Il est ressuscité !
N° 223 – Juillet-août 2021
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
LA LIGUE
Petits zouaves du Saint-Père
DE retour du petit camp de juillet, les noms de Lamoricière, Becdelièvre et Charette reviennent sans cesse sur les lèvres de nos enfants, tandis que le fameux chant de marche des zouaves pontificaux jaillit de leur poitrine à toute heure du jour : « En avant, marchons, le Pape nous regarde ! En avant, bataillons ! »
Demandez-leur quel est leur meilleur souvenir du camp et vous serez surpris d’en entendre une majorité vous répondre : les instructions !
La raison de cette soudaine sagesse ? Frère Thomas leur a raconté l’épopée des zouaves pontificaux, en cinq épisodes préenregistrés. Chaque jour, il présentait plus particulièrement une nouvelle figure de zouave et c’est à travers son regard que nous découvrions les événements dramatiques des années 1860-1871, depuis la création du premier bataillon de volontaires franco-belges jusqu’aux ultimes sacrifices accomplis par nos zouaves sur le sol français face aux Prussiens. Quelle belle galerie de portraits attachants !
Les enfants ont le plus souvent préféré Arthur Guillemin, ce petit gars du Nord qui aimait tant sa maman, mais le Saint-Père plus encore. Bien trop petit pour faire un soldat du Pape ! s’écria-t-on au bureau de recrutement à Paris. Qu’importe ! Il se rendit directement à Rome où personne n’osa plus repousser tant de détermination.
« Quelle impression avez-vous ressentie la première fois que vous avez porté l’uniforme ? lui demanda un jour Louis Veuillot.
« – Celle que doit éprouver un prêtre en revêtant pour la première fois ses habits sacerdotaux. »
Nos zouaves avaient une conscience vive du devoir sacré qu’ils remplissaient, « Pro Petri Sede ».
Guillemin fut blessé à Castelfidardo le 18 septembre 1860, lors de cette défaite héroïque qui prolongea de dix ans la souveraineté temporelle du Pape. Miraculeusement guéri par l’intercession de saint Benoît-Joseph Labre, il reprit du service aussitôt sa convalescence achevée. Promu lieutenant, il fut tué en 1867 à la tête de sa colonne de quatre-vingt-dix zouaves, qu’il menait à l’assaut de la ville de Monte-Libretti défendue par mille trois cents garibaldiens : sacrifice qui permit la victoire de Mentana quelques jours plus tard, le 3 novembre 1867. Cette victoire glorieuse comme un dimanche des Rameaux préludait à la Passion du Saint-Père et de ses défenseurs lors de la prise de Rome trois ans plus tard.
Il faudrait aussi mentionner Théodore Wibaux et Henry Wyart, compatriotes de Guillemin : le premier n’obtint la permission de se joindre aux soldats du Pape qu’après avoir réussi à vaincre ses défauts d’enfant, tandis que le second, séminariste, reçut provisoirement de la Sainte Vierge une vocation de soldat ! Il entrera à la Trappe et deviendra supérieur général de l’Ordre. Il y a aussi l’aimable Henri Le Chauff de Kerguenec, le Breton à la plume alerte, si oublieux de lui-même et qui deviendra jésuite ; Bernard de Quatrebarbes, défenseur héroïque de Monte-Rotondo, Henry de Verthamon, porte-bannière du Sacré-Cœur, et tant d’autres. Ces soldats valeureux sont avant tout des saints, leur héroïsme est mystique. Désormais, les seuls noms de Castelfidardo, Mentana et Loigny suffisent à faire vibrer les enfants de la CRC d’un enthousiasme sacré ! Mais la vaillance des défenseurs du Pape ne se limite pas à ces sommets de gloire. Tout au long des fastidieuses périodes de garnisons, remplies par des corvées, traversées par les épidémies, ils firent preuve d’un héroïsme au long cours qui n’est pas moins exemplaire.
