L'ÉVANGILE DE PAUL
X. La résurrection des fils de Dieu
« Et ne nous laissez pas succomber à la tentation. »
MOURIR pour ressusciter ! Cela correspond à la demande du Pater : « Et ne nous laissez pas succomber à la tentation. » Ne nous laissez pas mourir à jamais dans l’épreuve, ne nous laissez pas tomber dans l’abîme.
INTRODUCTION
Même si la vie future est enseignée dans certains psaumes, elle reste néanmoins problématique pour l’ensemble des juifs. (...)
L’Évangile, d’emblée, fait faire un progrès aux hommes par une révélation émanée de la bouche du Christ : c’est la sereine affirmation d’une vie immortelle, pour les bons comme pour les méchants. (...)
Jésus sait ce dont Il parle et il va en donner la certitude par sa propre résurrection. (...) Les hommes doivent mourir et ressusciter dans leur propre chair pour être jugés par le Christ à la fin des temps.
Cette autre vie sera pour les saints une vie de délices, de béatitude : le Ciel ; ou, pour les impies, une vie de malheur éternel, corps et âme : l’enfer.
Telle est la révélation de l’Évangile qui tire au clair toutes les obscurités de l’Ancien Testament.
Pour Saint Paul la résurrection n’est pas tant le retour à la vie du corps, même améliorée, que le passage de la mort morale, de la mort du péché à la vie spirituelle, à la vie éternelle dans le Christ. (...) L’homme, par le Baptême, est introduit dans son état d’éternité, auquel la mort ne changera rien, sinon que de lui permettre d’accéder à la gloire. (...)
I. RAPPEL DE L’ENSEIGNEMENT DU CHRIST
La première épître aux Corinthiens, chapitre 15,est un texte essentiel, mais sur cette question secondaire de savoir : si nous ressusciterons dans notre chair, quand et comment cela se fera-t-il ? Ce sont des questions prosaïques mais enfin, saint Paul fait à cette occasion une démonstration magistrale. (...)
« Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu et dans lequel vous demeurez fermes, par lequel aussi vous vous sauvez, si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé ; sinon, vous auriez cru en vain.
« Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir “ que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau... »
Il s’agit d’un article d’un Credo probablement primitif, auquel saint Paul ajoutera sa propre révélation. Si les chrétiens y croient, ils seront sauvés ; si, par hasard, ils n’y croient plus, ils seront condamnés. (...)
«... qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, qu’il est apparu à Céphas, puis aux Douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois... »
Là, saint Paul nous livre une suite d’apparitions dont nous n’avons aucune connaissance par les Évangiles. Il est le seul à mentionner cette apparition à cinq cents frères :
« ... – la plupart d’entre eux demeurent jusqu’à présent et quelques-uns se sont endormis – ... »
N’oubliez pas que nous sommes en 57. Vingt-sept ans après la mort et la résurrection du Christ, on trouvait encore à Jérusalem la plupart de ces cinq cents privilégiés qui avaient vu le Christ ressuscité, les autres étaient morts. Ce signe concret d’historicité ne s’invente pas et montre à quel point les épîtres de saint Paul sont des documents vraiment historiques.
« ... ensuite, il est apparu à Jacques [encore une apparition que nous ne connaissions pas par les Évangiles], puis à tous les apôtres [cela peut être la dernière apparition]. Et, en tout dernier lieu, il m’est apparu à moi aussi, comme à l’avorton. Car je suis le moindre des apôtres ; je ne mérite pas d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu. C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce à mon égard n’a pas été stérile. Loin de là, j’ai travaillé plus qu’eux tous : oh ! non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi. »
Une fois pour toutes, saint Paul est en dehors de toute mesure humaine. Pas de question de modestie, d’orgueil, de fausse ou vraie humilité. Il est parfaitement humble, parce qu’il sait que c’est la grâce de Dieu qui a fait de lui un apôtre, sans aucun mérite de sa part, c’est évident. (...)
