Il est ressuscité !
N° 261 – Décembre 2024
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
Georges de Nantes
martyr de l’obéissance de la Foi (2)
À partir de l’année 1958, au moment où il était accueilli dans le diocèse de Troyes par Mgr Julien Le Couëdic pour y fonder une communauté de moines- missionnaires dans l’esprit de saint Charles de Foucauld, l’abbé Georges de Nantes devait prendre la défense de l’Église contre une partie d’un clergé français glissant dangereusement vers l’hérésie progressiste.
Cette opposition de notre Père contre ce parti dans l’Église devait s’accentuer le 13 octobre 1961 avec une Déclaration par laquelle les cardinaux et archevêques de France, au nom d’une morale catholique falsifiée, se faisaient les complices actifs de la trahison d’un général de Gaulle livrant sans défense aux couteaux des fellaghas musulmans la terre chrétienne française d’Algérie.
Et cette opposition à un parti progressiste, au sein de l’Église de France, devait conduire notre Père à s’élever contre tout un concile, celui de Vatican II, qui, à des majorités écrasantes, adoptait les lois nouvelles d’une Église réformée, appelée à se fondre au sein d’un ensemble plus vaste, celui du “ Mouvement d’animation spirituelle de la démocratie universelle ”. Et d’une opposition au Concile, notre Père devait en venir au combat dramatique du fils contre son père, d’un simple prêtre contre le pape Paul VI.
Au nom de quelle autorité notre Père a-t-il agi ?
Mais tout simplement au nom de l’autorité de toute l’Église qui impose à ses enfants cette obligation :
« Les fidèles du Christ sont tenus de professer ouvertement leur foi dans toutes les circonstances où leur silence, leurs hésitations ou leur attitude signifierait une négation implicite de la foi, un mépris de la religion, une injure à Dieu ou un scandale pour le prochain. » (c. 1325 § 1 CIC / 1917)
Évidemment, personne n’avait pu imaginer que ce devoir de professer sa foi dut un jour s’exercer à l’encontre des pasteurs, des « vrais docteurs » et « vrais maîtres des fidèles confiés à leurs soins ».
Et c’est ce que notre Père a accompli fidèlement durant toute sa vie sacerdotale. Par esprit de désobéissance ? Par esprit propre ? Par esprit de démesure ? Par orgueil ?
Non pas, mais simplement par obéissance, par obéissance de la foi, de ce don de la foi qu’il reçut à son baptême et qui lui fut enseignée par ses parents, par les prêtres et ses professeurs de séminaire au point d’en jouir, par une grâce tout à fait particulière, avec une plénitude extraordinaire. C’est cette obéissance de la foi qui l’a engagé à la professer suivant une mission singulière, celle de moine-missionnaire, assignée par le Bon Dieu, se retrouvant seul dans un désert, celui d’une Chrétienté dévastée, au milieu d’une génération impie, renégate et apostate, tel Notre-Seigneur face à Caïphe, aux grands prêtres, aux pharisiens et sadducéens, tous rebelles endurcis à son enseignement. Il n’y a pas d’autre explication pour qu’un prêtre à lui seul, sans calcul, sans la moindre ambition de voir aboutir ses prodigieux talents, se soit fait l’héritier de toute la Tradition de l’Église pour prêcher à temps et à contretemps contre les faux frères, pour combattre non pas une seule, mais une multitude d’erreurs doctrinales partagées non plus seulement par un parti, mais par tout un clergé de France, par tout un concile et finalement par le Souverain Pontife en personne.
À la lumière de toute cette Tradition de l’Église dont notre Père avait une connaissance que l’on pourrait dire totale, aimable, savoureuse, mystique, il connaissait et comprenait, dans toute leur profondeur et toutes leurs conséquences sur le salut des âmes des foules de fidèles, les erreurs de leurs pasteurs qui les abandonnaient ou les entraînaient dans leurs passions hérétiques.
C’est cette connaissance et compréhension surhumaine de ces erreurs, qui ravageaient et ravagent encore aujourd’hui le Troupeau, qui a empêché notre Père de s’en faire un tant soit peu le complice par son silence. Il devait parler pour prêcher dans sa plénitude la Vérité de la foi catholique, il n’a cessé de parler pour enseigner les âmes et dénoncer les erreurs des faux prophètes, même en la personne du Pape, et sa parole ne fut jamais prise en défaut. À cet égard la Notification publiée le 9 août 1969 par la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi est d’une importance capitale (cf. Il est ressuscité no 259, octobre 2024, p. 24 à 32). Aucune erreur doctrinale explicitement établie à partir des écrits de notre Père, même dans ces graves accusations en hérésie à l’encontre tant des Actes du concile Vatican II que de ceux du pape Paul VI. D’où cette absence de sanction canonique prise à son encontre dont notre Père a pu tirer deux conséquences.
Première conséquence : « Le mauvais procès qui vient de s’achever, par une apparente, mais illusoire condamnation de notre Contre-Réforme, prouve qu’il y a aujourd’hui en une seule Église et jusqu’au cœur de son unique Chef, deux systèmes irréconciliables, deux traditions dont les eaux mêlées ne se confondent pas. Les juges du Saint-Office pensaient me soumettre à la Réforme au nom de notre commune foi catholique ou, si je m’y refusais, me convaincre de schisme et d’hérésie. Ils ont dû reconnaître en cours de procès qu’il y avait là une impossibilité pratique et doctrinale. Notre Contre-Réforme s’inscrivait dans la ligne de la Tradition catholique, leur Réforme demeurait en deçà de la foi, dans une ligne antagoniste de tradition hérétique. » (Pour l’Église, tome 2, p. 361)
Deuxième conséquence : « La sentence de mes juges admet mon appartenance à l’Église de Jésus-Christ : je ne suis ni hérétique ni schismatique (...). Il est certain que la Contre-Réforme n’a rien de criminel au regard de l’Église sainte. C’est une doctrine et une action qui ne sont pas condamnées. En toute vérité comme en toute justice, nous pouvons être d’Église en toute tranquillité de conscience, nous qui sommes de Contre-Réforme, et même en démontrant chaque jour que c’est la Réforme de l’Église qui est contre l’Église ! Pour nous, prisonniers du Christ, mais libres de tout esclavage humain, nous demeurons dans l’Église, opprimés, vexés, calomniés sans doute, mais notre essentiel est sauf. Nous n’avons qu’à prier Dieu d’abréger notre épreuve, en l’acceptant avec patience, selon sa sainte Volonté (Pour 1’Église, tome 2, p. 360 et 361).
En 1969 devait commencer la deuxième partie de la vie sacerdotale de notre Père par-dessus laquelle passe l’abbé Jean-Eudes Coulomb sans en dire le moindre mot dans son étude canonique. Et pour cause ! Durant vingt-quatre années, en dehors de paroles homicides et vexatoires et de silences assourdissants de la part d’une hiérarchie à vrai dire bien embarrassée, aucune sanction canonique à commenter. Notre Père mena seul, mais avec une impressionnante autorité et la souveraine liberté que lui donnait le droit de l’Église, un gigantesque combat de contre-réforme, d’abord en professant dans sa plénitude la Vérité pour éclairer les âmes, et ensuite pour les prémunir contre les erreurs doctrinales contenues dans les Actes du concile Vatican II et des enseignements subséquents.
frère Bruno de Jésus-Marie.