À travers la succession de ces dévouements obscurs et de ces sacrifices glorieux, c’est tout un pan de l’histoire de l’Église que frère Thomas exposa à son auditoire attentif. En retardant de dix ans la conquête des États pontificaux par les révolutionnaires francs-maçons, les zouaves donnèrent au Saint-Père le temps de fortifier l’Église contre les erreurs modernes. En 1864, il promulgua le Syllabus, qui condamne définitivement le libéralisme et toute compromission avec Satan. En 1870, il réunit le premier concile du Vatican qui proclama l’infaillibilité du successeur de Pierre : ce dogme est aujourd’hui la clef de voûte du combat CRC, la raison de l’appel inlassable de notre Père à l’autorité du Pape contre les erreurs du Concile !
Le patronage des zouaves conduisit donc tout naturellement à initier la jeune classe à la grande affaire de la vie de notre Père. Et il y avait du répondant ! Qu’il est réjouissant d’entendre des mouflets de huit, dix, douze ans, bombarder leur chef de camp de questions : Qu’est-ce qu’un concile ? Que signifie l’infaillibilité du Pape ? Pourquoi le Pape n’obéit-il pas à Notre-Dame de Fatima ? Et bien d’autres encore. La bannière de la Contre-Réforme catholique se dressera encore longtemps sur l’Église à moitié en ruines !
« DA MIHI ANIMAS, ET CÆTERA TOLLE »
C’était la devise de saint Jean Bosco, inscrite en grosses lettres dans son bureau. Combien de fois frère Gérard ne l’a-t-il pas répétée dans les camps-vélos ? « Donnez-moi des âmes, Seigneur, et prenez tout le reste. »
Ce “ reste ”, c’est désormais la fameuse caravane de deux cents enfants en vélos sur les routes de France. Puisqu’il nous était impossible d’organiser un tel rassemblement d’enfants, frère Bruno a décidé que les ermitages de Fons, Frébourg et Magé assureraient la relève. Une communauté de sœurs constitue pour un camp un atout décisif ! C’est une équipe de choc, d’intendantes et d’éducatrices tout à la fois, efficaces au travail et ardentes à la prière. Compétence et esprit de sacrifice ! Pour les jeunes filles admises à vivre auprès d’elles, leur exemple et leurs leçons sont d’un prix inestimable.
Pour accueillir tous les candidats au camp, nos trois ermitages furent complétés par deux maisons amies, en Champagne et dans le Béarn. Quelle somme de dévouement de la part de nos amis phalangistes ! À ce prix, du 8 au 16 juillet, ce ne sont pas moins de 170 petits de huit à treize ans, encadrés par une soixantaine de parents et d’assistants, qui ont profité des bienfaits de la vie religieuse, des bonnes amitiés et de l’accompagnement de tous les instants qui sont la marque des camps CRC.
Ce dernier point surtout est primordial : l’éducateur doit sans cesse vivre au milieu de ses enfants. Affectueuse vigilance, qui lui impose de montrer l’exemple en tout, de pratiquer un total esprit de sacrifice. Saint Jean Bosco faisait de ce principe la pierre fondamentale de sa méthode éducative préventive, frère Gérard le recommandait sans cesse dans les camps-vélos et frère Bruno le donna comme principale consigne cette année. Il s’agit, par cette présence constante, d’empêcher le mal plutôt que d’avoir à le sanctionner, et d’encourager sans cesse le bien.
C’est assurément exigeant pour les frères, les sœurs, les phalangistes qui consacrent leurs vacances à nous aider dans cette œuvre salutaire, de jour et de nuit, à la chapelle comme au réfectoire, sur les routes à vélo ou bien en courant à travers les terrains de jeux... C’est un dévouement complet, de tous les instants : « et cætera tolle ». Immergés parmi les enfants et pris dans la “ vis sans fin ” de l’horaire serré du camp, du lever, à 6 h pour les adultes, jusqu’au coucher à 22 h, chacun se trouve entraîné à se faire tout à tous. L’enjeu en vaut la peine : « Da mihi animas ».
