2. Schisme effectif : Contre l'Église

POUR que s'imposent vos idées, il faut que soit abaissé le parti de la fidélité doctrinale. Pour que se réalisent vos projets de Communauté Mondiale religieuse, ou tout au moins spirituelle, qui anime la Cité Nouvelle des hommes, il faut bien que Vous rompiez aussi avec les habitudes et les rites, et avec toute la discipline étroitement catholique. Cette coupure nette avec le passé donne à votre schisme affectif une autre dimension, celle d'un schisme effectif avec toute la tradition catholique.

Cette Réforme de la liturgie, du droit canon, de la pastorale, devrait entraîner deux conséquences. D'abord, le parti intégriste se trouverait mis en opposition avec l'Église, en porte-à-faux. Privé de ses moyens d'expression, chassé de ses aîtres, il serait promptement réduit à une poignée d'irréductibles. Sur ce point, Vous avez réussi. La Réforme liturgique et pastorale a dépaysé, désorienté, dépossédé les traditionalistes, les contraignant à se tenir dans leur coin ou à fuir...

Ce départ devrait être compensé par l'entrée en masse des gens du dehors pour lesquels étaient bâties ces nouvelles églises et créés les nouveaux rites. Mais la prophétie de saint Pie X à un prêtre novateur qui le pressait de tout moderniser dans le Temple de Dieu s'est réalisée. « Quand vous l'aurez fait, mon ami, vous ne ferez pas entrer ceux qui sont dehors, mais vous chasserez ceux qui sont dedans » 20Lettres 251 p. 2. Et ce que je vous reproche, peut-être principalement, dans cette destruction de l'Église ancienne et cette étourdissante création de nouveautés, c'est de n'en avoir jamais dit clairement, honnêtement la raison : pour ouvrir l'Église à ceux qui restent étrangers à notre foi...

VOUS AVEZ CALOMNIÉ LE PASSÉ DE L'ÉGLISE.VOUS AVEZ ENSEIGNÉ LE MÉPRIS DE TOUT LE PATRIMOINE.

Dissimulant ainsi la seule raison d'être par trop révoltante et inacceptable de toute cette réforme, Vous avez dû calomnier les choses d'église, les rits sacrés, les traditions immémoriales, les mœurs les plus assurées et, plus que tout, le caractère absolu de la Loi Ecclésiastique. Ainsi de votre Réforme liturgique. Vous prétendez faire passer le peuple catholique des ténèbres à la Lumière, de l'inertie et de la stupidité à la participation active aux mystères ! Permettez-moi de Vous rappeler un passage de la Lettre que je Vous adressai le 11 octobre 1967 :

« Qui ne se souvient des discours dont Votre Sainteté accompagna le lancement de la Réforme liturgique, “ nouvelle pédagogie spirituelle ” ? Les fidèles y sont invités à devenir “ membres vivants et agissants du Corps Mystique, et non plus membres inconscients, inertes et passifs ”. “ La nouvelle constitution liturgique, disiez-vous, ouvre des horizons religieux et spirituels extraordinaires : profondeur et authenticité doctrinales, logique chrétienne rationnelle, pureté et richesse des éléments cultuel et artistique, conformité au caractère et aux besoins de l'homme moderne ”, et Vous opposiez cette rare merveille aux “ mentalités habituelles ”, selon lesquelles, souvent, “ les cérémonies ne sont rien d'autre que l'accomplissement de rites extérieurs, et la pratique religieuse n'exige rien d'autre qu'une assistance passive et distraite ” (13 janvier 1965).

« À vous entendre, Très Saint Père, c'est la naissance de la Lumière, du sein des ténèbres de l'Église antépaulinienne ! Et cette fois l'autosatisfaction des Novateurs tourne au mépris de leurs Prédécesseurs, ouvertement.

« Encore, Votre allocution du 12 juillet dernier : “ Le Concile a donné à l'Église une grande et difficile consigne, celle de rétablir le pont entre elle et l'homme d'aujourd'hui... Cela suppose en tout cas que pour le moment ce pont n'existe pas, ou bien qu'il est peu praticable, sinon complètement effondré. Si nous y réfléchissons bien, cet état de choses représente un terrible et immense drame historique, social et spirituel. Cela veut dire que, dans l'état actuel des choses, l'Église ne sait plus présenter le Christ au monde d'une façon et dans une mesure suffisantes ”. — Je n'en crois pas mon propre texte, je vérifie. Mais oui, Vous avez bien parlé ainsi ! Je continue donc la citation de ma propre Lettre à Vous adressée :

« Si nous y réfléchissons bien... Cela suppose... ce terrible et immense drame historique, spirituel et social : l'Église antépaulinienne a failli à sa mission divine, historique, spirituelle et sociale !