UNE ŒUVRE DOCTRINALE
DE CONTRE-RÉFORME ET DE RENAISSANCE DE L’ÉGLISE
Le 13 mai 1971, l’abbé Georges de Nantes lance une campagne qui relève le défi du cardinal Suenens :
« Au lieu de nous lamenter et de prêcher inutilement le retour au passé ou la “ réforme ” de Vatican II, mais en “ modéré ”, préparons l’avenir ! »
Il se livre à l’étude attentive et critique des Actes du Concile qui consiste en seize textes, “ constitutions ”, “ décrets ” et “ déclarations ”. Après avoir décelé les germes d’hérésie, de schisme et de scandale semés dans ces documents, il formule, dans un exposé dogmatique, les contre-propositions de schémas réparateurs et conquérants.
« Les questions débattues sont nouvelles, en partie du moins, reconnaissait notre Père, et elles nous contraignent à résoudre des difficultés que les anciens ne connurent pas. Notre catholicisme aura ainsi des progrès théologiques et institutionnels à faire [...]. Nous ne voulons pas “ revenir ” à Vatican I, ni au concile de Trente ni à celui de Nicée ! Nous voulons que Vatican III décante Vatican II, isole et élimine son poison. »
Tel est le programme que l’abbé de Nantes remplira par des conférences mensuelles données salle de la Mutualité, à Paris, pendant vingt-cinq ans, et dans le mensuel de la Contre-réforme catholique au vingtième siècle pour reconstruire une Église figurée dans le “ troisième secret ” de Fatima, publié en l’an 2000, pour l’ “ entrée dans le troisième millénaire ”, comme « une grande ville à moitié en ruine ».
C’est dans cette perspective que notre Père a ouvert les voies d’une “ réforme de la réforme ”, sage et prodigieuse, savante et enthousiasmante, et ce dans toutes les disciplines de notre sainte, unique et vraie religion, qu’elles soient théologiques, exégétiques, mystiques, métaphysiques, philosophiques, morales et même politiques et historiques.
Pour ne donner qu’une idée de leur étendue : une étude sur une théologie kérygmatique revenant à l’annonce franche de la Parole de Dieu sur laquelle les Apôtres ont fondé l’Église le lendemain de la Pentecôte, pour préparer une esthétique mystique dont le point de mire est « la recherche d’une voie ouverte, praticable, vers Dieu, d’union à Dieu possible, parlante et sûre ». Pour une compréhension plus élevée de ce que notre Père appelait notre “ ligne de crête ”, il entreprit le récit historique des grandes crises de l’Église dont il sut tirer les leçons d’un « traditionalisme intelligent » qu’il sut aussitôt mettre en pratique dans une étude des sacrements. Donnée au moment où faisait rage la controverse qui enflammait les cœurs et surtout les passions à propos de la “ nouvelle messe ”, le Père Congar loua publiquement la valeur de cette étude.
Une lumière, reçue en entrant en théologie dogmatique au séminaire, à propos de la notion de “ personne ” illumina toute la vie de notre Père et le conduira à réorganiser tout le savoir humain en définissant l’être privilégié qu’est la personne humaine par ses relations d’origine. Il s’agit de démontrer à l’homme qu’il n’est pas le centre de l’univers ni son terme, qu’il n’est pas à lui-même sa propre fin. Mais qu’étant créature de “ Je Suis ”, il est appelé par Lui à s’accomplir et à se sauver en faisant corps avec ses frères humains, dans le corps du Christ, à la louange de la gloire du Père. Ce sera tout l’enjeu de cette métaphysique relationnelle de notre Père qui se prolongera en une démonstration apologétique pour décrire l’ordre de l’univers sous la lumière de cette certitude de la présence de Dieu sans cesse agissante dans sa création pour la poser dans l’être et en orienter le développement selon une “ orthodromie ” divine. Notre Père scruta ainsi l’histoire universelle pour en découvrir la force axiale : du “ big-bang ” originel à la révélation de Jésus-Christ, où Dieu déclare son amour, à la fondation de l’Église et au retour de toute la création à Dieu, en Elle et par Elle, dans l’amour.
Mais le pilier de cette “ doctrine totale ” enseignée par notre Père, est le grand Message de grâce et de miséricorde pour le salut des âmes, des nations et de l’Église, révélé à Fatima par Notre-Dame en 1917. Dieu « veut » instaurer la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, et ses ministres, en particulier les Souverains Pontifes qui se sont succédé depuis, Jean-Paul Ier excepté, n’ont pas accepté de soumettre leur magistère à cet ordre du Ciel !
Voilà le secret des secrets de ce mystère d’iniquité d’un clergé, répondant à l’appel d’un Paul VI triomphant, se livrant avec frénésie ou par servilité au “ culte de l’homme ”. Le message de Notre-Dame constituera pour notre Père la garantie du Ciel, touchant à la fois la vérité de l’ensemble de son enseignement magistral donné à toutes âmes voulant s’approcher de Dieu, et la légitimité de son combat contre deux terribles tentations, celle de l’hérésie et celle du schisme plaçant chaque fidèle, chaque prêtre dans un inextricable dilemme, du moins pour ceux qui brûlent de l’amour de l’Église et de la fidélité à la foi de leur baptême. Ce dilemme devait connaître à partir de l’année 1969 une intensité inattendue.
COMBAT CONTRE LE SCHISME
Le 21 juillet 1969, l’abbé de Nantes reçut la visite de plusieurs prêtres intégristes qui voulurent l’entraîner à faire schisme. Ils jugeaient, de leur seule autorité, que le nouvel Ordo Missæ qui devait entrer en vigueur le 30 novembre 1969 était hérétique et rendait invalide la célébration du Saint-Sacrifice de la messe, le pape Paul VI étant déposé par le seul fait de l’avoir promulgué.
Notre Père tenta, en vain, de leur montrer qu’en admettant même que le Pape ait été déchu du fait de la promulgation d’une messe hérétique et invalide, encore fallait-il que toute l’Église constate et reconnaisse cette “ déposition ” par un jugement de l’autorité romaine. « Vous pouvez argumenter, démontrer, polémiquer, en formulant une accusation d’hérésie contre Paul VI. Mais tant que le Magistère de l’Église n’aura pas rendu une sentence dogmatique, votre pensée ne sera que l’opinion d’un théologien qui peut se tromper. Donc, il faut obtenir un jugement. »
Ces prêtres ne voulant pas se rendre à ces raisons impérieuses, catholiques et romaines, notre Père les mit littéralement à la porte, ne consentant pas à entretenir des relations avec des clercs ouvertement schismatiques, mais il comprenait que la Maison de Dieu était désormais menacée par un nouveau péril dont la réforme du rite de la messe était l’occasion.
