II. Le jugement de l'Église sur Medjugorje
Tout d’abord bienveillant vis-à-vis des apparitions et des voyants de Medjugorje, l’évêque de Mostar, Mgr Zanic, constituait le 11 janvier 1982 sa commission d’enquête canonique pour examiner les faits et les paroles de l’apparition et des voyants.
Dans les semaines qui suivirent, il se rendit compte que les voyants lui mentaient. Il s’agissait pour eux de lui cacher les propos de la Gospa en faveur de deux franciscains rebelles à ses directives légitimes, à celles de leurs supérieurs et aux ordres du Pape lui-même. Ainsi de janvier à mai 1982, sa conviction se forgea définitivement. Il décida aussitôt, en accord avec les membres de la commission d’enquête, de publier sa sentence canonique de condamnation de ces apparitions au titre de simagrées de Satan. Sa conviction était alors que les adolescents voyaient bien un être préternaturel, mais que c’était Satan. Mgr Zanic ne songea dès lors qu’à mettre en garde les autorités romaines contre cette désorientation diabolique qui risquait de couvrir l’Église de honte. (...)
Retraçons brièvement les étapes du courageux témoignage qu’il ne cessa de rendre à la vérité pour l’honneur de l’Église et de Marie Immaculée.
MGR ZANIC, L’HONNEUR DE L’ÉGLISE
Lorsque Mgr Zanic se rendit à Rome pour avertir les autorités romaines, on lui recommanda de ne pas se hâter d’émettre un jugement « parce que le temps apporterait de nouvelles preuves pour et contre. Les apparitions, du reste, durent encore, et il est probable qu’il arrivera quelque chose de nouveau. »
Que pourrait-il arriver de nouveau ? Les mensonges des voyants deviendraient-ils de candides vérités ? Les oracles de la Gospa en faveur des franciscains rebelles deviendraient-ils soudain légitimes ? Les hérésies de la Gospa deviendraient-elles catholiques ? (...)
Jean-Paul II ÉCARTELÉ : FATIMA OU MEDJUGORJE ?
Que s’était-il passé à Rome ? L’attentat du 13 mai 1981 contre Jean-Paul II avait provoqué le Pape à se tourner vers Fatima. Un mois après, la Gospa apparaissait en Yougoslavie, l’attirant de nouveau vers l’Est pour l’en dissuader. Son message œcuménique devait le séduire en le flattant dans ses convictions théologiques les plus profondes, celles de toute sa vie.
Ainsi, au moment même où Fatima, à partir du 13 mai 1981, appelait le pape Jean-Paul II à répondre à des demandes précises qui contredisaient la politique vaticane, Medjugorje allait lui fournir au contraire une apparition “ mariale ” le confirmant dans toutes les nouveautés qu’il avait contribuées à introduire au Concile Vatican II. (...)
MGR ZANIC LUTTE SEUL CONTRE MEDJUGORJE ET LE LOBBY CHARISMATIQUE
Le 5 octobre 1983, le grand théologien Urs von Balthasar, ami du Pape, déclare : « Ce qui se passe à Medjugorje est vraiment de Dieu [...]. Il est certain que le Pape s’intéresse à Medjugorje. » Von Balthasar, rallié au charismatisme, inaugurait par cette phrase la manœuvre romaine pour rendre inefficaces les décisions de Mgr Zanic, le seul qui en la circonstance avait juridiction pour se prononcer. À partir de ce moment une foule de sommités théologiques et de leaders charismatiques vont assurer la promotion médiatique de Medjugorje ; l’orchestration sera si savamment menée que la voix du seul qui avait ici le droit de parler ne fût plus entendue de personne, et ne devînt plus qu’une opinion, parmi d’autres qui lui étaient contraires. (...)
Le 13 janvier 1984, Mgr Zanic publie sa deuxième mise en garde officielle. Le 21 janvier, il écrit à la conférence épiscopale italienne pour l’avertir de la vérité, car en Italie Medjugorje fait fureur. (...)
Le 24 mars, la commission d’enquête publie un document ferme désapprouvant pèlerinages et propagande.
Le 13 septembre, Mgr Zanic reçoit du docteur Mangiapan, directeur du Bureau médical de Lourdes, un rapport très négatif quant aux cas de guérisons “ miraculeuses ” allégués en faveur de Medjugorje. (...)
