Il est ressuscité !
N° 222 – Juin 2021
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
LA LIGUE
La Colombe et le Rat
TOUJOURS, face à Marie, Satan grince des dents. La Colombe et le Rat l’illustrent éloquemment !
Non, ce n’est pas la morale d’une fable de monsieur de La Fontaine, mais c’est la claire leçon de nos dernières activités CRC. Colombes ou rats ? À nous de choisir notre parti !
SESSION DE LA PENTECOTE
Du 22 au 24 mai, les participants de la session phalangiste savourèrent la joie des retrouvailles après les longs mois de ralentissement de nos activités. Semi-retrouvailles, il est vrai, puisque nous nous étions répartis entre la maison Saint-Joseph, nos trois ermitages et quelques maisons particulières, tous reliés par la VOD. Au programme, l’étude du maître livre d’Hans Küng, Être chrétien, magistralement analysé et réfuté par frère Bruno lors du camp de septembre 1978 (sigle : B 8).
Cette session de reprise a été l’occasion d’inculquer à nos jeunes un maximum de doctrine en un minimum de temps ! L’horaire était bien chargé, réparti entre les offices religieux du triduum de la Pentecôte, les conférences et périodes de questions, et tous s’y sont astreints de bon cœur. Il faut dire que la controverse menée par un frère Bruno de quarante ans débordant d’ardeur juvénile et d’amour filial pour son maître était propre à stimuler les esprits, même les moins rompus aux débats théologiques, philosophiques, exégétiques, mystiques, etc. Tous comprirent qu’il y va de toute notre religion.
« Hans Küng, commença frère Bruno, fait partie d’une équipe de théologiens qui, du temps de Pie XII, étaient sans influence et sans audace. Mais notre Père les avait déjà tous dans le collimateur : Hans Küng, Karl Rahner, Schillebeeckx, Congar, Chenu, de Lubac et j’en passe. Aujourd’hui, ces gens-là dominent tout, ils ont le pouvoir, ce sont les docteurs de l’Église et nous, nous ne sommes rien du tout !
« C’est vous dire que je n’engage pas une controverse avec un professeur de théologie dogmatique à Tübingen. Mais je reprendrai volontiers ce que le Père disait dans sa controverse avec Xavier Léon-Dufour en 1973, à propos de sa théorie sur la Résurrection : “ La controverse n’est pas ici une polémique ; elle ne vise pas tant à écraser un adversaire – ce serait bien trop présomptueux de notre part – qu’à éprouver la solidité de l’argument vrai en le confrontant à l’erreur dans sa forme la plus brillante, la plus achevée, dernière en date, celle dont l’opinion ne sait pas encore si elle ne va pas enfin réduire à néant la foi chrétienne. ”
« Mon but, c’est de faire miroiter devant vous l’erreur dans toute sa séduction redoutable, afin que nous soyons capables de surmonter cette séduction par un resplendissement encore plus grand de la vérité catholique. »
Et voici l’une des principales leçons que dégagera frère Bruno : « Hans Küng bute sur la question de la Vierge Marie, de sa virginité. Depuis deux mille ans que cela dure, c’est toujours là que l’hérétique montre le bout de ses oreilles pointues et de ses pieds fourchus. C’est le démon qui grince des dents devant l’Immaculée. »
Les questions furent nombreuses, transmises à la maison Saint-Joseph où frère Bruno y répondit chaque jour lors d’une séance passionnante : occasion de réexpliquer les points difficiles à l’aide des nombreuses découvertes et progrès accomplis depuis quarante ans par notre école de pensée ; occasion aussi de rappeler la ligne de crête de notre CRC. Surtout, ces questions lui permirent, quel que soit le sujet, de parler de notre Père et maître bien-aimé dont l’exemple et la doctrine sont notre garantie nécessaire et suffisante contre la désorientation diabolique.
DIE RATTE IM KÄSE.