N’étant d’aucun parti pris, notre Père mit aussitôt ses analyses théologiques à l’épreuve de la pratique des Églises locales et de celle de Rome pour faire ce constat : partout, que ce soit à Rome, à Madrid, en Allemagne, en Suisse, au Portugal et même en Australie, le rite nouveau imposé par la volonté du Pape était accepté par tous, quoique sans enchantement. Il était donc impossible d’affirmer que cette Messe est invalide puisque toute l’Église catholique partout dans le monde acceptait de la célébrer quotidiennement. « Toute l’Église n’aurait pu accepter, même par obéissance au Pape, un simulacre de Sacrifice... L’argument est catégorique : si aujourd’hui, partout dans le monde, l’ensemble du clergé catholique célébrait un culte invalide, ne donnant aux fidèles à adorer et consommer que du pain et du vin en lieu et place du Corps et du Sang adorables de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et si toute la communauté catholique participait à ce simulacre en se trompant dans sa foi, alors les promesses du Christ à son Église auraient été vaines, l’enfer aurait prévalu et il n’existerait plus d’Église de Dieu. » (Pour l’Église, t. 3, p. 62)
Le combat de notre Père contre la dérive schismatique devait prendre une tournure dramatique avec Mgr Marcel Lefebvre, chef de file de la minorité traditionaliste lors du Concile et qui l’avait enjoint en 1968 à ne pas accepter l’acte de soumission que les consulteurs du Saint-Office voulaient lui faire signer, ce que notre Père était prêt à faire par un acte héroïque d’obéissance. C’est dire que Mgr Lefebvre était parfaitement conscient de l’hérésie de la réforme conciliaire. Peut-être recommanda-t-il à notre Père de réparer ce que sa propre conscience lui reprochait : d’avoir consenti à soussigner tous les Actes du Concile y compris la déclaration sur la liberté religieuse et la constitution sur l’Église dans le monde de ce temps !
Mais le prélat avait préféré choisir une autre voie que celle d’une opposition frontale qui l’aurait nécessairement conduit à une opposition au Pape. Il fonda en Suisse un séminaire, une fraternité sacerdotale composée de prêtres bien formés pour “ faire l’expérience ” de la tradition et répondre ainsi aux attentes spirituelles des âmes soucieuses d’assurer leur salut... Il passait sous silence toute critique des Actes du Concile et du pape Paul VI vis-à-vis duquel il feignit une ostensible soumission. Pourtant il était évident aux yeux de tous, à commencer à ceux du Pape, que cette fraternité sacerdotale était fondée dans un esprit tout à fait contraire à la réforme conciliaire de l’Église. Et ce qui devait arriver arriva avec l’annulation brutale par Rome de tous les décrets canoniques d’érection du séminaire, annulation que brava Mgr Lefebvre en 1976 en conférant l’ordination sacerdotale à toute une série de séminaristes.
Ainsi, Mgr Lefebvre passait d’une soumission apparente, inconditionnelle et donc coupable au Pape et à sa réforme de l’Église, à une insubordination encore plus coupable en créant un clergé contre des interdictions, des sanctions, contre les prescriptions générales du droit canonique, l’établissant ainsi dans le schisme ou en tout cas dans la voie du schisme.
« Mgr Lefebvre pourra venir à résipiscence, et chacun de ses prêtres et de ses disciples individuellement. Mais son œuvre est à jamais compromise, elle n’a plus d’avenir qu’en dehors de l’Église et contre l’Église. Il est désormais non seulement inutile, mais coupable de s’y associer », écrivait notre Père dans son édito d’août 1976 : « La mauvaise cassure ».
« Mgr Lefebvre déclare qu’à travers lui et ses jeunes séminaristes, c’est le sacerdoce de toujours, c’est la messe de toujours qui sont visés mortellement », écrivait notre Père. « En justifiant sa rébellion par de tels arguments, Mgr Lefebvre se fait une mauvaise propagande et, hélas, hélas ! il fait un tort irréparable aux rites et traditions qu’il voulait sauver. Car il donne pour assuré, pour évident qu’il n’y a de vraie messe que la nôtre ancienne, qu’il n’y a plus de vrai sacerdoce ni de vrai séminaire hors d’Écône et des prêtres formés dans cette tradition qu’il prétend détenir. Quand cet argument liturgique aura été pleinement déployé, toute l’Église comprendra que pareille vue des institutions ecclésiastiques est fausse, est hérétique. On concèdera qu’il y a eu des malfaçons, des excès, des désordres dans la réforme des rites. Mais tous tomberont d’accord que l’Église, le sacerdoce, la messe ne sont pas perdus et qu’ils continuent loin des orgueilleux qui s’en estiment les seuls dépositaires, les derniers fidèles, les uniques sauveurs.
« Quelle absurdité, quel gâchis, quel drame. On ne pouvait pire : ayant raison sur l’essentiel et de sérieux avantages sur le secondaire, se donner tort, se jeter dans l’hérésie, se séparer de l’Unique Église de Jésus-Christ ! »
Notre Père a expliqué l’hérésie soutenue par Mgr Lefebvre pour justifier le schisme dont il s’est irréfragablement rendu coupable par le doute inexcusable, criminel qu’il a jeté sur la validité des sacrements célébrés par l’Église dans les formes rituelles nouvelles, la folle, l’excessive accusation en hérésie, en schisme « portée contre l’Église, l’Église de Rome actuelle, universelle, en Corps constitué », en lieu et place de l’accusation seule possible, légitime et imparable « d’hérésie à l’encontre des hommes d’Église, fussent-ils théologiens, évêques ou Pape » et enfin et surtout la création d’un clergé sans plus aucun lien canonique avec la Hiérarchie c’est-à-dire avec les évêques et le Pape.
Ce que notre Père a écrit hier, en 1976, à propos de Mgr Lefebvre et de toute son œuvre est encore vrai aujourd’hui, ce d’autant que l’intéressé, de son vivant, n’a fait que confirmer et aggraver le schisme dont il s’est rendu coupable, en consacrant en 1988 quatre évêques sans mandat pontifical et avec lesquels il encourut une peine d’excommunication.
« Dans cette période de désorientation conciliaire, désespérer de l’Église, se faire à soi seul une chapelle, une secte ou même un schisme fut la grande tentation pour bon nombre de catholiques traditionalistes, à laquelle finalement beaucoup succombèrent. Ce faisant, ils désertaient le seul combat utile pour le service de l’Église, le combat contre la Réforme. Mais il faut, pour le mener, rester dans l’Église en étant bien persuadé que nous ne sommes pas les sauveurs de l’Église. C’est elle qui est encore et toujours notre salut. Je ne le vois pas, mais je le crois de foi certaine : le salut de l’Église est aujourd’hui, comme hier et toujours, dans ses Pasteurs. Même passagèrement enfoncés dans l’erreur et le sectarisme de leur “ Réforme ”, la grâce subsiste en eux, indéfectible, inapparente, mais prête à rejaillir au jour de Dieu pour le salut de tous. Le trouble peut être grand, le dommage pour les âmes mortel : Dieu ne veut nous gouverner que par la hiérarchie [...]. L’Église n’est pas en nous, elle subsiste en ceux mêmes que nous voyons occupés à sa ruine et que nous croyons cependant, en vertu de leur juridiction apostolique, porteurs de la grâce du Christ. » (La Contre-Réforme catholique n° 25, octobre 1969, p. 12)
Paradoxalement, cette tentation de schisme va donner à l’abbé de Nantes la possibilité de démontrer l’exacte position canonique qu’il est désormais possible de tenir au milieu de l’unique Église du Christ, même sous la contrainte de la part de ses légitimes pasteurs d’une violente et sacrilège réforme.
Comment est-il possible de ne pas se rendre complice de cette réforme de l’Église sans la quitter ? Comment est-il possible de demeurer de bons et fidèles enfants de l’Église sans se rendre complice de cette Réforme qu’ils exècrent ?