« Si le “ Grand Mouvement ” de la Réforme conciliaire était “ nécessaire, opportun, providentiel, novateur et aussi — Nous l'espérons — consolateur ” (Votre discours du 1 mars 1965), c'est que la tradition ecclésiastique qu'il bouleverse de fond en comble, avait perdu “ authenticité, profondeur, logique, pureté, richesse, efficacité, modernité ” (Votre discours du 13 janvier 1965). Plus les novateurs se font grands, plus ils accablent l'Église antique... La génération présente accuse de péché l'Église des siècles, dans ce qu'elle a institué et enseigné, mais plus encore dans la fidélité obstinée qu'elle a déployée pour consacrer et conserver toutes ses traditions, à l'encontre de tous les Réformateurs et rebelles » 21Lettre à S.S. le Pape Paul VI, le 11 oct. 1967, CRC 2 p. 8; cf. aussi CRC 1 p. 7-8, 53 p. 6-7-9.

Je m'échauffais ! Disons calmement que Vous n'incriminiez pas les défauts des hommes d'église, leur lenteur, leur paresse, leur routine... et cela est certes de tous les temps, mais peut et doit se réformer sans cesse. Vous incriminiez le tout de la tradition ecclésiastique, liturgique, canonique et pastorale, comme à mettre au rancart sans hésitation, et Vous promettiez une suite étourdissante de merveilleuses inventions.

VOUS INVOQUIEZ L'AUTORITÉ DU CONCILE.VOUS RÉCLAMIEZ L'OBÉISSANCE A L'ÉGLISE.

Aux passages difficiles, où la Réforme laissait paraître son vrai visage, protestant ou humaniste, quand Vous démolissiez vraiment les choses les plus sacrées, que tous tenaient, à juste titre, pour intangibles — et laissez-moi Vous avouer, Très Saint Père, que moi-même je ne redoutais rien pour la Messe ; je la voyais si stable, si fortement établie et canonisée que je croyais impossible d'y toucher sans que toute l'Église ne s'insurge — à ces passages difficiles donc, célant vos intentions “ œcuméniques ”, Vous avez mensongèrement invoqué le Concile et l'obéissance qui lui était due. Comme si Vous, le Pape, Vous vous sentiez lié par le Concile ! Et alors que, en toute vérité, le Concile n'avait jamais voulu ni même imaginé cela que Vous lui faisiez endosser par ruse. Ainsi de la nouvelle Messe :

« Ce changement a quelque chose de surprenant, d'extraordinaire, la messe étant considérée comme l'expression traditionnelle et intangible de notre culte religieux, de l'authenticité de notre foi. Et alors, on se demande : Comment est-ce possible ? Comment un tel changement est-il possible ?

« Réponse : de par la volonté expresse du récent Concile (et vous citez un texte vague où les Pères n'avaient pas prévu, certes, l'abus que vous en feriez !). Cette réforme imminente répond donc (donc !) à un mandat officiel de l'Église ; elle est un acte d'obéissance... qui requiert de nous tous une prompte adhésion » 2219 nov. 1969, DC 69, 1054; CRC 27 p. 5, 28 S p. 1.

Et huit jours plus tard, pour détruire les résistances opiniâtres : « Nous devrons bien voir les motifs pour lesquels ce grave changement a été introduit : l'obéissance au Concile, laquelle devient maintenant obéissance aux Évêques qui interprètent et exécutent ses prescriptions » 2326 nov. 1969, DC 69, 1102; CRC 27 p. 6, 28 S p.14-l5. Et Vous poursuivez, dans des termes tels qu'il méritent la plus grande attention :

« Ce premier motif n'est pas simplement canonique, en ce sens qu'il n'y aurait là qu'un précepte extérieur ; il est lié au charisme de l'action liturgique, c'est-à-dire au pouvoir et à l'efficacité de la prière de l'Église, laquelle trouve son expression la plus autorisée dans l'évêque, et donc dans les prêtres qui le secondent dans son ministère et, comme lui, agissent “ au nom du Christ ” cf. S. Ign., Ad Eph. 4). C'est la volonté du Christ, c'est le souffle de l'Esprit-Saint qui appellent l'Église à cette mutation. Nous devons y voir, pour le Corps Mystique du Christ, lequel est précisément l'Église, un instant prophétique qui la secoue, la réveille, l'oblige à renouveler l'art mystérieux de sa prière » 2426 nov. 1969; CRC 28 S p. 14, 27 p. 6, 33 “L'Interdit jeté sur la Sainte Messe Romaine” p. 6.

