Le scandale de la béatification de Mère Teresa
Le pape Jean-Paul II était si pressé de l’élever sur les autels qu’il n’a pas hésité à abolir tous les délais imposés sagement par l’Église, et scrupuleusement appliqués au cas de Lucie de Fatima...
Aujourd’hui, l’imprudence paraît au grand jour par la publication des lettres de mère Teresa, révélant qu’elle avait perdu la foi. Tous ses admirateurs s’efforcent d’atténuer le scandale en parlant de “ nuit spirituelle ”, et en comparant cette prétendue “ nuit de la foi ” à l’épreuve vécue par sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus pendant les dix-huit mois qui ont précédé sa mort, le 30 septembre 1897, cent ans avant celle de mère Teresa (3 juillet 1997).
Saint Pie X accusait les démocrates chrétiens du Sillon de « convoyer le socialisme, l’œil fixé sur une chimère », car « leur idéal étant apparenté à celui de la Révolution, ils ne craignent pas de faire entre l’Évangile et la Révolution des rapprochements blasphématoires qui n’ont pas l’excuse d’avoir échappé à quelque improvisation tumultueuse ».
Ainsi en va-t-il des rapprochements que font les dévots de Teresa de Calcutta avec Thérèse de Lisieux, que saint Pie X appelait « la plus grande sainte des temps modernes ».
La première personnifie en vérité les ténèbres qui recouvrent aujourd’hui la foi de l’Église et plonge le monde entier dans ce que sœur Lucie appelle « une désorientation diabolique ». Nous n’écrivons pas cette affirmation à la légère. Un texte, écrit en forme de prière décrit avec une force singulière les ténèbres où elle est entrée par sa propre faute, en 1957, pour n’en plus sortir, jusqu’à sa mort en 1997. Ce texte est daté du 3 juillet 1959, année de l’indiction du Concile par Jean XXIII. Cette année-là, Jean XXIII a lu le troisième Secret de Fatima et s’est détourné résolument de cette lumière, plongeant du fait même l’Église dans des ténèbres qui n’ont fait que s’épaissir jusqu’aujourd’hui :
« Seigneur, mon Dieu, qui suis-je pour que tu m’abandonnes ? L’enfant de ton amour – et qui maintenant est devenu le plus détesté – celui que Tu as rejeté, non désiré – non aimé. J’appelle, je m’accroche, je veux – et il n’y a Personne pour répondre – personne à qui je puisse m’accrocher – non, Personne. – Seule. L’obscurité est si sombre – et je suis seule. – Non désirée, abandonnée. – La solitude du cœur qui désire l’amour est insupportable. – Où est ma foi ? – Même tout au fond, juste là, il n’y a rien que le vide et l’obscurité. – Mon Dieu – Comme est douloureuse cette douleur inconnue. Elle me fait souffrir sans cesse. – Je ne crois en rien – je n’ose pas prononcer les mots et les pensées qui se bousculent dans mon cœur – et me font souffrir une terrible agonie. Tant de questions sans réponse vivent en moi – J’ai peur de les découvrir – de peur du blasphème. – Si Dieu existe, qu’il me pardonne. – “ Croire que toute volonté s’achève au Paradis avec Jésus ? ” – Quand j’essaie d’élever mes pensées au Paradis – Il y a un tel vide que ces pensées reviennent comme des couteaux tranchants et blessent mon âme. – Amour – le mot – n’évoque rien. – On me dit que Dieu m’aime – et pourtant l’obscurité, la froideur et le vide sont une réalité si grande que rien ne touche mon âme. Avant de commencer à travailler (ndlr : pour les débuts de sa mission en Inde), je connaissais une telle union – amour – foi – confiance – prière – sacrifice. – Ai-je fait une erreur en m’abandonnant aveuglément à l’appel du Sacré-Cœur ? » (La Croix, 29-30 septembre 2007)
Écoutez maintenant sainte Thérèse :
« Je jouissais alors d’une foi si vive, si claire, que la pensée du Ciel faisait tout mon bonheur, je ne pouvais croire qu’il y eût des impies n’ayant pas la foi. Je croyais qu’ils parlaient contre leur pensée en niant l’existence du Ciel, du beau Ciel où Dieu Lui-même voudrait être leur éternelle récompense.