« Les bons catholiques [...] sont pris en tenaille par deux tentations auxquelles ils doivent résister. Accepter tout, le désordre et la corruption du culte de la foi, des mœurs, tout cela commandé ou autorisé par une hiérarchie unanime dont le Pape est le Chef, ce à quoi ils sont fortement poussés et contraints... Ou refuser tout en bloc, parce que tout est vraiment trop bête, trop triste, impudique et malfaisant, mais en quittant une Église qui les provoque à la révolte et qui souhaite ouvertement leur départ. Ces deux solutions faciles, trop faciles, sont des péchés. On ne quitte pas l’Église de Jésus-Christ ! On ne se rallie pas à la Réforme moderniste et progressiste ! Alors la solution ? La solution est de refuser la réforme en restant dans l’Église. Mais il n’y a pas moyen de dissocier la Réforme actuelle, de l’Église qui l’impose sauf...
« ... sauf en “ attaquant ” la Personne même du Pape comme étant, et à elle seule, à la jointure des deux mondes, de l’ordre et du désordre, de la Tradition et de la subversion, de l’Œuvre du Christ et des machinations de Bélial » (La Contre-Réforme catholique n° 38, novembre 1970, p. 7).
Mais est-il seulement concevable, est-il légitime de s’opposer à la volonté du Pape, vrai Vicaire de Jésus-Christ ?
L’APPEL DU PAPE AU PAPE
La réponse de principe qui doit être donnée, sans la moindre hésitation, est : non il n’est pas possible de s’opposer à une volonté du Pape. Un ordre, une demande, un désir du Saint-Père ne souffrent pas l’ombre d’un dissentiment, d’une discussion, d’un désaccord, d’une opposition.
Mais une telle réponse négative à une opposition possible au Pape, même sous l’autorité d’un saint Pie X, serait fausse dans son absoluité s’il n’était pas rappelé une exception capitale et évidente, qu’une prodigieuse et miraculeuse histoire des papes, qui ont succédé à saint Pierre, a reléguée comme un cas d’espèce théorique en pratique impossible. Le Pape n’a aucun pouvoir, aucune autorité, aucun droit pour enseigner du Siège de Pierre une doctrine hérétique, contraire au dogme de la foi quand par ailleurs tout fidèle, tout prêtre doit conserver scrupuleusement le dépôt des vérités de la foi que l’Église lui a enseignée, dépôt de la foi qu’il doit de surcroît “ professer en toutes circonstances où son silence, son hésitation ou son attitude signifierait une négation implicite de la foi, un mépris de la religion, une injure à Dieu ou un scandale pour le prochain ”.
Mais se peut-il vraiment que le Pape puisse donner un enseignement contraire à la foi ?
Même si dans l’histoire de l’Église les cas d’un Pape hérétique se sont révélés d’une extrême rareté et brièveté – notre Père en recense cinq cas dont aucun ne s’est caractérisé par une hérésie formelle – il est admis par tous les théologiens et canonistes qu’en dehors de son enseignement ex cathedra et de son enseignement ordinaire, quand le Souverain Pontife cesse de répéter ce que la Tradition unanime tient pour révélé et donc quand il parle comme théologien privé, alors il peut se tromper et il peut nous tromper. Un canon du Décret de Gratien, auquel se réfère notre Père, fait explicitement mention de la déviance possible du Pape par rapport à la foi, c’est-à-dire de son hérésie : « Que nul mortel n’ait l’audace de faire remontrance au Pape pour ses fautes, car il ne peut être jugé par personne celui qui doit juger tous les hommes, excepté s’il est repris pour avoir dévié de la foi. »
À ces preuves historiques, théoriques et même a priori canoniques, notre Père en ajoute, une théologique, absolument décisive : « Les gens irréfléchis répètent à l’envi : le premier Concile du Vatican a déclaré le Pape infaillible, donc il faut toujours écouter le Pape et lui obéir sous peine de damnation. Eh bien ! les Pères du concile Vatican I ont suivi une démarche exactement opposée. Ils ont constaté que, depuis toujours, l’Église affirme que nul ne peut être sauvé s’il n’est uni à l’Évêque de Rome et soumis à son autorité. Ils en ont déduit que le Pape ne pouvait se tromper ni nous tromper, car il faudrait conclure que les fidèles sont parfois contraints de le suivre dans ses erreurs et ses désordres pour être sauvés ! Or, au mal nul n’est tenu. En obéissant au Pape et faisant ainsi nécessairement son salut, le fidèle est sûr qu’il ne peut faire que le bien et qu’il obéit infailliblement à Dieu !
« Arrivé à ce point, Vatican I s’est empressé de délimiter rigoureusement l’aire de cette infaillibilité. Il a dressé la liste exhaustive des conditions précises, déterminantes de l’enseignement “ ex cathedra ”. »
Pourquoi tant de soins ?
« Parce que le Concile ne pouvait identifier absolument l’obéissance au Pape, relativement infaillible avec l’obéissance à Dieu, seul absolument saint et véridique. Certes, la nécessité de se soumettre au Pape prouve son infaillibilité, mais les limites de son infaillibilité doivent strictement marquer les limites de la soumission qui lui est due. Le Concile a proclamé qu’en dehors de ces conditions le Pape demeurait capable d’erreur et ne pouvait donc être suivi aveuglément. »
C’est tout le mérite de notre Père d’avoir eu la foi, le courage et la science de le penser, de l’écrire et de le démontrer à l’encontre du pape Paul VI à partir de l’année 1964, date de la publication de l’encyclique Ecclesiam suam.
C’est aussi tout son mérite d’avoir soulevé la question du schisme du Pape dont les théologiens reconnaissent également le cas comme possible, comme pour l’hérésie, en faisant bien la distinction entre le schisme affectif, « lorsque le Pape en vient à se dégoûter de ses propres enfants », le schisme effectif, « lorsque le Pape manifeste un désintérêt et même un dégoût de tous les rites et de toutes les institutions traditionnelles » et le schisme absolu, « lorsque le Pape brise pratiquement le lien sacré de sa fonction qui l’attache au service de l’Église, qu’il cesse de prendre soin du troupeau et n’a plus aucun souci du bien commun surnaturel pour s’occuper d’autres intérêts ».
Et notre Père d’aller jusqu’au bout de l’analyse en posant la question du Pape scandaleux, non pas dans l’accomplissement d’actes en tant qu’homme privé « mais dans et par sa fonction pontificale ; de telle manière qu’il ne s’agisse plus, selon la distinction connue, d’actes du Pape, mais d’actes pontificaux. Alors le crime du chef entraînera tous les fidèles. Ce sera pour tous un piège qu’ils ne pourront éviter qu’en s’insurgeant ouvertement contre son auteur ».
Mais une fois établis l’hérésie, le schisme voire le scandale du Pape, comme notre Père en a été convaincu à propos de Paul VI, ce qui déjà était considérable, que faut-il penser, que faut-il faire ? « Quand toutes les preuves sont réunies et convergent, ni la foi n’est ébranlée ni l’espérance ne meurt, ni la charité ne se trouve blessée de dire : notre Pape est hérétique ! » écrit notre Père. Mais s’est posée à lui une série de questions apparemment toutes plus insurmontables les unes que les autres et à laquelle notre Père a répondu avec un parfait équilibre lui permettant de ne jamais dévisser du côté de l’hérésie ou, et surtout, du côté du schisme. On ne s’attaque pas à l’autorité du Pape sans prendre le risque considérable, périlleux de commettre le péché et le délit contre la foi qu’est le schisme.
