Il est ressuscité !
N° 223 – Juillet-août 2021
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
Les trois secrets de Notre-Dame
LE 13 mai 1917, le Ciel descend sur la terre, à Fatima, en la personne d’ « une Dame, toute vêtue de blanc, plus brillante que le soleil ».
Le 13 juin, cette Dame montrait, devant la paume de sa main droite, un Cœur entouré d’épines qui semblaient s’y enfoncer.
Le 13 juillet : Notre-Dame, en ouvrant les mains, parut pénétrer la terre du reflet de la lumière qui en émanait, « et nous vîmes, raconte Lucie, comme un océan de feu. Plongés dans ce feu nous voyions les démons et les âmes des damnés.
« Celles-ci étaient comme des braises transparentes, noires ou bronzées, ayant formes humaines. Elles flottaient dans cet incendie, soulevées par les flammes qui sortaient d’elles-mêmes, avec des nuages de fumée. Elles retombaient de tous côtés, comme les étincelles dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, au milieu des cris et des gémissements de douleur et de désespoir qui horrifiaient et faisaient trembler de frayeur. C’est à la vue de ce spectacle que j’ai dû pousser ce cri : “ Aïe ! ” que l’on dit avoir entendu de moi. »
Terreur de la damnation, horreur du péché définitif, sans rémission, sans mélange de miséricorde, du péché dressé contre Dieu et lui faisant obstacle, lui portant ombrage, le défiant éternellement.
« Au soir du Vendredi saint, passé le voile, ayant quitté la scène de ce monde, Jésus se hâte vers les Enfers, et le bon larron le suit de près, ne voulant point s’en séparer. Et l’autre, le mauvais larron ? Sont-ils venus lui serrer la main en riant ? Allons, c’est fini, réconcilions-nous ! Inconcevable comédie. L’ont-ils laissé tomber dans l’abîme, sans un regard ? ou pis ! Allez, maudit, au feu éternel ! Impossible tragédie. Alors ?
« Il y a ceux qui n’en prennent pas leur parti, et il y a ceux qui se font une raison de l’enfer... des autres. » (Georges de Nantes, CRC no 128, p. 6)
Les premiers écoutent Notre-Dame dire à Lucie, François et Jacinthe, « avec bonté et tristesse » après leur avoir promis le Ciel : « Vous avez vu l’enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs. Pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé.
« Si l’on fait ce que je vais vous dire, beaucoup d’âmes se sauveront et l’on aura la paix. La guerre va finir, mais si l’on ne cesse d’offenser Dieu, sous le règne de Pie XI, en commencera une autre pire. Quand vous verrez une nuit illuminée par une lumière inconnue, sachez que c’est le grand signe que Dieu vous donne qu’il va punir le monde de ses crimes, par le moyen de la guerre, de la famine et des persécutions contre l’Église et le Saint-Père.
« Pour empêcher cela, je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé et la Communion réparatrice des premiers samedis. Si l’on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l’on aura la paix. Sinon elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir, plusieurs nations seront anéanties. »
La France ? Cela pouvait arriver. Mais cela n’a pas eu lieu grâce à Dieu et en vertu du “ secret ” confié par le Cœur Immaculé de Marie, parce que, en France, il y a « Orléans, qui êtes au pays de Loire... » Et Jeanne d’Arc mène sa guerre temporelle, délivre Orléans et mène son Roi à Reims pour son sacre afin que la Chrétienté demeure libre de barbarie. La passion de Jeanne configurée à Jésus, l’agonie spirituelle de Rouen sont le gage du renouvellement de l’alliance de Reims : mort ignominieuse et descente dans l’angoisse et la déréliction par lesquelles doivent être vaincues les portes de l’Enfer et rendues à leur liberté les pauvres pécheurs.
Et puis, pour le salut de la France, après Jeanne d’Arc et à son école, il y a sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte Face qui lutte encore du haut du Ciel et donne à notre espérance l’énergie utopique incoercible de combattre pour que le Nom de notre Père Céleste soit sanctifié, pour que son Règne arrive, que sa Volonté soit faite sur la terre comme au Ciel. Et dans les Enfers ? « Ah ! luttons contre l’Enfer mais n’interrogeons plus Dieu sur l’œuvre de son premier et éternel chagrin ! » (Georges de Nantes, ibid.)
Au vingtième siècle, cette lutte contre l’Enfer fut la « grande affaire » de Georges de Nantes, fondateur des Petits Frères et Petites Sœurs du Sacré-Cœur, en religion frère Georges de Jésus-Marie.
DANS L’ATTENTE DE SON RETOUR
EN décembre 1957, sœur Lucie confiait au Père Fuentes que nous vivions « dans les derniers temps du monde », mais que, dans « la bataille décisive que le démon est en train de livrer contre la Vierge », ô mystère, la hiérarchie ne remplit plus ses devoirs :
« Père, n’attendons pas non plus que vienne de Rome, de la part du Saint-Père, un appel à la pénitence pour le monde entier ; n’attendons pas non plus qu’il vienne de nos évêques dans leur diocèse, ni non plus des congrégations religieuses. Non. Notre-Seigneur a déjà utilisé bien souvent ces moyens et le monde n’en a pas fait cas. C’est pourquoi, maintenant, il faut que chacun de nous commence lui-même sa propre réforme spirituelle. Chacun doit sauver non seulement son âme, mais aussi toutes celles que Dieu a placées sur son chemin. » (Georges de Nantes, Docteur mystique de la foi catholique, p. 162-163)
La même année, notre Père rédigeait la “ Règle provisoire ” des Petits frères et Petites sœurs du Sacré-Cœur, sous laquelle nous vivons depuis 1958 notre noviciat, en attendant d’obtenir un jour la reconnaissance canonique, à l’heure de Dieu.
