquence de quoi, Jean-Paul II nomma Mgr Tang, jésuite, âgé de soixante-treize ans, archevêque de Canton, diocèse dont Pie XII l’avait fait administrateur apostolique en 1950, en l’élevant à l’épiscopat. Emprisonné et torturé, il fit vingt-deux ans de captivité pendant lesquels il finit par accepter la Triple autonomie. Quatre mois après sa libération, il fut élu par les prêtres de l’Église « patriotique » de Canton pour être leur pasteur.

Notre Père commente : « Récapitulons : Évêque de Pie XII. Confesseur de la foi, martyr de l’unité catholique romaine. Sorti de son camp de rééducation par décision du Pouvoir communiste, il y a un an. Élu évêque de l’Église chinoise schismatique en rupture avec Rome, il y a huit mois ; et cela par la volonté du Pouvoir communiste (...). En clinique à Hong Kong, avec visa de sortie du Pouvoir communiste, il y a quatre mois, juste à temps pour rencontrer le cardinal Casaroli en pieuse visite à son chevet. En libre voyage et bonne santé, il y a deux mois... Je suis évêque schismatique, je suis évêque catholique, voyez donc qu’il n’y a plus de problème, je suis partout chez moi, frère des persécuteurs, frère des cardinaux, catholiques, communistes, tous frères (...).

« Quant à la grande majorité des catholiques chinois, rebelles au schisme par fidélité au Pape, ils n’ont plus qu’à se rendre au schisme... par fidélité au Pape puisque leur évêque romain à Canton est l’évêque schismatique. Ainsi la main gauche tendue à l’ennemi, la droite se referme et rejette le frère. Il y a de quoi pavoiser ! Tout allait donc pour le mieux. »

Vous remarquerez la similitude des situations entre celle des débuts de la politique du Vatican d’ouverture à Pékin, et l’actuelle, quarante ans plus tard, à ceci près que le Saint-Siège en est venu à reconnaître au gouvernement chinois le droit de lui proposer les candidats à l’épiscopat !

La suite de l’affaire Tang est éloquente : une semaine après sa nomination officielle par Rome, l’Église « patriotique » dénonçait son ralliement au Vatican, et le menaçait d’expulsion l’accusant d’être « un laquais du Saint-Siège et de révéler ainsi son visage de réactionnaire ». Quelle claque !

Ce ne fut pas suffisant pour détourner le Vatican de sa politique de ralliement, à l’exemple de Léon XIII s’obstinant dans la même attitude vis-à-vis de la République française nonobstant les persécutions anticléricales. Mais pour quels fruits de conversion ? Aucun !

Les inquiétudes de Mgr Celli ne cachent-elles pas les preuves qu’aujourd’hui encore le gouvernement chinois ne joue le grand air de l’idylle que pour mieux arriver à ses fins : l’écrasement de la valeureuse Église clandestine, qui lui tient tête depuis soixante-dix ans ?

L’HÉROÏQUE EXEMPLE DU PÈRE BÉDA TSANG, JÉSUITE.

En Chine, comme partout ailleurs, aujourd’hui comme hier, c’est « le sang des martyrs qui est semence de chrétiens ». Aussi, pourrait-on suggérer au Saint-Père, plutôt que de s’enticher du jésuite Matteo Ricci à l’apostolat stérile, de s’intéresser à un autre jésuite, chinois celui-là, le Père Béda Tsang, recteur de l’université catholique de Shanghai en 1950, martyr, en quelque sorte un des pères de l’Église clandestine victorieuse.

Un peu d’histoire nous montrera que seules la fermeté et la droiture permettent de résister aux suppôts de Satan, puisque alors les chrétiens mettent toute leur confiance en la puissance divine et non pas en leur diplomatie humaine.

Tandis que les massacres de chrétiens avaient jalonné toute la guerre des communistes chinois contre les nationalistes, une fois la victoire acquise à l’été 1949, les catholiques non seulement ne furent plus inquiétés mais purent pratiquer le culte en toute quiétude, tout particulièrement à Shanghai, récemment conquis par les troupes de Mao, et qui était le diocèse le plus populeux avec cinquante mille catholiques.