« Le fidèle dont la conviction est certaine que le Pape est hérétique doit l’accuser ouvertement. Car du jour où il est intiment rebelle au Pape, il est en rupture avec le chef de l’Église et, s’il a tort, en péril de damnation. S’il se tait, par crainte ou par respect, mais persiste dans sa révolte occulte, il se damne sans bruit ! S’il a raison, sa charité envers l’Église lui fait un devoir d’en avertir ses frères. En toute hypothèse il doit parler ! »
C’est ce qu’a fait notre Père en toute charité pour l’Église, pour le Saint-Père, directement dans sa Lettre à Sa Sainteté Paul VI datée du 11 octobre 1967 et qui débutait par ces mots : « L’orgueil des réformateurs. »
Ce fut un premier exposé clair et exhaustif du projet d’une certaine réforme de l’Église dénoncée comme inouïe et insensée à l’encontre même de celui qui en était l’instigateur, puisque c’était l’idée centrale à la fois des Actes du concile Vatican II et de ceux de Paul VI. Mais ce dernier ne donna aucune suite à cette lettre et poursuivait son projet. Mais s’il était avéré que ce projet était clairement hérétique, schismatique et scandaleux, la charité envers l’Église commandait de l’arrêter. Mais de quelle manière ?
Le code de droit canonique de 1917 ne prévoit aucune disposition pour régler la question du Pape hérétique et ses conséquences. Conserve-t-il son pouvoir ou en est-il déchu ? Peut-il être déposé ? Rien n’est envisagé. Au bout de près de deux mille ans d’histoire, cela n’est jamais apparu comme une nécessité. Deux théologiens auxquels se réfère notre Père ont quand même tenté de proposer une solution pour le cas où un Pape tombait dans l’hérésie.
Le Pape hérétique serait de plein droit déposé, selon Bellarmin.
Mais notre Père préfère l’autre solution, celle de Cajetan... un Pape hérétique doit être déposé. Il ne peut plus demeurer dans l’exercice de sa charge, il doit être déposé.
« Celui qui accuse le Pape d’hérésie ne doit pas s’en tenir là, mais il doit provoquer le processus juridique de sa déposition, ne pouvant ériger son jugement personnel en décision universellement, immédiatement exécutoire. Voilà ce qui est fort bien vu et réaliste. »
Se pose alors une difficulté insurmontable.
Car s’il est possible, s’il est un devoir de résister à un Pape hérétique, qui sera en droit de le juger et de le déposer ? Le canon 1556 du Code de 1917 reprend le décret de Gratien, mais en partie seulement : « Le Siège suprême n’est jugé par personne. ». À défaut d’autre règle posée par le code de droit canonique, notre Père va rechercher la solution dans une norme supérieure, celle du dogme, celui de l’infaillibilité pontificale, vis-à-vis duquel le canon 1556 est en parfaite dépendance. « À la question décisive : qui décidera en dernier appel, souverainement, une fois instruit le procès d’un Pape hérétique, schismatique ou scandaleux ?
« Le dogme du premier Concile du Vatican seul apporte une possibilité de solution réaliste. Qui jugera le Pape ? Mais le Pape lui-même dans son infaillible magistère doctrinal ! »
Donc il faut provoquer le Pape soupçonné d’hérésie à prononcer sur son propre cas, de façon solennelle ou infaillible non pas en le condamnant ou en l’excommuniant, mais en l’accusant, et lui réclamant une décision pour confirmer la doctrine querellée ou au contraire la rétracter si, après examen, elle lui apparaît en définitive discutable ou même hérétique.
Et si le Pape se dérobe et refuse de juger ?
« L’Église de Rome devra alors menacer le Pape de déposition. Dans cette sommation, c’est le refus réitéré d’exercer sa fonction qui constitue une démission. Sa déposition par l’Église n’en est qu’une conséquence. »
Voilà toute la question du Pape hérétique, laquelle l’abbé Coulomb n’a fait qu’effleurer du bout de la plume, magistralement posée, analysée par notre Père avec, à la clef, une solution d’Église, à la fois dogmatique et canonique, en réponse à l’effroyable désordre et danger pour le salut des âmes occasionné par le Pape, pourtant juge suprême de la foi, mais délivrant un enseignement hérétique, schismatique et scandaleux.
Or notre Père ne s’est pas contenté de proposer une solution théorique. Avec un incroyable courage, il a tenté de la mettre en pratique. Ce seront ces trois tentatives de dépôt entre les mains du Saint-Père d’un livre d’accusation à son encontre, en 1973, 1983 et 1993.
LE PREMIER LIVRE D’ACCUSATION
« Que Dieu nous donne avant trois ans un bon Pape catholique », s’était écrié notre Père dans le numéro 28 de la Contre-réforme catholique de janvier 1970 (Pour l’Église, tome 3, p. 233).
Mais trois ans plus tard, en janvier 1973, les faits, la situation de l’Église devaient le contraindre à ce constat : « Les catéchismes corrompent partout les âmes pures des enfants et corrodent la foi des prêtres eux-mêmes. Le Saint-Sacrifice de la messe est l’objet de sacrilèges innombrables auxquels portent toutes les directives romaines. C’en est au point que la Présence réelle du Corps et du Sang du Christ dans ce sacrement est méprisée. L’obsession sexuelle qui dévore le clergé et les religieux envahit leurs collèges et abandonne la société chrétienne aux aberrations les plus redoutables pour l’avenir de la religion et de la civilisation. La politique a envahi le sanctuaire, séditieuse contre les derniers États catholiques, socialisante chez nous, servile vis-à-vis du Pouvoir dans les pays de l’Est. La célébration de la paix à l’instar d’une divinité est une trahison du monde libre sous la menace d’invasion qui pèse sur lui. » (La Contre-réforme catholique n° 64, janvier 1973, p. 1)
Et notre Père s’étonne de ce que d’autres, remplis de sagesse et de science, de vertus et de sainteté, ne se soient pas levés avant lui. Il en conclut qu’il faut accepter maintenant de faire avec l’aide de Dieu ce que Dieu n’a pas voulu faire sans nous : « Il nous faut tenter l’ultime démarche qui est de notre ressort, de notre devoir. Il faut aller à Rome faire remontrance au Pape en personne de l’hérésie, du schisme, du scandale dont il est, lui, l’auteur premier et responsable. » (ibid.)
La Notification du 10 août 1969, puissant acte de diffamation d’Église, fut une formidable confirmation négative du bien-fondé des graves soupçons de notre Père contre les actes du concile Vatican II et du pape Paul VI. Mieux, elle marqua la clôture d’une minutieuse instruction préparatoire d’un procès, celui du Pape qu’il convenait d’ouvrir par un acte d’accusation que notre Père se proposa de dresser seul.
Après avoir sollicité une audience puis annoncé sa venue à Rome, l’abbé de Nantes se présenta le mardi 10 avril 1973 à la Porte de bronze de la Maison pontificale, accompagné de frères de sa communauté et d’environ soixante amis du mouvement de la Contre-Réforme catholique, pour remettre au Saint-Père un livre, un mémoire de cent deux pages qui, au fur et à mesure de sa rédaction en quelques semaines, a développé une série d’accusations, logique, implacable, révélant tous les éléments et les connexions d’un système « qui se présente comme la plus dangereuse et la plus subtile des machines de guerre qui ait jamais été introduite dans l’Église pour sa ruine ».
