Il est ressuscité !

N° 208 – Avril 2020

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


LA LIGUE

La Ligue

La Ligue : Le Samedi saint de l’Église

RENDRE compte des activités de la Ligue durant ces semaines de confinement strict pourrait sembler une gageure. Et pourtant, les exhortations de frère Bruno, la récitation du Rosaire et la VOD aidant, la pandémie qui immobilise le monde n’a pas affecté l’ardeur de notre CRC. Au contraire, nos amis ont fait de nécessité vertu, convertissant leur réclusion forcée en véritable retraite familiale. Séparés du monde, ils en profitent pour resserrer leurs liens entre eux et avec le Ciel ! Quelle consolation de voir les petits enfants eux-mêmes comprendre la gravité des événements qu’ils vivent et multiplier les efforts et les petits sacrifices pour les pécheurs et le Saint-Père ! La sanctification de nos familles est ainsi le premier fruit de cette épreuve que le Bon Dieu nous a imposée.

CARÊME AVEC SAINTE JACINTHE

Vraiment, quel carême inédit nous avons fait ! Frère Bruno l’ouvrit lors de la retraite mensuelle des 7 et 8 mars à la maison Saint-Joseph. Pour prolonger notre pèlerinage à Lisbonne du 20 février, au jour centenaire de l’entrée au Ciel de sainte Jacinthe, notre frère avait choisi de nous mettre à l’école du petit docteur de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Les fidèles des logia auront le privilège d’écouter ces merveilleux sermons du mois de mars qui nous révèlent en Jacinthe l’instrument privilégié de Notre-Dame et l’âme la plus ardente du trio des voyants de Fatima.

À chaque moment déterminant, même si c’est la grande Lucie qui semble commander, c’est en réalité l’élan de Jacinthe qui oriente les grandes décisions des enfants. Dès le 14 mai, c’est elle qui établit que : « Maintenant, quand nous dirons le chapelet, il faudra réciter entièrement les “ Je vous salue Marie ” et les “ Notre Père ”. Et les sacrifices, comment allons-nous les faire ? »

Elle a déjà pris les choses en main, la petiote ! Avant Lucie, la grande Lucie qui parle à Notre-Dame ! Ce fut le début de leur carrière héroïque de sacrifices pour les pécheurs, en réponse aux demandes de la Sainte Vierge.

En toute occasion de sacrifice, Jacinthe interrogeait : « As-tu dit à Jésus que c’était pour son amour ? »

Si Lucie répondait « Non », Jacinthe reprenait : « Alors je le Lui dirai, moi. »

Et, joignant les mains, elle levait les yeux au ciel et disait : « Ô, Jésus, c’est pour votre amour et pour la conversion des pécheurs. »

Nos résolutions de carême nous ont été dictées par l’exemple si aimable de ses vertus : sa tendre compassion pour le Cœur Immaculé de Marie et sa grande pitié pour les pécheurs qui vont en enfer ; son âme éprise de vérité et sa dévotion inlassable pour le Saint-Père.

Frère Bruno insiste particulièrement sur ce dernier trait : nous aussi, il nous faut prier beaucoup pour notre pauvre pape François, dont l’aveuglement attire le malheur sur toute la Chrétienté.

PANDÉMIE CONTRE PANDEMONIUM

Cette homophonie amie de la mémoire est de frère Gérard. Elle résume en trois mots l’état d’esprit de notre CRC face au châtiment mondial du Coronavirus.

Ce que notre Père nommait « Pandémonium », c’était l’Église romaine corrompue du pontificat de Jean-Paul II : « Dès lors qu’on l’arrache au Christ pour l’ouvrir à toutes sortes de religions, elle devient une espèce de Pandémonium qu’on appelle Masdu, Mouvement d’animation spirituelle de la démocratie universelle. »

Ce Pandémonium semble au faîte de sa gloire sous le pontificat de François, accumulant les succès mondains : accord avec la Chine communiste le 18 septembre 2018, déclaration d’Abou Dhabi du 4 février 2019, « sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune »...

