3. Le schisme absolu : Le mépris de Dieu

C E qui Vous épargne toute opposition sérieuse — la nôtre est minuscule — c'est qu'on ne vous comprend pas, Très Saint Père. Cardinaux, Évêques, prêtres et peuple fidèle, même les plus progressistes, ont une idée du Pape trop profondément imprimée en eux pour être libres de Vous écouter, de Vous étudier et de Vous voir enfin tel que Vous voulez être. Ils ont la conviction ancrée que le Pape, “ Serviteur des serviteurs de Dieu ”, est uniquement préoccupé de garder l'unité de la foi catholique, la validité des sacrements, le bon ordre, la prospérité, l'expansion de l'Église. C'est fini, cela ! Le Pape craignant Dieu, aimant Notre Seigneur Jésus-Christ, suivant les inspirations du Saint-Esprit, c'est fini ! Comment l'accepteraient-ils ? Comment même le comprendraient-ils ? Vous pouvez donc en toute quiétude poursuivre votre Grand Dessein.

CE GRAND DESSEIN QUI BRISE L'ŒUVRE DE DIEU

Vous êtes vraiment le premier Pape qui renonce ainsi à se cantonner dans sa charge particulière de Chef de l'Église pour ambitionner un service plus vaste de toute l'humanité. Vous vous croyez une vocation providentielle, vraiment unique, en cet instant solennel de l'Histoire, celle d'établir la paix sur la terre en réconciliant toutes les croyances et tous les cultes dans une seule religion universelle. Vous rêvez d'être le grand fédérateur des peuples, à la gloire de Jésus-Christ, bien entendu ! Servir l'homme est votre ambition suprême.

Sacrifier l'Église, ses fidèles, sa tradition, ses institutions, pour réaliser ce grand dessein, Vous ne le voulez sans doute pas explicitement. Dans votre rêve, Vous imaginez au contraire que c'est à proportion de sa vitalité qu'elle pourra conserver le “ leadership ” des religions unies... Si donc Vous la brisez, si Vous la menez à sa perte, ce n'est pas votre volonté délibérée. Ce n'en est qu'un effet indirect, regretté.

Mais il y a dans votre dessein, sans que Vous y preniez garde, une telle indifférence à l'Église de Dieu qu'elle implique un parfait mépris de Celui qui en est le Fondateur, le Sanctificateur, le seul Maître et l'Époux. C'est là, comme je vais le démontrer, la profondeur abyssale de votre schisme, schisme absolu, séparation du Dieu de l'Église.

Les hypothèses des théologiens concernant le cas du “ pape schismatique ” sont ici totalement dépassées. Ils ont imaginé que le Pape pourrait négliger les affaires ecclésiastiques pour s'adonner aux affaires temporelles, à la manière d'un Jules II, entreprendre de grands desseins politiques, faire la guerre, au point de ne plus du tout gouverner l'Église. Il y aurait schisme par rupture de l' “ unité de direction ”. Le Pasteur occupé ailleurs et d'autre chose que de son Troupeau, les brebis seraient dispersées. Ce cas n'est pas le Vôtre. Vous avez souvent déclaré, il est vrai, n'avoir aucun intérêt matériel, ne poursuivre aucune ambition temporelle, et Vous aimez rappeler que Vous n'êtes Chef d'État que d'apparence et de convention.

Mais votre cas est beaucoup plus grave. Ce grand dessein que j'appelle MASDU, la formation d'un nouveau et gigantesque « Mouvement d'Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle », Vous crée un centre d'intérêt politique, si abstrait et chimérique que soit ce centre, et une ambition temporelle d'autant plus forte qu'elle n'est plus locale mais planétaire. Or, voilà l'inédit, ce projet englobe l'Église comme l'un de ses éléments. Il implique, non pas que Vous vous désintéressiez de l'Église, ce qui serait en somme un schisme mineur, mais que Vous asservissiez l'Église au Monde dont vous rêvez d'être Prince, Prince de la paix, et donc, pour tout dire en un mot, que Vous « ne discerniez plus le Corps du Seigneur », selon le mot de Saint Paul 411 Cor. 11, 29.