Le Père Béda Tsang, s. j. (1905-1951).
Recteur de l’université catholique de Shangai,
il fut l’âme de la résistance des catholiques
de la ville, préparant les fidèles à la persécution. Arrêté le 9 août 1951, il mourut martyr sous la torture le 11 novembre de la même année.

Le Père Béda et ses collègues jésuites, comme une grande partie de la hiérarchie catholique, composée surtout d’évêques missionnaires, pensaient bien qu’il s’agissait davantage d’un calme précédant la tempête que d’une conversion sincère du Parti à la liberté religieuse !

Ils savaient que le communisme, « intrinsèquement pervers », n’était en rien conciliable avec la religion catholique, qu’il ne tolérerait jamais l’Église catholique et ses prêtres qui sont un obstacle à son totalitarisme sur la société. Il ne pouvait pas y avoir de compromis entre la foi catholique intégrale, romaine et le communisme, véritable instrument de Satan pour les derniers temps.

Ils comprirent que l’important était de gagner du temps pour préparer les fidèles à la persécution. Ils donnèrent donc comme consigne à leur personnel comme aux étudiants de ne jamais s’opposer publiquement à la politique du gouvernement. Tout ce que celui-ci décidait devait être accepté, hormis ce qui serait un danger immédiat pour la foi.

Cette précaution prise, et qui va s’avérer bien utile, les jésuites organisèrent durant toutes les vacances des retraites intensives. Leur succès dépassa leur espérance puisque neuf cents de leurs étudiants catholiques sur les trois mille des établissements jésuites de la ville s’y inscrivirent. Pendant trois jours – et presque autant de nuits ! – ils étaient mis en face de la tentation de l’apostasie qu’ils auraient à affronter ; c’est leur vie éternelle qui allait se jouer. Pour résister, il leur fallait dès maintenant beaucoup prier, et tout particulièrement dire le chapelet, faire pénitence et s’instruire des vérités de notre religion, qu’ils devaient être capables de défendre, et des arguments pour réfuter le communisme.

À la rentrée scolaire, les retraites se prolongèrent par des “ groupes de catéchisme ”. Le nom de “ catéchisme ” était un paravent pour ne pas alerter les communistes qui n’auraient pas toléré un mouvement de jeunesse qui ne soit pas des leurs. En réalité, il s’agissait de permettre à ceux qui avaient suivi la retraite de se retrouver par classe ou par établissement, chaque semaine, pour prier ensemble et, surtout, s’exercer à répondre à la dialectique communiste. Singuliers “ groupes de catéchisme ” où on lisait les œuvres de Lénine... pour les réfuter.

Leurs réunions se tenaient le plus souvent en présence d’un Père jésuite ; il en émergea une élite de jeunes catholiques, tant de garçons que de filles, prêts au combat. Le Père Béda leur permit de s’engager :

1o chaque matin, à renouveler l’acceptation de l’emprisonnement et de la mort.

2o à renoncer aux fiançailles et au mariage le temps qu’il serait nécessaire de défendre l’Église.

3 o à se fixer un programme de vie spirituelle.

4o à accepter toute mission qui serait utile à l’Église, sans considération du danger.

Leur dévouement n’allait pas tarder à être sollicité.

Cette « stratégie » du Père Béda fut aussitôt soutenue par le nouvel archevêque de Shanghai, un ancien élève des jésuites devenu professeur, Mgr Ignace Kiung Pin-Mei, âgé de cinquante ans. Installé en août 1950, une de ses premières décisions fut d’ordonner à tous les curés d’organiser dans chaque paroisse des instructions d’apologétique de la foi catholique. Là aussi, le succès dépassera les prévisions dans toutes les paroisses de la ville, et spécialement dans celle, particulièrement populeuse et pauvre, du Christ-Roi.

Dans la plupart des autres diocèses de Chine, les évêques missionnaires préférèrent encourager les œuvres d’apostolat afin de profiter peut-être des derniers mois de liberté pour amener au baptême une population encore largement païenne. C’est La Légion de Marie qui va s’illustrer dans ce « prosélytisme », provoquant de nombreuses conversions à la veille des persécutions et se mettant, de ce fait, dans le collimateur des communistes.

LE REFUS DE LA TRIPLE AUTONOMIE.