MEDJUGORJE ET LES ÉVÊQUES YOUGOSLAVES
Le 12 octobre, Mgr Zanic parle devant tous ses confrères de l’épiscopat yougoslave, réunis en assemblée plénière. Il les convainc de la fausseté des apparitions, mais le cardinal Kuharic, président de la conférence épiscopale, recommande de temporiser.
L’évêque de Mostar ne se laisse pas impressionner. Il publie un document signé de lui seul. C’est la fameuse Posizione, en croate et en italien, en date du 30 octobre 1984. Nul n’y fera écho. Nous serons les seuls, dans les colonnes de la CRC, à la reproduire.
Par contre, la presse italienne publie, en novembre et décembre, la position romaine. Le cardinal Ratzinger se montre favorable à l’authenticité, et von Balthasar en est de plus en plus certain. Le 13 décembre, Mgr Franic, le seul évêque yougoslave favorable à Medjugorje, est reçu en privé par le Pape. Le 16, il est à Medjugorje pour une “ retraite ”, que la presse mondiale se hâte aussitôt de faire connaître. Mgr Zanic est ainsi bafoué dans son propre diocèse, aux yeux de toute l’Église. Une grande revue catholique yougoslave publie les déclarations enflammées de l’archevêque Franic contre son confrère de Mostar.
En janvier 1985, Mgr Zanic se plaint à Rome des empiétements de Mgr Franic contre ses décisions légitimes. En février, il réaffirme lors d’une conférence de presse à Rome, le caractère illégal de toute propagande et des pèlerinages, tant qu’il n’a pas prononcé son jugement.
MANŒUVRES DE ROME POUR RÉDUIRE MGR ZANIC AU SILENCE
Le 1er avril, le cardinal Casaroli, secrétaire d’État et maître d’œuvre de l’ostpolitik vaticane, contraint officiellement Mgr Zanic et Mgr Franic au silence, pour le bien de l’Église.
Le 31 octobre 1985, c’est au tour de Jean-Paul II en personne de dissuader Mgr Zanic de continuer son action. L’intrépide évêque ne changera pourtant rien dans sa conduite. Le 30 novembre, il annonce la publication du rapport définitif pour mai 1986. Inutile de dire que pendant tous ces mois, les nouveaux mensonges, les désobéissances innombrables, les scandales de mœurs qui éclaboussent sans cesse les voyants et le clergé de Medjugorje, viennent s’accumuler pour renforcer la conviction de l’évêque.
L’affolement s’empare alors des adeptes de la Gospa. Le 21 février 1986, l’abbé Laurentin espère encore que « le prolongement des apparitions empêchera l’évêque de faire quelque chose d’irréparable ».
POURQUOI Jean-Paul II A-T-IL SAUVÉ MEDJUGORJE ?
En avril, le cardinal Ratzinger déclare à Mgr Zanic : « Les défenseurs de Medjugorje sont trop forts » ! Et il doit transmettre tout le dossier à Rome, ce qui se fait en mai 1986.
Tous les adeptes de la Gospa triomphent. L’apparition est sauvée ! Il faut dire que, en ces mois d’été, le pape Jean-Paul II prépare activement la réunion de prière œcuménique d’Assise, pour le 27 octobre.
Les messages de la Gospa : « Paix, paix, rien que la paix, réconciliez-vous... Toutes les religions sont égales devant Dieu. Dieu commande dans toutes ces religions comme le roi dans son royaume. » etc., serviront de caution mariale, dans le bon public catholique, à la réunion interreligieuse d’Assise qui tient tant à cœur au pape. (...)
Pourtant, le dossier de Medjugorje brûla vite les doigts des examinateurs de la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi. L’abbé Laurentin, qui s’était réjoui du caractère œcuménique des oracles de la Gospa en 1984 et 1985, dut en convenir en 1987 : « La principale objection [contre l’authenticité], celle qui a préoccupé non seulement les polémistes de service, mais la commission, et fait problème à Rome même, ce sont les propos relatifs à l’œcuménisme, qui seraient relativistes, indifférentistes jusqu’à l’hérésie “ et à l’apostasie ”, disent les polémistes. » (...)
NOUVELLE COMMISSION D’ENQUÊTE
En 1987, le dossier est renvoyé à la conférence épiscopale yougoslave, dont les membres partagent tous les convictions de Mgr Zanic quant à Medjugorje, sans montrer pourtant le même courage que lui. L’épiscopat yougoslave institue à son tour une commission d’enquête. (...)
