Il est ressuscité !
N° 200 – Juillet-août 2019
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
Enfin ! La réponse de Rome
tant attendue, par un questionnaire
de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
J’ai reçu le 23 avril 2019, en la fête de saint Georges, cette lettre datée du 15 avril 2019 :
Georges PONTIER
Archevêque de Marseille,
Marseille, le 15 avril 2019
À Monsieur Bruno BONNET-EYMARD
Responsable du Mouvement
« Contre-Réforme Catholique »
Monsieur,
Par une lettre ouverte du 29 novembre 2012 à Monseigneur Marc STENGER, évêque de Troyes, en réponse à une tentative de sa part pour réconcilier votre mouvement avec l’Église catholique, vous posiez des conditions préalables à cette réconciliation. Je vous cite : « Si nous sommes bien décidés à ne jamais nous séparer de l’Église, nous ne pouvons pas davantage accepter ce qui en conscience nous paraît hérétique. Toute démarche de conciliation a donc pour préalable le jugement doctrinal. En effet, si les démonstrations théologiques de l’abbé de Nantes entraînent notre adhésion raisonnée et irréductible, pas plus que lui nous ne prétendons être infaillibles. C’est la raison pour laquelle notre foi catholique et nos droits de baptisés nous font réclamer un jugement sur les points précis que nous contestons dans les nouveautés conciliaires. »
La Congrégation de la Doctrine de la Foi m’a fait savoir que le seul préalable à envisager était celui de votre adhésion à l’Église et à son Magistère, en particulier au Concile Vatican II, ainsi que l’ecclésialité du fonctionnement de votre mouvement.
Étant donné la présence de votre mouvement dans un certain nombre de diocèses de France, en ma qualité de Président de la Conférence des Évêques de France, j’ai donc la charge de vous communiquer – je le fais en pièce jointe – le questionnaire agréé par la Congrégation de la Doctrine de la Foi. Ce questionnaire est destiné à chaque membre de la CRC, appelé à y répondre individuellement. Comme je n’ai pas l’état de ces membres, je compte sur votre loyauté pour le transmettre à chacun d’eux et de permettre à chacun d’y répondre. Je charge Monseigneur Yves PATENOTRE, archevêque émérite de Sens-Auxerre, de recueillir les réponses individuelles à lui faire parvenir à l’adresse suivante :
Monseigneur Yves Patenôtre
3 rue du Cloître Saint Étienne
10000 TROYES
[email protected]
Je demande que chacun veuille bien répondre au plus tard le lundi de Pentecôte 2019, qui est le 10 juin, souhaitant à tous la lumière de l’Esprit-Saint. Il vous faut savoir qu’en cas de refus seront prononcées les censures canoniques adéquates, selon les termes du canon 1347 :
- 1 « Une censure ne peut être infligée validement à moins qu’auparavant le coupable n’ait été averti au moins une fois d’avoir à mettre fin à sa contumace, et qu’un temps convenable ne lui ait été donné pour venir à résipiscence. »
- 2 « Il faut considérer comme ayant mis fin à sa contumace le coupable qui se sera réellement repenti de son délit et qui, de plus, aura réparé d’une façon appropriée les dommages et le scandale ou qui du moins, aura promis sérieusement de le faire. »
Que l’Esprit-Saint, l’Esprit de Pentecôte, vous éclaire.
+ Georges Pontier
Archevêque de Marseille
Président de la Conférence des évêques de France
4 Place du Colonel Edon – 13 007 Marseille – Tél. 04 91 14 28 90 – fax 04 91 31 06 81 – [email protected]
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Questionnaire à soumettre à la communauté
de la Contre Réforme Catholique
Sur la doctrine et la foi catholique :
- Professez-vous la foi catholique, telle qu’elle est professée dans le symbole de foi de Nicée-Constantinople et dans l’ensemble des conciles œcuméniques reconnus par l’Église catholique ?
- Reconnaissez-vous l’autorité dogmatique et magistérielle du second concile du Vatican, en particulier dans sa doctrine sur l’Église, la Révélation divine, la liturgie et la liberté religieuse ?
- Reconnaissez-vous l’autorité légitime et ininterrompue du magistère des papes, successeurs de l’apôtre Pierre ?
- Reconnaissez-vous le magistère ordinaire et l’autorité de l’évêque dont vous dépendez ?
Sur l’organisation de la communauté :
- Quels sont les statuts ou les textes régulateurs de la vie de la communauté ? Êtes-vous disposés à les communiquer et, le cas échéant, à travailler à leur évolution si l’autorité ecclésiastique légitime juge opportun de le faire ?
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Jésus ! Marie ! Joseph !
Monseigneur Yves Patenôtre
Aux bons soins de
Monseigneur Marc Stenger
Évêque de Troyes
3 rue du Cloître Saint-Etienne
10000 Troyes
Saint-Parres-lès-Vaudes, le 13 juin 2019
Deuxième apparition de Notre-Dame à Fatima
Excellence,
J’ai l’honneur d’accuser réception de la lettre datée du 15 avril 2019 de Mgr Georges Pontier, lettre par laquelle l’archevêque de Marseille m’a transmis un formulaire de cinq questions à soumettre personnellement à chacun des 120 religieux qui me reconnaissent comme le supérieur général des Communautés des Petits frères et des Petites sœurs du Sacré-Cœur fondées par l’abbé Georges de Nantes auquel je succède. Je précise néanmoins que la véritable Générale et Protectrice de notre Ordre est la Très Sainte Vierge Marie depuis que notre Père fondateur lui « a passé la main » en la fête de l’Immaculée Conception de l’an de grâce 1997. Mgr Pontier souhaite à chacun de nous la lumière de l’Esprit-Saint. C’est donc à Elle, réceptacle du Saint-Esprit, que nous nous confions pour qu’en vous écrivant soient sauves les vertus de foi, d’espérance et de charité.
Je fais précéder mes réponses au questionnaire par trois observations :
Première observation : Mgr Pontier passe sous silence un nom incontournable, celui de l’abbé Georges de Nantes, bien connu notamment pour avoir publiquement commenté et critiqué les textes du deuxième concile du Vatican au moment même de leurs discussions et de leur adoption. Nous, ses fils spirituels, entendons lui demeurer fidèles et c’est à partir de son œuvre immense, qui n’a jamais fait l’objet de censure doctrinale, que nous formulerons les réponses au questionnaire qui nous est imposé.
Deuxième observation : À la suite d’un entretien que nous avions eu tous les deux quelques jours auparavant à son évêché, j’avais adressé à Mgr Stenger le 29 septembre 2012 une lettre non pas ouverte mais personnelle. Six années se sont ensuite écoulées sans que la moindre nouvelle me soit donnée au sujet de ma requête et voici que je reçois une réponse de Mgr Pontier. Certes les Maisons de nos communautés sont situées dans plusieurs diocèses, certes il m’écrit en qualité de Président de la conférence des évêques de France. Mais ce mandat électif, d’ailleurs sur le point de prendre fin, est-il suffisant pour octroyer à l’archevêque de Marseille juridiction sur l’ensemble des territoires des diocèses de France... et du Canada... pour sommer des personnes, dont il veut ignorer l’état religieux, d’avoir à répondre dans un délai impératif de deux mois sous peine de sanctions canoniques à une série de cinq questions ? Je réponds au questionnaire... mais je fais passer ma lettre à votre attention par Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes dont nous reconnaissons dépendre de son autorité.
Troisième observation : les questions qui nous sont posées sont présentées de façon fort simple mais les réponses sont difficiles car, pour être exactes au regard des règles de l’exercice du pouvoir d’enseigner de l’Église, des distinctions doivent être faites, du moins pour les quatre premières questions. Je vous écris cela non pas pour obtenir, à mon tour, un délai de réflexion... de six années... mais pour vous expliquer pourquoi les religieux de nos communautés qui ont tous pris personnellement connaissance de la lettre de Mgr Pontier et du questionnaire me demandent de présenter en leur nom leurs réponses, voulant par ailleurs témoigner d’une unité toute surnaturelle qui règne entre nous sur de pareils sujets pour lesquels nous avons consacré nos vies entières.
PREMIÈRE QUESTION :
« Professez-vous la foi catholique, telle qu’elle est enseignée dans le Symbole de foi de Nicée-Constantinople et dans l’ensemble des conciles œcuméniques reconnus par l’Église catholique ? »
Sous le prétexte apparent de professer la foi catholique, ou même pire, au nom de la foi catholique sans laquelle nul ne peut être sauvé, l’auteur de cette question assimile de force mais sans le dire explicitement le concile de Nicée avec le concile Vatican II, l’autorité du premier appelée ainsi subrepticement en renfort pour cautionner l’orthodoxie du second. Et puis pourquoi cette référence au Symbole de « Nicée-Constantinople » ? L’auteur de la question pense-t-il sérieusement que nous mettions en doute le dogme de la consubstantialité des Personnes divines ? À moins que son souci soit de ménager la susceptibilité de nos “ frères ” schismatiques d’Orient ?
Tout cela n’est ni très sérieux... ni très loyal mais ne décourage pas de répondre très sérieusement à cette question comme à toutes les autres d’ailleurs.
Oui, nous professons la foi catholique, telle qu’elle est enseignée dans le Symbole de foi de Nicée et dans l’ensemble des conciles œcuméniques reconnus par l’Église catholique... mais sous deux réserves majeures.
Après deux mille ans d’histoire, la foi catholique telle que l’enseigne l’Église se réduirait-elle au Symbole de Nicée et aux conciles œcuméniques, comme l’auteur du questionnaire le laisserait croire ? Évidemment non.
Avec notre Père, l’abbé de Nantes, nous professons de façon exacte au regard de la foi catholique qu’aux hommes, objets de sa miséricorde, Dieu a révélé ses mystères et toutes vérités nécessaires à leur salut, principalement par son Fils Jésus-Christ. Les Apôtres seuls ont légué, par inspiration personnelle, la plénitude de cette Révélation à l’Église sous forme orale, les Traditions, ou écrite, les saintes Écritures. Leur ensemble constitue le Dépôt de la foi. Nous avons accès à la connaissance de ces mystères par l’enseignement de l’Église qui nous présente, interprète et explique infailliblement cette divine Révélation. L’Écriture et la Tradition sont les sources de notre foi, l’enseignement de l’Église est le canal qui nous en communique la doctrine de manière ordinaire, spontanée, vivante, avec une admirable cohérence, par la liturgie et par la catéchèse. Un certain nombre de vérités ont été précisées, définies, imposées de manière extraordinaire ou solennelle, à cause de leur importance ou de leur contestation par les hérétiques, ce sont les dogmes, qui sont comme l’armature inattaquable de la doctrine révélée.
Cette profession de foi catholique contient en germe les réponses à toutes les questions du formulaire qui nous est imposé.
Le concile Vatican II, comme les précédents conciles œcuméniques et en particulier le Symbole de Nicée, a-t-il énoncé un enseignement dogmatique sans lequel un fils de l’Église ne peut prétendre confesser la foi catholique ? Malgré des irrégularités flagrantes qui semblent notamment avoir entaché les procédures de vote et de promulgation des différents textes, l’abbé Georges de Nantes et nous à sa suite reconnaissons le concile Vatican II comme vrai et légitime concile œcuménique de la Sainte Église Romaine. Il en a toutes les marques canoniques et peut-être plus qu’aucun autre concile depuis le premier, celui de Jérusalem. Le rôle du Pape y fut considérable, lui conférant sa pleine autorité. Jamais les évêques n’ont été réunis si nombreux, et de presque toute la terre. Il s’est réuni et déroulé en dehors de toute ingérence séculière. Personne ne l’a contesté, il paraît avoir été reconnu de tous. Nous reconnaissons donc la pleine légitimité canonique du deuxième concile du Vatican, vingt et unième Concile œcuménique, le plus grand de tous les conciles.
Mais a-t-il pour autant énoncé un enseignement dogmatique ? Impossible de répondre à cette question sans donner les raisons qui président à la réponse à la deuxième question du formulaire.
DEUXIÈME QUESTION :
« Reconnaissez-vous l’autorité dogmatique et magistérielle du second concile du Vatican,
en particulier dans la doctrine sur l’Église, la Révélation divine, la liturgie et la liberté religieuse ? »
Nous nous prononcerons sur l’autorité magistérielle dont jouissent les Actes du deuxième concile du Vatican (V) après avoir résumé brièvement l’analyse de l’abbé de Nantes, en tant que théologien privé, à propos de la doctrine conciliaire sur la Révélation divine (I), la liturgie (II), l’Église (III) et la liberté religieuse (IV).
I. SUR LA RÉVÉLATION DIVINE
Nous croyons en toute certitude que le Fils de Dieu fait homme a, durant sa vie terrestre, révélé toute vérité divine qu’il plaisait au Père de nous faire connaître pour notre salut, portant ainsi à sa plénitude une fois pour toutes les connaissances que les hommes devaient avoir des mystères divins. Les Apôtres ont vu et entendu cette Parole divine subsistante et unique. Inspirés très spécialement par l’Esprit-Saint pour cette œuvre, ils ont enseigné et fixé ainsi en langage humain toute cette vie et cette doctrine, ces faits divins et historiques et ces révélations spirituelles qui constituent les sources et les fondements sacrés de notre religion.
Ainsi nous avons accès par l’Église à la Tradition apostolique où nous entendons et lisons la Parole de Dieu, sans autre voile que celui de la foi. L’œuvre de l’Église elle-même a consisté en une “ transmission ” continue et fidèle de cette Révélation première aux générations successives. Elle a rempli cette mission en traduisant les paroles originelles selon les langues des hommes, en condamnant avec précision les interprétations ou développements faux qui paraissent ici et là, en définissant et ramassant en un corps de doctrine ce que la Tradition apostolique enseignait de manière divine, plus parfaite sans doute, mais moins adaptée à nous. Les dogmes, la prière liturgique, les Symboles de foi et tout simplement notre catéchisme sont ainsi les œuvres de la Tradition ecclésiastique, en lesquelles nous retrouvons vraiment et commodément l’authentique Révélation de Dieu. L’Église a bien fait l’ouvrage, sous l’autorité pleine de sollicitude des Pasteurs et en recourant fréquemment à leur infaillibilité.
C’est l’Esprit-Saint qui garantit ce travail zélé et attentif des serviteurs de la Parole de Dieu. « De l’Église et de Jésus-Christ, de la Tradition ecclésiastique et de la Révélation il ne faut faire difficulté, c’est tout un. » (sainte Jeanne d’Arc à ses juges de Rouen) Et c’est par cet enseignement total, à travers et en ses formules et ses rites, que le catholique atteint par la foi le mystère même de Dieu et s’unit à son Sauveur. Nous pouvons lire l’Écriture sainte, retrouver les enseignements et les usages de l’Église primitive, cela nous est même conseillé, mais nous y retrouverons toujours le même enseignement que celui de l’Église actuelle, la même foi, la même vérité. Il n’en reste pas moins que le plus adapté à nous, le plus sûr, c’est évidemment la foi du catéchisme, expliqué par notre bon curé, en accord avec l’Église de toute la terre et récapitulant ou évoquant l’enseignement de tous ses devanciers.
Point de révolution possible, point d’évolution historique non plus, point d’altération sous une influence extérieure, nul apport étranger. Si l’Église développe son enseignement, c’est en tirant de son trésor apostolique ces choses nouvelles en accord avec les anciennes, sans rien renier ni changer. Au contraire c’est le dépôt apostolique qui paraît alors mieux connu et l’enseignement nouveau paraît lumineusement tiré de la Tradition. Rien donc de nébuleux, de fantaisiste, de “ prophétique ” dans ce Magistère, et nous croyons en lui justement en raison de cette fidélité et de cette clarté. Lui-même affirme que nulle autre révélation ni illumination divine ne peut aller à l’encontre. L’enseignement de l’Église, c’est la foi, et la foi c’est la tradition par l’Église de la Parole de Dieu reçue de Jésus-Christ et enseignée d’abord par les Apôtres. C’est net.
Malgré certaines formules admirables insérées dans un texte élaboré à dessein de façon équivoque, la constitution Dei verbum a gauchi intentionnellement la doctrine classique de la Révélation divine dans le but de s’affranchir du dogme gênant au nom de l’Écriture et de l’expérience vitale des chrétiens actuels. Par une exaltation surprenante de l’Écriture et une présentation de la “ Parole de Dieu ” actuellement prononcée par les hommes d’Église comme d’une présence réelle et actuelle du Christ vivant et agissant, émancipée de la tradition ecclésiastique, la Constitution a substitué à l’enseignement jusqu’alors ferme de l’Église une Parole qui n’existe pas personnifiée, structurée ni objective dans notre expérience commune.
Et voici le résultat de cette thèse qui relève de l’illuminisme : une immense et scandaleuse confusion du langage, la substitution de cent opinions individuelles à l’unique Credo, l’émiettement de la foi. Bien plus, par ordre de la hiérarchie agissant au nom du Concile, la liturgie et la catéchèse ont été systématiquement renouvelées en vue d’une nouvelle “ éducation de la foi ” informelle, immanentiste. Les anciens rituels et catéchismes ont été réprouvés, bannis, précisément parce qu’ils conservaient la foi romaine sous sa forme immuable.
II. SUR LA LITURGIE
Parce que l’Église est une “ personne mystique ”, étant le Corps social du Christ dont l’Âme est l’Esprit-Saint, tout ce qu’elle dit et accomplit est “ sacerdotal ”, c’est-à-dire médiateur de la vie et de la sainteté de Jésus-Christ “ répandu et communiqué ”, comme dit Bossuet. Cette fonction est distincte et nécessairement séparée des autres activités humaines [...]. Elle est donc la vie essentielle des chrétiens de toutes races et de toutes conditions, et de tous les temps, à travers les siècles, de génération en génération. Elle définit donc une règle sociale, catholique et apostolique, une et sainte, manifestation d’une foi immuable et œuvre d’une Église organisatrice. Réciproquement, la liturgie sacerdotale, entrée dans les mœurs du Peuple saint de Dieu, nourrit et maintient la foi, elle édifie et hiérarchise l’Église. “ Lex orandi, lex credendi ”. La vie surnaturelle procure le mouvement de la prière, mais le mouvement entretient la vie. Si la foi vient à disparaître, si l’Église se dissout, la liturgie meurt la première. Mais inversement, si la liturgie se dégrade, l’Église se disperse et la foi s’éteint.
Jusqu’au concile Vatican II la liturgie était œuvre sacerdotale, du Christ et de l’Église, plus divine qu’humaine, de prédication, de sacrifice sacramentel et de louange divine, célébrée pour le bien spirituel des fidèles, mais non sans leur pieux concours.
Après le Concile, elle est devenue le plus souvent soit insipide soit une création spontanée, à prétention esthétique, moderne, de l’homme qui se rend un culte à lui-même. Insoucieuse de plaire à Dieu et de mériter ses grâces, la liturgie postconciliaire est tout occupée de plaire à l’homme comme un art, et de mériter qu’il s’y intéresse et participe.
C’est pourquoi le concile Vatican II, en lui-même, n’a pas défini la liturgie de l’avenir. Il a été une étape décisive dans l’ouverture de l’Église aux nouveautés. Cette étape fut bientôt dépassée et il fut admis que “ l’obéissance au Concile ” consistait à “ dépasser ” ce qu’il autorisait et à “ développer ” ce qu’il contenait en germe. Et depuis plus de cinquante ans, il n’est pas un hérésiarque qui ne se soit réclamé du Concile pour mener son action au grand jour, en pleine immunité, spécialement dans le domaine liturgique par les orientations, les libertés, la créativité ouvertes par la réforme conciliaire, et plus spécialement dans le bouleversement de la messe et la suppression de toutes les cérémonies et dévotions du culte eucharistique.
Le vrai problème n’est pas le rite en lui-même. Nous ne demandons pas qu’on nous accorde quelques cérémonies en latin, à l’écart, et le droit de faire trois génuflexions au lieu d’une. Nous avons toujours reconnu que la messe dite selon le nouvel ordo de 1970 était valide.
Non, il s’agit, pour nous réconcilier, de se réconcilier d’abord avec Dieu en vengeant les injures qui lui sont faites officiellement dans le sacrement de son Corps et de son Sang par des théologiens hérétiques et des prêtres parjures.
On ne peut plus rester insensible à la tristesse de Dieu qui a bouleversé François de Fatima, ni à la requête pressante de l’Ange de Fatima en 1916 : « Mangez et buvez le Corps et le Sang de Jésus-Christ horriblement outragé par les hommes ingrats. Réparez leurs crimes et consolez votre Dieu. »
III. SUR L’ÉGLISE
Nous professons que la société qu’est l’Église est l’organisme humain ou l’instrument créé par lequel Dieu appelle tous les hommes au salut et leur donne, s’ils y adhèrent par la foi, la justification et la grâce pour la vie éternelle. L’Église est donc le moyen et le lieu de la vraie religion, union des hommes avec l’Unique Dieu. L’Église est une mère qui engendre, par une nouvelle naissance, les fils d’Adam à la grâce retrouvée. Elle est une famille où se transmet la vie divine, depuis le Christ, de génération en génération. L’Église est humaine et divine. La Révélation seule nous le fait connaître en deux vérités liées et complémentaires. Tout d’abord le mystère de l’Église est celui d’une société humaine dont le Fils de Dieu est le fondateur humain et demeure le Chef Souverain toujours vivant et glorieux. Il la gouverne en effet Lui-même, à l’aide d’une hiérarchie qu’il a fondée et munie de ses propres Pouvoirs divins et de ses droits. C’est par Lui-même, puis par ses Apôtres comme par leurs successeurs, que le Christ crée et organise son Église comme un Corps social, vivant et vivifiant, saint et parfait. La hiérarchie est la cause efficiente, cause créée, humaine, historique et visible.
Cependant, l’union de l’Église humaine à son Chef divin n’est pas physique, comme dans l’Incarnation, mais morale. Elle suppose dans l’Église une volonté sainte, une énergie divine, un principe de fidélité qui la tienne indéfectiblement unie à son Chef. Cette “ Âme incréée ” de l’Église est la Personne du Saint-Esprit, qui lui a été envoyée au jour de la Pentecôte par le Père et le Fils. Âme divine de ce Corps unique et particulier, le Paraclet a une affinité profonde avec cette Église, l’Église catholique seule.
Même quand il sollicite tous les hommes à la Vie divine, c’est en dépendance et en vue de son Église unique. Cette œuvre de l’Esprit-Saint est la “ cause formelle ” ou le “ principe immanent d’organisation ” de ce Corps social dont le Christ est le Chef : c’est dire que son Énergie descend et se communique hiérarchiquement de la Tête aux membres selon les degrés des Pouvoirs institués par le Christ. Même là où l’Esprit-Saint agit en toute liberté par le don de “ charismes ”, ce n’est ni en contradiction ni en division d’avec l’institution hiérarchique et sa discipline apostolique.
La constitution Lumen gentium a perverti cette lumineuse définition catholique de l’Église.
Tout d’abord en la faisant lumière du monde, l’Église ne se suffit plus à elle-même. Elle n’est plus tournée vers le service de Dieu, attirant tous les hommes à cette vie supérieure dont elle détient seule les clefs. Elle est occupée, passionnée du monde, de sa réussite, lui donnant vaguement une énergie dite divine, une lumière d’Esprit, une onction christique, pour lui permettre de s’achever pleinement sur terre. On aura vite fait de déduire que partout où il y a “ animation spirituelle ” ou “ culturelle ”, générosité, lutte libératrice parmi les hommes, sous une forme neuve, l’Église est là.
Ensuite, la Constitution a procédé à une révolution en présentant d’abord l’Église comme “ peuple de Dieu ” avant de traiter de la question de la hiérarchie dont la pyramide se trouve du coup renversée. Il y aurait donc d’abord le Peuple et ce Peuple est donné tout vivant, tout illuminé, tout sanctifié, rassemblé avant qu’intervienne le moins du monde la hiérarchie, par l’action directe, invisible, gratuite, inattendue, illuminée de... l’Esprit-Saint ! Et voilà toute la structure de l’Église renversée, ses frontières abattues. Ce peuple de Dieu déborde largement les étroites limites du catholicisme et, plein d’Esprit, il est revêtu de toutes les perfections : tous y sont prophètes, prêtres, et rois. Quand on songera à parler de la hiérarchie, on n’aura plus à lui donner qu’un rôle accessoire et vaguement antagoniste. On la mettra « au service » de ce peuple de dieux !