« Bref, eux ou moi, voilà ce que nous prêchons. Et voilà ce que vous avez cru. »
Le « voilà » dit bien, ramène au Credo précédent : que Jésus est mort pour nos péchés, qu’il a été enterré, qu’il est ressuscité le troisième jour. Tout cela était annoncé par les Écritures et une série de témoins l’affirment et méritent d’être crus.
Saint Paul Va maintenant répondre aux Corinthiens qui craignent de ne pas ressusciter. Le raisonnement est très simple : le Christ est ressuscité (v. 12), donc nos morts ressusciteront :
« Or, si l’on prêche que le Christ est ressuscité des morts, comment certains parmi vous peuvent-ils dire qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? »
Puisque cela a été fait une fois, cela peut se faire un grand nombre de fois.
Du verset 13 jusqu’au verset 15 et même au-delà, commence ce qu’on appelle un chiasme, une figure de rhétorique assez lourde. (...) Paul y développe un raisonnement afin de leur prouver que la Foi en Jésus-Christ ressuscité et à la résurrection des morts, qui en est le corollaire, est comme la pierre angulaire de tout l’Évangile. Si le Christ n’est pas ressuscité, « vous êtes encore dans vos péchés ». Voilà la catastrophe, car si nous sommes encore dans nos péchés, il n’y a plus de religion chrétienne, l’Évangile ne vaut rien, ceux qui sont morts sont retournés au néant, et nous sommes donc les hommes du monde les plus à plaindre.
« Mais non, le Christ est ressuscité d’entre les morts, prémices de ceux qui se sont endormis. » (v. 20)
Il en va du Christ comme d’Adam. Par le péché d’Adam la mort est entrée dans le monde et s’est communiquée au genre humain. Par le Christ qui est ressuscité, tous les hommes qui lui seront fidèles, ressusciteront à sa suite.
Voilà un argument majeur, un raisonnement très fort. (...)
Saint Paul Va se perdre ensuite dans une série d’explications quelque peu alambiquées qui visent à satisfaire la curiosité des Corinthiens voulant savoir comment les morts ressusciteront (cf. 1 Co 15, 21-41). (...) Paul nous révèle à cette occasion que nous ressusciterons corps spirituel :
« Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts : on est semé dans la corruption, on ressuscite dans l’incorruptibilité ; on est semé dans l’ignominie, on ressuscite dans la gloire ; on est semé dans la faiblesse, on ressuscite dans la force ; on est semé corps psychique [animal], on ressuscite corps spirituel [pneumatique]. »
Or ce corps spirituel, c’est précisément ce que saint Paul a vu sur le chemin de Damas. On retrouve dès lors notre grand saint Paul, il quitte le domaine des explications un peu confuses pour redevenir le témoin de sa vision et révéler aux hommes, qu’ayant revêtu l’image de l’homme terrestre (Adam), ils devront aussi, après leur mort, entrer dans une nouvelle destinée et revêtir l’image de l’homme céleste, le Christ, esprit qui donne la vie. (...)
L’être charnel, animal, ne pouvant subsister ni ressusciter, il doit changer. Il faudra donc que chacun de nous revête l’incorruptibilité et l’immortalité : « Tous nous serons transformés. ». Par conséquent même ceux qui seront saisis vivants au moment de l’avènement du Christ, revêtiront, en un instant, l’incorruptibilité et l’immortalité. (...)
Même leçon dans l’épître aux Philippiens 3, 20-21 :
« Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux [vous voyez que les cieux sont un séjour pour saint Paul], d’où nous attendons ardemment comme sauveur, le Seigneur Jésus Christ... »
Nous regardons le ciel et nous attendons le Seigneur Jésus-Christ qui doit venir de ce séjour à notre rencontre.
« ... qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer [au sens fort, lui donner la forme de son propre corps] à son corps de gloire, avec cette force qu’il a de pouvoir même se soumettre toutes choses. »
Le Corps du Christ ressuscité a acquis dans cette résurrection un pouvoir de transformer, de transfigurer toute chose, c’est-à-dire tous nos corps, unis au sien. Nous entrons avec Lui dans le Ciel, à condition cependant de lui avoir été fidèle en cette vie. Il faut donc se tenir prêt [1 Th 5, 10], demeurer en état de grâce. Voilà un christianisme tout à fait pratique : la résurrection est une récompense. (...)