Cette Règle est « “ provisoire ”, comme tout ce qui est terrestre, dans l’attente du retour du Seigneur. Telle est la vocation propre à cette nouvelle famille religieuse tournée vers la fin des temps, pour accueillir, lampes allumées dans les mains et cœur brûlant, le Christ quand Il reviendra ». Telle était la pensée qui inspirait le rédacteur des Lettres à mes amis, depuis plus d’un an déjà :
« Gardez cependant la sérénité intime que donne l’assurance de la victoire du Seigneur de Gloire. Il reviendra, au moment où tout paraîtra perdu, où les élus eux-mêmes pourraient être séduits [...]. La vie profonde de l’humanité, c’est la prière de l’Église. »
« Une âme cachée en Dieu, dont la volonté est tout unie à la Volonté divine dans l’amour mutuel, se reconnaît à sa paix [...]. Toute sa vie est la touchante aventure d’une enfant perdue qui retrouve le chemin de la maison. » (ibid., p. 163)
ENFANTS PERDUS.
Le 15 septembre 1958, jour centenaire de la naissance du Père Charles de Foucauld, nous chantions l’office dans les stalles de la si priante église de Villemaur, dont l’abbé de Nantes devenait curé : « Vous vous y enterrerez, lui avait dit Mgr Le Couëdic, évêque de Troyes, et plus tard quelque chose poussera. »
Après cinq ans d’un fécond ministère, dans ses trois paroisses rurales de Villemaur, Pâlis et Planty, au rythme d’un labeur heureux, dur, efficace, au cours duquel Mgr Le Couëdic nous remit la coule monastique, le 6 août 1961, monsieur le curé de Villemaur recevait, le 11 mars 1963, l’ordre de quitter les paroisses et le diocèse dans les quinze jours.
Le 15 septembre 1963, notre communauté de frères s’établissait, en enfants perdus de l’Église, dans notre « maison Saint-Joseph », acquise grâce à la générosité de nos amis.
La contradiction pourtant nous fut profitable :
« Il est bon d’être humilié, nous étions rendus à cette vie monastique de prière, de travail et de silence que nous désirions depuis longtemps. » Bien plus, providentiellement, « j’allais suivre avec plus d’attention les événements du Concile au moment où il prenait ses orientations décisives et où le Pape allait révéler à l’Église son Grand Dessein ».
« La première session du Concile, si elle n’avait rien compromis, avait cependant manifesté un “ Mauvais Esprit ” déplorable, redoutable, dans l’Assemblée elle-même et dans ses entours, de presse, de radios, de partis.
« La Deuxième Session connut le 30 octobre, lors des fameux votes d’orientation, ce que le Père Congar osa appeler sa “ Révolution d’Octobre ” » (Lettre à mes amis no 156).
« Dès lors, il fallait envisager le pire : il n’y avait plus d’espoir de redressement que dans le Pape, celui que j’appelai “ Paul VI le Sage ” » (Lettre no 153).
« Au printemps de 1964 je partis pour Rome, non pour solliciter quelque aide ou faveur, mais pour savoir ce qu’on pouvait espérer du nouveau pontificat. Paul VI ne s’était pas encore déclaré, on hésitait à le classer dans un camp, et cela me parut bon. Le Pape devait être au-dessus des partis, leur arbitre souverain. Je le vis, son regard bleu d’acier me frappa. Mais impressionné par son Allocution du mercredi 27 mai sur la Vierge Marie et celle de la Fête-Dieu le 31 au Circolo Massimo, cette conjonction du Pape, de la Vierge et de l’Eucharistie fit fondre mes inquiétudes et je revins plein de confiance en Paul VI. Les Lettres 173-174 en témoignent, et c’est bien ainsi. C’est la preuve indélébile de mon absence de toute hostilité systématique comme de toute passion. »
CONTRE PAUL VI, CONTRE VATICAN II.
« Ce fut l’encyclique Ecclesiam Suam du 5 août 1964 qui me contraignit de voir clair, définitivement. C’était la Charte du Pontificat, qui l’annonçait d’un progressisme résolu et audacieux. Après Jean XXIII, sorte de Louis XVI débonnaire, nous allions connaître un Napoléon décidé à sauver et à consolider la Révolution. Y a-t-il rien de pire qu’une révolution menée froidement par l’Autorité Suprême ? Les progressistes mirent du temps à comprendre qu’il leur fallait se réjouir, qu’ils tiendraient le Pape par sa Charte ; les intégristes se rassurèrent, heureux de se sentir de nouveau fermement gouvernés. Conscience vitale mais fidélité au Pape, Réforme mais tradition, Dialogue mais prédication, ces “ oui mais ” savamment balancés accordaient aux uns tout ce qu’ils demandaient et aux autres de bonnes paroles. Mon opposition au Grand Dessein de Paul VI date de cet août 1964, dans les Lettres 180-181 auxquelles je n’ai rien à changer douze ans après.
