Il est ressuscité !
N° 208 – Avril 2020
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
In memoriam
Sœur Kateri de Notre-Dame de Bon-Secours
IN MEMORIAM
SŒUR KATERI DE NOTRE-DAME DE BON-SECOURS
Sermon prononcé par notre frère Bruno de Jésus-Marie lors des obsèques de notre sœur Kateri,
le vendredi 27 mars 2020, en la chapelle de la maison Saint-Joseph.
MES bien chers frères, mes sœurs, et chers amis qui vous unissez à notre prière, il nous faut donc porter en terre cette petite graine, cette “ poussière ” disait notre Père en l’accueillant dans la communauté le 19 mars 1986.
« Cette petite poussière qui est apparue au Canada il y a quelques années » (le 28 février 1963) « et je ne sais si c’est au Canada ou en France qu’elle disparaîtra finalement » – mais elle est tombée dans vos bras, mon Père ! – « cette petite poussière que le vent a soulevée, il lui a fait faire un grand voyage, il l’a arrachée à sa famille, à son pays, à son continent, cette Nouvelle- France de là-bas, il l’a fait voler par-dessus les océans pour la semer en terre française où elle doit prendre racine et se transformer ».
Et donner des fruits de fidélité sans faille à sa vocation religieuse, à l’appel entendu de la bouche de notre bienheureux
Père, et qui s’accomplit à la lettre aujourd’hui : « Comment voulez-vous que le Cœur de Jésus et de Marie ne soit pas touché d’une grande émotion à cette donation totale d’une petite poussière, mais d’une poussière qui se donne avec beaucoup d’amour ? Comment voulez-vous qu’ils ne vous prennent pas en Eux-mêmes, que ce Cœur ne vous prenne pas en Lui-même pour être votre demeure ? »
C’est ce qu’Il a fait dès l’entrée de Dominique Couture au postulat, pour lui donner le saint habit six mois plus tard sous le nom et le patronage de la bienheureuse Kateri Tekakwitha, le 26 septembre 1986. En l’ennoblissant du nom de Notre-Dame de Bon Secours. Sœur Kateri Tekakwitha de Notre-Dame de Bon Secours.
De ce jour, notre sœur Kateri se montra une vraie fille de la lignée des martyrs canadiens, fondateurs de sa sainte patrie du Canada français : saint Jean de Brébeuf, saint Isaac Jogues et leurs compagnons, les jésuites martyrs, compagnons auxquels appartenait son ancêtre Guillaume Couture, fondateur de sa famille au dix-septième siècle en Nouvelle-France.
Ce Guillaume n’était pas jésuite, puisqu’il a fondé une famille dont notre sœur est issue, mais il était “ donné ”, c’est-à-dire “ laïc engagé ” pour aider les jésuites. C’est lui qui a bâti la première chapelle des jésuites à la maison Sainte-Marie des Hurons, aujourd’hui érigée en basilique ! C’est vous dire qu’elle avait de qui tenir, notre petite Kateri ! Le Père Isaac Jogues a été capturé par les Iroquois, ennemis des Hurons, et il a raconté les horribles sévices qu’il a subis pendant sa première captivité (août 1642 à août 1643).
Eh bien ! il se trouve que notre sœur s’est montrée, dans sa vie religieuse, digne fille de ce Guillaume Couture, que le Père Jogues appelait affectueusement “ le bon Guillaume ”. Sûrement ce saint martyr a accueilli au Ciel notre sœur Kateri : en l’appelant “ ma bonne Kateri ”.
Quel rapport entre l’oncle et la nièce, à trois cents ans de distance ?
Celui-ci : la première fois que Guillaume Couture rencontra les Iroquois, il fit bravement le coup de feu et s’enfuit avec les Hurons dans les bois. Soudain il s’aperçoit que le Père Jogues ne l’a point suivi : « Comment ai-je abandonné mon Père chéri à la rage des sauvages ? » Il retourne sur ses pas et se heurte à cinq Iroquois. L’un d’eux tire et le rate. Guillaume Couture tire à son tour et tue le chef des Iroquois. Les quatre autres se jettent sur lui et le rouent de coups de bâton, lui broient les doigts, arrachent les ongles et transpercent sa main avec une épée. Puis le ramènent au milieu des autres prisonniers. Le Père Jogues le reconnaît, échappe à ses gardes et se jette à son cou : « Courage mon cher frère, offrez vos douleurs et vos angoisses à Dieu pour ceux-ci qui vous tourmentent ; ne reculons point, souffrons courageusement pour son saint Nom, nous n’avons prétendu que sa gloire en ce voyage. »
« Cette fidélité de mon ancêtre envers son Père chéri, le Père Jogues, m’a transpercé le cœur, confia sœur Kateri, car j’ai mis cela en relation directe avec un certain »... épisode de notre vie de communauté qui en connut de nombreux autres, mettant à l’épreuve notre fidélité à notre vocation.