Hans Küng, c’est l’horreur. Comment définir l’attitude de cet apostat inexpugnablement incrusté dans l’Église ? À chacune des trois périodes de questions, la même expression revint sur les lèvres de frère Bruno : « C’est un rat dans un fromage, eine Ratte im Käse ! » Il nous relut un article d’Henri Tincq qui campait bien en 2006 la personnalité de ce parasite de l’Église :
« La longue silhouette de Küng s’étire sur sa terrasse de Tübingen éclatante de soleil, d’où l’œil capte au loin les rondeurs de la forêt souabe. C’est là qu’il médite, lit, écrit. Dans une autre vie, cet homme aurait été un chat. Sous la tignasse grise, cet homme a gardé une démarche féline, un éclat de l’œil, un coup de patte dévastateur, un amour immodéré de la liberté. Chaque jour, il plonge dans la piscine de sa somptueuse propriété. Un étage pour son “ staff ”, un autre pour son bureau-bibliothèque, un troisième pour son personnel de service. Il nage aussi souvent que possible dans sa maison natale de Sursee, où il est l’aîné de cinq sœurs, et randonne dans les Grisons. »
Autre mérite de l’article : mettre en lumière la connivence profonde entre Küng, parangon de la révolution, et Rat-zinger, devenu le garant du conservatisme.
« Longtemps, ils ont été les frères jumeaux de la puissante théologie allemande. Même âge à un an près, même parcours universitaire à Tübingen, même brio intellectuel, même boulimie pour l’écriture, même passion pour la musique et Mozart, même audace quand ils étaient jeunes experts au concile Vatican II. Dans les années 1960, ils voulaient changer le monde et l’Église. Aujourd’hui, Hans Küng, 78 ans [en 2006], est doyen émérite de l’université de Tübingen, conférencier international, auteur prolifique, président de la Fondation pour une éthique planétaire. L’autre, Joseph Ratzinger, 79 ans, est Pape.
« Deux faux jumeaux, en fait, et pas seulement à cause de leur origine, bavaroise pour Ratzinger, suisse pour Küng. Le premier a fait une carrière sans faute dans l’Église. Le deuxième a été sanctionné en 1979 par le Vatican, interdit d’enseignement pour un livre subversif sur l’infaillibilité du Pape, et il est devenu le plus féroce adversaire de Jean-Paul II. Les deux hommes se connaissent par cœur, s’épient à distance, s’estiment, se jalousent. Élu Pape, l’un des premiers gestes de Benoît XVI sera d’inviter à Castelgandolfo son ancien collègue. Ils ne s’étaient pas revus depuis... 1983. Pendant quatre heures, Küng et Ratzinger ont parlé sans tabou, marché, ri, évoqué les défis de la science, le dialogue des religions, etc. »
C’est important à comprendre, insiste frère Bruno, pour ne pas mettre son espoir, comme tant de traditionalistes, dans Benoît XVI, c’est-à-dire en Ratzinger : c’est vraiment faire appel à un antipape ! Nous, nous prions et nous croyons à la conversion du pape François. Il n’y a que cela qui puisse soutenir notre espérance.
Question : Hans Küng rejette l’adage : « Hors de l’Église, point de salut. » Comment peut-on l’enseigner aujourd’hui ?
Frère Bruno : C’est une question difficile. C’est vrai qu’en dehors de l’Église, il n’y a pas de salut. C’est pour cela que nous persévérons, nous, à avoir foi dans l’Église et en elle seule. Pas en l’Onu, pas en Hans Küng, évidemment, encore moins en Vatican II ! Le Père a ancré en nous l’amour de l’Église, la foi dans l’Église.
Mais comment, de fait, maintenir cet enseignement aujourd’hui, quand on voit dans quel état est l’Église ? Eh bien ! nous sommes témoins que son effondrement s’accompagne de celui de toute la société. Sans l’Église, en France, on ne peut pas avoir de société viable. Cet effondrement général du fait de la chute de l’Église prouve plus que jamais qu’en dehors d’elle, il n’y a pas de salut !