Par ailleurs, et malgré une Nota prævia vite oubliée, la Constitution Lumen gentium a donné l’apparence de faire triompher l’idée de collégialité en faisant du Collège épiscopal le fait premier, dépositaire du “ don spirituel ” accordé par l’Esprit-Saint au collège des Apôtres. Ainsi sont affirmés « le caractère et la nature collégiale de l’ordre épiscopal ». Et c’est ce collège que, dans une phrase extraordinairement équivoque, le Concile fait « le sujet d’un pouvoir suprême et plénier sur toute l’Église »,... cela dit avec mille ménagements pour l’autorité du Pape ! Et avec le décret Optatam totius ecclesiæ renovationem, les évêques qui jouissaient jusqu’alors d’une autorité réelle et personnelle sur un territoire limité, exercent désormais sur d’immenses régions et sur un univers illimité une apparence de pouvoir sans autorité réelle, à l’encontre même de la constitution divine de l’Église telle que l’a prévue son Fondateur, Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Enfin, de ce renversement de la hiérarchie, de ce nouveau service du monde, il est logiquement résulté la promotion du laïcat au détriment du prêtre qui n’a plus de fonction propre où il serait irremplaçable, sauf pour la validité de certains sacrements. Le travail réel est aux laïcs dont il est seulement et vaguement l’animateur, le conseiller, le porteur de la Parole. Résultat : il n’y a plus de prêtres, les évêques n’ayant cessé de les livrer au diktat des laïcs lesquels se retrouvent avec toujours plus de nouveaux ministères, jusqu’à conduire les enterrements, donner la communion, prêcher, et un beau jour présider l’Eucharistie... !
IV. SUR LA LIBERTÉ RELIGIEUSE
Nous professons que le grand combat apocalyptique dont la Révélation nous entretient sans cesse est celui des hommes révoltés contre Dieu, à l’instar de Satan, leur Prince, dont le cri de guerre est : Non serviam, je ne servirai pas ! Cette révolte est la revendication d’autonomie de la créature avide de se diviniser, de s’égaler à Dieu en se prétendant libre... Eritis sicut dii, vous serez comme des dieux. À mesure que Dieu entrera dans la société des hommes pour leur salut, cette révolte se fera plus agressive.
Dans notre monde moderne, toute la tradition de l’Humanisme athée et de la Révolution – “ satanique dans son essence ” – est un refus de la souveraineté du Dieu fait homme par l’homme qui veut se faire lui-même dieu. La charte de cette révolte, c’est la Déclaration des droits de l’homme dont la teneur est plus métaphysique que politique, et politique pour atteindre au religieux et substituer le culte de l’Homme au culte de Dieu. Il est donc normal que le principal adversaire de la Révolution, plus que les familles et que les trônes, soit l’Église qui est l’œuvre de Dieu et du Christ au milieu des hommes. Ce n’est pas dire que l’Église ait nié la liberté humaine par contradiction absolue d’une Révolution qui la proclamait souveraine et qui la réclamait contre Dieu.
L’Église a toujours reconnu aux personnes le droit et le devoir de suivre leur conscience, même si correctement informée elle est erronée. L’Église sait que « Dieu a remis l’homme à son conseil » (Si 15, 14). Tous, pour agir en homme, doivent écouter leur conscience et suivre ses commandements. C’est sur cette obéissance intérieure qu’ils seront jugés et par Dieu seul. Et puisque la religion, la morale sont des œuvres spirituelles dont la décision relève de la conscience, nul ne pourra être contraint à croire ou adopter une règle morale par force, car ce que Dieu veut c’est l’adhésion du cœur. Toutefois, l’Église ne donne jamais raison à une conscience qui déraisonne.
Le devoir de suivre sa conscience, s’il s’impose à chaque individu, ne saurait créer un droit social car dès qu’il est question de vie en société, ce n’est plus la sincérité du sujet qui emporte la liberté mais c’est la vérité de l’action. En tout domaine de la vie sociale, c’est Dieu qui est le Souverain Législateur et nul ne peut revendiquer quelque autorité ou quelque droit s’il ne les tient de Dieu même, en accomplissant sa Volonté. L’Église et l’État, agissant selon Dieu, au nom de Dieu et pour Dieu, ne peuvent reconnaître aucun droit à l’homme qui se trompe, sincèrement ou non peu importe, car ce serait retirer à Dieu de son empire et souverain domaine pour l’abandonner à son Adversaire et abolir toute justice objective. Toutefois, une certaine “ tolérance ” que l’Église a toujours admise peut être laissée à qui se trompe, dans la pratique de son erreur, pour le bien de la paix.
En conséquence de quoi, la liberté sociale, politique aussi bien que religieuse, proclamée comme un droit de l’homme est, en tout état de cause, un crime contre Dieu et un délire, selon ce qu’ont toujours déclaré les Papes, en particulier le bienheureux Pie IX en 1864 dans l’encyclique Quanta cura. Car c’est tout à la fois la rupture de la sujétion de l’homme à Dieu et la rupture de l’ordre social, atomisé par cette anarchie d’une poussière de libertés individuelles, et bientôt solidifié en un totalitarisme de Léviathan où la liberté du plus fort range la multitude à l’esclavage. L’Église a par ailleurs lutté contre ses propres membres qui ont prétendu concilier la revendication des droits de l’homme avec les droits de l’Église, comme d’un tout plus vaste avec sa partie la meilleure. Elle ne saurait, en effet, accepter cette conciliation sans renoncer à son essence même, à son unique dignité de religion seule vraie de l’Unique Dieu et Sauveur Jésus-Christ.
La déclaration conciliaire Dignitatis humanæ personæ adoptée à la suite de manœuvres odieuses a élevé comme principe l’erreur d’un droit strict et universel de l’homme et de toute communauté humaine à la liberté religieuse dans le domaine des activités civiles et sociales. « Que nul ne soit empêché, que nul ne soit forcé ». Les auteurs de cette Déclaration ne purent l’asseoir sur aucune doctrine ni la fonder sur l’Écriture sainte et encore moins sur la Tradition, étant parfaitement contraire à l’une et à l’autre.
Par cette Déclaration, l’Église renonce à sa vérité, à sa dignité, à son droit, pour reconnaître à l’homme, à tout homme et aux États la liberté qu’ils revendiquent. Elle espère ainsi coopérer à une « concorde » et une « paix » de toute « la famille humaine », qui se feront au-delà des divergences religieuses considérées comme accessoires. « La liberté religieuse demande, en outre, que les groupes religieux ne soient pas empêchés de manifester librement l’efficacité singulière de leur doctrine pour organiser la société et vivifier toute l’activité humaine. » (n° 4) Cette affirmation de la Déclaration ne signifie rien d’autre qu’une volonté de bâtir un monde fraternel sans le fonder sur le Christ, mais avec le concours de toutes les religions et idéologies humaines, fraternellement associées. Voilà l’idée majeure de cette Déclaration, l’idée mère d’une doctrine nouvelle que l’abbé de Nantes a intitulée : Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle (masdu).
Ainsi que l’a écrit le Père Congar : « On ne proclame pas impunément (sic !) des choses pareilles, la loyauté envers ce qu’on a ainsi soi-même proclamé entraîne bien des conséquences. » Et c’est ainsi qu’après avoir proclamé la liberté partout ailleurs dans le monde entier, la licence pénétrera aussi dans l’Église. L’anarchie vient. Comme l’intolérance l’accompagne toujours, le Pape et les évêques devenus de simples “ gardiens de l’ordre public ”, ne toléreront plus ceux qui “ créent la division ” en s’insurgeant contre la liberté, contre leur démission, contre leur Concile et toute sa ruine. Aujourd’hui dans l’Église, c’est la liberté... ou l’anathème !
Si on considère la contradiction de la déclaration conciliaire sur la liberté religieuse avec toute notre sainte doctrine catholique et les ravages qui ont résulté de cette nouveauté dans les familles, dans les écoles, dans les nations catholiques et dans l’Église, il faut aller chercher plutôt l’inspiration de ce complot contre Dieu et contre son Christ dans un Esprit Malin, Mauvais, infernal, celui-là même qui soutint la Contre-Église dans sa revendication obstinée des droits de l’homme et de l’État à la Liberté et qui enfin triompha au Concile.
La déclaration sur la liberté religieuse est ouvertement hérétique et constitue même un acte pratique d’apostasie en rupture inconciliable avec le Magistère ordinaire et extraordinaire de l’Église. Elle est le point focal de notre opposition au deuxième Concile du Vatican sur l’autorité duquel il faut maintenant se prononcer.
V. SUR L’AUTORITÉ DU DEUXIÈME CONCILE DU VATICAN
« Les conciles ont toujours eu dans l’Église le prestige de l’infaillibilité. » (Bartmann) En effet, tous se réunirent dans l’intention formelle d’exercer cette magistrature suprême de la foi, « pour décider avec prudence et sagesse tout ce qui pourrait contribuer à définir les dogmes de la foi, à démasquer les erreurs nouvelles, à défendre, illustrer, développer la doctrine catholique, à conserver et relever la discipline ecclésiastique, à raffermir les mœurs relâchées des peuples » ainsi que l’écrivait le bienheureux Pie IX dans sa lettre de convocation au premier Concile du Vatican. Il s’agissait toujours de faire œuvre dogmatique, en déclarant la pure vérité divine de la foi, en dissipant les incertitudes et en condamnant les erreurs du temps, et de faire œuvre canonique en prescrivant aux fidèles les obligations qui découlent de cette vérité divine en vue de leur salut éternel, à l’encontre des maximes du monde (cf. Journet, L’Église du Verbe incarné, t. I, p. 536-541).
Vatican II a donc rompu dès l’abord avec cette tradition et s’est engagé dans une tout autre voie.
D’une part, il renonçait à exercer son pouvoir doctrinal infaillible et le pouvoir canonique qui en découle, en contradiction avec ce que l’histoire et la théologie enseignaient sur l’exercice immanquable de ce magistère extraordinaire. D’autre part, il s’orientait vers un tout autre travail, d’aggiornamento, d’œcuménisme et d’ouverture au monde, œuvre originale et nébuleuse dont il est difficile d’apprécier, selon les normes du droit, l’autorité propre, la légitimité et le degré d’assistance divine dont il peut jouir. Cette surprenante décision a été imposée à l’assemblée conciliaire par le pape Jean XXIII, le 11 octobre 1962. Les Pères y apprirent qu’ils ne devraient pas faire œuvre dogmatique, définir des vérités divines ni dénoncer les erreurs de ce temps et surtout ne condamner personne.
Le pape Paul VI confirma cette orientation en faisant ajouter une notification à la Constitution dogmatique Lumen gentium citant la déclaration de la Commission doctrinale du 6 mars 1964 : « Compte tenu de l’usage des conciles et du but pastoral du Concile actuel, celui-ci ne définit comme devant être tenus par l’Église que les seuls points concernant la foi et les mœurs qu’il aura clairement déclarés tels. » Et le 12 janvier 1966, donc un mois après sa clôture, le même Paul VI confirmait : « Étant donné le caractère pastoral du Concile, celui-ci a évité de proclamer de manière extraordinaire des dogmes affectés de la note d’infaillibilité. »
Après avoir renoncé à exercer son autorité suprême et infaillible en matière dogmatique et morale, le Concile a revendiqué un pouvoir prophétique de Réforme évangélique dans l’Église, à l’égal du collège des Apôtres, comme s’il jouissait des mêmes privilèges dont celui-ci bénéficiait seul pour fonder l’Église. Il s’est dit pastoral, non pour se faire moindre que les conciles dogmatiques antérieurs, mais pour paraître plus qu’eux tous réunis. Les premiers mots de la constitution Dei verbum montrent sur quoi se fonde cette prétention : les Pères affirment être en contact direct, immédiat, inspiré, avec la Parole même de Dieu pour fonder librement une nouvelle Église.
Résultat : Les seize textes promulgués au cours des quatre sessions du concile Vatican II, tous faillibles puisque non infaillibles, ont droit à une considération différente selon leurs titres divers, leur forme canonique, leur “ note théologique ”. Ces seize textes sont discutables, les uns plus, les autres moins. Constitutions, décrets, déclarations : c’est un maquis. Nul ne sait ce que Vatican II veut dire. C’est tout et rien, du traditionnel, du nouveau, du certain et du douteux, du vrai et du faux, le meilleur avalisant le pire. Donner cela comme l’égal du Credo de Nicée, c’est décérébrer l’Église, c’est pourrir la foi en lui donnant un objet confus, inintelligible, fuyant l’analyse, refusant toute définition.
10 avril 1973. L’abbé de Nantes, entouré d’un groupe de représentants de la Ligue de Contre-Réforme catholique, porte à Rome son premier Libelle d’accusation « à notre Saint-Père le pape Paul VI... plainte pour hérésie, schisme et scandale, au sujet de notre frère dans la foi, le pape Paul VI ».
« Pas un seul d’entre nous ne revient sans une certitude décuplée d’être dans la ligne la plus sûre et la plus sainte de la Tradition catholique, par la Contre-Réforme.
« Pas un seul qui n’en rapporte un amour immense de Rome et une foi absolue en son destin divin... Ce pontificat passera et sa réforme périra, mais Pierre demeure éternellement et son Église catholique romaine avec lui ! » (CRC n° 67, p. 4)
NOTRE RÉPONSE AUX PREMIÈRE ET DEUXIÈME QUESTIONS
Sous l’autorité des 261 premiers successeurs de saint Pierre et des vingt premiers conciles œcuméniques, et avec notre Père, l’abbé Georges de Nantes, nous professons la foi catholique telle qu’elle est enseignée notamment dans le Symbole de foi de Nicée-Constantinople et dans l’ensemble des conciles œcuméniques reconnus par l’Église catholique, à l’exception du deuxième concile du Vatican dont nous contestons toute autorité d’enseignement infaillible, puisqu’il n’a défini dans aucun de ses Actes, sur les plans dogmatique et canonique, aucune vérité de la foi, comparable par exemple au dogme de la consubstantialité des Personnes divines, essentiel du Credo de Nicée-Constantinople, et dont la négation retrancherait ipso facto de la communion ecclésiastique.
Nous en déduisons que les seize textes promulgués lors du concile Vatican II sont tous faillibles, tous discutables, qu’ils ont droit à une considération différente selon leurs titres divers, leur forme canonique, leur “ note théologique ”, et dans de telles conditions nous ne pouvons nous prononcer avec certitude sur l’autorité dont jouissent ces Actes, considérant que c’est au Magistère de l’Église d’opérer avec puissance et décision par la voix de son Souverain Pontife une œuvre de discernement, et de trancher de façon infaillible et définitive ce qui, parmi les Actes du concile Vatican II, relève de l’Esprit de Dieu et ce qui relève de l’esprit de Satan.
En attendant ce jugement doctrinal infaillible, conformément au droit et au devoir reconnu à tout baptisé de demeurer fidèle à la foi catholique qu’il reçoit de l’Église, nous suspendons notre adhésion à ce qui nous paraît clairement hérétique dans les enseignements du deuxième concile du Vatican ; ainsi en va-t-il du droit social à la liberté religieuse contenu dans la déclaration Dignitatis humanæ promulguée le 7 décembre 1965 et que nous refusons.
TROISIÈME QUESTION :
« Reconnaissez-vous l’autorité légitime et ininterrompue du magistère des papes, successeurs de l’apôtre Pierre ? »
Notre premier mouvement serait de répondre par un oui sans réserve, notre Père nous ayant enseigné et communiqué son amour de l’Église de Rome, maîtresse de toutes les Églises et tout particulièrement sa vraie et exacte dévotion au Pape, « notre doux Christ en terre », Père commun et immédiat de tous les fidèles... L’abbé de Nantes était romain et corrélativement à son admiration de la papauté, il nous a transmis sa détestation de tout schisme et même de tout ce qui pourrait en avoir l’apparence, de toute séparation du Siège de Pierre dont on ne peut s’éloigner, si peu que ce soit, sans mettre en danger le salut de son âme.
Mais la réforme du concile Vatican II et l’abstention de la hiérarchie à exercer son magistère ont placé notre Père, nos communautés et tous les membres de notre mouvement de Contre-Réforme Catholique dans une situation de soustraction d’obédience qu’il nous faut expliquer pour justifier notre réponse définitive à la question qui nous est posée.
I. L’OPPOSITION DU FILS À SON PÈRE
À partir de l’année 1963, l’abbé de Nantes put à loisir suivre et commenter les travaux du Concile, juste au moment où celui-ci prenait ses orientations décisives. Notre Père s’était providentiellement préparé à un tel travail, ayant mené en 1951 une vaste campagne contre le livre du dominicain Yves Congar Vraie et fausse réforme dans l’église publié à la fin de l’année 1950 et qui deviendra la charte du concile Vatican II. Mesurant son danger, notre Père jugea aussi de son devoir de le dénoncer à Rome le 3 juin 1951. À l’issue de son entretien qu’il eut alors avec le futur cardinal Ottaviani, du Saint-Office, Rome en interdit les rééditions et les traductions. Entre 1959 et 1963, l’abbé de Nantes publia sous le titre Le mystère de l’Église et l’Antichrist une étude théologique du progressisme qu’il voyait à l’œuvre dans l’Église de France.
Et de la maison Saint-Joseph notre Père comprenant l’enjeu des débats, dénonçait sans relâche l’hérésie qui s’étalait sans pudeur au sein de l’aula conciliaire. Mais en parallèle à son opposition au Concile, notre Père devait entamer « le combat du fils contre son Père, du prêtre contre le Pape » (Contre-réforme catholique n° 132, août 1978, p. 2). Durant près d’une année après son élection, il garda toute sa confiance en Paul VI. Mais l’encyclique Ecclesiam suam, du 6 août 1964, devait le mettre face à cette évidence : le Pape était personnellement acquis au principe même du réformisme congarien.
Notre Père dut alors prévenir ses lecteurs de ce qu’un pape peut manquer à son devoir de pasteur et de docteur suprême (Lettre à mes amis n° 188, novembre 1964).
Le 6 janvier 1967, un an après la clôture du Concile, dans sa Lettre à mes amis n° 240, notre Père dressait le résultat d’une année au cours de laquelle firent florès tous les désordres au sein d’une Église emportée dans son rêve chimérique du masdu (Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle). Il devait constater « un accord, une collusion fondamentale, entre l’Autorité responsable supérieure et les exécuteurs subalternes de la réforme, pour “ la création d’une Église nouvelle au service d’un monde nouveau ” ». Et l’Autorité responsable supérieure, au sein de l’Église n’est autre que le Pape lui-même, le pape Paul VI.
Notre Père prend alors la décision de dénoncer publiquement la réforme du concile Vatican II comme une seconde Réforme, « pour encourager tous les hommes de bien à mener la Contre-Réforme du XXe siècle » (ibid., p. 8). Il encadre ce combat par deux règles : d’abord ne jamais se déclarer, lui et les amis qui voudront bien le suivre, l’Église à eux seuls, « répudiant cette Église Réformée postconciliaire comme schismatique et hérétique », et en même temps, combattre « dans le corps de l’Église, société visible où les hommes faillibles gardent leur pouvoir d’errer et mal faire, ce schisme latent, cette hérésie parasite, cette irrecevable nouveauté qui en altère la divine pureté et en occulte la vraie vie » (ibid., p. 5-6).
Le premier acte de ce combat qui deviendra un procès consista à s’adresser « au Souverain Pontife comme Pasteur Suprême de l’Église, et à nos Seigneurs les Évêques, comme légitimes pasteurs de nos diocèses, personnellement, pour réclamer et obtenir de leur magistère infaillible la solution à des doutes désormais insupportables » (ibid., p. 6). Après l’avoir annoncé plusieurs mois à l’avance, l’abbé de Nantes envoya le 11 octobre 1967 une “ Lettre à Sa Sainteté le pape Paul vi ” qui débutait par ces mots : « L’orgueil des réformateurs ». Ce fut un exposé clair et exhaustif du projet d’une certaine réforme de l’Église dénoncée comme inouïe et insensée à l’encontre même de celui qui en était l’instigateur, puisque c’était l’idée centrale à la fois du concile Vatican II et du pontificat du pape Paul VI.
Notre Père ne perd pas pour autant sa foi en l’Église et, en attendant son relèvement à l’appel de son magistère suprême, il avertit solennellement le Pape qu’il se gardera, comme du plus grand des péchés, de cette réforme « satanique dans son essence, impie dans ses manifestations et ses lois [...] ». Et, dans l’attente d’un jugement doctrinal présentant toutes les garanties de l’infaillibilité, voici la soustraction d’obédience à laquelle notre Père fut contraint et qu’il a lui-même présentée au Saint-Père : « Nous discernerons de notre mieux, selon le critère infaillible de la Tradition, ce qui procède de votre magistère coutumier et catholique pour nous y soumettre, et ce qui vient de cette autorité usurpée pour la Réforme de l’Église, que nous tiendrons toujours pour nul et non avenu. » (La Contre-Réforme catholique n° 2, novembre 1967, p. 12)
Un mois plus tard, l’abbé de Nantes publie une analyse à propos de l’encyclique Populorum progressio, laquelle décrit un programme pour transformer le monde, améliorer le sort des hommes, instaurer la paix universelle, avec l’aide de toutes les religions et idéologies. Cette analyse pose sans détour la question dramatique de la fidélité du Pape à la foi catholique et à la charge à lui confiée par Notre-Seigneur Jésus-Christ : celle de confirmer la foi de ses frères. La question est dramatique « parce que les bons catholiques [...] sont pris en tenaille par deux tentations auxquelles ils doivent résister. Accepter tout, le désordre et la corruption du culte de la foi, des mœurs, tout cela commandé ou autorisé par une hiérarchie unanime dont le Pape est le Chef, ce à quoi ils sont fortement poussés et contraints... Ou refuser tout en bloc, parce que tout est vraiment trop bête, trop triste, impudique et malfaisant, mais en quittant une Église qui les provoque à la révolte et qui souhaite ouvertement leur départ. Ces deux solutions faciles, trop faciles, sont des péchés. On ne quitte pas l’Église de Jésus-Christ ! On ne se rallie pas à la Réforme moderniste et progressiste ! Alors la solution ? La solution est de refuser la réforme en restant dans l’Église. Mais il n’y a pas moyen de dissocier la Réforme actuelle, de l’Église qui l’impose sauf...
« ... sauf en “ attaquant ” la Personne même du Pape comme étant, et à elle seule, à la jointure des deux mondes, de l’ordre et du désordre, de la Tradition et de la subversion, de l’Œuvre du Christ et des machinations de Bélial [...]. Mais si tout appel à Rome est vain ? Si le Pape méprise notre inquiétude et notre indignation ? Si sa volonté obstinée, absolue, terrifiante soutient les démolisseurs de l’Église et les assassins de la foi ?
« Si c’est la volonté du Pape, volonté de vrai Vicaire de Jésus-Christ, alors Dieu est contre Dieu et c’est fini de notre foi. Reste une dernière possibilité qui explique tout : que cette volonté soit celle d’un Pape... apostat. » À moins que ce soit nous qui soyons dans l’erreur. Et la seule manière de sortir de cet invivable doute, c’est de provoquer le Pape à se déclarer infailliblement. « Alors notre foi retrouve sa certitude, cette certitude repose sur l’Église infaillible, immortelle qui garde en elle les énergies nécessaires à l’éviction des apostats qui la perdent. » (CRC n° 38, novembre 1970, p. 7)
II. UN PAPE PEUT-IL ÊTRE ACCUSÉ D’HÉRÉSIE ET, ÉVENTUELLEMENT, DÉPOSÉ ?
La question de la déposition du Pape oblige à s’interroger sur son autorité sur l’Église. « La fondation de l’Église sur les plans arrêtés par le Christ a été confiée aux Apôtres pour être mise en œuvre au jour de la Pentecôte. Elle requérait évidemment des dons spéciaux, vraiment singuliers et extraordinaires, de l’Esprit-Saint, en faveur de la génération des bâtisseurs. C’est pourquoi les Douze, les Apôtres, ont été constitués les Colonnes de l’Église, doués de pouvoirs si étendus et si particuliers que leurs successeurs mêmes n’en hériteront pas totalement. » (CRC n° 69, juin 1973, p. 4)
La mission de l’Évêque de Rome, successeur de saint Pierre, et des évêques, successeurs des autres Apôtres, est de conserver l’Église, de garder saintement et d’exposer fidèlement le dépôt de la foi. Ce qui lui est étranger demeure suspect, ce qui lui est contraire est faux. « Pour que l’Église ait une base certaine, une continuité et une perpétuelle unité dans la fidélité au Seigneur Jésus-Christ, il faut que les actes essentiels des Pasteurs de l’Église soient nécessairement et indubitablement efficaces, suivis de leurs effets divins. Ces actes relèvent de Pouvoirs infaillibles, assistés inconditionnellement par l’Esprit-Saint. Les autres présentent une grande contingence et dépendent aussi bien de la fragilité de l’homme que de l’assistance de l’Esprit de Dieu ; ils émanent de pouvoirs moindres, où doit s’opérer un discernement. » (ibid., p. 5) Les successeurs des Apôtres jouissent des pouvoirs d’ordre, d’enseignement et de gouvernement, leur autorité étant toutefois subordonnée à celle de l’Évêque de Rome qui, selon la volonté même de Notre-Seigneur, est revêtu de l’autorité suprême. Nous n’évoquerons ici que le pouvoir d’enseignement, puisque lui seul est l’objet de la troisième question qui nous est posée.
L’AUTORITÉ DU MAGISTÈRE.
Il en existe de plusieurs sortes et c’est important de le souligner car l’auteur de la troisième question ne fait aucune distinction en évoquant « l’autorité... du magistère des papes ».