« Mgr Le Couëdic célébrait l’encyclique avec ravissement dans la Semaine Religieuse de Troyes : “ Le monde qui lui est cher, l’Église l’a en quelque sorte épousé. ” Je demandai aussitôt si c’était bigamie, divorce ou adultère (Lettre no 182) ! Je pensais à ce coup perdre la plupart de mes 6 000 lecteurs d’alors. En fait, dénoncé, désavoué par les journaux et bulletins traditionalistes, tous satisfaits de l’encyclique dont ils ne voulaient retenir que les “ bons ” passages et où ils croyaient retrouver la doctrine même de Pie XII ! je convainquis lentement mes lecteurs et n’en perdis guère ; nous commençâmes à nous distinguer de l’intégrisme qui se voulait encore d’un papisme aveugle et intransigeant.
« La troisième session vit le déferlement de la vague réformiste, au point d’ébranler les dogmes et les structures de l’Église. Ma critique prit alors ce ton de véhémence que l’ampleur du drame appelait (Lettres nos 184-186). Et je demande quel théologien, quel maître pourrait vous présenter aujourd’hui de pareilles lettres de créance datées de cette époque-là ?
« Je revendiquai le droit de dénoncer le Pape prévaricateur qui déjà menait l’Église à la ruine, comme l’abbé Pie avait critiqué le Pie IX libéral que 1848 allait convertir ! et, plus lointain mais plus considérable, saint Sophrone de Jérusalem avait combattu le Pape Honorius qu’un autre Pape et un Concile futur proclameront anathème (Lettre no 188) !
« Mais j’avais de la tablature. Paul VI avait fermement limité les dégâts, déjà considérables, aux dernières heures de la Session conciliaire. La gauche était furieuse contre lui (les imbéciles !), la droite triomphait et me le faisait sentir (idem). Péripéties pourtant que cette palinodie. En réaliste, Paul VI avait freiné le mouvement qui s’emballait dangereusement, mais c’était pour mieux prendre le tournant et mener tout son monde sans rupture là où il prétendait. La maffia progressiste s’était juré de proclamer la Liberté religieuse un Droit de l’Homme le 8 décembre 1964, pour le centenaire du Syllabus exécré, que le nouveau Dogme aurait contredit et piétiné. Paul VI leur imposait de surseoir ; c’était raté. D’où leur colère et la joie des bien-pensants. Mais c’était pour manœuvrer et aboutir un an plus tard, jour pour jour, à la proclamation solennelle par toute l’Église enseignante de ce faux Dogme, révolutionnaire et maçonnique, fondement concret de son “ Culte de l’Homme ”.
« Désormais tout va un train d’enfer. Je crois avoir écrit dans cette tempête mes plus lucides, mes plus importantes Lettres (t. III, nos 193-219). On y voit le réformisme conciliaire en action, et comment Paul VI le maîtrise et le mène à son effroyable terme. Ce terme, c’est le MASDU, mot affreux pour désigner une réalité tragique : le Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle, “ salade des religions pour la construction de la tour de Babel moderne ”, substitué insidieusement à l’Église de Jésus-Christ. Dès le 22 février 1965, j’y vois le but consciemment recherché à travers toute cette Réforme, j’en dénonce le fond satanique.
« Parce qu’il est pape, Paul VI ne rencontre aucun obstacle sur sa route ; tout lui est soumis, filialement, servilement aussi. On croit en son infaillibilité absolue, illimitée. J’expose alors l’hérésie qui règne dans l’Église conciliaire en un triple anathème que je répète encore aujourd’hui (Lettre no 211, p. 16). Je montre les raisons dogmatiques pour lesquelles Actes de ce Concile et Discours de ce Pape sont dénués de l’infaillibilité attendue de leur Magistère mais qu’ils refusent d’exercer, tandis qu’ils s’arrogent depuis le début un charisme d’inspiration apostolique, d’inerrance, d’indéfectibilité, proprement exorbitant et relevant du plus pur Modernisme. Cette Lettre no 212 date du 15 septembre 1965 ; jamais discutée ni réfutée, elle n’a même pas été reprise par les intégristes quand, dix ans plus tard, ils voudront justifier leur rébellion anticonciliaire !
« La Quatrième Session réalisera le laminage de l’opposition traditionaliste et le lâcher-tout libéral. La visite du Pape à l’ONU, son attitude, son discours maçonnique, son imposition au Concile, par ce discours, de la Liberté religieuse comme un dogme, sa promulgation des Actes conciliaires les plus osés, sont dénoncés jour après jour dans les Lettres à mes Amis 213-219. Il est évident que nous n’avons plus la même religion, eux et nous, quand, le 7 décembre 1965, Paul VI applaudi par tout l’Épiscopat catholique professe avoir, “ plus que quiconque, le Culte de l’Homme ” !