Implacable logique de votre Grand Dessein : Vous ne discernez plus l'Église de ce qui n'est pas l'Église, ni le Sacerdoce de ce qui n'en est que l'illusion, ni la Messe de ce qui en est le simulacre. C'est bien là le schisme majeur, celui qui sépare de Dieu dans le mépris du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Car cette absence de discernement religieux se marque en trois chapitres.

1. VOUS NE DISCERNEZ PAS L'ÉGLISE DE DIEU

S'il y a Église Une, il n'y en a pas deux. Unique et unie, l'Église Catholique exclut par son concept même toute autre “ église ”. Voilà qui est de foi divine, et qui nous attache à cette unique Église comme au grand et universel “ Dessein de Dieu sur le monde et dans l'histoire ”, comme à la seule société humaine qui soit le visible et mystérieux Corps Mystique du Christ. Le reste n'est que schisme, hérésie, vaines inventions des hommes qui ne procurent pas la grâce de Dieu.

Mais Vous, dans votre grand dessein, qui est plus vaste que celui de Dieu, et tout humain, Vous ne faites pas de différence réelle, essentielle, résolue, entre cette Église et ... les autres. Vous, le premier, avez interpellé des communautés religieuses soit schismatiques, soit hérétiques, sous ce vocable jalousement réservé par vos Prédécesseurs à l'Unique Épouse : « Ô Églises lointaines et si proches de Nous ! Ô Églises, objet de notre désir sincère ! Ô Églises de notre incessante nostalgie ! Ô Églises de nos larmes », etc...

C'était dans votre Discours d'ouverture de la IIIe Session, le 14 septembre 1964 42Disc. p. 166, IIIè session; CRC 29 p. 5; cf. Lettres 195 p. 6. Et pour davantage obtenir l'impression d'équivalence entre la vraie et les fausses, Vous annonciez à maintes reprises, en vue de la réconciliation et de la restauration de l'Unité (perdue !), une mutuelle demande de pardon pour les fautes commises les uns contre les autres 43Dès le 29-9-63; Disc. p. 115-116; Lettres 231 p. 8-9 et Annexe, CRC 1 p. 3-4, 2 p. 8-10-11. Ainsi ramenée au plan humain, l'attention cesse de considérer l'exclusive vie de grâce et de sainteté de l'Église de Dieu pour lui comparer des groupes sociologiques indifférenciés.

L'incessante propagande œcuménique, bien qu'elle soit extrêmement attentive à ne jamais contrevenir au langage de la foi catholique pour éviter toute critique, aboutit infailliblement à la reconnaissance des autres communions chrétiennes comme de véritables communautés de salut. N'est-ce pas là mépriser la Volonté de Dieu ?

Parmi les cent actes divers qui manifestèrent votre indifférence à la vraie religion, le plus lourd de conséquences fut certainement votre visite au Conseil Œcuménique des Églises, le 10 juin 1969. Ainsi reçu par 264 communautés religieuses qui se prétendent toutes égales, sans s'exclure aucunement les unes les autres, Vous ne pouviez, Très Saint Père, qu'adopter la mentalité, les principes, le langage ambiant, et vous laisser aller à participer au schisme de tous, déclarant « la fraternité chrétienne... entre les Églises membres du Conseil Œcuménique et l'Église catholique » 44DC 69, 626; CRC 21 p. 1, 22 p. 12-13. Comment y aurait-il quelque fraternité que ce soit entre l'Église et les dissidences ? Soulevant Vous-même la question : « L'Église catholique doit-elle devenir membre du Conseil Œcuménique ? », au lieu du NON formel et absolu de l'Épouse qui ne peut supporter d'être confondue avec un ramassis de femmes sans aveu, Vous avez laissé les choses en suspens, comme pour préparer les esprits à cette éventualité : « En toute franchise fraternelle, Nous ne considérons pas que la question de la participation de l'Église catholique au Conseil Œcuménique soit mûre au point que l'on puisse ou doive donner une réponse positive. La question reste encore du domaine de l'hypothèse... Graves implications... cheminement lent et difficile... » 45

DC 69, 626; CRC 22 p. 13Voilà bien lancé le ballon d'essai : c'est donc OUI à terme ! En voici la preuve :

« L'esprit d'un sain œcuménisme... qui nous anime les uns et les autres... pose, comme base première de tout contact fructueux entre confessions différentes, que chacun professe loyalement sa propre foi. Il invite à reconnaître, avec non moins de loyauté, les valeurs positives, chrétiennes, évangéliques, qui se trouvent dans les autres confessions. Il est enfin ouvert à toute possibilité de collaboration... par exemple dans le domaine de la charité et dans la recherche de la paix entre les peuples... C'est animé de cet esprit que Nous venons vers vous » 46DC 69, 628; CRC 22 p. 12-13; cf. aussi Eccl. Suam, Lettres 181 p. 4.