NON, NON et NON ! ... Vos auditeurs crédules, à l'écoute de ce langage enchevêtré, auront cru comprendre qu'avec l'Ancienne Messe l'Église dormait, et que c'est le Christ en personne qui vient secouer son peuple, le réveiller, l'obliger à changer grâce à la Nouvelle Messe. Mais le théologien refuse l'inacceptable confusion que Vous faites à dessein pour réussir votre COUP DE FORCE CONTRE LA MESSE. Que nous agissions et parlions “ au nom du Christ ”, nous prêtres, quand nous prononçons les paroles sacrées de la Consécration et que nos paroles soient alors efficaces et infaillibles pour produire le miracle eucharistique, oui ! Mais que cette infaillibilité soit étendue par Vous à toute « l'action liturgique » et que Vous passiez frauduleusement au nombre des actions liturgiques la « mutation » des rites de la Messe, non ! Le Pape, l'Évêque, le prêtre est “ un autre Christ ” quand il célèbre les Saints Mystères, oui, mais quand il les bouleverse, non ! Il faut rétracter cette imposture, Très Saint Père, ou le mensonge est roi dans l'Église !

Ce schisme, cette rupture épouvantable avec tous nos Livres Liturgiques, toutes nos institutions sacramentelles, a été commis par Vous, par Vous d'abord et souverainement, en calomniant toute l'œuvre des siècles et en imposant, au nom de l'obéissance, des rites nouveaux modifiant la foi et atteignant jusqu'à la validité des sacrements. Ainsi le schisme a été véhiculé par l'imposture.

L'AUTODÉMOLITION DE L'ÉGLISE

Il m'est impossible de tenter le dénombrement des destructions et des reconstructions opérées sous votre Pontificat. Il y a en trop et de toutes espèces. Il ya dix lois relatives à la même décision. Il y a des destructions qui ont été opérées par étapes. Les nouveautés ne sont jamais définitives : elles sont introduites comme des expériences, ou à titre particulier, pour des cas exceptionnels. Mais le mouvement va toujours dans le même sens et rien ne résiste aux démolisseurs. Ils sont toujours en avance sur la législation, mais la législation les rejoint et ils s'élancent à d'autres destructions. Comme l'avouait le Cardinal Gut : « Beaucoup de prêtres ont simplement fait ce qui leur plaisait. Alors, ce qui est arrivé parfois, c'est qu'ils se sont imposés. Ces initiatives prises sans autorisation, on ne pouvait plus, bien souvent, les arrêter, car cela s'était répandu trop loin. Dans sa grande bonté et sa sagesse le Saint-Père a alors cédé, souvent contre son gré » 25Interview du 20 Avril 1969; DC 69, 1048; CRC 28 S p. 16 !

Est-il bon, est-il sage de laisser les fous détruire l'œuvre de Dieu ?

Comment alors savoir ce que Vous avez voulu et ce que Vous avez cédé, ce qui est permis et ce qui est défendu, ce qui vient de Dieu et ce qui vient du diable ? Toujours est-il que le mouvement général est à la destruction de ce que les siècles avaient établi et jalousement observé, et rien de solide, rien d'universel ne vient le remplacer mais le désordre et l'instabilité d'inventions irréfléchies et tout humaines.

La soutane avait commencé d'être abandonnée dès la veille du Concile, à certaines conditions de lieu, de temps, de circonstances à observer strictement. Elle a presque entièrement disparu maintenant. Nos Évêques se promènent en cravate. Les moines et les religieuses suivent le mouvement et les plus “ apostoliques ” sont ceux qui s'habillent à la dernière mode. C'est un détail ? Je tiens ce signe pour capital 26Lettres 123 du 8 nov. 1962; cf. aussi 120 du 11 octobre 1962. C'est la “ sécularisation ”, la “ laïcisation ”, la “ déclergification ” de l'habit qui manifeste ou qui provoque la profanation de l'âme . Maintenant les ornements sacerdotaux sont l'un après l'autre abandonnés pour faire de la messe un repas fraternel. Tout se tient.

