Il est ressuscité !
N° 218 – Février 2021
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
Saint Joseph et le pape François
LA lettre apostolique Patris corde, datée du 8 décembre 2020, du Saint-Père François, célèbre le cent cinquantième anniversaire du décret de Pie IX proclamant saint Joseph patron de l’Église catholique. Elle commence ainsi :
« Avec un cœur de père : C’est ainsi que Joseph a aimé Jésus, qui est appelé dans les quatre Évangiles “ le fils de Joseph ”. »
Ah, non ! Pas dans l’Évangile selon saint Marc.
En saint Luc, après avoir fait lecture du livre d’Isaïe à la synagogue de Nazareth, Jésus déclare : « “ Aujourd’hui, s’accomplit à vos oreilles cette Écriture ”, tous lui rendaient témoignage et étaient en admiration devant les paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche. » Et ils s’étonnaient, remplis d’admiration : « N’est-ce point là le fils de Joseph ? » (Lc 4, 21-22)
Saint Luc ne relève pas l’expression « fils de Joseph », parce qu’il a raconté la naissance virginale de Jésus au début de son Évangile.
Saint Jean a annoncé dans son Prologue que le Verbe Incarné a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu à tous « ceux qui croient en son Nom », c’est-à-dire à son être intime, à son origine, à sa mission, « à Lui qui ne fut engendré ni des sangs, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu » (Jn 1, 12-13). C’est clair. Et c’est pourquoi à Capharnaüm, après la multiplication des pains, il rapporte ce qui se disait : « les juifs murmuraient à son sujet parce qu’il avait dit : “ Moi, je suis le pain descendu du ciel. ” Et ils disaient : “ N’est-ce point là Jésus, le fils de Joseph dont nous connaissons le père et la mère ? Comment dit-il maintenant : Je suis descendu du ciel ? ” » (Jn 6, 41-42).
Matthieu aussi a commencé son Évangile par le récit de la naissance virginale. Il conserve donc l’expression populaire, sans équivoque pour son lecteur : « Et venu dans sa patrie, il les enseignait dans leur synagogue, de sorte qu’ils en étaient frappés d’étonnement et disaient : “ D’où viennent à celui-là cette sagesse et les miracles ? N’est-ce point là le fils du charpentier ? » (Mt 13, 54-55)
Tandis que Marc, qui n’a pas fait mention des merveilles qui ont entouré l’avènement du Christ, corrige afin de rappeler la vérité maintenant connue de tout le monde : « N’est-ce pas là le charpentier, le fils de Marie ? » (Mc 6, 3)
Le Pape continue sur saint Joseph : « Les deux évangélistes qui ont mis en relief sa figure, Matthieu et Luc, racontent peu, mais bien suffisamment pour
le faire comprendre, quel genre de père il a été
et quelle mission lui a confiée la Providence. Nous savons qu’il était un humble charpentier (cf. Mt 13, 55),
promis en mariage à Marie (cf. Mt 1, 18 ; Lc 1, 27) ; un “ homme juste ” (Mt 1, 19), toujours prêt à accomplir la volonté de Dieu manifestée dans sa Loi et à
travers quatre songes. »
Le premier fait suite à la résolution que Joseph avait prise de répudier Marie en secret pour obéir
à la Loi, et dont il fut dissuadé par l’ange du Seigneur (Mt 1, 20).
« Après un long et fatigant voyage de Nazareth à Bethléem, il vit naître le Messie dans une
étable, parce que ailleurs “ il n’y avait pas de place pour eux ” (Lc 2, 7). »
Il le vit naître de qui ? On dirait que le Pape évite d’écrire le nom de sa Mère. Je soulignais, il y a deux ans, que, selon le pape François, « Marie n’a jamais le rôle principal » (Il est ressuscité no 194, p. 2).
Il est vrai que, selon saint Matthieu, ce n’est pas Marie, mais Joseph, son époux, le descendant de David, qui tient « le rôle principal » ; il reçoit les messagers célestes « à travers quatre songes, écrit le Pape. Il eut le courage – on attendrait « le privilège » – d’assumer la paternité légale de Jésus à qui il donna le nom révélé par l’ange :
« “ Tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. ” (Mt 1, 21) »
Mais auparavant, l’ange dit : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse. » Joseph joue donc « le rôle principal », non pas « après Marie », mais avec Elle, car ils ne font qu’un, comme deux époux, pour faire de Jésus, Fils de Dieu, un « fils de David ».
« Quarante jours après la naissance, Joseph, avec la mère [sic !], offrit l’Enfant au Seigneur dans le Temple et entendit, surpris, la prophétie de Syméon concernant Jésus et Marie (cf. Lc 2, 22-35). »
« Syméon les bénit et dit à Marie, sa mère : “ Vois ! cet enfant est là pour la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël, et pour être un signe en butte à la contradiction. Et toi-même, une épée te transpercera l’âme ! afin que de bien des cœurs soient révélées les pensées intimes. ” »
Or, voici la pensée intime du pape François qui est “ écologique ” :
« Pour défendre Jésus d’Hérode, il séjourna en Égypte comme un étranger (cf. Mt 2, 13-18). Revenu dans sa patrie, il vécut en cachette dans le petit village inconnu de Nazareth en Galilée – d’où il était dit “ qu’il ne surgit aucun prophète ” et “ qu’il ne peut jamais en sortir rien de bon ” (cf. Jn 7, 52 ; 1, 46) –, loin de Bethléem, sa ville natale, et de Jérusalem où se dressait le Temple. »
« Étranger » en Égypte, soit, mais « en cachette » ? Le Pape joue ici sur l’expression consacrée de « vie cachée » de Jésus à Nazareth opposée à la « vie publique » qui le fera connaître par ses miracles et ses enseignements. À Nazareth, c’est un “ clandestin ”, selon le pape François, qui récapitule l’enseignement de ses prédécesseurs en retrouvant leur langage :
« Après Marie, Mère de Dieu, aucun saint n’a occupé autant de place dans le Magistère pontifical que Joseph, son époux. Mes prédécesseurs ont approfondi le message contenu dans les quelques données transmises par les Évangiles pour mettre davantage en évidence son rôle central dans l’histoire du salut : le bienheureux Pie IX l’a déclaré “ Patron de l’Église catholique ”, le vénérable Pie XII l’a présenté comme “ Patron des travailleurs ”, et saint Jean-Paul II comme “ Gardien du Rédempteur ”. Le peuple l’invoque comme “ Patron de la bonne mort ”. »
Mais le propos du pape François n’est pas d’ajouter un nouveau fleuron à ce palmarès : « Par conséquent, à l’occasion des cent cinquante ans de sa déclaration comme Patron de l’Église catholique faite par le bienheureux Pie IX, le 8 décembre 1870, je voudrais, comme dit Jésus, que “ la bouche exprime ce qui déborde du cœur ” (cf. Mt 12, 34), pour partager avec vous quelques réflexions personnelles sur cette figure extraordinaire, si proche de la condition humaine de chacun d’entre nous. »
La parole de Jésus, citée à la référence indiquée, s’adresse à des esprits rebelles : « Engeance de vipères, comment pouvez-vous dire de bonnes choses, mauvais que vous êtes ? Car c’est du trop-plein du cœur que la bouche parle. » (Mt 12, 34) Cette parole vient après l’avertissement de Jésus : « Tout péché ou blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis. Et celui qui dit une parole contre le Fils de l’homme, il lui sera fait rémission ; mais celui qui en dit une contre l’Esprit-Saint, il ne lui sera fait rémission ni dans ce monde-ci, ni dans le monde à venir. » (Mt 12, 31-32) Par cette référence, le Pape se juge lui-même !
Dans son entretien avec le Père Fuentes (26 décembre 1957), sœur Lucie applique cette parole de Notre-Seigneur à nos temps qu’elle affirme être les derniers pour trois raisons :
La première parce que la Sainte Vierge a dit à Lucie « que le démon est en train de livrer une bataille décisive avec la Vierge, et une bataille décisive est une bataille finale où l’on saura de quel côté est la victoire, de quel côté la défaite. Aussi, dès à présent, ou nous sommes à Dieu ou nous sommes au démon ; il n’y a pas de moyen terme. »
La deuxième raison parce que la Sainte Vierge a dit à Lucie, François et Jacinthe « que Dieu donnait les deux derniers remèdes au monde : le saint Rosaire et la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, et ceux-ci étant les derniers remèdes, cela signifie qu’il n’y en a pas d’autres.
« Et, troisième raison, parce que toujours dans les plans de la divine Providence, lorsque Dieu va châtier le monde, il épuise auparavant tous les autres recours. Or, quand Il a vu que le monde n’a fait cas d’aucun, alors, comme nous dirions dans notre façon imparfaite de parler, Il nous offre avec une certaine crainte le dernier moyen de salut, sa Très Sainte Mère. Car si nous méprisons et repoussons cet ultime moyen, nous n’aurons plus le pardon du Ciel, parce que nous aurons commis un péché que l’Évangile appelle le péché contre l’Esprit-Saint, qui consiste à repousser ouvertement, en toute connaissance et volonté, le salut qu’on nous offre. »
Sachant que cette « Très Sainte Mère » de Dieu est la colombe du Saint-Esprit, la mépriser est très certainement le péché contre la troisième Personne de la Sainte Trinité dont l’ange Gabriel a dit à Marie, au jour de l’Annonciation, « Dominus tecum », le Seigneur est avec vous.
Quel est donc le dessein du Saint-Père ? il écrit qu’il « a mûri au cours de ces mois de pandémie durant lesquels nous pouvons expérimenter, en pleine crise qui nous frappe, que nos vies sont tissées et soutenues par des personnes ordinaires, souvent oubliées, qui ne font pas la une des journaux et des revues ni n’apparaissent dans les grands défilés du dernier show mais qui, sans aucun doute, sont en train d’écrire aujourd’hui les événements décisifs de notre histoire : médecins, infirmiers et infirmières, employés de supermarchés, agents d’entretien, fournisseurs de soin à domicile, transporteurs, forces de l’ordre, volontaires, prêtres, religieuses et tant d’autres qui ont compris que personne ne se sauve tout seul. » Les prêtres et les religieuses arrivent en dernier, après les employés de supermarchés.