« Dans ma Lettre no 209, du 22 juillet 1965, j’avais formulé notre Non possumus. Il demeure... Mais un arbre n’arrête pas le vent dans la plaine. »
Cependant, si le Pape avait publié le troisième Secret de Notre-Dame, le petit chêne-vert sur lequel elle avait posé les pieds aurait arrêté le vent dans la plaine. Aujourd’hui, plus que jamais, cette victoire promise fonde notre Espérance surnaturelle, donc certaine :
« À la fin mon Cœur Immaculé triomphera. Le Saint-Père me consacrera la Russie qui se convertira, et il sera donné au monde un certain temps de paix. Au Portugal se conservera toujours le dogme de la foi. »
La fin de ce grand “ Secret ” confié le 13 juillet 1917 annonce dans quelles circonstances :
« Nous vîmes à gauche de Notre-Dame, un peu plus haut, un Ange avec une épée de feu à la main gauche ; elle scintillait, émettait des flammes qui paraissaient devoir incendier le monde ; mais elles s’éteignaient au contact de l’éclat que, de sa main droite, Notre-Dame faisait jaillir vers lui ; l’Ange, désignant la terre de sa main droite, dit d’une voix forte :
“ Pénitence, Pénitence, Pénitence ! ”
« Et nous vîmes dans une lumière immense qui est Dieu “ quelque chose de semblable à l’image que renvoie un miroir quand une personne passe devant ” : un Évêque vêtu de Blanc. “ Nous eûmes le pressentiment que c’était le Saint-Père. ”
« Plusieurs autres Évêques, Prêtres, religieux et religieuses gravissaient une montagne escarpée, au sommet de laquelle était une grande Croix de troncs bruts comme si elle était en chêne-liège avec l’écorce. Le Saint-Père, avant d’y arriver, traversa une grande ville à moitié en ruine et, à moitié tremblant, d’un pas vacillant, affligé de douleur et de peine, il priait pour les âmes des cadavres qu’il trouvait sur son chemin. Parvenu au sommet de la montagne, prosterné à genoux au pied de la grande Croix, il fut tué par un groupe de soldats qui lui tirèrent plusieurs coups et des flèches. Et de la même manière moururent les uns après les autres les Évêques, Prêtres, religieux et religieuses, et divers laïcs, des messieurs et des dames de rangs et de conditions différentes.
« Sous les deux bras de la Croix, il y avait deux Anges, chacun avec un vase de cristal à la main, dans lequel ils recueillaient le sang des martyrs, et avec lequel ils arrosaient les âmes qui s’approchaient de Dieu. »
Ainsi s’achève le grand Secret.
Notre-Dame ajouta : « Cela, ne le dites à personne. À François, oui, vous pouvez le dire. Quand vous récitez le chapelet, dites après chaque mystère : “ Ô mon Jésus, pardonnez-nous, sauvez-nous du feu de l’enfer, attirez au Ciel toutes les âmes, surtout celles qui en ont le plus besoin. ” »
CE QUE DIEU « VEUT »
Il n’y a pas de monde nouveau qui tienne, ni de mutation de l’Église. La pandémie nous avertit aujourd’hui comme en 1917 la guerre qui déjà n’en finissait plus. Le pape François multiplie, sans succès, les démarches diplomatiques et les propositions de réformes pour établir une fraternité universelle dans le monde, par la “ synodalité ”. Comme Benoît XV en 1917 pour établir la paix par les négociations.
La voix du Ciel répond à celle du Vicaire du Christ. Que dit cette voix du Ciel ? « Priez, priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs, car beaucoup d’âmes vont en enfer parce qu’elles n’ont personne qui se sacrifie et prie pour elles. »
Le plus grand mal n’est pas la pandémie ni la guerre, mais le péché qui conduit les pauvres âmes en enfer et qui déchaîne ici-bas les guerres et les révolutions. Le message de Fatima invite les hommes à la résipiscence sans laquelle les calamités d’ici-bas ne sont que le prélude des châtiments éternels. C’est la leçon très sage, très ferme, de la Reine du Ciel, « comme un cri lancinant d’une mère qui voit s’ouvrir devant ses enfants des abîmes insondables ».
La pire des guerres est celle que les hommes mènent contre Dieu, la paix véritable est celle qu’ils goûtent dans leur obéissance à ses commandements. Le plus grand mal n’est pas la maladie ni la pauvreté mais le péché qui tue, plus que le corps, l’âme même éternellement. Que d’abord, par pitié pour eux-mêmes, les hommes cessent d’outrager la Majesté divine et qu’ils se soumettent à sa loi ! Alors, Dieu donnera un peu de paix et de prospérité à la terre. Voilà ce que les enfants de Fatima ont bien compris. Le péché est le seul malheur absolu !
« Il se commet beaucoup de très grands péchés dans le monde, disait Jacinthe, peu avant de mourir. Si les hommes savaient ce que c’est que l’éternité, ils feraient tout pour changer de vie. Les hommes se perdent parce qu’ils ne pensent pas assez à la mort de Notre-Seigneur et qu’ils ne font pas pénitence. »
Et un jour où la Vierge lui apparut plus triste que jamais :
« Les péchés qui conduisent le plus grand nombre à la perdition sont les péchés de la chair. Il faut renoncer, ne pas s’obstiner dans le péché comme on a fait jusqu’ici. Il est indispensable de faire grande pénitence. »
Alors, eux-mêmes, ces trois innocents, s’y livraient sans mesure, répétant la prière que la Dame leur avait enseignée :
« Ô mon Jésus, pardonnez-nous nos péchés, préservez- nous du feu de l’enfer, et conduisez au Ciel toutes les âmes, surtout celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde. »
Et la Grande Guerre ? Comme la pandémie aujourd’hui, elle servait les desseins de Dieu et durerait tout le temps qu’il faudrait pour le bien des âmes. Ce cauchemar les ramenait à la réalité. Dans leur malheur, les hommes se reprenaient à prier.