À la question : Peut-on se sauver dans et par le moyen de l'une ou l'autre de ces 264 églises membres du COE ? il est certain que Vous répondez affirmativement. L'Église catholique répond négativement. Et la preuve que Vous avez bien profondément labouré votre domaine et semé votre schisme par toute la terre, c'est que la plupart de ceux qui liront ces lignes me donneront tort et à Vous raison. Vous avez appris aux catholiques à ne plus discerner le Corps du Christ du corps de Satan. Vous les avez remplis d'indifférence pour l'œuvre de Dieu dans le monde ou l'œuvre du diable !

Et bien au-delà du “ Christianisme ” ! Car c'est toujours le même scénario : Vous accueillez des juifs, des musulmans, des bonzes chez Vous, ou bien Vous vous rendez au milieu d'eux, vous désirez rencontrer des délégations de toutes ces religions au cours de vos voyages apostoliques. Et alors, pour conserver la courtoisie mondaine, pour rester dans l'esprit du Dialogue d'amitié humaine, de sympathie naturelle, Vous dites des paroles qui, prises au pied de la lettre, sont des louanges décernées à l'erreur, des paroles qui font injure à la Vérité, donc à Dieu même !

Ce que nous avons souffert lors de votre voyage en Ouganda est indicible. Vous alliez vénérer des MARTYRS CATHOLIQUES et Vous les avez confondus, sans différence, sans discernement, avec des musulmans et des protestants dont nul n'a le droit de dire qu'ils soient morts par amour de Dieu ni dans l'amour de Dieu ! Pire encore, Vous avez fait d'eux tous des Témoins, des Martyrs de la Liberté de conscience ! Comme les Cathares ? Comme Michel Servet ? Comme les Communards ? Comme Lucifer ?

« Vos martyrs, tous les chrétiens ont donné leur vie pour leur foi, autrement dit pour leur religion et pour la liberté de conscience... » 47

Discours du 6 août 1969; CRC 23 p. 6« Tant les catholiques que les fidèles d'autres dénominations religieuses (sic) ont versé leur sang sur ce sol, au nom de Dieu, si bien qu'aujourd'hui la communauté nationale de l'Ouganda comprend différentes fois qui ont l'une pour l'autre respect et estime » 48Le Figaro,7 août 1969; CRC 24 p. 12. Je ne sache pas qu'avant Vous les Papes aient jamais décliné la foi au pluriel ! Voici que les “ fois ” se rendent mutuellement hommage !

Vous avez prêté aux “ martyrs ” musulmans, protestants et catholiques, un “ esprit œcuménique ” qui est pour le moins un violent anachronisme. Et ce fut pour appeler tout le monde de la négritude à regarder vers l'avenir, réconcilié au-delà des querelles dogmatiques... Et même la religion islamique a reçu votre hommage bien senti : « S'adressant aux représentants de la communauté musulmane, Paul VI a salué par leur intermédiaire les musulmans de toute l'Afrique en leur disant... « son grand respect pour la foi qu'ils professent et ses vœux pour que ce qui nous est commun unisse toujours davantage chrétiens et musulmans dans une fraternité authentique » 49Journaux du 4 août 1969; CRC 23 p. 5.