Ils ont pourtant si bien « compris que personne ne se sauve tout seul », qu’ils se sont mis au service de notre unique Sauveur. Lui-même nous l’a dit : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. »
Et mon saint Joseph ?
« Nous pouvons tous trouver en saint Joseph l’homme qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, discrète et cachée, un intercesseur, un soutien et un guide dans les moments de difficultés. Saint Joseph nous rappelle que tous ceux qui, apparemment, sont cachés ou en “ deuxième ligne ” jouent un rôle inégalé dans l’histoire du salut. À eux tous, une parole de reconnaissance et de gratitude
est adressée. » Bienheureux sommes-nous, mes bien chers frères, de nous trouver dans l’Église, à la dernière place de la dernière « ligne », et remplissons notre vocation en priant pour le Pape !
Après avoir présenté saint Joseph comme un “ étranger ” et un “ clandestin ”, le Pape énumère les sept titres de saint Joseph à être imité par... tout le monde !
« 1. PÈRE AIMÉ »
« La grandeur de saint Joseph consiste dans le fait qu’il a été l’époux de Marie et le père adoptif de Jésus. Comme tel, il “ se mit au service de tout le dessein salvifique ”, comme l’affirme saint Jean Chrysostome.
« En raison de son rôle dans l’histoire du salut, saint Joseph est un père qui a toujours été aimé par le peuple chrétien comme le démontre le fait que, dans le monde entier, de nombreuses églises lui ont été dédiées. Plusieurs instituts religieux, confréries et groupes ecclésiaux sont inspirés de sa spiritualité et portent son nom, et diverses représentations sacrées se déroulent depuis des siècles en son honneur. De nombreux saints et saintes ont été ses dévots passionnés, parmi lesquels Thérèse d’Avila qui l’adopta comme avocat et intercesseur, se recommandant beaucoup à lui et recevant toutes les grâces qu’elle lui demandait ; encouragée par son expérience, la sainte persuadait les autres à lui être dévots. »
C’est précisément dans cet esprit que notre Père fonda notre communauté de Petits frères du Sacré-Cœur à la “ maison Saint-Joseph ”, dans des circonstances qui restent, jusqu’aujourd’hui, dramatiques pour l’Église, la France. Pour que nous nous tournions vers saint Joseph avec dévotion, confiance et persévérance, il n’a cessé de nous faire comprendre ce qu’il a été.
Le pape François écrit :
« La confiance du peuple en saint Joseph est résumée dans l’expression “ Ite ad Joseph ” qui fait référence au temps de la famine en Égypte quand les gens demandaient du pain au pharaon, il répondait : “ Allez trouver Joseph, et faites ce qu’il vous
dira. ” (Gn 41, 55) Il s’agit de Joseph, le fils
de Jacob qui par jalousie avait été vendu par
ses frères (cf. Gn 37, 11-28) et qui – selon le
récit biblique – est devenu par la suite vice-roi d’Égypte (cf. Gn 41, 41-44). »
Dans un sermon pour la fête de saint Joseph (19 mars 1986) l’abbé de Nantes nous disait : « Le Pharaon a dit : “ Allez à Joseph, et faites tout ce qu’il vous dira. ”
« Voilà la parole même que la liturgie répète dans nos fêtes de saint Joseph pour nous dire d’avoir toujours confiance en saint Joseph, surtout dans les choses matérielles. Ma pensée, qui était en pleine ferveur, me rappela la confiance de sainte Thérèse d’Avila en saint Joseph, obtenant de lui tout ce dont elle avait besoin : Ite ad Joseph, facite quod dixerit vobis. » Mais notre Père avoue aussi avoir eu une « distraction » en récitant l’office, en songeant que « c’est la parole que la Sainte Vierge a dite aux serviteurs aux noces de Cana en les renvoyant à Jésus. Mais oui, c’est Jésus dont le Joseph de l’Ancien Testament n’était que la figure » : Jésus a résisté aux tentations du démon au désert, en suite de quoi, il a commencé à être glorifié par son Père, à exercer la gérance des choses du monde, et la Vierge Marie, sa mère, connaissant tout cela, a dit aux serviteurs : “ Faites tout ce qu’il vous dira. ” « Pour montrer que Jésus était le Fils de Dieu fait homme qui allait sauver tous les autres fils, ses frères les hommes, saint Luc a noté cette parole pour nous dire : “ Et maintenant, celui qui règne sur son peuple et même sur les peuples étrangers est le Roi de l’univers. ” »
Le Pape continue : « En tant que descendant de David, la racine dont devait germer Jésus selon la promesse faite à David par le prophète Nathan (2 S 7), et comme époux de Marie de Nazareth, saint Joseph est la charnière qui unit l’Ancien et le Nouveau Testament. »
Le pape François ne peut mieux dire pour confirmer de toute son autorité l’enseignement de l’abbé de Nantes, notre Père. C’est lumineux. Celui-ci disait de Jésus et Joseph : “ Tel père, tel fils ”.
SAINT JOSEPH ANNONCE JÉSUS.
C’est vrai que saint Joseph accomplit une première figure de l’Ancien Testament, et lui-même va être une figure de celui qui va passer pour son fils, quelle splendeur ! Nous avons dans la vie de saint Joseph, comme un brouillon, comme une annonce humaine de la vie de Jésus qui est plus qu’humaine.
« J’aime que saint Joseph ait vécu un peu la même aventure que Jésus va vivre plus tard, nous disait notre Père ; que lui aussi ait été persécuté, qu’il ait dû fuir en exil, mener une vie difficile et qu’ensuite il ait été exalté et soit devenu tout-puissant, à la droite de Dieu, sur l’Église. C’est un peu le brouillon, la répétition générale.
« Saint Joseph est l’époux de la Sainte Vierge. Jésus est son fils, mais si nous comprenons cette allégorie, nous pouvons dire que c’est tout comme dans le Nouveau Testament, Jésus est l’Époux de l’Église dont la Vierge Marie est la personnification. Ainsi, tous les personnages sont bien en place : Jésus est le Joseph du Nouveau Testament, celui qui a reçu la puissance sur tout l’univers ; se tient auprès de lui l’Église dont la Vierge Marie est le Cœur Immaculé. Jésus l’a reçue de Dieu, comme son père saint Joseph l’avait reçue dans la pureté parfaite pour se l’associer et régner avec elle jusqu’à la fin des temps. »
« 2. PÈRE DANS LA TENDRESSE »
Le pape François nous fait admirer, sous ce titre, les affections du Cœur de saint Joseph qui, pour nous, ne fait qu’un avec le Cœur Immaculé de Marie, et annonce les mystères du Cœur Sacré de Jésus.
« Joseph a vu Jésus grandir jour après jour “ en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes ” (Lc 2, 52). Tout comme le Seigneur avait fait avec Israël, “ il lui a appris à marcher, en le tenant par la main : il était pour lui comme un père qui soulève
un nourrisson tout contre sa joue, il se penchait vers
lui pour lui donner à manger ” (cf. Os 11, 3-4).
« Jésus a vu en Joseph la tendresse de Dieu : “ Comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du Seigneur pour qui le craint. ” (Ps 103, 13)
« Joseph aura sûrement entendu retentir dans la synagogue, durant la prière des Psaumes, que le Dieu d’Israël est un Dieu de tendresse, qu’il est bon envers tous et que “ sa tendresse est pour toutes ses œuvres ” (Ps 145, 9). »
Surtout pour la première de toutes : pour l’Immaculée Conception et pour le fruit de ses entrailles. Sur ce chapitre, qui laisse le Pape sans voix, l’abbé de Nantes, notre Père, était intarissable. Pour la fête du mariage de saint Joseph et de la Sainte Vierge, il disait que « Dieu a versé dans le cœur de saint Joseph un amour divin, conjugal, pour la Sainte Vierge ». Saint Joseph a été choisi par Dieu pour être l’époux de la Vierge Marie. Elle lui a été confiée par ses parents pour un mariage virginal. Dieu aime la Vierge Marie de toute éternité, comme un père aime sa fille, comme un époux aime son épouse, comme un Esprit aime le tabernacle où il a sa demeure. Dieu a versé dans le cœur de saint Joseph un amour spécifiquement conjugal. Cet amour était d’une divine pureté positive qui remplissait son cœur et établissait entre elle et lui un colloque d’amour, une complémentarité, un contentement mutuel, une communion de pensée, de désir et d’action.
Saint Joseph désirait la consolation d’Israël, il était malheureux dans ce monde impie du judaïsme décadent, hypocrite, et lui, prince de la tribu de Juda, descendant de David, connaissait bien les Écritures, et les injustices, les sacrilèges, les rébellions de son peuple contre son Dieu qui y étaient annoncés. Il ne trouvait personne en qui épancher ses lamentations, et avec qui partager son attente du Messie.
Sa rencontre avec la Vierge Marie a été une incitation à la joie, à la confiance que le Messie serait donné à Israël. Et Dieu inspirait les mêmes sentiments à la Vierge Marie. Le Cœur de l’une répondait au cœur de l’autre. Elle était, dans sa vocation de femme, de vierge, d’une piété tellement recueillie, elle était tellement humble, tellement calme, confiante en son Dieu, tellement envahie par Dieu ; et lui, il était à la recherche d’un sanctuaire où il trouverait Dieu, où il n’aurait qu’à s’agenouiller devant ce sanctuaire pour trouver Dieu, du moins en esprit, et c’était elle !
Quand le Verbe de Dieu s’est incarné dans le sein de la Vierge Marie, Dieu a eu une raison nouvelle d’aimer ce petit enfant dans la crèche, cet adolescent, cet homme, comme son Fils. Bref, Dieu l’a aimé d’un amour paternel et il a donné de cet amour à saint Joseph. Celui-ci s’est trouvé, plus que n’importe quel autre père, comme s’il était attaché à ce fils avec un amour paternel plus grand que tout amour paternel créé, puisque c’était l’amour paternel incréé.