Or d’un seul coup, la main miséricordieuse de notre très chéri Père céleste a ruiné cette tour de Babel et dissipé bien des illusions antichrist ! Il renverse le Pandémonium moderne par une pandémie, venue de Chine, interdisant toute “ coexistence commune ” !

Contrairement aux technocrates de Paris, Bruxelles et Manhattan, que cette intervention divine prend complètement en défaut, frère Bruno n’a pas été déconcerté par l’épidémie. Instruit par la messagère de Notre-Dame de Fatima, il nous a aussitôt établis dans une vue supérieure de l’événement : vue réelle, parce que surnaturelle.

Dès le 16 mars, dans une première Lettre à la Phalange, (n° 110), frère Bruno rappela les confidences de sœur Lucie au Père Fuentes, le 26 décembre 1957 : « Croyez-moi, Père, Dieu va châtier le monde et ce sera d’une manière terrible. Le châtiment est imminent. »

Nous y sommes ! Et notre frère de citer longuement l’appel de la messagère de Notre-Dame à la conversion et tout spécialement le remède tout-­puissant qu’elle indiquait : le saint Rosaire.

La consigne est bien passée chez nos amis dont beaucoup ont doublé, voire triplé leur chapelet quotidien ! Ces temps difficiles où nous sommes privés de sacrements, et surtout privés de messes et de communions, sont l’occasion de mettre en pratique ce que notre Père nous a expliqué autrefois : le chapelet, c’est la Messe de la Sainte Vierge, épousant les formes et les pensées du Saint-Sacrifice de la Messe ; le chapelet est notre lien habituel de communion spirituelle avec le Ciel (sermon du 20 août 1999, cf. LR 26. 7).

Continuant à scruter les desseins du Cœur de Dieu, frère Bruno nous dévoilera dans une nouvelle Lettre à la Phalange (n° 111) le sens le plus profond de l’épreuve que nous vivons. Cela tient en deux mots : « L’épidémie rédemptrice ».

« Oui, il nous faut reconnaître que cette pandémie est un terrible châtiment parce que depuis cent ans Notre-Dame de Fatima nous avertit en vain que notre Dieu veut établir dans le monde la dévotion à son Cœur Immaculé et qu’il est vraiment “ trop offensé ” par nos refus, indifférences et outrages. Notre Père se fâche, mais sa colère cache son chagrin révélé à Fatima, et qui bouleversa François, le petit pastoureau. Et la divine miséricorde s’exprime par la bouche et la main du Vicaire de son Fils invitant à la communion spirituelle à son Fils Jésus-Christ, Notre-Seigneur. »

Dans cette lettre, frère Bruno manifeste sa respectueuse fidélité au Saint-Père, soulignant parmi les réactions de François à la pandémie du Coronavirus tout ce qui le rapproche des volontés de Notre-Dame de Fatima et nous exhortant à profiter de l’indulgence plénière extraordinaire accordée lors de la bénédiction urbi et orbi du 27 mars.

Et cependant, comment ne pas constater que le Pape demeure « vacillant », plus que jamais ? Il s’obstine à ne pas tirer la leçon de cette “ plaie ” qui frappe le monde. Loin d’y reconnaître un châtiment médicinal, une ultime manifestation de la miséricorde de Dieu pour ramener à lui ses enfants rebelles, il ne parle ni de péché ni de pénitence et encore moins de réparation des outrages à Dieu Notre-Seigneur et à sa divine Mère.

Bien au contraire, face au fléau, il a invité le 25 mars tous les chrétiens à réciter le Notre Père « tous ensemble » à midi, en « prière unanime ». Un “ Notre Père ” interconfessionnel, à l’heure de l’Angélus, pour fêter l’Annonciation !