Pendant ce temps, des responsables communistes avaient pris langue avec des pasteurs protestants chinois pour leur garantir la liberté de culte moyennant la sinisation de leurs Églises : financement chinois, direction chinoise, doctrine chinoise. Ce qu’on appellera la Triple autonomie. Un bon nombre de pasteurs s’y rallièrent. Les journaux vantèrent alors leur esprit patriotique et firent une discrète invitation aux catholiques de les imiter.

Toutefois, c’est le peu d’enrôlement de jeunes catholiques pour la guerre de Corée qui fournit le premier prétexte au gouvernement pour s’en prendre aux catholiques. Mais l’apparent zèle nationaliste du Père Béda Tsang déjoua l’attaque à Shanghai. C’est alors que l’appel des protestants pour que les catholiques se rallient à la « Triple autonomie » se fit plus pressant.

D’un seul coup, dans les réunions que les communistes multiplient, les catholiques furent pris à partie. Quelques arrestations bien orchestrées comme celle du Père Fu, salésien, en pleine réunion de directeurs d’établissements scolaires, pour avoir publiquement affiché sa volonté de s’opposer à la propagande du Parti dans l’école, commencent à semer la terreur.

Dès les premières semaines, un jeune catholique sur dix va apostasier ; au bout de cinq années de lutte, le parti communiste en aura rallié un sur cinq. Les autres auront résisté, formant le fondement solide de l’Église catholique clandestine, en suivant l’exemple du Père Béda Tsang, leur Père spirituel.

Au printemps 1951, l’offensive communo-protestante en faveur de la Triple autonomie battit son plein. Dans certaines régions de Chine, le clergé catholique était chancelant, tout particulièrement dans celle où l’influence du Père Lebbe, le disciple du Père Ricci au vingtième siècle, était notable. C’était particulièrement le cas à Chongqing, la capitale de la Chine du Sud-Ouest.

Les 1er et 2 juin, un grand rassemblement était organisé à l’occasion des Quarante Heures, afin d’amener le clergé à se rallier à la suite du Vicaire capitulaire, qui administrait le diocèse depuis la mise en résidence surveillée de l’évêque missionnaire, et qui semblait bien acquis à la Triple autonomie.

Après la prise de parole de celui-là proclamant son soutien intégral à la politique du gouvernement et réclamant l’expulsion de l’internonce, Mgr Riberi, représentant du Pape, pour délivrer la Chine de tout impérialisme, un jeune prêtre, l’abbé Jean Tong, monta d’un pas ferme à la tribune. Il était venu de Shanghai où il enseignait les dialectes du Sud à l’Université, tout en se passionnant pour le cinéma. Mais là, d’une voix bien timbrée, après un grand signe de croix et trois invocations au Sacré-Cœur, à la Sainte Vierge et aux Saints Apôtres, il lut une déclaration qui fit sur l’assistance l’effet d’une bombe. Nul n’osa l’interrompre, pas même les délégués officiels du parti communiste !

Posément, il exposa pourquoi un prêtre catholique ne pouvait attaquer le représentant du Pape, ne faisant qu’un avec lui, et pourquoi la Triple autonomie était opposée à la constitution divine de l’Église et à sa doctrine. Il flétrit le manque de courage de ceux qui n’osent s’affirmer, qui louvoient, qui pactisent avec l’erreur, ébranlant ainsi la foi des fidèles.

Il acheva en s’offrant en sacrifice pour sa patrie : « Messieurs, je n’ai qu’une âme que je ne peux diviser. Mais j’ai un corps qui peut être mis en pièces. Je pense que le mieux est d’offrir mon âme à Dieu et à l’Église, mon corps à la patrie. Si mon pays veut détruire mon corps, je ne me plains pas. Les hommes de notre gouvernement, fervents matérialistes et obstinés négateurs de l’existence de l’âme, doivent être logiquement satisfaits de l’offrande que je leur fais de mon corps en sacrifice. »

Après avoir rappelé la conversion de Saul de Tarse, le persécuteur, il termine : « C’est pourquoi je prie aussi Dieu Notre-Seigneur pour que, parmi les nombreuses âmes qui sont maintenant dans le parti communiste, se lèvent de nombreux Paul qui dépasseront de cent coudées en solidité et en valeur, le pauvre prêtre qui vous parle. C’est là ma plus ardente prière. Pour que ma requête soit entendue, je ne refuserai pas un seul sacrifice, espérant que cette vie terrestre que j’offre aujourd’hui servira de gage pour la conversion de la génération future. »

De longs et frénétiques applaudissements des fidèles saluèrent le jeune prêtre, tandis que la séance fut close précipitamment et l’arrestation du Père Tong décidée.