« Aux jours si joyeux du temps pascal, Jésus m’a fait sentir qu’il y a véritablement des âmes qui n’ont pas la foi, qui par l’abus des grâces perdent ce précieux trésor [c’est exactement le cas de mère Teresa !], source des seules joies pures et véritables. Il permit que mon âme fût envahie par les plus épaisses ténèbres et que la pensée du Ciel si douce pour moi ne soit plus qu’un sujet de combat et de tourment... Cette épreuve ne devait pas durer quelques jours, quelques semaines, elle devait ne s’éteindre qu’à l’heure marquée par le Bon Dieu et... cette heure n’est pas encore venue...
« Je voudrais pouvoir exprimer ce que je sens, mais hélas ! je crois que c’est impossible. Il faut avoir voyagé sous ce sombre tunnel pour en comprendre l’obscurité. Je vais cependant essayer de l’expliquer par une comparaison. Je suppose que je suis née dans un pays environné d’un épais brouillard, jamais je n’ai contemplé le riant aspect de la nature, inondée, transfigurée par le brillant soleil ; dès mon enfance il est vrai, j’entends parler de ces merveilles, je sais que le pays où je suis n’est pas ma patrie, qu’il en est un autre vers lequel je dois sans cesse aspirer (He 11, 13-16).
« Ce n’est pas une histoire inventée par un habitant du triste pays où je suis, c’est une réalité certaine car le Roi de la patrie au brillant soleil est venu vivre trente-trois ans dans le pays des ténèbres (Jn 1, 5. 9. 10) ; hélas ! les ténèbres n’ont point compris que ce Divin Roi était la lumière du monde... Mais Seigneur, votre enfant l’a comprise votre divine lumière, elle vous demande pardon pour ses frères, elle accepte de manger aussi longtemps que vous le voudrez le pain de la douleur (Ps 127, 2) et ne veut point se lever de cette table remplie d’amertume où mangent les pauvres pécheurs avant le jour que vous avez marqué... Mais aussi ne peut-elle pas dire en son nom, au nom de ses frères ? Ayez pitié de nous Seigneur, car nous sommes de pauvres pécheurs ! (Mt 9, 10-11 ; Lc 18, 13)... Oh ! Seigneur, renvoyez-nous justifiés... Que tous ceux qui ne sont point éclairés du lumineux flambeau de la foi le voient luire enfin... ô Jésus, s’il faut que la table souillée par eux soit purifiée par une âme qui vous aime, je veux bien y manger seule le pain de l’épreuve jusqu’à ce qu’il vous plaise de m’introduire dans votre lumineux royaume. La seule grâce que je vous demande c’est de ne jamais vous offenser !...
« Ma Mère bien-aimée, ce que je vous écris n’a pas de suite ; ma petite histoire qui ressemblait à un conte de fée s’est tout à coup changée en prière, je ne sais pas quel intérêt vous pourrez trouver à lire toutes ces pensées confuses et mal exprimées. Enfin ma Mère, je n’écris pas pour faire une œuvre littéraire mais par obéissance ; si je vous ennuie, du moins vous verrez que votre enfant a fait preuve de bonne volonté. Je vais donc sans me décourager continuer ma petite comparaison, au point où je l’avais laissée. Je disais que la certitude d’aller un jour loin du pays triste et ténébreux m’avait été donnée dès mon enfance ; non seulement je croyais d’après ce que j’entendais dire aux personnes plus savantes que moi, mais encore je sentais au fond de mon cœur des aspirations vers une région plus belle. De même que le génie de Christophe Colomb lui fit pressentir qu’il existait un nouveau monde, alors que personne n’y avait songé, ainsi je sentais qu’une autre terre me servirait un jour de demeure stable (He 13, 14).
