NOTRE-DAME DE LA SALETTE
Recommencement figuratif de l’histoire du monde
L’APPARITION du 19 septembre 1846, sur la montagne de La Salette, n’a guère duré plus d’une demi-heure ; attestée le jour même par les enfants, elle fut soigneusement consignée sous leur dictée, devant témoins, le 29 mai 1847, avant d’être très régulièrement reconnue par l’Église. À cela, il n’y a rien à objecter, au contraire tout à accepter, admirer, aimer. Comme le disait Mgr Paulinier, lors du premier Pèlerinage National, le 21 août 1872 : « Dieu lui-même nous a donné trois preuves de la vérité de l’apparition. La première, ce sont les miracles qui se sont multipliés ici… La seconde, c’est la transformation de la montagne, l’extension du culte de Marie : la dévotion de La Salette devenue une dévotion catholique… La troisième enfin, c’est la réalisation des prophéties, ce sont “ les fléaux dont la France était menacée ” et que nous avons connus avec les épreuves de l’année terrible. »
Il n’empêche : cette apparition est différente des autres apparitions de la Sainte Vierge. Les déchaînements qu’elle provoqua dans l’Église en font un événement singulier, difficile, et merveilleux. Les contradictions qu’elle rencontra nous sont un signe certain de leur importance dans l’histoire de l’Église et du monde.
« UNE GRANDE NOUVELLE »
« Avancez, mes enfants, n’ayez pas peur : je suis ici pour vous conter une grande nouvelle », avait dit la Belle Dame aux deux voyants, avant de leur dicter mot à mot le message, qu’ensuite ils ont fait « passer à tout son peuple ». Nous y avons déchiffré le discours de Dieu à nos premiers parents coupables, celui de Moïse à son peuple à la nuque raide, ce « ramassis de gens » dont parle le livre des Nombres, celui des prophètes à la Jérusalem renégate et pervertie d’avant le châtiment. C’est une sorte de recommencement de l’histoire religieuse de l’humanité et la promesse d’un renouvellement de toutes choses… par la gracieuse médiation de la Très Sainte Vierge Marie, établie Législatrice et Prophète pour son peuple, en lieu et place de Dieu le Père.
Elle le dit elle-même : « Je suis chargée de le prier sans cesse pour vous. » Il y a donc trois Personnes : Celui qui charge la Vierge Marie d’intervenir, c’est Dieu lui-même, notre très chéri Père céleste, et Celui auprès duquel elle intervient, c’est son Fils, le bras déjà levé contre nous. Il a bien montré par avance à sœur Marie de Saint-Pierre, sa confidente, comment sa Mère s’était interposée entre le bras de sa colère et la France coupable, lui présentant « ce sein qui l’a nourri », demandant qu’on lui « laissât répandre sa miséricorde sur ses autres enfants. Afin que les hommes sachent qu’une ère nouvelle s’ouvrirait pour eux, elle est « descendue sur la terre » pour la leur annoncer. C’est cela « la grande nouvelle » : la réconciliation offerte, le retour en grâce, le salut promis et la victoire finale assurée !
Le Cœur de Dieu s’est laissé toucher par la prière du Cœur de Marie ! et il a décidé de lui confier notre salut ! C’est ce qu’elle écrira dans le ciel de Pontmain, le 17 janvier 1871. (...)
Mais voyez-la, toute en larmes… Déjà, rue du Bac, elle pleurait ! et plus tard à Lourdes, à Pontmain, à Fatima, quelle tristesse empreinte sur son visage ! Ce n’est pas sur elle-même que notre Belle Pastourelle, au Cœur d’amour tout navré, pleure, mais sur l’ingratitude de ses enfants, sourds à ses appels et à ses avertissements, menacés des pires châtiments, s’ils ne se convertissent pas.