Le clergé de Chongqing se ressaisit et se mit d’accord sur la conduite à tenir. Le 10 juin, le Vicaire capitulaire chanta la grand-messe dans la cathédrale, la seule église qui restait ouverte ; au prône il fit en son nom et au nom de tous ses confrères une rétractation solennelle. Cet acte fut connu peu à peu de toute la Chine et jeta l’enthousiasme au cœur des chrétiens, et tout particulièrement à Shanghai à la fin de juin.

L’ÉGLISE DE SHANGHAI TIENT TÊTE AUX COMMUNISTES.

Mais il provoqua la colère des communistes qui se reporta sur le Père Béda Tsang qu’ils soupçonnaient, non sans raisons, d’être l’âme de la résistance.

Ils organisèrent une campagne de délation contre lui. Pour tenter de l’apaiser, il présenta sa démission. Les autorités gouvernementales la refusèrent, mais quelques jours plus tard tous les directeurs d’établissements scolaires catholiques furent licenciés. C’était le signal de la première grande persécution contre les catholiques.

Le 9 août, le Père Béda Tsang fut arrêté. « Il monta dans la voiture et, souriant, salua une dernière fois de son sympathique geste de la main ceux qui l’avaient accompagné jusqu’à la porte. » L’arrestation ne fut pas rendue publique.

Certains de ses étudiants et de ses amis furent aussi arrêtés. Le choc fut grand dans toute la communauté catholique. D’autant plus qu’une semaine ne s’était pas écoulée, qu’on annonçait son retour pour une confession publique à la suite de laquelle il prendrait la tête de l’Église patriotique. Des tracts avec son nom étaient imprimés en faveur de cette dernière. Mais les jours passaient et on ne le revoyait pas. C’est qu’il résistait héroïquement à toutes les tortures.

Pendant ce temps, les communistes avaient déclaré que la Légion de Marie était une organisation criminelle à la solde des impérialistes. Tous ses membres devaient se présenter à la police et faire leur confession publique. Comme leur apostolat les avait fait connaître à leurs collègues ou à leurs voisins, ils furent l’objet d’un harcèlement inouï, y compris des membres de leur famille souvent encore païens. Beaucoup furent arrêtés et connurent les interrogatoires incessants et les tortures. À Shanghai, tous résistèrent. Il n’y eut pas une seule défection chez les légionnaires.

Telle cette jeune fille, jadis connue pour son mauvais caractère et son mépris des païens : au prêtre qui lui fait remarquer à quel point elle est maintenant sereine alors qu’elle revenait d’une séance de torture, elle dit avec un merveilleux sourire : « Oh ! oui, Père, Dieu est bon. C’est dur, dur, mais je le remercie de m’avoir tant appris, tant pardonné, de me permettre de souffrir pour racheter mon orgueil et mériter la conversion des païens. » Un jour, pendant le supplice de la suspension, elle crie.

– Vous êtes extraordinaires, vous autres chrétiens, dit le bourreau, quand on vous travaille, vous gémissez et pleurez, aussitôt qu’on vous lâche, vous recommencez à rire et à prier.

 Bien sûr ! Dans la torture, on ne peut que sentir le corps ; après, nous sommes contents d’avoir souffert avec le Christ. »

Il serait opportun de mettre sous les yeux du pape François, les paroles de Mgr Côté, évêque captif de Suchow : « Nous sommes emprisonnés dans nos chambres. La grâce travaille seule, réveille la foi qui dormait chez un trop grand nombre, provoque une ferveur d’apôtre, une ferveur de martyr, car beaucoup, par leur ardeur à défendre et à propager la religion, se sont attiré bien des tourments et risquent plus encore si la persécution s’envenime... Des milliers de baptêmes d’adultes sont administrés depuis le changement de régime. On lit nos livres de propagande. De partout nous arrivent des inconnus à qui nous n’avons jamais prêché, des riches, des pauvres, des professeurs, des ignorants, des communistes mêmes... »