Votre voyage à Bombay — où les hindouistes Vous firent cadeau d'une petite idole, et les bouddhistes, pour n'être pas en reste, Vous offriront plus tard un Bouddha, mais je suis bien seul à m'insurger contre tout cela ! —, votre périple en Asie ensuite 50Lettres 195 p. 8, CRC 41 p. 9, nous donnèrent mainte autre occasion de constater votre INDIFFÉRENCE, votre absence voulue de DISCERNEMENT entre les religions humaines. Ou bien Vous affectez de les croire toutes divines, peut-être cependant avec des degrés, ou bien Vous les considérez comme les mille facettes du “ Phénomène humain ”. L'Église de Dieu n'est à part que subjectivement. Comme l'a malencontreusement lâché l'Osservatore Romano, après votre remise de l'étendard de Lépante aux turcs. Voulant apaiser l'émotion que ce geste avait soulevée dans le monde, il assura que Vous offriez le dialogue à tous ceux qui croient en Dieu, mais que Vous demeuriez, je le cite, « persuadé qu'il n'est qu'une vraie religion, c'est-à-dire la religion chrétienne » 51Oss. Rom., 12 mars 1965; Lettres 200 p. 4. Persuasion toute théorique. Vous parlez et agissez au mépris de cette ... persuasion.

2. VOUS NE DISCERNEZ PAS LE SACERDOCE CHRÉTIEN

Si les “ églises ” et “ les Religions ” n'ont pas entre elles de différence absolue, l'une divine, les autres humaines ou diaboliques, a fortiori leurs sacerdoces ! Pour nous, il n'y a qu'un seul Sacerdoce, celui de notre Unique et Souverain Prêtre, Jésus-Christ, et, participant à son Onction sacerdotale, celui du Sacerdoce Catholique. Il n'y a pas, hors de ce Corps, de véritables prêtres. Les schismatiques eux-mêmes n'en sont qu'une dérivation, qui n'a de validité que par la Succession apostolique dont ils viennent.

Or, dans ce domaine capital, Vous atténuez la différence ; Vous rapprochez les “ pasteurs ” protestants des vrais prêtres catholiques. Vous avez donné un calice au Pasteur Schutz 52Lettres 231 p. 9; CRC 1 p. 3-4; cf. CRC 12 p. 1 et 2, 25 p. 2. Pour quoi faire ? pour son simulacre appelé sainte cène ? ou pour la messe qu'il n'a pas le pouvoir de célébrer ? Vous recevez Monsieur Ramsey comme un prêtre, que dis-je, comme archevêque de Cantorbery et Primat d'Angleterre, successeur du glorieux martyr Thomas Becket, alors qu'il n'est, en fait et en droit, que l'héritier et continuateur des persécuteurs de nos martyrs 53Lettres 231 p. 9 ! Vous lui avez donné un anneau pastoral et, à ce qu'on dit, Vous l'avez invité à bénir la foule lors de l'étrange assemblée œcuménique de Saint-Paul Hors-les- murs. Tout est fait depuis pour préparer l'abrogation des décisions irréformables de Léon XIII déclarant la nullité des Ordinations anglicanes 54Première Lettre à S.S. le Pape Paul VI, CRC 2 p. 11, 63 p. 12.

Ainsi le brouillard tombe de haut sur le sacerdoce, et on commence à ne plus savoir qui est prêtre, qui ne l'est pas. Nos bons jeunes gens sont conduits à Taizé où ils assistent au culte protestant. Comment Schutz, Thurian et les autres qui fréquentent le Pape et sont admis auprès de lui en aubes blanches ne seraient-ils pas eux aussi, à leur manière, d'authentiques ministres du Christ ? En même temps que Vous paraissez les habiliter, les réhabiliter, Vous laissez le Sacerdoce Catholique se dévaluer sous les coups des nouveaux théologiens conciliaires et postconciliaires. De moins en moins différenciés des laïcs et de leur prétendu “ sacerdoce commun ”, les prêtres sont considérés comme des “ apôtres de l'Évangile ” et leur Sacerdoce perd son caractère spécifique, incomparable : le Pouvoir de célébrer les Saints Mystères.

Vous-même, à la clôture du Synode de 1971, au moment où une réaction générale de cette Assemblée paraissait devoir sauver le Sacerdoce Catholique, Vous l'avez perdu, comme délibérément, redonnant l'avantage aux Modernistes. Dans votre Discours du 6 novembre, Vous définissiez, selon le résumé de La Croix 557-8 nov. 1971; CRC 51 p. 6, « la mission sacerdotale commune aux prêtres et aux évêques. Elle est d'annoncer le Christ aux hommes de notre temps ». Mais le texte exact de votre discours, plus embrouillé, n'en dit pourtant pas davantage. Dans le « ministère sacerdotal », ce que Vous mentionnez uniquement, c'est « la prédication de l'Évangile » 566 nov. 1971; DC 71, 1003; CRC 48 p. 8-9, 54 p. 11. Alors, tous les chrétiens sont prêtres ! et les pasteurs protestants aussi sont prêtres, autant que nous ! Annoncer l'Évangile est à la portée de tout baptisé...