« Depuis le temps que je souffre pour vous !… et vous autres, vous n’en faites pas cas !… jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour vous ! »
C’est à la vue de ses larmes, du glaive qui lui transperce l’âme, que, selon la prophétie du vieillard Siméon, doivent « se révéler les pensées intimes d’un grand nombre de cœurs » (Lc 2, 5). Selon cette parole, quiconque sera ému par la blessure du Cœur de Marie, sera sauvé. Qui méprisera ou ignorera les douleurs de Marie, sera condamné. Craignons pour nous-mêmes, convertissons-nous, consolons notre Mère chérie et écoutons-la :
La leçon qu’elle donne à La Salette est simple, prosaïque. À certains, elle paraîtra grossière, indigne de la Reine des cieux, mais par ce moyen, elle se fait accessible à tous, car Elle veut tout reprendre par le début. Notre Père nous l’a bien fait comprendre en analysant mot à mot une partie du message : « C’est une sorte de figuration d’un recommencement absolu de la religion. On va repartir à zéro. Puisque vous vous êtes débauchés, puisque vous n’avez pas obéi, vous avez été punis : “ Si la récolte se gâte, ce n’est rien qu’à cause de vous. ” Mais, vous n’avez pas compris : “ Je vous l’ai fait voir, l’année dernière, par les pommes de terre : vous n’en avez pas fait cas ”. Vous vous êtes même endurcis : “ C’est au contraire, quand vous en trouviez de gâtées ; vous juriez, vous mettiez le Nom de mon Fils ”. On voit cela comme si on y était. À chaque pomme de terre pourrie, un juron, un blasphème ! Eh bien ! moi, dit la Sainte Vierge, je viens vous prévenir. Si vous ne vous convertissez pas, les châtiments vont tomber sur vous, terribles : “ Elles vont continuer à pourrir et à Noël, il n’y en aura plus. ” » C’est un discours d’Ancien Testament, certes, mais la leçon est éternelle, de la Genèse à l’Apocalypse, de Jérémie à Notre-Seigneur Jésus-Christ, de La Salette à Fatima… Malheureux, ceux qui ne l’entendent pas !
Si La Salette est vraiment un recommencement absolu, une seule apparition ne suffit pas, d’autres doivent suivre, et elles suivront, toujours de la Sainte Vierge, « chargée » de conduire son peuple, de l’éduquer, de le faire passer de l’Ancien au Nouveau Testament, en lui dévoilant progressivement les volontés de son Fils sur Elle. Ce sera Lourdes, l’apparition de l’Immaculée, déjà triomphante, puis Fatima, la révélation totale du grand dessein divin. Ainsi dans l’orthodromie divine, La Salette et Fatima se répondent et s’éclairent figurativement. Le message de La Salette est venu en précurseur, pour préparer aux splendeurs de la révélation du très aimable et unique Cœur de Jésus et Marie, à Fatima.
LA SALETTE ANNONCE FATIMA
1. Les préparations. Quel contraste entre les deux apparitions ! La Salette en 1846 est un petit village de montagne, environné de hameaux perdus dans leur solitude, sans doute plus préservé que le gros bourg de Corps, mais ici et là, la misère opère ses ravages ainsi que l’irréligion qui, de l’État et des élites, s’est répandue depuis cinquante ans dans le peuple. Le clergé désespère de jamais porter remède à l’indifférence religieuse, au libertinage, au respect humain des catholiques eux-mêmes. Les familles des deux voyants ne font pas exception à la règle et les enfants, placés très tôt chez des maîtres, sont quasiment abandonnés à eux-mêmes. Maximin et Mélanie, réunis « par hasard » le 19 septembre pour garder les vaches sur la montagne, ne sympathisent guère ; le garçon a certes bon cœur et la fille est réservée, mais tous deux sont ignorants, grossiers et à demi sauvages. Pourtant, c’est leur voix innocente, transmettant fidèlement le message du Ciel, qui réveillera la foi du peuple de France et l’attirera sur cette montagne : nombreux furent ceux qui reconnurent leur crime, craignirent les châtiments et se convertirent, tandis que les meilleurs entraient généreusement dans la voie de la réparation réclamée par le Ciel.
Fatima aussi est un petit village retiré, perdu dans le massif montagneux de la Serra da Aire. On vit pauvrement au hameau d’Aljustrel dans les années 1910, mais ce n’est pas la misère. C’est la vie paysanne, dure et simple, vertueuse et joyeuse, tout imprégnée d’une piété solide et d’une foi profonde. C’est une des régions les plus fidèles aux traditions catholiques et royales, à partir desquelles s’opérera la reconquête du pouvoir par les catholiques en 1918. Et puis, c’est la religion traditionnelle d’un village de cette Chrétienté, que Notre-Dame est venue réveiller au siècle dernier, dans toutes ses apparitions, à commencer par La Salette ! et dont le charme nous saisit à la lecture des Mémoires de sœur Lucie consacrés aux familles Marto et Dos Santos : les parents, d’excellente réputation, et les futurs petits voyants, trois enfants prédestinés, bien accordés, bien instruits de leur religion, formant un inséparable trio quand ils vont paître les troupeaux de leurs parents. Première révélation, aimable, réconfortante et déjà alléchante, des prédilections du Cœur de Marie.