Mais revenons au Père Béda Tsang, il mourut sous la torture le 11 novembre 1951. On avait annoncé aux jésuites qu’on leur redonnerait le corps. Lorsque la police arriva... c’était une foule de plusieurs milliers de personnes qui attendaient les restes mortels du jésuite martyr. La police fit demi-tour et alla enterrer le corps dans un lieu secret, sans aucun nom sur la pierre tombale. Qu’à cela ne tienne, la foule qui chaque jour se réunissait pour les différentes messes de Requiem, se dispersa dans toute la ville et finit par trouver sa sépulture qui devint un lieu de pèlerinage... au risque d’être arrêté et condamné.

Mais galvanisés, les étudiants continuèrent plus que jamais à tenir tête aux autorités. À l’université, on envoya de Pékin des commissaires chargés d’animer des séances de dialogue qui devaient aboutir à l’adhésion des étudiants à la Triple autonomie. Quinze meneurs furent mis à part et eurent droit à une séance spéciale. Il vaut la peine d’en lire le récit ; il suffit à lui seul à confondre l’actuelle diplomatie vaticane, jugez-en vous-même :

« Le chef des délégués de Pékin se montra charmant ; il s’excusa des manques de tact de ses subalternes, insuffisamment initiés aux problèmes des catholiques. Un étudiant catholique remercia le délégué et promit de ne rien cacher de sa pensée :

 Imaginez, dit-il, que je sois une jeune fille : un jeune homme sympathique m’offre une bague. Si je suis une jeune fille honnête, je chercherai d’abord à connaître ses intentions. Si elles sont mauvaises, je refuserai la bague, fût-elle en or ou ornée d’un diamant. Mais s’il m’offre un cœur sincère et droit, une simple bague de cuivre me comblera de joie. Je suis, je vous l’avoue, un peu comme cette jeune fille. Il ne m’intéresse guère de savoir si ce que vous m’offrez est de diamant ou de cuivre. Je cherche seulement à connaître l’intention qui vous pousse à ces offres.

 Venons-en au fait. Voulez-vous discuter avec nous un mode quelconque de participation au mouvement des Trois Autonomies ? Sachez que nous n’accepterons pas même la question. ” »

« Un autre étudiant aborda alors la question de l’internonce : “ Oseriez-vous prétendre que S. E. l’internonce a été expulsé à cause de nous, sur notre demande ? ” Il n’obtint pas de réponse. Puis un autre : “ Pouvez-vous affirmer en toute sincérité que la Légion de Marie est une organisation politique et réactionnaire ? ” Même silence.

« Alors une jeune fille déclara : “ Je vous félicite. Vous avez bien fait de vous taire. Nous avons lu Lénine. Nous savons comment il vous enseigne de détruire l’Église mais vous dissuade de l’attaquer de front. Sa tactique est celle que vous avez suivie depuis deux ans. Nous vous félicitons : vous êtes de bons communistes. ” »

MGR KIUNG, LE MINDSZENTY CHINOIS

Cette fermeté des catholiques de Shanghai leur permit de tenir tête publiquement aux communistes pendant cinq ans, provoquant bien des conversions de païens attirés par un courage qui ne pouvait s’expliquer que par la force de la grâce. En avril 1953, juste avant le déclenchement de la pire persécution, organisé par le terrible général Chen Yi, la venue de la statue de Notre-Dame de Fatima au sanctuaire de Sheshan provoqua un rassemblement de quinze mille personnes, dont approximativement le tiers de païens.

Mgr Ignace Kiung Pin-Mei (1901-2000).
Ancien élève des jésuites, il est nommé archevêque de Shangai en août 1950. Arrêté avec tout son clergé en 1955, il est “ jugé ” par un tribunal populaire puis condamné aux travaux forcés à perpétuité. Élevé au cardinalat in pectore par Jean-Paul  II en 1979, il est la figure éminente de l’Église clandestine pour tous les catholiques chinois.
Mis en liberté surveillée en 1986, il est finalement expulsé aux États-Unis en 1988, après un passage à Rome où le Pape le reçoit avec les honneurs dus à un confesseur de la foi... n’attendant pourtant que sa mort en 2000 pour accélérer sa politique d’entente avec Pékin.

