Il est ressuscité !
N° 222 – Juin 2021
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
Une révolution permanente
Dans sa Lettre à mes amis no 220, en date du 6 janvier 1966, l’abbé de Nantes, notre Père, publiait la lettre qu’il venait d’adresser à Mgr Le Couëdic, évêque de Troyes, en date du 19 décembre 1965, en réponse à son injonction d’avoir à quitter le diocèse sous peine de suspense a divinis.
« Excellence,
« Vous m’avez accueilli dans Votre Diocèse le 15 septembre 1958 et Vous m’avez envoyé à Villemaur pour y servir Dieu et travailler au salut des âmes sous Votre paternelle autorité. Alors, et pendant des années, chacun devait convenir qu’il y eut rarement si profonde entente, affection si manifeste, entre un prêtre et son évêque. Méditant sur ces sept années écoulées, je cherche comment nous en sommes venus à ce point où, pour Noël, Vous allez condamner le prêtre que je suis à ne plus célébrer la Sainte Messe. »
En cause : le concile Vatican II.
(11 octobre 1962 – 8 décembre 1965)
« J’étais, le 11 octobre, plein d’espérance surnaturelle, quoique obligé pour cela de faire appel à toute ma foi en l’Esprit-Saint qui sait redresser, quand Il veut et quand on le Lui demande, les situations même les plus difficiles. Le soir de ce jour mémorable, comme nous sortions des exercices du Rosaire, une paroissienne de bon sens paysan, intuitif et profond, m’aborde et me dit : “ Le Pape vous condamne. ” – “ Quoi ? ” – “ Oui, j’ai écouté son discours à la radio. C’est tout le contraire de ce que vous nous dites en chaire. ” – “ Pensez-vous ! ”...
« J’étais ébranlé. La lecture de ce document me convainquit qu’un esprit nouveau allait se lever en tempête sur l’Église, d’optimisme béat et de réforme universelle, qui allait bien à l’encontre de mes convictions et de mes prudences, comme des Vôtres, Excellence, à cette époque. » Et du “ sensus fidei ” en la personne de cette paroissienne...
« Au retour de la première session, Vous aviez déjà changé, Vous étiez dès ce moment acquis au réformisme général. Pour moi, j’hésitais, mes Lettres de l’époque en témoignent. Je ne voulais pas admettre qu’une autre religion commençait à paraître, progressivement, qu’une révolution permanente était lancée, dont le port du clergyman ou du costume civil avait été le signe précurseur. Mais les événements, auxquels nous allions assister impuissants et navrés, mirent fin à mes doutes anxieux. »
Soixante ans après, le “ parcours ” de deux ans lancé par le pape François et par chaque diocèse en octobre prochain, avec une phase diocésaine, une phase continentale et une phase... planétaire ! constitue la dernière étape de cette “ Réforme permanente ”.
La XVIe assemblée générale ordinaire du Synode des évêques qui devait avoir lieu en octobre 2022, est reportée un an plus tard :
« Pour une Église synodale : communion, participation et mission. »
La Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, avec l’assentiment du Conseil Ordinaire, a proposé des modalités inédites « pour le cheminement de l’esprit d’Assise ». C’est le mot exact ! c’est le cas de l’écrire ! a dû penser quelque subtil secrétaire chargé de rédiger cette note, mais demeuré catholique romain en son for intérieur.
En effet, le dessein du pape François tombe sous le coup de « l’accusation pour hérésie à l’encontre de l’Auteur du prétendu catéchisme de l’Église catholique (CEC), catéchisme d’orgueil, catéchèse de fourbes », accusation rédigée par l’abbé Georges de Nantes et portée au Vatican le 13 mai 1993 par lui-même et deux cent cinquante représentants de la Contre-Réforme catholique au siècle dernier.
L’objectif de la « Phase diocésaine (octobre 2021 – avril 2022) est la consultation du Peuple de Dieu afin que le processus synodal se déroule à l’écoute de la totalité des baptisés, sujets du sensus fidei infaillible in credendo. »
Anathème !
C’est la « première hérésie » du CEC : Une extension abusive de l’infaillibilité dénoncée dans les deux premières pages du Livre d’Accusation.
PREMIÈRE HÉRÉSIE
UNE EXTENSION ABUSIVE DE L’INFAILLIBILITÉ
ET DE L’INDÉFECTIBILITÉ DE L’ÉGLISE EN SON CHEF,
EN SES PASTEURS ET EN SON PEUPLE
ARGUMENT.