L’amour paternel de saint Joseph pour Jésus était d’une générosité, d’une pureté dans toutes les vertus qui forment l’exquise charité chrétienne. Il aimait Jésus d’un amour parfait, d’une pureté positive, c’est-à-dire mystique et non ascétique. Il n’avait pas à corriger son amour. Celui-ci était d’une divine pureté ; bien plus qu’angélique, cet amour coulait de source, venant directement du Cœur de Dieu.
Comment imiter saint Joseph, puisque François nous place sous son patronage ? « En espérant contre toute espérance », répond François citant saint Paul (Rm 4, 18). Parce que c’est ainsi que s’accomplit « l’histoire du salut à travers nos faiblesses ».
C’est bien le mot de la situation, dans l’attente où nous sommes de voir le Pape obéir au Cœur Immaculé de Marie en lui consacrant la Russie comme elle le demande depuis cent ans, pour le salut du monde. Nous espérons contre toute espérance pour la raison exprimée par le Pape.
« Nous pensons trop souvent, écrit-il, que Dieu ne s’appuie que sur notre côté bon et gagnant, alors qu’en réalité la plus grande partie de ses desseins se réalise à travers et en dépit de notre faiblesse. C’est ce qui fait dire à saint Paul : pour m’empêcher de me surestimer, j’ai reçu dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan qui est là pour me gifler, pour empêcher que je me surestime. Par trois fois, j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi. Mais il m’a déclaré : “ Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. ” » (2 Co 12, 7-9).
Conclusion inattendue : « Si telle est la perspective de l’économie du salut, alors nous devons apprendre à accueillir notre faiblesse avec une profonde tendresse. » Nous sommes loin de la tendresse pour le Cœur Sacré de Jésus, le Cœur Immaculé de Marie, le cœur tout-puissant de Joseph, tout notre trésor sur la terre et dans le Ciel !
« 3. PÈRE DANS L’OBÉISSANCE »
« Dieu a aussi révélé à Joseph ses desseins par des songes, de façon analogue à ce qu’il a fait avec Marie quand il lui a manifesté son plan de salut. Dans la Bible, comme chez tous les peuples antiques, les songes étaient considérés comme un des moyens par lesquels Dieu manifeste sa volonté. »
Oui, mais « avec Marie », il ne s’agit pas de songe ! « L’Ange fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David, et le nom de la vierge était Marie. Il entra et il lui dit »...
À l’abbé Laurentin qui faisait de l’Annonciation une « expérience intérieure » de la Vierge Marie, j’avais rappelé naguère que saint Luc a écrit : « Il entra » chez Marie... par la porte de sa maison. Laurentin m’avait répondu qu’il ne voulait pas passer pour « fondamentaliste ». Ainsi du pape François, assimilant la visite de l’ange Gabriel à un songe. Mais ce n’est pas honnête.
Le Pape continue : « Joseph est très préoccupé par la grossesse incompréhensible de Marie : il ne veut pas “ l’accuser publiquement ” mais décide de “ la renvoyer en secret ” (Mt 1, 19). » Présentée ainsi, la « préoccupation » de Joseph est suprêmement équivoque. « Il ne veut pas “ l’accuser publiquement ” »... de quoi ? D’avoir subi une violence, ou pire : d’y avoir consenti ? En note, François précise que « la lapidation était prévue dans ces cas ».
Notre Père est, sur ce « dilemme », comme écrit le Pape, incomparable :
« Les mystères douloureux de saint Joseph commencèrent aussitôt que la Vierge partit pour Aïn-Karim. Il avait trouvé bon qu’elle aille assister sa cousine Élisabeth. L’absence cette fois lui coûta. C’était pour sa sensibilité une souffrance cuisante, une mort de tous les instants, une inquiétude cruelle, cependant qu’en son cœur d’homme juste et fort, il ne voulait que le bien et ne s’apitoyait pas un instant sur lui-même. Que ces mois furent longs et quelle solitude !
« Lorsqu’elle revint, elle était grosse.
« La vie reprit cependant. Elle ne lui en parlait pas. D’être revenue, c’était assez dire que la chose était sainte. La rentrée dans la vie commune toute faite de prières et de silence valait une confidence claire de sa fidélité inviolable, inviolée, à son double vœu. Il l’aimait toujours et plus encore, et d’une admiration à son comble. Il voulait la garder, la protéger contre tout péril, sentant mieux quelle fragilité était la sienne, pourtant si paisible ! Dans une telle situation, il se sentait d’instinct protecteur et père nourricier. Voyant qu’elle lui conservait son pur amour, sa confiance, se réfugiant plus résolument qu’autrefois auprès de lui, il se savait davantage son époux, dans ce mystère, dans ce secret commun, si lourd et si doux.
« C’est alors que commença son vrai calvaire, bien différent de ce qu’on imagine. La loi de Moïse était là, dans sa rigueur tranchante à laquelle il n’avait pas songé tout d’abord, tant l’idée de quelque adultère lui demeurait extravagante, impensable. Tout dans son cœur, dans sa pensée, le poussait à respecter cette maternité admirable, à partager la ferveur et la grâce qui ruisselaient du cœur, du visage et du regard de son Épouse, mais la Loi de Dieu, souveraine, lui ordonnait de la renvoyer et de la dénoncer même ! C’était une agonie, véritable nuit obscure de l’esprit, que ce renoncement dans une aveugle obéissance aux ordres de Dieu selon les voies communes. Il n’était qu’un juif ordinaire et devait se garder d’aller selon son sens propre là même où il sentait qu’était le bien. En l’absence de toute révélation particulière, de toute explication dissuasive, à l’encontre même de sa sensibilité déchirée, ô mort plus terrible que la mort, il fallait donc la renvoyer, et elle, de son silence, semblait encore approuver la décision qui allait la livrer ! Le sacrifice d’Abraham n’était rien en regard de cette décision affreuse ; saint Joseph, dans l’effroyable solitude de l’atelier où il se réfugiait, poussait des soupirs immenses et pleurait jusqu’à s’en brûler les yeux. Parfois la Vierge entendait, parfois elle voyait et cependant se taisait, gardant sa souveraine pudeur spirituelle et s’en remettant à Dieu, mais la douleur de Joseph en était encore augmentée et il se reprochait d’en avoir fait paraître quelque chose à sa Reine.
« À travers les obstacles qu’oppose la nature, emportant peu à peu sa dure victoire sur les plus purs sentiments de la surnature même, la décision juste se frayait un passage, de jour en jour plus avancé, vers le dénouement héroïque. Comme Isaac, l’enfant de l’espérance, voici que Jésus et sa Mère, toute l’espérance humaine – il le sentait ! L’Esprit-Saint le criait en son cœur ! – allaient prendre le chemin fatal. Par son ordre, lui ! à elle ! un tel ordre ! ils allaient franchir le seuil de sa demeure pour n’y plus jamais reparaître.
« Qu’allait être maintenant sa vie ! sa solitude ! Il n’y songeait pas, oublieux de lui-même et déjà reconnaissant à Dieu de ce bonheur enfui. Mais Marie et l’Enfant, qu’allaient-ils devenir, livrés honteux à la dérision, à la peine, jetés dans la tempête du monde méchant dont il avait voulu les garder ! Oui, il mourait de tristesse, d’appréhension, à la pensée du coup mortel qu’il allait devoir porter à son Épouse Immaculée pour obéir à la Loi du Dieu qu’ils craignaient et aimaient bien plus qu’eux-mêmes. Marie à cette heure lui apparaissait plus sainte que jamais ! Il ne se sentait pas digne de lever sur elle les yeux ni de toucher à ses sandales ou son manteau et pourtant c’est lui qui allait la congédier, Elle, comme une pécheresse ! saint Joseph connaissait son agonie. Pourtant la Loi était formelle. Il le ferait.
« C’est alors que l’Ange fut envoyé, porteur d’une grande lumière. » (Noël 1961, Lettre à mes amis no 99)
« Dans le premier songe, écrit le Pape, l’ange l’aide à résoudre son dilemme : “ Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit-Saint ;
elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. ” (Mt 1, 20-21) Sa réponse est immédiate : “ Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit. ” (Mt 1, 24) »
C’est-à-dire ? Saint Matthieu continue : « Il prit chez lui sa femme. » C’est important parce que le Pape écrit : « Grâce à l’obéissance, il surmonte son drame et il sauve Marie. » Si le pape François faisait de même, il établirait aujourd’hui la dévotion au Cœur Immaculé de Marie... et il sauverait l’Église et le monde ! Prions, prions pour le Pape !
Car il continue à tirer la même leçon d’obéissance de la fuite en Égypte :
« Dans le deuxième songe, l’ange demande à Joseph : “ Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis
en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. ” (Mt 2, 13) Joseph n’hésite pas à obéir, sans se poser de questions concernant les difficultés qu’il devra rencontrer : “ Il se leva dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère et se retira en Égypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode. ” (Mt 2, 14-15)
« En Égypte, Joseph, avec confiance et patience, attend l’avis promis par l’ange pour retourner dans son pays. Le messager divin, dans un troisième songe, juste après l’avoir informé que ceux qui cherchaient à tuer l’enfant sont morts, lui ordonne de se lever, de prendre avec lui l’enfant et sa mère et de retourner en terre d’Israël (cf. Mt 2, 19-20). Il obéit une fois encore sans hésiter : “ Il se leva, prit l’enfant et sa
mère, et il entra dans le pays d’Israël. ” (Mt 2, 21)
« Mais durant le voyage de retour, “ apprenant qu’Arkélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s’y rendre. Averti en songe, – et c’est la quatrième fois que cela arrive –, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth. » (Mt 2, 22-23)
Pour souligner l’obéissance de Joseph, le Pape revient en arrière :
« L’évangéliste Luc rapporte que Joseph a affronté le long et pénible voyage de Nazareth à Bethléem pour se faire enregistrer dans sa ville d’origine, selon la loi de recensement de l’empereur César Auguste. Jésus est né dans cette circonstance (cf. Lc 2, 1-7) et il a été inscrit au registre de l’Empire comme tous les autres enfants.