C’est finalement l’arrestation de l’archevêque de Shanghai et de tout son clergé, dans la nuit du
8 au 9 septembre 1955, qui allait non pas signer la fin de l’Église catholique, comme les communistes le pensaient, mais son entrée en clandestinité préparée de longue date.

Pourtant le choc avait été terrible. Sous la torture, soixante-treize prêtres signèrent de fausses accusations contre leur évêque. Pourtant la plupart des catholiques résistaient toujours. On décida donc le jugement public de l’évêque.

Il fut exhibé dans la tenue des “ criminels ” : culottes courtes et mains attachées dans le dos. Des patriotes se succédèrent au micro pour témoigner de leurs accusations qui déclenchaient les cris de la foule, composée certes de curieux mais surtout de gens convoqués là par le Parti et soigneusement encadrés. De nombreux catholiques s’y trouvaient aussi.

« À la fin de l’interminable séance, l’ennemi du peuple fut poussé au micro. On n’attendait plus de lui que la conclusion lamentable, les aveux d’un homme physiquement ruiné, moralement effondré. Se redressant lentement, d’une voix forte, Mgr Kiung prononça une seule parole : Vive le Christ-Roi !  Les catholiques, bravant commissaires et activistes qui les entouraient, crièrent : Vive notre évêque !  La foule échappait brusquement au contrôle, les gardes entraînèrent en hâte le prisonnier. »

Un nouveau tribunal populaire fut convoqué deux mois plus tard ; cette fois-ci tout fut bien organisé. Une religieuse témoigne : « J’ai failli m’évanouir en assistant pendant trois heures à la Passion du Christ. Il se tenait doux et tranquille au milieu de la foule hurlante, pas un mot ne sortait de sa bouche. »

QUAND JEAN-PAUL II RÊVAIT DÉJÀ DE SE RENDRE EN CHINE.

Après avoir laissé Mgr Kiung croupir en prison cinq ans, celui-ci fut officiellement jugé en 1960 et condamné aux travaux forcés à perpétuité. En 1979, Jean-Paul II l’éleva au cardinalat in pectore, c’est-à-dire sans révéler son nom. Il était déjà pour tous les catholiques chinois le symbole de la résistance, comme l’avait été pour les Hongrois le cardinal Mindszenty. Il va connaître le même sort.

En effet, la situation désastreuse de la Chine à la mort de Mao la contraint à une « ouverture au monde » capitaliste, pour cela il lui faut jouer la carte de la liberté religieuse et améliorer ses relations avec le Vatican.

Pour eux, l’homme de la situation sera encore un jésuite chinois : Aloysius Jin Luxian. Ordonné prêtre en 1945, il fut envoyé en France parfaire sa théologie auprès du Père de Lubac, puis à Rome où il se lia d’amitié avec le futur cardinal Decourtray. De retour en Chine, il fut nommé directeur du séminaire de Shanghai. Arrêté en même temps que son évêque, il céda aux mauvais traitements, mais resta en prison jusqu’en 1973, puis fut mis en liberté surveillée. En 1982, à la faveur de la libéralisation du régime par Deng Xiaoping, l’Église patriotique lui confia la direction du séminaire de Shanghai qu’elle rouvrait. L’évêque officiel a alors quatre-vingt-dix ans ; en 1985, Jin Luxian fut sacré évêque sans l’accord de Rome pour être son auxiliaire. Il lui succéda comme archevêque patriotique de Shanghai en 1988.

Toutes les permissions lui furent données par le gouvernement pour faire connaître sa conviction aussi bien dans les autres diocèses chinois qu’à l’étranger où il est autorisé à voyager, à savoir : il est vain d’agir dans la clandestinité contre le parti communiste, il faut reconstruire l’Église avec le parti. Il imposa les réformes du Concile à l’Église de Chine, notamment la réforme de la liturgie en 1989.

Pour faciliter ses rapports avec Rome, la Chine devait se débarrasser du vieux Mgr Kiung, toujours archevêque légitime de Shanghai. Il fut donc mis en liberté surveillée en 1986, puis expulsé aux États-Unis en 1988, après un passage à Rome où le pape Jean-Paul II le reçut avec les honneurs dus à un confesseur de la foi...