Je ne m'étonne plus que Vous laissiez les théologiens prévoir pour bientôt des “ réordinations mutuelles ” entre prêtres et pasteurs 57Accord des Dombes, 8 nov. 1972; DC73, 137; CRC 58 p. 4, 61 p. 1, 62 p. 12, par imposition des mains réciproque ! Ainsi le prêtre, réellement ordonné je pense ! devra subir cette mascarade de l'imposition sur lui, pour une illusoire infusion de l'Esprit, des mains de pasteurs huguenots ? Réordination sèche, voulue par symétrie et égalitarisme. Et les pasteurs, qui n'ont jamais été ordonnés que je sache ! comment pourrez-Vous donc les ordonner de nouveau, et tout protestants qu'ils soient, leur conférer la prêtrise en laquelle ils ne croient pas ?Ceux qui rêvent de telles choses et Celui qui les laisse avancer dans ces voies perverses « ne discernent pas le Saint-Esprit » là où il est, et ne distinguent pas selon la foi sa Présence dans le Sacrement de l'Église de l'illusion de sa Présence dans l'hérésie. Y a-t-il plus parfait mépris du Sacerdoce que cette absence voulue de discernement, par flatterie pour les hérétiques ?

3. VOUS NE DISCERNEZ PAS LE CORPS DU CHRIST

Venons-en au plus grave, au plus précisément et indiscutablement sacrilège. Le 21 septembre 1966 à Assise, Miss Barbarina Olson, presbytérienne, a communié lors de sa messe de mariage, sans abjuration ni confession, et ce, par Votre autorisation. Les journaux l'ont publié. Le Saint-Office pour Vous disculper, mais reconnaissant ainsi le crime, m'a dit en confidence que ce n'était pas Vous, mais un Autre. Cela est absolument inutile : le monde a cru et croit encore que c'est Vous, le Pape, qui avez donné l'autorisation. Depuis lors, il se dit dans l'Église que les protestants peuvent communier à la Messe, ... avec autorisation 58“Une autorisation d'intercommunion” G. Huber, DC 67, 96; Lettres 240 p. 3; CRC 1 p. 3-4, 7 p. 2, 37 p. 1, 50 p. 6, 53 p. 5, 62 p. 16 !

Cela se faisait en Hollande, sans que Vous preniez des sanctions, mais enfin c'était en Hollande ! À Upsal, au COE, les 7-9 juillet 1968, des observateurs catholiques avaient communié au culte protestant, de leur initiative privée ; ils n'en furent guère blâmés 59La Croix 9-10 juillet 1968, CRC 10 p. 2; Lettres 242 p. 2. Sur votre lancée, le Cardinal Samoré autorisa les “ Observateurs ” protestants à Medellin, le 6 septembre 1968, à communier lors de la Messe de clôture 60“L'intercommunion de Medellin”, DC 68-1727-1728; CRC 12 p. 2, cf. CRC 58 p. 7. C'étaient le Frère Giscard, de Taizé, l'évêque anglican Reed, le pasteur Bahmann, luthérien, et les pasteurs Green et Naylor, du Conseil National des Églises du Christ... Qu'avez-vous fait ? Vous avez déploré, entre autres « événements récents », des « actes d'intercommunion contraires à la juste ligne œcuménique » 6118 sept. 1968; DC 68, 1641; DC 70, 182; CRC 12 p. 2 col. 2. Je souligne : contraires à la juste ligne œcuménique, c'est-à-dire à une stratégie, à une tactique, à une opportunité dont les hommes sont juges, dont Vous vous réservez l'arbitraire, QUAND CELA EST CONTRAIRE A LA LOI DIVINE ! Et cette faute ne devait pas être à vos yeux si grave, puisque ce Cardinal Samoré qui en était responsable, Vous l'avez nommé Préfet de la Sacrée Congrégation pour la Discipline des Sacrements, deux mois plus tard 62Osserv. Rom., 2 nov. 68; DC 69, 41, cf. CRC 16 p. 6 bis !