L’enseignement de l’homme privé, qu’il soit par ailleurs Pape ou simplement évêque, reste faillible. Même constituées en dignité, ces personnes gardent la liberté marginale d’enseigner sous leur responsabilité personnelle, comme “ théologiens privés ”, des théories et opinions qui leur sont propres et qui ne valent que par leur force démonstrative intrinsèque. Mais il importe que cet enseignement ne puisse se confondre, au moins en apparence, avec le Magistère.
À l’opposé, l’Église en sa croyance unanime est infaillible. Ce que tous les fidèles de l’Église croient ensemble, unanimement, depuis toujours, comme de révélation divine, est infailliblement vrai.
Le Magistère ordinaire, quant à lui, se présente, en tout, comme « l’écho de la Tradition unanime de l’Église ». Il jouit, mais de façon conditionnelle, de l’infaillibilité. « Quand le Pape, ou quelque évêque ou quelque curé même, enseigne ce que l’Église a toujours et universellement tenu pour certain, il dit vrai nécessairement et infailliblement. En ce sens, il serait à peine exagéré de dire que nous sommes tous infaillibles... mais dans la stricte mesure (et qui est souvent difficile à déterminer) où nous répétons ce que nous avons nous-mêmes appris de l’Église. Les uns, en écoutant et croyant la doctrine constante de l’Église, les autres en l’enseignant et en l’expliquant sans y rien mêler de nouveau ou de particulier, tous communient dans la certitude de l’Église.
« En revanche, s’il advient que le Pape ou les Évêques, même dans leur enseignement “ authentique ”, enseignement donné par eux en vertu de leur fonction, avec l’autorité de leur rang, en viennent à proférer quelque nouveauté ou quelque opinion discutée, pareille doctrine ne peut être considérée comme relevant du Magistère ordinaire. Et c’est la grande infirmité de ce Magistère ordinaire de n’être pas séparé par une frontière nette et incontestable du royaume des opinions humaines.
« Ainsi, depuis Pacem in terris et les Constitutions dites dogmatiques ou les Décrets et Déclarations de Vatican II, on se trompe communément sur l’autorité de ces Actes évidemment “ authentiques ” du Pape et du Concile, mais dénués de tout caractère traditionnel et universel ! Tout ce fatras de nouveautés ne peut se réclamer de l’autorité de la Tradition, il ne relève donc en rien du Magistère ordinaire et vaut ce que valent ceux qui les fabriquent. » (ibid., p. 5 et 6)
Enfin, reste à évoquer le Magistère extraordinaire, solennel, lequel de lui-même est strictement et pleinement infaillible. « Et c’est une nécessité pour l’Église. S’il advient que sur tel point de doctrine la tradition ne soit pas claire ni unanime, si une croyance commune est soudain contestée ou même rejetée par certains, alors ceux qui ont tout pouvoir pour conserver et défendre le dépôt de la Révélation seront amenés à dirimer le conflit, à trancher la question définitivement par une proclamation en forme indiscutable de la Vérité. L’assistance du Saint-Esprit leur est promise pour de telles décisions. C’est l’infaillibilité du Pape et du Concile dite solennelle, ou encore “ ex cathedra ”.
« Un tel charisme est stupéfiant ; il fait de l’homme comme un Dieu, sûr d’être dans le vrai absolu ! C’est bien pourtant une vérité de notre foi, vécue depuis toujours et proclamée par le premier Concile du Vatican, désormais irréformable. Il était nécessaire qu’il en soit ainsi. Ce recours à une infaillibilité de principe, signalée par la forme de l’acte déclarant la foi, est l’ultime solution aux crises doctrinales que traverse l’Église parce qu’il n’y a, dans de telles circonstances, d’autres solutions que de croire sans plus rien examiner ni discuter, du seul fait qu’il est sûr que “ Rome a parlé ”, que le Pape a parlé “ ex cathedra ”, que le Concile a promulgué une “ constitution dogmatique ” accompagnée d’anathèmes. Alors, à coup sûr, c’est la Vérité. » (ibid., p. 6)
Ainsi, « en certains domaines, à certaines conditions précises, l’infaillibilité du magistère est sûre et entière : c’est pour ainsi dire Dieu même qui parle par le Pape, par le Concile. En d’autres domaines, ou faute de certaines conditions, la défectibilité humaine l’emporte sur l’assistance divine. Même alors, il serait bon et prudent de croire et d’obéir à ceux que l’Esprit-Saint assiste pour qu’ils n’errent pas et procurent le bien des âmes. Cependant, une certaine possibilité subsiste pour les Pasteurs de trahir leurs fonctions et de se tromper eux-mêmes par ignorance, ou de nous tromper et de nous égarer par malice. » (CRC n° 69, juin 1973, p. 6)
Même le Pape ?
« Oui, en dehors de son enseignement ex cathedra et en dehors de son enseignement ordinaire, quand il cesse de répéter ce que la Tradition unanime tient pour révélé, et donc quand il parle comme théologien privé. » (ibid., p. 7)
D’ailleurs un canon du Décret de Gratien fait explicitement mention de la déviance possible du Pape par rapport à la foi, c’est-à-dire de son hérésie. « Que nul mortel n’ait l’audace de faire remontrance au Pape pour ses fautes ; car il ne peut être jugé par personne celui qui doit juger tous les hommes, excepté s’il est repris pour avoir dévié de la foi. » Même le premier concile du Vatican qui a tout à la fois proclamé le dogme et les limites de l’infaillibilité du Pape « a aussi fortement proclamé qu’en dehors de ces conditions, le Pape demeurait capable d’erreur et ne pouvait donc être suivi aveuglément » (ibid.).
Enfin « plusieurs papes se sont fourvoyés dans l’erreur en matière de foi, s’y sont obstinés jusqu’à condamner les tenants de l’orthodoxie, parfois avec une certaine solennité » (ibid., p. 8).
Et notre Père de dresser la liste de cinq papes qui, « pendant un court moment de leur pontificat, sur quelque point particulier et obscur, souvent par diplomatie et désir de conciliation plus que par hérésie formelle, ont manqué à la pureté et à l’intégrité de la foi, ou plus exactement à la fermeté de leur magistère. Sur 263 papes et presque vingt siècles d’histoire, cela n’existe pas ! Ou tout juste pour manifester que la chose est possible... » (ibid.)
Et notre Père d’en conclure que pareille situation, celle d’un Pape hérétique est d’une improbabilité maxima. C’est donc la dernière hypothèse à envisager quand toutes les autres se sont avérées insuffisantes. « C’est l’hypothèse désespérée. Et je comprends fort bien qu’on ne nous suive pas quand nous recourons à cette solution, possible dans l’absolu, improbable statistiquement [...]. Et cependant, quand il ne reste plus d’autre solution, quand toutes les preuves sont réunies et convergent, ni la foi n’est ébranlée, ni l’espérance ne meurt, ni la charité ne se trouve blessée de dire : notre Pape est hérétique. » (ibid., p. 9)
Mais en pareille situation que faut-il faire ?
L’APPEL DU PAPE AU PAPE.
Les théologiens proposent deux solutions théoriques, l’abbé de Nantes une troisième. Solution si remarquable qu’elle a été présentée par Monsieur Cyrille Dounot, professeur d’histoire du droit à l’Université de Clermont-Ferrand et Monsieur Olivier Échappé, conseiller à la Cour de cassation, lors du colloque organisé les 30 et 31 mars 2017 par l’Université Panthéon-Sorbonne et consacré à « La déposition du pape – lieux théologiques, modèles canoniques et enjeux constitutionnels ».
« Papa haereticus depositus est... un Pape hérétique est déposé. » C’est la solution préconisée par Robert Bellarmin au beau temps de la Contre-Réforme. « L’hérésie étant une mort spirituelle, un abandon de l’Église, tout Pape qui tombe dans l’hérésie se trouve spirituellement mort et retranché ipso facto de l’Église. Il est, de ce fait même, déposé ; il a cessé de son propre chef d’occuper le Siège Apostolique. » (ibid., p. 10) Cette solution est impraticable. Il suffirait que chacun, selon son caprice, déclare le Pape hérétique pour en conclure qu’il n’y en a plus, ce qui n’aurait pas d’autre effet que de jeter la confusion.
« Papa haereticus deponendus est... Un Pape hérétique doit être déposé. » C’est la solution proposée par le cardinal Cajetan et d’autres théologiens. Elle implique deux conséquences importantes. « S’il arrive qu’un Pape soit hérétique, il faut procéder à sa déposition pour qu’il cesse d’être Pape. Et encore ceci : celui qui accuse le Pape d’hérésie ne doit pas s’en tenir là, mais il doit provoquer le processus juridique de sa déposition, ne pouvant ériger son jugement personnel en décision universellement et immédiatement exécutoire. » (CRC n° 69, juin 1973, p. 10) Voilà une sage solution, mais qui soulève d’autres questions, en particulier celle de savoir qui jugera le Pape.
Et notre Père d’apporter la clef à la difficulté que n’a su résoudre Cajetan et pour cause... parce qu’elle suppose définie l’infaillibilité pontificale. « Car, à la question décisive : qui décidera en dernier appel, souverainement, une fois instruit le procès d’un Pape hérétique, schismatique ou scandaleux ? Le dogme du premier concile du Vatican seul apporte une solution réaliste. Qui jugera le Pape ? Mais le Pape lui-même dans son infaillible Magistère doctrinal ! » (ibid.)
Qui se portera accusateur ? N’importe quel chrétien, pourvu cependant, et la précision est importante, qu’il soit membre de la Sainte Église. Devant quel tribunal ? Le véritable et seul tribunal de la foi, c’est l’Église, en raison de son autorité d’Épouse du Seigneur. Sa compétence est universelle, ses jugements sont infaillibles. L’Église croyante cependant tient sa foi et demeure dans son “ sensus fidei ”, son sens infaillible de la vérité, par le secours constant de l’Église enseignante. L’instruction du procès sera donc à faire devant toute l’Église, soit par des membres représentatifs de la hiérarchie, soit par un tribunal de théologiens simplement chargés d’établir la conformité ou la contradiction de l’enseignement et des actes pontificaux avec la foi catholique et la Tradition de l’Église, sous réserve d’une sentence infaillible qui n’est pas de sa compétence.
Qui sera le Juge Souverain ? Le Pape parlant ex cathedra. Le Pape infaillible jugera donc sans appel le Pape faillible. Lui seul peut être ainsi juge et partie dans sa propre cause.
Quelles sont les issues prévisibles d’un tel procès ? Le Pape déboute l’accusateur et réitère, mais en la forme solennelle, l’enseignement contesté et donné jusqu’alors sous la seule forme authentique. Ou bien, il reconnaît son erreur et il se rétracte. Ou bien encore, le Pape refuse de répondre, de trancher l’objet du litige et dans ce cas son refus réitéré constituera une démission et le jugement de déposition, du ressort de l’Église de Rome, sera alors la conclusion canonique de ce constat du retrait du Pape.
Personne ne se présentera pour exercer une telle remontrance, pour engager un tel procès, à l’encontre du pape Paul VI. Notre Père qui, depuis la fin du Concile, était le seul à mener la Contre-Réforme catholique, se chargera donc seul, comme simple prêtre, de porter cette croix à vrai dire écrasante. Ce sera la grande affaire de sa vie, celle d’un fils qui s’élève contre son père, le Pape régnant, pour l’accuser, en vue de sa destitution, d’hérésie, de schisme et de scandale. Ce procès, qu’il nous faut maintenant présenter brièvement débuta le 16 juillet 1966.
III. L’INSTRUCTION DU PROCÈS... DU PAPE
Le 10 décembre 1965, immédiatement après la clôture du Concile, Mgr Le Couëdic, alors évêque de Troyes, sommait l’abbé de Nantes non seulement de quitter son diocèse, mais encore de mettre un terme à la publication des Lettres à mes amis sous peine de suspense a divinis. L’abbé de Nantes proposa à son évêque de réclamer en Cour de Rome, du magistère souverain, un jugement doctrinal sur tous ses écrits passés, quitte à suspendre... mais provisoirement... ses critiques du Concile et à soumettre ses écrits, préalablement à leur publication, à la censure épiscopale. Accord de principe de Mgr Le Couëdic.
LA REQUÊTE DU 16 JUILLET 1966.
Par requête datée du 16 juillet 1966, l’abbé de Nantes déférait officiellement à la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi les deux cent vingt Lettres à mes amis publiées entre 1956 et 1966 et ordonnées selon un sommaire chronologique détaillé et précis. Elles constituaient la matière de l’examen doctrinal et autant de pièces à charge contre les Pères du Concile et le pape Paul VI du fait des critiques qu’elles contenaient et qui les visaient.
Dans une deuxième partie, notre Père exposait le motif d’une si singulière procédure : « Le Concile a d’abord renoncé à exercer son autorité divine en refusant de faire œuvre doctrinale » tout en exigeant l’obéissance de tous dans le domaine de sa pastorale. Et il s’en est suivi d’alarmants désordres. Il faut cependant que demeure l’autorité divine de l’Église « pour nous enseigner les dogmes et les lois de l’Église, sans nous réclamer, d’abord et davantage, d’adopter des opinions nouvelles » (Lettre à mes amis n° 231, 16 juillet 1966, p. 6-8).
« Désormais coexistent, au sein de l’Église, deux pouvoirs, mêlés, mais différents. L’un est divin, immuable, souverain. L’autre est humain, sectaire, toujours changeant. La survie précaire d’une école traditionaliste opprimée, d’une minorité ouvertement contre-réformiste, est le signe que nulle secte n’absorbe l’Église, et que l’humain ne supplantera pas le divin dans son magistère vivant. Au-delà de la réforme, du dialogue, de l’œcuménisme, de l’ouverture, du service du monde et du culte de l’homme, demeure l’Église qui est la “ grande pensée de Dieu sur le monde ”, l’Épouse inviolablement fidèle de Jésus-Christ Fils de Dieu, l’Unique, la Sainte, la Catholique, l’Apostolique et j’ajoute, parce que ce mot précise le ressort de toute notre espérance, la Romaine. » (ibid., p. 9)
Partant de là, l’abbé de Nantes requérait de la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi, au nom de l’Église de Rome, Mère et Maîtresse de toutes les Églises, au nom du Pape, qu’elle opère avec puissance et décision une œuvre de discernement « dans les divers Esprits qui se disputent l’héritage béni du Sauveur » (ibid., p. 11), qu’elle tranche entre, d’un côté, un Esprit, au service duquel l’assemblée conciliaire s’est placée, qui inspire et illumine chaque conscience, qui opère une mystérieuse convergence d’idées et d’engagements, en face et au-delà de l’Institution ecclésiastique, pour parvenir à une réconciliation générale de tous les hommes, dépassant leurs divergences d’opinions, de religions et d’intérêts, mais qui insuffle le mépris et la haine de tout ce qui a été et qui demeure encore aujourd’hui l’Église catholique romaine ; et, de l’autre, l’Esprit-Saint dont la mission « est une mission de tradition [...] qui inspire la pénitence, la conversion, l’instruction religieuse et la sanctification des fidèles », qui ne saurait s’émanciper de Jésus-Christ ni se détacher de l’Église, au contraire, qui « insuffle à tous les hommes, mais plus particulièrement aux fidèles, et plus encore aux pasteurs du troupeau, l’estime, le respect et l’amour de tout ce qui est catholique, la défiance, le mépris et la haine des erreurs et des désordres qui lui sont ennemis » (ibid.).
Notre Père avait cadré l’objet du litige et imposé au Saint-Office cette redoutable alternative d’avoir à trancher... entre lui et le Pape !
Par courtoisie, l’abbé de Nantes remit à Mgr Le Couëdic une copie de cette requête, de manière à ce qu’il puisse en prendre connaissance en même temps qu’il devait la faire suivre, suivant la voie hiérarchique, au Préfet de la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi. Mais celui qui, à peine quelques mois auparavant, se faisait fort auprès de ses confrères de réduire au silence l’unique opposant à la Réforme conciliaire, se voyait “ réduit ” à transmettre au Saint-Office, de surcroît sous son autorité, ce qu’il réalisait être un puissant dossier d’instruction contre le Concile et le Pape et non pas un simple examen doctrinal des œuvres écrites d’un théologien privé !
Dans ces conditions, Mgr Le Couëdic refusa net de transmettre la requête. Motif allégué : le prétendu caractère offensant de l’acte introductif d’instance vis-à-vis de son destinataire, comme si l’évêque de Troyes avait qualité pour apprécier la recevabilité des requêtes adressées à la Sacrée congrégation pour la Doctrine de la Foi, surtout pour un pareil motif. Notre Père transmit donc directement sa requête au dicastère romain et surtout la publia, malgré une incroyable interdiction de l’évêque de Troyes.
Notre Père évita ainsi que son recours canonique n’aille se perdre dans les sables... de Rome, mais il paya le prix fort pour cette publication : Mgr Le Couëdic lui infligea aussitôt une suspense a divinis, à vie car lui et ses successeurs ne daigneront jamais la lever – Mgr Daucourt tentera même de l’aggraver en 1997 – tandis que notre Père s’abstiendra sur le coup de faire appel. Au moment où il contestait publiquement l’orthodoxie de la Réforme de l’Église, il lui paraissait bon de témoigner une exacte soumission aux décisions disciplinaires de la hiérarchie, même arbitraires, dès lors qu’elles ne visaient que sa personne. Il importait, en outre, aux yeux de notre Père, de ne pas se détourner de l’action essentielle et sacrée qu’il engageait pour le triomphe de la Sainte Foi, pour la simple défense de son honneur et de ses droits personnels.
LES DÉBATS CONTRADICTOIRES.
Durant deux années, rien ne filtra de la minutieuse étude du volumineux dossier des Lettres à mes amis à laquelle se livra le Saint-Office. Mais au mois d’avril de l’année 1968, la procédure s’accélère : notre Père est convoqué à Rome et se trouve en présence de trois consulteurs, « des théologiens savants, bienveillants et sans faiblesse », par ailleurs grands connaisseurs des débats conciliaires (CRC n° 24, septembre 1969, p. 4). Il s’agissait des Pères Gagnebet et Duroux, dominicains et de l’énigmatique jésuite, le Père Dhanis.
La matière de l’examen était précise : « On devait mettre en cause l’idée de “ Contre-Réforme catholique au vingtième siècle ”. La hiérarchie ayant proclamé la Réforme de l’Église, pouvait-on soutenir doctrinalement un traditionalisme qui lui est farouchement contraire et s’opposer pratiquement à sa mise en œuvre autoritaire ? » (ibid.)
Les examinateurs vérifièrent tout d’abord la recevabilité de l’action du requérant. Professait-il l’exacte foi catholique qui seule peut donner qualité à agir contre ses légitimes pasteurs ? L’examen des doctrines de l’abbé de Nantes développées tout au long de ses Lettres à mes amis montra rapidement qu’il avait la foi catholique.
Ensuite, en réponse à une série de questions qui lui furent posées pour le mettre en difficulté, notre Père eut la sagesse d’éviter de prendre position au nom d’un sectarisme étroit ou au nom d’une certaine largeur d’esprit par laquelle il aurait ensuite été possible de le conduire au travers de la brèche ouverte vers les ouvertures du concile Vatican II. Cette première partie de l’instruction se termina à l’avantage du requérant.
Les consulteurs ne purent dès lors différer davantage l’objet principal de ce procès : les critiques faites par l’abbé de Nantes contre les auteurs de la Réforme conciliaire et le premier d’entre eux : le Souverain Pontife.
« D’accusé, je devins accusateur. Mes examinateurs se muaient alors en défenseurs, voire en accusés. En vertu de notre foi catholique exacte et ferme, je m’élevai contre les présupposés dogmatiques d’une Réforme dite pastorale. Les consulteurs ne m’ayant pas moi-même surpris en faute, cherchaient à réfuter mes critiques de la nouvelle religion réformée [...]. Ce furent là-dessus des discussions confuses. Sur le sens des mots et la portée des slogans conciliaires ou pontificaux, l’accord était loin d’être fait. Collégialité, Église servante, liberté religieuse, ouverture au monde, œcuménisme, paix, culture, etc. C’était une logomachie.
« Alors mes examinateurs perdaient la clarté, l’objectivité, la sécurité du catholicisme éternel. Leur calme, leur assurance le cédaient à l’impatience, à l’agressivité. Ces savants enfonçaient à pleines bottes dans la vase des équivoques, ambiguïtés et confusions conciliaires dont on ne les sentait pas encore revenus. Pour s’en tirer, ils m’accusaient de ne voir les Actes du Concile et les discours de Paul VI qu’à travers les interprétations des autres. Ils opposaient les textes promulgués à tout l’appareil des discussions et commentaires qui les avaient préparés et suivis. Ils soutenaient un Concile irréel, contre le para et le post-Concile.
« L’espèce de champ de bataille que nous parcourions au galop était à leurs yeux éblouis le chantier d’une nouvelle et radieuse cité humaine en construction. Ils voulaient croire au mirage. C’était pour moi, à perte de vue, les ruines de la Cité sainte, dévastée par un cyclone. Si nous évoquions tel acte, tel discours, ils m’en faisaient goûter le sucre et la tisane ; ils ne sentaient pas l’arsenic qui en faisait le poison [...].
« Peu importait pour eux l’univers en folie. Ils ne jugeaient que moi, l’insolent, puisque moi seul je l’avais demandé, et ils réprouvaient mon opposition conservatrice, plus criminelle encore que l’autre, la révolutionnaire, à laquelle elle portait renfort, disaient-ils, pour le plus grand dommage de l’Autorité romaine. Je tentai de reprendre quelqu’une de mes preuves. Inutilement. On ne tire pas au clair en vingt heures, ce que des centaines de théologiens malins ont rendu inextricablement confus en cinq ans de byzantinisme conciliaire [...].
« Ils n’avaient plus rien d’autre à me dire que leur conviction, leur humaine, désespérée persuasion de grands personnages secrètement inquiets et désolés comme nous. Je recopie telles que je les ai notées au vol, des adjurations qui sont des aveux : “ Oui, le masdu existe, mais pas dans le Concile, pas dans les Actes du Pape, n’ayez pas peur... Prenez-vous-en à Cardonnel, on ne vous dira rien, mais pas au Pape... À la longue, on arrivera à résorber les aberrations, les désordres postconciliaires, mais ayez confiance, le Concile est l’œuvre du Saint-Esprit... Non, le Pape n’est pas hérétique, il ne peut l’être... Non, il n’y a pas d’hérésie dans le Concile, il ne peut pas y en avoir... Au lieu de les critiquer, vous devriez avec tout votre talent et votre influence montrer qu’ils n’ont pas dit, qu’ils n’ont pas voulu ce qu’on leur fait dire et vouloir... ”
« Pauvres admirables théologiens romains, comme j’aurais voulu partager votre bonne foi ! Mais quand vous en arriviez à me croire entraîné par votre exemple ou convaincu par votre autorité, j’étais seulement à mesurer l’abîme qui vous séparait du reste de l’Église et du Pape même. Et je restais endolori, mais inerte à votre appel : “ Dites-nous simplement que vous acceptez le Concile et que vous faites confiance au Saint-Père, d’une adhésion pure, simple et sans réserve, on ne vous demandera rien d’autre ! ”
« Il fallait en finir. Je dictai au greffier italien : “ Est, est. Non, non ” – Qu’est-ce que cela veut dire, me demande le président ? – Cela veut dire que ce qui est, est et demeure, indépendamment de mes accusations. – Vous persistez dans vos critiques des Actes du Pape et du Concile ? – Oui. ” » (CRC n° 24, septembre 1969, p. 5)
L’instruction touchait à sa fin. Le requérant fut invité à lire et contresigner le procès-verbal qu’en avait dressé le greffier ecclésiastique. Mais celui-ci, qui était italien, n’avait manifestement rien compris. Les juges et l’accusé tombèrent d’accord : cette pièce sans valeur était irrecevable. Que faire ? Qui saurait, en trois jours, rédiger un compte rendu précis, exact, intégral, et surtout impartial ! de ces longues heures de subtils débats théologiques ? Fort embarrassés, les juges confièrent ce travail... au requérant qui rédigea un procès-verbal qu’approuvèrent et signèrent les consulteurs.
Et l’affaire fut renvoyée au 1er juillet suivant, date à laquelle les cardinaux, membres de la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi feraient connaître leur décision.
LA NOTIFICATION DU 10 AOÛT 1969.
L’abbé de Nantes fut donc à nouveau convoqué pour le 1er juillet 1968 au palais du Saint-Office. De jugement, il n’y en eut aucun, mais il lui fut demandé de rétracter purement et simplement ses critiques du Pape, du concile Vatican II et des évêques français, et de leur jurer à tous une obéissance entière, inconditionnelle. Ainsi il n’était tenu aucun compte de l’instruction du procès qui avait eu lieu deux mois auparavant. Le jugement doctrinal tant réclamé n’était pas rendu, mais on exigeait de lui une soumission sans limites, “ musulmane ”, assortie d’une menace écrasante : l’excommunication. Notre Père refusa de signer la formule de rétractation qui lui était imposée.
