Il est ressuscité !
N° 203 – Novembre 2019
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
Histoire volontaire de sainte
et doulce France
« SAVOIR l’histoire pour le simple plaisir de la savoir serait assurément la plus vaine des entreprises. » Parole assurément très sage. Elle est de Maurras. C’est pourquoi un nouveau livre va bientôt nous offrir une Histoire de France, signée Georges de Nantes, sortie de notre Imprimerie. Cependant, ce n’est pas pour le simple plaisir de “ savoir ”, mais dans la nécessité urgente de savoir pour “ pourvoir ”, à l’heure de Dieu, au service de l’Église et de la France qui est sa “ Fille aînée ”.
Lisons encore Charles Maurras dans la Gazette de France du 11 août 1904 ; c’est un aveu : « L’histoire universelle en son détail est impossible, et la loi d’ensemble qui la simplifierait et la condenserait en une grande et forte leçon, cette loi générale ne me paraît pas découverte. »
C’est le mérite de l’abbé de Nantes de l’avoir découverte. Elle tient en une proposition : « L’histoire de France est au centre de l’histoire universelle. » Mais pour le comprendre, « Il faut récrire l’histoire de France comme une Histoire sainte ! »
C’est à cette œuvre de vérité que notre Père s’est attelé, et frère Pierre à sa suite pour le Canada français, éclairé par sa foi vive héritée et enrichie par des siècles d’une tradition résolument catholique et française toujours.
Telle est l’origine de ce livre, d’un ouvrage qui est donc en toutes ses parties l’œuvre de notre Père. En effet, après avoir prononcé à Paris une conférence magistrale, résolument catholique, sur notre histoire de France, notre Père en rédigea une première partie pour ses lecteurs dans son numéro spécial de mars 1984 (CRC n° 198). Pressé par les nombreuses demandes de ses amis et lecteurs, il se remit à cette étude passionnante autant que nécessaire quelques années plus tard, de manière systématique et approfondie pour la mener jusqu’à nos jours.
Et c’est ainsi que pendant près de huit années, d’octobre 1988 à juin 1996, notre Père donna une série de conférences à la Mutualité, intitulées “ Histoire volontaire de sainte et doulce France ”.
À sa suite et sous sa conduite avisée, cette étude de notre histoire a été poursuivie par nous ses frères, ce qui donna lieu à des camps de la Phalange passionnants : camps sur le Maréchal, sur la prétendue “ libération ” de 1944, sur la guerre d’Indochine, puis sur la guerre d’Algérie. Sans oublier les camps itinérants de frère Gérard, camps Notre-Dame des Tranchées, qui ont été de véritables pèlerinages à nos héros de la Grande Guerre, à l’occasion du centenaire de leur martyre.
À l’école de notre Père, le présent ouvrage est donc le rappel, en 600 pages, des quinze siècles de notre histoire nationale, depuis la Gaule romaine jusqu’à notre triste aujourd’hui.
L’Histoire volontaire de sainte et doulce France de l’abbé Georges de Nantes ne laissera personne indifférent : on sera pour ou contre : « La vie n’est pas neutre, disait le maréchal Pétain, elle consiste à prendre parti hardiment ! » Notre Histoire de France n’est pas neutre, c’est un combat entre la Vierge et le Dragon, qui décidera au final qui, de l’Immaculée ou de Satan, possédera le royaume de France.
Notre Père, entend écrire une histoire volontaire. à savoir qu’il s’engage volontairement et hardiment, au nom de sa foi, à raconter notre Histoire de France du point de vue de la Vérité divine et du bien moral humain qui en découle
Il pose en principe de toute son étude : « Pour nous, préalablement acquis à la foi catholique et spectateurs émerveillés de l’orthodromie générale de l’œuvre divine dans l’univers et dans le cours de l’histoire humaine, dans cette masse d’événements qui constitue l’histoire de notre pays, la France, ce qui nous importe, ce n’est pas l’évolution des modes, de la cuisine, des traditions, du costume. Ce qui nous importe, c’est de retrouver dans l’Histoire de France ce que Dieu veut, pour y consentir, pour en applaudir les acteurs, et pour en soutenir l’œuvre. »
C’est alors que son génie lui permet d’interpréter le cours de toute notre histoire, si chaotique qu’elle puisse parfois paraître, d’une manière cohérente, comme une course droite, qu’il appelle orthodromique. L’histoire prend alors relief et figure, mais relief chrétien, figure catholique :
« Vous êtes sûrs que Jésus-Christ Fils de Dieu s’est incarné, continue notre Père, que Jésus-Christ a sauvé les hommes par sa Croix, qu’il a fondé son Église à qui il a donné le Saint-Esprit en apanage, en exclusive. Nous savons qu’il y a là une force divine. Et maintenant, nous regardons la France. Quelles ont été les relations de la France, de cette population qui se succède de génération en génération sur cette terre qu’on appelle la Gaule puis la France, quelles ont été les relations de ce pays avec cette religion qui est la vraie, cette puissance de salut qu’est le Royaume de Dieu ? »
Nous voulons étudier notre Histoire de France du point de vue de Jésus-Christ et de la Sainte Vierge, vrais Roi et Reine de France. À la lumière de la foi catholique, tous les événements divins et humains de notre histoire prennent place dans le grand dessein de Dieu sur notre nation et, par elle, sur le monde.
NAISSANCE GALLO-ROMAINE.
Premier choix à effectuer : quand faire commencer notre Histoire de France ? Nul besoin, en effet, de revenir à la préhistoire, ni même aux Celtes ou à « nos ancêtres les Gaulois », tant loués par notre école laïque et républicaine. Soyons intelligents : c’est la conquête de la Gaule par Rome civilisée qui va sortir ces peuples de leur barbarie et les constituer, pour la première fois de notre histoire, en une nation. Nous sommes gallo-romains !