Sous un tel régime, les camps sont un moyen d’éducation formidable. Dès les premiers jours, les progrès accomplis par les enfants sont sensibles : la piété s’enracine dans leurs cœurs et la doctrine dans leurs intelligences, l’énergie au jeu décuple, avec l’appétit. Ils sont plus gais, plus dociles même ! En une semaine, ils reçoivent un arsenal de grâces. Tel est bien le but de ces camps : armer les âmes encore si préservées des enfants de nos familles, pour qu’elles résistent aux assauts du monde pourri où ils grandissent, dans lequel tout pousse au mal. Les frères les plus expérimentés constatent bien la différence entre ces enfants et leurs parents dont ils s’occupaient il y a trente ou quarante ans : ils sont plus agités, moins attentifs et persévérants. Ce sont néanmoins de bons enfants qui donnent spontanément leur confiance et leur affection à tout ce qui porte soutane ou scapulaire ! Ils ont la grâce d’avoir des parents qui ont le souci de leur éducation et de leur salut éternel. C’est unique !
Nous avons sous les yeux la correspondance de nos cinq lieux de camps. Abstraction faite des noms propres et du caractère de chaque rédacteur, elles sont interchangeables ! C’est partout le même souci des âmes et de l’Église, le même esprit surnaturel, le même enthousiasme CRC.
Les frères prieurs ou chefs de camps accueillirent leur monde le jeudi 8 juillet au soir, à la chapelle, au pied du tabernacle et sous le regard de Notre-Dame de Fatima, car nos camps sont de petites “ Cités de l’Immaculée ” ! Ils rappelèrent en quelques mots bien sentis que nous sommes des héritiers : nous avons tout reçu de nos parents, des frères et des sœurs, de notre Père, cascade de médiations par lesquelles Notre-Seigneur nous donne son enseignement. Il faut être docile et fidèle afin de pouvoir un jour transmettre à notre tour ce patrimoine !
Acquérir cet esprit de disciple suppose au préalable de se réconcilier avec le Bon Dieu par la confession, “ grande éducatrice ”. C’est un point de passage obligé en début du camp, très sérieusement préparé. À Magé, après l’examen de conscience dirigé par frère Jean Duns, une petite s’exclame : « C’est l’instruction pour laquelle j’ai pris le plus de notes de ma vie : trois pages grand format ! »
Cette année, chaque camp a bénéficié du ministère de plusieurs prêtres du diocèse, ravis de confesser ces tout jeunes pénitents.
Après la confession, la communion. Par une faveur inappréciable de la Providence, de nombreux prêtres ont pu nous dire la messe. Les plus privilégiés furent les participants des camps de Frébourg et Magé qui assistèrent quotidiennement au Saint-Sacrifice, célébré chaque jour par un nouveau prêtre ! Quelles actions de grâces ne devons-nous pas à notre Père qui nous a fortifiés dans une position inexpugnable, “ in medio ecclesiæ ” – et ce n’est pas le dernier motu proprio du Saint-Père qui nous fera broncher. Elle nous permet aujourd’hui de sympathiser avec de nombreux prêtres obscurément fidèles à leur sacerdoce malgré la désorientation diabolique. Ils apprécient notre piété, admirent notre amour de l’Église et les meilleurs d’entre eux en viennent même à reconnaître la légitimité de notre opposition à la Réforme conciliaire.
Troisième source de la vie surnaturelle : la dévotion à la Très Sainte Vierge. Si, malgré les distances, tous les participants de nos divers camps n’ont véritablement fait qu’un cœur et qu’une âme, cette communion fut plus sensible que jamais le 12 juillet au soir dans une commune dévotion pour Notre-Dame de Fatima. Ce soir-là, ou le lendemain, elle fut partout portée en procession, en union avec le bon peuple portugais. Sous la pluie ou sous les étoiles, à la maison ou bien en pèlerinage pour les Champenois, tous les enfants brandirent leurs flambeaux et leurs bannières, chantèrent leurs cantiques et leurs Ave avec une ferveur unanime, attendrissant leurs aînés... et sans doute aussi les chœurs glorieux, aux balcons du Ciel !
Quel était l’emploi du temps type d’une journée de camp ?
Pour les adultes, lever à 6 h, chapelet, oraison, réunion des parents pour donner les consignes de la journée. Les enfants se lèvent à 7 h : toilette, petit-déjeuner, prière du matin.