Voyant bien que la nouvelle commission prenait le tour de la première et que rien de public n’en sortirait, Mgr Zanic, le 25 juillet, se rendit à Medjugorje où il donna l’homélie de la messe. Le réquisitoire terrible qu’il prononça alors peut se résumer par ces trois phrases qui en sont tirées : « Prêcher au peuple fidèle des choses qui ne sont point vraies, au sujet de Dieu, de Jésus-Christ ou de la Vierge Marie, cela mérite le fond de l’enfer ! » Et cette exclamation : « Oh ! Vierge Sainte, qu’ont-ils fait de vous ?! » Pour conclure par cette supplication : « Oh ! Vierge très Sainte, daignez enfin accepter en réparation les prières sincères des âmes pieuses. »(Voir ci-dessous l'homélie complète en encart)
Très vite les travaux de la commission vont s’achever pour arriver à une conclusion évidemment négative. Mais, pendant trois ans, Mgr Zanic en attendra vainement la publication.
MEDJUGORJE SUPPLANTE FATIMA ET CAUTIONNE L’OSTPOLITIK VATICANE
Pendant ces trois années, Medjugorje, après avoir été la caution “ mariale ” de l’œcuménisme et de l’interreligion, devenait par l’entremise de Mgr Hnilica, ami personnel du Pape, la caution “ mariale ” de l’Ostpolitik vaticane, en lien avec les événements de la perestroïka, mais en contradiction avec les prophéties de Fatima.
À partir de 1989, Mgr Hnilica répandit partout que la Russie se convertissait puisque le Pape l’avait consacrée le 25 mars 1984 (!). Fatima avait prophétisé la conversion de la Russie, et Medjugorje allait désormais l’accomplir. Medjugorje achève et continue Fatima...
En mars 1990, on annonçait enfin la parution du texte de la commission d’enquête. Mais Mgr Zanic, sachant qu’il ne paraîtrait pas, publia en mars son propre rapport. Il reprenait ses accusations de 1984, augmentées de bien d’autres preuves. Nul n’y fit écho. Nous le publiâmes dans la CRC de juin.
MGR ZANIC SAUVE LA VÉRITÉ, ROME ENTRETIENT L’HYPOCRISIE
La commission d’enquête rendit son rapport définitif en novembre 1990, mais Rome en interdit la publication.
Mais Mgr Zanic enfreint l’interdiction, et le publie sous le titre : « Les évêques déclarent : II n’y a pas de surnaturel à Medjugorje. » Voici la triple conclusion :
« 1° Au regard des faits, apparitions, extases, etc., les évêques ont déclaré que “ sur la base des examens effectués jusqu’à présent le caractère surnaturel des apparitions n’est pas assuré ”. (...)
« 2° Au regard des problèmes survenus entre les frères de la Province franciscaine et le diocèse [de Mostar], ils [les évêques] s’en remettent aux autorités compétentes, l’affaire ne relevant pas de leur attribution. » C’est ici le triomphe de Mgr Zanic, en ce point comme dans le premier.
« 3° L’afflux constant des pèlerins de diverses parties du monde retient l’attention et le soin des évêques, lesquels, dans l’esprit de communion ecclésiale, veulent aider l’évêque du lieu dans l’organisation du travail pastoral à Medjugorje, pour favoriser la ligne de conduite liturgique et pastorale. »
Si les faits ne sont pas surnaturels, selon le premier point, pourquoi ce troisième point le contredit-il en acceptant la venue des pèlerinages ?! Ce langage épiscopal, imposé par le pape Jean-Paul II, allie deux contradictoires. Il reconnaît d’une part l’impossibilité théologique d’approuver les apparitions. Mais il permet les pèlerinages au nom de la pastorale postconciliaire et charismatique qui ne cherche pas la vérité, et déclare “ respecter ” les sensibilités religieuses des fidèles.
Ainsi, Rome pourra continuer de favoriser les pèlerinages, l’argent rentrera toujours dans les caisses du charismatisme, mais ce sera dans un mensonge toujours plus obstiné.
LES TÉMOINS DE L’INFAILLIBILITÉ DE L’ÉGLISE
Pourtant, aujourd’hui encore, la vérité catholique demeure. (...) L’actuel évêque de Mostar, Mgr Ratko Peric, se montre aussi ferme et avisé que son héroïque prédécesseur, Mgr Zanic. Il connaît à fond le dossier de Medjugorje, car il fut, durant de longues années, le principal correspondant et le soutien de Mgr Zanic à Rome, où il était le supérieur du séminaire croate. (...)