Quand on pense que Paul VI est allé à Manhattan en 1965 pour proclamer que l’Onu était le seul espoir de salut pour l’humanité ! Nous, nous persévérons dans la foi en l’Église, même devant les aberrations du pape François qui se multiplient. Saint Pierre n’a-t-il pas donné le premier l’exemple du reniement, avant de se repentir ? C’est ce qui nous fait espérer que François tombera à son tour aux pieds de la Sainte Vierge. Si nous prions ! Il faut beaucoup prier, c’est la seule manière pour nous de garder vivant l’adage : « Hors de l’Église, point de salut. »
Dans votre conférence sur “ le programme ” de Küng, vous nous avez dit que selon la doctrine catholique d’avant le Concile, l’homme doit être divinisé. Cela ne rappelle-t-il pourtant pas la parole de Satan à Adam et Ève : « Vous serez comme des dieux » ?
Voilà encore une bonne question ! La doctrine qui remonte à saint Jean dans son Prologue, c’est que Dieu veut faire de nous ses enfants et donc, par là même, nous diviniser, oui.
Satan ne susurrait pas à Adam et Ève : « Vous serez comme des dieux », mais « vous serez comme Dieu ». Ils savaient qu’il n’y a qu’un seul Dieu : leur Créateur, leur Père ! En mangeant le fruit défendu, ils prendraient sa place.
Pour réparer le péché originel, Dieu recommencera donc son œuvre, tout au long l’Histoire sainte, avec l’Immaculée Conception, le mystère de l’Incarnation, jusqu’à la Rédemption.
C’est grâce à l’abbé de Nantes, notre Père, que nous comprenons si clairement que Dieu veut faire de nous ses enfants ! Car par sa métaphysique relationnelle, il a montré comment nous dépendons de Dieu notre Père, notre Créateur. Le mal, c’est le péché qui nous sépare de notre Père. Jésus est venu mourir sur la Croix pour nous réconcilier avec Dieu et nous permettre de devenir ses enfants, pour nous diviniser. Telle est la grâce que nous recevons au baptême. Mais le combat continue ensuite, contre Satan qui cherche à détruire cette œuvre de Dieu.
En classe ou à la télévision, on nous dit que le récit de la création du monde et de l’homme est mythique. Qu’en est-il ? Le livre de la Genèse et les autres livres de l’Ancien Testament rapportent-ils des événements historiques ou non ?
C’est un vaste problème, du fait que beaucoup d’épisodes de l’Ancien Testament s’interprètent comme des symboles annonçant ceux du Nouveau Testament. Mais ce ne sont pas moins des événements réels.
Par exemple, Moïse tenant les bras étendus pendant que le peuple hébreu combat les Amalécites, pour lui obtenir la victoire : c’est une figure de Jésus en croix ! Ou bien quand Abraham monte sur la montagne pour sacrifier son fils, par obéissance à Dieu : c’est la figure du sacrifice réel que le Père éternel fera de son propre Fils. Mais il épargne Abraham et lui fait immoler un bélier à la place. Cela signifie que toute la liturgie mosaïque, toute la boucherie du temple de Jérusalem n’est ensuite que l’annonce du sacrifice parfait qui sera offert par Jésus, le véritable Agneau de Dieu désigné par saint Jean-Baptiste.
En revanche, le récit de la création en six jours est évidemment une allégorie, pour faire comprendre l’œuvre de Dieu, comme une cosmologie décrivant les étapes successives de la Création.
Quant à l’histoire de la pomme, elle symbolise une réalité horrible. Mais elle suffit pour faire comprendre l’horreur du péché qui est une désobéissance à Dieu. Ce récit prépare la révélation plénière délivrée par saint Paul dans l’épître aux Romains qui fait comprendre la gravité du péché. C’est un outrage qui nous mérite la colère ou, plus précisément, l’indignation de Dieu !
Il y a des critères pour discerner l’historicité des récits de la Bible. Je prends souvent l’exemple de Jonas passant trois jours dans la baleine. On découvre que cette histoire est une allégorie et non un événement réel grâce à des indices littéraux. Ainsi, la description de Ninive est fabuleuse : une ville aussi gigantesque, cela n’existe pas, sinon aujourd’hui à Tokyo ou New York ! Par ses exagérations, l’auteur inspiré ne veut pas nous tromper ; il nous indique que le but de son récit n’est pas de faire œuvre historique, mais seulement de nous donner une leçon. En l’occurrence, c’est extraordinaire : Jonas, après son séjour dans la baleine, va prêcher à Ninive qui se convertit ! C’est l’annonce d’un salut universel après les trois jours passés par Jésus dans le ventre de la terre et sa Résurrection. Or c’est précisément cet universalisme que les juifs n’ont pas accepté !