Durant près d’un an, notre Père n’eut plus aucune nouvelle de Rome. Et certainement, les cardinaux de la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi se seraient contentés de ce statu quo si l’épiscopat français ne répandait pas au même moment de nouveaux catéchismes inspirés par le Fonds commun obligatoire. Notre Père en avait montré le caractère scandaleusement hérétique et se fit un devoir de lancer une véritable croisade nationale pour le dénoncer et qui faisait salle comble partout où il passait.
Sans doute sous la pression des évêques français, la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi publia le 10 août 1969 une notification sous la forme d’un lapidaire communiqué de presse qui canalise une cascade de mensonges évidents. Mensonge sur des prétendues erreurs de l’abbé de Nantes dont il lui aurait été réclamé rétractation alors qu’aucune erreur doctrinale n’a pu être relevée à son encontre par les trois consulteurs. Mensonge sur une prétendue révolte de l’accusé vis-à-vis de la légitime autorité de la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi. Et diffamation d’Église de l’abbé de Nantes qui par son prétendu mauvais exemple de sa révolte contre le Magistère de la hiérarchie aurait par lui-même disqualifié l’ensemble de ses œuvres et de ses activités.
Mais cette notification ne fut assortie d’aucune sanction canonique. L’abbé de Nantes était certes diffamé, mais pas condamné. C’était implicitement, mais nécessairement reconnaître que l’auteur des écrits qui ont fait l’objet de l’étude minutieuse de la part des consulteurs du Saint-Office est dans la vérité tandis que Celui que ces mêmes écrits critiquent est dans l’erreur. Dès lors se posait, de l’aveu de la Sacrée congrégation pour la doctrine de la foi qui a finalement joué son rôle, la question de la mise en accusation du Pape en vue de son jugement. L’abbé de Nantes ne voulait rien précipiter et préférait en appeler au secours de Dieu, à sa fidélité et à sa miséricorde pour qu’il touche le cœur du Souverain Pontife ou qu’il l’enlève de son Siège, « avant trois ans ». En attendant, une autre tâche attendait notre Père et que légitimait son appel du Pape au Pape... celle de retenir les catholiques déroutés, désespérés par la Réforme conciliaire et tentés de quitter l’Église.
IV. NI HÉRÉSIE, NI SCHISME !
« Je crois avoir donné toutes mes forces à lutter contre l’hérésie jusqu’au 16 juillet 1969. À partir du 21 juillet, c’est dans la lutte contre le schisme que nous nous sommes graduellement engagés. »
Ce jour-là l’abbé de Nantes reçut la visite de plusieurs prêtres intégristes qui voulurent l’entraîner à faire schisme. Ils jugeaient, de leur seule autorité, que le nouvel Ordo Missæ qui devait entrer en vigueur le 30 novembre 1969 était hérétique et rendait invalide la célébration du Saint-Sacrifice de la messe, le pape Paul VI étant déposé par le seul fait de l’avoir promulgué. Notre Père tenta, en vain, de leur montrer qu’en admettant même que le Pape ait été déchu du fait de la promulgation d’une messe hérétique et invalide, encore fallait-il que toute l’Église constate et reconnaisse cette “ déposition ” par un jugement de l’autorité romaine. « Vous pouvez argumenter, démontrer, polémiquer, en formulant une accusation d’hérésie contre Paul VI. Mais tant que le Magistère de l’Église n’aura pas rendu une sentence dogmatique, votre pensée ne sera que l’opinion d’un théologien qui peut se tromper. Donc, il faut obtenir un jugement. » Ces prêtres ne voulant se rendre à ces raisons impérieuses, catholiques et romaines, notre Père les mit littéralement à la porte ne voulant entretenir de relations avec des clercs ouvertement schismatiques mais il comprenait que la Maison de Dieu était désormais menacée par un nouveau péril dont la réforme du rite de la messe était l’occasion.
N’étant d’aucun parti pris, notre Père mit aussitôt ses analyses théologiques à l’épreuve de la pratique des Églises locales et de celle de Rome pour faire ce constat : partout, que ce soit à Rome, à Madrid, en Allemagne, en Suisse, au Portugal et même en Australie, le rite nouveau imposé par la volonté du Pape était accepté par tous, quoique sans enchantement. Il était donc impossible d’affirmer que cette Messe est invalide puisque toute l’Église catholique partout dans le monde acceptait de la célébrer quotidiennement. « Toute l’Église n’aurait pu accepter, même par obéissance au Pape, un simulacre de Sacrifice... L’argument est catégorique : si aujourd’hui, partout dans le monde, l’ensemble du clergé catholique célébrait un culte invalide, ne donnant aux fidèles à adorer et consommer que du pain et du vin en lieu et place du Corps et du Sang adorables de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et si toute la communauté catholique participait à ce simulacre en se trompant dans sa foi, alors les promesses du Christ à son Église auraient été vaines, l’enfer aurait prévalu et il n’existerait plus d’Église de Dieu. » (CRC n° 30, suppl., Pâques 1970, p. 3)
Le nouveau rite de la messe étant valide quoique mauvais, l’abbé de Nantes, par une sagesse toute surnaturelle, adjurait ses amis et ses lecteurs de le tolérer et surtout de ne pas se fixer comme programme celui « d’imposer par la force notre opinion, notre liturgie, nos traditions à nos pères et nos frères dans la foi. Mais sûrs d’être fidèles aux véritables institutions et aux volontés du Christ, nous avons la généreuse ambition de nous y tenir, de les défendre, de les donner à aimer à tous, en attendant que Dieu lui-même y ramène les cœurs de nos Pasteurs égarés. » (ibid., p. 4) Et cela ne peut se faire qu’en demeurant dans nos paroisses, pour garder le contact vivant, sacramentel, irremplaçable avec l’Église.
Dans cette période de désorientation conciliaire, désespérer de l’Église, se faire à soi seul une chapelle, une secte ou même un schisme fut la grande tentation pour bon nombre de catholiques traditionalistes, à laquelle finalement beaucoup succombèrent. Ce faisant, ils désertaient le seul combat utile pour le service de l’Église, le combat contre la Réforme. Mais il faut, pour le mener, rester dans l’Église en étant bien persuadé que « nous ne sommes pas les sauveurs de l’Église. C’est elle qui est encore et toujours notre salut. Je ne le vois pas, mais je le crois de foi certaine : le salut de l’Église est aujourd’hui, comme hier et toujours, dans ses Pasteurs. Même passagèrement enfoncés dans l’erreur et le sectarisme de leur “ Réforme ”, la grâce subsiste en eux, indéfectible, inapparente mais prête à rejaillir au jour de Dieu pour le salut de tous. Le trouble peut être grand, le dommage pour les âmes mortel : Dieu ne veut nous gouverner que par la hiérarchie [...]. L’Église n’est pas en nous, elle subsiste en ceux mêmes que nous voyons occupés à sa ruine et que nous croyons cependant, en vertu de leur juridiction apostolique, porteurs de la grâce du Christ. » (CRC n° 25, octobre 1969, p. 12)
C’est pourquoi l’abbé de Nantes décida, lors du printemps 1970, de fonder une Ligue au service de “ L’église, l’église seule ” (éditorial de la CRC n° 30, mars 1970) pour retenir les fidèles tentés de “ quitter le navire ” et les maintenir dans la voie étroite mais sûre de la fidélité catholique. « Je n’ai pas de mérite à vous montrer ce chemin. Il m’est tracé par l’article 28 de la Règle sous laquelle nous vivons ici et qui est plus ancienne que nos problèmes : “ Les petits frères du Sacré-Cœur s’aimeront tous comme les membres d’une même famille, l’Église. Ils ne compareront ni n’opposeront jamais leur Ordre à quelque communauté que ce soit. Une seule existe pour leur cœur, celle qui les contient toutes, l’Église catholique ” [...]. Nous récusons “ l’esprit de corps ” intégriste comme nous souffrons mort et passion de “ l’esprit de corps ” réformiste qui soude et syndique contre nous toute la chaîne hiérarchique des oppresseurs de l’Église [...]. Odieux esprit que cet esprit de secte ! Le seul esprit de corps qu’inspire la Sagesse surnaturelle est celui qui nous configure à l’Esprit-Saint dans son amour unique pour son Corps qui est l’Église : l’Esprit de corps mystique, le seul qui soit saint. » (CRC n° 31, avril 1970, p. 1-2)
Peu de traditionalistes, hélas, surent tirer profit de ces salutaires leçons, pourtant d’une vérité rayonnante dans la fidélité aimante, indéfectible, à la communion catholique qu’il fallait, qu’il faut encore aujourd’hui maintenir coûte que coûte. Un grand nombre d’entre eux, exaspérés par l’anarchie postconciliaire, préférèrent tourner leurs regards vers Mgr Marcel Lefebvre lequel développait un séminaire à Écône ouvert avec la permission provisoire de Rome, pour “ faire l’expérience de la Tradition ”, mais en s’abstenant de désigner les grands responsables de la Réforme à laquelle il était censé porter remède... à pas feutrés, c’est-à-dire le Pape et le Concile.
L’abbé de Nantes engagea publiquement Mgr Lefebvre à “ frapper à la tête ”, c’est-à-dire à accuser ouvertement le Pape d’hérésie, de schisme et de scandale. « Tant que vous épargnerez la Tête, vous ne maîtriserez pas les membres, tant que vous obéirez à la Tête, vous serez broyés par les griffes et les dents de ce masdu. » (CRC n° 89, février 1975, p. 2)
Mgr Lefebvre n’en fit rien et ce qui devait arriver arriva, comme l’abbé de Nantes le prévoyait. Il reçut de Rome l’ordre de fermer le séminaire d’Écône et malgré l’interdiction il ordonna le 29 juin 1976 quinze prêtres en attendant de consommer son schisme douze ans plus tard, par la consécration de quatre évêques sans mandat pontifical. « Voilà bien le gâchis ! » écrivait notre Père en juillet 1976 : « Avoir raison sur l’essentiel et se donner tort en se séparant de l’unique Église de Jésus-Christ. » (CRC n° 108, août 1976, p. 2) Et il avertissait ses amis et ses lecteurs qu’il était désormais « non seulement inutile mais coupable » de soutenir les fondations de Mgr Lefebvre.
Durant ces années, le cœur du Pape n’a pas changé et Dieu ne lui a pas ôté sa charge pour la confier à un autre qui en soit digne. Et notre Père de faire ce constat en janvier 1973 d’une véritable autodémolition de l’Église : « Les catéchismes corrompent partout les âmes pures des enfants et corrodent la foi des prêtres eux-mêmes. Le Saint-Sacrifice de la messe est l’objet de sacrilèges innombrables auxquels portent toutes les directives romaines. C’en est au point que la Présence réelle du Corps et du Sang du Christ dans ce sacrement est méprisée. L’obsession sexuelle qui dévore le clergé et les religieux envahit leurs collèges et abandonne la société chrétienne aux aberrations les plus redoutables pour l’avenir de la religion et de la civilisation. La politique a envahi le sanctuaire, séditieuse contre les derniers États catholiques, socialisante chez nous, servile vis-à-vis du Pouvoir dans les pays de l’Est. La célébration de la Paix à l’instar d’une divinité, est une trahison du monde libre sous la menace d’invasion qui pèse sur lui. » (CRC n° 64, janvier 1973, p. 1)
Et notre Père s’étonne de ce que d’autres remplis de sagesse et de science, de vertus et de sainteté, ne se soient pas levés avant lui. Il en conclut qu’il faut accepter maintenant de faire avec l’aide de Dieu ce que Dieu n’a pas voulu faire sans nous : « Il faut tenter l’ultime démarche qui est de notre ressort, de notre devoir. Il faut aller à Rome faire remontrance au Pape en personne de l’hérésie, du schisme, du scandale dont il est, lui, l’auteur premier et responsable. » (ibid.)
V. LES LIVRES D’ACCUSATION
La notification du 10 août 1969, puissant acte de diffamation d’Église mais dénué de toute condamnation, fut une formidable confirmation du bien-fondé des graves soupçons de l’abbé de Nantes contre le Concile et contre le pape Paul VI. Il revenait dès lors à notre Père de dresser l’acte d’accusation pour engager le Souverain Pontife de rendre en sa propre cause, un arrêt souverain, infaillible et libérateur. Il le fera en définitive à trois reprises sous les pontificats de Paul VI et de Jean-Paul II.
LE PREMIER LIVRE D’ACCUSATION.
Après avoir sollicité une audience puis annoncé sa venue à Rome, l’abbé de Nantes se présenta le mardi 10 avril 1973 à la Porte de bronze de la Maison pontificale, accompagné de frères de sa communauté et d’environ soixante amis du mouvement de la Contre-Réforme catholique pour remettre au Saint-Père un livre, un mémoire de 102 pages rédigé en quelques semaines et qui, au fur et à mesure de sa rédaction, va développer une série d’accusations, logique, implacable, révélant tous les éléments et les connexions d’un système « qui se présente comme la plus dangereuse et la plus subtile des machines de guerre qui ait jamais été introduite dans l’Église pour sa ruine ». En voici l’essentiel.
Le pape Paul VI est accusé de poursuivre, en guise de programme pontifical, la chimère de la construction d’un monde nouveau dans lequel la religion serait cantonnée à un simple rôle d’animation spirituelle. Et pour y parvenir il a “ sabré ” l’autorité divine de l’Église et a proclamé le culte de l’homme.
L’effacement de l’autorité divine de l’Église.
Paul VI a imposé de force à l’Église la liberté religieuse, pourtant condamnée définitivement, donc en rupture avec le Magistère de ses prédécesseurs et, cela fait, il s’est abstenu d’exercer son pouvoir législatif, judiciaire et coercitif. Il voulait être aimé plus qu’obéi, séduire plus que commander, en méconnaissance des droits et des volontés de Jésus-Christ dont il était le Vicaire. Et ce fut sous son pontificat le foisonnement de toutes sortes d’erreurs et de scandales consternants, auxquels il ne voulut pas porter remède et dont il fut le complice consentant. Deux exemples sont particulièrement éloquents.
Tout d’abord, la scandaleuse affaire du catéchisme hollandais que le pape Paul VI savait être hérétique comme en témoigne la précision des articles du Credo qu’il publia en 1968. Pourtant il ne fit rien pour empêcher la diffusion mondiale de ce prétendu catéchisme et par la faute du Souverain Pontife l’enseignement de la foi a été irrémédiablement corrompu dans toute l’Église.
Autre scandale : l’abandon par des milliers de prêtres et de religieux de leur vocation après que le Souverain Pontife a créé une commission ad hoc le 2 février 1964 et fait savoir qu’il annulerait les vœux de tous ceux qui lui en feraient la demande. En acceptant de délier de leurs vœux dans le bureau de l’officialité diocésaine pour qu’ils puissent se marier le lendemain devant Dieu à l’église avec sa bénédiction d’Époux répudié mais content, en instaurant ainsi dans le mariage mystique le divorce par consentement mutuel, en imposant à Dieu de s’effacer au profit de l’amour d’une créature, Paul VI s’est fait le plus grand tentateur de ses prêtres... et le puissant complice de la chair... alors que les devoirs de sa charité lui imposaient de dire non, de faire de la peine, de contrarier, de prêcher le renoncement, d’imposer la chasteté.
« La ruine de la morale vient dans l’Église, comme à toutes les époques de décadence, du mariage des prêtres. Mais pour la première fois dans l’histoire, ce fut du consentement, de la complicité, et de la coopération du Vicaire du Christ. » Les scandales des mœurs qui se font jour actuellement au sein même du clergé permettent de mesurer l’étendue des conséquences de ce dévoiement dramatique du célibat des prêtres. La responsabilité personnelle de Paul VI est considérable.
Laissant toutes les erreurs la profaner, Paul VI s’est en même temps rendu coupable d’une révolte contre l’Église en calomniant son passé, en enseignant le mépris de tout son patrimoine. La réforme liturgique de la messe en a été une dramatique illustration. Il a abusivement invoqué le Concile et l’obéissance qui lui était due pour l’imposer, en réalité, de sa seule autorité. Cette réforme s’est révélée l’instrument premier de l’altération du Magistère de l’Église en particulier par le chamboulement dans le rituel des sacrements et la remise en cause du Sacrifice propitiatoire de la messe.
Ecclesiam suam, du 6 août 1964, fut présentée comme une encyclique qui « ne veut pas revêtir un caractère solennel et proprement doctrinal, ni proposer des enseignements déterminés d’ordre moral ou social ». Paul VI instaura ainsi une nouvelle relation au sein de l’Église et avec le monde. Celle-ci ne veut plus délivrer un enseignement d’autorité mais elle doit se faire « conversation » et promouvoir en toute occasion le dialogue. « Cet art de communication spirituelle [...] n’est pas de commandement et ne procède pas de façon impérieuse. » Mais prétendant à l’illumination du Saint-Esprit, Paul VI ne conféra pas moins à son magistère personnel novateur, inconnu jusqu’alors de ceux qui l’ont précédé sur le trône de saint Pierre, « une infaillibilité extra canonique, d’inspiration prétendue divine, absolument illégitime, mais d’un tout autre ordre qu’autoritaire : c’était comme une séduction et une communication d’amour dénuées de toute autre force d’obligation ».
Paul VI effaça ainsi le Magistère traditionnel pour que l’Église se fasse accepter comme la servante du monde, pourtant sous la domination de Satan, où tous les hommes, au fond, seraient bons et auraient vocation à s’unir car tous prétendument animés d’un désir sincère d’amitié, de paix et de justice, pour lui apporter un “ supplément ” de foi et d’amour. « Et cela sans offenser en quoi que ce soit la juste laïcité de la cité terrestre, simplement par une osmose silencieuse d’exemple et de vertu spirituelle. » (Sermon du 17 juin 1965) C’était en réalité, par Paul VI, une trahison de la charge que lui avait confiée le Christ et qui lui imposait, non pas de renforcer, mais de maudire comme une construction qui défie le Seigneur, cette cité nouvelle, idéale et laïque.
Ce Magistère effacé a eu pour corollaire la dévaluation des dogmes, des commandements de Dieu considérés comme des obstacles à la fraternité universelle, et celle des sacrements devenus inutiles sur le chantier du monde à construire. Et ce fut en définitive l’anéantissement de toute notre religion appelée à fraterniser avec toutes les autres dans l’œuvre temporelle qui leur est une nouvelle et commune raison d’être, et l’effondrement de l’institution de l’Église catholique, les chrétiens étant requis de renier leur singularité et d’achever, sans le savoir, dans l’apostasie, le chemin ouvert par le Pape lui-même au nom d’un humanisme chrétien devenu athée.
La religion catholique est ainsi devenue, sous l’action même du pape Paul VI, une opinion parmi d’autres, au moins pratiquement, et a cessé de régir en fait l’univers des hommes. « Son objectivité s’estompe. Enfer, Ciel ? Grâce de Dieu ou malédiction ? Piété, impiété ? Tout cela perd de sa consistance, fait remarquer l’abbé de Nantes s’adressant au Saint-Père [...]. Ce qui grandit alors, c’est l’orgueil de l’homme, appelé par Vous dans le dialogue à se faire juge des choses divines. L’univers chrétien a basculé, du jour où le dialogue a été proclamé par Vous la seule méthode légitime de l’apostolat nouveau : au lieu que Dieu juge l’homme, c’est l’homme qui est appelé à juger Dieu. »
La proclamation du culte de l’homme.
Le ressort intime de l’enseignement de Paul VI fut un amour immodéré, étrange de tout homme, quel qu’il soit, un amour qui adore son objet, qui s’affranchit de la Vérité, de la Loi : « Amour, amour pour tous les hommes d’aujourd’hui, quels qu’ils soient, où qu’ils soient, amour pour tous. » (Discours du 14 septembre 1965)
Cet amour inconditionné parce qu’il n’est plus ni dépendant de l’amour de Dieu ni réglé par Lui, mène à l’idéalisation, à l’idolâtrie de son objet et conduit le Pape à une foi en l’homme la plus extravagante : « Nous avons confiance en l’homme, nous croyons en ce fond de bonté qui est en chaque cœur, nous connaissons les motifs de justice, de vérité, de renouveau, de progrès, de fraternité qui sont à l’origine de tant de belles initiatives et jusque tant de contestations et, malheureusement, parfois de violences. À vous, non pas de le flatter, mais de lui faire prendre conscience de ce qu’il vaut, de ce qu’il peut. » (Déclaration du 2 décembre 1970 à Sidney)
Cette foi en l’homme n’est autre que le culte de l’homme que le Saint-Père osa proclamer ouvertement devant toute l’assemblée conciliaire, le 7 décembre 1965, au cours d’un discours « dont il est certain qu’il n’y en n’a jamais eu de tel dans les annales de l’Église et qu’il n’y en aura jamais :
« L’Église du Concile, il est vrai, s’est beaucoup occupée de l’homme, de l’homme tel qu’en réalité il se présente à notre époque, l’homme vivant, l’homme tout entier occupé de soi, l’homme qui se fait non seulement le centre de tout ce qui l’intéresse, mais qui ose se prétendre le principe et la raison dernière de toute réalité. L’humanisme laïque et profane enfin est apparu dans sa terrible stature et a, en un sens, défié le Concile. La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu.
« Qu’est-il arrivé ? un choc, une lutte, un anathème ? cela pouvait arriver ; mais cela n’a pas eu lieu. La vieille histoire du Samaritain a été le modèle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes l’a envahi tout entier. La découverte des besoins humains – et ils sont d’autant plus grands que le fils de la terre (sic !) se fait plus grand – a absorbé l’attention de ce synode.
« Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous, humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme. »
« On mesure ici le glissement forcé de votre hétéropraxie à l’hétérodoxie pleine et entière, commente notre Père, je ne dis même plus de l’hérésie, mais de l’apostasie. Dans votre bonté apostolique ! à l’encontre des conseils de prudence et des enseignements infaillibles de tous vos prédécesseurs, vous voulez être le Samaritain évangélique, affectueusement penché sur tout homme, son frère... Et voilà que ce sentiment d’amour immodéré vous conduit à vous réconcilier avec le Goliath du monde moderne, à vous agenouiller devant l’Ennemi de Dieu qui vous défie et vous hait. Au lieu de prendre courage et de lutter, comme David, contre l’Adversaire, vous vous déclarez plein d’amour pour lui, vous l’adulez et vous allez bientôt vous ranger à son service exclusif ! Votre charité se fait culte et service de l’Ennemi de Dieu, et pour le flatter, vous allez jusqu’à rivaliser avec lui dans son erreur, dans son blasphème même. »
Paul VI n’avait pas besoin de lire ce livre. Il connaissait les accusations portées contre lui par l’abbé de Nantes grâce au procès de 1968 au cours duquel les juges ne purent établir contre son accusateur aucune erreur doctrinale. Pour ne pas avoir à se rétracter et au mépris des devoirs de sa charge, il fit obstacle à l’examen de cette plainte. Plusieurs rangs serrés d’agents en civil et de carabiniers en arme de la police italienne rangés devant la Porte de bronze pour en empêcher le dépôt furent sa seule réponse à ce livre d’accusation qui à lui seul invalide la canonisation de celui qui profane nos autels depuis le 14 octobre 2018.
Et c’est sans doute pour éviter l’instruction d’un procès contradictoire de la cause de Jean-Paul II que Benoît XVI a précipité la procédure pour le canoniser, le 27 avril 2014, sans répondre aux nombreuses critiques formulées par l’abbé Georges de Nantes, notre Père fondateur, sous forme de « plainte pour hérésie, schisme et scandale à l’encontre de notre frère dans la foi Karol Wojtyla ».
LE DEUXIÈME LIVRE D’ACCUSATION.
Les motifs de cette plainte se trouvent rassemblés dans un “ Livre d’accusation ” remis au Saint-Siège, le 13 mai 1983, par lui et deux cents délégués de la ligue de Contre-Réforme catholique. Bien que cette démarche soit conforme aux canons 212, 221 et 1417 du Code de droit canonique, l’autorité a toujours refusé d’examiner et même de recevoir cette accusation contre le Souverain Pontife régnant. Elle demeure donc en attente d’un jugement qui, s’il reconnaissait son bien-fondé, devrait interdire le “ culte ” de dulie frauduleusement rendu aux “ saints ” Papes de la Réforme conciliaire.
