Il est ressuscité !

N° 251 – Janvier 2024

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


CAMP NOTRE-DAME DE FATIMA 2023

L’Évangile de Jésus-Marie (4) 
Jésus paraît, révélation des cœurs

DU RETOUR DE LA PREMIÈRE PÂQUE 
À LA RÉSURRECTION DE LA FILLE DE JAÏRE

(fin avril, début mai de l’an 29 – fin juillet 29)

LE précédent article  (Il est ressuscité n° 250) a raconté comment Notre-Seigneur a inauguré son ministère, d’une manière extraordinaire, divine après vingt-neuf ans de vie cachée. Saint Jean-Baptiste lui a préparé les voies, et Jésus s’est manifesté auprès de lui pour recevoir son baptême, signifiant ainsi qu’il prenait sur Lui nos péchés. Son Précurseur l’a désigné comme l’Envoyé de Dieu qu’annonçait tout l’Ancien Testament, et ses meilleurs disciples, l’ayant compris, lui ont donné leur foi et l’ont suivi. À Cana, son premier miracle leur a montré que la Vierge Marie sa Mère est toute puissante sur son Divin Cœur.

Statue du Sacré-Cœur de Jésus.

Chapelle de la maison Saint-Joseph.

Certainement, après ce miracle, la Sainte Vierge est retournée à Nazareth, seule, sous la coupe de l’un quelconque des cousins de Jésus ou un de ses oncles, hommes durs, incompréhensifs, qui ne les aimaient pas, comme nous allons le voir. Car Jésus désormais se manifeste aux foules, et les juifs n’auraient pu comprendre la présence d’une Femme seule auprès du Messie.

Mais cela ne doit pas nous laisser oublier leur Amour mutuel, tel que notre Père nous l’a donné à contempler, comme le foyer ardent qui doit embraser toute la terre, et la purifier. Dans sa solitude, la Vierge Marie demeure tout unie à son Fils par l’opération du Saint-Esprit et Jésus quant à lui travaille pour Elle, pour son Amour, en vue de lui confier ces enfants qu’il vient sauver. L’amour mutuel entre saint François de Sales, toujours accaparé par son ministère, et sainte Jeanne-Françoise qui demeurait dans ses monastères, nous figure l’amour du Cœur très Unique de Jésus-Marie durant ces séparations.

À Jérusalem, nous l’avons vu, l’opposition est frontale entre Jésus qui se manifeste d’emblée comme le Messie, le Fils de Dieu, et les autorités corrompues du peuple juif, les tenants du « désordre établi », comme disait notre Père. L’atmosphère est si malsaine que Notre-Seigneur a dû quitter la Judée. Ce n’est qu’en Samarie, en terre presque païenne, qu’il trouva des cœurs disposés à croire en Lui.

Notre Père appelait ces premiers mois de prédication de Jésus, où tous viennent à Lui ! (Jn 3, 26), « les mystères joyeux de la prédication évangélique en Galilée ». Notre-Seigneur se manifeste de toute évidence comme un Envoyé de Dieu, et Il travaille à susciter la Foi en lui par ses miracles, sa Parole, et aussi, simplement, son regard, et tout son être, qui témoignent de sa divinité. Les foules en sont enthousiastes, mais d’une foi humaine, superficielle, imparfaite. Les scribes et les pharisiens quant à eux, dès le début, et de plus en plus, jugent Notre-Seigneur, font du mauvais esprit, et cherchent à le prendre en défaut.

C’est que le Saint-Esprit n’a pas encore été donné, il faut pour cela que Jésus passe par la Croix et établisse son Église. Mais dès maintenant, la manifestation du Fils de Dieu fait homme est la révélation des cœurs : les uns s’ouvrent à sa Vérité et s’attachent à Lui, comme les Samaritains de Sychar, les autres se ferment, s’endurcissent dans leurs vices, et bientôt le haïssent.

Seulement quatre mois se sont déroulés depuis le baptême de Notre-Seigneur. Il faut garder à l’esprit la succession rapide de ces événements évangéliques, qui sont tous d’une divine richesse, permettant de longs commentaires, mais qui sont en fait de rapides gestes ou paroles de Jésus, ne durant parfois pas plus de quelques minutes ! Dans l’obéissance à son Père, il sait parfaitement ce qu’il a à faire, il ne perd pas un instant : « Il faut que soit élevé le Fils de l’homme, afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle. » (Jn 3, 14-15)

Reprenons le récit, en suivant, parmi les synoptiques, de préférence l’exposé suivi (Lc 1, 3) des événements que fait saint Luc, complété par les récits propres à saint Jean.

RETOUR EN GALILÉE ; LA RÉVÉLATION DES CŒURS

Nous sommes donc à la fin du mois d’avril ou au début du mois de mai de l’an 29.

« 43 Après ces deux jours, – à Sychar, en Samarie – il partit de là pour la Galilée. 44 Jésus avait en effet témoigné lui-même qu’un prophète n’est pas honoré dans sa propre patrie. 45 Quand donc il vint en Galilée, les Galiléens l’accueillirent, ayant vu tout ce qu’il avait fait à Jérusalem lors de la fête ; car eux aussi étaient venus à la fête. » (Jn 4, 43-45)

Mais l’accueil dut être réservé, insatisfait, dans l’incompréhension de l’enseignement de Jésus et de ses volontés. Le premier miracle qu’il fit à son retour, de nouveau à Cana, va nous montrer ce qu’il veut obtenir d’eux.

C’est un fonctionnaire royal, dont le fils était malade, à Capharnaüm. Ayant appris le retour de Jésus en Galilée, il vient le supplier de descendre guérir son fils, qui est aux dernières extrémités. Apparemment, Notre-Seigneur lui répond avec sévérité : « 48 Si vous ne voyez toujours des signes et des prodiges vous ne croirez donc jamais ! » C’est pour éprouver sa foi. Mais l’homme, loin d’en être découragé, insiste, tout à son angoisse : « 49 Seigneur, descendez avant que ne meure mon petit enfant. » C’est touchant... Jésus pourtant continue son admirable pédagogie : il lui répond uniquement « Va, ton fils vit. » Le fonctionnaire doit donc rentrer chez lui, seul, sans preuve de la guérison de son fils ; il doit faire cet acte de foi, de confiance en la parole de Notre-Seigneur. Miracle ! c’est bien ce qu’il fit, et de retour à Capharnaüm, il trouva son enfant revenu à la vie, guéri à l’heure même où Jésus l’avait dit... « 53 et il crut, lui, avec sa maison tout entière ». C’est cette foi sans réserve, explique notre Père, l’adhésion du cœur à sa Personne, à sa Vérité, que Jésus veut obtenir. (Jn 4, 43-53)

LE POUVOIR DU FILS DE L’HOMME.

Notre-Seigneur était donc à Cana, et Il entre « de nouveau à Capharnaüm. Après quelque temps, on apprit qu’il était à la maison. – C’est la maison de la belle-mère de saint Pierre, qui devient le camp de base de Notre-Seigneur en Galilée, pourrait-on dire. – 2 Et beaucoup se rassemblèrent, en sorte qu’il n’y avait plus de place, même devant la porte. » (Mc 2, 1-2)

Saint Luc précise que, parmi ces gens qui se rassemblent, « il y avait, assis, des Pharisiens et des docteurs de la Loi venus de tous les villages de Galilée, de Judée, et de Jérusalem ; – Jésus vient de quitter la Judée, à cause de leur malveillance et de leur jalousie, croissantes à proportion de sa notoriété. Eux, maintenant, le suivent en Galilée pour le surveiller – et la puissance du Seigneur lui faisait opérer des guérisons. » (Lc 5, 17) « 3 On vient lui apporter un paralytique, soulevé par quatre hommes. 4 Et comme ils ne pouvaient pas le lui présenter à cause de la foule, ils découvrirent la terrasse au-dessus de l’endroit où il se trouvait et, ayant creusé un trou, ils font descendre le grabat où gisait le paralytique. 5 Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : Mon enfant, tes péchés sont remis. ” » (Mc 2, 3-5)

Mais « 21 les scribes et les Pharisiens se mirent à penser : Qui est-il celui-là, qui profère des blasphèmes ? Qui peut remettre les péchés, sinon Dieu seul ? ” » – Jésus sait très bien qu’il pose là un acte proprement divin : « 22 Percevant leurs pensées, Jésus prit la parole et leur dit : Pourquoi ces pensées dans vos cœurs ? 23 Quel est le plus facile, de dire : Tes péchés te sont remis, ou de dire : Lève-toi et marche ? – À vues humaines, il est plus facile de dire qu’on remet les péchés, cela ne coûte rien... Mais en fait, Notre-Seigneur devra en payer le prix, en en souffrant le châtiment sur la Croix – 24 Eh bien ! pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés, je te l’ordonne, dit-il au paralysé, lève-toi, prends ta civière, et va-t’en chez toi. ” 25 Et, à l’instant même, se levant devant eux, et prenant ce sur quoi il gisait, il s’en alla chez lui en glorifiant Dieu. » (Lc 5, 21-25)

Les scribes et les Pharisiens disaient vrai, nul ne peut remettre les péchés sinon Dieu seul. Mais alors, celui qui prouve qu’il a ce pouvoir en faisant marcher un paralytique, est Dieu ? Il y a de quoi les faire réfléchir...

Pour l’instant, et en maintes occasions, Jésus se nomme lui-même le Fils de l’homme, ce qui était très clair pour ceux à qui il s’adressait : le Fils de l’homme est le Messie que tous attendent, annoncé par le prophète Daniel comme un homme mystérieux, divin, recevant de Dieu royauté et domination éternelle sur le monde entier (Dn 7, 13-14).

JÉSUS, MESSIE SOUVERAIN.

Après ce miracle, saint Luc (5, 27 - 6, 5), comme saint Marc (2, 13-28), racontent à la suite trois petits faits similaires qui se sont déroulés dans les semaines suivantes (avril-mai  29), où l’on voit Notre-Seigneur agir avec une liberté divine, paraissant contrevenir aux prescriptions de la Loi. Les scribes et les Pharisiens s’en indignent, et les esséniens eux-mêmes, si scrupuleux quant à la pureté rituelle, sont scandalisés. Au fil de ces récits, on sent monter leur ressentiment, leur jalousie, à chaque réponse magistrale de Jésus qui les confond en affirmant son autorité.

Une première fois, tandis qu’Il s’éloignait de la foule, Jésus « vit, en passant, un homme assis au bureau de la douane, appelé Matthieu, et il lui dit : Suis-moi !  Et, se levant, il le suivit. » (Mt 9,  9)

Il quitte tout (Lc 5,  28) pour désormais suivre Jésus, mais il commence par l’inviter à sa table dans un festin de gratitude et de réjouissance. C’est alors que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent se mettre à table avec Lui. Ces hommes étaient méprisés, considérés comme maudits par “ l’élite religieuse ” pharisienne, qui fuyait leur contact comme la peste, de crainte de contracter leur impureté. Mais ils sont attirés par la bonté rayonnante de Notre-Seigneur, qui, Lui, les laisse approcher.