La grande tentation, y compris des professeurs que nous avons eus au séminaire, c’est, de la même manière, de ne plus interpréter les événements de l’Évangile que comme des figures et non plus des faits réels. La multiplication des pains est ainsi une annonce de l’Eucharistie. C’est vrai ! Mais il a fallu pour cela qu’il y ait réellement un miracle éclatant !
La Bible est un livre passionnant : on n’en finit pas de découvrir les mystères. Tout est vrai, parce que tout est du Bon Dieu, en même temps que des auteurs inspirés. On en a pour la vie, et pour la vie éternelle, à rentrer dans la pensée de Dieu consignée dans ces écrits inspirés.
Pourquoi dites-vous que la divergence des témoignages, dans les Évangiles, est une preuve de leur véracité ?
Les divergences et les apparentes contradictions prouvent la candeur des Évangélistes. Dans un roman policier, il n’y a jamais de divergences entre le témoignage du passant et celui de la concierge !
Par exemple, dans un de mes sermons, ces jours-ci, je vous ai montré dans le discours après la Cène deux idées contradictoires à quelques lignes de distance. Jésus dit à ses Apôtres : « Tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jn 15, 15), avant de leur déclarer : « J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. » (Jn 16, 12)
Si ce récit était une forgerie, saint Jean n’aurait pas laissé cette contradiction apparente. On voit bien qu’il retranscrit simplement les paroles de Jésus telles qu’il les a entendues, sans souci d’harmonisation.
Mais il ne les a pas retenues tout seul. Le secret, vous devez commencer à le comprendre, c’est la Sainte Vierge ! Il était chez elle... Tout ce qu’il faisait, il le faisait avec elle ! Et elle lui racontait ses souvenirs.
Vous nous avez dit aussi que la source de saint Luc, c’est également la Sainte Vierge, par saint Jean interposé. Comment cela peut-il s’établir ?
En vertu de la méthode historico-critique la plus rigoureuse : lorsqu’on étudie les tournures et les locutions des deux premiers chapitres de saint Luc, ses récits de l’Enfance, on reconnaît un style archaïque très différent du reste de cet Évangile, mais très proche en revanche du style de saint Jean. Tous deux ont donc travaillé ensemble. Or saint Jean était à la source, auprès de Marie ! Non seulement elle lui a raconté les premiers événements de la naissance de Jésus, mais aussi les trente ans à Nazareth.
Lorsqu’à douze ans, au Temple, Jésus déclare : « Je dois être chez mon Père » (Lc 2, 49), c’est déjà le résumé de tout le quatrième Évangile, qui manifeste tout au long cette union du Fils à son Père. Ils ne font qu’un. En lisant l’Évangile de saint Jean, nous découvrons la matière des conversations à Nazareth !
Puis Jésus est entré dans sa vie publique pour offrir son Sacrifice, ainsi que l’ont raconté les Apôtres, qui ont ensuite expliqué et développé sa doctrine durant tout le premier siècle. Et après eux, toute la suite des Pères et des Docteurs de l’Église, parmi lesquels notre Père figure au premier rang, parce qu’il a vécu la période la plus difficile de l’histoire de l’Église. On n’avait jamais vu une crise pareille : une consomption, c’est-à-dire que tous les domaines, toutes les facultés de l’Église sont atteintes. Or il a traité de tout, il a tout diagnostiqué et il nous a laissé tous les remèdes nécessaires. Je découvre encore l’œuvre du Père, je vous assure, et pourtant j’ai passé ma vie auprès de lui. C’est fantastique ce qu’il nous a laissé, parce qu’il est l’héritier de toute la doctrine des siècles de l’Église, des saints Pères et Docteurs. Et c’est une intelligence prodigieuse !