« Saint Luc, en particulier, prend soin de souligner que les parents de Jésus observaient toutes les prescriptions de la Loi : les rites de la circoncision de Jésus, de la purification de Marie après l’accouchement... »
Ah, non !
« Pleine de grâce », Immaculée, elle n’est pas soumise au châtiment d’Ève. Elle enfanta donc sans douleur et sans dommage pour sa virginité, prenant soin elle-même du bébé sorti de son sein virginal : « Elle l’enveloppa de langes et le coucha dans une mangeoire, parce qu’ils n’avaient pas de place dans la salle. » (cf. Lc 2, 6-7)
C’était le 25 décembre de l’an 753 de Rome. Cette naissance ouvre une ère nouvelle, qui commence tout de suite, dès le huitième jour accompli, le premier jour de l’année civile romaine, an 1 de Jésus-Christ, lors de sa circoncision (Lc 2, 21). Ce jour-là, l’Enfant reçut son nom de Jésus, « indiqué par l’ange avant sa conception ». Sans retard, ses parents le portent au Temple, à Jérusalem, « pour le présenter au Seigneur » (Lc 2, 22). Ils n’ont pas eu à attendre le « trente-
troisième jour » prévu par la loi de Moïse, à compter de la circoncision de l’enfant, pour la « purification » d’une mère relevant de ses couches :
« Et pendant trente-trois jours encore, elle restera à purifier son sang. Elle ne touchera à rien
de consacré et n’ira pas au sanctuaire jusqu’à ce que soit achevé le temps de sa purification. » (Lv 12, 4)
Rien de tel pour l’Immaculée, demeurée vierge avant, pendant et après le divin Enfantement. Parce qu’il n’y a pas eu d’effusion de sang, sinon celui de son Jésus le jour de la circoncision, Marie peut se rendre sans délai au sanctuaire desservi par les fils de Lévi, non pas pour sa purification, mais pour « leur purification », saint Luc tient à le préciser :
« Et lorsque furent accomplis les jours pour leur purification, selon la loi de Moïse, ils l’emmenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur. » (Lc 2, 22)
Là, ils accomplirent non seulement la Loi mais aussi les Prophètes, comme il avait été annoncé par Malachie : « Et soudain, il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez [...]. Il purifiera les fils de Lévi et les affinera comme or et argent, et ils deviendront pour Yahweh ceux qui présentent l’offrande comme il se doit. » (Ml 3, 1-3)
« Dans chaque circonstance de sa vie, Joseph a su prononcer son “ fiat ”, tout comme Marie à l’Annonciation, et comme Jésus à Gethsémani », conclut le pape François.
Puissions-nous faire de même, nous autres, pauvres pécheurs, et le Pape lui-même en tout premier lieu, notre Saint-Père, auquel saint Joseph offre un modèle d’obéissance :
« Dans la vie cachée de Nazareth, Jésus a appris à faire la volonté du Père à l’école de Joseph. Cette volonté est devenue sa nourriture quotidienne (cf. Jn 4, 34). Même au moment le plus difficile de sa vie, à Gethsémani, il préfère accomplir la volonté du Père plutôt que la sienne, et il se fait “ obéissant jusqu’à la mort de la Croix ” (Ph 2, 8). »
Alors, sous un tel patronage, comment le pape François peut-il résister aux demandes du Cœur Immaculé de Marie clairement révélées à Fatima, à Pontevedra et à Tuy, au siècle dernier ? N’est-il pas pour nous, pour toute l’Église dont il est le Chef, la figure de saint Joseph tout-puissant pour nous protéger de tout péril, comme l’en priait le bienheureux Pie IX il y a cent cinquante ans ? Prions pour le pape François !
« Il résulte de tous ces événements que Joseph “ a été appelé par Dieu à servir directement la personne et la mission de Jésus en exerçant sa paternité. C’est bien de cette manière qu’il coopère dans la plénitude du temps au grand mystère de la Rédemption et qu’il est véritablement ministre du salut. ” » Citation de l’exhortation apostolique de Jean-Paul II, en date du 15 août 1989, qui faisait de saint Joseph un corédempteur, après avoir refusé avec le concile Vatican II de faire de Marie une corédemptrice ! Sous le titre suivant, François laisse paraître cette volonté “ minimaliste ” qui a relégué la Vierge Marie au dernier chapitre de la constitution conciliaire Lumen gentium.
« 4. PÈRE DANS L’ACCUEIL »
« Joseph accueille Marie sans fixer de conditions préalables. Il se fie aux paroles de l’ange : “ La noblesse de son cœur lui fait subordonner à la charité ce qu’il a appris de la loi. Et aujourd’hui, en ce monde où la violence psychologique, verbale et physique envers la femme est patente, Joseph se présente comme une figure d’homme respectueux, délicat qui, sans même avoir l’information complète, opte pour la renommée, la dignité et la vie de Marie. Et, dans son doute sur la meilleure façon
de procéder, Dieu l’aide en éclairant son jugement. ” » Le pape François se cite lui-même et révèle bien le fond de son cœur. Au plus loin de celui de saint Joseph :
« Bien des fois, des événements dont nous ne comprenons pas la signification surviennent dans notre vie. Notre première réaction est très souvent celle de la déception et de la révolte. »
Par exemple, celle du pape François à Fatima le 13 mai 2017...
« Joseph laisse de côté ses raisonnements pour faire place à ce qui arrive et, aussi mystérieux que cela puisse paraître à ses yeux, il l’accueille, en assume la responsabilité et se réconcilie avec sa propre histoire. » Sic ! À la parole d’un Ange... précédant la Vierge Marie comme à Fatima !
« Si nous ne nous réconcilions pas avec notre histoire, nous ne réussirons pas à faire le pas suivant parce que nous resterons toujours otages de nos attentes et des déceptions qui en découlent. »
Ces réflexions s’appliquent exactement aux « attentes » du pape Jean-Paul II dont sont aujourd’hui les « otages » ceux qui l’ont canonisé. Jean-Paul II attendait le troisième millénaire qui serait le temps de la justice et de la générosité, l’avènement de la « civilisation de l’amour » rêvée par Paul VI.
Et nous avons « une Grande Cité à moitié en ruine » telle que l’avait annoncée Notre-Dame de Fatima à ses trois confidents, le 13 juillet 1917, si l’on ne faisait pas ce qu’Elle demandait : « La consécration de la Russie à son Cœur Immaculé et la communion réparatrice des premiers samedis. » On n’a pas la paix, mais partout la guerre, et la Chine répand « les erreurs de la Russie, – c’est-à-dire le communisme – à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église ». Le Saint-Père, avant de parvenir au sommet de « la montagne escarpée où est une grande Croix de troncs bruts comme si elle était en chêne-liège avec l’écorce », traverse la grande ville en priant pour les âmes des victimes de la pandémie dont il trouve les cadavres sur son chemin.
« La vie spirituelle que Joseph nous montre n’est pas un chemin qui explique, continue le pape François, mais un chemin qui accueille. » À Lucie, Notre-Dame de Fatima avait précisément promis : « Mon Cœur
Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu. » Il n’en est pas d’autre. Pourtant, François n’en fait pas cas.
« C’est seulement à partir de cet accueil, de cette réconciliation, qu’on peut aussi concevoir une histoire plus grande, un sens plus profond. » Accueil de qui ? de quoi ? Pas de l’amour de Marie, mais de « la vie telle qu’elle est », avec « cette partie contradictoire, inattendue, décevante de l’existence ».
Nous sommes loin de l’entrée de Jésus et Marie dans la vie de saint Joseph ! Et pourtant : « Semblent résonner les ardentes paroles de Job qui, à l’invitation de sa femme à se révolter pour tout le mal qui lui arrive, répond : “ Si nous accueillons le bonheur comme venant de Dieu, comment ne pas accueillir de même le malheur ? ” (Jb 2, 10). » Ce rapprochement de saint Joseph avec le saint homme Job est encore une rencontre du pape François avec l’abbé de Nantes ! « Je vous invite à vous faire une image de saint Joseph d’un homme qui a été dans les tourments, les épreuves, les difficultés tous les jours de sa vie. Il a été toujours distrait du principal, Dieu ne l’a pas laissé respirer une minute tranquille auprès de la Vierge Marie et de Jésus. Job dit que la vie est une “ militia ”, une mise à l’épreuve perpétuelle. Imaginons ainsi saint Joseph, il y a de quoi nous redonner du courage. » (19 mars 1988)
Mais sous la plume du pape François la Vierge Marie brille par son absence :
« La venue de Jésus parmi nous est un don du Père pour que chacun se réconcilie avec la chair de sa propre histoire, même quand il ne la comprend pas complètement. » C’est oublier que le « don du Père » à Joseph passe par la chair de Marie.
« Ce que Dieu a dit à notre saint : “ Joseph, fils de David, ne crains pas ” (Mt 1, 20), il semble le répéter à nous aussi : “ N’ayez pas peur ! ” Il faut laisser de côté la colère et la déception »... la déception « de prendre chez toi Marie, ta femme » !?
Relisons le Père de Foucauld commenté par notre Père :
« Souviens-toi que ma Mère et saint Joseph avaient embrassé tous deux la vie parfaite, tous deux la virginité, et qu’ils vivaient dans le monde comme n’étant pas du monde. » (texte intégral, infra, p. 8)
ENTRONS DANS LA MAISON DE NAZARETH
PLUS que le premier couple humain, ce sont eux, ces premiers époux chrétiens, qui nous paraissent ouvrir notre histoire, dans une gloire qui charme la sensibilité, enchaîne le cœur, donne son envol à l’âme contemplative vers les cimes de l’amour. Nouvel Adam, nouvelle Ève, voudrait-on dire, dans leur sagesse et la limpidité parfaite de leur regard et de leur vie, mais sans le je ne sais quoi d’instable, d’équivoque, de nos premiers parents que déjà guette Satan. Dès qu’ils apparaissent, aux premières pages de l’Évangile, le serpent est sous leurs pieds, leurs âmes sont établies dans la paix, la grâce emplit leur demeure. Quant à la luxuriance du paradis terrestre, il n’y faut plus songer, elle nous déconcerterait et nous ne devons même pas imaginer y jamais faire retour. Nous aimons mieux retrouver nos modèles à Nazareth, pauvres habitants d’une bourgade de Galilée, perdus au milieu des autres. Dans une humble maison, ils vivent unis, d’une union mystérieuse, et cachent leur bonheur.