Que les historiens contestataires ne viennent pas nous dire que le mal de la Gaule est d’avoir été conquise par les Romains ! Dieu veut que nous soyons des civilisés, par la grâce de l’ordre gréco-romain qu’il a établi dans le monde. Si César avait été vaincu par Vercingétorix, nous serions restés dans un état de barbarie et d’idolâtrie qui aurait été un obstacle à l’évangélisation. César était donc guidé par la Providence lorsqu’il fit de la Gaule une province romaine. C’est simple : Dieu a voulu que la Gaule soit romaine pour que la Gaule devienne chrétienne !
Quand Rome se retirera, l’Église demeurera. Seule structure vivante, qu’anime un zèle sans cesse renouvelé par la grâce du Christ sans qui nous ne pouvons rien faire ! c’est l’Église qui assure la continuité entre l’ancienne société policée et la nouvelle dont les Barbares sont les maîtres.
LA FRANCE CATHOLIQUE ET ROYALE
Car c’est l’Église qui, par ses évêques, a fait choix de Clovis, chef païen et non arien, qui l’a sacré en le baptisant, et a rallié ainsi sous son autorité de droit divin l’ensemble des populations gallo-romaines. Pourquoi ? Parce que le jeune chef franc, subjugué par le rayonnement de l’Église jusque dans l’âme de Clotilde, sa sainte épouse, a mis un genou en terre devant saint Remi et saint Avit. Quand, après la victoire miraculeuse de Tolbiac, Clovis est baptisé à Reims des mains de saint Remi, il reçoit l’onction du saint chrême. Il est ainsi établi héritier de l’onction d’huile sainte que le prophète Samuel conféra à David en l’an mille avant Jésus-Christ sur l’ordre du Dieu d’Israël, pour fonder sa dynastie.
Ainsi, le premier Roi catholique d’Occident scelle avec les évêques « un accord dans un respect mutuel, une obéissance réciproque, tout inspirés de la Bible, de la sagesse des Pères de l’Église et de la tradition. C’est cela qui est cause de la France ! »
« UNE FOI, UNE LOI, UN ROI ! »
« Les rois ont fait la France », chantait l’Action française, oui ! mais c’est l’Église qui a fait les rois, l’Église a donc fait par eux, avec eux, la France. Elle se défait sans eux et sans elle ! C’est, depuis le baptême de Clovis, une constante de notre histoire, et la loi fondamentale du royaume de France.
Tous les contemporains en félicitent la France à l’envi, s’enthousiasme notre Père. Heureuse France qui jouit d’une parfaite unité de croyance, de mœurs et de gouvernement. »
Ces trois fondements de notre nation vont développer mille ans de Chrétienté, couronnée par l’ascension de cette famille des Capétiens qui se confond avec l’ascension de la France, lente mais sage, droite, parfaitement simple et raisonnable, mystique et catholique enfin !
Du jour du premier sacre, le 3 juillet 987, jusqu’aux derniers moments de leur règne, ces Capétiens savent qu’ils ne jouissent de l’adhésion de leurs peuples qu’en raison de leur constant et sincère dévouement à Dieu, de leur souverain service de l’Église, et de leur incorruptible sentiment de la justice. Ils se gardèrent d’y manquer.
Saint Louis, Philippe le Bel sont les admirables figures de nos Rois Très Chrétiens, marquant l’apogée de ces mille ans de Chrétienté. Le Christ règne, dans toute une société soumise à sa Loi. La Foi chrétienne crée l’ordre intérieur, atténue tous les fléaux que les passions, la barbarie et la violence causaient aux âmes. Dès lors, les Ordres religieux sont florissants, les universités se développent, nos magnifiques cathédrales sont élevées partout à la gloire de Notre-Dame. Oui vraiment, le génie français est un génie chrétien !
LA RELIGION ROYALE.
Mais la mort de Charles IV, en 1328, met fin à ce “ miracle capétien ”. Un siècle de guerres, d’anarchie, de peste et de famine s’écoule, avant que le Ciel ne se prononce lui-même, par le plus grand miracle de notre histoire, tel qu’il n’est rien de semblable en aucun autre peuple : la geste de sainte Jeanne d’Arc !
Certains historiens ne veulent voir en Jeanne d’Arc que ses vertus et ses miracles, d’autres son génie militaire et politique, mais à qui considère tout le fait de Jeanne avec notre Père : « Ses vertus, son énergie, ses victoires puis, après Reims, ses échecs, ses prisons, son procès, sa mort affreuse, tout va et court à un certain but que savent les êtres célestes qui la guident. Ce n’est pas l’expulsion des Godons hors de France, ce n’est pas la restauration de la monarchie, entreprises certes bonnes et géniales, mais qui ne sont pas œuvres d’apostolat chrétien ni de réforme ecclésiastique. Qu’est-ce donc ? C’est l’intervention de Jésus-Christ en personne dans notre histoire humaine, politico-militaire, en faveur du royaume de France. Bien plus, c’est, par le moyen de la libération du territoire et du sacre du Roi à Reims, le rappel éclatant et la manifestation de l’Alliance qui lie ce sang royal, cette dynastie, ce royaume à lui Jésus-Christ, comme vrai Roi de France et suzerain immédiat de ce roi terrestre et par lui de tous ses vassaux, comme de tout son peuple. »
Impossible dès lors de comprendre notre Histoire, si l’on omet cette volonté signifiée par Jésus-Christ à son Royaume de France.
LA « RÉFORME ».
Cependant, après ces mille ans d’une Chrétienté incomparable, Satan est relâché de sa prison, comme l’annonçait saint Jean dans le livre de l’Apocalypse. Il en résulte une cassure irrémédiable dans l’histoire de l’Église, du monde et de la France aussi. En 1517, le protestantisme vient briser irrémédiablement cette Chrétienté.