Le programme de la matinée varie en fonction de l’horaire de la messe ; le temps restant est consacré aux fameux ateliers. Ah, les ateliers, chaque année tellement attendus ! Les caractères s’y révèlent et parfois des talents insoupçonnés. De nombreux ateliers permettent de donner aux enfants le goût de la dévotion par leurs mains, en leur faisant confectionner dizainiers, moulages en plâtres, médaillons et mille autres objets de piété domestique. Mais il y a aussi les petits artisanats profanes, depuis le moulage des soldats de plomb jusqu’à la couture, en passant par divers travaux de jardinage ou de cuisine. Chaque parent organise son atelier, chaque ermitage a sa spécialité. La variété est telle qu’elle défie l’énumération !
Tous sont très fiers de leur ouvrage. Une petite sortant de la lingerie se plante devant un frère et lui explique qu’elle vient de coudre des ourlets de soutane... et qu’il faut en prendre soin parce que c’est difficile. Merci ma sœur !
À Fons, un atelier organisé par frère Grégoire obtint un succès remarquable. Notre frère l’avait baptisé modestement : « parcours de santé ». À dire vrai, c’était un véritable parcours du combattant pour l’entraînement des aspirants-zouaves ! C’est du moins dans cet esprit que garçons et filles s’évertuèrent à franchir cordes, poutres, échelles, barrières et autres obstacles en tous genres du circuit en un minimum de temps.
Le déjeuner permet d’écouter le merveilleux conteur qu’est frère Pierre raconter la vie de quelque saint, qu’il sait rendre tellement aimable. Mais les fioretti de sainte Bernadette racontées par frère Bruno sont aussi des plus savoureuses !
L’après-midi se partage entre les ateliers, quelque visite, l’instruction tant attendue sur les zouaves et les jeux. Ces derniers constituent une occasion supplémentaire de graver dans les esprits les leçons de l’instruction. C’est ainsi qu’avec ses Champenois, frère Jean-Évangéliste reconstitua la bataille de Mentana. Et frère Jean-Baptiste, qui dirigeait les “ chemises rouges ” vaincues, nous a certifié l’ardeur guerrière de nos zouaves d’occasion. Après la victoire, dignement célébrée par un Te Deum et un chapelet d’action de grâce, frère Jean-Évangéliste remit à tous les belligérants, sans distinction de camp, l’insigne CRC, les exhortant à le porter fièrement et à prendre part au combat de notre Père, digne héritier des zouaves pontificaux. Telle est notre fierté !
Même écho du Béarn, où c’est frère André qui dirigea l’enrôlement et l’entraînement de ses zouaves avant de les mener au combat, tressaillant de ferveur, d’angoisse même, « pour le Saint-Père » ! Et les moins fougueux n’étaient pas les parents !
Il faudrait aussi parler du théâtre, à Magé et à Frébourg, autre moyen pour inscrire indélébilement dans la mémoire des enfants les grandes vérités répétées par les frères. Les garçons les plus remuants, soudainement transformés en authentiques zouaves par un coup de baguette de nos fées des maisons Benoîte ou Marie-Louise, n’étaient pas peu fiers de cette métamorphose et jouèrent de tout leur cœur !
En fin d’après-midi, toilette. L’émulation aidant, même les plus douillets finissent par apprécier l’eau froide !
Après le dîner, veillée animée par les chants du carnet CRC, ceux de M. Leca ayant la préférence. À Fons, frère Michel lut quelques contes de Julie Lavergne ; à Frébourg, frère Benoît captiva son auditoire par des anecdotes de la vie du bienheureux Pie IX. Quant aux veillées de Magé, elles furent agrémentées par les tours de magie et le sourire inimitable de “ Tonton Martin ” : succès assuré !
Enfin, prière du soir ou complies, et au lit ! Un peu long les premiers jours, le coucher devient de plus en plus facile à mesure que le camp avance, les enfants retrouvant leur sac de couchage avec un plaisir de plus en plus manifeste. Ce qui n’empêche pas les plus ardents de supplier les frères dormant avec eux sous la tente de les réveiller en avance pour aller à l’oraison avec les adultes !