Son sermon du 3 avril fut plus pénible encore. Après avoir fait la touchante confidence de la consolation qu’il éprouve à invoquer les Sept Douleurs de Notre-Dame chaque soir à l’Angélus, il récusa une nouvelle fois la Corédemption de Marie. Sourd à toutes les sollicitations dont il a bénéficié en faveur de ce privilège si aimable, François ressasse son refrain minimaliste : la Sainte Vierge n’a voulu enlever aucun titre à son Fils, elle n’a rien demandé pour elle-même. « Certes, répond frère Bruno, mais si c’est le Bon Dieu qui le veut, comment le Pape, enfant de Marie comme nous tous, refusera-t-il d’obéir à celle qu’il honore du titre de “ mère et de disciple ” ? Sinon ces mots ne veulent rien dire. »

Par son endurcissement, le Saint-Père prive l’Église du Bon Secours de Notre-Dame. Ce constat tragique ne doit pas nous désespérer, mais nous inciter à prier davantage pour lui, à l’exemple de notre chère sainte Jacinthe de Fatima.

RETRAITE DE SEMAINE SAINTE

Au terme du carême, l’entrée en retraite de nos communautés pour les Jours saints ne nous divertit pas des maux qui affligent l’Église et la France.

Dès la première conférence, extraite de la série L’Évangile éclairé par les psaumes (S 54, automne 1982), nous fûmes interpellés par l’actualité de la prédication... de Notre-Seigneur ! Notre Père nous expliqua en effet comment après avoir prêché une « morale pour temps calmes », morale suave, très attirante, celle des Béatitudes, Jésus, sous le coup de la tournure dramatique que prenaient les événements de sa vie publique, donna à son enseignement une accentuation tragique. Il en résulte une nouvelle morale, héroïque, « morale pour temps de catastrophes ». Notre-Seigneur veut préparer ses disciples qui seront passés au crible de l’épreuve. Si d’avance ils n’ont pas renoncé au monde et embrassé leur croix, ils succomberont.

Le lendemain matin, au premier Nocturne de l’office des Ténèbres du Jeudi saint, la lecture poignante des Lamentations de Jérémie nous saisit de même. Le prophète pleurait la chute effroyable de Jérusalem, ravagée par les Chaldéens au VIe siècle avant Jésus-Christ.

« Le Seigneur l’a ainsi ordonné, à cause de la multitude de ses iniquités. » (Lm 1, 5)

Notre Père commente : quand il est en colère contre son peuple bien-aimé, Dieu le frappe d’une manière si dure qu’il y a de quoi être effrayé.

Le soir même, tandis que nous veillions auprès du reposoir, une citation de l’évêque de Cuernavaca, qui semble être le seul à avoir pris la mesure du châtiment qui nous frappe, nous rappelait le grand péril où sont les âmes de se damner : c’est la raison de l’Agonie du Sauveur à qui nous voulions tenir compagnie.

« La pandémie du Covid-19 est un cri de Dieu adressé à l’humanité face au désordre social, avortement, violence, corruption, euthanasie et homosexualité. »

Deux jours plus tard, le lecteur chantera :

« L’iniquité de la fille de mon peuple a surpassé le péché de Sodome, qui fut renversée en un instant, sans qu’aucune main se fût levée contre elle. » (Lm 4, 6)

Qu’en sera-t-il donc de notre société impie ?

Et le lecteur de conclure par l’objurgation pathétique : « Jérusalem, Jérusalem, convertis-toi au Seigneur ton Dieu ! »

Le Vendredi saint, la lecture du prophète Osée nous consolait : « Venez ! Retournons au Seigneur ! Il a déchiré, il nous guérira ; il a frappé, il nous rendra la santé. Après deux jours, il nous fera revivre ; le troisième jour, il nous ressuscitera, et nous vivrons devant lui. » (Os 6, 1-2)

Puis les chantres s’avancèrent au milieu du chœur pour chanter solennellement l’impressionnant Cantique d’Habacuc : « Dans votre colère, Seigneur, de votre miséricorde vous aurez souvenir. » (Ha 3, 2)

Toute la liturgie vient en renfort de la prédication de frère Bruno sur « l’épidémie rédemptrice ».