L’opposition éclairée et persévérante de Mgr Peric est un signe d’espérance. Lors du synode d’octobre 1994, il a eu le courage de justifier publiquement, en présence du Pape, sa réprobation de Medjugorje. De plus, l’an dernier, par un acte d’autorité, il a sanctionné Laurentin, en lui interdisant de continuer à écrire sa chronique annuelle de Medjugorje, Dernières Nouvelles. (...)
L’imposture de Medjugorje, si vulgaire et ridicule, remarquera l’abbé de Nantes, « ne cesse de gagner comme une lèpre dans l’Église pour faire pièce à l’œuvre sublime, immense et proprement divine de Fatima. Medjugorje est à la fausse religion conciliaire ce que les apparitions et le message de Fatima sont à la vraie et irréformable religion catholique. »
Puisse la fin de Medjugorje sonner le glas des projets du diable sur l’Église, et marquer l’aube du triomphe du Cœur Immaculé de Marie dans l’âme de nos Pasteurs, triomphe irrévocablement promis à Fatima, et qui permettra, par l’approbation officielle des “ petites dévotions ”, de satisfaire aux conditions fixées par notre très chère Mère du Ciel pour le salut des âmes, le relèvement de l’Église et la paix du monde.
PROFESSION DE FOI MARIALE DE MGR ZANIC
« J’en appelle à Vous, Immaculée Vierge et Mère, Mère de Dieu et Mère de l’Église, Mère de ce peuple qui Vous cherche, qui Vous prie et Vous aime. J’en appelle à Vous, moi, votre serviteur, évêque de Mostar, et à la face du monde j’exprime ma profonde et inébranlable foi dans tous les privilèges dont Dieu Vous a comblée, privilèges qui font de Vous la première et la plus éminente des créatures. J’exprime ma profonde et inébranlable foi en votre intercession qui fait de Vous la Médiatrice auprès du Dieu Tout-Puissant pour tous les besoins de vos fils en cette vallée de larmes. J’exprime ma profonde et inébranlable foi en votre amour envers nous pécheurs, en cet amour que Vous nous avez manifesté par vos apparitions et par le secours que Vous nous avez accordés. J’ai moi-même conduit des pèlerinages à Lourdes.
« Vraiment, c’est avec la force de cette foi, que moi, votre serviteur, évêque de Mostar, devant toutes les foules qui Vous ont invoquée, je découvre et accepte votre grand signe, devenu sûr et évident au terme de ces six années. D’un signe spécial, moi-même je n’avais pas besoin, mais il a été nécessaire à tous ceux qui ont cru à des choses qui n’étaient point vraies. Ce signe consiste dans le fait que depuis six ans, Vous êtes toujours demeurée silencieuse, malgré l’annonce répétée que Vous alliez donner un signe. Les “ voyants ” disaient déjà en 1981 : “ II y aura un signe visible et durable sur la colline des apparitions, il va venir, on le verra dans peu de temps ; attendez encore un peu, un peu de patience ”. Et encore : “ Le signe aura lieu pour la fête de l’Immaculée Conception de 1981, pour Noël, pour le 1er de l’an ”, etc.
« Je Vous remercie, ô Notre-Dame, d’avoir montré suffisamment, par votre silence de six années, si Vous avez vraiment parlé ou non, si Vous êtes vraiment apparue, si Vous avez donné des messages et des secrets, si Vous avez promis oui ou non un signe particulier.
« Vierge très Sainte, Mère du Christ et notre Mère, daignez intercéder pour la paix dans cette turbulente province ecclésiastique, dans ce diocèse de Mostar : Intervenez spécialement en faveur de ce pays et pour cette paroisse où, une infinité de fois, on s’est servi de votre saint Nom pour répandre des messages qui n’étaient pas de Vous. Daignez faire que l’on cesse d’inventer de tels messages présentés comme venant de Vous. Ô Vierge très Sainte, daignez enfin accepter, en réparation, les prières sincères des âmes pieuses qui demeurent éloignées du fanatisme et de la désobéissance envers l’Église. Accordez-nous de tous retrouver l’authentique vérité. Ô Vierge bien-aimée, humble et obéissante servante du Seigneur, daignez faire que notre Medjugorje chemine d’un pas sûr derrière le Pasteur de cette Église locale, et que tous ensemble nous puissions Vous glorifier et Vous prier dans la Vérité et dans l’Amour. Amen !
† Pavao Zanic, évêque de Mostar. »
Extraits de la CRC n° 270, janvier 1991 ; CRC n° 356, mai 1999