Les scribes des Pharisiens le voient et s’en offusquent : « Quoi ? Il mange avec les publicains et les pécheurs ? » disent-ils aux disciples, n’osant s’en prendre à Jésus Lui-même. Mais Il les a bien entendus (Mc 2, 16-17), et leur répond : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé, qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, au repentir. » (Lc 5, 31-32)

Ces scribes, qui jugent de tout, considèrent que Jésus se souille en laissant des pécheurs s’approcher de Lui. Mais Il leur répond que, loin de contracter leur impureté, c’est Lui qui les purifie !

Isaïe avait écrit que tout Israël est malade, à cause de son péché (1, 5), et Jérémie, lui, demandait en pleurant s’il n’y avait pas un médecin pour guérir la blessure de la fille de Sion (Jr 8, 22) ? Jésus est ce Divin Médecin, annoncé par le Prophète : « Yahweh pansera la blessure de son peuple, et guérira la trace des coups reçus. » (Is 30, 26)

Les publicains et les pécheurs qui s’approchent de Lui en comprennent quelque chose : attirés par le Père (Jn  6, 44), ils cherchent cette rédemption. Les pharisiens, eux, se croient justes, ils n’attendent pas de guérison, ils croient n’avoir pas besoin du Médecin !

« 33 Mais eux lui dirent : Les disciples de Jean jeûnent fréquemment et font des prières, ceux des Pharisiens pareillement, et les tiens mangent et boivent ! 34 Jésus leur dit : Pouvez-vous faire jeûner les compagnons de l’Époux pendant que l’Époux est avec eux ? 35 Mais viendront des jours... et quand l’Époux leur aura été enlevé, alors ils jeûneront en ces jours-là. ” » (Lc 5, 33-34)

Sublime réponse, pour cette amère remarque des mauvais esprits ! L’Époux d’Israël, selon les prophètes et le Cantique des cantiques, c’est Yahweh, qui, incarné, est maintenant avec son peuple pour le sauver, et les Apôtres ont bien raison de s’en réjouir... Quand, aux jours de sa Passion, Il sera enlevé par violence et jugement pour l’expiation de nos péchés, selon la prophétie de l’Inconnu de l’exil (Is 53, 8), alors ses disciples feront pénitence et s’humilieront.

Les pharisiens, et les disciples de Jean, avec tous leurs jeûnes, s’ils refusent de croire en l’Évangile, n’auront pas de part au festin des noces messianiques. Notre-Seigneur les en avertit en parabole : on ne coud pas une pièce d’un vêtement neuf sur un vieux, ni on ne met le vin nouveau du Royaume des Cieux dans de vieilles outres : « Personne, après avoir bu du vin vieux, n’en veut du Nouveau. On dit en effet : C’est le vieux qui est bon. » (Lc 5, 36-39) C’est-à-dire, écrivait notre Père, que « les juifs qui demeurent attachés à l’ancien ordre des choses, non pas dans son esprit, non pas dans son progrès, dans son élargissement prophétique, mais pour ce qu’il a de médiocre et de plus contestable, vont se dresser contre Jésus et refuser son Royaume aux noms mêmes de Moïse et de l’Alliance ancienne de Yahweh avec lui. » (Le Royaume de Dieu sur terre, CRC n° 154, juin 1980)

Ainsi, voyant les Apôtres qui, pris par la faim, ne pensaient pas à mal ! et prenaient quelques épis de la moisson en cours pour les manger en les froissant dans leurs mains, les Pharisiens laissent paraître leur fiel : « Pourquoi faites-vous ce qui n’est pas permis le jour du sabbat ? ! »

Notre-Seigneur, sans même relever leur pusillanimité, répond en témoignant de sa divinité : David s’est bien permis, avec ses compagnons, de manger les pains d’oblation réservés aux prêtres... et il y a ici plus que David : « Le Fils de l’homme est maître du sabbat » (Lc 6, 1-5).

Enfin, lors d’un dernier sabbat, justement, « Il entra dans la synagogue, et il enseignait. Il y avait là un homme dont la main droite était sèche. 7 Les scribes et les Pharisiens l’épiaient pour voir s’il allait guérir, le jour du sabbat, afin de trouver à l’accuser. 8 Mais lui connaissait leurs pensées. »

« Il dit donc à l’homme qui avait la main sèche : Lève-toi et tiens-toi debout au milieu. ” Il se leva et se tint debout. 9 Puis Jésus leur dit : Je vous le demande : est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien plutôt que de faire le mal, de sauver une vie plutôt que de la perdre ? ” » (Lc 6, 6-9) « Mais eux se taisaient. 5 Promenant alors sur eux un regard de colère, attristé de l’endurcissement de leur cœur, il dit à l’homme : Étends la main. ” Il l’étendit et sa main fut remise en état. » (Mc 3, 4-5) « 11 Mais eux furent remplis de rage, et ils se concertaient sur ce qu’ils pourraient bien faire à Jésus. » (Lc 6, 11)

On voit le Cœur de Jésus blessé, attristé par l’outrage de ces hommes qui ne croient pas, n’adorent pas, n’espèrent pas et n’aiment pas, au point de s’endurcir davantage devant ce miracle de bonté. Ce n’est pas avec ces hommes, dans leurs synagogues, que le Royaume de Dieu va s’instaurer.

LA FONDATION DU ROYAUME DE DIEU 
(MAI 29)

« 12 Or il advint, en ces jours-là, que Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et il passait toute la nuit à prier Dieu. » L’heure est grave, il va faire quelque chose de grand.

« 13 Lorsqu’il fit jour, il appela ses disciples et il en choisit douze, qu’il nomma Apôtres : 14 Simon, qu’il nomma Pierre, André son frère, Jacques, Jean, Philippe, Barthélemy, 15 Matthieu, Thomas, Jacques fils d’Alphée, Simon appelé le Zélote, 16 Judas fils de Jacques, et Judas Iscarioth, qui devint un traître. » (Lc 6, 12-16)

Il les choisit pour compagnons, pour témoins de sa vie terrestre, et colonnes du Royaume de Dieu sur la terre, qu’il fonde par ce geste et dont il va donner la Loi.

Le récit de saint Luc manifeste bien l’importance de cet événement, moins perceptible en saint Matthieu, qui a séparé dans son plan la vocation des Apôtres du discours inaugural.

« 17 Descendant alors avec eux, il se tint sur un plateau. Il y avait là une foule nombreuse de ses disciples et une grande multitude de gens qui, de toute la Judée et de Jérusalem et du littoral de Tyr et de Sidon, 18 étaient venus pour l’entendre et se faire guérir de leurs maladies. »

Saint Jean-Baptiste avait annoncé l’avènement imminent du Messie, Notre-Seigneur se manifeste depuis quelque six semaines : tout le monde en a entendu parler, les gens accourent ; mais saint Luc distingue parmi eux les disciples de la grande multitude de gens. Si tous sont attirés ou curieux, tous ne croient pas. On pense à la foule venue à la Cova da Iria le 13 octobre 1917.

« Ceux que tourmentaient des esprits impurs étaient guéris, 19 et toute la foule cherchait à le toucher, parce qu’une force sortait de lui et les guérissait tous. » (Lc 6, 17-19)

LE “ SERMON SUR LA MONTAGNE ”,

 DISCOURS INAUGURAL.

Devant cette foule venue pour l’écouter, Jésus va prendre la parole. Que va-t-il dire à ces fils d’Israël qui attendent du Messie la prospérité, la richesse matérielle et la souveraineté politique ?

« 20 Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, disait : Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous. 21 Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. 22 Heureux êtes-vous, quand les hommes vous haïront, quand ils vous frapperont d’exclusion et qu’ils insulteront et proscriront votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme. 23 Réjouissez-vous ce jour-là et tressaillez d’allégresse, car voici que votre récompense sera grande dans le ciel. C’est de cette manière, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes. ” » (Lc 6, 20-23)

Quel paradoxe, quelle divine nouveauté ! Notre-­Seigneur n’annonce pas le changement des sorts, comme l’espéraient les juifs charnels, mais il renverse « l’échelle des valeurs subjectives » de l’Ancien Testament, des païens, de tous les hommes. C’est ce que notre Père appelait la modification évangélique. La vraie richesse, le vrai bonheur, est de croire en Jésus, de l’écouter, et de l’aimer, comme le font les disciples à qui il s’adresse. Ceux qui le suivent sont heureux, dès cette vie, bien qu’ils soient pauvres, affamés, affligés, persécutés, parce qu’ils ont tout en la personne de Jésus, et ils le suivront dans la béatitude éternelle. Il est même préférable sur la terre d’être indigent et méprisé, car cette condition humiliée est un terreau favorable à l’accueil de l’Évangile.

« 24 Mais malheur à vous, les riches ! car vous avez votre consolation. 25 Malheur à vous, qui êtes repus maintenant ! car vous aurez faim. Malheur, vous qui riez maintenant ! car vous connaîtrez le deuil et les larmes. 26 Malheur, lorsque tous les hommes diront du bien de vous ! C’est de cette manière, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. » (Lc 6, 24-26)

Les riches, les repus, les railleurs, incarnés en ce temps-là par la caste des sadducéens, sont les plus malheureux des hommes parce que, gorgés de biens naturels, ils n’ont rien pour leur rappeler leur misère spirituelle, ou leur faire désirer les vrais biens. Et s’ils sont exclus du Royaume, ils seront maudits au jour du jugement... pour l’éternité ! Il ne s’agit plus de considérer la richesse comme le signe de la bénédiction divine, comme dans l’Ancienne Alliance : le Royaume des Cieux, c’est suivre Notre-Seigneur, plaire à notre Père céleste pour obtenir de Lui une grande récompense dans le Ciel, tels sont les vrais biens.

En saint Matthieu, ces béatitudes tracent plutôt un portrait moral du fidèle sujet du Royaume. Ce sont les vertus que Jésus a d’abord admirées chez saint Joseph et la Sainte Vierge, disait notre Père :

« Bienheureux les pauvres en esprit, bienheureux les doux, bienheureux les affamés de justice, bienheureux les miséricordieux, bienheureux les cœurs purs, bienheureux les artisans de paix... » (Mt 5, 3-12)

Ces béatitudes introduisent le discours inaugural de Notre-Seigneur, le “ manifeste ” de son Royaume nouveau, transmis par saint Luc (6,  20-49), et particulièrement mis en valeur par saint Matthieu (5, 13 - 7, 29).

« Jésus prêche en pur moraliste, écrit notre Père et même délibérément en moraliste mystique. Son Royaume, qu’il nomme la Terre, Terre promise du nouvel Israël régénéré, ce n’est pas le monde, et surtout pas la domination du monde matériel. Ce n’est pas la Palestine, platement, dont les juifs aspirent à chasser l’envahisseur. C’est le lieu d’utopie, le partout et le nulle part où Dieu déjà rassemble les siens pour leur donner vie nouvelle, perfection d’âme et bonheur. Dans ce discours, Jésus en manifeste le caractère propre : c’est un royaume moral. C’est le regroupement en assemblée sainte, analogue à celle du Désert dont rêvaient tous les prophètes, des cœurs purs, des humbles, des doux, des généreux, des justes, et par conséquent, des persécutés. » (ibid.)