Aujourd’hui, l’abbé de Nantes est mort, mais il parle encore contre l’hérésie de Jean-Paul II, corollaire de « la foi en l’homme qui se fait Dieu » proclamée par son prédécesseur et « père spirituel » Paul VI. En exorde de ce deuxième Livre d’accusation, l’abbé de Nantes cite un texte sur lequel il se déclare prêt à engager toute sa foi et sa vie éternelle : « Sur lequel pourrait se juger toute la cause ». Il s’agit des pages 222 à 227 du « Dialogue avec André Frossard, N’ayez pas peur, dont la partie qui vous est attribuée, écrit l’abbé de Nantes en s’adressant à Jean-Paul II, a été, de fait, écrite, revue et soigneusement mise au point par vous avant sa publication en 1982. »
Dans les pages incriminées, Jean-Paul II cite la réponse de Jésus à Pilate : « Oui, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. » Il commente : « Le Christ est roi en ce sens qu’en lui, dans son témoignage rendu à la vérité, se manifeste la “ royauté ” de chaque être humain, expression du caractère transcendant de la personne. C’est cela l’héritage propre de l’Église. »
Cette affirmation contredit formellement la tradition catholique selon laquelle la vérité pour laquelle est mort Notre-Seigneur Jésus-Christ concerne Dieu son Père et Lui-même dans son unique, sacrée, inviolable et inaccessible Sainteté, autrement dit sa “ transcendance ” de Fils de Dieu, unique Roi de l’univers et Sauveur de son peuple. Tandis que Jean-Paul II fait du Christ un martyr de la dignité, de la royauté, de la prétendue transcendance de l’homme.
Ésotérisme.
L’abbé de Nantes révèle ce que les biographes taisent ordinairement : Mieczyslaw Kotlarczyk, maître et ami de Karol Wojtyla, était un disciple du théosophe Rudolf Steiner, adepte d’un christianisme cosmique, a-dogmatique et évolutionniste. On ne saurait y voir une simple influence de jeunesse sur le jeune Karol fasciné par la magie enivrante de l’art théâtral, puisque, devenu archevêque de Cracovie, il accorda une introduction à l’ouvrage de Kotlarczyk, “ L’art du mot vivant ”. Or, celui-ci développe une thèse selon laquelle « un groupe de personnes, unanimement soumises au verbe poétique (sic), revêt une signification éthique : la signification d’une solidarité dans le Verbe (sic !), la signification d’une loyauté à l’égard du Verbe ».
Curieusement, cette préface ne figure pas dans les recensions des travaux de Karol Wojtyla... Pour ne pas faire obstacle à sa canonisation ?
Pour bien saisir le caractère contraire à la foi catholique de cette prétendue “ transcendance de l’homme ”, principe du dialogue assidûment pratiqué par le pape Jean-Paul II avec les athées, il suffit de lire la transcription de la retraite “ Le signe de contradiction ”. Il y évoque la parole du vieillard Siméon à la Vierge Marie le jour de la Présentation :
« Cet enfant doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël. Il doit être un signe en butte à la contradiction. » (Lc 2, 34)
L’appliquant à la contradiction hégélienne entre religion catholique (thèse) et athéisme moderne (antithèse), il entend montrer que l’idée d’un Dieu n’acceptant pas la royauté de l’homme est un effroyable malentendu qu’il se donne pour mission de dissiper.
En effet, au lieu de condamner le “ déicide spéculatif ” par lequel le scientifique et le philosophe moderne rejettent l’autorité de Dieu, lui substituant la leur propre, comme s’ils étaient eux-mêmes Dieu, le cardinal Wojtyla justifie ce crime déicide par une exégèse entièrement nouvelle des trois premiers chapitres du Livre de la Genèse. Toute son argumentation repose sur une interprétation inédite du récit biblique du péché originel, selon laquelle la faute aurait consisté non pas à s’élever contre Dieu, mais à succomber au “ mensonge ” de Satan, faisant accroire à Adam et Ève que Dieu était jaloux de leur royauté !
« Cela commença par un mensonge que l’on pourrait assimiler à une erreur d’information, à quoi l’on pourrait laisser le bénéfice de la bonne foi : “ Alors, Dieu a dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? ” La femme n’a aucun mal à rectifier l’information erronée ; peut-être ne pressent-elle pas qu’elle constitue seulement un début, un prélude aux intentions du père du mensonge. Celui-ci cherche d’abord à saper la véracité de la parole divine en insinuant : “ Vous ne mourrez pas ! ” Il porte ainsi atteinte à l’existence même de l’Alliance entre Dieu et l’homme. » (p. 43)
L’abbé de Nantes fait remarquer que le cardinal Wojtyla a, dans cette présentation, « escamoté l’existence d’un précepte de Dieu à nos premiers parents » : « Tu peux manger de tous les arbres du jardin. Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, car, le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement. » (Gn 2, 16-17) Le résultat de cette savante « omission » est l’effacement de cette vérité première « que Dieu a le droit de commander, et qu’il a commandé en fait à sa créature, sous peine de châtiment, ce qu’il a voulu lui ordonner, exigeant son obéissance pour le pur et simple bien, mérite, avantage et gloire de l’obéissance ». Selon Wojtyla, toute la faute revient uniquement à Satan, dont « l’énoncé veut détruire, dit-il, la vérité sur le Dieu de l’Alliance, sur le Dieu qui, par amour crée, par amour conclut avec l’humanité une Alliance en Adam, par amour pose des exigences s’étendant à l’essence même de l’homme, à la raison même de l’homme ».
Ainsi, selon cette exégèse, l’amour exclut toute loi qui irait au-delà de ce qu’exige de soi « l’essence même de l’homme » sous le contrôle de « la raison ». Ce qui revient à faire de l’acte d’autorité un péché, et de la désobéissance la réaction naturelle et vertueuse à tout empiétement de Dieu et de quiconque sur la liberté de l’homme.
Il en résulte que l’obéissance, la soumission, l’adoration sont trois exigences mensongèrement prêtées à Dieu par Satan, selon Wojtyla :
« Le Dieu de l’Alliance est effectivement présenté à la femme comme un Souverain jaloux du mystère de sa domination absolue. Il est présenté comme l’ennemi de l’homme auquel il convient de s’opposer. » (p. 44)
Un tragique “ malentendu ” serait né de là, qui traverse toute l’histoire jusqu’à nous :
« On peut dire que nous nous trouvons au commencement de la tentation de l’homme, au commencement d’un long processus, qui va se déployer sur toute l’histoire. » (p. 44)
Aujourd’hui, cet artifice du démon explique l’athéisme qui oppose l’homme moderne à Dieu depuis la naissance de l’humanisme. Heureusement, ce malentendu a été dissipé par le concile Vatican II lorsqu’il a proclamé solennellement « pleinement légitime l’autonomie des hommes en société, et des sciences » (p. 45).
C’est ainsi que Karol Wojtyla sacrifie la religion catholique traditionnelle à son antithèse moderne, l’humanisme athée. À ce “ vendredi saint spéculatif ”, il fait succéder un “ samedi saint dialectique ”, de « descente aux enfers » pour y « dialoguer » avec les athées. À André Frossard, il affirme : « Si la situation de l’homme dans le monde moderne – et surtout dans certains cercles de civilisation – est telle que s’écroule sa foi, disons sa foi laïque (sic) dans l’humanisme, la science, le progrès, il y a bien sûrement lieu d’annoncer à cet homme le Dieu de Jésus-Christ, Dieu de l’Alliance, Dieu de l’Évangile, tout simplement (ce “ tout simplement ” est d’une incroyable densité, commente l’abbé de Nantes) pour qu’il retrouve par là (par la foi en Dieu, en Jésus-Christ, en l’Évangile) le sens fondamental et définitif de son humanité, c’est-à-dire le sens proprement dit de l’humanisme, et de la science, du progrès, qu’il ne doute pas, et qu’il ne cesse pas d’y voir sa tâche et sa vocation terrestre. » (N’ayez pas peur, p. 273)
C’est évidemment, de l’aveu même du cardinal Wojtyla, « une réinterprétation de l’Évangile » qui « ouvre de nouvelles voies à l’enseignement. Les chrétiens ont le devoir de façonner le visage de la terre et de rendre la vie plus humaine. Il est de leur devoir de donner à ce qu’on appelle le progrès social sa véritable signification. » (Blazynski, Jean-Paul II. Un homme de Cracovie, éd. Stock, 1979, p. 253)
Dès lors, prend tout son sens cette affirmation de sa première encyclique, Redemptor hominis : « L’attitude missionnaire commence toujours par un sentiment de profonde estime face à “ ce qu’il y a dans l’homme ”. » Référence à Jean 2, 25. Mais, si l’on se reporte à ce passage du quatrième Évangile, on doit constater que Jésus, loin de manifester une telle estime pour les hommes, « ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous, et qu’il n’avait pas besoin d’être renseigné sur personne : Lui savait ce qu’il y a dans l’homme ».
Pour accorder sa « foi en l’homme » avec l’Écriture, le pape Jean-Paul II est contraint de l’interpréter à contresens !
Dans “ Signe de contradiction ”, on peut lire encore : « La gloire de Dieu est l’homme vivant ! Et Dieu le conduit vers la gloire... Cette gloire, c’est Dieu qui avant tout la désire. Lui seul a le pouvoir de révéler la gloire de la créature, de révéler la gloire de l’homme dans le miroir de sa Vérité, et par conséquent dans les dimensions de l’Accomplissement final... La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. » (p. 231)
L’abbé de Nantes commente : « Voilà donc enfin la synthèse de la Religion ancienne et de l’Athéisme contemporain. C’est leur accomplissement final en l’Homme vivant, riche en avoir et en être, parachevé dans le sentiment sacré de son existence et dans la gloire de sa liberté. L’Homme et Dieu sont réconciliés, mais c’est dans l’Homme. Saint Irénée entendait de tout autre manière une telle réconciliation, non pas en l’Homme mais en Dieu : “ La gloire de Dieu, c’est que l’homme vive. Et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu ” (Adv. Hær. IV, 20, 5-7) ! L’homme y dépend tout de Dieu et de sa grâce, non de sa propre liberté et de son propre orgueil ! De l’un à l’autre il y a toute la différence d’une religion à son contraire, du culte et de l’amour de Dieu jusqu’au sacrifice de soi-même et à la mort de la croix, au culte et à l’exaltation de soi jusqu’à la mort de Dieu et à l’effacement de Jésus-Christ. » (Liber accusationis II, p. 62)
Le théocentrisme de notre sainte religion catholique a fait place, dans le cœur et la pensée de Jean-Paul II, à l’anthropocentrisme, le culte de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, au culte de l’homme qui se fait dieu. Cette idolâtrie s’exprime par exemple dans le discours prononcé à l’Unesco, le 2 juin 1980 :
« Il faut considérer jusqu’à ses dernières conséquences et intégralement l’homme comme une valeur particulière et autonome, comme le sujet porteur de la transcendance de la personne. Il faut affirmer l’homme pour lui-même et non pour quelque autre motif : uniquement pour lui-même. Bien plus, il faut aimer l’homme parce qu’il est homme, il faut revendiquer l’amour pour l’homme en raison de la dignité particulière qu’il possède. L’ensemble des affirmations concernant l’homme appartient à la substance du message du Christ, malgré ce que tous les esprits critiques ont pu déclarer en la matière, et tout ce qu’ont pu faire les divers courants opposés à la religion en général et au christianisme en particulier. »
Dans ce même discours, Jean-Paul II déclarait que « dans le domaine culturel, l’homme est toujours le fait premier : l’homme est le fait primordial et fondamental de la culture... C’est en pensant à toutes les cultures que je veux dire ici, à Paris, au siège de l’Unesco, avec respect et admiration : Voici l’homme ! »
L’abbé de Nantes a qualifié cette parole de « blasphème ». Il est, de fait, significatif que le pape Benoît XVI, dans son message adressé à l’Unesco pour le vingt-cinquième anniversaire de ce mémorable discours, a cité ce passage, mais non pas cette dernière phrase.
En présence d’un tel texte, le théologien de la Contre-Réforme catholique s’interroge :
« Serait-ce une construction intellectuelle destinée à rapprocher les athées, les incroyants, les indifférents, d’une Église qui se montrerait plus accueillante à leurs problèmes, même avec quelques excès d’éloquence ? » S’il en est ainsi, « ce serait un moindre mal, que l’insuccès total d’une telle apologétique devrait suffire à terminer ». Mais il est légitime de se demander si ce ne serait pas davantage : « Une vraie passion, une obsession de l’homme, de sa grandeur, de son amour, de sa réussite ? » Dans ce cas, annonçait l’abbé de Nantes dans son Livre d’accusation en 1983, « cet humanisme encombrera de plus en plus l’espace de votre esprit, de votre cœur, de votre temps, de vos activités ! Et cela sera d’autant plus grave que vous êtes monté au plus haut degré de la hiérarchie ecclésiastique. Parce qu’alors tout doit être enfin donné à l’homme et enlevé à Dieu, tout ce qui est conservé pour Dieu paraissant refusé à son rival l’homme. » (Liber accusationis II, p. 68)
En 1983, l’abbé de Nantes accusait Jean-Paul II d’étouffer la religion. Sept ans plus tard, ce dernier avouait lui-même que « le nombre de ceux qui ignorent le Christ et ne font pas partie de l’Église augmente continuellement, et même il a presque doublé depuis la fin du Concile » (Redemptoris missio, 7 décembre 1990).
Jésus-Christ uni à tout homme.
Jean-Paul II cite continuellement une affirmation introduite par lui-même dans la Constitution Gaudium et spes, lorsqu’il siégeait au Concile comme archevêque de Cracovie, en vertu de laquelle « le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme par son Incarnation ». Confondant la nature et la grâce, la vie humaine et la vie divine, le pape Jean-Paul II ne met aucune condition à l’union au Christ « de chaque homme sans exception, même si ce dernier n’en est pas conscient » (Redemptor hominis, n° 14). Quelle que soit sa religion ou son irréligion.
Il en vient, dans son ultime Lettre apostolique Mane nobiscum du 7 octobre 2004, à écrire de Notre-Seigneur Jésus-Christ qu’ « en Lui, Verbe fait chair, se révèle en effet non seulement le mystère de Dieu, mais le mystère même de l’homme. Parce que dans le Christ la nature humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même, cette nature a été élevée en nous à une dignité sans égale. Car par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. » (G. S., 22, 2)
Il en résulte ce que l’abbé de Nantes appelle une « Pâque idéaliste », succédant au « Vendredi saint spéculatif » et au « Samedi saint dialectique », c’est-à-dire que l’Église sauvera sa foi (“ Pâque idéaliste ”) en acceptant l’humanisme athée matérialiste (“ Vendredi saint spéculatif ”) d’un monde qui la rejette (“ Samedi saint dialectique ”).
Il faut seulement remarquer que la « foi » qu’il s’agit de réconcilier avec l’humanisme contemporain est le fruit de la création spontanée et universelle des profondeurs du sentiment humain : la « foi » moderniste.
Comme exemple de ce modernisme, nous pouvons citer l’interprétation selon laquelle la « descente aux Enfers » de Jésus-Christ après sa mort sur la Croix est une “ conception ”, et non pas un événement historique. Selon le pape Jean-Paul II, cet article de notre Credo est une pure métaphore évoquant non pas une « descente » mais une accession « à la plénitude de la vision béatifique de Dieu », ce qui suggère plutôt une “ ascension ” (Allocution du 11 janvier 1989) !
Cette explication « sent l’hérésie » arienne et nestorienne, assimilant le Christ à un être humain ordinaire, moralement parfait, saint, et « admis » seulement après sa mort à « la plénitude de la vision béatifique de Dieu ». Contrairement à l’enseignement de l’Église selon lequel Jésus, Fils de Dieu, Dieu lui-même, a joui, dès le premier exercice de ses facultés humaines, de la vision béatifique de sa propre déité, de son Être divin, de son identité personnelle. L’Église interdit tout enseignement contraire et saint Thomas en montre la raison dans l’union existentielle des deux natures, divine et humaine, en la Personne du Verbe :
« Par une telle union, le Christ-homme est lui-même bienheureux de la béatitude incréée, comme aussi bien par cette union il est Dieu. Mais de surcroît, il fallut que sa nature humaine possédât cette particulière béatitude créée par laquelle son âme était en possession de la fin ultime de sa nature humaine. » (III a, question 9, article 2, ad 3) C’est pourquoi, dès ici-bas, « son âme était élevée par une lumière participée de sa nature divine à la perfection de la science bienheureuse qui consiste dans la vision de Dieu en son essence » (ad 1).
Le culte de l’homme en lequel réside le Christ du seul fait de son Incarnation conduit à considérer l’Église comme le « signe » de l’unité intime de tous les hommes avec Dieu, et de l’unité du genre humain dans ses membres, tous fraternels. Elle n’en est plus le « sacrement ». C’est « le genre humain tout entier » sans préalable de conversion ni d’entrée dans l’Église, qui se voit attribuer une union satisfaisante avec Dieu et entre ses membres, comme à la réunion de toutes les « autres religions » à Assise le 27 octobre 1986.
« Certes, commente l’abbé de Nantes, il n’y a eu “ aucune ombre de confusion ni de syncrétisme ” à Assise. Il y a eu plus grave : dans ce défilé carnavalesque et ringard de tous les folklores afro-asiatiques, un effacement suicidaire du Christ et de l’Église. » Lorsque Jean-Paul II justifie cette réunion d’Assise par une citation de l’Évangile de saint Jean : « Le Seigneur a offert sa vie non seulement pour la nation, mais encore pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 52), l’abbé de Nantes s’élève contre cette « nouvelle citation abusive de l’Écriture sainte pour appuyer l’hérésie qui lui est la plus contraire ! Notre-Seigneur est mort sur la Croix pour que tous, juifs et païens, renonçant à leur “ ignorance ” séculaire ou à leur “ perfidie ”, cèdent à l’aiguillon de la Vérité et entrent dans l’unique et sainte Église. » (CRC n° 230, février 1987)
Le pape Jean-Paul II les en dissuade au contraire lorsqu’il baise religieusement le Coran, le 14 mai 1999, en Irak, où une délégation conduite par l’iman chiite de la mosquée de Khadum le lui présentait. Le geste de dévotion diffusé par la télévision irakienne inclinait les musulmans à croire que l’auteur du Coran dit vrai lorsqu’il accuse les chrétiens d’avoir « apostasié », à l’instar des juifs, la religion d’Abraham : « Jadis, ils ont apostasié (kafara), ceux qui ont dit : “ Voici le Dieu, Lui, le Christ, fils de Marie. ” » (Sourate V, 17 et 72)
L’appellation « fils de Marie » est destinée à supplanter définitivement les appellations chrétiennes de « Fils du Très-Haut » et de « fils de David ».
Et le dimanche 6 mai de l’an 2 000, après avoir enlevé rituellement ses chaussures, le Pape est entré dans la mosquée des Umayyades, à Damas, pour écouter la lecture des versets du Coran et la litanie des noms d’Allah, suivies de l’homélie du grand mufti affirmant que « l’islam est la religion de la fraternité et de la paix », et que « nous adorons tous le même Dieu ». Par là, Jean-Paul II a conforté un milliard de musulmans dans leur “ foi ” au Coran selon lequel Dieu n’a pas de fils.
La gnose wojtylienne.
Pendant son long pontificat, le pape Jean-Paul II a détourné l’espérance chrétienne du Royaume de Dieu en vidant l’Enfer et le Ciel de toute réalité concrète, pour appeler à la construction d’un monde nouveau ici-bas à l’occasion de l’entrée dans le troisième millénaire.
Du fait que « par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme », l’accompagnera-t-il en enfer ? Certes, non ! Jean-Paul II en conclut que, très probablement, il n’y a personne en enfer. Par exemple, dans son livre “ Entrez dans l’espérance ” :
« La possibilité de la damnation éternelle est affirmée dans l’Évangile sans qu’aucune ambiguïté soit permise », reconnaît-il. « Mais dans quelle mesure cela s’accomplit-il réellement dans l’au-delà ? » À cette question, le Pape répond par une autre interrogation : « Si Dieu désire que tous les hommes soient sauvés, si Dieu, pour cette raison, offre son Fils qui à son tour agit dans l’Église par l’opération de l’Esprit-Saint, l’homme peut-il être damné, peut-il être rejeté par Dieu ? De tout temps, la question de l’enfer a préoccupé les grands penseurs de l’Église, depuis Origène jusqu’à Mikhaïl Boulgakov et Hans Urs von Balthasar. Les premiers Conciles ont rejeté la théorie dite de l’apocatastase finale, selon laquelle le monde après sa destruction serait renouvelé et toute créature serait sauvée, théorie qui abolissait implicitement l’enfer. Cependant la question continue de se poser. Dieu, qui a tant aimé l’homme, peut-il accepter que celui-ci Le rejette et pour ce motif soit condamné à des tourments sans fin ? Pourtant, les paroles du Christ sont sans équivoque. Chez Matthieu, Il parle clairement de ceux qui connaîtront des peines éternelles.
« Qui seront-ils ? L’Église n’a jamais voulu prendre position. Il y a là un mystère impénétrable, entre la sainteté de Dieu et la conscience humaine. Le silence de l’Église est donc la seule attitude convenable. »
Ce disant, le pape Jean-Paul II jetait le doute sur les dires de sœur Lucie selon laquelle la Vierge Marie n’a pas adopté cette “ attitude convenable ” à Fatima, le 13 juillet 1917, en montrant à Lucie, François et Jacinthe « l’enfer où vont les pauvres pécheurs », vision pourtant bien attestée, ne serait-ce que par le cri d’effroi jeté par Lucie, entendu par les témoins de cette troisième apparition :
« Notre-Dame ouvrit de nouveau les mains, comme les deux derniers mois. Le reflet (de la lumière) parut pénétrer la terre et nous vîmes comme un océan de feu. Plongés dans ce feu nous voyions les démons et les âmes (des damnés). Celles-ci étaient comme des braises transparentes, noires ou bronzées, ayant formes humaines. Elles flottaient dans cet incendie, soulevées par les flammes qui sortaient d’elles-mêmes, avec des nuages de fumée. Elles retombaient de tous côtés, comme les étincelles dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, au milieu des cris et des gémissements de douleur et de désespoir qui horrifiaient et faisaient trembler de frayeur. C’est à la vue de ce spectacle que j’ai dû pousser ce cri : “ Aïe ! ” que l’on dit avoir entendu de moi. Les démons se distinguaient (des âmes des damnés) par des formes horribles et répugnantes d’animaux effrayants et inconnus, mais transparents comme de noirs charbons embrasés.
« Cette vision ne dura qu’un moment, grâce à notre Bonne Mère du Ciel qui, à la première apparition, nous avait promis de nous emmener au Ciel. Sans quoi, je crois que nous serions morts d’épouvante et de peur. »
Ne nous étonnons pas que Jean-Paul II ne tienne aucun compte de cette vision, puisqu’il nie la damnation certaine de Judas :
« Même si le Christ dit, à propos de Judas qui vient de le trahir : “ Il vaudrait mieux que cet homme-là ne soit jamais né ! ” cette phrase ne doit pas être comprise comme la damnation pour l’éternité. »
Le Ciel n’est pas un lieu.
Si le pape Jean-Paul II a enseigné abusivement à ne pas craindre l’enfer, il n’a pas inspiré pour autant le désir du Ciel. Il est remarquable que les allocutions du mercredi de l’année 1989, consacrées à achever le commentaire suivi du Credo, article après article, commencé en janvier 1982, en viennent à nier le fait physique de l’Ascension corporelle de Jésus au Ciel. Selon le pape Jean-Paul II, l’Ascension n’est pas une translation locale de Jésus ressuscité, de la terre en quelque ciel, mais sa « soustraction pleine et définitive aux lois du temps et de l’espace ». « Autant dire, commente l’abbé de Nantes, sa dématérialisation. »
Après quoi, on doit constater que les allocutions des mercredis suivants changent de sujet, sans achever l’explication du Credo où il aurait dû en venir à traiter de la réalité physique du Ciel et de l’enfer !
Un monde nouveau pour l’an 2 000.
Si Jean-Paul II n’eut que des mots abscons pour parler du Ciel, il mit en revanche toutes ses immenses capacités intellectuelles et ses charismes au service de l’utopie d’un monde de paix par la démocratie universelle dont l’Église serait l’animatrice spirituelle en ce bas monde ! « Rompant avec la morale catholique, avec l’honneur des peuples civilisés, avec les règles immémoriales de la diplomatie pontificale, constate l’abbé de Nantes, Jean-Paul II n’a pas contredit le soulèvement révolutionnaire à prétexte syndical, à masque religieux. Il n’a pas, comme ses valeureux prédécesseurs du siècle dernier, exigé des peuples la soumission au pouvoir et ordonné à l’Église de coopérer avec l’État, pas plus en Pologne qu’il ne le fait dans le reste du monde. Il n’a pas réservé sa sollicitude au salut des âmes et à la tranquillité publique, mais il l’a gaspillée dans les causes douteuses de la justice, des droits de l’homme et de la liberté. » (CRC n° 176, avril 1982, p. 3)
L’encyclique “ Sollicitudo rei socialis ”, du 30 décembre 1987, en offre un exemple flagrant, faisant un devoir à chacun « de se consacrer au développement des peuples » :
« C’est un impératif pour tous et chacun des hommes et des femmes, et aussi pour les sociétés et les nations ; il oblige en particulier l’Église catholique, les autres Églises et communautés ecclésiales, avec lesquelles nous sommes pleinement disposés à collaborer dans ce domaine. »
Nous sommes aux antipodes de saint Pie X selon lequel, dans sa Lettre sur le sillon, « nous n’avons pas à démontrer que le “ développement des peuples ” n’importe pas à l’action de l’Église dans le monde » ; ce qui lui importe, en revanche, c’est de mener les peuples, « tous et chacun des hommes et des femmes », s’il est possible, au bonheur du Ciel.