Parallèle antithétique à notre histoire sainte, surgit alors une anti-France qui a pour but affiché la destruction de cet ordre millénaire et de ses fondements. La trilogie “ une Foi, une Loi, un Roi ” laisse place à une autre, impie, immorale : “ Liberté, Égalité, Fraternité... ou la Mort ! ” Notre école laïque et républicaine se garde bien de nous rappeler cette ultime alternative, qui date de la révolution de 1789 et fit encore la loi en 1944.
Cette anti-France voue une haine séculaire à l’ordre millénaire de notre nation, catholique, royale et communautaire. Singerie diabolique, elle se fera maçonnique au lieu de catholique, démocratique plutôt que royale, enfin égoïste et sans âme, brisant l’harmonie de la communauté nationale.
C’est non seulement une sottise, mais c’est une impiété de croire que l’on peut s’entendre avec une telle puissance satanique. Quiconque veut pactiser avec le Diable, se fait toujours emporter au fond des Enfers.
Ce fut le tort immense de la politique inaugurée par François Ier. Ce prince, si admiré aujourd’hui par nos libéraux pour son “ humanisme ”, s’est parjuré en manquant au serment de son sacre. En renonçant à juger et proscrire la “ religion réformée ”, il range la foi et l’hérésie au niveau des libres propos et opinions. Sans parler de son fol orgueil qui le pousse à faire alliance avec le Grand Turc, puis avec les princes luthériens d’Allemagne, pour prendre à revers Charles Quint, empereur catholique, par pure rivalité !
Henri II qui lui succède reprendrait sans doute la voie des Capétiens directs, si un coup de lance ne mettait fin tragiquement à ce règne prometteur. Alors sa femme, Catherine de Médicis, s’adjuge le titre de « gouvernante de France », et gouverne de fait sous les règnes successifs de ses trois fils. Le royaume de France est livré à cette femme, aussi fourbe qu’impie : « Florentine de malheur, Machiavel en habits de deuil, s’enflamme notre Père, cette vipère que tous les historiens et politiques ne cesseront de célébrer, fut, de toute l’histoire sainte du royaume de France, le plus mauvais génie qui s’y soit rencontré ! »
En un temps où les partis s’entre-déchirent et déchirent la France tout entière, celle qu’on appelle « madame Serpente » forme son parti à elle, sans foi ni loi, au-dessus du Roi.
Heureusement Henri III est là, que notre Père nous fait aimer et réhabilite en puisant aux meilleures sources. Après onze ans d’une inaction calculée, pour paralyser l’action néfaste des partis, celui de sa mère en premier lieu, Henri III surprend tous ses ennemis par un coup de majesté. Le 23 décembre 1588, il fait exécuter à Blois, par ses gardes fidèles, Henri de Guise le rebelle, dont le catholicisme affiché couvrait la plus basse des ambitions politiques. Paris et de nombreuses provinces s’insurgent, mais qu’importe au Roi ! Sa Foi l’éclaire et la Loi du sacre lui dicte sa conduite. Cependant, il sait aussi que seule l’expiation peut préluder à la pacification du Royaume, et il s’offre à Dieu en victime pour le salut et la paix de son peuple, à l’imitation de Jésus-Christ. Lorsque Jacques Clément le poignarde, en 1589, c’est en véritable martyr de la religion royale qu’il meurt, et son sang répandu est une bénédiction sur sa race et son peuple.
LA CONTRE-RÉFORME.
Cent ans plus tard, ce sera la grande promesse du Sacré-Cœur à Louis XIV, après un siècle, de 1589 à 1689, d’ascension du royaume de France vers des sommets de grâce et de gloire jamais atteints, ascension inspirée et soutenue par le merveilleux essor de la Contre-Réforme catholique dans l’Église.
Mais le diable ne relâche pas son étreinte, et l’inquiétant Sully demeure aux côtés d’Henri IV comme son plus mauvais génie, entreprenant une politique extérieure contraire à notre tradition comme à la géopolitique européenne.
C’est dans ce contexte que commence l’histoire de la Nouvelle-France, qui fera l’objet, à elle seule, d’un volume signé du frère Pierre de la Transfiguration.
Si la fondation de l’Acadie en 1605 s’inscrivait dans la politique extérieure de Sully, celle de Québec en 1608 est héritière de l’histoire sainte de France à la suite de la conversion de Champlain au contact des tribus autochtones : il ne sera plus question de venir limiter l’empire espagnol, il sera question désormais de convertir au Christ le continent à l’intérieur duquel Champlain s’enfonce en explorateur pour le compte du roi de France et du Christ dont il est le lieutenant.
Au règne suivant, après une régence tumultueuse, Louis XIII se révèle un saint roi. Mais tout près de lui, cette âme damnée de Richelieu poursuit le funeste grand dessein de Sully, lançant la France dans une guerre contre l’Autriche catholique.
Le combat s’engage autour du Roi, entre cette peste de Richelieu et le “ parti dévot ”, de saint Vincent de Paul et du Père Joseph du Tremblay.
Après la consécration du Canada à saint Joseph, Champlain y obtient l’interdiction des protestants et la fondation de la Compagnie des Cent Associés pour coloniser les rives du Saint-Laurent. Notre-Seigneur et Notre-Dame y mettent la main en suscitant de saintes vocations au début des années 1630 : saint Jean de Brébeuf, sainte Marie de l’Incarnation, la bienheureuse Catherine de Saint-Augustin sont les premiers de la glorieuse liste des saints sans lesquels la Nouvelle-France n’aurait jamais vu le jour.