D’emblée, Notre-Seigneur affirme sa souveraineté sur le dépôt de la révélation : « 17 N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir [...]. 20 Car je vous le dis : si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux. » (Mt 5, 17-20) Et il donne donc ses nouveaux commandements : « Vous avez entendu qu’il a été dit que... Eh bien moi, je vous dis que... » Ces préceptes ne régentent pas toute la vie, comme le faisait pointilleusement la Loi mosaïque, mais ils impliquent un certain esprit, notamment la pureté du cœur, à l’encontre du formalisme et de l’hypocrisie pharisienne. Selon l’oracle de Jérémie : « Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors, je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. » (Jr 31, 33)

Une courte phrase résume cette Loi nouvelle : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5, 48) En toute simplicité ! Comment cela peut-il se faire ?

Adam, fils de Dieu (Lc 3, 38), avait rompu cette relation filiale par sa désobéissance, et mérité la malédiction de Dieu pour lui et sa descendance. Jésus, lui, est envoyé pour rendre aux hommes cette adoption filiale, en rachetant les sujets de la Loi par son Sacrifice, en nous méritant que Dieu son Père envoie dans nos cœurs son Esprit de Fils (Ga 4, 1-7).

C’est pourquoi, en toute simplicité, pour la première fois dans l’histoire d’Israël, Jésus nomme Yahweh « votre Père qui est dans les cieux », et le montre veillant sur chacun de ses enfants, en particulier. La morale qu’il enseigne consiste donc à agir en fils aimant et obéissant, mais « ce miracle moral à jet continu », comme l’écrivait notre Père, ne sera rendu praticable que par la rédemption qu’il méritera par son Sacrifice et qu’il procurera aux âmes dans son Église.

De plus, en Fils parfait, il révèle lui-même cette sainteté de notre Père céleste qu’il nous faut imiter. « Qui me voit voit le Père », dira-t-il à Philippe. Il est donc le “ modèle unique ” des vertus qu’Il enseigne : comme Lui, il faut aimer nos ennemis et prier pour nos persécuteurs (Lc 6, 27-36), comme lui il nous faut prier et pratiquer la Justice dans le secret, sous le regard de notre Père qui est dans les Cieux (Mt 6, 1-6). Saint Paul exprimait cette “ parénèse ” en une de ses formules sublime : « Oui, cherchez à imiter Dieu, comme des enfants bien-aimés, et suivez la voie de l’Amour, à l’exemple du Christ qui vous a aimés et s’est livré pour nous. » (Ep 5, 1-2) C’est une morale “ positive ”, qui s’accomplit aujourd’hui dans la dévotion aux saints Cœurs de Jésus et Marie, où tout notre désir est de connaître Notre-Seigneur et notre Mère du Ciel, afin de les aimer et donc de les imiter.

Cette révélation du dessein divin est accompagnée du dévoilement des vrais enjeux de notre existence : ceux qui refuseront de faire la Volonté de Dieu pour entrer dans son Royaume, dans sa famille, seront châtiés éternellement dans la « géhenne de feu » (Mt 5, 21-22), tandis que ses fils recevront la récompense de leur obéissance auprès de Lui.

Car « 21 ce n’est pas en me disant : Seigneur, Seigneur, qu’on entrera dans le Royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux. » (Mt 7, 21)

TENDRESSE ET PUISSANCE DE NOTRE-SEIGNEUR.

Et saint Luc continue : « 1 Après qu’il eut fini de faire entendre au peuple toutes ses paroles, il entra dans Capharnaüm. » Nous sommes toujours en mai 29. « 2 Or un centurion – païen – avait, malade et sur le point de mourir, un esclave qui lui était cher. 3 Ayant entendu parler de Jésus, il envoya vers lui quelques-uns des anciens des Juifs, pour le prier de venir sauver son esclave. »

Il ne se sent pas digne, lui, un païen, de parler au Maître [...].

« 6 Jésus faisait route avec eux, et déjà il n’était plus loin de la maison, quand le centurion envoya des amis pour lui dire : Seigneur, ne te dérange pas davantage, car je ne suis pas digne de te recevoir ; 7 aussi bien ne me suis-je pas jugé digne de venir te trouver. Mais dis un mot et que mon enfant soit guéri. 8 Car moi, qui n’ai rang que de subalterne, j’ai sous moi des soldats, et je dis à l’un : Va ! et il va, et à un autre : Viens ! et il vient, et à mon esclave : Fais ceci ! et il le fait. ” » (Lc 7, 1-8)

Il a tellement foi en Notre-Seigneur qu’il n’hésite pas à lui demander de faire ce miracle à distance, de commander à la maladie comme lui commande à ses légionnaires !

« 9 En entendant ces paroles, Jésus l’admira (!) et, se retournant, il dit à la foule qui le suivait : Je vous le dis : pas même en Israël je n’ai trouvé une telle foi. ” 10 Et, de retour à la maison, les envoyés trouvèrent l’esclave en parfaite santé. »

Foi, humilité, tendresse paternelle pour son esclave : telles sont les vertus qui plaisent à Notre-Seigneur, qu’il admire. Cette admiration est un mystère de simplicité et d’humilité, de la part du Fils de Dieu, Dieu lui-même, le Saint des saints ! « Jésus est incomparablement supérieur à tous les êtres humains qu’il rencontre, expliquait notre Père. Or, dans l’Évangile, nous le voyons en relations franches, simples, directes, exemptes d’arrière-pensées. Il ne se compare pas, il ne se situe pas par rapport à celui avec qui il parle, il oublie sa supériorité. C’est un mystère de simplicité, Jésus n’a aucun regard sur lui-même. Tandis que celui qui est vaniteux, celui qui est froidement orgueilleux, voyez-le : il est toujours à se considérer d’abord lui-même, et à calculer la menace que le prochain semble constituer sur lui, sur son amour propre ! »

« Tandis que Jésus admire, il est libre d’admirer parce qu’il ne pense pas à lui, il n’est pas venu pour sa gloire. “ Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir. ” Ainsi il nous dicte une juste humilité, une humilité active, une humilité libératrice de soi et bienfaisante aux autres. » (Sermon du 17 mars 1985)

« 11 Et il advint ensuite qu’il se rendit dans une ville appelée Naïm. Ses disciples et une foule nombreuse faisaient route avec lui. 12 Quand il fut près de la porte de la ville, voilà qu’on portait en terre un mort, un fils unique dont la mère était veuve ; et il y avait avec elle une foule considérable de la ville. 13 En la voyant, le Seigneur eut pitié d’elle. Il lui dit : Ne pleure pas. ” » (Lc 7, 11-13)

C’est une femme. Perdant son fils unique, son tout sur la terre. Irrésistiblement, expliquait notre Père, Jésus pense à sa Sainte Mère, qui, dans quelques mois, le conduira au sépulcre, le Cœur percé d’un glaive, comme cette veuve qui conduit son fils au cimetière. Dans les pleurs de cette femme, il voit les larmes de sa Mère, et cela l’émeut tellement qu’il intervient :

« 14 S’approchant, il toucha le cercueil, et les porteurs s’arrêtèrent. Et il dit : Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! 15 Et le mort se dressa sur son séant et se mit à parler. Et il le remit à sa mère », comme lui-même sera rendu à sa Mère après trois jours au tombeau. On voit là la compassion de Notre-Seigneur pour la souffrance de sa Mère, sentiment qu’il manifestera de nouveau à Pontevedra en 1925, sentiment qu’il veut que nous fassions nôtre, afin de consoler notre Mère en grand chagrin, unique et suffisante condition pour qu’il nous procure le salut et la paix.

« 16 Tous furent saisis de crainte, et ils glorifiaient Dieu en disant : Un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple. ” 17 Et ce propos se répandit à son sujet dans la Judée entière et tout le pays d’alentour. » (Lc 7, 14-17)

Notre-Seigneur était donc à ce moment-là à Naïm, ville du sud de la Galilée. Nous pensons qu’il était en route pour la fête de la Pentecôte à Jérusalem, que saint Jean raconte dans son chapitre cinquième. Nous sommes donc au début du mois de juin.

Mais à ce moment-là, des disciples de Jean-Baptiste, envoyés par lui, viennent à Jésus. Jean est maintenant en prison, pour avoir reproché son inconduite notoire au roi Hérode (Mc 6, 17-20). Ses disciples le visitent, et ils le tiennent au courant de ce que fait Notre-Seigneur. Apparemment, selon eux, Il ne réalise pas encore l’avènement triomphal du Règne de Dieu et la purification d’Israël qui étaient annoncés. Pourquoi ? Dans ces longues heures d’épreuves et de solitude, Jean-Baptiste subit la tentation du doute, expliquait notre Père. Le Messie est là, mais pourquoi n’instaure-t-il pas son Royaume ? Jusqu’à quand les impies triompheront-ils ? Ses disciples, dont nous avons déjà vu le mauvais esprit (Jn 3, 25), devaient en rajouter encore dans la critique contre Jésus, et Jean ne savait pas quoi leur répondre. Il les envoie donc demander ouvertement : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » (Lc 7, 20)

Or « 21 à cette heure-là, Notre-Seigneur guérit beaucoup de gens affligés de maladies, d’infirmités, d’esprits mauvais, et rendit la vue à beaucoup d’aveugles. L’ayant montré aux envoyés de Jean, Il leur répond : “ Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.  ” »

C’est une référence au prophète Isaïe, pour bien leur montrer qu’Il accomplit les prophéties messianiques !

Et il ajoute : « 23 Heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi ! », c’est-à-dire : bienheureux ceux qui mettront une sourdine à leurs critiques, qui s’humilieront pour croire. Le témoignage de Jean, ses miracles, et tout son être attestent qu’il est le Messie, tandis que les objections viennent de l’esprit de Satan.

C’est pourquoi Notre-Seigneur exhorte la foule :

« 24 Quand les envoyés de Jean furent partis, il se mit à dire aux foules au sujet de Jean : Qu’êtes-vous allés contempler au désert ? Un roseau agité par le vent ? 25 Alors qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu d’habits délicats ? Mais ceux qui ont des habits magnifiques et vivent dans les délices sont dans les palais royaux. 26 Alors qu’êtes-vous allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu’un prophète. 27 C’est celui dont il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route devant toi. »

« 28 Je vous le dis : de plus grand que Jean parmi les enfants des femmes, il n’y en a pas ; et cependant le plus petit dans le Royaume de Dieu est plus grand que lui. – C’est dire la nouveauté, la divine grandeur du Royaume que Jésus est en train de rassembler autour de lui, et donc l’urgence d’y adhérer, de croire en Lui ! – 29 Tout le peuple qui a écouté, et même les publicains, ont justifié Dieu en se faisant baptiser du baptême de Jean ; 30, mais les Pharisiens et les légistes ont annulé pour eux le dessein de Dieu en ne se faisant pas baptiser par lui [...]. Mais la Sagesse de Dieu a été justifiée par tous ses enfants. » (Lc 7, 24-35)

Ce premier avertissement à ceux qui ne croient pas est terrible, et il nous fait trembler aujourd’hui pour ceux qui refusent ou négligent d’embrasser la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, qui est la Volonté, le dessein de Dieu pour notre temps. Tandis que, mystérieusement prédestinés, ceux qui déjà étaient fidèles à la Sagesse de Dieu, croient en Jésus, et bénéficient de la Grâce de cette nouvelle Alliance.

À JÉRUSALEM, JÉSUS INVOQUE LE TÉMOIGNAGE DE SON PÈRE
À LA FACE DE SES ENNEMIS (JUIN 29)

« Il y eut une fête des Juifs et Jésus monta à Jérusalem » (Jn 5, 1). Quelques semaines auparavant, après la Pâque, il avait quitté la Judée à cause de la haine des Pharisiens. Ils ont maintenant réussi à faire emprisonner Jean, et déjà ils complotent la perte de Jésus.