Non, dans le « développement intégral de l’homme », Jean-Paul II n’inclut pas l’entrée au Ciel pour y prendre place au festin des noces de l’Agneau ! L’application naturaliste qu’il fait de la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare à la vie économique et sociale nous le confirme :
« Il est indispensable, comme le souhaitait déjà l’encyclique Populorum progressio », déclare-t-il dans l’encyclique Sollicitudo rei socialis, « de reconnaître à chaque peuple le même droit à “ s’asseoir à la table du festin ” [des biens de ce monde] au lieu d’être comme Lazare qui gisait à la porte, tandis que “ les chiens venaient lécher ses ulcères ” (cf. Lc 16, 21). » (n° 33)
Déjà, le 2 juin 1980, parodiant la parole de Jésus au désert, Jean-Paul II avait proclamé hautement au siège de l’Unesco : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi de culture. » En remplaçant « toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4), par la culture, Jean-Paul II montre que sa “ religion ” se réduit à la seule fonction culturelle d’appoint. Ou, plus exactement, précise-t-il, « elle s’efforce d’apporter à l’élaboration culturelle humaine la composante surnaturelle » (Discours à Camerino, 19 mars 1991).
Loin d’être « surnaturelle », ladite « composante » est purement naturelle, selon Jean-Paul II. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre connaissance de son discours au Corps diplomatique, du 10 janvier 1998. Il y révèle son ambition de se faire le mentor de tous les peuples du monde, comme le meilleur “ expert en humanité ”, traitant de tous leurs problèmes par appel à l’idéologie des droits de l’homme, de sa liberté, de son culte ; mais l’orateur n’y dit pas un mot de sa propre religion !
Le discours prononcé à Funchal, en la fête de l’Ascension 1991, est tout aussi révélateur :
« “ Ainsi l’Ascension du Seigneur n’est pas un simple départ, résume l’abbé de Nantes. C’est tout d’abord le début d’une nouvelle présence et d’une nouvelle action salvifique ”... celles de l’Esprit, qui “ donne la force divine à la vie terrestre de l’humanité dans l’Église visible ”. Mais sitôt rappelée, cette limite de l’Église visible est renversée. La plénitude de “ toute la création restaurée ”, la “ nouvelle création du monde et de l’homme ” que “ nous célébrons dans l’Eucharistie du dimanche ”, remplissent “ l’Église et le monde ” sans plus de différence et sans condition. Nous retrouvons là cet unanimisme gnostique où la dilution du Corps du Christ est totale et définitive, tandis que l’humanité et le monde matériel même prennent leur stature de “ Corps ” au souffle de l’ “ Esprit ” ; et ce sera le second Avènement du Christ, dans l’Âge de l’Esprit, qui va bientôt paraître.
« “ L’Ascension du Seigneur est, à la lumière de la liturgie d’aujourd’hui, conclut le Pape, la solennité de la maturation [de qui ? de quoi ? ne cherchez pas : de tout ce qui n’est pas le Christ, mais qui le devient...] dans l’Esprit-Saint pour la plénitude du Christ. ” Il n’y a donc plus, en nul Paradis, un vrai et vivant Homme-Dieu Jésus-Christ, en chair et en os, en compagnie de sa glorieuse Mère montée aux Cieux, ni aucune Présence réelle en aucune messe. Il n’y a plus d’autre venue à espérer de ce Christ Sauveur, que celle de l’an 2 000, “ le deuxième et définitif Avènement du Christ sauveur ” :
« “ Ainsi l’homme nouveau en dignité, en contemplation et en adoration, s’approche de Dieu avec confiance, dans une grande fête de toute la création restaurée. On célèbre la splendeur renouvelée de la bonté pleine [sic] du monde en Dieu : le Christ ressuscité, dans sa grâce infinie, libère l’homme de ses limites. La Pâque est la nouvelle création du monde et de l’homme. ” » (CRC n° 273, mai 1991, p. 16)
Sous le règne de Jean-Paul II, l’Église avait pour seul but de tous ses travaux non pas de conduire, s’il était possible, toutes les âmes au Ciel, mais d’ « apporter sa propre contribution à la préparation des hommes qui entreront dans le nouveau millénaire ».
Récusant « les “ prophètes de malheur ”, prêts à voir des catastrophes partout », Jean-Paul II rendait hommage aux « prestigieux objectifs atteints » comme autant de « moments du chemin de l’homme au seuil de l’an 2 000 » : conquête de l’espace, énergie nucléaire, génétique, informatique, robotique (Discours à Camerino, 19 mars 1991)...
Toutes ces conquêtes, selon lui, conduisent l’Église à se rendre compte « qu’elle vit une phase parmi les plus innovatrices de l’histoire », en raison de l’extension du « concept même de culture ». Or, comme l’homme doit se nourrir non seulement du « pain gagné par le travail de ses mains... mais aussi du pain de la science et du progrès, de la civilisation et de la culture » (Laborem exercens, 1), dans ce foisonnement de « formes de sociétés multiculturelles qui dépassent les frontières traditionnelles géographiques et politiques », l’Église n’a qu’une pensée : « À la lumière de Dieu, affirmer le primat de l’homme ! »
De fait, en l’an 2000, Jean-Paul II a pensé inaugurer une ère nouvelle, définitive, une nouvelle civilisation.
Le 26 mars 2 000, il s’est rendu, dans cette intention, en pèlerinage à Jérusalem. Il en marqua la première “ station ” sur l’ancienne esplanade du Temple juif, devenue esplanade du Dôme du Rocher, “ mémorial ”, selon le Coran, « consacré pour que les hommes y reviennent fidèlement et qu’ils célèbrent le “ Lieu d’Abraham ” par des prières » (sourate II, verset 125).
Remarquons que, de fait, le dessein de Jean-Paul II présente une extraordinaire similitude avec celui de l’auteur du Coran qui est de restaurer la religion « parfaite » (’islâm) née d’Abraham, et de la substituer au judaïsme et au christianisme perpétuellement en guerre l’un contre l’autre !
Il a donc formulé le vœu que « le Tout-Puissant apporte la paix à cette région tout entière et bien-aimée, afin que tous les peuples qui y vivent puissent jouir de leurs droits, vivre en harmonie et en coopération, et rendre témoignage au seul Dieu en acte de bonté et de solidarité humaine » (cité dans Résurrection n° 1, janvier 2001, p. 11).
Même si, depuis, la violence n’a fait que croître en ladite région, comme il était prévisible parce que « sans Moi, vous ne pouvez rien faire », a averti Notre-Seigneur, Jean-Paul II a persévéré dans son attente d’un monde de paix sans recours obligé au Christ.
La deuxième “ station ” de pèlerinage pontifical fut le Mur des Lamentations, où le Pape s’est rendu pour y déposer le texte de la repentance (teshouva) de l’Église à l’égard du peuple juif et toucher de sa paume la pierre du “ Qotel ”, Mur occidental qui soutenait le Temple, où reposait la « présence » du Dieu vivant, jusqu’à sa destruction en 70 par les Romains.
Jean-Paul II s’est donc comporté en successeur de Pierre... avant qu’il « revienne » de son reniement et invite les « hommes d’Israël » à se repentir et se faire baptiser « au nom de Jésus-Christ » pour la rémission de leurs péchés, afin de recevoir le don du Saint-Esprit : « Car c’est pour vous qu’est la promesse, leur dit-il, ainsi que pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera. » (Ac 2, 38-39)
En 2001, Jean-Paul II s’est rendu en Grèce, en Syrie et à Malte, « sur les pas de saint Paul ». À Damas, dans une église anciennement chrétienne, transformée en mosquée, il a déclaré à ses hôtes musulmans : « Notre rencontre dans ce lieu renommé nous rappelle que l’homme est un être spirituel, appelé à reconnaître et à respecter le primat absolu de Dieu sur toutes choses. » Il n’a pas dit : « du Christ qui est Dieu », en vrai disciple de l’auteur du Coran mais non pas de saint Paul qui, aussitôt converti sur le chemin de Damas, « se mit à prêcher Jésus dans les synagogues, proclamant qu’il est le Fils de Dieu » (Ac 9, 20).
« Je souhaite ardemment, a-t-il poursuivi, que les responsables religieux et les professeurs de religion, musulmans et chrétiens, présentent nos deux importantes communautés religieuses comme des communautés engagées dans un dialogue respectueux, et plus jamais comme des communautés en conflit. »
Il ne faudra donc « plus jamais » parler de Jésus-Christ comme du Fils de Dieu.
Sous ce long pontificat du pape Jean-Paul II, l’Église, sans espérance surnaturelle, est devenue un mouvement d’animation spirituelle de la démocratie universelle selon le vœu de Paul VI.
On peut légitimement se demander si ne s’accomplit pas sous nos yeux la parole de Jésus-Christ :
« Mais le Fils de l’homme quand il reviendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ? » (Lc 18, 8)
LE TROISIÈME LIVRE D’ACCUSATION.
La réponse est négative si Jésus tarde à revenir et qu’en l’attendant plusieurs générations sont instruites de leur religion par le prétendu “ Catéchisme de l’église catholique ” (CEC), prescrit à la Sainte Église, dont Jésus est l’Époux et le Roi, par son vicaire Jean-Paul II, dans la Constitution apostolique “ Fidei depositum ” du 11 octobre 1992. L’abbé de Nantes rédige alors un troisième “ Livre d’accusation ”, porté au Vatican le 13 mai 1993 par lui-même accompagné de 250 représentants de la CRC.
« Cette œuvre a trop été commandée et exécutée “ à la lumière du concile Vatican II ”, Très Saint-Père, et s’est élevée, par cela même, non pas en accord avec “ l’ensemble de la Tradition de l’Église ” (CEC n° 11), mais en contradiction avec elle. Son auteur donc, selon ma conviction fondée, se trompe ou nous trompe. »
Et cependant le Pape engage toute son autorité :
« Le Catéchisme de l’Église catholique, que j’ai approuvé le 25 juin dernier et dont j’ordonne la publication en vertu de l’autorité apostolique, est un exposé de la foi de l’Église et de la doctrine catholique, attestées ou éclairées par l’Écriture sainte, la Tradition apostolique et le Magistère ecclésiastique. Je le reconnais comme un instrument valable et autorisé au service de la communion ecclésiale et comme une norme sûre pour l’enseignement de la foi. »
Or, notre Père déclare « ce prétendu Catéchisme, rempli d’erreurs, de tromperies, d’insultes à Dieu, à son Fils Jésus-Christ, à leur Esprit-Saint, et tant d’absurdités ou d’incongruités manifestes » qu’il élève dans un troisième Livre d’accusation une « plainte contre X », portée « devant votre Tribunal apostolique, Très Saint-Père », afin « d’en juger ex cathedra, infailliblement ».
L’erreur majeure de ce “ Catéchisme ” est celle que commet le Saint-Père lui-même en l’imposant à toute l’Église comme l’expression de son Magistère ordinaire et, à ce titre, considéré comme infaillible du seul fait qu’il est « reçu avec ferveur par tout le peuple de Dieu », sauf nous autres qui ne comptons, certes ! pour rien.
Mais le consentement du peuple de Dieu, pour être infaillible, doit être l’expression de son adhésion non seulement unanime aujourd’hui, « par l’autorité dogmatique et magistérielle du second concile du Vatican », mais hier et toujours. Ce qui n’est pas le cas du CEC, que l’abbé de Nantes qualifie de « catéchisme d’orgueil, catéchisme de fourbes », qui brise avec l’enseignement du concile de Trente et du catéchisme de saint Pie X, jamais nommé ! touchant les quatre chapitres, objets de la deuxième question : « en particulier dans sa doctrine sur l’Église, la Révélation divine, la liturgie, la liberté religieuse ».
Sur l’Église.
« La seule pensée d’appartenir à l’Église suffit à renouveler la jubilation de notre âme car l’Église est Sainte, semblable à son Époux Jésus-Christ dont elle a reçu une telle ressemblance qu’il n’y a rien au monde d’aussi beau, d’aussi sage, d’aussi majestueux que son visage et tout son être. Elle est notre Mère, et j’ajoute : elle est l’Épouse unique, incomparable, elle est seule sainte, sage, sublime, laissant loin dans leurs ténèbres décevantes fausses religions et philosophies. En elle se trouve réuni et prospère tout ce que le monde a de meilleur. » (Georges de Nantes)
Mais, selon le nouveau Catéchisme, Jésus-Christ « s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (G. S. 22, 2). On lit au numéro 1612 du CEC :
« L’alliance nuptiale entre Dieu et son peuple Israël avait préparé l’Alliance nouvelle et éternelle dans laquelle le Fils de Dieu, en s’incarnant et en donnant sa vie, s’est uni d’une certaine façon toute l’humanité sauvée par lui (G. S. 22, 2), préparant ainsi les “ noces de l’Agneau ” (Ap 19, 7-9). »
Ce texte introduit une idée totalement inédite selon laquelle cette union du Christ à toute l’humanité sauvée constituerait le lien indissoluble de l’Alliance nouvelle et éternelle, avec effet rétroactif donc, entre le Christ Époux et non plus l’Église visible, hiérarchique, sacerdotale, médiatrice de la grâce par la distribution des sacrements que son Époux a institués, depuis celui du baptême, qui introduit le nouveau-né dans l’Église, jusqu’à l’extrême-onction qui prépare l’entrée au Ciel.
Cette bizarre “ union ” ainsi acquise par le Christ avec tous les hommes paraît une suppléance, immense ! et bientôt sans doute un substitut automatique au baptême. Anathema sit !
Sur la révélation divine.
On lit au numéro 99 du CEC : « Grâce à son sens surnaturel de la foi, le Peuple de Dieu tout entier ne cesse d’accueillir le don de la Révélation divine, de le pénétrer plus profondément et d’en vivre plus pleinement. »
Ce n’est évidemment pas la réalité, ni d’hier ni d’aujourd’hui. Toute l’histoire de l’Église le montre. Par la faillibilité des esprits humains, par la défectibilité des cœurs humains se sont succédé toutes les terribles crises qui, de siècle en siècle, ont secoué l’Église, afin que nul ne se glorifie devant le Seigneur de son infaillibilité personnelle ! Et c’est encore par cette même insondable fragilité humaine que s’explique l’anarchie croissante dans laquelle tombe aujourd’hui la Cité sainte du peuple de Dieu, la « grande ville à moitié en ruine » de la vision du 13 juillet 1917 à la Cova da Iria.
« Comment encore afficher une telle prétention à l’indéfectibilité et à l’infaillibilité illimitées et perpétuelles du Pape, des évêques et de tout le peuple de Dieu, demande notre Père, quand, depuis 1960, tous savent ou devraient savoir le Secret de Fatima, annonçant l’apostasie générale de l’Église, en sa tête romaine et en la presque totalité de ses membres, dans l’abandon de la vraie foi et le péché contre le Saint-Esprit, en punition de leur mépris et refus des demandes de Notre-Dame formulées au nom de son Fils Jésus-Christ notre Dieu. »
Ce texte date de 1993. La publication dudit “ Secret ”, qui n’interviendra qu’en l’an 2 000, en vérifie point par point toutes les prévisions.
Sur la liturgie.
La liturgie est le service du culte rendu à Dieu pour s’unir à Lui moyennant la médiation de Jésus :
« 2602. Il porte les hommes dans sa prière, et Il les offre au Père en S’offrant Lui-même. Lui, le Verbe qui a “ assumé la chair ”, participe dans sa prière humaine à tout ce que vivent “ ses frères ” (He 2, 12). »
« 2606. Toutes les détresses de l’humanité de tous les temps, esclave du péché et de la mort, toutes les demandes et les intercessions de l’histoire du salut sont recueillies dans ce Cri du Verbe incarné. Voici que le Père les accueille et, au-delà de toute espérance, les exauce en ressuscitant son Fils. Ainsi s’accomplit et se consomme le drame de la prière dans l’économie de la création et du salut... »
Cependant, rappelle notre Père, Jésus disait dans cette même prière sacerdotale : « Je prie pour eux ; je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi. »
« J’ai peur que l’hérésie, pièce maîtresse de la gnose qui anime la catéchèse postconciliaire, ne triomphe dans l’Église par le moyen de ce Catéchisme d’orgueil, quand j’y lis certaines pensées de triomphe sans crainte ni amour de Dieu, à la gloire de l’homme que le Christ s’est uni pour toujours » :
« 1741. Par sa Croix glorieuse, le Christ a obtenu le salut de tous les hommes. Il les a rachetés du péché qui les détenait en esclavage. “ C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés. ” (Ga 5, 1) En Lui, nous communions à “ la vérité qui nous rend libres ” (Jn 8, 32). L’Esprit-Saint nous a été donné et, comme l’enseigne l’Apôtre, “ là où est l’Esprit, là est la liberté ” (2 Co 3, 17). Dès maintenant, nous nous glorifions de la “ liberté des enfants de Dieu ” (Rm 8, 21). »
« Nous ? qui ? Tous ! tous les hommes. Je crois entendre Jésus interrompre cet insolent péan : “ Vous ? Je ne vous ai jamais connus. Retirez-vous de moi, artisans d’iniquité ! ” (Mt 7, 23) »
Sur la liberté religieuse.
Les hommes de notre temps ont entendu avec plaisir la proclamation de la Liberté religieuse. Dès lors, ils se sont enfoncés dans leurs erreurs, leurs révoltes, leurs amours désordonnées, leurs cupidités terrestres : « Ils se sont idolâtrés eux-mêmes, se prenant réellement pour ce qu’ils n’étaient pas mais ce que Vous leur disiez faussement qu’ils étaient : peuple de dieux, peuple de prêtres, de prophètes et de rois !
« En cet orgueil, cette fierté, cette dignité, cette liberté dont ils se font gloire et que Vous faites profession d’admirer en eux comme une exacte ressemblance avec Dieu Père et Fils, ils en jouissent comme un défi perpétuel à leur Créateur. C’en est venu au point où une rixe va éclater entre l’un et l’autre monde. Le leur est celui de votre gnostique anthroposophie, en serez-Vous ? Le nôtre est celui de Jésus et de Marie, à jamais vainqueur.
« Que faire maintenant ? Sinon prêcher Jésus et Marie, Jésus crucifié et Marie transverbérée. Il faut leur apprendre que le moment est venu d’adorer l’Homme véritable, image et ressemblance du Père, son Fils Jésus-Christ, et l’Immaculée-Conception, sa Sainte Mère qui nous Le donne à chérir, afin de nous désoler de notre dissemblance et de notre malheur en cette vallée de larmes, dans l’attente d’une grâce de salut, émanée d’une incompréhensible et inestimable prédestination.
« Nous nous sommes égarés dans nos mirages, Très Saint-Père, nous nous sommes perdus dans notre gnose et enorgueillis d’avoir rêvé d’un dessein de grâce plus merveilleux que celui de Dieu même ! Nous avons rejeté le genre humain sous le joug du Menteur, du Satan des origines. Aujourd’hui, il croit triompher par notre faux Évangile. Ah ! repentons-nous, prêchons les justes voies du salut ! Il ne sera jamais trop tard pour réparer nos erreurs et nos extravagances. Par le Cœur Immaculé de la Vierge Marie, le Sacré-Cœur se laissera toucher et notre monde, humblement assoiffé de Vie, de Vérité, d’Amour, trouvera ou reprendra le chemin de l’Église, le chemin de Rome qui est celui du Royaume des cieux en ce monde et en l’autre. »
Le 13 mai 1993, l’abbé de Nantes, entouré de ses amis, vint une dernière fois à Rome remettre au Souverain Pontife et au cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, son troisième Livre d’accusation à l’encontre de l’Auteur du Catéchisme de l’Église catholique.
Il fut reçu par Mgr Damiano Caotorta, officier de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui prit note de la demande d’ouverture d’un procès canonique. Celle-ci n’eut pas de suite, mais notre Père avait accompli son devoir : celui du Suppliant qui, au sein de l’apostasie, réclame pitié pour les âmes auprès des autorités de l’Église.
LA RECONSTRUCTION : UNE CATHÉDRALE DE LUMIÈRE
La succession du pontificat de Jean XXIII, ouvrant le concile Vatican II, de Paul VI le menant à son terme, de Jean-Paul II le mettant en pratique, poursuivit le but d’une entente profonde avec toutes les religions, les peuples, les cultures de la terre, que l’abbé de Nantes a défini comme une transformation de l’Église catholique romaine, en Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie universelle (masdu) : préparer l’Église à une rénovation de sa foi et de sa pastorale en vue d’une « nouvelle évangélisation » et d’un « nouvel humanisme » pour le troisième millénaire.
L’œuvre de Georges de Nantes, notre Père, n’est autre chose que la défense et illustration de la doctrine catholique, « inchangée, inchangeable, non négociable, pour cause de perfection divine », qu’il n’a cessé de méditer et parfaire en doctrine « totale » pour répondre à l’immense apostasie qui résulte de cet adultère de l’Église, Épouse unique de Jésus-Christ pour engendrer par une nouvelle naissance les fils d’Adam à la grâce retrouvée, introduisant dans sa famille les “ autres religions ”.
PRÉPARER VATICAN III.
Le 13 mai 1971, il lance une campagne qui relève le défi du cardinal Suenens : « Au lieu de nous lamenter et de prêcher inutilement le retour au passé ou la “ réforme ” de Vatican II mais en “ modéré ”, préparons l’avenir ! » Il se livre à l’étude attentive et critique des Actes du Concile qui consiste en seize textes, “ constitutions ”, “ décrets ” et “ déclarations ”.
Après avoir décelé les germes d’hérésie, de schisme et de scandale semés dans ces documents, il formule, dans un exposé dogmatique, les contre-propositions de schémas réparateurs et conquérants.
Il a rebâti tous les traités de théologie mis à mal par Mgr Wojtyla avec son “ dogme ” de l’Incarnation définie comme l’union du Christ avec tout homme, quel qu’il soit, faisant de lui un dieu... Mais l’abbé de Nantes ne s’est pas contenté d’enseigner par la parole et par l’écrit une “ théologie totale ” et mystique catholique de la véritable union à Dieu, il l’a vécue dans une contemplation continuelle et un colloque incessant avec Dieu le Père, avec Dieu le Fils, nourri de tous les dons de Dieu le Saint-Esprit, en s’efforçant de nous introduire, nous les frères et les sœurs, dans cette famille divine...
Jean-Paul II a fait de la religion une dialectique hégélienne, tandis que l’abbé de Nantes en a fait un amour, comme le Père de Foucauld, comme sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Et il s’est employé toute sa vie à « faire aimer l’amour ». La première Page mystique, datée de février 1968, est un cri du cœur : « Notre Père qui êtes aux Cieux, je vous aime et je souffre. » De quoi souffre-t-il ? Comme saint François d’Assise, de ce que l’amour n’est pas aimé.
Pour faire aimer l’amour, il entreprend une “ Contre-Réforme catholique ” qui s’en prend non seulement à la troisième “ Réforme ”, celle du vingtième siècle, mais à la première, celle de Luther (1517), qui fit « le premier pas », comme disait saint Pie X en condamnant la deuxième, le modernisme (1907) qui fit « le deuxième pas », en attendant « le troisième », celui qui mènera à « l’athéisme » où nous sommes aujourd’hui.
« Les questions débattues sont nouvelles, en partie du moins, reconnaissait notre Père, et elles nous contraignent à résoudre des difficultés que les anciens ne connurent pas. Notre catholicisme aura ainsi des progrès théologiques et institutionnels à faire [...]. Nous ne voulons pas “ revenir ” à Vatican I, ni au concile de Trente ni à celui de Nicée ! Nous voulons que Vatican III décante Vatican II, isole et élimine son poison. »
Tel est le programme que l’abbé de Nantes remplira par des conférences mensuelles données salle de la Mutualité, à Paris, pendant vingt-cinq ans, et dans le mensuel de la Contre-réforme catholique au vingtième siècle, devenue à partir de l’an 2 000 Il est ressuscité ! pour reconstruire une Église figurée dans le “ troisième secret ” de Fatima publié en l’an 2 000, pour l’ “ entrée dans le troisième millénaire ”, comme « une grande ville à moitié en ruine ».
THÉOLOGIE KÉRYGMATIQUE.
De décembre 1972 à octobre 1973, le programme annoncé sous ce titre se déroule comme une proposition de réconciliation supérieure qui remédie aux étroitesses et aux fureurs sectaires que les nouveautés du concile Vatican II ont semées dans l’Église, et que la dialectique de Jean-Paul II n’a fait qu’aggraver. Revenir au “ kérygme ” apostolique, c’est revenir à l’annonce franche de la Parole de Dieu sur laquelle les Apôtres ont fondé l’Église le lendemain de la Pentecôte, après avoir reçu la plénitude de l’Esprit-Saint.