Entrons. Nous le pouvons à toute heure, nous sommes leurs enfants et jamais nous ne les gênons. Nous les voyons dans une attitude simple, heureuse et modeste, l’un près de l’autre, comme des époux qu’habite un tranquille et sûr amour mutuel.
Peut-être penserions-nous que ce mariage n’en est pas un, vraiment, puisqu’il ne connaît ni l’intimité de la couche ni, chose plus surprenante mais que laisse deviner l’Évangile, ni la communication suprême des cœurs qui s’épanchent et se confient leurs secrets. Mais l’Église prévient notre hésitation. Elle nous enseigne par la bouche de saint Augustin et des autres Pères, que leur vœu de virginité et leur réserve totale l’un vis-à-vis de l’autre n’enlevèrent rien à leur union nuptiale. Tout au contraire, celle-ci fut d’autant plus étroite et fervente, ajoutent-ils, qu’elle s’accomplissait sans cesse à ce sublime degré de perfection.
Qui pourra comprendre ?
Avançons sans crainte tout près de Joseph, ce Prince fils de David, de Marie, cette Princesse oui ! fille de Jessé et promise à la régence du monde. Ce ne sont pas des êtres ordinaires, quoique simples. La pauvreté de leur demeure ne nous arrête plus, ni ne nous étonne l’extrême réserve de leurs attitudes. La pudeur, la fuite des occasions, la modestie des regards même, la retenue des moindres gestes ou sourires affectueux, loin d’indiquer ici une désaffection ou au contraire une lutte secrète contre quelque passion désordonnée, sont le choix d’un amour délicat, exquis. Oui, il faut le dire, à l’encontre des erreurs, des incertitudes, des suppositions hasardeuses que les hérésiarques ont lancées sur le monde, saint Joseph et la Vierge Marie n’ont rien abdiqué de leur pureté parfaite. Cependant, créatures de chair comme nous et surtout âmes religieuses et sages, ils n’ont rien épargné de la pénitence, du renoncement, de l’oubli des choses terrestres que dicte le parfait amour de Dieu. Ne les imaginez pas autrement que dans cette surveillance et cette consécration de tous les instants. Alors seulement vous serez admis à contempler les merveilles de leur intimité d’époux. Ne discutez pas de savoir s’ils avaient besoin de cette sauvegarde pour être purs. La discussion même est sacrilège. Quant à s’en dispenser d’eux-mêmes ils n’y songèrent pas et n’en avaient pas la moindre envie, leur amour était céleste, déjà !
Aussi l’Évangile nous les donne-t-il à aimer, à regarder et admirer tout à loisir, sans réserve, à imiter de toutes nos forces. Leur condition ne pouvait aller à l’encontre de la loi commune, mais dans son sens, jusqu’à son accomplissement le plus sublime, le plus heureux. Ils évitaient de se regarder, ils ne se seraient pas permis le moindre geste d’attachement ou de recherche mutuelle. La Sainte Écriture depuis longtemps leur avait enseigné cette admirable dispense des œuvres imparfaites, nécessaire à la plénitude de l’âme. « J’avais fait un pacte avec mes yeux, avouait Job, au point de ne jamais fixer du regard une vierge. » Ô saint Joseph, nous commençons à vous approcher et vous connaître dès lors que nous vous croyons ainsi, heureux d’une telle réserve. Vous avez choisi Marie, dans une rencontre d’âmes préparée par les anges, vous l’avez introduite dans votre maison et installée à la place d’honneur ; du jour de votre mariage vous ne vous êtes jamais séparés et cependant vous gardiez fidèlement, inviolablement, ce pacte que vous aviez fait avec tout votre être, et avec Elle. Bienheureux pacte, devenu l’expression la plus pure du plus parfait amour !
Vous ne vous êtes pas demandé si cela était nécessaire, vous n’avez pas examiné si cela vous était pénible et jamais désiré rien d’autre que cette ineffable et douce union que Dieu avait établie lui-même entre vous. Sans drame ni passion...
Cette étonnante réserve était si douce que l’un et l’autre, vous la prolongiez et étendiez jusqu’aux secrets de vos âmes. Vous préfériez le silence. Il vous semblait, comme à Elle, que parler de vos peines ou de vos joies, des grâces reçues, des révélations intimes, aurait détourné vers vous une attention tout occupée de Dieu, et vous préfériez cette chasteté spirituelle. Nous ne croirions pas que des êtres humains pussent arriver à ces cimes de la sublimité si l’Écriture ne l’affirmait clairement. Votre discrétion parfaite vous laissait l’un et l’autre vaquer aux seules affaires de Dieu, votre silence vous laissait chacun seul avec Lui, sans partage. Cette béatitude, vous n’auriez pas voulu la troubler, mais chacun de vous la désirait et s’en réjouissait pour l’autre.
En quoi consistait un amour conjugal qui était apparemment séparation, silence, solitude ? En une inhabitation mutuelle, à l’image du mystère trinitaire. Lui habitait en Elle et Elle en Lui, sans cesse et sans réticence. La présence de Marie était, comme nous dirions, d’une densité extraordinaire. Saint Joseph aussi, sans s’en rendre compte, avait sur elle le même rayonnement. « Comme il aime Dieu ! Comme il le sert ! Qu’il est honnête, juste et bon ! Quel dévouement admirable ! Quel saint ! » et la Vierge ne cessait ces litanies secrètes de l’admiration et de l’affection, sans qu’aucun souvenir, aucun geste ne vienne jamais altérer cette image qu’elle avait de lui dans son cœur. Et lui, tout ce qu’il pensait de bien, tout ce qu’il désirait, c’était dans une parfaite communauté de vues avec elle ; comme si son cœur à elle était là qui battait dans le sien, il lui semblait qu’elle vivifiait tout en lui, de sa ferveur incomparable. Et c’était secrètement d’autres litanies qui déjà chantaient ses vertus. Elle le sanctifiait par sa seule présence, et il lui semblait emporter en lui un amour émané d’elle, qui le transportait, sans que jamais il n’éprouvât le besoin d’en écarter le souvenir, pour aller à Dieu.
Comprenons que des âmes peuvent ainsi habiter l’une en l’autre, à proportion de leur sainteté, je veux dire de la grâce qui les emplit et de l’amour de Dieu qui les anime. Au-delà de la sensibilité, au-delà de l’étalage des sentiments personnels, plus ou moins égoïstes, vaniteux, c’est le culte absolu de Dieu, de sa Gloire et de son Service, qui donne aux êtres leur transparence et à leur présence mutuelle cette aura de bonheur et de force qui rend superflu tout le reste. Ils s’étaient épousés dans la foi, selon la parole d’Osée et telle que l’explique saint Thomas d’Aquin, chacun jouissant des clartés, des ardeurs, des grâces de l’autre venant comme accroître les siennes propres. La vie quotidienne les associait, mais bien plus ce culte intérieur où ils communiaient et qui ne pouvait qu’engendrer en eux un culte mutuel. Sans obstacle. Elle avait foi en lui, lui en Elle, et ils trouvaient déjà l’un en l’autre quelque chose d’une présence divine.
On peut ajouter quelques traits légers à ce tableau. Marie, faible enfant, était heureuse de sentir ce calme, cette énergie en saint Joseph, et lui, transporté d’émotion, d’admiration, découvrait les abîmes de sagesse, de force, d’amour dont resplendissait cette âme d’enfant, cette beauté céleste qui l’irradiait toute !
C’était une union parfaite. Là où bondissait son cœur, déjà, à coup sûr, saint Joseph y trouvait Marie, et Marie se sentait autorisée par lui et comprise dans tout ce qu’elle voulait sous l’impulsion de la grâce d’En-Haut. C’était chaque fois un bonheur au sein d’un autre, plus grand. Dans les délices de l’union à Dieu, c’était la béatitude secondaire, non négligeable certes, de leur union parfaite en Dieu.
(Georges de Nantes, Lettre à mes amis no 98, 8 décembre 1961.)
« 5. PÈRE AU COURAGE CRÉATIF »
« Joseph est l’homme par qui Dieu prend soin des commencements de l’histoire de la rédemption. Il est le vrai “ miracle ” par lequel Dieu sauve l’Enfant et sa mère. Le Ciel intervient en faisant confiance au courage créatif de cet homme qui, arrivant à Bethléem et ne trouvant pas un logement où Marie pourra accoucher, aménage une étable et l’arrange afin qu’elle devienne, autant que possible, un lieu accueillant pour le Fils de Dieu qui vient au monde (cf. Lc 2, 6-7). Devant le danger imminent d’Hérode qui veut tuer l’Enfant, Joseph est alerté, une fois encore en rêve, pour le défendre, et il organise la fuite en Égypte au cœur de la nuit (cf. Mt 2, 13-14).
« Une lecture superficielle de ces récits donne toujours l’impression que le monde est à la merci des forts et des puissants. Mais la “ bonne nouvelle ” de l’Évangile est de montrer comment, malgré l’arrogance et la violence des dominateurs terrestres, Dieu trouve toujours un moyen pour réaliser son plan de salut. Même notre vie semble parfois à la merci
des pouvoirs forts. Mais l’Évangile nous dit que, ce qui compte, Dieu réussit toujours à le sauver à condition que nous ayons le courage créatif du charpentier de Nazareth qui sait transformer un problème en opportunité, faisant toujours confiance à la Providence. »
Après cette belle profession de confiance en Dieu, voici la confiance en l’homme :
« Si quelquefois Dieu semble ne pas nous aider, cela ne signifie pas qu’il nous a abandonnés mais qu’il nous fait confiance, qu’il fait confiance en ce que nous pouvons projeter, inventer, trouver. »
Étrange renversement des rôles : Dieu met sa confiance en l’homme ! Mais cet homme, Joseph, mettait toute sa confiance en Dieu. C’est ce qui le rendait « créatif ».