Pourquoi retourne-t-il donc à Jérusalem ? Pour les affronter, précisément, pour témoigner de sa Vérité publiquement, devant la foule, jusqu’à mourir sur la Croix pour notre rédemption. Notre-Seigneur monte donc à Jérusalem seul, sans ses douze Apôtres à l’exception de l’apôtre Jean, qui l’accompagnait certainement à cause de ses relations et de sa connaissance de la Ville sainte, dont témoigne son Évangile.

Un matin, Notre-Seigneur se rend à la piscine dite aux cinq portiques, réputée pour les guérisons miraculeuses qui s’y opéraient, et il y trouve « un homme qui était infirme depuis trente-huit ans. Jésus, le voyant étendu et apprenant qu’il était dans cet état depuis longtemps déjà – peut-être Jean lui en aura-t-il dit un mot – lui dit : Veux-tu guérir ? L’infirme lui répondit : Seigneur, je n’ai personne pour me jeter dans la piscine quand l’eau vient à être agitée ; et le temps que j’y aille, un autre descend avant moi. ” Jésus lui dit : Lève-toi, prends ton grabat et marche. ” Et aussitôt, l’homme fut guéri ; il prit son grabat, et il marchait. » (Jn 5, 2-9)

Lève-toi, prends ton grabat et marche.

Murillo : « La guérison du paralytique », 1667. The National Gallery, Londres.

« Or, c’était le sabbat ce jour-là... Le paralytique croise des Juifs qui l’interpellent : “ C’est le sabbat, il ne t’est pas permis de porter ton grabat ”. 11 Il leur répondit : Celui qui m’a guéri m’a dit : Prends ton grabat et marche. ” 12 Ils lui demandèrent : Quel est l’homme qui t’a dit : Prends ton grabat et marche ? 13 Mais celui qui avait été guéri ne savait pas qui c’était ; Jésus en effet avait disparu, car il y avait foule en ce lieu. »

« 14 Après cela, Jésus le rencontre dans le Temple et lui dit : Te voilà guéri ; ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive pire encore. ” »

Pire que trente-huit ans de paralysie ? Le châtiment de l’enfer éternel. En le guérissant, Notre-Seigneur lui a remis ses péchés, comme au paralytique de Capharnaüm (cf. supra, Mc 2, 5), mais il faut qu’il le comprenne, et se convertisse. « Jésus est le Maître omniscient tout-puissant, Celui qui fait mourir et qui fait revivre, qui châtie et qui guérit, commente notre Père. Sa menace en cas de récidive est impressionnante. Mais comment lui en discuter le droit envers celui qu’il a miraculeusement délivré de son mal et en même temps pardonné de ses péchés ? »

Or « 15 l’homme s’en fut révéler aux Juifs que c’était Jésus qui l’avait guéri. 16 C’est pourquoi les Juifs persécutaient Jésus : parce qu’il faisait ces choses-là le jour du sabbat. » (Jn 5, 15-16)

Pour eux, guérir, même d’une seule parole, c’est travailler ; et travailler pendant le sabbat, c’est violer le repos du Septième jour, le jour du repos de Dieu ! Pour un juif pieux, nulle échappatoire. Comment Jésus va-t-il se justifier ?

« 17 Il leur répondit : Mon Père travaille toujours, et encore aujourd’hui ; alors, moi aussi je travaille. ” »

Réponse stupéfiante, mais magnifique dans sa divine simplicité. Les Juifs comprennent très bien ce qu’implique cette affirmation : « Ils n’en cherchaient que davantage à le tuer, puisque, non content de violer le sabbat, il appelait encore Dieu son propre Père, se faisant égal à Dieu. »

Tout de même, ce miracle aurait dû les faire réfléchir ! Mais leur haine se durcit, se fait assassine. Notre-Seigneur va donc leur répondre en dénonçant ouvertement leur incrédulité, leur impiété, mais d’abord en révélant ce qu’est ce “ travail ” divin, ainsi que le mystère de sa Personne de Fils de Dieu. Ce sont de telles révélations que saint Jean n’a pu comprendre et si bien transmettre que grâce aux explications de la Sainte Vierge.

« 19 Jésus reprit donc la parole et leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis : le Fils ne peut rien faire de lui-même, qu’il ne le voit faire au Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. 20 Car le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu’il fait... ” »

C’est d’une simplicité charmante : Dieu est son Père, Jésus ne le quitte pas du regard, et Il l’imite sans cesse, comme il l’a fait avec saint Joseph dans son atelier de charpente. Il ne veut, il ne peut rien faire d’autre, c’est son “ ipséité ” de Fils, que l’incrédulité des juifs le contraint à révéler.

« 21 Comme le Père en effet ressuscite les morts et leur redonne vie, ainsi le Fils donne vie à qui il veut. ” » Voilà ce qu’est son “ travail ”, ce pourquoi son Père l’a envoyé sur la terre. Il vient d’ailleurs de prouver qu’il a ce pouvoir en ressuscitant le fils de la veuve à Naïm, miracle qui a été connu dans toute la Judée (Lc 7, 17).

« 22 Car le Père ne juge personne ; il a donné au Fils le jugement tout entier, 23 afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Qui n’honore pas le Fils n’honore pas le Père qui l’a envoyé. 24 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit à Celui qui m’a envoyé a la vie éternelle et ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie. 25 En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient – et c’est maintenant – où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront. »

Notre-Seigneur annonce pour l’avenir ce qui se passe à ce moment même, dans cette foule de juifs. Car il leur parle, lui, le Fils de Dieu, et tous l’entendent, de leurs oreilles, mais certains ouvrent leur cœur, et ils reçoivent de lui la vie. C’est ainsi qu’il travaille, par sa Parole, à donner la vie surnaturelle, divine, qu’il reçoit de son Père. Ceux qui ferment leurs cœurs et restent sourds à cette parole demeurent dans les ténèbres de la mort, et ils seront jugés :

« Elle vient, l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de l’homme, 29 ceux qui auront fait le bien sortiront, pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement. » (Jn 5, 28-29) C’est-à-dire de condamnation, de damnation éternelle.

Pour la première fois dans l’histoire du monde, disait notre Père, révélation est faite aux hommes de leur existence après la mort, par Quelqu’un qui sait ce dont il parle. À la fin des temps, tous les corps ressusciteront, et Jésus jugera toutes les âmes sur leurs actions, accueillant les uns dans la joie éternelle, rejetant les autres dans la souffrance éternelle. Et s’il est venu “ travailler ” sur la terre, c’est pour arracher le plus d’âmes possible à cette mort.

Dans la suite de son discours, il prouve qu’il a autorité pour délivrer une telle révélation : il rappelle à ces juifs le témoignage de Jean le Baptiste, que tous reconnaissent comme un prophète, et surtout, « 36 les œuvres que le Père m’a donné à mener à bonne fin, ces œuvres mêmes que je fais me rendent témoignage que le Père m’envoie. »

Ces œuvres de Jésus, ce sont ses miracles, incontestables, mais ce sont plus encore ses paroles, le ton de sa Voix, la bonté de son Cœur et la clarté de sa Face, qui accomplissent toutes les manifestations de Yahweh dans l’Ancien Testament. Mais précisément, pour que ces fils d’Israël le reconnaissent comme l’Envoyé du Père, il faudrait déjà qu’ils soient fidèles à leur Dieu, dociles à ses volontés ! Et ce n’est pas le cas, Jésus le leur dit en face :

« 37 Et le Père qui m’a envoyé, lui, me rend témoignage. Vous n’avez jamais entendu sa voix, vous n’avez jamais vu sa face, 38 et sa parole, vous ne l’avez pas à demeure en vous, puisque vous ne croyez pas celui qu’il a envoyé. »

« Celui-là peut ainsi parler, avec une sincérité pathétique, puisque, venu du Père, il L’a vu et entendu, Lui ! Il sait le secret de sa Face et il a en Lui-même sa Parole, lui, le Verbe ! » (commentaire de notre Père inle Témoignage de Jean ”, cf. Bible, archéologie, histoire t. 2 p. 144)

« Certes, les Juifs ont les Écritures et ils les scrutent (Jn 5, 39), mais sans y trouver autre chose que ce qu’ils en attendent, de quoi nourrir leur orgueil et leurs prétentions de s’y voir justifiés et préférés à tous les autres hommes, et de se glorifier en eux-mêmes, changeant l’œuvre sainte de Dieu en poison mortel pour leurs âmes. Car ces Écritures témoignent de Celui qui serait leur vie, leur salut, dont ils ne veulent pas ! »

« Jésus cependant ne s’en froisse pas, ni ne s’en plaint, totalement désintéressé de la gloire qui vient des hommes (Jn 5, 41). Il n’en voudrait pas, d’ailleurs, de la part de ces Juifs de Jérusalem déjà dressés contre lui, car, leur dit-il :

42 Je vous connais, vous n’avez pas d’amour pour Dieu. ” »

« De ce fait, indifférents, hostiles à celui qui vient de Lui, ils ne peuvent supporter qu’il les dérange et qu’il veuille demeurer chez eux comme chez lui, et être l’objet de leur adoration ! Ils sont prêts à proclamer “ Messie ” n’importe quel aventurier, inconnu, sans œuvres ni paroles qui témoignent divinement de sa venue, s’ils y trouvent seulement quelque satisfaction pour leur vanité – ah ! que le trait est mordant –, mais Celui que Dieu leur donne, non ! »

« Vous recevez votre gloire les uns des autres, mais la gloire qui vient du Dieu unique, vous ne la cherchez pas. »

« Alors, voici le dernier coup, où Jésus confond les Juifs, détenteurs des Écritures qui sont la Parole divine, le “ Verbe de Dieu ”, en s’y déclarant lui-même et nommément annoncé : “ Ne pensez pas que je vous accuserai auprès du Père ”, leur dit-il ; comme s’il était question pour Lui de se venger au tribunal de Dieu, des mauvais traitements et absences d’égards essuyés d’eux sur la terre. Mais :

« “ Votre accusateur, c’est Moïse, en qui vous avez mis votre espoir. 46 Car si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, car c’est de moi qu’il a écrit. 47 Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croirez-vous à mes paroles ? ” » (Jn 5, 37-47)

« À ce discours, que n’interrompt aucune question, comme s’ils étaient restés pétrifiés tout le temps que Jésus a parlé, ils n’auraient donc rien à répondre ? Non, rien. Nous n’avons pas à imaginer qu’il y eut des objections, des arguments contraires par lesquels ils auraient ressaisi l’attention du peuple et sauvé leur autorité en face de ce Messie nouveau. Jean nous les aurait-il dissimulés ? Quand il s’en présentera, il les dira. Mais ils ne trouvent rien à dire. Que savent-ils de Dieu ? Que tirent-ils des Écritures ? Qu’espèrent-ils de nouveau et que doit donc être pour eux le salut attendu du Messie ? Rien ! Ils ne savent rien de tout cela. La seule chose qu’ils savent, c’est qu’ils ne veulent pas de cet homme, Jésus, pas plus qu’ils n’ont accepté la prédication de l’autre, avant Lui, Jean le baptiseur. »

« Ce sont comme deux armées ennemies qui campent sur leurs positions. Ici Jésus seul, avec le renfort invisible de tous les prophètes et hommes de Dieu de l’Ancienne Alliance, et le réconfort de son Père. Et là, des Juifs, dont la seule idée, l’ultima ratio, est de tuer Celui qui ose s’opposer à leur pouvoir en Jérusalem. » (ibid.)