C’est au chapitre sur La transmission de la Révélation divine et plus précisément sur L’interprétation de l’héritage de la foi. De tout temps, la question fut d’importance. Mais elle l’est particulièrement au nôtre, et plus encore si notre modernisme, « égout collecteur de toutes les hérésies » (saint Pie X), est la marche forcée de l’apostasie prédite par saint Paul dans la première Épître à Timothée : « L’esprit dit expressément que, dans les derniers temps, certains apostasieront, reniant la foi pour s’attacher à des esprits d’erreur et à des enseignements de démons, menteurs hypocrites, marqués au fer rouge dans leur propre conscience. » (1 Tm 4, 1-2 ; cf. 2 Th 2, 3-12 ; 2 Tm 3, 1-5 ; 4, 3-4 ; deuxième Épître de saint Pierre 3, 3 ; cf. l’avertissement de Jésus lui-même, Mt 24, 4-13)
L’héritage de la foi confié à la totalité de l’Église.
84. « L’héritage sacré» de la foi (depositum fidei) contenu dans la Sainte Tradition et dans l’Écriture Sainte a été confié par les apôtres à l’ensemble de l’Église. « En s’attachant à lui le peuple saint tout entier uni à ses pasteurs reste assidûment fidèle à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières, si bien que, dans le maintien, la pratique et la confession de la foi transmise, s’établit, entre pasteurs et fidèles, une singulière unité d’esprit.»
On peut rêver d’un inaccessible idéal, mais c’est malsain. L’ « ensemble de l’Église » est un concept flasque, démocratique et unanimiste. Et l’idyllique souvenir de la première communauté de Jérusalem (Actes des Apôtres 2, 42 ; 4, 32-35 ; 5, 12-16), ne peut passer sans abus pour une définition de l’Église des siècles, et moins encore de “ la civilisation de l’amour ” annoncée par Paul VI pour les lendemains heureux du Concile et qui n’est pas venue.
Pareille conception de la totalité de l’Église est flatteuse pour le peuple, sécuritaire pour les médiocres et les mauvais, et cela peut être tout simplement esclavagiste et persécuteur pour les témoins de la vraie foi, de la vraie Croix, en des temps pharisiens.
Le Magistère de l’Église.
85. « La charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou transmise, a été confiée au seul Magistère vivant de l’Église dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus-Christ», c’est-à-dire aux évêques en communion avec le successeur de Pierre, l’évêque de Rome.
86. « Pourtant, ce Magistère n’est pas au-dessus de la parole de Dieu, mais il la sert, n’enseignant que ce qui fut transmis, puisque par mandat de Dieu, avec l’assistance de l’Esprit-Saint, il écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et l’expose aussi avec fidélité, et puise en cet unique dépôt de la foi tout ce qu’il propose à croire comme étant révélé par Dieu.»
C’est encore le rêve de ce qui devrait être ! C’est l’indication d’un idéal de sagesse, de fidélité, de vertus poussées jusqu’à la sainteté et l’héroïsme. Tenez ! c’est tout le portrait de saint Pie X, ce modèle des pontifes. C’est donc l’indication d’un devoir à accomplir, si l’on veut, mais non point d’une perfection effective, constante, et moins encore actuelle puisque le CEC ne cite pas une seule fois ce saint, ce docteur, lumière de l’Église pour notre vingtième siècle !
D’ailleurs, lui-même ne se serait pas reconnu, tant cette présomption d’infaillibilité universelle, doublée d’une indéfectibilité générale du corps épiscopal, est irréaliste jusqu’à paraître mensongère. Elle dénote un dangereux orgueil chez les pasteurs, qui se fait admettre en caressant l’orgueil de leur peuple, lui accordant une infaillibilité et une impeccabilité égales et complémentaires à ce qu’ils s’attribuent à eux-mêmes par les nouvelles incongruités que voici :
Le sens surnaturel de la foi.
87. Les fidèles, se souvenant de la parole du Christ à ses apôtres : « Qui vous écoute, m’écoute» (Lc 10, 16), reçoivent avec docilité les enseignements et directives que leurs pasteurs leur donnent sous différentes formes.
C’est un pur mensonge. C’est un optatif, c’est un impératif peut-être, qu’il faudrait substituer à cet indicatif démagogue dont le résultat est devant nos yeux, l’anarchie partout répandue sous le regard ravi d’une hiérarchie sans force.
91. Tous les fidèles ont part à la compréhension et à la transmission de la vérité révélée. Ils ont reçu l’onction de l’Esprit-Saint qui les instruit et les conduit vers la vérité tout entière.
Encore une contrevérité qui, si quelqu’un la prend au sérieux, le conduira à chercher cette miraculeuse “ onction de l’Esprit-Saint ” dans quelque secte protestante, juive ou hindouiste. Nous retrouverons plus loin cette hérésie, en son lieu, parmi les douze la sixième.