Ce drame d’expiation était amplifié par la prédication de notre Père, mettant en relief par les psaumes l’ambiguïté de la « divine épopée d’Israël ». Or, rien ne ressemble plus à ce peuple élu et comblé de grâces, mais constamment rebelle et s’infatuant de la beauté dont son Dieu l’avait orné, que notre sainte et doulce France, la tribu de Juda de la Nouvelle Alliance : non seulement par les grâces inouïes du Christ-Roi et de Notre-Dame Marie, mais aussi, hélas ! par son infidélité et ses châtiments...

Au fil de l’Histoire sainte, le besoin d’un rédempteur se fait plus impérieux. Durant ces Jours saints, avec une science de Père de l’Église, notre Père nous révélera grâce aux psaumes et au chapitre 53 d’Isaïe les richesses insondables du Cœur de Jésus en grand labeur de Rédemption.

L’INTERDIT FULMINE CONTRE L’ÉGLISE APOSTATE.

Le Vendredi saint, au commencement de la messe des Présanctifiés, le célébrant se prosterne dans une église obscure, devant un autel dépouillé, tabernacle ouvert, vide. La liturgie impose l’idée d’une Église veuve, désolée, abandonnée. Ce rite résonnait douloureusement cette année, car plus que le confinement, la crainte pour l’avenir et la crise économique, c’est la privation des sacrements qui nous est pénible.

Beaucoup s’en sont pris aux décisions de leurs pasteurs. Mais voyant au-delà de la conduite des hommes, frère Michel écrivait le 18 mars à frère Bruno :

« Le plus impressionnant est la suspension des messes et de la Semaine sainte. Je trouve que c’est vraiment là qu’on touche du doigt la colère de Dieu. C’est comme une sorte d’excommunication par le Bon Dieu de tous les chrétiens, comme le Pape le faisait pour un roi et tout son royaume quand ils se conduisaient mal. »

Touché à son tour par l’épidémie et hospitalisé, privé donc de communion, frère Bruno nous enseigna comment sanctifier cette épreuve :

« Je suis atteint d’un mal qui répand la miséricorde sur un peuple impie et apostat.

« Il faut donc y prendre notre part en nous unissant à Notre-Seigneur, qui a pris sur lui tout le poids de notre péché, lui l’Innocent, lui le Saint de Dieu, pour faire miséricorde à nous pécheurs. Nous qui demandions depuis soixante ans à partager son sacerdoce, nous voilà exaucés : Cor unum, una cum Christo Hostia, selon la vocation de tout chrétien, enfant de la Vierge sacerdotale de Tuy ; notre vocation de nous offrir corps et âme au Saint-Sacrifice de notre Rédempteur. »

Ses messages suivants, quotidiens, exprimèrent toute la portée de la tragédie que nous vivons :

« Ce Jeudi saint sans messe avait quelque chose de vertigineux, hier, comme une victoire de Luther, victoire sur Jésus qui voulut demeurer sur la terre avec ses Apôtres et ses amis. Pour Lui, et pour eux, pour nous.

« Chaque année, aujourd’hui, Vendredi saint, l’Église vit l’absence de Jésus par la trahison de Judas, le reniement de Pierre, la fuite des Apôtres... Mais cette année, sans son Sacrifice du Jeudi saint, que devient notre religion ? Que sont les autres religions prétendues, depuis la liberté religieuse proclamée par le pape Paul VI ? Rien ! Nous sommes sans Dieu, sans son Corps que nous mangeons, sans son Sang que nous buvons. Sans cette communion, il ne reste rien, il n’y a plus de religion, voilà la vérité ! »

Dans ces ténèbres, une seule lumière demeure :

« Dans le péril immense encouru par notre monde apostat, c’est l’urgence du recours au Cœur Immaculé de Marie pour le salut de tous, tant terrestre qu’éternel qui s’impose. Notre très chéri Père céleste nous a avertis il y a cent ans de sa volonté d’établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de sa Mère. Aujourd’hui, nous comprenons pourquoi : c’est tout ce qu’il nous reste, c’est tout ce qui subsiste de notre sainte religion. »