LA CONVERSION DE L’ÉPOUSE.

Ayant témoigné de sa Vérité, laissant les Juifs méditer cette sévère leçon, Notre-Seigneur quitte la Ville sainte. Nous retrouvons le récit de saint Luc.

Il advint qu’« 36 un Pharisien l’invita à manger avec lui ; il entra dans la maison du Pharisien et se mit à table. » (Lc 7, 36)

Le Pharisien, un certain Simon, est loin de croire en Jésus : il veut prendre la mesure de cet homme dont tout le monde parle, et il aura vite fait de le juger. Jésus, Lui, se laisse inviter. Selon les mœurs juives de l’époque, il n’y avait pas de femme à la table autour de laquelle étaient couchés les invités. Or, tout à coup, « une femme » fit irruption, « connue dans la ville comme pécheresse... »

« Ayant appris qu’il était à table dans la maison du Pharisien, elle avait apporté un vase de parfum. Et se plaçant par-derrière, à ses pieds, tout en pleurs, elle se mit à lui arroser les pieds de ses larmes ; et elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers, les oignait de parfum. » (Lc 7, 36-38)

On devine la succession de ses sentiments : venue avec du parfum pour en oindre Jésus, quand elle parvient devant lui, elle est saisie d’émotion et fond en larmes, qui coulent sur les pieds du Maître. Le voyant, confondue mais aimante, elle les essuie de ses cheveux, et dans ce contact si proche, au comble de l’admiration, elle couvre de baisers les pieds de son Sauveur, lui dont Isaïe disait : « Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du Messager qui annonce la paix, du Messager de bonne nouvelle qui annonce le salut, qui dit à Sion : ton Dieu règne ! » (Is 52, 7) Il s’agit de Marie de Magdala, que saint Luc nommera ensuite, comme notre Père l’a démontré. Et Jésus accepte sans mot dire ces gestes d’une hardiesse absolument dépourvue de tout respect humain, d’une étonnante ferveur. Au grand scandale du Pharisien, qui ne blâme pas tant celle qui les pratique que Celui qui les accueille avec tant de bénignité : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse ! »

Mais Jésus, prenant la parole, lui dit :

« Simon, j’ai quelque chose à te dire.

 Parle, maître, répondit-il.

 Un créancier avait deux débiteurs ; l’un devait cinq cents deniers, l’autre cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi rembourser, il fit grâce à tous deux. Lequel des deux l’en aimera le plus ? »

Simon répondit : « Celui-là, je pense, auquel il a fait grâce de plus. »

Il lui dit : « Tu as bien jugé. »

C’était facile, et le pharisien, gonflé de sa justice “ raisonnable ”, croyait s’en tirer à bon compte. Mais Jésus continue :

« Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m’as pas versé d’eau sur les pieds ; elle, au contraire, m’a arrosé les pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as pas donné de baiser ; elle, au contraire, depuis que je suis entré, n’a cessé de me couvrir les pieds de baisers. Tu n’as pas répandu d’huile sur ma tête ; elle, au contraire, a répandu du parfum sur mes pieds. »

« Le jeu entre le “ tu ” et le “ elle ” marque en traits vifs la grande division des âmes : entre celles qui se croient “ justes ”, et ne peuvent l’être aux yeux de Dieu, et celles qui, se reconnaissant pécheresses, implorent leur pardon. » (cf. frère Thomas de Notre-Dame du Perpétuel Secours, La disciple que Jésus aimait, in Il est ressuscité n°  82, juin 2009)

« À cause de cela, je te le dis, ses péchés, ses nombreux péchés, lui sont remis parce qu’elle a montré beaucoup d’amour. »

On attendrait, dans la ligne de la parabole : “ C’est pourquoi, parce que je lui ai beaucoup pardonné, elle m’aime beaucoup. ” Mais Jésus, de science divine, connaît toutes les facettes de cette relation : cette femme a aimé, parce que, pardonnée, elle a compris qu’elle était aimée, et cet amour, cette connaissance de Jésus qui l’a excitée au repentir, va croître encore à la mesure des grâces du Christ à son égard. Et Jésus, qui l’a aimée le premier, alors qu’elle était encore dans son péché, peut, à la mesure de son amour à elle, lui remettre plus pleinement ses fautes.

« Mais celui à qui on remet peu montre peu d’amour. »

Celui à qui on remet peu n’est pas celui qui, préservé par la Grâce, n’aurait pas de péché, mais plutôt celui qui refuse de reconnaître les siens, de les regretter, et n’est donc pas pardonné ! Il s’agit là du pharisien et de ses semblables qui se croient “ justes ”, irréprochables selon leurs préceptes formalistes, se complaisant en eux-mêmes, autosuffisants ; alors qu’ils n’ont pas l’amour de Dieu, ils ne l’ont jamais connu, comme Notre-Seigneur vient de le dire à ceux de Jérusalem.

« Se tournant de nouveau vers la femme, Jésus lui dit, avec une souveraine simplicité : « Tes péchés sont remis. » Parole opérante, quoi qu’en pensent Simon et ses convives pharisiens, certains d’une chose : un homme ne peut pas pardonner les péchés. Marie-Madeleine le sait bien aussi, mais elle a compris que Jésus était plus qu’un homme : l’Envoyé de Dieu, Dieu lui-même. » (ibid.)

« 49 Et ceux qui étaient à table avec lui se mirent à dire en eux-mêmes : Qui est-il celui-là qui va jusqu’à remettre les péchés ? 50 Mais il dit à la femme : Ta foi t’a sauvée ; va en paix. ” » (Lc 7, 39-50)

À cette femme pécheresse, mais contrite et aimante, Notre-Seigneur donne tout son amour et le don de sa paix, parce que, dans sa conversion, elle figure ce qu’Il attend de son peuple, que maintes fois les prophètes avaient comparé à une épouse infidèle, ingrate, adultère à son Dieu. C’est un amour très particulier qui commence, parabole en action de l’amour de Jésus pour son Église, pour toutes les âmes pécheresses, les brebis perdues qu’il appelle à Lui.

« L’exemple de cette femme, écrivait notre Père, et la douce acceptation de Jésus nous engagent, si mauvais que nous soyons, dans cette voie de la conversion, si aimable, si charmante, où notre cœur de chair trouve à se fixer dans un autre Cœur de chair, à jamais, où notre sensibilité trouve à aimer ce frère, cet époux, meilleur et plus beau que tout. L’Épouse infidèle du Dieu de l’Alliance Ancienne se plaignait à Lui : “ Oh ! que ne m’es-tu un frère ! Te rencontrant dehors je pourrais t’embrasser. Je te conduirais dans la maison de ma mère, là tu m’enseignerais ! je te ferais boire d’un vin parfumé, de ma liqueur de grenades. ” Et voici que Jésus a répondu pleinement à ces demandes insensées. » (Lettre à mes amis n° 111)

« 1 Et il advint ensuite que Jésus cheminait à travers villes et villages, prêchant et annonçant la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu. Les Douze étaient avec lui, 2 ainsi que quelques femmes qui avaient été guéries d’esprits mauvais et de maladies : Marie, appelée la Magdaléenne, de laquelle étaient sortis sept démons. » (Lc 8, 1-2)

C’est elle, dont saint Luc révèle maintenant le nom, ainsi que la première grâce que Jésus lui a faite, cause de son amour débordant. La voilà qui suit Jésus maintenant : « Tout a disparu aux yeux de Marie-Magdeleine et, si vous voulez, dites qu’elle est amoureuse de Jésus, cela même ne choque pas, continuait notre Père. Elle jouit de sa présence, elle vit dans un continuel, un saint transport ; elle écoute le cœur ravi ses paroles suaves, elle est blessée à l’intime par son regard dont elle ne peut longtemps soutenir l’éclat et la majesté. Pour les Apôtres, parmi les choses étonnantes dont ils sont témoins, dont ils ne s’étonnent pas, mais qu’ils méditent dans leur cœur, la moindre n’est pas cette attentive dilection que Jésus marque à cette femme et la tendresse qu’il accepte d’elle. » (ibid.)

Avec elle, « 3 Jeanne, femme de Chouza, intendant d’Hérode, Suzanne et plusieurs autres, qui les assistaient de leurs biens. »

Tous ces gens dont Jésus a conquis le cœur forment une famille autour de lui, par lui, et pour lui. Ainsi prend corps le Royaume, qui bientôt sera l’Église : la famille de ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui s’attachent à Jésus avec foi et par amour. Il manque encore la Mère de famille, qui va pouvoir les rejoindre bientôt.

AUX CŒURS FERMÉS, 
JÉSUS PARLE EN PARABOLES (JUIN 29).

« En ce jour-là, Jésus sortit de la maison et s’assit au bord de la mer. 2 Et des foules nombreuses s’assemblèrent auprès de lui, si bien qu’il monta dans une barque et s’assit ; et toute la foule se tenait sur le rivage. 3 Et il leur parla de beaucoup de choses en paraboles. » (Mt 13, 1-3)

Nous sommes au milieu du mois de juin de l’an 29, Notre-Seigneur commence un enseignement nouveau :

« 4 Comme une foule nombreuse se rassemblait et que de toutes les villes on s’acheminait vers lui, il dit par parabole : 5 Le semeur est sorti pour semer sa semence. Et comme il semait, une partie du grain est tombée au bord du chemin ; elle a été foulée aux pieds et les oiseaux du ciel ont tout mangé. 6 Une autre est tombée sur le roc et, après avoir poussé, elle s’est desséchée faute d’humidité. 7 Une autre est tombée au milieu des épines et, poussant avec elle, les épines l’ont étouffée. 8 Une autre est tombée dans la bonne terre, a poussé et produit du fruit au centuple. ” Et, ce disant, il s’écriait : Entende, qui a des oreilles pour entendre ! ” » (Lc 8, 4-8)

« 10 Quand il fut à l’écart, ceux qui l’entouraient avec les Douze l’interrogeaient sur les paraboles. 11 Et il leur disait : À vous le mystère du Royaume de Dieu a été donné ; mais à ceux-là qui sont dehors tout arrive en paraboles, 12 afin qu’ils aient beau regarder et ne voient pas, qu’ils aient beau entendre et ne comprennent pas, de peur qu’ils ne se convertissent et qu’il ne leur soit pardonné. ” » (Mc 4, 10-12)

Ce dernier verset est une citation de l’oracle de Yahweh au prophète Isaïe, pour l’envoyer à son peuple tellement enfoncé dans son adultère que seul le châtiment peut le mener à une sincère conversion, exempte d’hypocrisie ou de calcul politique.

Notre-Seigneur se heurte au même mystère d’iniquité. Parmi ceux-là qui sont dehors, il y a des hommes qui lui sont foncièrement hostiles, des scribes ou des pharisiens à l’affût du moindre geste qui pourrait leur donner matière à le critiquer, l’accuser, ainsi que des agents des grands-prêtres de Jérusalem, envoyés pour l’espionner. Ils sont dans un tel endurcissement de cœur, inspiré par le Diable leur père, qu’ils sont absolument inaccessibles à l’enseignement de Notre-Seigneur. C’est premièrement pour eux qu’Il prêche en paraboles, afin qu’ils ne le saisissent pas tout de suite, ou qu’ils ne soient pas tentés de se soumettre hypocritement à lui, pour entrer dans son Royaume par crainte ou par ambition. Notre-Seigneur va ainsi garder sa liberté de prédication pendant encore plusieurs mois.