Dieu, notre Dieu, son Fils Jésus-Christ, leur Esprit d’Amour est-il un Dieu de l’ordre, ou de la Révolution ? Réponse “ kérygmatique ” à cet antagonisme qui déchire notre Chrétienté depuis cinq cents ans :
« Avec le Christ, je suis révolutionnaire, pour renverser le pouvoir du Prince de ce monde, et je suis conservateur de l’Ordre qui est le fruit de la nature et de la grâce dont l’humanité a déjà reçu, et attend encore mille merveilles. »
Ce principe a commandé l’analyse de l’actualité politique et religieuse exposée à la Mutualité en première heure de la réunion mensuelle, jusqu’en 1996. Les événements politiques et religieux sont compris et expliqués du point de vue de Dieu, pour y discerner « les signes des temps », comme ils disent, c’est-à-dire la volonté de Dieu comme nous disons, selon une orthodromie divine, c’est-à-dire une voie qui conduise à Dieu par la voie la plus directe.
Cette théologie kérygmatique a préparé l’esthétique mystique (nov. 77 – sept. 78), objet des conférences qui ont précédé la mort de Paul VI et l’avènement de Jean-Paul Ier pour un règne de trente-trois jours en 1978.
Le but est toujours le même : « la recherche d’une voie ouverte, praticable, vers Dieu, d’union à Dieu possible, parlante et sûre ». Cette esthétique se fait dramatique dès lors que la beauté se manifeste dans la laideur de la Croix et sur la Sainte Face de Jésus crucifié, « centre et sommet de toute esthétique » depuis que Jésus et Marie ont vaincu le péché, nous en ont purifiés par ce mystère de mort et de résurrection. Dès lors, trouver le Père dans le Fils, en quoi consiste la vraie religion, la seule vraie, c’est accéder à la Gloire par la Croix, c’est rechercher le bonheur dans l’épreuve, la richesse dans la pauvreté, la vie dans le sacrifice.
Depuis la Pentecôte, l’histoire de l’Église est la mise en œuvre du règne temporel du Sacré-Cœur sur toute la terre. « C’est dans pareille ascension mystique et à son point le plus haut d’élévation que se découvrent la racine et la source de cette charité apostolique, sociale, politique, qui s’exprime dans la deuxième demande du Pater, chère au Père de Foucauld, et conduit à la troisième : “ Que votre Règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. ” »
L’Église a resplendi au long des siècles de toutes les merveilles accomplies par le Saint-Esprit en elle par la lignée des saints, défenseurs intrépides de la pure foi catholique et réconciliateurs inlassables de la communauté filiale et fraternelle.
L’AMOUR DE L’ÉGLISE.
Pour une compréhension de ce que notre Père appelait notre “ ligne de crête ”, ni intégriste ni progressiste, mais traditionaliste, il faut lire ce chef-d’œuvre de l’histoire des Grandes crises de l’Église contenue dans les numéros de février à novembre 1975 de la CRC :
« La distinction la plus profonde, la plus solide, objective, des deux grandes attitudes toujours identiques à elles-mêmes qui se partagent l’intelligence chrétienne depuis les origines, est à chercher dans l’intelligence du Mystère révélé : ici la foi, la certitude mystique (je ne dis pas sentimentale) domine ; le sens surnaturel, la grâce, le divin prévalent. Là, en revanche, l’emportent la raison, la logique, le naturalisme, l’humanisme, la liberté de l’homme, le monde présent. Ici le Ciel attire l’être en extase, pour une vie éternelle ; là au contraire, c’est la terre qui retient l’homme occupé passionnément à s’y faire une vie indépendante et heureuse.
« Il semblerait qu’on doive donner entièrement et toujours raison au parti de Dieu, et tort au parti de l’homme. Voire ! La Vérité totale nous est toujours apparue finalement réconcilier l’un avec l’autre, en excluant les extrêmes. Elle a toujours été la synthèse révélée, présentée et expliquée par Dieu aux hommes, mystérieuse, de la surnature avec la nature, de la liberté et de la grâce, de la double connaissance, mais conjointe, de la foi et de la raison. C’est le parti de Dieu qui a le bon rôle, dès qu’un conflit s’élève dans l’Église. »
Ce rôle est celui d’un « traditionalisme intelligent », dont toute l’œuvre monumentale de notre Père est le fruit.
La preuve en est particulièrement fournie par son étude des sacrements, théologique et pastorale (novembre 1976 – août 1977). Même le Père Congar a tiré son chapeau ! devant cette réponse donnée à la révolte intégriste par une appréciation sereine, une étude approfondie de l’exacte valeur des nouveautés postconciliaires. En vue d’une synthèse nécessaire et réconciliatrice qui sera l’œuvre de Vatican III, « où les routines passées seront définitivement redressées et corrigées par les nouveautés d’aujourd’hui, mais elles-mêmes amendées et purifiées des erreurs qui les défigurent. Cela complique la stratégie des partis, en brisant le dualisme manichéen qui en fait la force militante ? Cela renforce d’autant le seul parti auquel nous tenions, qui est celui de l’Église. C’est dans cette unique voie que j’aperçois une issue, une porte de lumière. »
Jugement d’un vrai fils de l’Église... et de Marie.
FILS DE MARIE.
Une lumière reçue en entrant en théologie dogmatique au séminaire illuminera toute sa vie. À cette aune il sera amené à réorganiser tout le savoir qu’il nous enseigna à nous, ses fils et filles spirituels. Il raconte dans ses Mémoires et récits : « J’étais particulièrement attentif quand Monsieur Guilbeau s’occupa de la définition de la personne. J’avais été plusieurs fois contrarié, en philo, de la comprendre mal et d’en entendre très vite déduire des choses contraires à mes “ préjugés familiaux ”... et maurrassiens, telles que l’autonomie, l’indépendance, la dignité sublime, les droits inaliénables de la personne, de toute personne au service de laquelle le monde entier doit se ranger, tandis que l’individu, mais n’est-ce pas le même être ! n’est qu’un membre du tout social et se doit à son service jusqu’au sacrifice de la vie.
« Je demandai à Monsieur Guilbeau comment ce même mot de personne pouvait évoquer deux idées si différentes qu’elles paraissaient opposées, voire contradictoires : celle qu’il nous avait enseignée ce matin-là, qui venait d’une tradition philosophique plus que millénaire, caractérisant l’individu humain par son incommunicabilité, et celle qu’il avait précédemment dégagée de la tradition ecclésiastique, des Pères grecs, de saint Augustin, qui définissent les Personnes divines comme de pures relations, des “ relations subsistantes ”. Est-ce que subsistance et autonomie n’étaient pas des termes inconciliables avec ce don total, ces “ processions ” qui constituent les trois Personnes en Dieu ? »
En bref : « N’est-il pas fâcheux de désigner par le même mot, dans la société humaine, l’être indépendant, jaloux de ses droits, se disant souverain, et dans la société divine ces Personnes qui sont et se veulent toute relation, don sans réserve l’une à l’autre, pure paternité, filiation, amour ? Ne devrait-il pas y avoir cohérence, analogie, d’une sphère à l’autre ? Les personnes humaines ne devraient-elles pas se définir à l’image et ressemblance des Personnes divines plutôt qu’à l’opposé de leur admirable perfection ? »
Le Père Guilbeau écoutait son élève, « comme pris au dépourvu sur cette piste où je courais devant comme un enfant irréfléchi. » Là-dessus, il tomba malade, fut hospitalisé, opéré d’urgence. À son élève venu lui rendre visite, il dit en souriant : « Je ne vous oublie pas, je réfléchis... C’est une question très intéressante, mais difficile. C’est sans doute la clef... »
« J’eus le pressentiment que je n’aurais jamais de lui la réponse à cette question, une question devenue sienne dans son dialogue de mourant avec la Trinité Sainte. Quelques jours plus tard, il vit ce qu’il cherchait. » (Mémoires et récits, t. 2, p. 162-163)
« Voilà par quel drame je fus introduit à la théologie véritable. Son poids de grâce n’a cessé de grandir avec le temps, à mesure que cette question a fait sourdre en moi une immense nouveauté métaphysique et une théologie totale qui depuis quarante ans n’ont cessé d’illuminer mon esprit. »
Contre le rationalisme philosophique de Jean-Paul II et contre son solipsisme généralisé, tout inspirés de la “ philosophie des Lumières ”, et contre « le culte de l’homme » établi dans le monde par Paul VI, la “ théologie totale ” de Georges de Nantes est maîtresse de vérité et nous introduit « dans la seule religion au monde qui nouât entre le Ciel et la terre les liens d’une circumincessante, divine et humaine charité : le Fils de Dieu se faisant Fils en ce monde, Fils de Marie, en la bourgade de Nazareth, nous apprend à aimer toute filiation sur la terre ».
La philosophie elle-même en est renouvelée : la relation revenant aux sources de l’être, notre Père réorganisait tout le savoir humain en définissant l’être privilégié qu’est la personne humaine par ses relations d’origine.
La relation de filiation est le constitutif formel de la “ personne ” : de l’enfant tourné vers ses père et mère comme le Fils unique de Dieu, le Verbe, est tourné vers son Père, dérivent toutes les autres relations du disciple tourné vers son maître, de l’épouse tournée vers son mari, du chef de l’État vers le bien commun, de la colonie vers la métropole, du chef de l’Église vers le Christ, dans une “ dépendance ascendante ”, constituante, édifiant un corps mystique où les liens de la nature se joignent à ceux de la grâce, où toute la vie personnelle, comme celle du corps social est ordonnée à la charité. Vision plénière, rassurante, équilibrée, dont nos jeunes esprits ne mesurent pas la hauteur divine et la profondeur humaine, la longueur orthodromique et la largeur catholique :
« Nous sommes constitués tout entiers et à des titres multiples, relatifs. Nous sommes nés de relations à nos pères, nous vivons en relations avec nos contemporains, nous imaginons un avenir pour nos successeurs et nos descendants. Ah ! déjà quelle libération pour la charité et le service de la communauté, de l’Église et de la patrie ! »
Il s’agit de démontrer à l’homme qu’il n’est pas le centre de l’univers ni son terme, qu’il n’est pas à lui-même sa propre fin. Mais qu’étant créature de Je suis, il est appelé par lui à s’accomplir et à se sauver en faisant corps avec ses frères humains, dans le corps du Christ, à la louange de la gloire de Dieu ! Morale et mystique en sortent différentes, contraires aux principes en vigueur au siècle dernier où tout était dû à l’homme seul comme à l’absolu.
Aujourd’hui, nous savons que le bien, la beauté, la gloire de “ l’homme relatif ” consistent dans le service des autres, l’amour, la convivialité, l’union en un seul Corps, dans la docilité joyeuse à Dieu qui conduit tout à la plénitude universelle.
Cette Métaphysique totale (nov. 81 – sept. 82) se prolonge en une démonstration apologétique (nov. 84 – juin 85) qui décrit l’ordre de l’univers sous la lumière de cette certitude de la présence de Dieu sans cesse agissante dans sa création pour la poser dans l’être et en orienter le développement selon une “ orthodromie ” divine. Notre Père scruta ainsi l’histoire universelle pour en découvrir la force axiale : du big-bang originel à la révélation de Jésus-Christ où Dieu déclare son amour, à la fondation de l’Église et au retour de toute la création à Dieu, en Elle et par Elle, dans l’amour.
Ainsi, à l’âme de “ disciple ” qui se met à son école notre Père propose de conformer sa trajectoire personnelle à celle de l’univers et de... suivre la musique en prenant place dans ce mouvement de l’orthodromie divine, pour en être un élément vivant et non pas un cadavre sur le bas-côté de la route où avance le Saint-Père, d’un pas vacillant selon la vision du “ troisième secret ”, pour appartenir à ce royaume de Dieu, y militer en se joignant à ce grand corps mystique qu’est l’Église, pour y lutter avec ses frères contre les forces adverses sorties de l’enfer, pour l’honneur de Dieu, “ premier servi ”, pour le salut de tous les hommes.
D’octobre 1988 à juin 1996, notre Père s’appliquera à découvrir les ressorts de l’histoire volontaire de douce et sainte France, et sa place de « fille aînée de l’Église » dans le grand dessein universel. Dans cette perspective, il mit en lumière la clef de notre histoire contemporaine : en 1689, le Sacré-Cœur fit des demandes à Louis XIV qui, par son refus d’y répondre, attira le malheur de la domination d’une république satanique sur la France... jusqu’aujourd’hui.
De ces leçons de l’histoire universelle et, particulièrement, de l’histoire de France, résultent une...
MORALE ET POLITIQUE “ TOTALE ”.
De novembre 1983 à juin 1984, par l’enseignement d’une Politique totale, notre Père renouvelle la pensée de saint Augustin, de Bossuet et de Maurras touchant le rétablissement des autorités politiques et religieuses créatrices d’ordre. Afin de répondre aux erreurs causes du chaos actuel, particulièrement par les effets d’une morale des droits de l’homme agressivement contestataire, anarchiste et révolutionnaire, il articule la science politique sur toutes les autres sciences : histoire, philosophie, métaphysique ; et finalement sur la religion et la mystique chrétiennes.
Il touche alors au sublime lorsqu’il en appelle à la restauration d’une politique sacrée héritée de sainte Jeanne d’Arc.
Une telle politique est vraiment “ totale ”. Le roi de France en est la clef de voûte. Il fait l’unité morale, affective, volontaire de son peuple, condition, cause, source “ mystique ” de la vie et du salut de tous parce qu’entre eux règne une adhésion constante et active des membres à la volonté de la tête. Une telle communion ne peut exister que dans une nation catholique, car elle suppose un instinct civique, patriotique, nationaliste, soutenu par une énergie surnaturelle capable de l’emporter sur les forces de désagrégation qui dominent nos sociétés modernes, chaque personne cédant à la tentation originelle : « Vous serez comme Dieu. »
Or, c’est le Roi qui est le dispensateur de cette grâce victorieuse, en vertu du sacre qui lui confère un pouvoir de gouvernement aidé d’En-Haut. Cette légitimité “ mystique ” chrétienne trouve appui sur la fidélité des sujets, membres de l’Église catholique, au Christ et à son Église.
C’est assez dire que les vertus de Foi, d’Espérance et de Charité sont les piliers de cette alliance que Dieu a nouée avec sa créature “ personnelle ” en lui donnant l’être, en particulier avec son « lieutenant » sacré à Reims auquel il a confié le royaume de France en « commende ». Contrat inégal qui appelle notre reconnaissance. S’impose à la créature le bien doux devoir de rendre à Dieu amour pour amour, lui donner toute notre confiance, lui garder notre foi inchangée, inchangeable pour cause de perfection divine. Et l’aimant lui-même, tout lui-même, toutes ses pensées, toutes ses volontés, nous sommes appelés à aimer tout l’univers qu’Il a créé ; notre cher prochain, tous les hommes mais plus particulièrement ceux qui ont été placés dans notre univers propre, familier, avec lesquels nous entretenons des rapports quotidiens.
Dès lors que la “ personne humaine ” ne se définit pas tant par son “ essence ” d’ “ animal raisonnable ”, que par ses relations, une Morale totale (novembre 1985 – juin 1986) la tourne vers les autres : nous sommes beaucoup plus par les autres, pour les autres, avec les autres que nous ne sommes individus autonomes, indépendants et finalement égocentriques, pour ne pas dire, avec les “ pathologues modernes ”, autistes. Je ne suis pas « pour moi-même », mais je suis « pour les autres » et c’est là le champ d’une morale “ totale ” détaillant mes obligations, mes doux devoirs et finalement ma béatitude, ma valeur, mon mérite, ma gloire.
FATIMA.
Dans son apparition du 13 juillet 1917, Notre-Dame confia à Lucie, François et Jacinthe un “ secret ” en trois parties. La première est une vision de l’enfer :
« Vous avez vu l’enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs. Pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. »
Cette vision révèle l’atroce, l’indicible châtiment, douleur, désespoir qui est déjà parmi nous, sans aucune lumière ni amour, ni adoucissement, sur ces impies, les « pauvres pécheurs » que plaint doucement la Sainte Vierge parce qu’ils sont les damnés de demain qui, dès aujourd’hui, ici près de nous, vont en enfer.
Et Dieu regarde, attristé, ce monde déjà damné, encore jouissant et insolent, persécuteur de l’Église, défiant Dieu, en de nombreux lieux, pour lequel le Christ n’a pas prié (Jn 17, 9).
Cependant, « si l’on fait ce que je vais vous dire, beaucoup d’âmes se sauveront et l’on aura la paix ». C’est la deuxième partie du “ secret ”, qui concerne nos affaires terrestres : le purgatoire ici-bas. L’orthodromie fondée sur l’autorité divine dévoile et explique les suites de la « mauvaise paix » de 1919 et du refus opposé par la hiérarchie aux demandes de Notre-Dame. Ainsi, le secret de Fatima est « le véritable fil de la Vierge pour éclairer notre route mondiale et nous conduire au salut temporel et éternel ».
La fin de cette deuxième partie restait conditionnelle. « Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. » De l’obéissance de l’Église à cette volonté divine dépend le salut des âmes et la paix du monde. Tout est donc dans les mains du Saint-Père : il lui appartient de consacrer la Russie au Cœur Immaculé de Marie, après avoir ordonné aux évêques de se joindre à lui, pour qu’elle se convertisse ; à lui aussi de recommander la dévotion réparatrice des cinq premiers samedis du mois. Par ces simples demandes, c’est la nécessité de la conversion à l’Église catholique, la médiation de la Vierge Marie, l’autorité universelle du vicaire du Christ-Roi, l’existence du Ciel et de l’enfer qui sont rappelées au monde, toutes vérités qui heurtent précisément la “ gnose wojtylienne ”.
C’est pourquoi, lorsque le pape Jean-Paul II recommande, le 28 octobre 1981, la récitation du Rosaire, il se garde bien de mentionner explicitement la demande expresse que fit Notre-Dame, à chacune de ses apparitions de 1917, de la récitation quotidienne du chapelet.
Lors de son pèlerinage sur le lieu des apparitions, le 12 mai 1982, non seulement il ne révéla pas le secret tant attendu, mais il en parla avec désinvolture :
« Vous voulez que je vous enseigne un secret... ? C’est simple, et ce n’est déjà plus un secret : “ Priez beaucoup, récitez le chapelet tous les jours. ” »
La seule chose qui ne fut jamais un “ secret ” !
Dans sa prédication lors de ce pèlerinage, non seulement le Pape n’approuva pas la dévotion réparatrice mais il en détourna les fidèles :
« Dans la jubilante attente de concrétiser tout cela, complètement, à la sainte Messe de demain, vivons à plein, dès maintenant, en eucharistie, notre pèlerinage en nous offrant à Dieu par le Cœur Immaculé de Marie, en action de grâces et en disponibilité ; offrons nos sacrifices en union avec le Christ rédempteur et répétons dans une prière expiatrice et propitiatrice de nos âmes : “ Seigneur Jésus, c’est pour votre amour, en réparation des péchés et pour la conversion des pécheurs. ” » Or la formule exacte de la prière enseignée par la Sainte Vierge est : « Ô Jésus, c’est pour votre amour, en réparation des offenses au Cœur Immaculé de Marie et pour la conversion des pauvres pécheurs. » En outre, le Pape substituait à la consécration à Marie ou au Cœur Immaculé de Marie, l’offrande à Dieu par Marie.
Il cita aussi la prière de l’Ange :
« Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je Vous aime », mais il passa sous silence la seconde partie de cette prière : « Je Vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas, qui ne Vous aiment pas. » Pourquoi ?
Le matin de ce 13 mai 1982, il rencontra sœur Lucie seul à seule. Pendant l’entrevue, qui dura vingt à vingt-cinq minutes, la messagère du Ciel put lui remettre une lettre importante dans laquelle elle confirmait que les visions du “ troisième Secret ” sont en relation étroite avec les paroles de la Vierge qui les précèdent : elles décrivent, sous une forme allégorique, les promesses divines, et surtout les châtiments liés aux refus des hautes autorités de l’Église de satisfaire aux demandes du Ciel :
« La troisième partie du Secret, que vous êtes inquiet de comprendre, écrit-elle au Pape, est une révélation symbolique, qui se réfère à cette partie du Message, conditionnée par notre réponse ou notre non-réponse à ce que le Message lui-même nous demande : “ Si on écoute mes demandes, la Russie se convertira et on aura la paix ; sinon, elle répandra ses erreurs à travers le monde, etc. ” Étant donné que nous n’avons pas tenu compte de cet appel du Message, nous constatons qu’il s’est réalisé, la Russie a inondé le monde de ses erreurs. Et si nous ne voyons pas encore, comme un fait accompli, la fin de cette prophétie, nous voyons que nous y allons à grands pas. »
Sœur Lucie put constater jusqu’à sa mort que, conformément aux paroles de Notre-Seigneur, lors de la révélation de Rianjo, en 1931, ses ministres ne voulaient pas écouter sa demande.
Les pensées du pape Jean-Paul II couraient à l’opposé de celles du Cœur Immaculé de Marie. Le Pape souhaitait la réconciliation des “ Églises séparées d’Orient et d’Occident ”, mais il ne voulait pas pour autant « convertir » la Russie au catholicisme, puisque son grand dessein millénariste était de faire l’union de toutes les confessions, à égalité, sans laisser l’Église catholique se prévaloir d’aucune supériorité sur “ les autres ”. Tout son programme répondait à sa chimère d’un monde pacifique où les religions ne formeraient plus qu’un seul “ Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle ”, chimère dont la réunion qu’il organisa à Assise, le 27 octobre 1986, fut le symbole.
La contradiction violente qui existe entre les volontés de Dieu révélées à Fatima et les démarches interreligieuses pour la paix fut rendue manifeste, précisément au cours de la rencontre d’Assise, par un événement bouleversant. Un cortège s’était avancé, portant un brancard de procession sur lequel était dressée la statue de Notre-Dame de Fatima, au-dessus d’un berceau de fleurs arrangées en forme de cœur blanc portant la blessure, sur un fond de fleurs rouges. Or, le service d’ordre l’avait refoulé et le brancard avec la statue avait dû être abandonné là, par terre, dans l’herbe.
« Voilà l’incident qui donne à réfléchir, commenta l’abbé de Nantes, le signe céleste dans une longue journée froide et sans joie, sans foi, sans lumière, où Dieu sembla sourd aux prières qui montaient vers Lui. De quoi s’agissait-il ce jour-là, en ce lieu, en ce concours de tant de gens ? De la paix. De procurer au monde la paix. Par qui et par quels moyens ? Par toutes les religions et par tous les cultes.
« Et c’est alors que s’avance la personne qui a reçu de Dieu unique et véritable le don de la paix. Elle monte, elle approche, elle vient offrir à l’assemblée de toutes les religions le don de sa grâce à tous ceux qui voudront la prier et la supplier, et par Elle toucher le Cœur de son Fils, sans qui nul homme, nul peuple ne peut rien faire. Et voilà qu’elle est refoulée, quel signe ! Par respect pour le grand rabbin de Rome et le grand mufti de La Mecque, les adorateurs du serpent et les adorateurs du feu, et les sectateurs du bouddha qui, pour lors, siège tout en or sur le tabernacle vide de l’église Saint-Pierre !
« Mais qu’ont-ils fait à Assise ? Le but, le désir suprême de Jésus, c’est que les hommes, que le Pape, tous les évêques, que tous ouvrent leurs cœurs à Marie. Et à Assise, l’autre soir, ils l’ont expulsée, refoulée ! On préfère prier Bouddha et Allah pour la paix !
« Fatima nous apprend qu’Elle seule pourra nous secourir pour obtenir la paix du monde et la fin de la guerre. Et pourtant Elle seule est refoulée à Assise. Par un Pape qu’elle avait, dit-il lui-même, sauvé de la mort le 13 mai 1981, cinq ans auparavant. Quel égarement sans remède ! » (CRC n° 228, déc. 1986, p. 10-11)
« Notre catholicisme aura des progrès théologiques et institutionnels à faire [...]. Nous ne voulons pas “ revenir ” à Vatican I, ni au concile de Trente ni à celui de Nicée ! Nous voulons que Vatican III décante Vatican II, isole et élimine son poison. »
Tel est le programme que l’abbé de Nantes remplira par des conférences mensuelles données salle de la Mutualité, à Paris, pendant vingt-cinq ans, et dans le mensuel de la Contre-réforme catholique au vingtième siècle ! pour reconstruire une Église figurée dans le “ troisième secret ” de Fatima, comme « une grande ville à moitié en ruine ».
À ses côtés, frère Bruno de Jésus-Marie qui poursuivra inlassablement son œuvre de Contre-Réforme catholique.
NOTRE RÉPONSE À LA TROISIÈME QUESTION
Comme l’abbé de Nantes de son vivant, nous reconnaissons pleinement l’autorité légitime et ininterrompue du magistère des papes, successeurs de l’apôtre Pierre, en particulier celle de Paul VI, de Jean-Paul Ier, de Jean-Paul II de Benoît XVI et enfin celle évidemment du pape François et nous nous déclarons a priori et par principe, en tant que fils de l’Église, pleinement soumis à leur magistère mais dans les limites canoniques de l’exercice légitime de leur pouvoir d’enseigner, en tant que chefs suprêmes et immédiats de tous les pasteurs et de tous les fidèles.