De même que le vieil apôtre Jean ne voulant plus que répéter le commandement d’amour de son Maître ; de même que la petite Jacinthe adressant pour ultime recommandation à Lucie, « Aime beaucoup le Cœur Immaculé de Marie », notre frère Bruno ne se lasse pas de nous indiquer cet ultime recours. Dans son message du jour de Pâques, par exemple :

« Il nous faut imiter en ces jours calamiteux la foi du Cœur Immaculé de Marie qui a attendu la Résurrection de Jésus, elle seule, Vendredi saint et Samedi saint, pendant quarante-huit heures, sans la moindre hésitation, alors que tout paraissait perdu aux yeux de tous les autres, de Marie-Madeleine à Pierre et Jean.

« Ainsi nous autres, mes bien chers frères, mes sœurs, nous attendons la résurrection de l’Église par la puissance du Cœur Immaculé de Marie qui en fut la Reine dès le jour de Pâques avec la même assurance invincible. Regina Cæli lætare, alleluia ! »

EN ATTENDANT LE TRIOMPHE DU CŒUR IMMACULE DE MARIE.

Voici l’ultime message envoyé par frère Bruno de l’hôpital, juste avant son retour à la maison Saint-­Joseph : en vue des difficiles semaines à venir, il trace un programme enthousiasmant pour nos communautés et toute notre Phalange :

« Et maintenant, mes bien chers frères, mes sœurs, maintenant, dévotion au Cœur Immaculé de Marie !

« Le confinement n’est pas un obstacle à cette dévotion, au contraire. Il doit nous enfermer dans le Cœur de la Vierge Marie qui est la Reine-Mère du Ciel et de la terre, Regina Cæli. Elle peut tout, Elle sait tout, Elle dirige tout. Les événements que nous vivons sont un grand appel à la sainteté, à la pureté, à la dévotion filiale envers le Cœur Immaculé de Marie que rien ne peut empêcher de régner.

« Il y a donc un mystère d’égarement, d’aveuglement, d’endurcissement accablant à voir notre hiérarchie se refuser à consacrer la Russie au Cœur Immaculé de Marie pour la paix du monde. Sans doute faudrait-il commencer par nous convertir nous-mêmes et obéir à la Vierge Marie par la pratique des cinq premiers samedis, par le chapelet récité avec ferveur, chaque jour, par notre propre consécration au Cœur Immaculé de Marie, en toutes et chacune de nos actions quotidiennes.

« Tout pour Marie, tout avec Marie, tout en Marie. Un jour, la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie entraînera la conversion entière du monde, par la puissance médiatrice du Cœur de Marie qui aime la Russie, Médiatrice de toutes grâces en ce monde et dans l’autre. Pensez que toute notre doctrine, les 150 Points, toutes nos pensées s’accordent très profondément avec ces desseins du Ciel révélés à Fatima. Un jour viendra où nous aurons la victoire ! Mais ne nous réjouissons pas seulement d’être dans la vérité, comme disait notre Père, achevons surtout notre conversion à la miséricorde mutuelle, en nous montrant pleins de bienveillance, de bonté, humilité, douceur, patience les uns envers les autres. En nous ces vertus portent des noms : Jésus, Marie, Joseph à Nazareth, que les enfants de Fatima ont vus dans le ciel le 13 octobre 1917 pendant que la foule contemplait le miracle du soleil.

« Le 13 mai prochain, rendez-vous avec la belle Dame – si jolie, si jolie disait Jacinthe – pour une nouvelle campagne des 13 du mois avec les Portugais. Ne nous laissons pas voler cette espérance ! »

IN MEMORIAM 
ÉRIC AVIAT

Le vendredi 3 avril 2020, premier vendredi du mois, jour anniversaire de naissance de notre bien-aimé Père, à l’heure où les communautés chantaient les vêpres de Notre-Dame des Sept Douleurs, s’éteignait, seul sur un lit d’hôpital, notre dévoué et fidèle phalangiste Éric Aviat. Son exemple illustre cet idéal phalangiste de service du Cœur Immaculé de Marie tracé par frère Bruno.