Par exemple, son commentaire de l’Évangile de saint Jean est une merveille ! Je me souviens, lorsqu’il nous l’a prêché, j’étais tellement enthousiaste en sortant de l’une de ses conférences, qu’il m’a dit : « Eh bien ! rédigez-le ! » Heureusement, les sœurs ont transcrit tout ce qu’il a dit et j’ai pu en faire des numéros de la CRC. Et maintenant, c’est une source inépuisable de sermons !
Précisément, entre les conférences s’intercalaient les sermons et oraisons de frère Bruno commentant l’Évangile de saint Jean : notre récompense après l’effort ! Une mère de famille nous écrit son soulagement :
« Heureusement, il y avait aussi les sermons, avec le leitmotiv lumineux de la prière sacerdotale de Notre-Seigneur : on ne se lasse pas d’entendre ce colloque filial et on voudrait bien y participer. Ou d’entendre parler du Bon Dieu : cela nous console et nous enthousiasme, et nous fait aspirer au Ciel, pas de doute ! »
Une fois déblayé le monceau d’absurdités et de blasphèmes du rat de Tübingen, qui pullulent encore dans la prédication quotidienne de l’Église, frère Bruno pouvait librement nous guider dans l’intelligence du mystère de Jésus, exprimé par son disciple bien-aimé. L’Évangile de saint Jean est d’une telle plénitude, que nous ne pouvons pas ne pas discerner la source principale de son inspiration : la Vierge Marie, temple du Saint-Esprit, qu’il avait prise chez lui. C’est désormais pour nous une clef de lecture incontournable : lire cet Évangile en pensant qu’il a d’abord été médité dans le Cœur Immaculé de Marie.
La méthode historico-critique qu’utilise Hans Küng n’est donc pas intrinsèquement mauvaise ?
Non : à condition de n’être pas asservie à l’incrédulité, elle est très utile ! Il s’agit d’étudier la valeur des documents sur lesquels sont fondés les témoignages. Or, les Évangiles sont des témoignages de première main absolument incontestables !
Küng, en raison d’une incrédulité foncière, démolit tout et affirme, comme tous les modernistes, que les Évangiles sont des écrits de la fin du premier siècle, très postérieurs donc aux événements qu’ils racontent. Mais les découvertes archéologiques le contredisent ! Par exemple, on a retrouvé à Qumrân un fragment de l’Évangile selon saint Marc, daté par les graphologues d’avant l’an 50, dans une jarre portant l’inscription « Rome ». Donc moins de vingt ans après l’Ascension de Jésus, l’Évangile de saint Marc était écrit et répandu dans toutes les communautés fondées par Pierre et Paul, depuis Antioche jusqu’à Rome, d’où ce manuscrit était revenu à Qumrân !
Cher frère Bruno, merci pour ces exposés magnifiques. Plus qu’une réfutation d’Hans Küng, c’est un résumé magistral de notre foi catholique. N’y a-t-il pas chez ce théologien un retour de la gnose qui menaça tant l’Église des premiers siècles ?
Voilà une idée géniale ! Vu l’apostasie actuelle, notre Père disait que nous sommes dans les derniers temps annoncés par les Apôtres et par Notre-Seigneur lui-même. C’est ce que sœur Lucie a compris aussi dans ses entretiens avec la Sainte Vierge. Or un tel retour de la gnose, semblable à ce qu’ont affronté les Apôtres, c’est un signe de plus des derniers temps. Saint Paul et saint Jean s’en sont pris à la gnose dans des termes qui s’appliquent absolument à Küng.
La gnose – le mot grec désigne une connaissance –, c’est une invention intellectuelle pour expliquer les mystères de la religion, mais d’une façon différente de celle qu’enseigne l’Église.
Par exemple, notre Père a qualifié la doctrine de Jean-Paul II de gnose, parce qu’elle considère le monde et l’homme d’une façon absolument nouvelle, telle que l’Église ne l’a jamais fait. Le culte de l’homme est fondé sur une gnose. C’est plus qu’une hérésie, sur un certain dogme ; c’est différent d’un schisme qui est une séparation de l’Église. Le pape Jean-Paul II était au centre même de l’Église, pour faire prévaloir une doctrine qui embrassait toutes les hérésies à la fois.