« L’Évangile ne donne pas d’informations concernant le temps pendant lequel Marie, Joseph et l’Enfant restèrent en Égypte. Cependant, ils auront certainement dû manger, trouver une maison, un travail. Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour remplir le silence de l’Évangile à ce propos. La Sainte Famille a dû affronter des problèmes concrets comme toutes les autres familles, comme beaucoup de nos frères migrants qui encore aujourd’hui risquent leur vie, contraints par les malheurs et la faim. En ce sens, je crois que saint Joseph est vraiment un patron spécial pour tous ceux qui doivent laisser leur terre à cause des guerres, de la haine, de la persécution et de la misère.
« À la fin de chaque événement qui voit Joseph comme protagoniste, l’Évangile note qu’il se lève, prend avec lui l’Enfant et sa mère, et fait ce que Dieu lui a ordonné (cf. Mt 1, 24 ; 2, 14. 21). Jésus et Marie sa Mère sont, en effet, le trésor le plus précieux de notre foi.
« Nous devons toujours nous demander si nous défendons de toutes nos forces Jésus et Marie qui sont mystérieusement confiés à notre responsabilité, à notre soin, à notre garde.
« Le Fils du Tout-Puissant vient dans le monde en assumant une condition de grande faiblesse. Il se fait dépendant de Joseph pour être défendu, protégé, soigné, élevé. Dieu fait confiance à cet homme, comme le fait Marie qui trouve en Joseph celui qui, non seulement veut lui sauver la vie, mais qui s’occupera toujours d’elle et de l’Enfant. En ce sens, Joseph ne peut pas ne pas être le Gardien de l’Église, parce que l’Église est le prolongement du Corps du Christ dans l’histoire, et en même temps dans la maternité de l’Église est esquissée la maternité de Marie. Joseph, en continuant de protéger l’Église, continue de protéger l’Enfant et sa mère, et nous aussi en aimant l’Église nous continuons d’aimer l’Enfant et sa mère. »
On dirait que le Pape copie l’abbé de Nantes ! C’est possible puisque le Saint-Office a imprimé les Lettres à mes amis en 1968. Il faut dire que notre bienheureux Père va beaucoup plus loin que le Saint-Père :
« Ô lèvres divines qui vous approchez des vierges mamelles, et vous, bouche d’enfant bientôt avide de manger ce pain que Joseph vous a gagné par un dur labeur, vous nous devez tout ! En ces deux êtres proches qui vous furent secourables et nourriciers à Bethléem et à Nazareth tout le temps de votre portement, de votre naissance et de votre enfance, c’est notre race humaine qui vous est maternelle et paternelle ! Enfant né sous la Loi charnelle, de la race de David, vous êtes le fruit des entrailles de la femme et du labeur de l’homme. Vous êtes dans cette attitude éternelle de l’enfant qui dans ses larmes est Indigence et Besoin, vous êtes encore, sourire plein de lait sous les caresses de vos bien-aimés, Reconnaissance et Tendresse...
« Aujourd’hui, je ne veux rien voir d’autre, pas même votre Croix salutaire sans laquelle Marie n’eût pas mérité d’être votre Mère et nulle de vos créatures n’eût été digne de vous recevoir ; je ne vois que votre enfance et tout ce petit monde de bergers et de bons chrétiens accourus à la crèche. Tous vous prennent dans leurs bras et vous offrent, ô Enfant Roi, ce dont vous avez besoin pour vivre, n’ayant rien et ne pouvant rien par vous-même, tout ce que vous attendez secrètement d’eux pour être heureux. Que ne feraient-ils pas pour amener sur vos lèvres un sourire ?
« Je songe alors qu’il y a dans cette naissance une vérité éternelle. Le Verbe paru en cet état une fois dans le temps est en cet état pour les siècles et à jamais. Notre Créateur se veut notre fils, notre Maître se veut notre serviteur et le sera éternellement. Lui qui ne dépend de personne en sa divinité se veut dépendant de nous en son humanité ! Je ne doute pas que la Vierge Marie ne veuille partager sa maternité divine avec toutes ses sœurs et filles, de même que saint Joseph ne partage à coup sûr et ne s’aide dans son rôle de père nourricier, du labeur de ses frères et fils.
« Est-ce folie de penser qu’autour de votre crèche, ô Enfant de notre chair, nous sommes tous du côté de vos parents et que vous avez voulu éternellement ce rôle merveilleux pour nous tous envers votre fragile existence humaine, que sanctifiés par Votre Esprit, nous vous nourrissions aussi et travaillions pour vous ? Celle qui vous consacre son être dans la virginité sainte ne vous nourrit-elle pas elle aussi, ô Jésus ? ne peut-elle ressentir en son cœur les joies de cette maternité lorsque, par bonheur, elle vous tient dans ses bras, petit enfant de cire, ou mieux encore lorsqu’elle vous reçoit, Eucharistie, vraie chair du Fils de Dieu, dans son sein gardé pour vous seul ? Celui qui peine d’un dur labeur apostolique ne travaille-t-il pas en quelque sorte pour vous assurer le pain quotidien, ô cher Enfant de Nazareth, et n’avez-vous pas pour lui les mêmes sentiments de tendre respect et de reconnaissance que vous eûtes pour l’artisan de Nazareth ?
« Avide d’établir avec l’humanité rachetée les liens les plus intimes d’une mystérieuse égalité et de la reconnaissance mutuelle, ô Jésus, notre Créateur, vous avez voulu que votre Église vous enfante, vous nourrisse et vous garde, par ses vierges, ses apôtres et ses martyrs. Leur chair et les pensées de leurs cœurs, leurs sueurs et leurs larmes, tout est offert et reçu pour la croissance de votre Corps mystique de même que dans la Sainte Famille tout aboutissait à Vous. Et pour que nous ne méconnaissions pas cette sublime vocation qui est nôtre, vous nous enseignez par votre Église que dans la communion sacramentelle, ce n’est point tellement votre chair qui s’assimile à la nôtre, mais la vôtre, bien supérieure, qui s’assimile la nôtre et s’accroît ainsi de tout notre être, afin qu’au terme de cette vie, vous soyez tout en tous et que l’humanité vous ait tout consacré d’elle-même, dans la joie, comme une cire qui de sa substance alimente une flamme. » (Georges de Nantes, Lettre à mes amis no 62, Noël 1959. “ Âmes contemplatives et apostoliques, épouses et nourricières de l’Enfant-Dieu. ”)
Revenons au pape François :
« Cet Enfant est celui qui dira : “ Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. ” (Mt 25, 40). Ainsi chaque nécessiteux, chaque pauvre, chaque souffrant, chaque moribond, chaque étranger, chaque prisonnier, chaque malade est “ l’Enfant ” que Joseph continue de défendre. »
Avec le “ courage créatif ” du Père, qu’imite le Saint-Père dans toutes ses initiatives en faveur des pauvres, des étrangers, des migrants...
Cependant, le mot de “ créatif ” est malencontreux. Tout homme qui engendre est dit “ procréateur ”, parce que c’est Dieu qui est à proprement parler “ créateur ” d’une vie nouvelle dans le sein d’une femme, fécondée par la puissance virile de son mari. Or, il n’en est pas ainsi de la Conception de l’Enfant Dieu dans le sein de la Vierge Marie, en qui, par son « fiat » « courageux » et par la seule puissance divine, le Fils de Dieu prend chair.
« Cet Enfant est celui qui dira : “ Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ” (Mt 25, 40) », continue le Pape, avant d’énumérer ce qu’on appelait jadis les “ œuvres de miséricorde ”. Il en oublie la principale que nous implorons de la Vierge Marie en récitant notre chapelet : « Priez pour nous pauvres pécheurs. » Car c’est à l’Immaculée Conception, Reine du Ciel et de la terre, refuge des pécheurs et Mère très aimante que Dieu voulut confier tout l’ordre de la Miséricorde afin de conduire toutes les âmes au Ciel. Mais François ne manifeste aucun souci du salut éternel des « pauvres pécheurs » que nous sommes tous.
Après avoir montré en Joseph le « sauveur de Jésus et Marie » dans les périls encourus, il conclut que « nous devons apprendre de Joseph le même soin et la même responsabilité : aimer l’Enfant et sa mère ; aimer les Sacrements et la charité ; aimer l’Église et les pauvres. Chacune de ces réalités est toujours l’Enfant et sa Mère. »
« 6. PÈRE TRAVAILLEUR »
« Le rapport avec le travail est un aspect qui caractérise saint Joseph et qui est mis en évidence depuis la première encyclique sociale, Rerum novarum, de Léon XIII. »
On n’a pas attendu Léon XIII, ni même saint Joseph ! À l’origine de notre histoire, Dieu dit à l’homme : « Parce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais interdit de manger, maudit soit le sol à cause de toi ! À force de peine tu en tireras subsistance tous les jours de ta vie. Il produira pour toi épines et chardons et tu mangeras l’herbe des champs. À la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré, car tu es glaise et tu retourneras à la glaise. » (Gn 3, 17-19)
Le travail est donc un châtiment que saint Joseph endure, et l’Enfant Jésus en apprenant le métier de charpentier, pour notre Rédemption. Ce mystère est absent des considérations du Pape : « Saint Joseph était un charpentier qui a travaillé honnêtement pour garantir la subsistance de sa famille. Jésus a appris de lui la valeur, la dignité et la joie de ce que signifie manger le pain, fruit de son travail. »
Dont il fera sa chair à « manger » pour nous donner la vie. Comment le Pape n’y a-t-il pas pensé !?