Vous avez proscrit le latin et par suite le chant grégorien. Vous l'avez fait à l'encontre d'une Constitution Apostolique formelle de votre Prédécesseur immédiat Jean XXIII, à l'encontre même du Concile, du moins dans sa lettre sinon dans son esprit clandestin, comme on l'a mille et mille fois rappelé 277 mars 65; cf. Lettres 200 p. 6; DC 65, 590; 26 nov.; DC 69, 1103; CRC 27 p. 6, 28 S p.l4-15. Démolir est plus facile que bâtir, et la facilité reçoit l'adhésion du peuple quand c'est l'Autorité elle-même qui la lui impose.

« Pour quiconque connaît, disiez-Vous, la beauté, la puissance du latin, son aptitude à exprimer les choses sacrées, ce sera certainement un grand sacrifice de le voir remplacé par la langue courante. Nous perdons la langue des siècles chrétiens, nous devenons des intrus et des profanes dans le domaine littéraire de l'expression sacrée... Nous avons, certes, raison d'en éprouver du regret et presque du désarroi. Par quoi remplacerons-nous cette langue angélique ? il s'agit là d'un sacrifice très lourd. Et pourquoi ? Que peut-il y avoir de plus précieux que ces très hautes valeurs de notre Église ? » 28

26 n0v. 1969, 1102-1103; CRC 27 p. 6, 28 S p. 14-15Alors, pourquoi ce « sacrifice » insensé, désastreux, vraiment criminel ?

Votre réponse, selon vos propres dires, « semble banale et prosaïque... humaine », mais Vous la prétendez cependant « bonne, apostolique » : « la compréhension de la prière est plus précieuse que les vétustes vêtements de soie (!) dont elle s'est royalement parée » ! Ce faisant, Vous avez brisé la tradition séculaire en changeant le langage. De mystérieux et sacré, il est devenu ce que Vous vouliez, “ intelligible et profane ”. Invoquant Saint Paul, comme d'habitude à contresens, Vous donniez tort à l'Église de tous les siècles, en prenant le contre-pied et en condamnant sa loi immuable. N'est-ce pas cela, le schisme ? 29

26 nov. 1969, 1103; CRC 27 p. 6, 28 S p. 15; cf. Lettres 120Détail encore ? Je crois avec le Magistère catholique unanime, contre Vous seul, que l'abandon de la langue manifeste ou provoque le mépris du culte de Dieu, au profit du bavardage humain, lequel est devenu, hélas ! la teneur essentielle de nos modernes assemblées liturgiques.

Le rituel des sacrements change, pièce par pièce. Les exorcismes sont supprimés du baptême des enfants, pour signifier qu'on refuse de croire à la présence du démon dans l'enfant innocent. Je reste atterré du changement introduit dans le Sacrement de Confirmation, mais je n'ose insister faute de compétence 30Divinæ Consortium Naturæ, DC71, 852-856, cf. CRC 46 S, 62 p. 16. Les nouvelles directives pour l'Absolution Collective et les permissions accordées, en particulier par l'Épiscopat canadien, me paraissent telles que des éléments essentiels du Sacrement y feront habituellement défaut rendant les confessions invalides. La destruction de ce Sacrement est un élément essentiel de la protestantisation de l'Église. Voilà qui est en bonne voie ! 31

Nouv. Normes 16-6-72, DC 72, 713, Lettr. de Mgr. Grégoire 7-12-72; DC 72, 292; CRC 58 p.2Un grand effort est fait “ à la base ” pour la relativisation du Sacrement de mariage. Rome n'a pas (encore) cédé, mais tolère les annulations décrétées motu proprio par les officialités diocésaines. Le Cardinal Staffa aura-t-il le dernier mot ? 32

CRC 58 p.2; cf. 53 p. 3-4Toute la hiérarchie des Ordres Sacrés vient d'être bouleversée par vos Décrets. L'Ordre des Exorcistes est supprimé, non que le diable et les possédés, et encore “ les infestés ”, n'existent plus, mais on cherche sans doute le dialogue et la réconciliation avec ces vieux ennemis que des malentendus tenaient “ encore ” éloignés de nous ! Il paraît que Vous avez déploré, un jour de cafard, ce que Vous avez fait là. Mais des “ ministères ” vont être créés pour les laïcs et pour les femmes... Ce matin, une décision de Rome les autorise aussi à distribuer la communion. Abolissez toutes les différences, toutes les hiérarchies et toutes les bornes antiques destinées à rappeler à l'homme (et à la femme) qu'il n'y a de prêtre que par le Sacrement ... et Vous n'aurez plus de prêtres ni plus d'Église !