92. « L’ensemble des fidèles ne peut se tromper dans la foi et manifeste cette qualité par le moyen du sens surnaturel de la foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque, “des évêques jusqu’au dernier des fidèles laïcs”, il apporte aux vérités concernant la foi et les mœurs un consentement universel. »
D’exagération en exagération, où s’arrêtera-t-il ? ce Catéchisme insensé ! La masse des centaines de millions de fidèles de l’Église actuelle ne peut se tromper ? C’est grotesque, c’est inexistant. C’est la caricature, qui s’écroulera au premier choc du procès que nous intentons, de la très véritable infaillibilité catholique de l’Église constituée hiérarchiquement, pyramidale, monarchique, à laquelle Jésus a promis que les portes de l’enfer ne prévaudraient point contre elle ! Mais “ le consentement universel ” du “ peuple tout entier ”, dévergondé, décérébré, déclaré par Vatican II “ peuple de Dieu ”, n’est qu’une chimère.
93. « Grâce en effet à ce sens de la foi qui est éveillé et soutenu par l’Esprit de vérité, et sous la conduite du Magistère sacré, le Peuple de Dieu s’attache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes, il y pénètre plus profondément en l’interprétant comme il faut et dans sa vie la met plus parfaitement en œuvre.»
Nous n’avons pas encore atteint les sommets de l’outrance. Mais nous ne sommes pas surpris de ce nouveau degré d’une démence qu’après Maurice Pujo, nous nommons ici “ théodémocratie ”. Ce fut la paranoïa des Robespierre, Lénine, Hitler, pour ne pas oser incriminer Léon XIII et Pie XI ! C’est la radicalisation de l’unanimisme dont a rêvé Vatican II. Et c’est devenu une gnose en même temps qu’une drogue euphorique, onirique : on rêve la réalité, qui vous crève les yeux, autre qu’elle n’est, en lui prêtant les contours de nos désirs.
En prologue à ce Catéchisme, nous voilà avertis que tout ce qu’il inventera devra être tenu pour la parole infaillible du Magistère de l’Église, embrassée par la totalité d’un indéfectible peuple de dieux. C’est une démence consciente et délibérée. Lisons la suite :
99. Grâce à son sens surnaturel de la foi, le Peuple de Dieu tout entier ne cesse d’accueillir le don de la Révélation divine, de le pénétrer plus profondément et d’en vivre plus pleinement.
100. La charge d’interpréter authentiquement la Parole de Dieu a été confiée au seul Magistère de l’Église, au Pape et aux évêques en communion avec lui.
À l’image de celui de Robespierre, Napoléon, Staline et quelques autres “ fascistes ”, voilà le totalitarisme ecclésiastique moderne : le peuple ne cesse d’accueillir, dans l’ambiance du Parti unique et unanime, les impulsions des cadres de l’État entièrement dévoués au Führer, au Duce, au Pape qui “ a toujours raison ! ”
Ce n’est évidemment pas la réalité, ni d’hier ni d’aujourd’hui. Mais c’est la gnose du Pape et du collège des évêques, adoptée avec enthousiasme par la totalité du peuple chrétien. Très Saint-Père, c’est impossible ! Nous n’en sommes pas, et nous n’en serons jamais, ni nous ni Vous !
ANATHÈME À CET UNANIMISME D’ORGUEIL ET CETTE VOLONTÉ DE PUISSANCE !
IL N’Y A PAS D’INDÉFECTIBILITÉ NI D’INFAILLIBILITÉ CHARISMATIQUES MAIS
SEULEMENT L’INFAILLIBILITÉ LIMITÉE DU MAGISTÈRE CATHOLIQUE
C’est par la faillibilité des esprits humains, c’est par la défectibilité des cœurs humains que s’expliquent le plus simplement du monde toutes les terribles crises qui, de siècle en siècle, ont secoué l’Église, afin que nul ne se glorifie devant le Seigneur de son infaillibilité ni de son impeccabilité personnelle ! Et c’est encore par cette même insondable, incommensurable fragilité humaine que s’explique l’anarchie croissante dans laquelle se décompose ce mirifique peuple de Dieu, théodémocratique et totalitaire. C’est pour lui, c’est pour nous aujourd’hui que Jésus a laissé échapper sa plainte à l’évocation de l’Apostasie des derniers temps : « Mais le Fils de l’homme, quand il reviendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ? » (Lc 18, 8 ; cf. CEC 675 !)