Parmi ceux qui l’écoutent, la foule, dans sa majeure partie, est admirative, mais animée par des sentiments très superficiels. Enthousiasmés par ses miracles, ils le reconnaissent pour un prophète, peut-être même le Messie ? “ Alors, il va nous délivrer, chasser les Romains, nous donner enfin la prospérité et la paix que Dieu a promise à notre peuple ! ”

L’attente messianique juive à ce moment-là, est largement imparfaite... L’enthousiasme de cette foule déjà, est mitigé, mais pour ne pas précipiter leur désaffection en révélant clairement ce qu’est le Royaume spirituel, de salut et de sanctification, qu’il vient instaurer, Jésus va leur parler en énigme, pour leur donner à méditer, plutôt que les mettre tout de suite au pied du mur. Ces paraboles les charment. Jésus était un conteur merveilleux, les foules étaient ravies de l’écouter. Leur curiosité spirituelle était éveillée : « Qu’est-ce que cela veut dire ? » et donc leurs esprits étaient tenus en suspens.

À ses Apôtres en revanche, Jésus dit toute la vérité parce qu’ils devront en témoigner, fût-ce même par la trahison. Il leur livre le secret du royaume de Dieu, leur expliquant chaque fois autant qu’ils en auront besoin, s’étonnant quand même de leur lenteur à comprendre.

Dans des circonstances semblables, deux mille ans plus tard, la Sainte Vierge usera de la même méthode que son Fils, à Fatima, se heurtant à la même incrédulité des âmes : Elle n’a pu révéler qu’en termes voilés les ressorts divins de notre actualité, dans la troisième partie de son Grand Secret.

Jésus explique donc à ses Apôtres : « 14 Le semeur, c’est la Parole qu’il sème. 15 Ceux qui sont au bord du chemin où la Parole est semée sont ceux qui ne l’ont pas plus tôt entendue que Satan arrive et enlève la Parole semée en eux. » (Mc 4, 14-15)

Ce sont les pharisiens, les sadducéens, ces impies dont la haine grandit à chaque révélation de Notre-­Seigneur, à chaque manifestation de sa bonté, de Sa Sainteté.

« 16 Et de même ceux qui sont semés sur les endroits rocheux, sont ceux qui, quand ils ont entendu la Parole, l’accueillent aussitôt avec joie, 17 mais ils n’ont pas de racine en eux-mêmes et sont les hommes d’un moment : survienne ensuite une tribulation ou une persécution à cause de la Parole, aussitôt ils succombent. »

On pense à cette foule de Galiléens qui l’écoutent, qui l’admirent, mais qui auront tôt fait de l’abandonner, quand surviendront les menaces des chefs du peuple.

« 18 Et il y en a d’autres qui sont semés dans les épines : ce sont ceux qui ont entendu la Parole, 19 mais les soucis du monde, la séduction de la richesse et les autres convoitises les pénètrent et étouffent la Parole, qui demeure sans fruit. »

Cette distinction des âmes est éternelle, et invite tous ceux qui entendent cette parabole à examiner leur conscience, pour, si par une mystérieuse prédestination, nous nous trouvons endurcis, inconstants ou passionnés, implorer la miséricorde de notre Père céleste.

« 20 Et il y a ceux qui ont été semés dans la bonne terre : ceux-là écoutent la Parole, l’accueillent et portent du fruit, l’un trente, l’autre soixante, l’autre cent. » (Mc 4, 16-20)

Cette prédication en parabole est un tournant dans le ministère de Notre-Seigneur. Voilà déjà trois mois qu’il prêche, et Il voit, Il sait que les âmes qui l’écoutent ne lui donnent pas vraiment leur foi. Certains, déjà, le haïssent, tandis que d’autres l’admirent, mais en gardant leur quant-à-soi, qui les fera peu à peu prendre leur distance, et finalement trahir quand la situation s’envenimera. Jésus les avertit ainsi, en termes voilés, qu’ils sont sur une mauvaise pente, comme Il vient de le faire, mais en toute clarté, à Jérusalem. Et, de la même manière, il poursuit sa Révélation, car le temps presse !

LE ROYAUME RÉVÉLÉ EN PARABOLES.

Ce sont d’abord les Paraboles du Royaume, que saint Marc et saint Matthieu ont regroupées comme en un seul discours.

Une première leçon de la parabole du semeur est que le Règne de Dieu n’est pas un État ni une armée, la restauration de la monarchie davidique, comme les juifs le rêvaient. Le Règne de Dieu, c’est la Parole de Jésus reçue par les âmes avec foi, qui portera du fruit en son temps. « Ce sont ces multitudes d’âmes qui sont comme des petits pots dans lesquels on a mis une bouture, disait notre Père. Alors la bouture est là dans le pot et tout cela, c’est une floraison qui va commencer à venir. C’est cela le Royaume de Dieu planté par Jésus. »

« 24 Il leur proposa une autre parabole : Il en va du Royaume des Cieux comme d’un homme qui a semé du bon grain dans son champ. 25 Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi est venu, il a semé à son tour de l’ivraie au beau milieu du blé, et il s’en est allé. » (Mt 13, 24-30) Quand le blé eut poussé, et que parut l’ivraie, le Père, sachant bien que c’était là l’œuvre de quelques ennemis, dit à ses serviteurs d’attendre la moisson pour ramasser l’ivraie afin de la jeter au feu, avant de recueillir le blé pour son grenier.

« 26 Et il disait : Il en est du Royaume de Dieu comme d’un homme qui aurait jeté du grain en terre : – nous savons maintenant qui est ce Semeur – 27 qu’il dorme et qu’il se lève, nuit et jour, la semence germe et pousse, sans qu’il s’en aperçoive. 28 D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, puis plein de blé dans l’épi. 29 Et quand le fruit s’y prête, aussitôt il y met la faucille, parce que la moisson est à point. ” » (Mc 4, 26-29)

Notre Père expliquait : « Jésus vient, il sème la parole en Galilée, il passe. Aux jours de sa Passion, il va dormir du sommeil de la mort, puis il se redressera, ressuscité. Mais, de jour et de nuit, c’est-à-dire pendant qu’il est là et pendant la nuit de son sommeil dans son tombeau, la Parole est là dans la terre. Et si c’est la bonne terre, cette Parole continue, le règne de Dieu va continuer, que Jésus soit là ou que Jésus ne soit pas là. Amplifions encore : il y aura des siècles où l’Église triomphera, il y aura des siècles où Jésus semblera mourir avec son Église et disparaître, cela ne fait rien. Tout à l’heure, il sera dans la tempête, il dormira figurez-vous ! Il dormira, mais il sera bien présent.

« Eh bien ! de la même manière à travers les siècles, on croira qu’il dort, mais il est toujours présent ; et il sait très bien que la semence ainsi semée dans les cœurs produit son fruit, pousse sa tige et cela va grandir jusqu’au moment de la moisson, et quand la moisson sera prête, il va mettre la faucille au pied du blé et va récolter son bon grain. » (S 90, Retraite sur l’Évangile selon saint Marc, 1986)

C’est donc un avertissement donné aux disciples pour qu’ils restent fidèles à croire en Lui malgré toutes les épreuves, les désaffections.

« 30 Et il disait : Comment allons-nous comparer le Royaume de Dieu ? Ou par quelle parabole allons-nous le figurer ? 31 C’est comme un grain de sénevé qui, lorsqu’on le sème sur la terre, est la plus petite de toutes les graines qui sont sur la terre ; 32 mais une fois semé, il monte et devient la plus grande de toutes les plantes potagères, et il pousse de grandes branches, au point que les oiseaux du ciel peuvent s’abriter sous son ombre. ” » (Mc  4, 30-32)

C’est encore dire que le Royaume ne va pas venir instantanément, comme un jugement, ni comme une conquête politique : Jésus sème sa Parole dans ce peuple juif qui est un infime canton de l’univers, et encore, ils sont peu à la recevoir dignement, mais pourtant, cette semence a en elle-même une force telle que son Royaume va conquérir le monde. Avec ses douze Apôtres, douze pauvres Galiléens, Notre-Seigneur a conquis le monde entier.

La parabole du levain (Mt 13, 33) a un sens similaire : une lente croissance du Royaume de Dieu par la force cachée qui est en lui.

« 36 Alors, laissant les foules, il vint à la maison ; et ses disciples s’approchant lui dirent : Explique-nous la parabole de l’ivraie dans le champ. ” 37 En réponse il leur dit : Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ; 38 le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les sujets du Royaume ; l’ivraie, ce sont les sujets du Mauvais ; 39 l’ennemi qui la sème, c’est le Diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; et les moissonneurs, ce sont les anges. 40 De même donc qu’on enlève l’ivraie et qu’on la consume au feu, de même en sera-t-il à la fin du monde : 41 le Fils de l’homme enverra ses anges, qui ramasseront de son Royaume tous les scandales et tous les fauteurs d’iniquité, 42 et les jetteront dans la fournaise ardente : là seront les pleurs et les grincements de dents. 43 Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père. Entende, qui a des oreilles ! ” » (Mt 13, 36-43)

Donc au moment même où Notre-Seigneur prêche, Satan passe dans cette foule et jette sa semence de jalousie, d’orgueil, de haine, qui finira par tous les emporter ! Il en sera de même dans l’Église, mais on voit la longanimité divine, qui laisse dans son champ ces ferments d’iniquité, pour leur laisser le temps de se convertir, jusqu’au Jugement dernier, où alors il n’y aura pas de rémission.

C’est aussi la première fois dans l’Évangile que Notre-Seigneur annonce si clairement aux Galiléens, après l’avoir fait à Jérusalem, le Jugement dernier qui décidera de l’éternité des âmes, béatitude ou châtiment. C’est aussi le sens de la parabole du filet :

« 47 Le Royaume des Cieux est encore semblable à un filet qu’on jette en mer et qui ramène toutes sortes de choses. 48 Quand il est plein, les pêcheurs le tirent sur le rivage, puis ils s’asseyent, recueillent dans des paniers ce qu’il y a de bon, et rejettent ce qui ne vaut rien. 49 Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges se présenteront et sépareront les méchants d’entre les justes 50 pour les jeter dans la fournaise ardente : là seront les pleurs et les grincements de dents. » (Mt 13, 47-50)

Alors cela vaut la peine de tout quitter pour entrer dans ce Royaume, c’est le sens des paraboles du trésor et de la perle : « 44 Le Royaume des Cieux est semblable à un trésor qui était caché dans un champ et qu’un homme vient à trouver : il le recache, s’en va ravi de joie vendre tout ce qu’il possède, et achète ce champ.

« LES SPLENDEURS DE L’ADOPTION DIVINE »

C’ÉTAIT bien pour mani-   fester, dans un monde qui l’ignorait, la splendeur de l’adoption divine que Jésus et Marie renoncèrent à leur douce affection [...]. À ce cousinage trop persuadé de la vertu du sang et de la race, mais bien négligent de la sainteté intérieure, Jésus veut révéler le don divin offert à toute âme généreuse.