Mais que vient faire l’encyclique Rerum novarum ?
« À notre époque où le travail semble représenter de nouveau une urgente question sociale et où le chômage atteint parfois des niveaux impressionnants, y compris dans les nations où pendant des décennies on a vécu un certain bien-être, il est nécessaire de comprendre, avec une conscience renouvelée, la signification du travail qui donne la dignité et dont notre Saint est le patron exemplaire. »
De quelle “ dignité ” le Saint-Père veut-il parler ? Du fils réconcilié avec son père ? Il semble bien : « Le travail devient participation à l’œuvre même du salut, occasion pour hâter l’avènement du Royaume. »
Mais de quel “ salut ” s’agit-il ?
« Développer les potentialités et qualités personnelles en les mettant au service de la société et de la communion. » De la « communion des saints » par la « conversion des pauvres pécheurs » ? Point ! « Le travail devient occasion de réalisation, non seulement pour soi-même mais surtout pour ce noyau originel de la société qu’est la famille. Une famille où manque le travail est davantage exposée aux difficultés, aux tensions, aux fractures et même à la tentation désespérée et désespérante de la dissolution. Comment pourrions-nous parler de la dignité humaine sans vouloir garantir, à tous et à chacun, la possibilité d’une digne subsistance ? »
Qu’est-ce que cette “ dignité humaine ” que donne le travail ? C’est d’être « comme Dieu » (Gn 3, 5) :
« La personne qui travaille, quelle que soit sa tâche, collabore avec Dieu lui-même et devient un peu créatrice du monde qui nous entoure. La crise de notre époque, qui est une crise économique, sociale, culturelle et spirituelle, peut représenter pour tous un appel à redécouvrir la valeur, l’importance et la nécessité du travail pour donner naissance à une nouvelle “ normalité ” dont personne n’est exclu. Le travail de saint Joseph nous rappelle que Dieu lui-même fait homme n’a pas dédaigné de travailler. »
Non pas pour collaborer avec Dieu et devenir un peu créateur du monde qui nous entoure... Puisqu’il est lui-même Créateur de tout. Mais pour partager la pénitence des fils d’Adam et, finalement, les racheter sur la Croix... fruit du travail d’un charpentier...
« La perte du travail qui frappe de nombreux frères et sœurs, et qui est en augmentation ces derniers temps à cause de la pandémie de la Covid-19, doit être un rappel à revoir nos priorités. »
Quelles priorités ? Celles de prier et de faire pénitence ? Loin de là !
« Implorons saint Joseph travailleur pour que nous puissions trouver des chemins qui nous engagent à dire : aucun jeune, aucune personne, aucune famille sans travail ! »
Pour aller tous au Ciel ? La fin ultime de ce recours à saint Joseph, patron de la bonne mort, n’est pas même mentionnée par le pape François.
« 7. PÈRE DANS L’OMBRE »
« L’ombre du Père » est le titre d’un roman de l’écrivain polonais Jan Dobracziński auquel se réfère le Saint-Père : « Avec l’image suggestive de l’ombre, il définit la figure de Joseph qui est pour Jésus l’ombre sur la terre du Père Céleste. Il le garde, le protège, ne se détache jamais de lui pour suivre ses pas. Pensons à ce que Moïse rappelle à Israël : “ Tu l’as vu aussi au désert : Yahweh ton Dieu te soutenait comme un homme soutient son fils. ” » (Dt 1, 31)
C’est ainsi que Joseph a exercé la paternité pendant toute sa vie.
« On ne naît pas père, on le devient. Et on ne le devient pas seulement parce qu’on met au monde un enfant, mais parce qu’on prend soin de lui de manière responsable. Toutes les fois que quelqu’un assume la responsabilité de la vie d’un autre, dans un certain sens, il exerce une paternité à son égard.
« Dans la société de notre temps, les enfants semblent souvent être orphelins de père. Même l’Église d’aujourd’hui a besoin de pères. L’avertissement de saint Paul aux Corinthiens est toujours actuel : “ Auriez-vous des milliers de pédagogues dans le Christ, vous n’avez pas plusieurs pères. ” (1 Co 4, 15) Chaque prêtre ou évêque devrait pouvoir dire comme l’Apôtre : “ C’est moi qui, par l’Évangile, vous ai engendrés dans le Christ Jésus. ” (ibid.) Et aux Galates il dit : “ Mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous. ” (4, 19) »
Qu’en est-il du pape François, notre Saint-Père. Est-il comme saint Paul ?
« Être père signifie introduire l’enfant à l’expérience de la vie, à la réalité. Ne pas le retenir, ne pas l’emprisonner, ne pas le posséder, mais le rendre capable de choix, de liberté, de départs. C’est peut-être pourquoi, à côté du nom de père, la tradition a qualifié Joseph de “ très chaste ” » !
Vraiment ? Le dessein de rayer la Vierge Marie de l’horizon est ici manifeste ! Et il jette un doute sur la foi du Saint-Père dans la virginité perpétuelle de Marie.
La Vierge Marie est « pleine de grâce », Immaculée, en vue de sa vocation à la Maternité divine. La grâce de saint Joseph est d’être prédestiné à devenir l’époux virginal de la Vierge Mère de Dieu, par virginité de son Épouse, père virginal de Jésus. « Père d’autant plus fortement qu’il l’est plus chastement », dit saint Augustin. Parce que l’Esprit-Saint féconde la virginité de Marie et, par elle, donne à Joseph son époux, Jésus pour fils.
Le patriarche Joseph de l’Ancien Testament, fils de Jacob et objet de ses prédilections, est la figure de saint Joseph, objet des prédilections de notre très chéri Père Céleste. Son exil en Égypte annonce la fuite en Égypte de Jésus, Marie, Joseph. Sa chasteté annonce celle de saint Joseph, chaste gardien de la Vierge, custos pudice virginis.
Devenu vice-roi d’Égypte, Joseph est la figure de saint Joseph, protector sanctæ Ecclesiæ. Joseph nourrit le peuple d’Égypte et les peuples voisins au temps de la famine. C’est à toute la terre que saint Joseph prépare et conserve le Pain célestiel... Après avoir récolté le Froment semé dans le sein virginal de Marie par l’opération du Saint-Esprit, comme son bien propre. Car « la pureté de Marie n’est pas seulement le dépôt, mais encore le bien de son chaste époux, dit Bossuet. Elle est à lui par son mariage. »
Bossuet veut dire : elle est à lui en vertu de la loi la plus fondamentale du mariage, à savoir l’appartenance mutuelle de l’épouse à l’époux, et de l’époux à l’épouse ; en vertu de cette loi du mariage selon laquelle le corps de l’époux est à l’épouse, et le corps de l’épouse est à l’époux, si bien qu’ils ne font qu’un. La pureté de l’Immaculée est à saint Joseph, continue Bossuet, par les chastes soins par lesquels il l’a conservée.
« Ô féconde virginité ! Si vous êtes le bien de Marie, vous êtes aussi le bien de Joseph. Marie l’a vouée, Joseph la conserve, et tous deux la présentent au Père éternel comme un bien gardé par leurs soins communs.
« Comme il a tant de part à la sainte virginité de Marie, il en prend aussi au fruit qu’elle porte : c’est pourquoi Jésus est son Fils non pas à la vérité par la chair ; mais il est son Fils par l’esprit à cause de l’alliance qui le joint avec sa Mère. »
Aussi vrai que Joseph est l’époux virginal de Marie, aussi vrai il est le Père virginal, Pater virgo, de Jésus, par la virginité de son Épouse. Et cette paternité regarde, non pas seulement l’humanité de Notre-Seigneur, mais sa Personne divine, deuxième Personne de la Sainte Trinité. C’est en vertu de cette “ communication des idiomes ”, c’est-à-dire des propriétés de la nature humaine et de la nature divine en l’unique Personne du Verbe Incarné que le concile d’Éphèse a proclamé la maternité divine de Marie Theotokos, Mère de Dieu. Ainsi de saint Joseph, ombre prochaine, portrait visible du Père aux yeux de Jésus.
« “ On députe un vicaire, on envoie, et parfois bien loin de soi, un ministre ou un représentant ; on ne se sépare pas de son ombre, et l’ombre non plus ne se sépare point de celui qui la produit ”, explique Mgr Gay dans ses conférences aux mères chrétiennes.
« D’où la puissance de saint Joseph, comparable à celle du Saint-Père, avec cette différence : le Pape commande au nom de Dieu, oui, mais à des hommes. Il n’a juridiction ni sur les anges, ni sur les bienheureux du Ciel, ni sur les âmes du purgatoire.
« “ Or, ce n’est ni sur un homme seulement, ni sur l’humanité entière, ni sur la société des anges, ni même sur une créature quelle qu’elle soit, que Joseph exerce son autorité. Chose inouïe et presque incroyable. C’est sur un vrai Dieu, le vrai Dieu, l’unique véritable. ” »
La conclusion du Pape anéantit cette autorité, ce “ patronage ” qui a brillé avec un éclat particulier dans le ciel de Fatima, le 13 octobre 1917 :
« Notre-Dame ayant disparu dans l’immensité du firmament, nous avons vu, à côté du soleil, saint Joseph avec l’Enfant-Jésus, et Notre-Dame vêtue de blanc avec un manteau bleu. Saint Joseph et l’Enfant-
Jésus semblaient bénir le monde avec des gestes qu’ils faisaient de la main en forme de croix. »
Selon le pape François, la chasteté de Joseph « n’est pas une indication simplement affective, mais c’est la synthèse d’une attitude qui exprime le contraire de la possession. La chasteté est le fait de se libérer de la possession dans tous les domaines de la vie. C’est seulement quand un amour est chaste qu’il est vraiment amour. L’amour qui veut posséder devient toujours à la fin dangereux, il emprisonne, étouffe, rend malheureux. Dieu lui-même a aimé l’homme d’un amour chaste, en le laissant libre même de se tromper et de se retourner contre lui. La logique de l’amour est toujours une logique de liberté, et Joseph a su aimer de manière extraordinairement libre. Il ne s’est jamais mis au centre. Il a su se décentrer, mettre au centre de sa vie Marie et Jésus. »
Le pape François nous invite à faire de même comme si c’était donné à tout le monde, à l'initiative de chacun. Eh bien, soit ! Mais comment faire ? Le Pape se souvient sans doute du souci de saint Jean de la Croix de ne pas retenir ceux qu’il aime, de ne pas les retenir mais que, par lui, ils passent directement à son Dieu, seul digne d’être aimé, et la Vierge Marie excellemment ne pouvait pas arrêter le regard. Elle était porteuse de Dieu, et donc, c’est la gloire de Dieu qui rayonnait sur son visage. C’est comme un toucher divin miraculeux et, par la Vierge Marie, saint Joseph va vers le Père, il se trouve détaché de lui-même et favorisé d’une chasteté parfaite et souveraine attention, occupation, disposition de tout l’être à la présence de Dieu en Marie, par Marie, avec Marie, pour Marie dont le nom est l’Immaculée Conception. Il a pu se jeter en elle, pour ainsi dire, lui donner son cœur, et trouver
en elle Dieu, la marque de Dieu, le don de Dieu.