Comment encore afficher une telle prétention à l’indéfectibilité et à l’infaillibilité illimitées et perpétuelles du Pape, des évêques et de tout le peuple de Dieu quand, depuis 1960, tous savent ou devraient savoir le Secret de Fatima, annonçant l’apostasie générale de l’Église, en sa Tête romaine et en la presque totalité de ses membres, dans l’abandon de la vraie foi et le péché contre le Saint-Esprit, en punition de leur mépris et refus des demandes de Notre-Dame formulées au nom de son Fils Jésus-Christ notre Dieu ?
Ainsi s’annonce, hors de toute fidélité et modestie, ce nouveau Catéchisme, comme l’enseignement de l’Autorité actuelle, vivante, concernant les mystères de notre foi présentés sous des mots nouveaux, adaptés à notre temps et nos cultures modernes. En fait, c’est tout au contraire, sous les mots et le discours chrétien classiques, une autre religion, une ténébreuse gnose humaniste, où le surnaturel est naturalisé et le naturel surnaturalisé par une double contorsion : nos mystères chrétiens sont judaïsés, relativisés, vidés de leur divine singularité, tandis que les instincts brutaux et les pensers mondains, athées, partout triomphants, sont divinisés !
On comprend que pour un tel projet d’harmonisation de Dieu avec Mammon, ses inventeurs et ses pionniers s’adjugent d’abord une autorité absolue, indiscutable, universelle et perpétuelle, transcendante aux anciennes règles et aux définitions classiques touchant l’exercice du magistère catholique, eux-mêmes et leur peuple de Dieu se prévalant d’une illumination immédiate du grand Inspirateur de cette gnose qu’ils appellent l’Esprit.
Voici comment il me paraît urgent et indispensable d’y faire obstacle par sentences dogmatiques et anathème :
SENTENCES DOGMATIQUES.
I. Nul homme, nulle assemblée, seraient-ils Pape, Concile, collège d’évêques ou de prêtres, collection de théologiens ou masse de laïcs, voire même une prétendue Église universelle, ne saurait imposer ses opinions doctrinales ou morales comme revêtues d’une quelconque infaillibilité, hors des frontières parfaitement définies du Magistère solennel ou ordinaire.
II. Tout fidèle catholique a le droit, si ce n’est le devoir de s’élever contre un enseignement nouveau, même émané du magistère “authentique” du Pape et des évêques, pour en appeler, de ce magistère aux frontières imprécises, aux décisions du Magistère infaillible de ces mêmes autorités légitimes.
Il est nécessaire de préciser que l’autorité ne peut se réclamer de la puissance du Magistère ordinaire, à moins qu’elle ne s’emploie à rien d’autre qu’à enseigner ce que l’Église a cru, depuis toujours et partout ; la nouveauté est exclue absolument de ce qui s’appelle “ magistère ordinaire ”, et elle n’est proposée comme “ authentique ” que par un regrettable abus de confiance.
III. C’est par un abus de langage ou même d’intention, qu’en de nombreux textes le Magistère postconciliaire déclare, par des affirmations ne laissant aucune place au doute ni à la discussion, que lui-même et le peuple de Dieu exercent constamment leur vertu de foi catholique, les uns pour enseigner la doctrine, les autres pour y consentir et y adhérer, sans pouvoir se tromper ni vouloir tromper le monde.
IV. Un Concile, un Pape même, toute assemblée épiscopale ou sacerdotale, hors de l’exercice de leur Magistère officiel dans ses formes canoniques, peuvent être hérétiques, matériellement et même formellement, schismatiques ou scandaleux, car ils ne sont pas des dieux, mais des êtres faillibles et défectibles comme les autres hommes.
V. Le Magistère catholique a dans ses attributions le pouvoir et le devoir de discerner les révélations improprement dites “privées”, mais, les ayant reconnues “ authentiques ”, dans leurs faits surnaturels et leur doctrine pure de toute erreur, il n’a pas la liberté de les rabaisser au-dessous de son autorité et de son pouvoir pastoral, pour les ignorer et les combattre. Son office est d’en étudier la vérité, la réalité, et non point de décider de leur opportunité ou de leur intérêt pour l’Église. Ce qui est du Ciel s’impose à tous.
Tels les dons divins reconnus par l’Église antéconciliaire, le culte du Saint Suaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et surtout les apparitions et demandes de Notre-Dame de Fatima, événements mondiaux, secours providentiels pour l’Église et joie intime pour les âmes prédestinées.
ANATHÈME.
Si quelqu’un dit que le Pape, le Concile ou le peuple chrétien ne peuvent ni se tromper ni nous tromper, mais qu’ils professent la vérité divine et accomplissent leur fonction de Magistère enseignant ou leurs charismes prophétiques de manière indéfectible, telle qu’ils ne peuvent tomber sous le coup d’aucune plainte ni accusation canonique dans l’Église, qu’il soit anathème.