Cette prédilection du Ciel pour notre Canada n’est pas étonnante, puisqu’au même moment, par des apparitions et des révélations incontestables, le Ciel intervient en France. Notre-Seigneur offre au roi Louis XIII le moyen de sauver son trône, lui promettant la naissance d’un fils : « Je veux aussi qu’il fasse honorer ma Mère en son royaume, en la manière que je lui ferai connaître. Je rendrai son royaume, par l’intercession de ma Mère, la plus heureuse patrie qui soit sous le ciel. » Le 15 août 1638, à Abbeville, Louis XIII obéit à cette demande, en consacrant sa personne, sa famille et son royaume à la Très Sainte Vierge Marie. Le mois suivant, toute la France accueille dans une incroyable liesse la naissance d’un héritier : Louis Dieudonné ! le futur Louis XIV...
Objet de tant de faveurs célestes, le règne qui s’ouvre s’annonce de gloire et de splendeur ! Louis XIV en effet, est une merveille de la nature et de la grâce. Il remplit sa fonction royale avec raison, prudence, force et gloire.
L’histoire de la Nouvelle-France en est une illustration. Après une héroïque et lente implantation, la colonie ne devra son salut et son développement définitif qu’à sa salutaire intervention. En 1660, au récit que lui font saint François de Laval, premier évêque de la colonie naissante, et Pierre Boucher, délégué du gouverneur, le jeune souverain décide non seulement l’envoi du régiment de Carignan pour mettre fin à la guerre avec les Iroquois qu’excitaient les Anglais et les Hollandais, mais il fait de la colonie naissante une province de plein droit du Royaume, gouvernée par un Conseil souverain coprésidé par le gouverneur et l’évêque. Cas unique dans le royaume de France, qui suffit à établir que le jeune souverain avait compris l’esprit des fondateurs et voulait que la Nouvelle-France soit une terre de Chrétienté, reprenant en les regénérant les institutions de la mère-patrie, en particulier la seigneurie.
Ainsi gouvernée, selon un plan stratégique conçu pour contenir l’expansion anglo-protestante, la petite colonie va rapidement s’étendre le long de la vallée du Mississipi jusqu’à son embouchure dans le golfe du Mexique et vers l’Ouest jusqu’aux Rocheuses.
Toutefois, l’opposition des gouverneurs aux évêques de Québec au sujet de la vente de l’alcool aux autochtones jette une ombre sur la colonie et reflète aussi les limites du règne du grand Roi. Si celui-ci a toujours soutenu l’évêque contre les gouverneurs, ceux-ci suivaient les ordres secrets du ministre Colbert, mercantiliste, qui n’envisageait la grandeur du Royaume qu’en fonction de sa prospérité économique. Au plus près du trône se jouait donc une guerre encore cachée, une opposition entre l’idéal de la chrétienté et la recherche d’une gloire et d’une prospérité toute humaine, sans l’aide de la grâce divine.
Mais en dépit de la mesure humaine des qualités de ce Louis Dieudonné qui jette dans une admiration sans bornes tous les historiens honnêtes, notre Père nous avertit que la mesure divine de sa prédestination, de sa vocation et de son destin, demeure systématiquement ignorée des historiens qui ne parlent des faits surnaturels que pour les rejeter au domaine des légendes ou des rêves incontrôlés de moines et de religieuses sans importance.
La vérité, toute contraire à ce parti pris d’impiété, est que le mystère central de ce Grand Roi est aussi celui du mystère de toute l’Histoire sainte de notre France moderne. Il ne se comprend qu’à la lumière des demandes du Sacré-Cœur transmises par sainte Marguerite-Marie.
En effet, en dépit des infidélités passées, ou plutôt comme remède à celles-ci, le Christ qui aime toujours la France prépare en cette année 1689, dans un temps où la charité de beaucoup s’est refroidie, quelque chose d’inouï, une sorte de renouvellement splendide de la religion royale.
C’est l’intime correspondance et union, explique notre Père, de la dévotion mystique au Sacré-Cœur, révélation de l’Amour ardent du Seigneur pour nous, et du caractère dramatique de son œuvre de rédemption du monde. Dévotion capable de mettre fin à toute hérésie et désordre, reconstituant la Chrétienté de jadis autour du roi de France prenant la tête des nations catholiques pour écraser les ennemis communs du Christ et de la France, pour instaurer le Royaume universel du Christ et de la Vierge, dans un concert véritable des nations.
« À la seule condition que disent un “ oui ” intime et sincère à l’Amour divin du Cœur de Jésus, qui ? Le roi, pour commencer ! et sa cour, l’ordre de la Visitation et celui des jésuites, le Pape et les évêques, l’immense peuple fidèle, rompant avec l’humanisme et le protestantisme du siècle précédent. »
Mais le roi-soleil refuse, par orgueil. En récusant le message de l’humble visitandine, Louis XIV savait-il bien qu’il bravait Dieu, et qu’il en cuirait au “ fils aîné du Sacré-Cœur ” de tenir tête à son Seigneur, le Christ, Roi des rois ? « Cette dynastie, écrit notre Père, refusant cette grâce à son Dieu et Père infiniment bon, par la volonté du plus aimé de ses princes, les plus durs châtiments la frapperont en même temps que son peuple, jusqu’à ce qu’ils aient l’un par l’autre tant souffert, Démos contre César affrontés ! qu’ils se plient l’un et l’autre aux demandes du Cœur de Dieu et soient alors prodigieusement rétablis à la face des autres nations étonnées. »
L’offre du Sacré-Cœur s’est heurtée à l’orgueil de l’homme ; et derrière l’homme en révolte contre Dieu se cache toujours Satan ! Dès lors, l’Histoire de France est une lente décadence, ralentie par des sursauts de grâces, saintement acceptées, car toujours le Ciel nous tend des perches, pour ainsi dire, sans cesser de nous solliciter de nous convertir, de faire amende honorable à son Divin Cœur, toujours disposé à la miséricorde en faveur de la France.