2. Les apparitions. À La Salette, les voyants n’ont bénéficié d’aucune préparation, ils sont surpris au milieu de leurs occupations ordinaires, et, mis en contact direct avec le monde surnaturel, ils en sont éblouis, subjugués mais non pas saisis intérieurement ni transformés ; « je ne sentais rien », avouera Maximin. Tandis qu’à Fatima, un ange les prépare à la visite de la Reine du Ciel, leur apprenant à prier et à offrir leurs souffrances. Il les introduit dans la lumière de Dieu et leur dit : « Réparez les crimes des pécheurs et consolez votre Dieu ! »
La Vierge de La Salette apparaît « au sein d’une lumière, la plus brillante qui soit », ce qui nous rappelle évidemment la Dame « plus brillante que le soleil » de Fatima, toutes expressions conformes à la vision de la « Femme revêtue du soleil », du chapitre XII de l’Apocalypse. Mais, alors qu’à La Salette, une seule apparition a suffi à la Mère de Dieu pour rappeler à son peuple la loi de son Fils, par la crainte des châtiments, les six apparitions de Fatima ne sont pas de trop pour manifester toute l’ampleur du dessein divin : établir la royauté universelle de Marie, par la dévotion à son Cœur Immaculé.
Le 13 mai 1917, l’expression de la Dame, toute vêtue de blanc, « Je suis du Ciel », nous rappelle sa déclaration à La Salette, qui nous a tant étonnés : « Je vous ai donné six jours… » Mystère de préexistence, avant tous les siècles ?… Puis elle demande la récitation quotidienne du chapelet, et même beaucoup plus pour François ! alors que Maximin et Mélanie devaient réciter avec peine un Pater et un Ave ! Il faut bien un début à tout, mais le but est clair : il s’agit d’honorer de plus en plus Notre-Dame du Très Saint Rosaire. Alors, la Vierge de Fatima, ouvrant ses mains, infuse dans leurs cœurs et leurs âmes, cette grâce divine dont elle est la médiatrice, qui les fait se voir eux-mêmes en Dieu, tout illuminés de sa Présence et brûlants de son Amour ; quel renouvellement intime !
Même grâce “ positive ”, le 13 juin, qui les introduit cette fois dans le grand mystère : à La Salette, Notre-Dame portait un crucifix vivant, « comme incrusté sur sa poitrine », d’où émanaient des flots de lumière ; même vision mais plus douloureuse, à Pontmain. À Fatima, Jésus semble se retirer et, du sein de la même lumière, apparaît le Cœur Immaculé de Marie, entouré d’épines, demandant réparation. On ne peut manifester plus clairement la volonté de Dieu d’établir dans le monde cette dévotion qui lui tient le plus à cœur, afin de tout renouveler par elle.
Le secret du 13 juillet, préparé, annoncé par celui de La Salette, en dit l’urgence : les âmes, les nations, l’Église même sont en grand péril ! Marie peut donc tout sauver ? Tout lui est soumis ? Oui, car elle y a pris beaucoup de peine : « Vous aurez beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour vous ».
Les miracles atmosphériques du 13 septembre figurent le paradis retrouvé car elle a aussi reçu puissance de tout faire reverdir, fleurir en vertus et porter beaucoup de fruits.
Enfin, le miracle du 13 octobre atteste sa toute-puissance, « Je ferai un grand miracle que tous verront pour croire ». « Ouvrant les mains, Notre-Dame les fit se réfléchir sur le soleil », provoquant sa chute terrifiante et son rétablissement sauveur. Ce miracle inouï atteste la vérité de cette grâce nouvelle, unique et merveilleuse, qui accomplit toute loi !
3. Les voyants et leur secret. La vie des voyants illustre à elle seule les différences et les perfectionnements de l’une à l’autre apparition, marquant ainsi les étapes de ce renouveau :
Maximin et Mélanie font un Adam et une Ève bien pitoyables : ils annoncent le message de la Belle Dame, en gardant la tare du péché originel et leurs propres imperfections et défauts. Dépositaire d’un secret trop lourd à porter pour lui, le pauvre Maximin n’aspire qu’à s’en libérer mais il sera néanmoins fidèle à le conserver intact jusqu’à sa mort ; Mélanie, de son côté en invente un autre, se construit un monde à part, plein d’illusions, pour échapper au terrible quotidien… Ils figurent tous les deux cette pauvre humanité, tendant les mains vers son libérateur, tantôt soumise, tantôt révoltée. Ils témoignent ainsi, en négatif, dans une ombre mêlée de lumière, de la sagesse des desseins de Dieu.