En effet, avec l’avènement de Jean XXIII mais surtout avec l’avènement de Paul VI, le Magistère des Souverains Pontifes, qu’il soit ordinaire ou solennel et dans tous les cas infaillible, s’est maintenu mais il a été altéré, dévoyé au point de le rendre stérile par un magistère concomitant d’un nouveau type, magistère étrange, “ prophétique ”, “ pastoral ”, “ authentique ” par lequel les Souverains Pontifes se sont attribué un pouvoir égal à celui conféré par Notre-Seigneur Jésus-Christ aux seuls Apôtres pour fonder l’Église ; c’est en vertu de ce magistère novateur, étranger à leur charge première de confirmer leurs frères dans la foi, abusivement subordonné à l’autorité du concile Vatican II, que Paul VI et Jean-Paul II ont prétendu conduire l’Église dans la voie subversive d’une réforme permanente, d’une ouverture au monde avec à la clef la falsification des dogmes, le bouleversement de la liturgie sacrée et l’anéantissement de la morale et du droit catholique, en rupture absolue avec le Magistère traditionnel de l’ensemble des papes qui les ont précédés sur le Siège de saint Pierre.
L’abbé de Nantes a critiqué cet enseignement novateur, a fait savoir publiquement son opposition aux erreurs qu’il contenait, en particulier le culte de l’homme se substituant au culte de Dieu proclamé par Paul VI et dont Jean-Paul II a ensuite prétendu jeter des bases doctrinales, mais il s’en est remis au Magistère définitif et souverain de l’Église en dressant trois livres d’accusation en hérésie, schisme et scandale à l’encontre des papes Paul VI et Jean-Paul II pour les engager à se rétracter ou bien à définir infailliblement les nouveautés contenues dans leurs enseignements ; ces trois livres sont jusqu’à ce jour demeurés sans réponse, l’abbé de Nantes ne se voyant pour sa part signifier aucune erreur.
En tant que fils spirituels de l’abbé Georges de Nantes, donc ses héritiers, nous faisons nôtres les accusations contenues dans ces trois livres d’accusation et considérons qu’elles visent indirectement tout Souverain Pontife dès lors qu’il entend se solidariser avec les enseignements novateurs et donc faillibles des papes Paul VI et Jean-Paul II pour fonder les décisions relevant de son Magistère.
Tant que ces accusations, directement ou indirectement, ne feront pas l’objet d’une décision infaillible et définitive de la part du Magistère, nous les Petits frères et les Petites sœurs du Sacré-Cœur continuerons à demeurer en soustraction d’obédience selon laquelle nous discernons de notre mieux, selon le critère infaillible de la Tradition, ce qui procède du Magistère coutumier et catholique du Souverain Pontife régnant pour nous y soumettre, et ce qui vient de cette autorité usurpée pour la Réforme de l’Église, que nous tenons pour nul et non avenu.
QUATRIÈME QUESTION :
« Reconnaissez-vous le magistère ordinaire et l’autorité de l’évêque dont vous dépendez ? »
Nous avons un doute quant au sens du terme « magistère ordinaire ».
L’auteur de la question l’entend-il dans le sens “ ordinaire ” à savoir : enseignement que l’Église a toujours et universellement tenu pour certain ? Sans doute non.
Quoi qu’il en soit, notre réponse sera la même que pour la troisième question.
Nous reconnaissons pleinement l’autorité légitime des évêques, successeurs des Apôtres, dont nous dépendons et nous nous déclarons pleinement soumis à leur magistère mais dans les limites canoniques de l’exercice légitime de leur pouvoir d’enseigner, en tant que chefs de leurs Églises respectives.
En vertu de notre situation en soustraction d’obédience, et dans l’attente d’une décision infaillible et définitive du Magistère sur nos graves soupçons d’hérésie sur les enseignements nouveaux, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent se prévaloir de la Tradition unanime de l’Église, nous discernons de notre mieux, selon le critère infaillible de cette Tradition, ce qui procède du Magistère coutumier et catholique des évêques dont nous dépendons pour nous y soumettre, et ce qui vient de cette autorité usurpée pour la Réforme de l’Église, que nous tenons pour nul et non avenu.
CINQUIÈME QUESTION :
Cette cinquième question en comporte en réalité deux.
« Quels sont les statuts ou les textes régulateurs de la communauté ? »
Malgré tous les efforts de Mgr Pontier à ostensiblement ignorer notre état religieux, l’auteur de cette question emploie, à notre endroit le terme de « communauté ». Il est trop évident que nous formons entre nous, dans les faits à défaut d’une reconnaissance en droit, une communauté religieuse dans le sens canonique du terme. Et comme toute communauté religieuse celle-ci est effectivement soumise à une Règle.
Notre Père fondateur, l’abbé Georges de Nantes, rédigea en 1957 cette règle intitulée “ Règle provisoire des petits frères du Sacré-Cœur de Villemaur ”. Villemaur parce que c’est dans cette petite paroisse de son diocèse que Mgr Julien Le Couëdic, alors évêque de Troyes, permit son installation le 15 septembre 1958. Cette Règle provisoire se trouve certainement dans les archives de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique car Mgr Philippe, alors secrétaire de la Congrégation des religieux, l’approuva “ ad experimentum ”, en juin 1963.
Après que se sont écoulées soixante et une années, notre Ordre se trouve encore sous ce régime “ provisoire ”, ce qui ne nous a pas empêchés de persévérer dans notre vocation de Petits frères du Sacré-Cœur, à l’école de sainte Marguerite-Marie et du Père de Foucauld, sous la houlette de notre Père fondateur, l’abbé de Nantes, leur fervent disciple. Et les vocations ont afflué...
Nos vœux religieux de pauvreté, chasteté et obéissance demeurent toutefois des “ vœux privés ” tant qu’ils n’ont pas été reconnus par l’Autorité légitime qui est l’Ordinaire du lieu en communion avec le Pape. Mais en attendant, nous les prononçons sous le voile de la Très Sainte et Immaculée Vierge Marie, la véritable Générale et Protectrice de nos communautés, depuis que notre Père fondateur, Georges de Nantes, lui a « passé la main » en la fête de l’Immaculée Conception de l’an de grâce 1997.
Depuis lors, au même titre que la dévotion au Sacré-Cœur, les communautés des Petits frères et Petites sœurs du Sacré-Cœur embrassent la dévotion au Cœur Immaculé de Marie et la répandent avec zèle pour répondre à une Volonté de Dieu révélée par Notre-Dame à Fatima en 1917 : « Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. » (13 juin 1917) Les frères et les sœurs pratiquent et font connaître tout particulièrement la dévotion réparatrice des premiers samedis du mois qui réunit les amis de notre mouvement à la maison Saint-Joseph. Au moins un chapelet est récité chaque jour en communauté pour obéir à Notre-Dame de Fatima.
Afin de garder l’Esprit de l’Église, et « de purifier leurs esprits du venin de l’indépendance et de la critique pour chercher la vérité et l’unité » (Règle provisoire, article 22), les postulants et novices commencent par s’imprégner de toute la doctrine et de l’œuvre de notre Père fondateur, qui n’est autre chose que la défense et illustration de la doctrine catholique, qu’il n’a cessé de méditer et parfaire pour répondre aux erreurs propagées par le concile Vatican II.
« Êtes-vous disposés à communiquer votre Règle, et le cas échéant, à travailler à son évolution si l’autorité ecclésiastique légitime juge opportun de le faire ? »
Nous répondons à l’auteur de cette question : votre demande n’est pas de saison ! Et voici pourquoi.
Notre Règle religieuse elle-même, conçue et rédigée en 1957, avant la mort de Pie XII, constitue une Règle de vie en tous points contraire à « l’évolution » que la hiérarchie a cru « opportun » d’imposer à l’ensemble des ordres religieux traditionnels, particulièrement sur le chapitre de l’obéissance... vis-à-vis de leurs fondateurs... Et l’Église fait aujourd’hui la cruelle expérience des conséquences d’une “ Réforme ” qui a aboli la notion même de maîtres et de disciples au nom de la liberté ! C’est précisément par fidélité à notre vœu d’obéissance que nous nous abstenons de communiquer notre Règle à une autorité ecclésiastique aussi légitime soit-elle mais qui a manifestement pris la résolution de la faire évoluer avant même d’en avoir pris connaissance.
Notre Père a par ailleurs toujours considéré notre vocation personnelle de Petit frère et de Petite sœur du Sacré-Cœur, la reconnaissance canonique de nos communautés comme des questions secondaires par rapport au combat de Contre-Réforme qui est le service, certes pas toujours compris de la hiérarchie, pourtant le plus utile à l’Église.
Dès lors que nous mettons en doute l’orthodoxie du concile Vatican II et des enseignements subséquents des Souverains Pontifes et de toute la hiérarchie, notre soustraction d’obédience implique aussi et nécessairement le maintien du statut “ provisoire ”, “ ad experimentum ” de nos communautés, en attendant le jugement doctrinal que notre Père et nous à sa suite demandons avec force. Ce statut humilié et humiliant, refusé par tous les mouvements traditionalistes, est celui auquel a consenti notre Père pour lui et ses communautés jugeant avec sagesse que c’est le seul qui convient pour rester dans l’Église, certes à la dernière place, mais sans frayer avec la Réforme engagée lors du concile Vatican II et que nous dénonçons publiquement.
Selon la règle posée par Notre-Seigneur Jésus-Christ, lui-même, les œuvres dans l’Église sont d’abord jugées à leurs fruits. Et force est de constater que ceux produits par nos communautés et notre mouvement sont certes modestes d’un point de vue naturel, mais excellents d’un point de vue surnaturel. Soixante et un an après la fondation de notre Ordre dans le diocèse de Troyes et son installation depuis dans plusieurs autres diocèses, la démarche de Mgr Pontier et malgré toutes ses précautions terminologiques prises dans sa lettre, ne serait-elle pas indirectement la reconnaissance de ces fruits ?
En l’absence de tout soutien, de toute protection, de tout souci pastoral que la hiérarchie aurait pu et aurait dû nous témoigner, malgré notre grave différend doctrinal, les Petits frères et les Petites sœurs du Sacré-Cœur ont persévéré, avec la grâce du Bon Dieu, dans leur vocation de religieux missionnaires. Leurs communautés sont passées au travers de tous les obstacles qui n’ont cessé de surgir et dont certains étaient humainement insurmontables. Vaille que vaille, ils ont su préserver leur unité, humainement inexplicable. Aucun scandale, aucun désordre, aucune irrégularité de quelque nature que ce soit n’est venu éclabousser leur réputation et donc celle de l’Église qui est leur seule et unique famille. Dans les années 1990, on entreprit de nous désigner comme une secte. Paradoxalement, les enquêtes sociales, fiscales et policières n’ont pas eu d’autre effet que de mettre en lumière la parfaite régularité de notre vie de communauté. Toutes nos maisons sont honorablement connues... et sur tous les sujets...
Et le rappel à Dieu de notre Père fondateur, le 15 février 2010, n’a en rien affaibli notre unité mais a montré que celle-ci est fondée sur la Vérité de la foi catholique reçue de l’Église. Notre attachement, notre affection, notre admiration de notre Père fondateur ne se sont pas arrêtés à sa personne. Mais son œuvre prodigieuse qu’il nous a laissée en dépôt et dont nous et nos amis vivons quotidiennement en attendant de pouvoir la confier à l’autorité ecclésiastique légitime, son cœur très paternel, nous engagent à aimer plus que tout le Bon Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Très Sainte Vierge et l’Église que nous voulons servir.
Nos communautés ne font jamais perdre la foi à ceux qui veulent nous suivre dans notre combat de Contre-Réforme. Au contraire, elles fortifient leur amour, leur admiration de l’Église, et pas seulement celle d’autrefois, et les dissuadent de désespérer de cette Réforme qui les tente d’abandonner toute pratique religieuse ou de se retrancher dans une chapelle intégriste. Nos communautés, par la régularité de notre vie religieuse, par la prière et l’enseignement de notre Père les aident à garder une confiance surnaturelle en l’Église et en ses légitimes pasteurs. En toutes occasions, et malgré notre différend d’ordre doctrinal, nous prenons part à tout service liturgique ou paroissial célébré par les ministres du culte en communion avec l’Ordinaire du lieu et nous demandons à nos amis d’en faire de même en restant “ fidèles ” à leurs paroisses, à leurs curés.
Bref, notre Ordre a fait la preuve et depuis longtemps de son ecclésialité. Donc pour ce qui est de sa reconnaissance canonique... restons en là. Les conditions ne sont pas encore remplies pour que cette question puisse figurer à l’ordre du jour.
APOCALYPSE
Notre-Dame de Fatima voulait que le “ troisième secret ” fût dévoilé en 1960. Nous pouvons comprendre aujourd’hui pourquoi : ses avertissements étaient destinés à dissuader le Saint-Père d’entreprendre une “ réforme ” de l’Église dont les plus lucides de son entourage prévoyaient qu’elle conduirait l’Église à la ruine.
Mais Jean XXIII, après avoir pris connaissance de ce texte, s’en détourna en déclarant : « Cela ne concerne pas mon pontificat. » C’est pourquoi il n’entendit pas le triple appel de l’Ange à la pénitence, conformément aux prévisions de sœur Lucie au Père Fuentes en 1957 :
« N’attendons pas que vienne de Rome un appel à la pénitence de la part du Saint-Père pour le monde entier ; n’attendons pas non plus qu’il vienne de nos évêques dans leur diocèse, ni non plus des congrégations religieuses. Non. Notre-Seigneur a déjà utilisé bien souvent ces moyens et le monde n’en a pas fait cas. C’est pourquoi, maintenant, il faut que chacun de nous commence lui-même sa propre réforme spirituelle. Chacun doit non seulement sauver son âme mais aussi toutes les âmes que Dieu a placées sur son chemin. »
Paul VI, le successeur de Jean XXIII, fut en vérité « l’Évêque vêtu de blanc » dont les enfants pressentaient que c’était le Saint-Père bien qu’il fût dépouillé des insignes de sa souveraineté. Nous comprenons aujourd’hui que le pape Paul VI avait déposé la tiare en signe de renoncement à sa triple couronne : magistère doctrinal infaillible, primauté universelle de son gouvernement, œuvre de sanctification de son troupeau par les sacrements, délaissés ou même profanés par la “ communicatio in sacris ” de l’œcuménisme.
C’est l’Ange qui appelle à la pénitence, trois fois :
« Pénitence, pénitence, pénitence ! »
« Et nous vîmes dans une lumière immense qui est Dieu “ quelque chose de semblable à l’image que renvoie un miroir quand une personne passe devant ” : un Évêque vêtu de Blanc. “ Nous eûmes le pressentiment que c’était le Saint-Père. ”
« Plusieurs autres évêques, prêtres, religieux et religieuses gravissaient une montagne escarpée, au sommet de laquelle était une grande Croix de troncs bruts comme si elle était en chêne-liège avec l’écorce. Le Saint-Père, avant d’y arriver, traversa une grande ville à moitié en ruine et, à moitié tremblant, d’un pas vacillant, affligé de douleur et de peine, il priait pour les âmes des cadavres qu’il trouvait sur son chemin. »
« À moitié » seulement, car il reste le chef de cette Église elle-même « à moitié en ruine », qu’il traverse « à moitié tremblant, d’un pas vacillant », lui le “ roc ” sur lequel l’Église est bâtie, « affligé de douleur et de peine ». Le pape François paraît prédestiné à remplir l’issue tragique de cette démission du magistère, du gouvernement, de la sanctification dont il reste pourtant le détenteur.
« Au Portugal se conservera toujours le dogme de la foi. À la fin mon Cœur Immaculé triomphera. »
La conclusion du grand Secret dont nous vivons toutes les étapes depuis cent ans révèle le Paradis de Marie, le domaine de la Sainte Vierge, la terre, la maison, la famille de Fatima, « oasis de pureté, de fraîcheur, de joie et de dévotion mariale, qui reste la vitrine du Paradis au milieu de l’enfer et du purgatoire de ce monde, afin que nul des enfants de Marie ne s’égare et se perde dans ces années difficiles ». Sachant que « Fatima est partout où quelque âme, famille, paroisse, couvent, nation adhère aux messages du Ciel qui sont tout un catéchisme, et accomplit les demandes de Notre-Dame, qui sont, par sa grâce, toute une pratique de la vraie religion, inchangée.
« Il y a grande place dans cette “ nouvelle Jérusalem descendue du Ciel, d’auprès de Dieu, sainte Cité, parfaite, comme une épouse ornée pour son Époux ” au jour de ses noces. »
Le Cœur Immaculé de Marie est en effet un “ refuge pour tous ”, toujours prêt à accueillir les “ naufragés de ce monde ”, et c’est en cette “ Ville-Marie ”, que se prépare la victoire définitive du Cœur eucharistique de Jésus à Rome d’abord, reconstruite, et par elle, à toute la terre y compris la terre d’islam : de Rabat à Djakarta. Au moment même où notre Père fondait notre communauté de moines-missionnaires, il me chargeait de proposer une nouvelle traduction du Coran, à la lumière d’une intuition qui se révéla extrêmement féconde : le Coran est l’œuvre d’un “ savant venu d’ailleurs ”.
Ce travail ardu mais passionnant fut rendu possible par l’application au texte coranique de la méthode historique et critique, et particulièrement de la méthode exégétique que notre Père avait apprise avec bonheur au séminaire pour étudier la Sainte Écriture, et dont il nous communiqua l’enthousiasme. Ainsi étudié, le Coran se révèle le produit d’une sagesse juive et chrétienne ! que son auteur prétend « accomplir », après Moïse et Jésus ! dans la religion parfaite, l’islam, de l’unique Alliance du Dieu Unique avec Abraham... et Ismaël !
Cette découverte prodigieuse faisait écrire à notre Père : « Aux croyants sincères, tant de l’islam que du judaïsme, et plus encore à ceux de notre sainte religion catholique, la constante référence de l’auteur du Coran à la Torah et l’Évangile, mise en lumière par vous, constitue non seulement la clef d’un texte rendu de ce fait, intelligible et cohérent, mais encore et surtout une pressante invitation à retourner ensemble à l’unique et pure vérité de la Révélation divine, afin de nous retrouver tous unis, s’il est possible, dans le même culte et le même amour [...].
« Ainsi sommes-nous reconduits, par lui [l’auteur] mieux que par les commentaires modernes, souvent modernistes, et généralement encombrés d’un appareil scientifique rebutant, au mystère de Jésus-Christ, Fils de Dieu, Fils de Marie, dans cette plénitude de vérité que saint Jean contempla et fut inspiré de révéler au monde » après avoir « pris chez lui » la Vierge que Jésus lui avait donnée pour Mère à jamais ! du haut de la Croix.
Je vous prie d’agréer, Monseigneur, l’expression de mes sentiments religieux et dévoués,
Frère Bruno de Jésus-Marie,
Supérieur général de l’Ordre des Petits frères et des Petites sœurs du Sacré-Cœur.
NOTRE RECOURS A ROME !
Jésus ! Marie ! Joseph !
À son Éminence,
le cardinal Luis Francisco Ladaria Ferrer S. I.
Préfet de la Sacrée congrégation pour la doctrine de la foi
Palazzo del Sant’Uffizio
00120 Città del Vaticano
Saint-Parres-lès-Vaudes, le 13 juin 2019
Deuxième apparition de Notre-Dame à Fatima.
Par lettre recommandée avec accusé de réception.
Éminence Révérendissime,
Ayant l’honneur de m’adresser à Votre Grandeur, et avant de vous exposer l’objet de ma requête, je dois faire miennes les paroles que l’abbé de Nantes adressa le 16 juillet 1966 au cardinal Alfredo Ottaviani, l’un de vos prédécesseurs à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi dont vous êtes aujourd’hui le Préfet par décision de notre Saint-Père, le pape François :
« Il m’est bon de déclarer avant toute chose ma foi surnaturelle, docile, certaine et entière, à tout ce que la Sainte Église, apostolique, et romaine nous enseigne comme révélé par Notre-Seigneur Jésus-Christ qui, étant Fils de Dieu, Dieu Lui-même, ne peut ni se tromper, ni nous tromper. Je professe que le Magistère de l’Église, en ses pasteurs légitimes, Notre Saint-Père le pape Paul VI et le corps des évêques unis à lui, a autorité pour fixer en termes dogmatiques les vérités auxquelles nous devons croire, et pour porter en termes canoniques des Lois auxquelles nous devons soumettre notre vie religieuse et notre conduite morale ; cela, non de manière totalitaire ou arbitraire, mais selon des raisons et qualifications diverses que ce Magistère a lui-même établies. C’est donc avec une parfaite confiance et une sereine soumission d’esprit et de cœur que j’ose m’adresser à cette Sacrée Congrégation en la personne de son Pro-Préfet. Il me suffit pour être enclin à une prompte et entière obéissance, de savoir que ma requête n’est plus adressée à des hommes aux convictions incertaines et aux volontés fluctuantes, mais à une Autorité, divine en sa source, légitime en son action, dépendant en tout de Jésus-Christ et jalouse d’en invoquer l’Autorité souveraine en entourant ses décisions de toutes les garanties du droit. »
Vous trouverez sous ce pli, Éminence, la lettre datée du 15 avril 2019 que Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille, m’a adressée personnellement en ma qualité de « responsable du mouvement de “ Contre-Réforme catholique ” », autrement dit, en ma qualité de supérieur général de l’Ordre des Petits frères et des Petites sœurs du Sacré-Cœur fondé par l’abbé Georges de Nantes auquel je succède. L’archevêque de Marseille m’a donc bien transmis le questionnaire préparé par votre Congrégation et je vous informe avoir déposé ce matin à l’attention de Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes, trois exemplaires d’un mémoire en réponse, dont l’un était à transmettre à Mgr Yves Patenôtre.
J’ai l’honneur de vous remettre deux exemplaires de ce mémoire.
En guise de réponse à la lettre que j’avais adressée le 29 septembre 2012 à Mgr Marc Stenger, la Congrégation pour la doctrine de la foi nous interroge sur notre adhésion au deuxième concile du Vatican et au Magistère des Souverains Pontifes. Par conséquent, il me semble logique, Éminence, de m’assurer que vous êtes personnellement destinataire de nos réponses minutieuses aux cinq questions difficiles qui nous ont été posées. Je les ai formulées au nom des religieux de nos communautés puisque nous ne faisons, entre nous, sur de pareils sujets, qu’un seul cœur et qu’une seule âme.
L’abbé de Nantes, notre Père, et nous, ses disciples, mettons en cause l’orthodoxie des nouveautés doctrinales énoncées par le deuxième concile du Vatican et les papes Paul VI et Jean-Paul II. Notre doute insurmontable soulève une question fondamentale : celle de la légitimité de cette formidable réforme de l’Église entreprise à marche forcée, mais au nom de la liberté, par nos légitimes pasteurs dès l’année 1965. Cette question est donc d’un intérêt qui dépasse largement ceux de nos personnes, de notre communauté et même ceux des Églises locales où sont implantées nos maisons. Elle concerne l’Église universelle et relève donc de la juridiction universelle du Saint-Père et de la Congrégation chargée de l’assister dans la défense de la doctrine de la Foi.
Au moment même de leur discussion, notre Père a critiqué ces nouveautés doctrinales contenues dans les Actes du Concile et dès leur adoption, tel un bon fils vis-à-vis de son père, il s’est empressé de révéler au Souverain Pontife ses pénibles doutes. Et tout en s’opposant publiquement et fermement à cet enseignement novateur, faillible et réformable, il a fait appel au Magistère extraordinaire pour que soient ramenées par l’Église, au nom de la Vérité de la foi, l’unité et la paix. Mais les papes Paul VI et Jean-Paul II ont laissé sans réponses les appels de l’abbé de Nantes, s’abstenant ainsi d’exercer leur Magistère sur lequel nous sommes aujourd’hui interrogés.
Je vous laisse prendre connaissance de notre mémoire lequel, une fois déposé, me donne le droit de réitérer auprès de votre Grandeur ma requête qui vous avait été transmise par Mgr Marc Stenger et qui tendait à ce que l’Église de Rome, Mère et Maîtresse de toutes les Églises, opère enfin avec puissance et décision, avec toutes les garanties de l’infaillibilité, une œuvre doctrinale de discernement parmi les enseignements novateurs contenus dans les Actes du deuxième Concile du Vatican et dénoncés comme hérétiques, schismatiques et scandaleux par l’abbé de Nantes notamment dans ses trois livres d’accusation à l’encontre même des papes Paul VI et Jean-Paul II.
Daignez agréer, Éminence, l’expression de mes sentiments respectueux et dévoués,
frère Bruno de Jésus-Marie.
Supérieur général de l’Ordre des Petits frères et des Petites sœurs du Sacré-Cœur.