PÈLERINAGES AU ROYAUME DE MARIE
Ce n’est pas tout d’enthousiasmer nos enfants par l’évocation des exploits des zouaves, de les armer jusqu’aux dents pour affronter les périls du monde. Il faut encore mettre à l’épreuve leur courage, leur donner l’occasion de montrer leur valeur. Oh ! bien modestement, simplement en accomplissant courageusement leur pèlerinage. À pied ou à vélo, sous la pluie ou au soleil, un pèlerinage ne manque jamais d’occasions de petits sacrifices pour l’amour de Jésus et Marie. La multiplication de nos lieux de camps nous a permis de mieux rendre hommage à Notre-Dame de tous nos pays !
LE CAMP DE BÉARN A LOURDES.
Depuis le début de leurs camps, ils s’y préparaient par les oraisons matinales, des instructions quotidiennes de frère Thomas et l’écoute au réfectoire du récit par frère Pierre de la vie du Père Marie-Antoine de Lavaur, le saint capucin de Toulouse, promoteur des grands pèlerinages à la Grotte de Massabielle. La grande intention de nos enfants : « Préparer le retour de notre Reine », selon la formule que frère Thomas leur fit noter soigneusement.
Le 12 juillet, le camp enfourche ses bicyclettes. Au programme, 50 km, de plus en plus accidentés à mesure que l’on approche de la Cité de l’Immaculée. On transpire, mais quel beau pays ! Réconfort d’une messe en chemin, célébrée par un jeune prêtre du diocèse, en soutane, plein de piété et de bon sens, et sans intégrisme. Enfin, après de longues heures d’efforts, voici Lourdes ! Il faut passer tout près du sanctuaire et de la Grotte, sans s’arrêter – c’est dur ! – pour monter encore jusqu’au “ Village des jeunes ” où campent plus de mille jeunes des aumôneries de plusieurs diocèses. Il y a beaucoup de clergé, très sympathique, mais trop peu pour encadrer tout ce monde qui cherche à tuer le temps. Ce soir-là, coucher aussitôt après la prière, dite sur la montagne, avec vue sur la Ville sainte tant convoitée.
Mardi 13 juillet, grande journée de pèlerinage que nous raconta frère Henry avec une allégresse communicative : « Ce fut une journée magnifique où nous nous sentîmes vraiment enfants de Marie. »
Passage aux piscines pour se laver les mains, le visage, et pour boire de l’eau miraculeuse. Les pisciniers sont pieux, dévoués et bien désolés de n’avoir pas le droit d’en faire plus.
Enfin, arrivée à la Grotte pour la messe de 10 h, concélébrée par une vingtaine de prêtres et quatre évêques. Mais c’est la Dame au creux du Rocher qui attire les regards et les cœurs. Nos pèlerins purent lui confier tous leurs petits papiers d’intentions de prières, bien chargés : pour frère Bruno qui porte les grandes intentions de l’Église, pour le retour de la Bienheureuse Vierge Marie en France, pour la conversion du Saint-Père... sans parler des intentions personnelles ! Dans les esprits résonne la phrase de notre Père retenue des instructions des jours passés : « On ne reçoit à Lourdes qu’autant qu’on est venu y chercher. » (Lettre à mes amis no 38, juillet 1958) À ce compte, nos enfants ont dû rapporter beaucoup de grâces !
Après le déjeuner, les stations traditionnelles du pèlerinage : le Cachot, le moulin de Boly, le musée de sainte Bernadette, la procession eucharistique à la basilique Saint-Pie-X. La journée se termina par la procession de la Sainte Vierge, toujours aussi émouvante, avec beaucoup de monde, bien pieux.
C’est avec des ailes que nos enfants prirent la route du retour le lendemain matin !
PÈLERINAGES PERCHERONS.
Le même jour, c’est à Montligeon que le camp de Frébourg s’était rendu, au sanctuaire de la prière pour les âmes du Purgatoire. Pas de bicyclettes là-bas, le trajet devait se faire à pied. Las ! la pluie, compagne poisseuse et insidieuse de tout pèlerin pénitent, ne tarda pas à se joindre à nos marcheurs. Les derniers kilomètres furent parcourus en voiture pour arriver à l’heure à la messe à la basilique, dressée “ au milieu des champs ”.