En contraste, quelle merveille que la vie lumineuse et ardente de nos trois pastoureaux de Fatima, régénérés, introduits par grâce dans ce Paradis retrouvé de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Leurs âmes seront si profondément marquées par le Secret qui leur avait été communiqué que le récit de leur vie, bouleversant, devra convertir demain jusqu’aux plus grands pécheurs et allumer dans tous les cœurs le feu de l’amour qui les a consumés : François, pour être le modèle des consolateurs des Saints Cœurs de Jésus et Marie, et la petite Jacinthe, leur héroïque coopératrice pour arracher les âmes à l’enfer.
Quant à Lucie, Jésus s’est servi d’elle « pour faire connaître et aimer » le Cœur de sa Mère, (...) « ce port du salut, toujours prêt à accueillir tous les naufragés de ce monde… » Son témoignage est transparent : elle n’écrit que dans l’obéissance, n’affabule pas comme Mélanie, et ne se raconte pas. Ses deux derniers “ Mémoires ” sont uniquement consacrés à son père et à sa mère.
Une chose pourrait rapprocher les deux voyantes : la difficulté qu’elles éprouvèrent à rédiger chacune leur secret. La terreur et les larmes de Mélanie en juillet 1851, font penser invinciblement à la mystérieuse et terrible agonie de sœur Lucie, d’octobre 1943 à janvier 1944, à la mesure du drame apocalyptique qu’elles annonçaient l’une et l’autre de la part du Ciel. Mais ensuite, leurs vies divergent : les inventions de Mélanie sont en rupture avec son message initial, tandis que les révélations de Pontevedra et de Tuy sont la suite parfaite des révélations de Fatima. Mélanie, fille d’Ève, est une mythomane, désobéissante et déséquilibrée – ce qui l’excuse en partie… – ses “ prophéties ” ont été infirmées par les faits : les années 1864 et 1865 n’ont pas marqué le déchaînement des forces du Mal qu’elle avait annoncé, malgré toutes les tentatives d’explication de ses partisans. Au contraire, sœur Marie-Lucie du Cœur Immaculé, l’enfant de Marie et sa vivante image, fut une religieuse équilibrée, obéissante et rayonnante ; elle a toujours rappelé à l’heure la plus favorable les demandes de Notre-Dame, et le Secret s’est réalisée et se réalise.
Si Mélanie de La Salette subit d’avance la “ désorientation diabolique ”, dénoncée par Lucie de Fatima, cette dernière personnifie la fidélité que la nouvelle Ève vient recréer sur la terre.
FATIMA ÉCLAIRE LA SALETTE
De la même façon que l’Évangile éclaire d’une lumière nouvelle l’Ancien Testament en l’accomplissant, de même Fatima, qui est l’achèvement du dessein de Dieu, révèle le sens des apparitions précédentes. Ainsi, c’est une révélation spéciale à sœur Lucie, qui nous apprend que les demandes du Sacré-Cœur au roi Louis XIV par l’entremise de sainte Marguerite-Marie, n’ont pas été satisfaites.
Tâchons donc, à la lumière de Fatima et de son Secret, d’isoler le vrai Secret de La Salette de toutes ses grossières contrefaçons. (...) La petite phrase dévoilée à dessein par sœur Lucie, « Au Portugal se conservera toujours le dogme de la foi... », laisse penser qu'à Rome, ce sera le contraire.
D’autre part, il y est question du “ mystère d’iniquité ”, dont parle saint Paul pour désigner le temps de l’Antéchrist : « Il faut d’abord que vienne l’apostasie et que se révèle l’Homme d’iniquité, le Fils de la perdition, l’Adversaire, celui qui s’oppose et se dresse à l’encontre de tout ce qui porte le nom de Dieu ou reçoit un culte, au point de siéger en personne dans le Sanctuaire de Dieu, se produisant lui-même comme Dieu. » (II Thess 2, 3-4) Et sœur Lucie, en nous renvoyant au chapitre XIII de l’Apocalypse, veut clairement signifier que nous sommes entrés dans ce grand combat des derniers temps, dont la Vierge sortira victorieuse !
Revenons à La Salette. Une phrase se détache du grand Secret publié par Mélanie en 1879, que nous tenons pour authentique : « Rome perdra la foi et deviendra le siège de l’Antéchrist. » On y retrouve en effet un des trois mots échappés à la rédaction de 1851 : « Antéchrist ». Il est impossible que cette phrase-clé, d’une clarté et d’une force prodigieuses, soit de l’invention de Mélanie, parce qu’on avait à l’époque un tel culte pour Rome ! qu’il était absolument exclu que l’apostasie puisse venir de là un jour, et que Mélanie partageait cette conviction ; elle professait pour le Pape, que ce soit Pie IX, qui avait tant favorisé La Salette, ou Léon XIII qu’elle prétendait avoir gagné à sa cause, une admiration sans bornes.