Le pape Paul VI est accusé de poursuivre en guise de programme pontifical la chimère de la construction d’un monde nouveau dans lequel la religion serait cantonnée à un simple rôle d’animation spirituelle. Et pour y parvenir, il a “ sabré ” l’autorité divine de l’Église et proclamé “ le culte de l’homme ”.
Mais de quelle autorité pouvait se prévaloir notre Père pour porter une telle accusation ?
« Mais je ne me recommande que de la foi de notre baptême, commune, ordinaire, élémentaire, et de mon appartenance entière à l’Église catholique, romaine. Membre minuscule de l’Ecclesia credens, je n’ai absolument pas autorité pour juger quiconque ni pour dirimer aucun débat, ni pour fournir l’interprétation authentique du moindre article de la foi. Mais j’ai le droit et le devoir de garder en mémoire l’enseignement que j’ai reçu comme doctrine constante et universelle, irréformable et infaillible, de l’Ecclesia docens, du Magistère catholique. À cette foi du simple fidèle tous sont soumis, et Vous-même comme nous, Très Saint-Père, obligatoirement, à peine de mort spirituelle et de déposition ou de déchéance. » (Pour l’Église, tome 3, p. 249).
Pour ne pas avoir à se rétracter et au mépris des devoirs de sa charge, Paul VI fit obstacle à l’examen de cette plainte. Plusieurs rangs serrés d’agents en civil et de carabiniers en arme de la police italienne alignés devant la Porte de bronze pour en empêcher le dépôt furent sa seule réponse à ce livre d’accusation.
Deux mois après l’avoir porté à Rome, notre Père commencera à le diffuser publiquement et largement, en particulier auprès de tout le clergé romain.
De cette formidable entreprise le seul résultat tangible fut une inertie totale aussi bien en France qu’à Rome. Pas un évêque, pas un prêtre pour se lever, prendre la défense du Saint-Père en réfutant publiquement et magistralement ce livre d’accusation, et réclamer une sévère sanction canonique contre son auteur qui osa s’en prendre à l’enseignement du Saint-Père. Mais pas un évêque, pas un prêtre non plus pour se lever et se joindre à une telle action engagée par notre Père. Rien, ce fut une inertie totale. Toutefois les calomnies, les vexations contre notre Père n’en continuèrent pas moins, toujours pour accréditer l’idée d’une excommunication de notre Père.
PRÊTRE DIGNE D’EXERCER TOUS SES POUVOIRS SACERDOTAUX
Après la Notification du 9 août 1969, l’abbé de Nantes s’est retrouvé dans une situation canonique personnelle d’une incohérence complète. Dans le territoire du seul diocèse de Troyes, du fait de la suspense a divinis que lui avait infligée Mgr Le Couëdic, notre Père était privé des pouvoirs de célébrer la messe et d’administrer les autres sacrements, en particulier celui d’entendre les confessions, mais pour le seul motif officiel d’avoir rendu publique une requête adressée au cardinal Ottaviani prétendument injurieuse pour son destinataire. Tandis que dans le reste des territoires de l’Église universelle, notre Père avait conservé tous ses pouvoirs de prêtre alors que ses accusations en hérésie à l’encontre des Actes du concile Vatican II et du pape Paul VI rendues largement publiques se révélaient de plus en plus insistantes. D’où cette manœuvre de la part du clergé français pour étendre abusivement à l’Église universelle les effets de la suspense a divinis infligée le 25 août 1966, et accréditer l’idée pourtant fausse d’un abbé de Nantes excommunié. Bref, il fallait détruire, dans leur totalité et par tous les moyens les pouvoirs sacerdotaux de notre Père. L’atteindre dans sa personne, dans son être même, sa dignité de prêtre, mais sans jamais avoir à se prononcer sur sa parole, sur ses écrits, sur ses accusations, sur sa fidélité à la foi catholique.
Jusqu’au 8 octobre 1970, Mgr Gabriel Matagrin, évêque du diocèse de Grenoble au sein duquel notre Père était incardiné, avait accepté de renouveler son Celebret. Jusqu’à cette date, il reconnaissait officiellement notre Père comme digne de célébrer la sainte Messe et d’administrer les sacrements, dont celui de la confession, dans son diocèse d’origine et dans tous les autres diocèses où il serait de passage. « Alors que j’accusais déjà depuis cinq ans le Pape personnellement et les évêques collectivement d’idées hérétiques et de comportements schismatiques ou scandaleux, que je refusais les Actes du Concile comme entachés de nouveautés irrecevables et que j’avais soutenu sur l’ensemble de ces accusations un procès en cours de Rome », fit remarquer notre Père à son évêque personnel dans une lettre du 1er septembre 1974 (Pour l’Église, tome 3, p. 211).
Mais en 1972, Mgr Matagrin accepta, en lieu et place d’un celebret en bonne et due forme, de délivrer à notre Père une simple attestation au terme de laquelle il se voyait autorisé à célébrer la messe dans le diocèse de Grenoble. Ce document ne mentionnant pas le sacrement de pénitence, notre Père en avait déduit que son évêque l’avait privé du pouvoir d’administrer ce sacrement et s’abstint aussitôt de le faire lorsque, en déplacement, il se trouvait au-delà des limites du diocèse de Troyes. Mais au cours d’un entretien à l’évêché de Grenoble, le 20 avril 1972, Mgr Matagrin lui assura qu’il n’avait jamais été dans ses intentions de lui retirer le pouvoir d’entendre les confessions, ce qui lui fit découvrir, à cette occasion, l’exacte obéissance de notre Père dans la discipline de l’administration des sacrements. Mais surtout ce document certes équivalent sur le fond à un celebret ne l’était pas dans la forme, laissant ainsi planer, à dessein, à l’attention de la rumeur publique, une lâche équivoque sur les pouvoirs d’ordre et de juridiction de notre Père.