Nous avons vu qu’après le péché originel, le Fils de Dieu s’est incarné pour nous racheter par sa croix et nous diviniser en faisant de nous des fils de Dieu. Cela, c’est la doctrine catholique traditionnelle. Mais si l’on dit que l’homme est divinisé du seul fait de l’incarnation du Christ, cela bouleverse toute notre religion en faisant de tout homme un Dieu. C’est une gnose : un système intellectuel complet qui révolutionne tout, mais en conservant le langage traditionnel de la foi.
Comment Hans Küng peut-il affirmer tant de choses aussi choquantes sur notre religion tout en restant prêtre ?
C’est un mystère d’iniquité... D’abord, la hiérarchie n’a pas fait son devoir en le mettant dehors, en le brûlant s’il le fallait ! Mais oui, mieux vaut brûler un hérétique et éviter des millions de morts dans les guerres qu’il déclenche, comme Luther en Allemagne. Cela choque, mais c’est évident ! Si on avait brûlé Hans Küng, nous ne serions pas dans la désorientation totale que nous connaissons.
Vous nous avez dit qu’on ne doit pas douter des vérités de la foi. Mais sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus n’a-t-elle pas eu des tentations contre la foi, des tentations matérialistes ? Elle n’arrivait plus à croire à l’existence du Ciel...
Mais elle a résisté en multipliant les actes de foi. C’est ce que nous devons faire aussi dans la situation où nous sommes : constamment, des actes de foi, d’espérance et d’amour de l’Église. Sans quoi, la foi s’éteint. La prière de l’Ange de Fatima est un trésor ! On peut répéter inlassablement : « Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime... » Si on arrête, la vertu de foi s’étiole. Elle ne vit que si on la met en action constamment en se tournant vers Jésus. Malgré toutes les tentations. Car c’est vertigineux, ce à quoi nous croyons. Mais nous sommes prêts à verser notre sang jusqu’à la dernière goutte pour confesser qu’il y a un Ciel, comme disait sainte Thérèse au moment où elle n’en ressentait plus la vérité, mais persévérait à l’affirmer.
Voyez-vous, le Père : c’était un feu d’artifice permanent dont nous avons bénéficié pendant cinquante ans. Et tout d’un coup, avec la maladie des corps de Lewy, cela s’est arrêté. Ce fut une extinction soudaine de ses facultés extraordinaires, de ces lumières qu’il recevait du Saint-Esprit à longueur de journée pour nous prêcher, nous diriger. Il ne pouvait plus s’exprimer. On ne savait pas ce qu’il pensait. Ce mutisme était impressionnant et horriblement éprouvant pour lui : une nuit de l’esprit complète, mais endurée avec une sérénité totale. Il s’appliquait à cette condition nouvelle. C’était un malade exceptionnel !
Ce fut l’ultime témoignage de la vérité de son combat. La preuve que c’est le Bon Dieu qui l’a poussé à édifier toute cette théologie, en réparation de ce que les démolisseurs de l’Église détruisaient, c’est que le jour où ces grâces se sont interrompues, notre Père s’est tu. C’est encore le Bon Dieu qui le conduisait, qui l’éprouvait et qui en a fait un saint, un grand saint. Toutes les œuvres des grands saints se terminent ainsi par l’immolation.
Le Père avait toujours dit qu’il n’avait jamais connu le doute, afin de pouvoir éclairer ceux qui l’écoutaient. S’il ne semble pas avoir eu de crise de la foi, il a sans doute plutôt éprouvé une crise de l’espérance, car il avait toujours annoncé qu’il verrait le renouveau de l’Église. Il y comptait bien ! Mais dix ans après sa mort, qui aurait imaginé que nous en serions encore au point où nous en sommes ?
Jésus a dit que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre l’Église, et pourtant nous assistons à sa consomption. Cela paraît contradictoire. Que faut-il en penser ?