Les trois autres mots, connus comme authentiques, ajoutent quelques lumières à cette révélation essentielle :
« infailliblement » : Mélanie expliquera par la suite que ce mot s’appliquait aux événements prédits, qui devaient “ arriver infailliblement ” (Voilin, p. 78), mais doit-on la croire ? Car le terme s’applique surtout aux vérités de foi qui doivent être définies “ infailliblement ”.
« villes souillées » : C’est l’image et la conséquence de leur apostasie. Elles méritent pour cela cent fois le châtiment de Sodome et Gomorrhe, à moins que… se repentant et tournant les yeux vers la Vierge Immaculée, elles soient guéries par sa pureté positive de toute luxure et de tout orgueil !
« Pontife » : Le rôle du Souverain Pontife est déterminant pour la réussite du grand dessein providentiel révélé dans le troisième Secret de Fatima, comme à La Salette. « Ce n’est pas sans raison que l’Église est appelée militante, et que vous en voyez ici le Capitaine », disait Pie IX, après avoir lu le Secret. « Et si le secret regardait le Pape lui-même » ? disait un jour Mélanie ; Maximin, lui, revenait souvent sur le devoir du Pape de défendre le dogme et de condamner les erreurs.
Le Secret de Fatima parle des persécutions contre l’Église et le Saint-Père, sans doute celui qui, à Rome, restaurera la foi et consacrera la Russie au Cœur Immaculé de Marie ? On se souvient avec quelle ardeur les enfants de Fatima, en particulier Jacinthe, priaient et se sacrifiaient pour le Saint-Père. Citons ici une parole étonnante de Pie IX, qui s’est souvent inspiré de la connaissance des deux secrets de La Salette dans ses discours publics : « En 1871, au XXVe anniversaire de son élection, il disait à la députation française, présidée par Mgr Forcade, de Nevers : “ Il y aura un grand prodige qui remplira le monde d’étonnement. Ce prodige toutefois doit être précédé du triomphe de la Révolution. L’Église aura beaucoup à souffrir : ses ministres et son chef tout le premier seront outragés, persécutés, martyrisés. ” »
Le lien que notre Père établit entre La Salette et Fatima n’a pas été imaginé jusqu’à ce jour. Et il ne pouvait l’être, parce que Rome, en 1915, sous Benoît XV, pour mettre un terme à une nouvelle polémique suscitée par le grand Secret de Mélanie, avait tranché net, trop net : «… La Sacrée Congrégation du Saint-Office ordonne à tous les fidèles, à quelque pays qu’ils appartiennent, de s’abstenir de traiter et de discuter le sujet dont il s’agit... » En interdisant tout commentaire, Rome se fermait à la compréhension profonde des intentions du Ciel. Aussi, faute d’avoir compris La Salette qui préparait les voies, elle ne pouvait comprendre Fatima : elle n’avait pas la clé, ni religieuse, ni politique, des événements à venir…
Ainsi, concluons ces pages qui en appellent bien d’autres par cette sorte d’équation lumineuse, que nous devons toute, comme une lumière sur notre chemin de fin de siècle, à notre vénéré et très unique Père :
« Mélanie, Ève des derniers temps, semble préfigurer l’Église moderniste et conciliaire, allant jusqu’aux limites du gnosticisme athéiste, cependant conservant le dogme de la foi, à grand peine et grands tourments pour ses enfants persécutés. Maximin, Adam modeste et dépassé, paraît, tel que l’a vu le saint pape Pie IX, l’honnête représentant de la France profonde, peuple légitimiste, “ catholique et français toujours ”, auquel la Vierge Marie annonça en secret le retour des lys, la venue du Grand Monarque, aux jours heureux du couronnement du Saint Pontife, restaurateur de toutes choses par la grâce du très saint et unique Cœur Sacré de Jésus et de Marie. »
C’est pourquoi nous aspirons à la publication du Secret de La Salette, dévoilant ainsi avec le Secret de Fatima l’orthodromie tragique, mais grandiose, de notre XXe siècle qui doit aboutir au triomphe universel et à la dévotion partout répandue du Cœur Immaculé de Marie, ainsi que “ Dieu le veut ! ”
Frère Thomas de Notre-Dame du perpétuel secours.
CRC n° 324, juillet-août 1996, p. 27-30