Le règne de Louis XV s’ouvre par la régence du sinistre Philippe d’Orléans, son grand-oncle. Cette régence, c’est déjà l’esprit impie de Voltaire et des prétendues “ Lumières ” qui gagne la haute société. C’est une première prise de possession de la France par le diable.
Les répercussions en Nouvelle-France ne se font pas attendre. Si la fin du règne de Louis XIV voit la paix définitivement établie avec les “ nations ” amérindiennes, l’Angleterre va multiplier ses attaques. Avec une énergie farouche et bien souvent héroïque, ceux qu’on appelle maintenant les Canadiens, fortifiés par la foi et les sacrements, vont toutes les repousser, parfois avec l’aide visible du Ciel, comme lors de la bataille de la Monongahéla, quand la Reine des Cieux apparaît au-dessus des soldats français et de leurs supplétifs indiens, détournant les balles ennemies.
Il n’en sera plus de même, dans les mois qui suivront, tandis qu’à Versailles, sous les charmes séducteurs de madame de Pompadour, Satan tient le Roi prisonnier de ses vices.
C’est un favori de la Pompadour, le marquis de Montcalm qui reçoit la responsabilité de la défense de la Nouvelle-France, supplantant le gouverneur Vaudreuil, pourtant toujours victorieux mais grand dévot du Sacré-Cœur. Aussi, en 1759, la ville de Québec est prise et, en 1760, c’est la capitulation générale. La Nouvelle-France est conquise ! Ce qui ne laissa pas le Roi insensible.
Le long règne de Louis “ le bien-aimé ” est semé de ces redressements aussi soudains que miraculeux, où le Roi semble secouer ses passions et retrouver un temps la grandeur, la sagesse de ses ancêtres. En 1771, il remet au pas les parlements et nomme de grands serviteurs de l’État, les “ triumvirs ”, pour restaurer l’autorité royale. Mais malgré les instances de la reine, Marie Leczinska, de son fils le Dauphin, et de tout le parti dévot, Louis XV rejette lui aussi les demandes du Sacré-Cœur. Toute l’œuvre de ce monarque, œuvre purement humaine, va alors être balayée au règne suivant, faute d’avoir été fondée sur le Sacré-Cœur.
Notre Père n’hésite pas, au grand dam des défenseurs inconditionnels de Louis XVI, à le tenir pour premier responsable de la Révolution. Ce roi trop débonnaire commence par descendre lui-même les marches de son trône, jusqu’au moment où il en sera précipité. Louis XIV a péché par amour de sa gloire, Louis XV par amour de ses plaisirs ; Louis XVI, lui, s’égare par amour de... son propre cœur. Il n’y a pas de place, dans son humilité vaniteuse, pour le culte du Sacré-Cœur !
Il juge que montrer la bonté de son cœur sera plus révélateur de miséricorde ! Alors il congédie les triumvirs, rappelle le parlement et il convoque les États généraux. Faute suprême ! Car pendant que la couronne lui glisse lentement de la tête, l’anti-France se prépare à déchaîner la mécanique infernale de la Révolution. Philippe d’Orléans, grand-maître du Grand-Orient, n’attend que cela pour prendre la place de son cousin.
« Les seuls hommes utiles dans les révolutions, écrivait René Bazin, sont ceux qui ne lui accordent rien : tous les autres en font le jeu ! » On peut dire par analogie que notre Père est le seul historien utile, car il dénonce l’enchaînement diabolique de cette révolution, véritablement satanique dans son essence.
LA RÉVOLUTION
Tout commence par l’acceptation par Louis XVI du principe de la “ souveraineté populaire ”, à égalité avec celle du Roi, le 17 juin 1789, cent ans jour pour jour après les demandes du Sacré-Cœur à sainte Marguerite-Marie. On ne se moque pas de Dieu ! On ne met pas à égalité l’autorité du Roi, tenue de Dieu, avec une prétendue “ autorité populaire ” ! Le châtiment tombe, après un siècle de patience de Dieu et d’insoumission de notre part.
Le martyre du petit Louis XVII, le 8 juin 1795, innocente victime de l’ignominie révolutionnaire, est une expiation pour les rébellions répétées, de Louis XIV à Louis XVI. Cette mort rédemptrice du petit Roi est un gage de pardon et de résurrection pour tout son peuple repentant et pour la Maison de France. Mais si ce sang innocent rachète la France de ses infidélités en droit, comme le Sacrifice rédempteur de Notre-Seigneur sur la Croix, il faut, pour être sauvés en fait, nous convertir de ce ferment révolutionnaire en haïssant cette révolution menteuse et homicide en son principe même, satanique.
En contrepoint, l’histoire du Canada français confirme la leçon de ces événements. Si la colonie put garder sa foi, son clergé, sa pratique religieuse, ses lois et coutumes, sous le joug de la Couronne anglaise qui punissait de mort, partout ailleurs dans son empire, la célébration de la Messe, elle le doit à ses évêques prêchant la stricte morale catholique du respect de l’autorité légitime. Quant à la renaissance de la Chrétienté canadienne française à partir de 1840, elle aura comme origine lointaine l’immigration, pendant la Terreur, de prêtres français contre-révolutionnaires qui seront les maîtres du jeune Ignace Bourget, futur et saint évêque de Montréal.
Alors, qu’on ne nous parle plus de la « légitime aspiration des peuples à la liberté » ! La révolution est une chute dans l’abîme, selon un enchaînement inéluctable. À force de nous montrer des masses qui « évoluent » et des aspects qui « se transforment », l’histoire républicaine nous cache les ouvriers de l’évolution et les artisans de la transformation.