J'écrivais : « Le crime donne donc autorité en la matière même où il s'est commis. Autant dire que tous ont décidé de manquer à leurs devoirs, même les plus sacrés, en se recommandant de l'assentiment de tous » 63CRC 16 p. 6 bis !!!

Ensuite, tout va vite. Le Cardinal Bea, au même moment, autorise “ les communions ouverte ” ... dans certains cas 64 ! Et quand tout le monde s'est habitué à cette nouveauté casuelle, le Cardinal Willebrands, son successeur, remet aux évêques le soin d'autoriser la communion des protestants à la messe catholique par un décret très officiel qui n'a pu être promulgué sans votre accord 65Cas d'admission, 7-7-1972; DC 72, 708; CRC 58 p. 2 et 4, 35 p. 2, 62 p. 12. Aussitôt, l'Évêque de Strasbourg généralise cette autorisation — et pourquoi pas, grand Dieu, si c'est une bonne chose ! — et il permet même la réciproque, aux catholiques de communier lors de la cène protestante. Audace dont Vous l'avez, dit-on à Strasbourg, sur la foi de ses confidences, félicité 66DC 73, 347 Journaux Strasbourg.

Je l'ai dit au Saint-Office, je le redis et le redirai inébranlablement : Personne au monde, ni évêque, ni cardinal, ni ange, ni pape même, n'a ce droit de donner le Sacrement des Vivants à ceux qui sont morts, le Sacrement du Corps physique du Christ à ceux qui ne font pas partie de son visible Corps mystique 67Ma Profession de Foi Catholique; CRC 23 p. 2 C-D. Oh ! je sais l'immédiate réponse que me fait votre subjectivisme : Qui vous permet de juger les protestants et de les prétendre des “ morts ” ? A quoi je rappelle à Votre Sainteté que tout individu qui n'est pas membre de la Sainte Église est censé ne pas vivre, et nul n'a le droit de le juger, fût-ce sur sa bonne mine ou sa gentillesse, “ sauvé ”, “ vivant ”, en “ état de grâce ”, tant qu'il demeure “ HORS DE L'Église ”. Ce sont des vérités fondamentales que dix ans de votre Schisme ont comme obnubilées dans la Hiérarchie, tandis qu'elles demeurent intactes dans le peuple fidèle.

Je dis bien : nulle autorité au monde n'a le pouvoir de recevoir en notre “ Communion ” eucharistique ceux qui ne font pas, pas encore, partie de la “ Communion catholique ”. Vous, le premier Pape de l'histoire qui l'avez permis et vulgarisé, ne Vous êtes-Vous pas rendu, ce faisant, coupable de dissidence, de rupture dans “ l'unité de direction ”, c'est-à-dire coupable du crime de schisme ?

Et j'en viens à un dernier point de mon accusation la plus grave, touchant votre indifférence aux choses immédiatement divines. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il se célèbre, dans votre Église et à partir de Votre Réforme de la Messe, bien des Eucharisties sacrilèges et incontestablement, par défaut de matière ou de forme, des eucharisties invalides. Telle celle de Montargis qu'honorait de sa présence et que semblait authentifier et garantir Mgr Riobé, Évêque d'Orléans 68La Célébration Eucharistique de Montargis le 2l-2-71; CRC 51 p. 9, 53 p. 4-5, 62 p. 16. Mais de plus, dans l'épouvantable gâchis dogmatique, liturgique et moral que provoque partout la réforme liturgique actuelle, il se trouve que les fidèles ne savent plus, en de nombreux cas, s'ils reçoivent les sacrements ou non, s'ils assistent à de vraies messes, à des simulacres invalides, ou pire, à des messes valides et sacrilèges. Ils sont horriblement inquiets.

Les prêtres, les théologiens se divisent en validistes et invalidistes. À tort ou à raison, je milite pour la validité, insistant fortement sur le rôle principal du Christ et de l'Église. D'autres, par tutiorisme, sont invalidistes en soulignant la nécessité d'une intention intérieure de la part du ministre du sacrement. Et alors, dans bien des cas, les uns estiment qu'il y a Sacrifice et adorent le Corps et le Sang du Christ. Les autres estiment qu'il n'y a rien que simulacre, et refusent d'adorer ce qui reste pour eux du pain et du vin... C'est une situation affreuse !