Après le pique-nique, la troupe de frère Philippe joua une saynète sur les conséquences des apparitions dans la ville de Lourdes, composée d’après les Mémoires de Jean-Baptiste Estrade. Spectacle savoureux, qui faisait vibrer les enfants à l’unisson de leurs camarades du camp de Pau !
Aussitôt la représentation achevée, descente à la vieille église paroissiale où frère Benoît entretint ses ouailles du saint abbé Buguet. Le doigt de Dieu est manifeste dans la réalisation de l’Œuvre en faveur des âmes du Purgatoire, tellement disproportionnée aux moyens humains engagés ! L’abbé Buguet nous apparaît de la même trempe que les curés d’Ars, du Mesnil-Saint-Loup, de Pontmain ou de Notre-Dame-des-Victoires. Admirable clergé du dix-neuvième siècle !
Station devant le premier presbytère, puis chapelet à la basilique, aux pieds de l’émouvante statue de Notre-Dame qui domine toute la nef. Malgré la fatigue, les petits sont soudain plus calmes et prient de bon cœur. Nul doute que de nombreuses âmes délaissées ont profité de leurs Ave !
Deux jours plus tard, nouveau pèlerinage, à Sées, sur les traces du premier évêque de la ville, saint Latuin, disciple du grand saint Denis. Première étape à quelques kilomètres de la ville, à Clérai, à l’emplacement de l’ermitage où le saint se réfugiait pour prier. Les enfants y parviennent au terme d’une bonne heure de marche à travers les champs, afin d’y assister à la messe célébrée par un ami prêtre du diocèse. Après le pique-nique, c’est au tour de frère Benoît-Joseph de faire jouer par sa troupe une petite pièce racontant la vie de l’apôtre du Perche.
L’après-midi est dédiée à visiter la basilique de l’Immaculée Conception, à Sées, achevée en 1858, l’année même de Lourdes. Il s’agit du premier sanctuaire consacré sous ce vocable après la proclamation du dogme par Pie IX, quatre ans plus tôt. Le bon prêtre qui la présentait aux enfants fut stupéfait du feu roulant de leurs questions. Subjugués par la majesté de cette église ils ne voulaient pas la quitter sans en connaître tous les secrets, à commencer par les mystères de ce titre d’Immaculée Conception...
NOTRE-DAME DE PITIÉ EN POITOU.
C’est le lendemain 14 juillet que le camp de Magé parvint à La-Chapelle-Saint-Laurent, village qui accueille le principal sanctuaire marial du Poitou : Notre-Dame de Pitié. À l’origine de ce pèlerinage, la découverte par un laboureur d’une statue de la Sainte Vierge enfouie dans le sol et implorant pitié. Il la rapporta à l’église paroissiale, mais elle revint par trois fois à son premier emplacement, manifestant ainsi clairement son désir d’y voir élever une église en son honneur.
Les petits avaient parcouru 35 km en vélo la veille et encore une quinzaine le matin pour arriver à la messe de 11 h. Le célébrant s’exclamera à la sortie : « Je n’ai jamais vu un groupe aussi nombreux et aussi fervent que le vôtre ! »
Après le repas, les garçons, sous la direction de mère Hélène, représentèrent une saynète sur les zouaves et la bataille de Loigny. En ce lieu où Notre-Dame implora notre pitié, il était de circonstance de rappeler comment elle-même agréa à Pontmain le sacrifice expiatoire de nos zouaves et du général de Sonis, au dernier jour de ses terribles souffrances.
La suite de l’après-midi fut occupée par la récitation des mystères douloureux du rosaire, à la basilique, et s’acheva par le chemin de croix sur l’esplanade. Comment mieux faire réparation en ce jour de « la fête des têtes coupées », ainsi que la nommait Mgr Freppel ?
SUR LES TRACES DE MÈRE RIVIER, EN ARDÈCHE.