Les circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie de Covid-19 permirent à la petite Jacinthe de Fatima, pour laquelle il avait une affection toute particulière, de lui réserver une mort semblable à la sienne, précédée de longs jours de souffrances que notre ami offrait d’instant en instant, pour consoler le Cœur Immaculé de Marie, pour le Saint-Père, pour les pécheurs et en particulier pour des âmes qui lui étaient très chères.

Une mort si admirable nous révèle ce que peut faire la grâce dans une âme bien disposée.

Éric est né en 1961, petit dernier d’une famille encore très catholique. Il apprit son catéchisme sur les genoux de sa mère, et fut initié aux cantiques et aux pratiques de dévotions par une sainte femme amie de la famille qui le gardait dans la journée.

À partir de 1973, ses parents l’envoyèrent avec sa sœur Marie-France à Montardoise, centre d’accueil, regroupant un dimanche par mois les jeunes de diverses paroisses. Les réunions des “ 12-14 ans ” étaient animées par un ou deux prêtres, aidés des “ 15-16 ans ”. Un ancien se souvient : « L’un des abbés, que nous appelions Antoine, tout simplement, avait le don de nous faire parler. Tous les sujets y passaient. Depuis la religion, bien sûr, jusqu’à notre avenir. En passant par le travail, la famille, l’amour, la drogue. Aucun sujet ne nous était interdit. À la condition que nous acceptions d’en discuter et d’écouter tous les points de vue. Tous. »

Éric ne voyait pas d’autre intérêt à ces réunions que de s’amuser avec ses copains. Toujours enjoué, il ne s’en faisait pas trop dans la vie. Tout lui souriait, il était gai, amusant et trouvait toujours le moyen de s’en sortir pour réussir ses examens sans se fatiguer.

Lorsqu’en 1977 il s’installa dans une chambre d’étudiant à Troyes pour se rendre au lycée, il y retrouva sa sœur, alors en première année de droit. Tous deux avaient abandonné la pratique religieuse et se laissaient entraîner dans la tendance “ baba cool ” de cette époque, mêlée de libéralisme et d’anarchisme. D’un naturel sociable et quelque peu chahuteur, Éric s’était fait un groupe d’amis, jeunes bourgeois avec lesquels il s’amusait beaucoup sans trop se soucier de ses études. Ses parents, qui avaient pourtant tenu tête à leurs aînés durant les événements de mai 1968, ne savaient que faire, désarmés par le lâcher-tout de l’Église conciliaire.

À la fac, Marie-France, gauchiste plus par esprit de contradiction que par conviction, fut impressionnée par le cours de sociologie politique donné par un professeur passionnant, genre Nouveaux Philosophes, qui lui ouvrit l’esprit en lui montrant qu’il y avait bien autre chose que le simple clivage droite-gauche. C’est ainsi qu’elle commença à s’intéresser aux idées, acceptant de discuter avec des étudiants de droite, dont le plus pugnace, Benoît, qui opposait au « chaos » révolutionnaire l’ « harmonie » de la civilisation chrétienne. Suivirent des mois de discussions serrées qu’elle racontait toujours à son frère, même si cela restait encore loin de ses préoccupations. Lorsque Benoît venait les voir dans leur chambre d’étudiant, il aidait Éric à faire ses devoirs de maths et s’efforçait de trouver des sujets qui l’intéressent, tandis que le lycéen ne pensait qu’à asticoter les pigeons de la cour de l’immeuble...