« C’est par le Cœur Immaculé de Marie qu’il faut demander la paix », disait Notre-Dame. En 1917, cependant, le châtiment était déjà durement ressenti par tous les peuples, le don de la paix ne tarderait plus longtemps. Dès le 13 juillet, la Vierge l’annonce aux enfants : « La guerre va vers la fin... »
Le signe de la paix de Dieu avec les hommes, ce sera bientôt l’armistice de 1918, comme celui de 1871 après Pontmain. Est-ce la paix universelle et définitive, comme beaucoup l’annoncent ? Non pas, car le monde va retourner au mal qui le dévore : le péché. Comme en 1871, après Pontmain.
Quel péché ? N’allons pas chercher les péchés sociaux, les crimes collectifs, la Vierge n’a rien dit de tel. Mais les péchés personnels, ceux que chacun se connaît et dont chacun doit se repentir et se corriger, sans attendre de réforme du monde ni de consigne générale, soviétique, synodale ! Il ne s’agit pas d’accabler certains peuples, ou une classe d’hommes, ou « les autres ».
Notre Mère du Ciel nous montre nos propres péchés comme la cause certaine et immédiate des maux dont la société humaine est frappée. Il faut « que l’on n’offense pas davantage Dieu Notre-Seigneur, car il est déjà trop offensé !
– Vous ne voulez rien de plus de moi ?
– Non, je ne veux rien de plus de toi.
– Alors, moi, je ne demande rien non plus. »
LE MIRACLE DU SOLEIL.
Soudain, Lucie s’écria : « Elle s’en va ! Elle s’en va ! Regardez le soleil ! »
« Ouvrant les mains, raconte Lucie, Notre-Dame les fit se réfléchir sur le soleil et, pendant qu’elle s’élevait, le reflet de sa propre lumière continua à se projeter sur le soleil. Voilà le motif pour lequel j’ai crié que l’on regarde le soleil. Mon but n’était pas d’attirer par là l’attention du peuple, car je ne me rendais même pas compte de sa présence. »
Ti Marto, le père de François et de Jacinthe, raconte : « Ce fut alors que l’on put regarder parfaitement le soleil, sans en être incommodé. On aurait dit qu’il s’éteignait et se rallumait, tantôt d’une manière, tantôt d’une autre. Il lançait des faisceaux de lumière, de-ci, de-là, et peignait tout de différentes couleurs : les arbres, les gens, le sol, l’air. Mais la grande preuve du miracle était que le soleil ne faisait pas mal aux yeux. » Puis on aurait dit qu’il s’éteignait et se rallumait. Il lançait des gerbes de lumière et peignait tout de différentes couleurs : les arbres, les personnes, le sol, l’air. Les gens s’exclamaient : « Regardez ! Regardez comme c’est beau ! »
LA CHUTE DU SOLEIL.
Soudain, le soleil eut des secousses et il se mit à tourner sur lui-même à une vitesse vertigineuse. Il s’arrêta et recommença par deux fois à tournoyer. « Il produisait différentes couleurs, raconte Maria Carreira : jaune, bleu, blanc ; et il tremblait, tremblait tellement ! Il semblait une roue de feu qui allait tomber sur la foule. On criait : “ Ô Jésus ! nous allons tous mourir ! ” “ Ô Jésus ! nous mourons tous ! ” D’autres s’écriaient : “ Notre-Dame, au secours ! ” Et ils récitaient l’acte de contrition. Il y avait même une dame qui faisait sa confession générale, et disait à haute voix : “ J’ai fait ceci, j’ai fait cela... et cela encore ! ” »
Enfin, il sembla se détacher du ciel. « Le soleil paraissait grossir de volume, se précipiter et tomber sur la terre, comme pour annoncer quelque chose à la fois d’heureux et d’effrayant. Il semblait descendre vers nous, manifestant le miracle, et saluant la Reine des cieux et de l’univers qui parlait aux trois pastoureaux.
L’un des innombrables témoins raconte :
« En voyant le soleil tomber sur nous, raconte l’un des innombrables témoins, je m’écriai : “ Je vais mourir ! ” Je me suis mis à genoux sur les cailloux, je joignis les mains et je demandai pardon au Seigneur de toutes mes fautes. »
Dès que le soleil remonta au zénith, ce fut une explosion de joie. La promesse de Notre-Dame s’était accomplie à la lettre : tous, c’est-à-dire les soixante-dix mille personnes réunies à la Cova da Iria, parmi lesquelles se trouvaient de nombreux sceptiques, athées et anticléricaux, avaient vu le miracle.
« Maintenant, déclarait la mère de Lucie, on ne peut pas ne pas y croire, car le soleil, personne ne peut y toucher ! » Sauf la Sainte Vierge Immaculée.
Les habits des gens, trempés par la pluie, avaient séché en un instant.
LA VISION DE JÉSUS, MARIE, JOSEPH.