Il y a une consomption de l’Église, c’est vrai, mais les portes de l’enfer n’ont pas encore prévalu. Et la preuve, c’est que nous sommes encore à la défendre, à notre petite place. Nous avons encore recruté des phalangistes aujourd’hui. La Phalange, c’est l’opposition à la puissance des portes de l’enfer !
PHALANGISTES SOUS LA PROTECTION DE SAINT JOSEPH.
En effet, en ce saint jour de la Pentecôte, nous avions renoué avec la prestation des serments d’allégeance de nouveaux phalangistes de l’Immaculée. Après les vêpres, une douzaine de jeunes gens s’étaient avancés à travers le chœur de notre chapelle pour s’agenouiller au pied de l’autel et promettre fidélité sur les Saints Évangiles que leur présentait frère Bruno.
C’est pour servir l’Église que nous sommes phalangistes et tout particulièrement en priant saint Joseph, son patron, qui doit la secourir. Pour nous en persuader, frère Bruno raconta dans son sermon le secours extraordinaire que le Chef de la Sainte Famille accorda en 1917 à l’orphelinat Saint-Joseph, sur le grand lac des Esclaves, au Canada, alors menacé par la famine. Le nombre de caribous nécessaire au sauvetage de la mission ayant été estimé à cent, le Père supérieur déclara à ses chasseurs : « Saint Joseph nous les doit, puisqu’il nous les faut et que nous les lui demandons. Il nous les enverra. » Puis toute la mission se mit en prière.
La place nous manquant ici, nous vous renvoyons aux logia afin de connaître le résultat de cette supplication fervente !
Appartenir à la Phalange est une grâce que nous mesurons mieux après cette session, au cours de laquelle frère Bruno a recouru à tout l’éventail de notre doctrine CRC : un vrai feu d’artifice ! et un appel à étudier de plus près chacun de ces chapitres de la pensée de notre Père.
Cher frère Bruno,
Après cette session de Pentecôte suivie à distance, en famille, sur la VOD, je voulais vous remercier pour ce service si précieux et vous dire combien elle nous encourage. Nous serons tout de même heureux si les sessions reprennent “ en présentiel ” à la maison Saint-Joseph, mais pour nous qui allons déménager bien loin de Saint-Parres, la VOD restera de toute façon de rigueur.
Cette immersion dans le camp de la Phalange de 1978 était très réconfortante. Le sujet était vraiment actuel, parce que dans l’école CRC on arrive toujours à tirer du neuf des choses anciennes, et puis nous sommes aussi toujours dans la même ornière, hélas !
Elle m’a donné envie de reprendre pour de vrai, de bout en bout, le tome X de la Contre-Réforme catholique de cette année-là, que j’avais uniquement feuilleté jusqu’à présent. J’en suis maintenant tout émerveillé : les éditos politiques s’appliquent parfaitement, au détail près, à notre situation. La série sur l’esthétique mystique est vraiment le trésor exceptionnel, magnifique et enthousiasmant qu’on m’avait décrit. La manière dont le Père y dépasse, ou complète, les constructions intellectuelles par la mystique me permet de mieux comprendre le mot d’un très bon phalangiste qui m’avertissait qu’à la Phalange, on se méfie de l’esprit de système.
Et puis, quelle vitalité et énergie chez notre Père, au fil de ces pages : de l’esthétique mystique à l’annonce des 150 Points, les vœux perpétuels du Père et la tentative de réconciliation avec la hiérarchie, l’intermède de Jean-Paul Ier, l’oraison funèbre de Paul VI, les premières études sur Jean-Paul II, quelques dizaines de pages après la description de l’Antichrist chez Soloviev... C’est admirable, très impressionnant, et c’est aussi très encourageant aujourd’hui de voir comment le combat CRC a continué, continue derrière vous, toujours tourné vers le Cœur Immaculé de Marie. Nous avons d’ailleurs le privilège et la joie d’en avoir eu un témoignage de première main lors du jubilé de mère Lucie.
Alors que j’étais ces jours-ci très impressionné par les attaques qui se montent contre ce qui reste de tradition catholique, et par l’annonce de ce « processus synodal » universel pour 2023, apparemment conçu pour relancer la machine à détruire (mais vous nous direz ce qu’il faut en penser, au fond), cette session et cette lecture permettent de garder le bon cap et l’espérance en l’Église. Et la joie d’être disciples du Père ! J. B.