« Ce fut pour moi mon jugement d’éternité, le Ciel ou l’Enfer », ajouta-t-elle. Qu’elle vérifie maintenant en toute lumière. Notre Père fut son Père Jogues à elle : « C’est pourquoi je n’ai pas hésité à choisir notre Père comme mon Père chéri qui m’a sauvée de l’enfer. Peut-être dois-je cette grâce inouïe à mon saint ancêtre qui n’a pas voulu agir en lâche en revenant sur ses pas, pour garder toute sa fidélité à son Père chéri. »
C’est ainsi que cette graine de martyr fut “ moniale-missionnaire ” en toute vérité. Exilée à des milliers de kilomètres des neiges de son cher Canada, et de sa famille, elle le confiait un jour à une sœur, les larmes aux yeux : « J’étais seule au monde, la famille à des milliers de kilomètres... », seule au monde comme Jacinthe sur son lit d’hôpital, comme Lucie après la mort de Jacinthe, seule au monde dans son carmel de Coimbra, avec la charge écrasante de faire entendre le message du Ciel tout au long d’un siècle où l’Église entière fit la sourde oreille ! Sœur Kateri écoutait le Père : « Le Père, le Père. Je me répétais : le Père sait. » Comprenant la vérité de ses analyses et la gravité de son combat, elle en était venue à désirer le martyre et à se préparer à la mort, bien avant que se déclare son cancer.
Mais quand la maladie s’est déclarée, en 2008, elle confiera à mère Lucie : « C’était comme si j’avais découvert un secret que je gardais jalousement et une certitude que j’allais mourir. Je n’irai pas jusqu’à dire, comme sainte Thérèse, à la suite de son premier crachement de sang, la grande joie qu’elle en a éprouvée, mais un peu quand même ; cela m’a fait grande impression. »
La suite fut un long apprentissage du “ martyre ” au quotidien, puis un long chemin de croix : à l’imitation de sainte Thérèse et de sa “ petite voie ” d’effacement :
« Maintenant, il me reste à apprendre au quotidien mon nouvel emploi de malade en étant docile, obéissante aux prescriptions, pas me plaindre mais aussi ne rien vous cacher. »
Dans sa maladie, elle se confie à Dieu et se jette dans les bras de Jésus et sur le Cœur de Marie. Et ce n’est pas en vain.
La veille de Noël dernier, elle rentra d’hospitalisation, en ambulance, et confia à mère Lucie, en secret, avec émotion qu’elle avait reçu une grâce de la Sainte Vierge. Jusque-là, elle n’avait qu’une dévotion formaliste et froide pour la Sainte Vierge, disait-elle, et cela la désolait. Elle demandait la grâce d’une dévotion cordiale et fervente. Or, à l’hôpital, cela est venu d’un coup. Maintenant, elle aime la Sainte Vierge et il lui est facile de l’aimer. Et c’est vrai : jusqu’à la fin, elle embrassait très souvent avec tendresse la statue de Notre-Dame de Lourdes qu’elle tenait serrée dans ses mains.
C’est la grâce que nous lui demanderons de nous obtenir, mes bien chers frères, mes sœurs, en joignant ses suffrages à ceux de notre Père maintenant qu’ils sont réunis, avec frère Hugues, mère Marie-Noël, sœur Marguerite. Apprenez-nous à dire avec vous, ma petite sœur chérie :
« Oui, je dois m’abandonner à la Sainte Vierge. C’est cela, ne pas vouloir lui imposer mes caprices. Je dois apprendre à aimer ce qu’Elle veut, comme Elle veut. » Ainsi soit-il.
NOVISSIMA VERBA
« J’offre tout pour consoler le Cœur Immaculé de Marie. »
« Mercredi 25 décembre 2019. NOËL.
« Ma bien chère Mère,
« J’aimerais tant vous écrire tout ce qui se cache dans mon cœur pour vous dire mon affection et ma reconnaissance de fille à Mère. Je laisse notre bienheureux Père vous dire tout le bonheur que j’ai de rendre mon dernier souffle ici, mais je vous avoue que j’ai peur de la souffrance quand j’entends la fin de nos martyrs irlandais et canadiens... Priez beaucoup pour moi, s’il vous plaît !!
« Votre petite fille sœur Kateri de Notre-Dame de Bon Secours. » (Noël 2019)
À Mgr Stenger :
« Monseigneur,
« À l’occasion de la nouvelle année, permettez-moi de vous souhaiter mes meilleurs vœux religieux, ainsi qu’un bon voyage dans mon pays natal, le Canada.
« Sainte Marguerite Bourgeoys étant très aimée au sein de notre communauté, je suis heureuse de savoir que vous allez faire pèlerinage sur ses pas.
« J’ai été très touchée de votre visite à l’hôpital (chambre 168) et de votre bénédiction. Ma santé s’étant stabilisée, j’ai pu rentrer à la maison Sainte- Marie pour Noël où je suis bien soignée par les sœurs. Je continue à prier pour l’Église, pour l’évêque de Troyes et ses prêtres.
« Daignez bénir une petite religieuse de votre diocèse.
« Sœur Kateri de Notre-Dame de Bon-Secours.
(sœur Couture). »