Pendant que la foule était terrifiée par la chute du soleil, les pastoureaux étaient transportés au Ciel en y voyant se succéder trois tableaux :
« Notre-Dame ayant disparu dans l’immensité du firmament, nous avons vu, à côté du soleil, saint Joseph avec l’Enfant-Jésus, et Notre-Dame vêtue de blanc avec un manteau bleu. Saint Joseph et l’Enfant-Jésus semblaient bénir le monde avec des gestes qu’ils faisaient de la main en forme de croix. »
Notre-Dame venait de se nommer : « Je suis Notre-Dame du Rosaire. » Avant de recommander : « Que l’on continue toujours à réciter le chapelet tous les jours. » Cette vision de la Sainte Famille bénissant le monde invitait à contempler les mystères joyeux du Rosaire.
« Peu après, cette apparition ayant cessé, j’ai vu Notre-Seigneur et Notre-Dame qui me donnait l’impression d’être Notre-Dame des Douleurs. » Parce qu’elle avait « une mante violette ». Quant à Notre-Seigneur, vêtu de pourpre comme lors de la scène des outrages, « il semblait bénir le monde, de la même manière que saint Joseph ». Mystères douloureux.
« Cette apparition disparut, et il me sembla voir encore Notre-Dame avec l’aspect de Notre-Dame du Carmel, parce qu’elle avait quelque chose qui pendait de sa main. »
Ce « quelque chose » était le scapulaire, donné à saint Simon Stock, au treizième siècle, par la Vierge Marie accompagnée d’une multitude d’anges : Elle tenait en main le scapulaire de l’ordre et Elle lui dit : « Voici le privilège que je te donne, à toi et à tous les enfants du Carmel. Quiconque mourra revêtu de cet habit sera sauvé. » Mystères glorieux.
Dès la fin des phénomènes cosmiques extraordinaires, de nombreux pèlerins enthousiastes se précipitèrent sur les voyants. Néanmoins, Lucie garda tout son calme.
« Fait extraordinaire, disait le Dr Mendes qui voulait la délivrer de cette foule qui aurait pu l’étouffer, et l’avait prise dans ses bras, elle chercha à se hausser davantage sur mon épaule qui fut ainsi la première tribune d’où elle a prêché le message que venait de lui confier Notre-Dame du Rosaire. Avec une grande foi, elle criait d’une voix forte et assurée :
« “ Faites pénitence ! Faites pénitence ! Notre-Dame veut que vous fassiez pénitence. Si vous faites pénitence, la guerre finira. ”
« Son attitude énergique, chaleureuse, pleine d’enthousiasme, comme si elle accomplissait une mission, m’impressionna profondément. Elle paraissait inspirée. Sa voix avait des intonations comme la voix d’un grand prophète. »
COMPASSION RÉDEMPTRICE.
En 1916, l’ange précurseur de Notre-Dame avait surpris Lucie, François et Jacinthe à jouer pendant les heures torrides d’une journée de juillet :
« Que faites-vous là ? Priez, priez beaucoup ! Les Saints Cœurs de Jésus et de Marie ont sur vous des desseins de miséricorde. Offrez sans cesse au Très-Haut des prières et des sacrifices.
– Comment devons-nous nous sacrifier ? demanda Lucie.
– De tout ce que vous pourrez, offrez à Dieu un sacrifice, en acte de réparation pour tant de péchés qui l’offensent et de supplication pour la conversion des pécheurs. De cette manière, vous attirerez la paix sur votre patrie... Surtout acceptez et endurez avec soumission les souffrances que le Seigneur vous enverra. »
Plus tard, à l’automne, en leur apportant la Communion, l’ange leur dira : « Mangez et buvez le Corps et le Sang de Jésus-Christ horriblement outragé par les hommes ingrats. Réparez leurs crimes et consolez votre Dieu. »
En 1917, la Vierge Marie ne leur parlera pas un autre langage. Dès le 13 mai, elle leur demande :
« Voulez-vous vous offrir à Dieu pour supporter toutes les souffrances qu’il voudra vous envoyer, en acte de réparation pour les péchés par lesquels il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs ?
– Oui, nous le voulons.
– Vous aurez alors beaucoup à souffrir, mais la grâce de Dieu sera votre réconfort.
« C’est en prononçant ces dernières paroles que Notre-Dame ouvrit les mains pour la première fois et nous communiqua, comme par un reflet qui émanait d’elles, une lumière si intense que, pénétrant notre cœur et jusqu’au plus profond de notre âme, elle nous faisait nous voir nous-mêmes en Dieu, qui était cette lumière, plus clairement que nous nous voyons dans le meilleur des miroirs.
« Alors, par une impulsion intime qui nous était communiquée, nous tombâmes à genoux et nous répétions intérieurement : “ Ô Très Sainte Trinité, je vous adore. Mon Dieu, mon Dieu, je vous aime dans le Très Saint-Sacrement. ” »
Ainsi le Ciel ravivait par la bouche d’une enfant de dix ans la plus mystérieuse et la plus émouvante part de notre sainte religion : celle de la communion des saints dans le sacrifice.
Tandis que chacun est appelé à faire pénitence pour ses propres péchés et changer de conduite, tandis que le monde ne doit pas espérer de paix tant qu’il n’en aura pas mérité le bienfait par une sincère conversion, voici que la Vierge Marie appelle ses enfants dévoués à prier et à se sacrifier par amour, à la place des pécheurs, assurant qu’une si charitable réparation méritera à beaucoup d’âmes en péril le salut éternel et au monde le bien de la paix, avant qu’ils n’aient eux-mêmes donné satisfaction. Cette compassion, cette corédemption vient adoucir et bouleverser même les rigueurs de la justice divine. Dès lors, qui saurait augurer du salut éternel des pécheurs et de l’avenir du monde ? D’une part, tant de crimes méritent châtiments et damnation : la chute du soleil en est le “ signe ” annonciateur très certain. Comme jadis, lorsque « s’ouvrit le Temple de Dieu, dans le ciel, et son arche d’alliance apparut dans le Temple ; puis ce furent des éclairs, des voix et des tonnerres, avec un tremblement de terre, et la grêle tombait dru » (Ap 11, 19).