Les frères de Fons avaient pour leur part organisé leur journée de pèlerinage la veille. Il s’agissait de se rendre sur les lieux où vécut la vénérable mère Anne-Marie Rivier, fondatrice des sœurs de la Présentation. Son esprit contre-révolutionnaire s’accordait bien avec celui de nos zouaves !
Dans les monts d’Ardèche, avec des petits, c’est tout simplement en voiture que frère Michel emmena son monde à Montpezat, village où naquit la sainte en 1768. On y voit encore sa maison natale, mais c’est surtout la statue de Notre-Dame de Pitié, là aussi, qui attirait nos frères et nos amis. Durant quatre ans, la petite Marie qu’une chute avait rendue impotente à l’âge de deux ans, passa chaque jour des heures à ses pieds, implorant la grâce de sa guérison. Elle promit finalement de consacrer sa vie à l’éducation des petites filles et fut enfin exaucée ! La statue est rustique, mais le souvenir de ce miracle et de ces si touchantes supplications la rend bien émouvante.
L’après-midi, visite de l’église de Notre-Dame de Prévenchères, ancien prieuré cistercien situé à l’extérieur du village et surplombé d’un chemin de croix où la jeune Marie Rivier aimait conduire les premières fillettes dont elle s’occupait.
Puis, après un saut de puce en voiture pour passer dans la vallée voisine, pèlerinage à Thueyts, où quelques sœurs de la Présentation firent visiter au camp la première maison mère de leur ordre. Lorsque l’afflux des vocations devint trop considérable pour la bâtisse, la communauté déménagea à Bourg-Saint-Andéol, dans des locaux plus adaptés aux dimensions que prenait le nouvel institut : de son vivant, mère Rivier ne fonda pas moins de cent quarante-huit maisons !
La visite fut émouvante, car les souvenirs de la sainte sont nombreux. Les religieuses qui accueillaient nos amis, bien que “ recyclées ”, manifestent encore un réel attachement à leur fondatrice et croient dans les miracles accomplis de son vivant, telle la multiplication du grain renouvelée pendant plusieurs mois, qui permit de faire vivre une centaine de pensionnaires alors que la communauté n’avait pas d’argent pour acheter du blé !
Les enfants du camp, qui avaient bien suivi les instructions de frère Michel les jours précédents, posaient beaucoup de questions, ce qui eut le don de toucher les sœurs de la Présentation : ce n’est pas souvent qu’elles ont l’occasion de parler à une trentaine d’enfants si intéressés par leur fondatrice !
PÈLERINAGE À SAINT-JOSEPH-DES-ANGES.
En cette année de saint Joseph, nos campeurs champenois honorèrent l’Époux de la Vierge Marie dans son petit sanctuaire de Saint-Joseph-des-Anges, au sud de Troyes, où nos communautés leur avaient ouvert la voie il y a deux mois.
Cependant, aux premiers coups de pédale, sœur pluie s’invita parmi les vagues de cyclistes, s’immisçant jusque sous leurs imperméables, pour ne plus les quitter qu’ils ne soient tous rentrés au bercail, trois jours plus tard. Une pluie de grâce, se réjouirent les plus optimistes !
Heureusement, nos campeurs avaient bénéficié pour leur pèlerinage d’une préparation exceptionnelle, puisque frère Bruno lui-même les avait rejoints chaque jour pour leur raconter l’histoire du patriarche Joseph, au livre de la Genèse, dont la vie préfigure celle de Notre-Seigneur et tout le mystère de la Rédemption. Notre frère en profita pour les initier au maniement de la Bible et aux premiers rudiments de l’exégèse. L’oratorio de frère Henry (HE 18, 2009), regardé en illustration des instructions de frère Bruno, donne à ces vieux récits une nouvelle jeunesse !
Rendez-vous est déjà pris pour l’an prochain, car frère Bruno leur a promis de leur parler de Moïse et de l’Exode !
De retour du pèlerinage eut lieu l’Heure sainte d’action de grâce au cours de laquelle nos aspirants-zouaves récitèrent la consécration au Sacré-Cœur du général de Sonis, que prononcèrent leurs devanciers le 28 mai 1871. Là où il y avait suffisamment de monde pour assurer une garde d’honneur à Notre-Seigneur toute la nuit, l’Heure sainte se prolongea en adoration nocturne. On sent son cœur fondre en entendant les prières de l’Ange récitées par ces voix enfantines tout ensommeillées. Et dans l’Ostensoir, Jésus et Marie sont attentifs à la voix de leurs supplications et répandent paix et bénédictions sur l’Église, la France et nos familles.