FÊTES DE JUIN EN NOS ERMITAGES
Après la Pentecôte, les familles phalangistes ont profité de la Fête-Dieu et surtout de la solennité du Sacré-Cœur pour converger vers nos maisons. Enfin ! Après des mois de séparation, qui ont paru bien longs aux parents comme aux enfants. Ces derniers ont profité de la trêve des confinements pour renforcer encore leurs effectifs ! Aux récits qui nous sont parvenus, il semble qu’à Saint-Parres comme à Fons, à Frébourg comme à Magé, frères et sœurs ont profité de l’invasion de ces petites foules ferventes et remuantes pour rivaliser à qui honorerait le Saint-Sacrement par la plus belle procession : brancards et bannières, drapeaux et bouquets, lanternes, aubes, encens et cantiques... Notre-Seigneur fut le grand bénéficiaire de cette sainte émulation !
L’ÉPOUSE SUR LE CŒUR DE L’ÉPOUX.
À la maison Sainte-Marie, la semaine du Sacré-Cœur fut surtout marquée par la profession perpétuelle de nos sœurs Marie-Foucauld de Nazareth et Philomène du Saint-Sauveur, le samedi 12 juin.
La cérémonie est très impressionnante pour les tout-petits qui se haussent sur leur prie-Dieu pour mieux voir leur tante s’étendre sous un drap mortuaire avant de se relever, radieuse, et de monter à l’autel chanter sa joie d’épouse. Ceux qui comprennent la signification du rite, de mort définitive au monde et de résurrection à une vie nouvelle, en sont marqués plus profondément encore. Mais le plus ému de tous fut peut-être le célébrant. Pénétrant pour la première fois en nos murs, il y découvrait les prémices de la résurrection certaine de l’Église tout entière ! L’œuvre de notre Père est le gage de notre espérance.
Après l’émission de leurs vœux, frère Bruno dédia à nos sœurs deux Pages mystiques de notre Père, dévoilant les richesses de leurs titres de noblesse : le Sacré-Cœur du Saint-Sauveur assoiffé d’amour, et l’humilité, la paix de la Sainte Famille de Nazareth. Ces pages jaillissent d’un cœur détaché de toutes les fausses grandeurs et épris de Jésus seul.
Le soir, après les complies, en union avec nos ermitages et tous les dévots de Notre-Dame de Fatima, nous portâmes sa statue en procession autour de notre parc, en l’honneur de sa deuxième apparition, le 13 juin, jour de la révélation de son Cœur Immaculé entouré d’épines. Aucune colombe n’a daigné voleter autour de notre brancard. Mais Notre-Seigneur, Notre-Dame et frère Bruno nous préparaient bien mieux pour le lendemain...
LE PETIT FRÈRE SOUS LES AILES DE LA COLOMBE.
« En témoignage des liens mystiques qui vous unissent désormais à votre doux Sauveur et Seigneur Jésus-Christ, et en signe de votre vocation nouvelle et éternelle, vous serez parmi nous frère... Jean-Baptiste de la douce Colombe. »
Ce dimanche 13 juin, en la solennité du Sacré-Cœur, notre frère dernier-né reçut avec l’Habit de notre ordre et la coule monastique, son nom d’éternité.
Pour nous l’expliquer, les sermons de frère Bruno nous représentèrent deux rencontres : celle de saint Jean-Baptiste découvrant l’Agneau de Dieu et le désignant à ses disciples, et spécialement à saint Jean ; le saisissement de ce dernier rencontrant quelques jours plus tard à Cana la Mère de son Maître bien-aimé, la Colombe du Saint-Esprit.
Ces deux chocs suffisent à expliquer notre vocation au service de Jésus et Marie ! Et si les amis de notre frère regrettaient encore ses chants marins et ses rires, qui animaient les chantiers de Magé et les rangs de la “ 13 ” au camp-vélo, le secret de ce nouveau nom devrait désormais susciter parmi eux des émules !
frère Guy de la Miséricorde.