Je passe sur l'Extrême-Onction devenue le remède imploré pour le retour a la chère vie terrestre et à la santé charnelle, par complaisance pour l'homme moderne qui ne veut pas mourir et ne supporte pas qu'on lui parle du Jugement de Dieu ni de la Vie éternelle, même pour s'y préparer sacramentellement.

Enfin, Vous avez porté la main sur la MESSE. Il n'y a pas eu un remaniement mais cent. Quand on cherche à retracer l'histoire de cette réforme de la Sainte-Messe, on distingue aisément trois étapes.

D'abord, c'est la Communion qui a été, autant que faire se pouvait, désacralisée. Debout, puis dans la main, puis distribuée par des laïcs, puis par des filles, quand ce n'est pas, comme lors de votre célébration à Genève, passée vulgairement dans la foule de mains en mains, indifférentes et souillées 33Photo parue dans “Le Spectacle du Monde”, juil. 69 p. 19; cf. CRC 25 p. 11, 35 p. 13, 61 p. 11 ; puis à table, puis en pique-nique. Il faut que la foi en l'Eucharistie soit chevillée au cœ ur des catholiques pour résister à pareilles profanations !

Ensuite, votre Réforme s'est attaquée au Sacrifice propitiatoire. Là est le schisme essentiel de votre nouvel Ordo. C'est son ARTICLE 7, jamais regretté, jamais rétracté : « La Cène dominicale ou Messe est la synaxe sacrée ou assemblée du peuple de Dieu se réunissant sous la présidence du prêtre pour célébrer le mémorial du Seigneur. C'est pourquoi vaut éminemment pour l'assemblée locale de la Sainte Église la promesse du Christ : Là où deux ou trois seront réunis en mon nom je serai au milieu d'eux (Mtt. 18, 20) ». C'est VOTRE ORDO MISSÆ 34Dossier Romain du N.O.M., CRC 28 S p.3, 23 p. 8-9, 25 p. 15; cf. 25 S et 35 p. 2. Cette définition n'est pas de Vous ; Vous n'êtes pas hérétique à ce point. Mais Vous l'avez acceptée et, contraint de la rectifier, Vous n'avez nullement accusé l'erreur dont toute cette liturgie factice s'inspire.

Des quantités d'articles et de livres ont annoncé ce qui est arrivé : la nouveauté schismatique de cette liturgie a aidé les prêtres à perdre la foi catholique au Saint-Sacrifice de la Messe. J'ai fait quelques sondages et j'ai constaté que très nombreux sont les prêtres qui ne donnent plus à la “ Célébration Eucharistique ” d'autre signification que celle d'un mémorial de la Cène, c'est-à-dire d'un souvenir du repas fraternel que Jésus prit avec ses Apôtres au soir du Jeudi-Saint. D'ailleurs vos propres paroles, au moment critique où il fallait faire passer coûte que coûte votre réforme, poussaient dans ce sens, quoique avec une subtilité qui Vous maintenait astucieusement à la limite de l'orthodoxie. Vous disiez en effet :

« La messe est et demeure le mémorial de la dernière Cène du Christ » 3519nov. 1969; DC 69, 1055; CRC 28 S p. 14, 27 p. 1 et 6. Voilà l'hérésie à l'état pur, voilà ce qui a passé de votre bouche dans le cœur de milliers de prêtres, corrompant leur foi. Mais Vous aviez soin d'enrober cette claire erreur dans l'obscure théorie, fort peu suivie, curieuse, mais qui servait ici à votre défense, du Père de la Taille qui unit la Cène et la Croix en un seul acte liturgique, un seul sacrifice. Ainsi pouviez-Vous habilement rejoindre l'hérésie protestante sans paraître lâcher la doctrine catholique. Vous êtes très subtil. Mais vos prêtres le sont tout autant que Vous, Très Saint Père, et ils ont compris que Vous aviez créé ce Nouvel Ordo pour nous faire rejoindre le protestantisme, ce qu'ils se sont hâtés de faire. Ainsi le Père Bouyer, retournant à son vomissement 36Revue “chevaliers”, 1er janvier 1971; CRC 42 p. 10; cf. CRC 17 et 20 p. 2.