Le 16 juillet, c’est déjà fini. Il semble que les enfants rivalisent ce jour-là de gentillesse et de sagesse, pour faire oublier leurs friponneries de la semaine ! C’est sûr, ils reviendront l’an prochain. D’ailleurs, dans un sermon écouté la veille, ils ont entendu le Père déclarer :
« Quand frère Gérard viendra me dire : “ Il faut qu’on prépare un camp, il faut même qu’on en fasse deux cet été ! ” je dirai : “ Laissez ! Vous m’ennuyez avec les enfants ! Nous sommes pour les grandes personnes ! ” Frère Gérard me répondra : “ Mon Père, Jésus a dit : Laissez venir à moi les petits enfants ! ” À ce moment-là, je serai désarmé et obligé de faire encore un camp et toujours des camps, pour que les petits enfants puissent toujours venir entendre parler de Jésus et de la Sainte Vierge !
« Alors c’est d’accord ! Vous, vous voudrez venir et nous, nous voudrons bien vous recevoir, pour parler de Jésus, et que vous grandissiez ainsi dans la bénédiction de Jésus et dans son baiser de paix et de tendresse. » (17 décembre 1983)
GRANDS CAMPS-VÉLOS
Tandis que nous écrivons, deux cents jeunes CRC pédalent encore sur les routes de France. En effet, nos frères et nos amis du Béarn comme les communautés de Magé ont rempilé pour un nouveau camp-vélo, avec les adolescents.
En Anjou, nos jeunes gens roulent sur les traces de la grande Armée catholique et royale. Et nos sœurs les suivent, avec l’intendance ! Les Vendéens sont véritablement les devanciers de nos zouaves pontificaux : ils sont du même esprit, parfois du même sang ! Quels que soient les lieux et les dates, c’est toujours le dévouement pour l’Église et pour la Patrie qui anime la contre-révolution, jusqu’au martyre.
Frère Bruno, qui les a visités le 28 juillet, a été enchanté du bon esprit, de l’enthousiasme même qui anime le camp. Nos phalangistes, fidèles à notre Père, sont les dignes héritiers des Vendéens et des Zouaves des temps anciens.
Quant au camp de Pau, il a traversé le Béarn et la Bigorre pour rendre hommage à l’Immaculée Conception dans sa ville sainte de Lourdes. Étapes à Piétat et Bétharram, sans quitter les terres de Notre-Dame, donc. À Lourdes, la dévotion populaire, tenace, vivace, pénètre dans le sanctuaire grâce à la brèche estivale ouverte dans le confinement. Quelle consolation de voir notre Reine entourée de nouveau par son peuple aimant et priant ! La procession du soir, surtout, fut un moment céleste. Huit de nos jeunes gens portaient le brancard de Notre-Dame, tandis qu’au portail de la basilique, leurs camarades chantaient le merveilleux cantique d’Yvon Leca : Regardez l’Étoile.
De retour du pèlerinage, tous les temps libres sont consacrés aux répétitions de l’oratorio de frère Henry, Sainte Marie au pays des Hurons, qui retrace l’histoire de la mission des jésuites en Nouvelle-France et leur martyre, sacrifice fondateur de la Chrétienté canadienne-française. C’est que frère Bruno s’annonce pour ce 30 juillet afin d’assister à la représentation dans la cathédrale de Lescar : il faut que tout soit prêt !
Dès le lendemain, il faudra congédier tout le monde, non sans donner rendez-vous aux plus âgés le 16 août, date d’ouverture du camp de la Phalange. Son titre est alléchant :
Géopolitique et orthodromie catholique.
Quelle joie de constater le bien que notre Père nous permet d’accomplir à sa suite, à l’abri du rempart CRC qu’il a bâti avec tant de persévérance !
frère Guy de la Miséricorde.