Après la reconnaissance de la “ souveraineté populaire ”, très vite, cette monarchie à deux têtes est prise en main, à Paris, par un “ roi du pavé ”. La Fayette préside une société libérale et corrompue, qui s’enrichit en pillant les biens du clergé. Mais cet équilibre bancal appelle toujours plus de dureté, et les plus enragés l’emportent sur les “ modérés ”. La Révolution se déchaîne, au profit des pires. La Monarchie est abolie, la République proclamée : c’est le désordre et l’anarchie. Les diaboliques se succèdent, se dévorant mutuellement : Danton, Robespierre...
Lorsque le désordre met trop en danger les fortunes des profiteurs, les agitateurs sont liquidés, et la Révolution cesse, pour que les nouveaux riches puissent jouir des biens acquis. Ce nouveau pouvoir, dénommé Directoire, est dirigé par des bourgeois, formant le “ noyau dur de la République ”, comme le nomme notre Père, constitué d’hommes qui demeurent systématiquement dans les coulisses du pouvoir depuis la Révolution, indéracinables malgré les changements de régime ou de gouvernement. Au fil du temps, ils forment une véritable oligarchie qui règne par l’argent. Beau de Loménie les désigne très justement sous le nom de “ dynasties bourgeoises ”.
Par crainte d’un retour à la monarchie, ces ploutocrates cherchent un homme qui puisse plaire au peuple, mobiliser l’armée, sans pour autant déranger leurs affaires. Bonaparte est leur homme.
Il remplit son rôle à la perfection, empêchant tout sursaut royaliste, ligotant l’Église de France par son Concordat. Il va plus loin, en étendant les idéaux révolutionnaires à toute l’Europe, par des guerres sanglantes. Lorsque l’Europe coalisée se débarrasse enfin du petit caporal corse, le mal est fait, irréparable.
La “ Restauration ” qui suit n’en est pas véritablement une : le “ noyau dur ” demeure, intouchable, imposant à Louis XVIII puis à Charles X une monarchie selon la Charte. Les parlementaires font la loi au Roi, lui taillant sans cesse des croupières, jusqu’à obtenir son abdication. Le Roi Très Chrétien est renversé de son trône. En sa personne sacrée, c’est Jésus-Christ lui-même qui est dépouillé de ses ornements royaux. Au couvent de la rue du Bac, sainte Catherine Labouré en est avertie par des paroles et des visions inaperçues des historiens incrédules, mais d’une importance décisive, qui donnent sens à notre histoire contemporaine.
LA RÉGENCE DE MARIE.
Car Notre-Seigneur ne se tient pas pour battu : à partir de 1830, il charge sa divine Mère de prendre en régence le saint royaume de France. L’apparition de la Vierge au Globe nous le révèle : la Sainte Vierge se montre à sainte Catherine, tenant un globe dans les mains, à la hauteur de la poitrine, qu’elle offre à Notre-Seigneur. La signification de cette apparition est ainsi donnée par la voyante : ce globe représente le monde entier et particulièrement la France et chaque âme en particulier. « Chez nous soyez Reine, nous sommes à vous, toujours ! »
Désormais, à partir de 1830, l’orthodromie de douce, de sainte France se déroule en partie double. Un mal satanique a corrompu la merveille de grâce de notre sainte monarchie très chrétienne. Il exerce sa tyrannie dans et par les institutions politiques : c’est le “ pays légal ”, le noyau dur de la République.
Un fossé de plus en plus large se creuse entre lui et le “ pays réel ”, cette France sainte et catholique du dix-neuvième siècle, admirable dans son zèle missionnaire, émouvante dans sa charité, comblée de grâces célestes, mais orpheline de son Roi, comme un corps sans tête. Il faut le dire, parce que c’est la vérité : tous les saints français du dix-neuvième siècle, sans exception, sont légitimistes. Qu’on ne nous en invente pas d’autres !
Ce peuple de France est, durant le dix-neuvième siècle, l’enfant chéri de la Sainte Vierge, dont les apparitions forment une “ orthodromie mariale ” d’une admirable ordonnance, épousant la trame même de notre histoire. Par ses manifestations, Notre-Dame, Reine de France, conserve à son peuple fidèle la Foi, l’Espérance et la Charité, en attendant la renaissance de demain, sous le règne de son Cœur Immaculé.
Mais l’anti-France, de son côté, continue son jeu diabolique. Après la monarchie libérale de Louis-Philippe et l’empire d’un nouveau Napoléon, dont les chimères conduisent finalement à la défaite de Sedan et à la révolte de la Commune, c’est l’avènement de la troisième République. D’abord provisoire, très vite, les « vrais républicains » affichent clairement leur haine de l’Église, de la France et de toute morale.
Pendant tout le dix-neuvième siècle, l’histoire du Canada français est parallèle à l’histoire de France. C’est la Médaille miraculeuse, distribuée pour la première fois là-bas à cette occasion, qui assure le succès prodigieux de la retraite prêchée à Québec, Montréal et Trois-Rivières, par Mgr de Forbin-Janson, chassé de France par Louis-Philippe. Ce sont les Oblats de Marie Immaculée de Mgr Mazenod qui viennent de France épauler Mgr Bourget dans sa conquête de l’Ouest canadien dans une formidable course missionnaire antiprotestante.
L’évêque de Montréal puise dans le trésor des communautés religieuses françaises de fondation récente ou renaissantes après la Révolution, règles, coutumes et savoir-faire afin de doter la Chrétienté canadienne française des institutions qui lui permettront de s’imposer aux Anglo-protestants et de partir à la conquête des États-Unis. C’est pourquoi les Canadiens français resteront attachés de cœur à la France dont ils admirent les saints et l’histoire. Toutefois les méfaits de la troisième République vont tout compromettre. Ils se résument en un nom : Alfred Dreyfus.