« Les premiers liens, de la naissance, ne sont que des privilèges, ceux de l’adoption par grâce que Jésus propose maintenant sont en tous points meilleurs car ils proviennent de la pure inclination du cœur. Il fallait que Jésus délaisse les siens et s’entoure de pauvres gens, de pécheurs et de simples, pour montrer à tous combien peu comptent à ses yeux les conditions de la chair, mais bien plus l’accueil de la Parole de Dieu. Son divin Cœur fait paraître son amour pour ceux qui l’entendent et le suivent, et se lie à eux par des liens immortels dont les autres ne sont que l’ombre et le signe.

«  [...]  En nous dissuadant d’envier sa Mère et ses frères pour nous faire découvrir cette autre parenté de la grâce qu’il est venu instaurer avec l’humanité, Jésus ne souligne-t-il pas pour son Église le vrai sens et le secret de la maternité divine de Marie ? Renversant nos conceptions, ne nous apprend-il pas l’ordre providentiel où la créature sanctifiée est appelée de son plein gré et par sa docilité attentive à entrer elle-même dans l’intimité de Dieu ? Marie a écouté la parole de Dieu et l’a gardée en son cœur jusqu’au jour où il lui a été donné pour cela de former encore de sa chair et de nourrir de son propre sein cette Parole incarnée.

« “ La volonté de mon Père est que vous portiez du fruit, en abondance ”, disait Jésus et la Vierge demeure à jamais l’incomparable exemple de cette fécondité.

« Elle a été d’abord la servante du Verbe en esprit, l’incarnation n’a été que la manifestation dans la chair de cette fidélité du cœur. »

(Lettre à mes amis n° 14, mai 1957.)

« 45 Le Royaume des Cieux est encore semblable à un négociant en quête de perles fines : 46 en ayant trouvé une de grand prix, il s’en est allé vendre tout ce qu’il possédait et il l’a achetée. » (Mt 13,  44-46)

Et Notre-Seigneur avertit ses auditeurs : « Faites attention à la manière dont vous écoutez ! Car celui qui a, on lui donnera, et celui qui n’a pas, même ce qu’il croit avoir lui sera enlevé. » (Lc 8, 18). C’est dire : si vous écoutez avec docilité, tout cela pénétrera dans votre cœur et vous enrichira. Si vous écoutez avec un esprit rebelle et orgueilleux, tout ce que vous écouterez ne servira qu’à exciter encore davantage votre rébellion et votre orgueil.

RETROUVAILLES DE JÉSUS ET MARIE : 
“ LE SECRET D’UN COMMUN RENONCEMENT ”.

Un de ces jours où Notre-Seigneur prêchait ses paraboles, à Capharnaüm, dans la maison de Simon Pierre, « 19 sa mère et ses frères vinrent alors le trouver, mais ils ne pouvaient l’aborder à cause de la foule ». Saint Marc précise qu’ils viennent « pour se saisir de lui, car ils disaient : Il a perdu le sens. ” » (Mc 3, 21)

Les frères de Jésus sont en fait ses proches, plus ou moins liés aux esséniens. Frère Bruno explique qu’ils sont scandalisés par la liberté avec laquelle Il côtoie des païens et des pécheurs, gens impurs dont le contact est prohibé (cf. Bible, Archéologie, histoire, t. 2, p. 6). Eux aussi le jugent, et ils forcent la Vierge Marie sa Mère à les accompagner afin de le ramener chez eux. On devine à cet épisode, ce que fut la souffrance du Cœur Immaculé de Marie, quand elle resta seule à Nazareth, sous la tutelle de ces hommes orgueilleux et incompréhensifs.

Donc, tandis que Jésus est dans la maison de Simon-Pierre, « 31 sa mère et ses frères arrivent et, se tenant dehors, ils le firent appeler. 32 Il y avait une foule assise autour de lui et on lui dit : Voilà que ta mère et tes frères et tes sœurs sont là dehors qui te cherchent.  ” » (Mc 3,  31-32), Mais Jésus leur répondit : « “ Qui est ma Mère ? Et qui sont mes frères ? 49 Et étendant la main sur ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères. 50 Car quiconque fait la Volonté de mon Père qui est dans les Cieux, c’est lui qui est mon frère, et ma sœur, et ma Mère. » (Mt 12, 48-50)

La Mère est bien à part des frères et sœurs. Et tandis que les frères incrédules sont écartés, c’est bien un discret éloge de sa Sainte Mère que fait Notre-Seigneur, comme l’explique admirablement notre Père (encart page précédente).

À ce moment-là, Notre-Seigneur a pu faire savoir à la Vierge Marie de rester avec lui, dans le groupe de ses disciples. Notre Père disait qu’il fallait un groupe de saintes Femmes parmi lesquelles elle puisse rester discrète, effacée. Quelle joie pour Elle ! Elle ne le quitte plus du regard, se nourrissant des mouvements, des émotions de son Visage, s’attachant à Lui, marchant avec Lui vers la Croix, unie à tous ses sentiments, ses désirs, ses prières, ses souffrances.

SIGNES ÉCLATANTS (JUIN - JUILLET 29).

Or, « 35 ce jour-là, le soir venu, il dit à ses disciples : Passons sur l’autre rive. ” 36 Et laissant la foule, ils l’emmènent, comme il était, – comme ça, sans même aller chercher un manteau – dans la barque ; et il y avait d’autres barques avec lui. 37 Survient alors une forte bourrasque, et les vagues se jetaient dans la barque, de sorte que déjà elle se remplissait. 38 Et lui était dans la poupe, dormant sur le coussin.  Ils le réveillent et lui disent : Maître, tu ne te soucies pas de ce que nous périssons ? 39 S’étant réveillé, il tança le vent et dit à la mer : Silence ! Tais-toi ! Et le vent tomba et il se fit un grand calme. 40 Puis il leur dit : Pourquoi avez-vous peur ainsi ? N’avez-vous pas encore de foi ? ” » (Mc 4, 38-40)

Notre-Seigneur leur a expliqué dans ses paraboles que le Règne de Dieu s’instaurerait inexorablement, « qu’il dorme ou qu’il se réveille » (Mc 4, 27). Il faut maintenant croire, et avoir en Lui une confiance absolue, c’est ce qu’il leur montre par ce miracle, qui est aussi une parabole en action : la barque dans la tempête du lac représente l’Église avec les évêques, successeurs des Apôtres, et le Pape, successeur de Pierre, qui affronteront l’agitation des éléments soulevés contre l’Église par les démons.

L’archéologie a donné récemment une preuve de l’authenticité de ce récit. Saint Marc écrit que Jésus dormait dans la poupe. Alors pour une barque de pêcheur, on ne comprend pas, et souvent nos bibles traduisent : sur la poupe. Mais ce n’est pas une faute de style : l’évangéliste écrit ce qu’il a entendu raconter par saint Pierre, le patron du bateau. En effet, une embarcation retrouvée sur le fond vaseux de la mer de Galilée en 1991, datée au radiocarbone du premier siècle de notre ère, montre qu’il existait un logement pour ranger les filets, sous le pont arrière de l’embarcation. Là, Jésus pouvait dormir à l’abri du vent, dans la poupe.

« Alors ils furent saisis d’une grande crainte et ils disaient les uns aux autres : Qui est-il donc, Celui-là, que même le vent et la mer lui obéissent ? ” » (Mc 4, 41)

Le vent et la mer, “ personne ne peut y toucher ”, comme disait Maria Rosa après le miracle du soleil. Personne sinon Dieu seul. Les disciples sont en passe de faire l’acte de foi que Jésus veut susciter en eux par ces miracles éclatants.

Nous sommes à la fin du mois de juin, ou au début du mois de juillet 29.

JE RÊVE D’UN ENVOL

Il est difficile de rester   au milieu du monde sans en être, d’endurer les épreuves de la vie, de vaincre les tentations, de subir contradictions et persécutions à cause de vous ! Il est tellement meilleur de tout quitter pour vous suivre et demeurer où vous êtes ! Je veux m’en aller dans le sein du Père où, revenu, vous m’attirez. Seigneur, accédez à mon désir !

Mais je songe à ce possédé que vous aviez délivré au pays de Gérasa, sur la rive orientale. Les gens vous demandaient de vous éloigner de leurs parages, à cause des porcs qui s’étaient jetés du haut de la falaise dans la mer. Mais comme vous montiez dans la barque pour vous en aller, l’homme vous suppliait de le prendre avec vous. Je suis comme cet homme. Les gens de mon pays vous rejettent. Ils vous craignent, mais vous les gênez. Pour moi, je voudrais quitter ce monde où les cochons comptent plus que les hommes et partir avec vous pour ne plus vous quitter. Pourtant vous n’avez pas accordé cette grâce au possédé délivré. Vous ne lui permîtes pas de vous suivre, vous lui dîtes : “ Rentre chez toi, auprès des tiens, et annonce-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi, et qu’il a eu pitié de toi. ” Et il s’en retourna, et se mit à publier dans la Décapole tout ce que vous aviez fait pour lui. Et tous étaient dans l’admiration...

J’admire ce Gérasénien et tant d’autres qui, fidèles à la grâce reçue, les yeux fixés sur vous qu’ils avaient rencontré un jour, ont persévéré à leur place, chez eux, parmi leurs proches. Puisque vous ne les attiriez pas dans les Cieux à votre suite et les laissiez sur terre, ils trouvèrent la manière, que je voudrais avoir, de vivre en leur cœur auprès de vous, mais de corps et d’occupations là où votre Providence les laissa. Ils avaient entendu le conseil ardent de l’Apôtre : “ Si vous êtes ressuscité avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, là où le Christ est assis à la droite de Dieu, savourez les choses d’en haut et non celles de la terre. ” (Col  3)

(Page mystique no 11, mai 1969)

« 26 Ils abordèrent au pays des Géraséniens, lequel fait face à la Galilée. 27 Comme il mettait pied à terre, vint à sa rencontre un homme de la ville, possédé de démons. Depuis un temps considérable, il n’avait pas mis de vêtement ; et il ne demeurait pas dans une maison, mais dans les tombes.

« 28 Voyant Jésus, il poussa des cris, se jeta à ses pieds et, d’une voix forte, il dit : Que me veux-tu, Jésus, fils du Dieu Très-Haut ? Je t’en prie, ne me tourmente pas.

« 29 Il prescrivait en effet à l’esprit impur de sortir de cet homme. Car, à maintes reprises, l’esprit s’était emparé de lui ; on le liait alors, pour le garder, avec des chaînes et des entraves, mais il brisait ses liens et le démon l’entraînait vers les déserts. 30 Jésus l’interrogea : Quel est ton nom ? Il dit : Légion ”, car beaucoup de démons étaient entrés en lui – au sens littéral, cela signifie qu’ils étaient six mille à posséder cet homme –. 31 Et ils le suppliaient de ne pas leur commander de s’en aller dans l’abîme. » (Lc 8, 26-31)

On découvre que les démons ont une psychologie... Qu’ils se trouvent bien là où ils sont, et qu’ils ne voudraient surtout pas retourner en enfer.