« Mais tout à coup les brouillards qui m’environnent deviennent plus épais, ils pénètrent dans mon âme et l’enveloppent de telle sorte qu’il ne m’est plus possible de retrouver en elle l’image si douce de ma Patrie, tout a disparu ! Lorsque je veux reposer mon cœur fatigué des ténèbres qui l’entourent, par le souvenir du pays lumineux vers lequel j’aspire, mon tourment redouble ; il me semble que les ténèbres, empruntant la voix des pécheurs, me disent en se moquant de moi : “ Tu rêves la lumière, une patrie embaumée des plus suaves parfums, tu rêves la possession éternelle du Créateur de toutes ces merveilles, tu crois sortir un jour des brouillards qui t’environnent ! Avance, avance, réjouis-toi de la mort qui te donnera, non ce que tu espères, mais une nuit plus profonde encore, la nuit du néant. ”
« Mère bien-aimée, l’image que j’ai voulu vous donner des ténèbres qui obscurcissent mon âme est aussi imparfaite qu’une ébauche comparée au modèle ; cependant je ne veux pas en écrire plus long, je craindrais de blasphémer... j’ai peur même d’en avoir trop dit... Ah ! que Jésus me pardonne si je Lui ai fait de la peine [et non pas « s’il existe » ! ], mais Il sait bien que tout en n’ayant pas la jouissance de la foi, je tâche au moins d’en faire les œuvres. Je crois avoir fait plus d’actes de foi depuis un an que pendant toute ma vie. À chaque nouvelle occasion de combat, lorsque mon ennemi vient me provoquer, je me conduis en brave, sachant que c’est une lâcheté de se battre en duel, je tourne le dos à mon adversaire sans daigner le regarder en face ; mais je cours vers mon Jésus, je Lui dis être prête à verser jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour confesser qu’il y a un Ciel. Je Lui dis que je suis heureuse de ne pas jouir de ce beau Ciel sur la terre afin qu’Il l’ouvre pour l’éternité aux pauvres incrédules. Aussi malgré cette épreuve qui m’enlève toute jouissance, je puis cependant m’écrier : “ Seigneur vous me comblez de joie par tout ce que vous faites. ” (Ps 91 / 92, 5) Car est-il une joie plus grande que celle de souffrir pour votre amour ? Plus la souffrance est intime, moins elle paraît aux yeux des créatures, plus elle vous réjouit, ô mon Dieu ! Mais si par impossible vous-même deviez ignorer ma souffrance, je serais encore heureuse de la posséder si par elle je pouvais empêcher ou réparer une seule faute commise contre la foi...
« Ma Mère Bien-aimée, je vous parais peut-être exagérer mon épreuve, en effet si vous jugez d’après les sentiments que j’exprime dans les petites poésies que j’ai composées cette année, je dois vous sembler une âme remplie de consolations et pour laquelle le voile de la foi s’est presque déchiré, et cependant... ce n’est plus un voile pour moi, c’est un mur qui s’élève jusqu’aux cieux et couvre le firmament étoilé... Lorsque je chante le bonheur du Ciel, l’éternelle possession de Dieu, je n’en ressens aucune joie, car je chante simplement ce que je veux croire. Parfois il est vrai, un tout petit rayon de soleil vient illuminer mes ténèbres, alors l’épreuve cesse un instant, mais ensuite le souvenir de ce rayon au lieu de me causer de la joie rend mes ténèbres plus épaisses encore.
« Ô ma Mère, jamais je n’ai si bien senti combien le Seigneur est doux et miséricordieux (Ps 103, 6) [comparez avec : « Ai-je fait une erreur en m’abandonnant aveuglément à l’appel du Sacré-Cœur ? » ] ; il ne m’a envoyé cette épreuve qu’au moment où j’ai eu la force de la supporter, plus tôt je crois bien qu’elle m’aurait plongée dans le découragement... Maintenant elle enlève tout ce qui aurait pu se trouver de satisfaction naturelle dans le désir que j’avais du Ciel... Mère bien-aimée, il me semble maintenant que rien ne m’empêche de m’envoler, car je n’ai plus de grands désirs si ce n’est celui d’aimer jusqu’à mourir d’amour. » (Histoire d’une âme, manuscrit C, 1897)
Le discernement s’impose au simple bon sens : tandis que la sainte de Lisieux multiplie les actes de foi – « Je crois avoir fait plus d’actes de foi depuis un an que pendant toute ma vie » – l’apostate de Calcutta multiplie les actes d’idolâtrie. Il suffit de la voir dans la pagode en prière devant la statue de Bouddha (photos et récit dans Il est ressuscité n° 16, nov. 2003). La cause est entendue !
frère Bruno de Jésus.
Extraits de Il est ressuscité ! n° 63, novembre 2007, p. 4-6