« L’AFFAIRE DREYFUS »
Sans se laisser égarer dans le labyrinthe des scandales de cette république maçonnique, notre Père est le seul à comprendre que l’affaire Dreyfus commande toute la suite de notre histoire contemporaine. Par le moyen de cette affaire et par une campagne médiatique sans précédent, le discrédit est jeté sur l’Armée et sur l’Église. Il suffit de lire : la démonstration est imparable, libératrice.
Ce qui change avec l’affaire Dreyfus ? C’est que la gauche va se prévaloir bruyamment de l’injustice et du mensonge prétendus de la droite, pour gagner à sa cause, de degré en degré, tout le personnel républicain et obtenir de lui, d’une fois à l’autre, le viol de notre droit, de nos lois, de nos institutions, impunément. Tous les malheurs de la France depuis plus de cent ans sont à inscrire au titre de “ la revanche de Dreyfus ”.
Il faut cependant bien comprendre que ce ne sont pas seulement des gens sans foi, ni loi, ni roi : c’est une véritable organisation des « quatre États confédérés », comme les désignait Maurras : les francs-maçons, les juifs, les protestants, et les étrangers. Leur but est aussi simple que ténébreux : c’est la destruction de la France et de toutes ses institutions fondamentales. C’est la lutte contre les congrégations en tout premier lieu, avec l’expulsion des religieux dès 1880, puis l’épuration de l’Armée et de la Magistrature.
Le tragique n’est pas tellement là ; après tout, ils font leur travail d’anticléricaux et de francs-maçons ! Le plus grave dans notre histoire est, depuis Félicité de Lamennais, la collusion de l’Église avec la Révolution, lui donnant l’appui de sa puissance spirituelle. Déjà, le Concordat de Napoléon avait enchaîné les évêques de France au bon vouloir du gouvernement. Bien pire, la politique d’entente du Saint-Siège avec les républicains qu’inaugure Léon XIII livre les catholiques français à leurs ennemis. Seul Mgr Freppel se dresse contre cette politique, allant jusqu’à faire reculer le Pape. Celui-ci décide d’attendre la mort de Freppel pour imposer aux catholiques de France son ralliement à la République.
Remarquons en passant que Maurras ajoutait lui-même très pertinemment à ses quatre États confédérés « le petit groupe des transfuges ou demi-transfuges de l’autel », c’est-à-dire les défroqués et autres démocrates- chrétiens du Sillon.
De même au Canada français. Toute l’œuvre de Mgr Bourget va se trouver compromise par le libéralisme de l’archevêque de Québec, Mgr Taschereau, qui considère que l’action politique doit jouir d’une certaine autonomie par rapport à l’Église puisque, au Canada, les alliances avec une partie des anglo-protestants sont inévitable pour le gouvernement du pays. Léon XIII, en 1898, par son encyclique Affari vos, consacre la politique de ralliement de l’archevêque de Québec. Toutefois, si le Canada français n’en meurt pas rapidement, c’est qu’il bénéficie aussi du pontificat de saint Pie X qui permit aux nationalistes de redresser la tête. Du moins, jusqu’à ce que la condamnation de l’Action française et de Charles Maurras par Pie XI, et l’Action catholique, établissent définitivement le règne de la démocratie-chrétienne au Canada français.
Pourtant, les défroqués et autres démocrates-chrétiens du Sillon s’étaient heurtés à un roc : saint Pie X les condamna fermement en dévoilant leur chimère dans sa Lettre sur le Sillon.
Mais si saint Pie X mit un frein à cette honteuse compromission de l’Église avec la révolution, le mal était lancé, repris par ses successeurs, plus démocrates que chrétiens, de Benoît XV à François aujourd’hui.
Comment l’expliquer ? Maurras l’a démontré : la République réelle, inamovible, intangible dans ses principes athées, ses institutions laïques, ses partis maçonniques, est un système absurde, une servitude insupportable ! Cela est très vrai. Mais il faut aller plus profond et ajouter avec notre Père que c’est bien plus que cela : c’est une injure à Dieu, notre seul Souverain, et c’est une tentation perpétuelle d’impiété pour les citoyens soumis à un tel régime, à une telle laïcité ; c’est une constante invitation à se rallier au pouvoir franc-maçon qui, petit à petit, conduit la France à l’apostasie.
Dans sa défense ardente et intelligente de la France, l’œuvre de Charles Maurras, qui était agnostique, ne pouvait aboutir, faute d’appel à la “ religion royale ”, dont le cœur est le sacre du roi de France, lieutenant du Christ-Roi, seul capable de restaurer l’ordre plénier de notre douce et sainte France. Maurras travaillait au retour du Roi et de la Loi, certes, mais il lui manquait la Foi.
Cependant « son œuvre aboutira », comme l’a prophétisé saint Pie X, et la Phalange fondée par notre Père, catholique, royale et communautaire, sera le fer de lance de la Restauration catholique et française de demain. Sans cette espérance surnaturelle, fruit d’une foi catholique ardente, il est impossible de comprendre les événements de ces temps qui sont les derniers.
Toute notre époque contemporaine, en effet, ne peut se comprendre qu’à la lumière du Secret de Notre-Dame de Fatima, la plus grande « politologue » du vingtième siècle comme disait notre Père. En pleine première guerre mondiale, son Message promet la fin de cette « grande guerre », en annonçant « une autre pire encore » si le Saint-Père rejette ses demandes. Le salaire de cet endurcissement sera cette deuxième guerre mondiale, « horrible, horrible », voulue et finalement gagnée par Staline ! Notre-Dame l’avait bien dit : « la Russie répandra ses erreurs à travers le monde ».
Par une grâce de miséricorde cependant, la France a échappé au désastre total, par la divine surprise de l’avènement du maréchal Pétain, chef humain et chrétien, incarnant pour quelques années le Roi père de son peuple, rendant à la Loi sa force et sa vertu, et à la Foi sa pleine liberté.