Tel est le catéchisme des commençants, il est très net, saint Paul y engage son autorité et la vérité infaillible qui lui a été révélée.
II. LE VÉRITABLE ÉVANGILE DE PAUL
Le vrai Paul que sa vision a rendu mystique, suppose cet enseignement de base acquis, mais son évangile va évidemment bien au-delà.
La résurrection n’est pas tant, pour lui, un fait du corps que de l’âme. Le chrétien ressuscite dès qu’il rompt avec le péché et la Loi juive pour entrer, par le Baptême, dans le mystère du Christ et de l’Esprit. Pour cela, il suffit de le croire ou de le voir. Saint Paul l’a vu. Les chrétiens le croient, ils ont vu aussi comment, après leur baptême, l’Esprit-Saint a fondu sur eux, les envahissant et les ressuscitant. (...) Il ne tient donc qu’à notre volonté s’exerçant à la vertu, de vivre cette vie déjà incorruptible, immortelle, et d’aller de grâce en grâce, de gloire en gloire, non plus selon la chair, mais selon l’esprit, de telle manière que la mort ne soit plus qu’un passage de la résurrection à la gloire. (...)
C’est ce que saint Paul expliquera à ses Philippiens (Ph 3, 10). Une fois que je suis baptisé, je suis spirituel, je connais la puissance de la résurrection du Christ, et je demande, mais ensuite seulement, à participer à ses souffrances afin de lui devenir conforme dans sa mort. Avec mon âme ressuscitée, je vais passer à travers la mort du corps, avec le Christ.
La démonstration de cette mort et de cette résurrection qui se produit pour l’homme dans le Baptême se trouve dans Rm 6, 1-11 ; Col 2, 12-13 ; Ep 2, 4-6 et dans Col 3, 1-4, texte stupéfiant que l’on chante sur tous les tons au moment de Pâques :
« Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ [vous voyez, c’est déjà fait !], recherchez les choses d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. Songez aux choses d’en haut, non à celles de la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu : quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui pleins de gloire. » (...)
Ce dont saint Paul parle, c’est du Christ en gloire, du Seigneur de gloire. Il l’a vu, de ses yeux ! Il sait qu’il participe déjà à cette vie céleste par l’Esprit-Saint qui l’envahit et qu’il a reçu en plénitude. Cet homme, ayant vu cela, est comme sainte Bernadette Soubirous, sœur Lucie de Fatima et tous les autres, il ne peut plus désirer qu’une chose : mourir pour être avec Lui.
Ici-bas, nous voyons, bien sûr, par la Foi, comme dans un miroir, en énigme (1 Co 13, 12), mais alors nous verrons Face à face. Nous connaîtrons comme nous sommes connus. Paul brûle du désir de cet amour mutuel, car la connaissance, pour un Hébreu, veut dire la connaissance dans l’étreinte de l’amour. Cet appétit de l’au-delà, ce désir de mourir qu’on trouve dans Ph 1, 20-26 et dans 1 Co 5, (...) rend témoignage d’une manière incomparable à la résurrection du Seigneur en même temps qu’à la gloire infinie, actuelle de son mystère immense. Il atteste aussi la véracité de cette vision du chemin de Damas opérant dans son apôtre, son serviteur et témoin, une transformation si profonde.
LA JOIE DE PAUL
Ce qui sidère saint Paul, c’est de voir que depuis le Baptême, la vie éternelle est commencée, que nous sommes des êtres ressuscités, libérés de la mort parce que libérés du péché. Nous sommes avec le Christ, nous sommes son corps, c’est sa vie qui est en nous, c’est son Esprit-Saint qui nous alimente. Nous le contemplons et à la mesure de cette contemplation dans l’Esprit-Saint, nous sommes transformés à sa ressemblance. Nous devenons l’image du Christ. Comment voulez-vous que nous mourrions ? (...)
Abbé Georges de Nantes
Extraits de S 63 : L'Évangile de Paul
Conférence du samedi matin, 17 septembre 1983