En août 1974, dans l’éditorial du numéro 83 de la Contre-Réforme catholique, notre Père indiquera en note : « Membre du diocèse de Grenoble, je tiens de mon évêque, Mgr Matagrin, les pouvoirs d’ordre et de juridiction ordinaires. » Pour aussitôt recevoir de son évêque cette lâche protestation : « Le 17 février 1972, je vous ai donné une attestation que vous êtes incardiné au diocèse de Grenoble avec l’autorisation de célébrer la messe lors de vos passages dans le diocèse. Il ne s’agissait pas d’un celebret, encore moins d’une délégation des pouvoirs d’ordre et de juridiction ordinaires comme vous le prétendez dans une note de votre bulletin (...). Les liens de communion qui m’unissent filialement au Saint-Père ne me permettent pas de vous donner le celebret que vous me demandez, étant donné l’attitude que vous avez adoptée à son égard. Il me semble que vous devriez vous adresser directement au Saint-Siège. »
Notre Père rappela à son évêque, par sa lettre datée du 1er septembre 1974, le Celebret en bonne et due forme qu’il lui avait délivré le 8 octobre 1970 et par lequel il le reconnaissait digne d’exercer ses pouvoirs sacerdotaux. Il lui rappelait leur conversation du 20 avril 1972 au cours de laquelle Mgr Matagrin lui avait assuré, malgré la méchante attestation qu’il lui avait délivrée en lieu et place d’un celebret, n’avoir entendu lui retirer aucun de ses pouvoirs sacerdotaux. « Sur la foi de telles paroles, poursuit notre Père, j’ai considéré que je tenais de vous la liberté d’exercer mon pouvoir d’ordre et le droit d’exercer le pouvoir de juridiction dont relève essentiellement l’administration du sacrement de pénitence. Aujourd’hui, vous m’écrivez que votre “ attestation ” n’équivaut pas à un “ celebret ”. Je mérite l’attestation, mais je n’ai pas droit au celebret ? Mais, Monseigneur, la différence de papier est accidentelle ; pour l’essentiel, l’un ou l’autre certificat comporte la reconnaissance officielle du droit de célébrer la Saint-Sacrifice et d’entendre les confessions à un prêtre qui en paraît digne. Je tiens ce droit de vous-même, mon propre Évêque, Vous ne me l’avez pas retiré. Je le conserve donc. De tels droits ne s’évaporent pas ! Sauf à m’en voir privé par sanction canonique pour un fait nouveau, criminel, m’en rendant indigne... »
Et notre Père d’asséner ce coup décisif :
« Je comprends cependant la difficulté où je vous mets, bien à contrecœur. Vous avez déclaré naguère à un journaliste du Monde que vous n’aviez jamais condamné ni sanctionné personne. Ce libéralisme ne demande généralement pas grand courage. Au contraire dans mon cas particulier, il vous en faut. Votre bonté et votre libéralisme sont d’accord pour me reconnaître la dignité et l’orthodoxie requise pour célébrer et distribuer les sacrements. Mais vous ne voudriez pas que je puisse m’en prévaloir publiquement, en particulier auprès de vos confrères dans l’épiscopat et autres gens importants qui vous en font reproche et voudraient plutôt que vous preniez la responsabilité de me condamner. Car tous ces gens voudraient pouvoir discuter ma personne ; déjà, ils me disent interdit, voire excommunié, en tout cas privé par vous de mon Celebret. Ils voudraient pouvoir me diffamer sur le fondement plus solide d’une véritable sanction dont ils vous laisseraient la responsabilité. Vous voici sollicité contradictoirement d’avoir ouvertement le courage de votre bonté, et la logique de votre libéralisme, ou l’injustice et l’incohérence de la lâcheté. » (Pour l’Église, tome 3, p. 211 et 212)
TENTATIVE DE RÉCONCILIATION
Mais notre Père, même dans ses controverses les plus fermes, ne voulait à aucun prix rompre le lien de la charité et de la soumission, dans les limites que lui laissait l’obéissance, vis-à-vis des évêques et prêtres de l’Église de France.
Il alla même jusqu’à tenter, non pas une conciliation, mais une réconciliation qu’il proposa au cardinal Marty par l’entremise d’un ami, Monsieur Jean Vieux, lequel, dans une lettre datée du 8 septembre 1977, pressait l’archevêque de Paris de recevoir notre Père pour l’écouter dans ses raisons et lui expliquer, s’il le pouvait, en quoi les 237 citations contenues dans le livre d’accusation à l’encontre du pape Paul VI étaient bien l’expression de la foi catholique authentique. Mgr Marty céda finalement le 6 avril 1978 aux instances de ce bon ami en se déclarant prêt à recevoir notre Père.
Celui-ci prit aussitôt son avantage en soumettant dans une lettre datée du 7 mai cette proposition : « Je vous remercie de votre bonté et je me permets de vous demander d’intervenir de préférence à la source même, auprès du Saint-Père le Pape pour qu’il daigne m’indiquer les voies de la réconciliation et de la soumission qui me sont ouvertes. Car c’est de Rome plus que de Paris qu’est venu le dissentiment. »
Et à Mgr Roger Etchegaray, archevêque de Marseille également pressenti à participer à cette démarche de réconciliation, notre Père écrivit le même jour et dans le même sens : « Si votre Excellence et le Cardinal obtenaient du Saint-Père que mon dossier soit de nouveau examiné et que je puisse être entendu, je me rendrais avec une immense espérance à Rome, rencontrer celui ou ceux que le Pape aurait mandatés et c’est dans un esprit d’humilité totale et une volonté de soumission entière, étant saufs les seuls droits de la foi et de la charité bien sûr, que je me résoudrais à toutes les exigences d’une réconciliation et d’un retour à la pleine communion avec le Souverain Pontife et par conséquent avec les évêques de France en communion avec Lui. » (Pour l’Église, tome 3, p. 502-504)
Une rencontre eut lieu à Paris le 13 juin 1978 au cours de laquelle notre Père remit au cardinal Marty et au cardinal Etchgeray une note en douze points, à transmettre au Saint-Père, résumant toute sa “ grande affaire ” et au terme de laquelle il était demandé « que soit reconsidéré par mes juges romains l’ensemble de notre différend, et que soient examinées les possibilités d’un accord et les voies d’une réconciliation “ dans l’unité de la foi, la diversité des opinions et la charité de l’Église ”. »
Ce fut une loyale et sainte ruse de notre Père. Loyale parce que les termes employés furent d’une précision canonique indiscutable. Mais ruse quand même, car cette réconciliation fut sans doute interprétée par ceux à qui elle fut proposée comme le souci d’un prêtre à vouloir régler sa situation ecclésiale particulière, prêt, peut-être, à consentir à quelque concession voire à un ralliement à la réforme conciliaire de l’Église.
Mais, au travers de son différend, notre Père entendait que les autorités supérieures prennent l’initiative de dresser la liste des points en litige et constituant à leurs yeux et pour chacun d’entre eux, en cette année 1978, la nécessaire condition d’appartenance à l’Église et de pleine communion avec le Saint-Père.
C’était très adroit, car c’était mettre le parti réformiste, au pouvoir par la volonté de Paul VI, dans cette position inconfortable de “ demandeur ” en prononçant par lui-même, parmi les nouvelles lois, celles relevant d’un enseignement infaillible, qui ne peut être refusé. Ce qui aurait été bien difficile pour ne pas dire impossible.
C’était une manière également de réduire en les listant de façon exhaustive, en les précisant et définissant clairement, à l’initiative du Saint-Père lui-même, les points de doctrine en opposition frontale, faisant, selon lui, obstacle à une pleine et entière communion dans la vérité de la foi catholique, à distinguer de ceux relevant d’opinions qui peuvent se discuter selon la règle de la charité. Ce qui déjà aurait été un pas considérable vers une réconciliation.
Bref, c’était une manière de contraindre le Saint-Père de sortir de cette inertie, à la faveur de laquelle la foi continuait à se perdre, pour le mettre dans la nécessité de rendre un jugement de son magistère infaillible sur cette réforme qui dévastait l’Église.
De cette tentative de réconciliation, il en allait de l’intérêt de toute l’Église. Mais le Bon Dieu ne prêta pas son concours. Il voulait que ce soit notre Père et personne d’autre qui dresse la liste précise et exhaustive des hérésies majeures de la religion conciliaire et autour desquelles devrait être focalisée d’une manière ou d’une autre toute discussion en vue d’une réconciliation.