Mais, d’autre part, les Cœurs douloureux de Jésus et de Marie se laissent toucher et attendrir par tant d’innocentes victimes qui se sacrifient pour leurs pères.
« Un signe grandiose apparut au ciel : une Femme ! le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête. » (Ap 12, 1)
Le soleil remonta à sa place. L’espérance refleurit et nous entraîne, dans un élan enthousiaste, non plus à gémir mais à entrer dans ce grand mouvement salutaire, chacun selon sa vocation, sans se préoccuper de savoir si tous feront de même.
Prière ! Pénitence ! Il suffit peut-être que nous ajoutions notre humble part au trésor des mérites des saints pour que le monde soit sauvé ! Telles sont les admirables perspectives de grâce ouvertes dans le beau ciel de Fatima !
« JETER DES FLEURS. »
Que nous est-il demandé ? Si peu !
D’abord, réciter le chapelet, dont les mystères joyeux de la Sainte Famille, Jésus, Marie, Joseph, ont paru dans le ciel comme une source de bénédiction sur le monde, puis les mystères douloureux par lesquels la vision de la Vierge douloureuse nous invite à compatir aux outrages subis par son Divin Fils, pour la conversion des pécheurs ; tandis que le scapulaire du mont Carmel est un billet pour le Ciel...
Mais il faut faire des sacrifices, ce que sainte Thérèse appelait « jeter des fleurs ». Dès 1916, l’ange prépare les enfants à leur vocation de victimes réparatrices. Tous ceux qui entreront profondément dans l’esprit de Fatima éprouveront le même appel. Ils ne distingueront plus entre la pénitence qu’il leur faut accomplir pour leurs propres péchés et celles qu’ils y ajouteront pour les pauvres pécheurs. Le grand élan qui les emporte sur les traces des petits voyants est celui de l’amour consolateur et réparateur. Dieu souffre de tant d’outrages, de sacrilèges et d’indifférences ! Consolons son Cœur... Tant de pécheurs sont en danger de tomber en Enfer ! Réparons pour eux... « Tant de monde tombe dans l’Enfer ! Tant de monde ! s’exclamait Jacinthe. Ah ! si nous pouvions, avec nos sacrifices, fermer pour toujours les portes de cette terrible fournaise ! Si nous pouvions faire que tous les pécheurs aillent au Ciel ! »
De telles pensées donnaient aux enfants un ardent désir de souffrir : « Donnons notre goûter aux brebis. Ne pas goûter, voilà une jolie pénitence. »
Et le « goûter », c’était le repas de midi ! Bientôt, ils le donnèrent à de petits pauvres. Puis ils se privèrent de boire, en plein été. Et se frottèrent avec des orties bien piquantes. Et se firent un cilice avec une corde. Jacinthe en pleura de douleur, mais quand Lucie lui parla de la lui enlever : « Non ! il faut bien souffrir en réparation des péchés et pour la conversion des pécheurs. »
Il est touchant d’entendre la Vierge dire à Lucie le 13 septembre : « Notre-Seigneur est content de vos sacrifices, mais il ne veut pas que vous gardiez la corde dans le lit. Portez-la seulement pendant le jour. »
Souffrir pour les pécheurs, mais plus encore « pour consoler Jésus et pour consoler Notre-Dame », disaient ces enfants. « Qu’est-ce qui te plaît le plus, demandait Lucie : consoler Jésus ou convertir les pécheurs pour que les âmes n’aillent pas en enfer ?
– À choisir, répondait Jacinthe, je préférerais consoler Notre-Seigneur. N’as-tu pas remarqué comment la Sainte Vierge, encore le mois dernier, devint si triste lorsqu’elle demanda que l’on n’offense plus Notre-Seigneur qui est tant offensé. »
La douleur des Êtres bienheureux du Ciel, leur désir d’être consolés, la joie que leur procurent les souffrances qui leur sont offertes par des créatures innocentes ou pénitentes nous sont bien incompréhensibles, sans doute ! Mais ces enfants ont vu, de leurs yeux vu, ce qu’ils traduisent en un tel langage et en de tels sentiments humains, et ce qui est le mystère le plus intime, le plus profond, de l’amour de Dieu pour nous.
« Consoler Notre-Seigneur qui est si affligé à cause de nos péchés », s’attendrir sur le Cœur douloureux et immaculé de la Bienheureuse Vierge apparu à Lucie entouré et blessé d’une couronne d’épines, voilà l’œuvre sublime qui est demandée aux âmes ferventes et aimantes. La Vierge Marie apparue à saint Jean dans le ciel de Patmos souffre et crie dans les douleurs de l’enfantement, comme nous le lisons dans l’Apocalypse, et comme il l’avait vue au pied de la Croix, où elle demeure, chaque jour, le Cœur transpercé avec celui de Jésus, pour le mystérieux enfantement des âmes à la vie éternelle !