En 1980, Éric se retrouva seul à Paris pour faire des études d’architecture. La question religieuse ne le souciait guère, au grand dam de sa chère sœur qui continuait de lui raconter tout ce qui la passionnait : les récollections à la maison Saint-Joseph, la retraite de saint Ignace... Un jour qu’elle se rendait à une conférence de l’abbé de Nantes à la Mutualité avec Benoît son fiancé, elle décida d’aller chercher Éric dans sa chambre d’étudiant. Cela ne lui disait rien du tout et il fallut le secouer un peu, mais il finit par accepter : « Si cela peut vous faire plaisir... »

C’était en février 1981. Notre Père donnait alors son cours d’Apologétique scientifique et en arrivait à la biogenèse : Pour en finir avec Darwin. Le Père admettait le fait de l’évolution dans le développement des espèces, tout en rejetant l’idée qu’une telle ordonnance puisse être l’effet du hasard. Notre jeune étudiant fut subjugué par l’intelligence de ce prêtre traitant de sujets aussi pointus avec une telle aisance, en n’hésitant pas à tenir tête aux spécialistes les plus en vogue, montrant les contradictions où les conduisait leur négation de l’existence de Dieu. Quelle différence avec les discours vaseux des prêtres de Montardoise ! Éric avait trouvé un maître. En quelques mois, il fit de tels progrès qu’il décida de le suivre en toute confiance, « sans jamais se triturer l’esprit pour y forger ses propres opinions ». Il vint à la maison Saint-Joseph. C’est à cette époque qu’il fit des tours de parc en compagnie de frère Pierre, se faisant expliquer son catéchisme et l’interrogeant sur tous les sujets.

Quelques années plus tard, Éric épousait Marie George, la petite sœur de Benoît. À l’occasion de leurs fiançailles le 28 décembre 1985, notre Père reprit le thème de l’Alliance développé dans son cours de Morale totale : « Impossible de faire quelque chose de solide, de fécond, de durable en dehors du Père de tous biens, mais s’Il est, Lui, le premier dans cette famille, il sera facile au fiancé aujourd’hui, à l’époux demain, d’être conformé au Fils, d’être comme le Christ vis-à-vis de l’Église et, fidèle à Dieu, d’inspirer confiance à celle qu’il a choisie pour épouse. Chacun, réalisant sa vocation, travaille à l’accomplissement du dessein général de Dieu sur tous. Il est bon qu’il y ait des fiancés heureux, il est bon qu’il y ait des époux heureux qui rendent grâces après dix et vingt ans de mariage et il est bon qu’il y ait des veufs et des veuves qui pensent à leur époux, à leur épouse, déjà retournée auprès de Dieu. »

Il est bon aussi qu’il y ait des époux privés de la grâce d’avoir des enfants, selon une volonté toute spéciale de notre Père céleste. Telle fut la première épreuve que le Bon Dieu envoya au jeune foyer. S’appliquant à garder pour eux cet immense chagrin, Éric et Marie mirent toute leur énergie à s’occuper des enfants des autres, gagnant les cœurs de leurs neveux et nièces ainsi que de leurs nombreux filleuls par leur perpétuelle alacrité et leur total oubli d’eux-mêmes. Leur vocation particulière se confirma lorsqu’ils surent soutenir avec la plus grande délicatesse ceux qui se trouvaient dans des difficultés financières, des maladies ou dans le deuil.

Cependant, l’esprit du concile Vatican II continuait d’opérer ses ravages dans la famille Aviat dont la plupart des petits enfants ne furent pas baptisés, et dont plusieurs foyers se décomposèrent sans que ni les parents d’Éric, pourtant piliers de paroisse, ni son oncle prêtre, touché par le progressisme, ne puissent – ou ne veuillent – y mettre obstacle. Ce fut une grande douleur pour Éric qui aimait beaucoup ses frères, et il n’eut de cesse de chercher le moyen de toucher leur cœur. Il aurait donné sa vie pour eux, et multipliait les prières et pèlerinages à leurs intentions.

Le 13 mai 1993, Éric faisait partie des deux cent cinquante phalangistes qui accompagnèrent notre Père pour la remise du Livre d’Accusation à l’encontre de l’auteur du prétendu Catéchisme de l’Église catholique. En fait, dans sa profonde humilité, Éric ne se considérait pas comme un intellectuel et ne cessait de demander conseil aux frères ou à des phalangistes plus anciens.