Comment « discerner le Corps du Seigneur » quand la validité est douteuse, quand l'intention du ministre s'enveloppe de ténèbres ? Là, je crois que la faute du prêtre remonte à l'Évêque dont un des premiers devoirs consiste à garantir la validité des Sacrements. Et quand tous les Évêques du monde refusent de répondre à l'angoisse des fidèles, le Pape est responsable du crime total de l'Église.

Comme d'un homme qui présenterait une femme à embrasser à ses enfants, sans vouloir leur dire si elle est leur mère, leur vraie mère, ou une femme adultère ! Quand on ne sait plus, dans l'Église du Christ, si la grâce de Dieu, le Corps et le Sang de Jésus, l'Onction du Saint-Esprit sont là ou seulement leurs signes évacués de toute substance sainte, si le Pape ne se soucie pas de rétablir l'ordre, la certitude, la sécurité des sacrements, alors il faut conclure, Très Saint Père, que le Pape méprise Dieu au point d'encourir certainement la malédiction éternelle.

Votre Grand Dessein Vous sépare affectivement des fidèles de l'Église à proportion de leur attachement à sa vérité, à sa charité, à sa tradition. Il Vous pousse à rompre effectivement avec tous les rites, spécifiquement catholiques. Enfin il Vous conduit à juger de toutes choses religieuses du seul point de vue humain, sans tenir compte de la différence essentielle de ce qui est divin par l'Église et de ce qui, ailleurs, n'est qu'humain ou même diabolique. Ainsi êtes-Vous inattentif et indifférent à l'action propre du Seigneur au milieu de nous.

Un Pape qui refuserait absolument de remplir sa charge d'Évêque de Rome, de Chef de l'Église, de Vicaire de Jésus-Christ, pour s'adonner à une politique mondaine, enseignait Cajetan 69Sur les trois espèces de schisme envisagées ici: le “schisme affectif” et le “schisme effectif” sont mentionnés par Suarez, de manière théorique (de Carit., disp. 12 sect. 1 no 2); le “schisme absolu” est étudié profondément par Cajetan (IIa-IIae quest. 39 art. 9, no VI). Journet n'en donne qu'un aperçu schématique (L'Église du Verbe Incarné, t. II, 839-841). cf. Lettres à mes Amis 213 p. 7, 215 p.4; CRC 3 p.7-8, 22 p. 12-13, 25 p. 11, devrait être déclaré schismatique et, de ce fait, considéré comme déposé. Que penser alors d'un Pape qui fait bien pire, et qui s'adonne au détriment de l'Église à la formation dans le monde d'une autre communauté de salut, d'une religion universelle, d'un “ Mouvement d'Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle ” ? Nul doute qu'il faille le considérer comme schismatique, rebelle à Dieu, et s'employer de toutes ses forces à en libérer l'Église.

Car il se condamne Celui qui ne distingue pas le Corps du Christ d'un pain ordinaire ni le vrai Prêtre du Christ d'un homme du commun ni l'Église, Corps Mystique du Christ, d'une religion humaine quand ce ne serait pas du corps du diable.

  • Pour l'Église, tome 3 : Contre la dérive schismatique, Frère François de Marie des Anges, Chapitre 6 : le libelle d'accusation contre Paul VI
Avec le libelle sont publiés ces éditoriaux de La Contre-Réforme Catholique :
  • Mille catholiques, CRC tome 5, n° 64, janvier 1973
  • L'ultime recours, CRC tome 5, n° 65, février 1973
  • Rome, CRC tome 5, n° 67, avril 1973, p. 1-4
  • La leçon de Rome, CRC tome 5, n° 68, mai 1973, p. 1-3
  • Appel au clergé romain, CRC tome 5, n° 75, décembre 1973, p. 13-14
Voir aussi une controverse :
  • Critique du libelle (notes de Mgr Rougé, évêque de Nîmes), CRC tome 6, n° 84, Septembre 1974, p. 3-12
Audio/Vidéo :
  • L 13 : La Contre-Réforme à Rome. 9-12 avril 1973. 2 h. (aud.)