Imaginons le Magnificat de saint Joseph, nous disait l’abbé de Nantes, notre Père qui, à son insu, formulait ainsi son propre cantique :
« Son sentiment sidéré, adorant, du don qui lui était fait ! Comment ? À moi, Elle ? Pas une fois, pas une minute ni deux, mais toute cette journée à passer avec elle, puis toute ma vie ! Est-ce Dieu Jésus possible ? Avec magnanimité, saint Joseph entre dans ces voies mystérieuses de l’union à Dieu par Marie. »
Médiatrice alors ?!
Le pape François rencontre à nouveau la pensée de notre Père lorsqu’il continue :
« Le bonheur de Joseph n’est pas dans la logique du sacrifice de soi, mais du don de soi. » Ainsi le mariage entre saint Joseph et la Vierge Marie est le contrat sacré d’un don mutuel, qui est celui de leur virginité et dont le fruit est l’Enfant-Jésus, né de cette union virginale : « Saint Joseph, en aimant la Vierge Marie telle qu’elle était, l’Immaculée Conception, est parfaitement entré dans l’amour de complaisance que Dieu le Père avait pour cette enfant bénie. Et donc, l’amour de saint Joseph aspirait à la maternité divine de Marie, du même mouvement que Dieu le Père trouvait qu’elle était digne d’être la Mère du Sauveur. En ce sens-là, s’il y a quelqu’un qui a appelé de ses vœux, qui a voulu et qui a été pour ainsi dire coopérateur mystique et moral de la venue du Christ dans les entrailles bénies de la Vierge Marie, c’est celui qui était son époux et qui l’aimait d’un amour incomparable. Il l’aimait tellement qu’il l’aimait comme Dieu, et il a désiré cette fécondité de la Vierge. »
Le pape François anéantit le patronage de saint Joseph en affirmant que « Joseph a toujours su que cet Enfant n’était pas le sien » ! Et il engage tous les pères de famille à imiter saint Joseph, car « chaque enfant porte toujours avec soi un mystère, un inédit qui peut être révélé seulement avec l’aide d’un père qui respecte sa liberté. Un père qui est conscient de compléter son action éducative et de vivre pleinement la paternité seulement quand il s’est rendu “ inutile ”, quand il voit que l’enfant est autonome et marche tout seul sur les sentiers de la vie, quand il se met dans la situation de Joseph qui a toujours su que cet Enfant n’était pas le sien mais avait été simplement confié à ses soins. Au fond, c’est ce que laisse entendre Jésus quand il dit : “ N’appelez personne votre Père sur la terre : car vous n’en avez qu’un, le Père céleste ” (Mt 23, 9). ” »
Sans doute est-ce la raison pour laquelle je n’ai jamais reçu la moindre réponse à mes suppliques répétées, adressées filialement à notre Saint-Père le pape François. C’est pourquoi je me tourne maintenant vers “ l’ombre ” de notre Père Céleste, saint Joseph dont la Lettre apostolique de François a pour but « de faire grandir l’amour envers ce grand saint, pour être poussés à implorer son intercession et pour imiter ses vertus et son élan », conclut François, en rappelant que Jésus reste l’ « unique médiateur » (1 Tm 2, 5) auprès de Dieu le Père notre « avocat » (1 Jn 2, 1), « toujours vivant pour intercéder en notre faveur » (He 7, 25 ; cf. Rm 8, 34). »
Mais alors, que reste-t-il à saint Joseph ? Ceci :
« Chaque fois que nous nous trouvons dans la condition d’exercer la paternité, nous devons toujours nous rappeler qu’il ne s’agit jamais d’un exercice de possession, mais d’un “ signe ” qui renvoie à une paternité plus haute. En un certain sens, nous sommes toujours tous dans la condition de Joseph : une ombre de l’unique Père céleste qui “ fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes ” (Mt 5, 45) ; et une ombre qui suit le Fils. »
C’est la raison pour laquelle, depuis Paray-le-Monial, les rois de France, et les chefs de l’Église de Léon XIII à François, font fi des demandes du Sacré-Cœur et de sa ferme intention de triompher de ses ennemis. C’est la raison pour laquelle depuis 1917, le Cœur Immaculé de Marie se présente en vain comme l’ultime recours contre l’apostasie montante des méchants et les menaces de guerres qui en seront le châtiment dévastateur.
Alors, « il me semble, prédisait l’abbé de Nantes, notre Père, que va se lever dans le monde un beau jour en quelque endroit un berger ou un ignorant quelconque et qui va faire savoir au monde que tant qu’on n’aura pas invoqué saint Joseph, on ne sera pas sauvé, et que Jésus ne peut résister aux demandes de la Sainte Vierge et que la Sainte Vierge ne peut qu’obéir à saint Joseph, parce que c’est lui le patron. »
« Dieu veut qu’on obéisse à l’autorité paternelle qui représente Dieu le Père. De la même manière que le Fils et le Saint-Esprit au Ciel obéissent en tout à Dieu le Père, parce que c’est de Lui que la vie procède et parce qu’ils sont tout rapportés à Dieu le Père, de la même manière Dieu a voulu qu’il y ait des pères, que la société soit paternelle ; il a fait d’Adam la figure du Christ et le Christ, c’est le chef, c’est le patron. »
Le « berger » objet de ces vœux, « ignorant quelconque », s’est levé. Nous le ferons connaître le mois prochain, s’il plaît à Dieu.
frère Bruno de Jésus-Marie.
« ALLEZ À JOSEPH, ET FAITES CE QU’IL VOUS DIRA. » (Gn 41, 55)
Le 8 décembre 1870, Pie IX plaçait l’Église catholique sous le patronage de saint Joseph par le décret “Quemadmodum Deus” que l’on va lire. Le Pape de l’Immaculée Conception et du Syllabus avait déjà beaucoup fait pour promouvoir le culte de saint Joseph, car son cœur était constamment tourné vers lui. Portant la charge de l’Église en butte aux Portes de l’enfer, il était sûr de trouver en saint Joseph un cœur compatissant et une aide efficace. Le saint Pontife mourut en paix, heureux d’avoir fait connaître ce “secret” du Père Céleste :
« De même que Dieu établit le patriarche Joseph, fils de Jacob, gouverneur de toute l’Égypte, pour assurer au peuple le froment nécessaire à la vie, ainsi, quand furent accomplis les temps où l’Éternel allait envoyer sur la terre son Fils unique pour racheter le monde, il choisit un autre Joseph dont le premier était la figure ; il l’établit Seigneur et Prince de sa maison et de ses biens ; il commit à sa garde ses plus riches trésors. En effet, Joseph épousa l’Immaculée Vierge Marie, de laquelle, par la vertu du Saint-Esprit, est né Jésus-Christ, qui voulut aux yeux de tous passer pour le fils de Joseph et daigna lui être soumis.
« Celui que tant de prophètes et de rois avaient souhaité de voir, non seulement Joseph le vit, mais il conversa avec lui, il le pressa dans les bras d’une paternelle tendresse, il le couvrit de baisers ; avec un soin jaloux et une sollicitude sans égale, il nourrit Celui que les fidèles devaient manger comme le Pain de l’éternelle vie.
« En raison de cette dignité sublime à laquelle Dieu éleva son très fidèle serviteur, toujours l’Église a exalté et honoré saint Joseph d’un culte fervent et exceptionnel, quoique inférieur à celui qu’elle rend à la Mère de Dieu ; toujours, dans les heures critiques, elle a imploré son assistance. Or, dans les temps si tristes que nous traversons, quand l’Église elle-même, poursuivie de tous côtés par ses ennemis, est accablée de si grandes calamités, que les impies se persuadent déjà qu’il est enfin venu le temps où les portes de l’enfer prévaudront contre elle, les vénérables Pasteurs de l’univers catholique, en leur nom et au nom des fidèles confiés à leur sollicitude ont humblement prié le Souverain Pontife qu’il daignât déclarer saint Joseph patron de l’Église universelle.
« Ces prières ayant été renouvelées plus vives et plus instantes durant le saint concile du Vatican, notre Saint-Père Pie IX, profondément ému par l’état si lamentable des choses présentes et voulant se mettre, lui et tous les fidèles, sous le très puissant patronage du saint patriarche Joseph, a daigné se rendre aux vœux de tant de vénérables pontifes. C’est pourquoi il déclare solennellement saint Joseph patron de l’Église catholique.
« Sa Sainteté ordonne en même temps que la fête du saint, fixée au 19 mars, soit désormais célébrée sous le rite double de première classe, sans octave toutefois, à cause du saint Carême. Elle a voulu en outre que la présente déclaration fût faite par décret de la Sacrée Congrégation des Rites, en ce jour consacré à la Vierge Immaculée, Mère de Dieu, Épouse du très chaste Joseph, et que ce décret ait force de loi, nonobstant toute opposition ou disposition contraire. »