« 11 Or il y avait là, sur la montagne, un grand troupeau de porcs en train de paître. 12 Et les esprits impurs supplièrent Jésus en disant : Envoie-nous vers les porcs, que nous y entrions. ” 13 Et il le leur permit. »

Notre Père commentait : « Voilà donc Notre-­Seigneur qui discute, qui négocie avec les démons : “ Allez, libérez-moi cet homme !

– Oui, oui, mais vous n’allez pas nous chasser du pays, on est là trop bien !

– Bon, bon, mais qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse pour vous ?

– Ben... dans les cochons, là, on sera très bien dans les cochons.

– Bon, ben, allez dans les cochons ! ”

C’est incroyable, tellement incroyable que cela nous sert à prouver la véracité du récit : on ne voit absolument pas dans quel but apologétique saint Marc aurait pu écrire cela ! Ce qui est même étonnant, c’est qu’il ait raconté cela d’un bout à l’autre, cela ne plaide pas pour son Saint ! Jésus, ici, ne semble pas avoir une puissance telle que, dans une seule parole, il règle toutes les difficultés. » (retraite sur L’Évangile selon saint Marc, 1986)

« Sortant alors, les esprits impurs entrèrent dans les porcs et le troupeau se précipita du haut de l’escarpement dans la mer, au nombre d’environ deux  mille, et ils se noyaient dans la mer. »

« 14 Leurs gardiens prirent la fuite et rapportèrent la nouvelle à la ville et dans les fermes ; et les gens vinrent pour voir ce qui s’était passé. 15 Ils arrivent auprès de Jésus et ils voient le démoniaque assis, vêtu et dans son bon sens, lui qui avait eu la Légion, et ils furent pris de peur. 16 Les témoins leur racontèrent comment cela s’était passé pour le possédé et ce qui était arrivé aux porcs. 17 Alors ils se mirent à prier Jésus de s’éloigner de leur territoire. »

Pour ces païens, il n’y a pas de doute : il eût mieux valu que le possédé restât possédé, et qu’ils aient toujours leurs porcs. Donc ils disent à Jésus : « Très bien, mais circulez, portez votre Évangile ailleurs. »

« 18 Comme il montait dans la barque, l’homme qui avait été possédé le priait pour rester en sa compagnie. 19 Il ne le lui accorda pas, mais il lui dit : Va chez toi, auprès des tiens, et rapporte-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde. ” 20 Il s’en alla donc et se mit à proclamer dans la Décapole tout ce que Jésus avait fait pour lui, et tout le monde était dans l’étonnement. » (Mc 5, 11-20) (encart page précédente)

Saint Marc, mine de rien, affirme que Jésus est le Seigneur, c’est-à-dire, Dieu lui-même. Telle est bien la conclusion que les Apôtres devraient tirer de cet exorcisme de milliers de démons !

« 40 À son retour, Jésus fut accueilli par la foule, car tous étaient à l’attendre. 41 Et voici qu’arriva un homme du nom de Jaïre, qui était chef de la synagogue. Tombant aux pieds de Jésus, il le priait de venir chez lui, 42 parce qu’il avait une fille unique, âgée d’environ douze ans, qui se mourait. Et comme il s’y rendait, les foules le serraient à l’étouffer. » (Lc 8, 40-42)

« Se levant, Jésus le suivait » (Mt 9, 19). Notre Père était très frappé par ce verset de saint Matthieu : « Devant cet homme qui le presse de venir vite chez lui car sa fille se meurt, Jésus se lève et il va. C’est cela qui m’a donné une émotion terrible. Jésus se lève et il va. Quelle évocation du Cœur de Jésus ! Cette fille unique qui va mourir, ce père qui lui a serré le cœur de pitié... Toujours la pitié de Jésus ! »

SAINTE VÉRONIQUE, HÉMORROÏSSE 
MIRACULÉE, GARDIENNE DU SAINT SUAIRE.

Cette fresque de la catacombe de saint Pierre et de saint Marcellin, datée de la fin du IIIe siècle, représente la guérison de l’hémorroïsse par le contact de la frange du manteau de Jésus. Admirez la pureté de la ligne qui descend de Jésus jusqu’à la femme agenouillée, ainsi que la légère courbe décrite par le corps du Christ, évoquant la grâce miraculeuse émanée de ce dernier : « Quelqu’un m’a touché, car j’ai senti qu’une force était sortie de moi. » (Lc  8, 46)

Les Actes de Pilate, ou Évangile de Nicodème (Ve  siècle), donnent à cette femme le nom de Bérénice ou Véronique. À partir du VIe siècle, il est question du portrait du Christ possédé, de notoriété publique, par Véronique.

Or, Eusèbe de Césarée rapporte, dans son Histoire ecclésiastique, avoir vu à Césarée de Philippe, devant les portes de la maison de l’hémorroïsse guérie par Jésus, une statue du Christ en airain reproduisant les traits de Jésus, comme « un monument de la bienfaisance du Sauveur à son égard ». L’hypothèse de frère Bruno est que la statue avait été sculptée d’après le Saint Suaire dont cette femme avait reçu le dépôt sacré après l’Assomption de la Vierge Marie (cf. Le Saint Suaire a l’âge de Jésus ressuscité, étude de frère Bruno de Jésus-Marie parue dans la CRC n° 367, mai 2000).

« 25 Or, une femme atteinte d’un flux de sang depuis douze années, 26 qui avait beaucoup souffert du fait de nombreux médecins et avait dépensé tout son avoir sans aucun profit, mais allait plutôt de mal en pis (sic !) 27 avait entendu parler de Jésus ; venant par-derrière dans la foule, elle toucha son manteau. 28 Car elle se disait : Si je touche au moins ses vêtements, je serai sauvée. ” 29 Et aussitôt la source d’où elle perdait le sang fut tarie, et elle sentit dans son corps qu’elle était guérie de son infirmité. » (Mc 5, 25-29)

La maladie de cette femme la mettait en état d’impureté continuelle, selon la Loi mosaïque. Elle n’avait pas le droit de toucher Notre-Seigneur, mais, pensant passer inaperçue dans la foule, déjà, elle croit qu’il suffit de le toucher pour être guérie.

« 45, Mais Jésus s’arrête, se retourne et dit : Qui est-ce qui m’a touché ? Comme tous s’en défendaient, Pierre dit : Maître, ce sont les foules qui te serrent et te pressent. ” »« C’est marrant comme les Apôtres pensent que Jésus est un minus habens », s’exclamait notre Père. Jésus sait bien que la foule le presse ! Mais, patient, il leur explique : « 46 Quelqu’un m’a touché ; car j’ai senti qu’une force était sortie de moi. ” »

« 47 Se voyant alors découverte, la femme vint toute tremblante et, se jetant à ses pieds, raconta devant tout le peuple pour quel motif elle l’avait touché, et comment elle avait été guérie à l’instant même. 48 Et il lui dit : Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix. ” » (Lc 8, 45-48)

Jésus ne voulait pas que cette femme reste ainsi dans sa foi humaine, sa confiance envers le thaumaturge. Il veut manifester que l’important est la guérison de l’âme, qu’Il lui accorde à cause des bonnes dispositions de son cœur : Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix.

Et la petite fille mourante, que devient-elle pendant ce temps-là ? Jésus, qui avait été si pressé d’aller vers elle, prend maintenant le temps d’écouter cette femme raconter toute son histoire...

« 35 Tandis qu’il parlait encore, arrivent de chez le chef de synagogue des gens qui disent : Ta fille est morte ; pourquoi déranges-tu encore le Maître ? ” »

“ Si elle vivait encore, le Maître aurait pu la guérir, mais maintenant qu’elle est morte, on ne peut plus rien faire, c’est impossible... ”

« 36 Mais Jésus, qui avait surpris la parole qu’on venait de prononcer, dit au chef de synagogue : Sois sans crainte ; aie seulement la foi. ” 37 Et il ne laissa personne l’accompagner, si ce n’est Pierre, Jacques et Jean, le frère de Jacques. 38 Ils arrivent à la maison du chef de synagogue et il aperçoit du tumulte, des gens qui pleuraient et poussaient de grandes clameurs. 39 Étant entré, il leur dit : Pourquoi ce tumulte et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte, mais elle dort. ” – Parole d’une infinie profondeur : pour Jésus, la mort corporelle n’est rien. C’est la vie de l’âme qui compte – 40 Et ils se moquaient de lui. Mais les ayant tous mis dehors, il prend avec lui le père et la mère de l’enfant, ainsi que ceux qui l’accompagnaient, et il pénètre là où était l’enfant.

« 41 Prenant la main de l’enfant, il lui dit : Talitha koumi ”, ce qui se traduit : Fillette, je te le dis, lève-toi ! ” » (Mc 5, 35-41)

« “ Alors, l’esprit lui revint ” ». Après avoir mené son enquête “ médico-légale ” auprès de Jean, témoin oculaire, saint Luc voit l’enfant recouvrer ses ­couleurs, et sa respiration redevenir normale, comme s’il y était !

« Quant à Marc, il écrit les souvenirs de Pierre. Il continue : “ Aussitôt, la fillette se leva et elle marchait, car elle avait douze ans. Et ils furent saisis d’une grande stupeur. Et il leur recommanda vivement que personne ne le sût et il dit de lui donner à manger. ”

« Saint Luc parle en bon médecin : “ Il pres­crivit [comme on fait une ordonnance] de lui donner à ­manger. ” (Lc 8, 55) »

« Pourquoi ce souci matériel ? Parce que Jésus a le projet de rendre la vie à ceux qui sont morts, tous les pauvres pécheurs représentés comme des “ cadavres » dans le ­troisième Secret de Fatima, et de leur “ donner à ­manger ” sa propre Chair. »

« À cette âme qui revient à la vie, figure du sa­crement de Pénitence, Jésus prescrit de donner de la nourriture, figure du sacrement de l’Eucharistie. » (frère Bruno de Jésus-Marie, in Il est ressuscité n° 5, mai 2001)

CONCLUSION.

Tempête apaisée, démoniaque libéré, résurrection : autant de signes grandioses, par lesquels Notre-Seigneur manifeste sa divinité, mais de préférence devant le public restreint de ses disciples plutôt que devant la foule qui admire ces prodiges, mais ne se convertit pas ni n’écoute sa Parole. Jésus veut d’abord susciter la Foi chez ses Apôtres, afin qu’ils en témoignent, après sa résurrection, et qu’ils la répandent par toute la terre. Telle est la constitution divine de l’Église : le “ Peuple de Dieu ” reçoit la Vérité de la Foi de la hiérarchie ecclésiastique, et non pas d’une prétendue illumination immanente et individuelle de l’Esprit-Saint.

Mais surtout, pour ce qui est de la foule, « Notre-Seigneur ne se fie pas à eux » (Jn 2, 24). C’est une expression de saint Jean, certainement inspirée par la Sainte Vierge, puisqu’Elle-même l’a employée de nouveau le 13 septembre 1917, dans les mêmes circonstances, pour répondre à certaines demandes de miracles que Lucie lui transmettait. Notre-Seigneur n’est pas un thaumaturge, qui guérit pour rendre le bonheur ici-bas : Il est le Médecin des âmes, ses guérisons figurent la rémission des péchés qu’Il vient procurer, et en soulageant les corps, Il appelle les cœurs à la conversion. Les juifs le comprendront-ils ? Nous lirons le mois prochain frère Bruno raconter le dénouement de cette situation tragique.

frère Joseph-Sarto du Christ Roi.