Il savait pourtant tirer profit de tous ces enseignements et les mettre en pratique avec une grande sagesse, en particulier dans son métier d’assureur. Il avait gardé une conception traditionnelle de sa profession, tenant à garder un contact humain avec ses clients, ce qui lui demandait une disponibilité de tous les instants, tant il ne pouvait se résigner à les laisser dans l’embarras. Plus d’une fois, il se dépouilla lui-même pour leur venir en aide.

Ces dernières années, il était découragé de se voir si accaparé par son travail, incapable de consacrer plus de temps à l’étude de notre doctrine et à la prière. Comme beaucoup de nos pères (et mères) de famille, il était très réconforté par cette parole de Notre-Seigneur à sœur Lucie en 1943 : « Le ­sacrifice qu’exige de chacun l’accomplissement de son propre devoir et l’observance de ma loi, voilà la pénitence que je demande et que j’exige maintenant. » Son devoir d’état, Éric l’a porté comme on porte sa croix, sans jamais se plaindre, jusqu’à la limite de ses forces.

Lorsque frère Gérard lui demanda d’aider son épouse à assurer l’intendance des grands camps-vélo, il accepta aussitôt, malgré toutes les difficultés que cela représentait, à commencer par la gestion de l’agence pendant deux semaines d’absence. Depuis l’été 2012, il était devenu un pilier des camps-vélo par son dévouement inaltérable, sa docilité exemplaire aux consignes des frères, son assiduité aux instructions et aux prières autant que pouvaient le permettre les nécessités du service, sa bonne humeur permanente, et son esprit de sacrifice pour le salut des âmes des enfants.

Éric avait l’angoisse du salut des âmes. Il ne pouvait se résigner à se voir séparé dans l’éternité de ceux qu’il savait tant aimer sur la terre. Il avait pris l’habitude de se renoncer et de payer de sa personne pour faire du bien aux âmes placées par Dieu sur son chemin. Que pouvait-il faire de plus ?

Lors de notre dernier pèlerinage à Lourdes et Fatima en février dernier, il avait entendu l’appel de Notre-Dame, tant de fois relayé par nos frères : « Voulez-­vous vous offrir à Dieu pour supporter toutes les souffrances qu’il voudra vous envoyer, en acte de réparation pour les péchés par lesquels il est offensé, ainsi que pour les blasphèmes et les outrages contre le Cœur Immaculé de Marie, et en supplication pour la conversion des pécheurs ? »

La réponse se trouve dans ses résolutions écrites à frère François quelques jours après le pèlerinage :

« Tout offrir et souffrir pour la conversion du Saint-Père ; consoler Jésus abandonné dans ses tabernacles ; réparer les offenses au Cœur Immaculé de Marie ; prier, prier beaucoup pour les pécheurs, spécialement ceux de nos familles. »

Se sentant déjà malade, il avait été très impressionné de pouvoir vénérer la chambre de l’orphelinat où avait tant souffert la petite Jacinthe à Lisbonne. Quelques semaines plus tard, il se retrouvait à son tour seul dans une chambre d’hôpital, le corps ravagé par un lymphome dont on décelait trop tard l’emprise généralisée, offrant ses terribles souffrances en union avec sa petite Jacinthe, comme le montrent ses derniers messages, dont celui-ci : « Surtout, acceptez et supportez avec soumission les souffrances que le Seigneur vous enverra, blottis contre le cœur Immaculé de Marie... »

Le vendredi 27 mars, il put profiter de l’indulgence plénière exceptionnelle accordée par le Pape.

Son inhumation a eu lieu le Mercredi saint, en présence d’un prêtre, et dans la plus stricte intimité, en attendant de pouvoir célébrer une messe de funérailles à Bar-sur-Seine.

Demandons à Éric de mettre dans nos cœurs un peu de ce feu qui brûle dans sa poitrine et lui fait tant aimer le Cœur de Jésus et le Cœur de Marie !

« Il est très petit et très limité le nombre des âmes avec lesquelles il se rencontre dans le sacrifice et dans la vie intime de l’amour. » (Sœur Lucie)

frère Alexis de Jésus-Hostie.