Mais peu de temps après, Mgr Kiung, dont le cardinalat ne fut rendu public qu’en 1991, se rendant compte de la situation, s’opposa à la politique d’ouverture du Vatican envers Pékin. Si bien qu’il fallut attendre sa mort en 2000, pour que Rome et Pékin puissent avoir les mains libres.

Le cardinal Kiung, qui s’est toujours opposé à la politique d’ouverture du Vatican envers Pékin, en prière devant la statue de Notre-Dame de Fatima.

L’ÉGLISE CLANDESTINE TOUJOURS VIVANTE.

Or, à Shangai, selon les règles de la succession épiscopale dans les pays où l’Église est persécutée, un évêque clandestin, jésuite lui aussi, lui avait succédé, comme archevêque légitime clandestin. Le Vatican le somma de s’entendre avec Mgr Jin Luxian, dont l’ordination épiscopale avait été entre-temps validée par Rome, pour désigner leur commun successeur. Ce qui fut fait en 2005. Mais, pour des raisons encore inconnues, celui-ci fut poussé à la démission en 2012.

Mgr Jin choisit alors un jeune prêtre de Shanghai, le Père Thaddée Ma Daqin. Mais, le 7 juillet 2012, à l’issue de sa messe d’ordination épiscopale, le nouvel archevêque de Shanghai annonça sa démission de l’Association patriotique des catholiques chinois, signifiant ainsi son refus de la politique de contrôle du régime communiste sur l’Église catholique. Le soir même, il était appréhendé et placé en résidence surveillée au séminaire de Sheshan, où il se trouve encore actuellement, empêché d’exercer son ministère épiscopal, dans la plus grande indifférence du pape François, mais tenant le flambeau de la résistance de l’Église clandestine.

Celle-ci est toujours bien vivante malgré les exhortations au ralliement de Benoît XVI puis de François. En témoigne la réaction des fidèles à la reconnaissance par le gouvernement chinois de l’évêque clandestin de Fuzhou, Mgr Lin Jiashan, le 9 juin dernier. L’agence AsiaNews fait état d’une « division encore plus grande » dans le diocèse, certains prêtres et fidèles n’acceptant aucun lien avec le gouvernement. Selon eux, Mgr Lin Jiashan les aurait trahis.

Deux ans avant son arrestation, à l’occasion des vœux du Nouvel An, l’héroïque Mgr Kiung avait écrit : « Si nous renions notre foi, nous disparaîtrons et il n’y aura pas de résurrection. Si nous sommes fidèles, nous disparaîtrons également, mais il y aura une résurrection. »

C’est bien encore aujourd’hui l’alternative. Ou bien les catholiques chinois restent catholiques intégraux dans la foi, proclamant la volonté du Christ de régner en Chine, et donc interdisant tout abandon de la liberté de l’Église au profit du Parti communiste, ou bien ils cèdent à l’illusion du Masdu... comme le Saint-Père s’apprêterait à le faire.

En effet, d’après Jean-Marie Guénois : « Plutôt que de tenir l’œil sur le passé, François, en jésuite, vise devant, vers le siècle qui vient. Pékin n’aura donc qu’à lever le petit doigt et le voyage se fera. Plusieurs indices au Vatican me laissent d’ailleurs penser que ce projet est en préparation passive mais décidée. »

Dans ce cas-là, Mgr Celli fait un vœu pieux lorsqu’il déclare le dimanche 7 juin : « Le Saint-Siège veut aller de l’avant et arriver à une normalité à partir de laquelle les catholiques chinois pourront exprimer toute leur fidélité à l’Évangile tout en respectant leur  être Chinois ”. L’Église catholique en Chine doit être entièrement chinoise mais entièrement catholique ! Il n’y a pas de compromis à faire là-dessus. »

Voilà soixante-dix ans que l’Église catholique clandestine demeure à l’épreuve des persécutions communistes. Mais pour résister à celle de la trahison de Rome, il ne faudra rien moins que le triomphe du Cœur Immaculé de Marie sur le cœur du Saint-Père. Il est vrai que le sang de ses martyrs le mérite !

frère Pierre de la Transfiguration.