Mais la prétendue libération de 1944 livre de nouveau la France aux diaboliques. C’est une épuration sanglante, menée au nom des « erreurs de la Russie ».
L’Église elle-même, hélas ! après avoir applaudi à la Révolution nationale, se retourne très vite vers le camp du vainqueur. Ce n’est ni manque d’imagination ou d’énergie, ni lâcheté ni ignorance, mais trahison constante des gens d’Église. Plus démocrates que chrétiens, ils jouent le double jeu, eux aussi pressés de revenir à leurs anciennes amours, la République, la démocratie, les partis et tout le tremblement de ce régime de mort spirituelle et temporelle.
Mais Notre-Seigneur n’a pas abandonné l’Église, ni sa “ fille aînée ”, douce et sainte France. Car son Sacré-Cœur ne les sépare pas : « Fais savoir à mes ministres, étant donné qu’ils suivent l’exemple du roi de France en retardant l’exécution de ma demande, qu’ils le suivront dans le malheur. Jamais il ne sera trop tard pour recourir à Jésus et à Marie. »
Au moment où l’Église de France retourne à son vomissement, le jeune Georges de Nantes, loin de toute compromission et guidé par le seul amour de la vérité, engage dès sa sortie du séminaire, en 1948, son grand combat contre l’Antichrist, dans l’Église et en France. C’est véritablement l’œuvre de toute sa vie, « la grande affaire de ma vie » comme il le disait lui-même. Ce n’est ni orgueil, ni présomption de la part de ce jeune prêtre qui considère au contraire cette lutte comme « une œuvre d’amour », pour le seul service de Dieu et du prochain. Sans ce fondement surnaturel, la politique n’est que néant. Si Mgr Freppel a dominé le dernier quart du dix-neuvième siècle et Maurras la première moitié du vingtième, c’est l’abbé de Nantes, héritier de l’un et de l’autre, qui illumine de son intelligence surnaturelle notre histoire contemporaine.
Au moment d’entrer dans sa longue carrière, en 1948-1949, il écrivait dans ses notes : « L’heure est venue de secouer le joug de tant de paresse bourgeoise, d’insouciance cléricale, de lâcheté intellectuelle : le sang a trop coulé pour que la Vérité, le respect de l’Ordre, des êtres vivants et de leurs exigences, soient encore retenus par je ne sais quelle tradition de libéralisme, de pacifisme ou de ralliement... Nous sommes mobilisés par le bien commun de la nation française, le bien commun de l’humanité ; les diverses nations doivent s’affranchir du joug des mystiques de libération et de divinisation de l’Homme. Il faut que chacune retrouve le culte et le dévouement de ses fils. Il faut retrouver la fidélité qui fait l’histoire paisible et heureuse, au lieu de ce charnier dont rêvent nos ennemis et sur lequel tablent déjà les transfuges... »
Et ce qu’il écrivait alors (il n’a que vingt-cinq ans !), maintenant qu’il a achevé sa course, nous pouvons dire qu’il l’a fait en plus de cinquante ans de Contre-Réforme dans l’Église et de Contre-Révolution en France.
Cette vue mystique de l’histoire et de la politique des hommes, abondamment développée en près de cinquante ans d’une œuvre considérable, illumine cette vérité toujours actuelle : l’Alliance que Dieu a contractée avec son peuple n’est pas rompue. Elle reste le fondement d’une renaissance catholique et française pour demain.
L’Église a les promesses de la vie éternelle. Notre France, si proche de l’abîme aujourd’hui, a reçu elle aussi une promesse, qui doit nous donner une espérance inconfusible, comme elle a soutenu notre Père dans toute son œuvre. C’était lors d’une assemblée consistoriale, le 29 novembre 1911, au plus fort de la lutte contre le gouvernement anticlérical français, que saint Pie X prophétisait :
« Fils de France qui gémissez sous la persécution, sachez-le, le peuple qui a fait alliance avec Dieu aux fonts baptismaux de Reims, se repentira et retournera à sa première vocation. Les mérites de tant de ses fils qui prêchent la Vérité de l’Évangile dans presque tout le monde entier, et dont beaucoup l’ont scellée de leur sang, les prières de tous les saints qui désirent ardemment avoir pour compagnons dans la gloire céleste les frères bien-aimés de leur patrie, la piété généreuse de tant de vos fils qui, sans s’arrêter à aucun sacrifice, pourvoient à la dignité et à la splendeur du culte catholique, et, par-dessus tout, les gémissements de tant de petits enfants qui, devant les tabernacles, répandent leur âme dans les expressions que Dieu même met sur leurs lèvres, appelleront certainement sur cette nation les miséricordes divines. Les fautes ne resteront pas impunies, mais elle ne périra jamais, la Fille de tant de mérites, de tant de soupirs, de tant de larmes.
« Un jour viendra, et nous espérons qu’il n’est pas trop éloigné, où la France comme Saul sur le chemin de Damas, sera enveloppée d’une lumière céleste et entendra une voix qui lui répétera : “ Ma fille pourquoi me persécutes-tu ? ” Et sur sa réponse : “ Qui es-tu Seigneur ? ” La voix répliquera : “ Je suis Jésus que tu persécutes ! Il t’est dur de regimber contre l’aiguillon parce que, dans ton obstination, tu te ruines toi-même. ” Elle, tremblante, étonnée, dira : “ Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? ” Et lui : “ Lève-toi, lave-toi de tes souillures qui t’ont défigurée, réveille dans ton sein les sentiments assoupis et le pacte de notre alliance et va, Fille bien-aimée de l’Église, nation prédestinée, vase d’élection, va porter, comme par le passé, mon Nom devant les peuples et tous les rois de la terre. ” » Ainsi sera-t-il !
Frère Bruno de Jésus-Marie