Nous voici rendus à la ruine du Sacerdoce, dernière étape de la « mutation » annoncée : le Sacerdoce commun fait du peuple de Dieu le véritable “ consécrateur ” dont le faisant-fonction de prêtre n'est que le Président, le porte-parole, le délégué, voire le meneur de jeu. Il faut que le Sacerdoce catholique soit solide pour avoir résisté à tant de campagnes, d'attaques, de manœuvres dont Vous vous êtes lamenté, certes, mais sans vouloir vraiment le triomphe de l'orthodoxie, comme cela me fut évident lors du Synode des Évêques de 1971 37CRC 51 p. 6, cf. aussi CRC 48 p. 7-11.

LE SIGNE DU SCHISME

Je l'ai expliqué longuement à propos de l'Évêque de Nancy qui voulut interdire de célébrer selon le rit romain antique dans son diocèse. Introduire une nouvelle liturgie, passe encore ! Mais interdire l'Ancienne, voilà le signe d'une volonté absolue de changement, par détestation de la Tradition. Et puisque le rit nouveau est équivoque, ambigu, tout à la fois catholique et calviniste, interdire le rit univoquement et certainement catholique, c'est rompre avec la tradition catholique pour sauter dans la tradition protestante. C'est trop clair !

Or je viens de lire une déclaration de Mgr Adam, Évêque de Sion, portant interdiction de célébrer encore la Messe dite de St Pie V, à moins d'indult, qu'il fonde sur la volonté expresse et personnelle du Saint-Père 38DC 73, 243; cf. aussi CRC 46 p. 11. Je crois cette volonté là très précisément orientée comme flèche empoisonnée dans la direction du Séminaire d'Écone, pour le diviser, le démonter, le ruiner. Mais demeure cette volonté qui est Vôtre, de voir disparaître totalement la Messe de St Pie V. Peu me chaut quant à moi, car cette interdiction me paraît nulle et non avenue, pour abus de pouvoir caractérisé.

Mais que signifie-t-elle ? Votre Encyclique Mysterium fidei et Votre Credo suffiraient à écarter de Vous le soupçon d'hérésie sur le dogme du Saint-Sacrifice de la Messe 39Lettres 213 p. 1-3; CRC 10 S. p. 28. Pourquoi alors cette passion de changement jusques et y compris l'invasion de l'hérésie dans l'Église ! La seule réponse est dans votre volonté de réunion avec les communautés protestantes. C'est l'idée et le projet œcuméniques qui sont les vrais mobiles de la substitution de la Messe de Paul VI à la Messe dite de Saint Pie V, qui est la Messe des Siècles. Nous en avons eu la révélation — car cette motivation, Vous la teniez secrète — quand nous avons vu sur la couverture de la Documentation Catholique du 3 mai 1970, les six « observateurs non catholiques ayant participé à la dernière réunion du Consilium de liturgie ». Ils rient de toute leur denture, et il y a de quoi être satisfait ! Vous, à coté d'eux, le sourire triste, il semble que Vous ayez vendu votre droit d'aînesse pour un plat de lentilles 40DC no 1562; CRC 32 p. 1; cf. CRC 25 p. 14. Vous avez brisé la Tradition de l'Église et blessé mortellement son Unité Sacerdotale pour l'aligner sur les traditions du schisme et de l'hérésie. Quelle pitié !

  • Pour l'Église, tome 3 : Contre la dérive schismatique, Frère François de Marie des Anges, Chapitre 6 : le libelle d'accusation contre Paul VI
Avec le libelle sont publiés ces éditoriaux de La Contre-Réforme Catholique :
  • Mille catholiques, CRC tome 5, n° 64, janvier 1973
  • L'ultime recours, CRC tome 5, n° 65, février 1973
  • Rome, CRC tome 5, n° 67, avril 1973, p. 1-4
  • La leçon de Rome, CRC tome 5, n° 68, mai 1973, p. 1-3
  • Appel au clergé romain, CRC tome 5, n° 75, décembre 1973, p. 13-14
Voir aussi une controverse :
  • Critique du libelle (notes de Mgr Rougé, évêque de Nîmes), CRC tome 6, n° 84, Septembre 1974, p. 3-12
Audio/Vidéo :
  • L 13 : La Contre-Réforme à Rome. 9-12 avril 1973. 2 h. (aud.)