De ce mystère de la Passion des divins Cœurs et de la compassion des fidèles chrétiens découle un autre mystère : Dieu ne peut rien refuser à ses enfants qui cherchent à consoler son Cœur de si touchante et méritante manière. À cette vue, sa justice se change en miséricorde et le châtiment décrété fait place au salut du monde.
CONSÉCRATION AU CŒUR IMMACULÉ DE MARIE.
« Vous verrez saint Joseph et l’Enfant-Jésus prêts à donner la paix au monde », avait annoncé Notre-Dame le 19 août. Mais à une condition très précise : la dévotion au Cœur Immaculé de Marie et la consécration de la Russie à ce Cœur Immaculé par le Pape, afin qu’à son exemple le genre humain tout entier se convertisse. Dieu le veut ! Nous touchons là, soulignait notre Père, à l’aspect le plus décrié de notre religion, celui du bon plaisir de Dieu, qui décide souverainement du culte que l’Église devra lui rendre pour lui être agréable et mériter ses grâces.
Ainsi, Dieu veut l’exaltation de la Vierge Marie sa Mère. Il veut qu’un culte lui soit rendu, magnifique et multiple, populaire, traditionnel, public et universel. Notre-Dame a aimé les rubans qui ornaient le chêne vert où elle s’était posée à la Cova da Iria, l’arc rustique dressé par la brave Maria Carreira, et ses lanternes qui y brûlaient nuit et jour. Elle a désiré qu’on élève une chapelle et qu’on fasse deux brancards de procession pour solenniser la Fête de Notre-Dame du Rosaire. Elle a fait jaillir une source abondante sur le plateau désert où il lui a plu de voir se rassembler de grandes foules en son honneur.
La Mère et son Fils ont les mêmes pensées, les mêmes goûts ! Elle désire une dévotion toute semblable à celle que le Cœur de Jésus demandait à Paray-le-Monial il y a trois cent cinquante ans. Que les chrétiens marquent cinq premiers samedis du mois par une confession et une communion réparatrice, et d’abondantes grâces leur seront données au moment de la mort. Qu’on lui consacre le monde, et on aura la paix ! C’est le “ secret du Secret ” confié à Lucie par Jacinthe avant de mourir :
« Tu diras au monde entier que le Bon Dieu veut accorder ses grâces par le Cœur Immaculé de Marie, qu’on ne doit pas hésiter à les lui demander. Que le Cœur de Jésus veut être vénéré avec celui de sa Mère. Que les hommes doivent demander la paix à ce Cœur Immaculé parce que Dieu la lui a confiée. »
L’Église détient donc dans sa main la paix et le salut du monde. Il suffit qu’elle développe immensément le culte et la dévotion aux Saints Cœurs de Jésus et de Marie au lieu de se profaner dans le service, le culte et l’amour de l’Homme et du Monde. Si elle se convertissait de cette maladie qui la dévore depuis soixante ans, si le Pape allait à Fatima pour y accomplir la vision prophétique confiée en grand secret à trois enfants de moins de dix ans le 13 juillet 1917 par la Reine du Ciel, pour avertir en temps voulu l’Église et le monde du châtiment encouru par la persistance de la hiérarchie à désobéir aux demandes de Notre-Dame : la Chrétienté renaîtrait alors qu’elle est réduite aujourd’hui à « une grande ville à moitié en ruine », tandis que le Saint-Père, « à moitié tremblant », la traverse « d’un pas vacillant, affligé de douleur et de peine », en priant « pour les âmes des cadavres qu’il trouve sur son chemin ».
MARTYR « VÊTU DE BLANC ».
Le pape Jean-Paul Ier était résolu à obéir à Notre-Dame de Fatima : « Si je vis, je retournerai à Fatima pour consacrer le monde et particulièrement les peuples de la Russie à la Sainte Vierge, selon les indications que celle-ci a données à sœur Lucie. » Le Saint-Père entrait ainsi dans le dessein divin avec une docilité d’enfant.
« Si je vis... » Il était donc averti du martyre annoncé dans la vision du “ troisième secret ” confié à Lucie le 13 juillet 1917 par Notre-Dame de Fatima : soit que sœur Lucie lui ait dévoilé le secret, soit qu’elle lui ait laissé seulement entendre qu’il serait le prochain Pape.
Jean-Paul Ier a accompli la prophétie non pas « tué par un groupe de soldats » mais assassiné par ses frères, comme Jésus crucifié sur « une grande Croix de troncs bruts comme si elle était en chêne-liège avec l’écorce ». Ainsi, on ne peut pas accuser sœur Lucie d’avoir rédigé une fausse prophétie quarante ans avant l’événement ! Mais il est bien vrai que, après trente-trois jours de pontificat, il fut victime de cet attentat alors qu’il était « parvenu au sommet de la montagne, prosterné à genoux au pied de la grande Croix ».
Tandis que « sous les deux bras de la Croix, il y avait deux anges, chacun avec un vase de cristal à la main, dans lequel ils recueillaient le sang des martyrs, et avec lequel ils arrosaient les âmes qui s’approchaient de Dieu ».
L’adage est ancien : « Sanguis martyrum semen christianorum. » Il résume les premiers siècles de l’Église, et il annonce les derniers temps que nous vivons, inaugurés par la Révolution.
frère Bruno de Jésus-Marie.