Dieu rappela à lui Paul VI le 6 août 1978, et après les trente-trois jours de grâces du règne du Pape du Sourire, le pape Jean-Paul Ier, lequel avait assurément l’intention déclarée de remplir les demandes de Notre-Dame de Fatima, il laissa les cardinaux du conclave porter leurs voix sur le cardinal Karol Wojtyla, archevêque de Cracovie.
LE DEUXIÈME LIVRE D’ACCUSATION
Jean-Paul II avait assurément, du moins en apparence, des qualités humaines révélant une personnalité d’une grande envergure. Mais étudiant la vie complexe du nouveau Souverain Pontife, notre Père remarqua des divergences qui le distinguaient du cardinal Wyszinski, archevêque de Gniezno et Varsovie et qui, en 1950, pour éviter le pire, avait signé un accord avec le gouvernement communiste et aux termes duquel le Primat de Pologne poursuivait le combat « sur le terrain des revendications religieuses et non humanistes, catholiques et non révolutionnaires (...) ». Tandis que le jeune cardinal Karol Wojtyla s’enflammait et enflammait ses ouailles avec les incendiaires droits de l’homme. Jean-Paul II se présentait donc comme le Pape des droits de l’homme.
La publication de l’encyclique inaugurale Redemptor hominis, le 15 mars 1979, montrait que « Sa Sainteté Jean-Paul II revendique l’héritage de Paul VI et fait siens son culte de l’homme, sa foi en l’homme, son exaltation de la dignité de l’homme et la revendication de ses droits, causes manifestes de la décadence de l’Église et de la malédiction divine sur le monde ».
Que fallait-il faire ? Notre Père voyait trop clairement la vérité. Il ne put se résoudre à se taire et s’aligner sur l’encyclique en vertu d’une “ soumission intérieure et respectueuse. ” Il devait révéler les raisons certaines de son angoisse, c’est-à-dire prendre le parti « le plus loyal, le plus juste et le plus charitable ». « Ce n’est pas nous qui menons le Seigneur Jésus notre Roi, confiait-il le 25 mars 1979, fête de l’Annonciation, c’est Lui qui nous mène et par des chemins que nous n’aurions parfois pas voulu prendre [...]. Son appel, “ Viens et suis-moi ”, ne souffre ni retard ni regard en arrière, ni poursuite de ce que nous faisions, mais renoncement, nouveau départ pour l’aventure ou plutôt pour de nouvelles peines et de nouveaux calvaires. » (Lettre aux amis n° 28)
Notre Père reprit ainsi son combat de contre-réforme qui le conduira, le 13 mai 1983, à Rome, entouré par deux cents amis, pour remettre entre les mains du Juge suprême de la foi un deuxième livre d’accusation récapitulant toutes ses plaintes en hérésie, schisme et scandale. En particulier, notre Père établit et démontre dans les moindres détails de son raisonnement cette prétention intellectuelle et hérétique de Jean-Paul II visant à réaliser « la synthèse de la Religion ancienne et de l’Athéisme contemporain », c’est-à-dire « leur accomplissement final en l’Homme vivant, riche en avoir et en être, parachevé dans le sentiment sacré de son existence et dans la gloire de sa liberté ».
À la différence de Paul VI qui fit recevoir notre Père par une troupe de policiers italiens, il a semblé plus habile et plus discret à Jean-Paul II d’organiser une rencontre entre notre Père et Mgr Jérôme Hamer, secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Notre Père avait annoncé la publication du livre d’accusation à moins, d’une part, d’être officiellement reçu en vue de l’ouverture d’un procès et, d’autre part, que lui soit rendu son Celebret pour lui permettre de célébrer à Rome le Saint-Sacrifice de la messe.
C’est dans ces conditions que la rencontre avec Mgr Hamer commença à 10 heures, le vendredi 13 mai 1983, après que notre Père eut assisté comme simple fidèle à une messe qu’il lui fut interdit de célébrer, Mgr Matagrin ayant entre temps confirmé qu’il ne délivrerait pas à notre Père un Celebret en bonne et due forme. L’entretien se déroula en deux temps : d’abord une discussion à l’amiable que tenta Mgr Hamer et que refusa notre Père et ensuite la notification d’une série de décisions prises à son encontre.
Notre Père a refusé toute discussion, pour opposer à Mgr Hamer une très grande fermeté, une très grande autorité qu’il tirait de la force de sa démonstration développée au soutien de son accusation pour obtenir, sans aucune autre considération humaine, mondaine, l’ouverture officielle d’un procès en vue de provoquer un jugement sur la base de sa plainte.
« Monsieur l’abbé, avez-vous une mission ? Au nom de qui vous dressez-vous en accusateur du Pape ? De quel droit, par quelle autorité faites-vous cela ? » demande Mgr Hamer, se mettant littéralement dans le rôle des grands prêtres, des scribes et des anciens s’adressant à Jésus dans le dessein de le perdre. La question est capitale. Réponse immédiate de notre Père : « Excellence, je me recommande de la foi de mon baptême, de ma confirmation et de mon sacerdoce. » (Pour l’Église, tome 4, p. 207)
Un mois plus tôt, dans une lettre datée du 3 avril, notre Père expliquait plus en avant : « Pendant de longues années, mon Dieu ! presque vingt ans, oui vingt ans ! je n’ai mené cette lutte contre la réforme de l’Église qu’à la lumière de notre foi commune. J’ai toujours répondu sincèrement à ceux qui s’étonnaient de mon assurance, à ceux du moins qui ne la prenaient pas pour une paranoïa tranquille, que nulle apparition, ni révélation céleste n’y était pour quelque chose : la foi, la foi seule suffisait pour nous tous à fonder cette entreprise, à justifier ce combat, unique il faut le dire dans les annales de l’Église. » Mais il est vrai que pour la rédaction de ce deuxième livre d’accusation, « je ne dis pas que j’ai eu quelque vision ou révélation, cela n’est pas dans la manière de Dieu à mon endroit. Mais une grâce que je ne peux considérer comme m’ayant été donnée pour moi seul. Je devais en avoir besoin, ou cela devait m’être d’un grand secours, mais à vous aussi, mes frères, mes sœurs, mes amis. » (Pour l’Église, tome 4, p. 186)
Et trois semaines plus tard, le 31 mai, s’adressant à Jean-Paul II, notre Père reprend cette question capitale posée par Mgr Hamer pour ajouter : « Nous aussi, avec tout le peuple fidèle, comme le peuple de Jérusalem au temps du Christ savait que Jean-Baptiste était le grand Prophète, précurseur du Messie, nous savons que saint Pie X a été donné à ce siècle apocalyptique en son jeune matin comme un mémorial de la foi catholique, un phare de doctrine sainte contre toutes les forces de l’ombre à l’heure des ténèbres. Notre foi est la sienne, et sienne aussi notre morale, notre politique, notre esthétique. Nous ne sommes rien d’autre que ses enfants, ses disciples. Notre sort spirituel est lié au sien, ô bonheur ! Et sa doctrine, sa vertu, sa gloire sont dès lors impliquées dans le sort qui nous sera fait. »
Mais mieux encore, s’adressant toujours au Saint-Père, l’abbé de Nantes oppose le Père Hamer, théologien, à Mgr Hamer devenu secrétaire du Saint-Office, et cite le dominicain dans son propre ouvrage publié sous Pie XII, “ L’Église est une communion ” : « L’office du baptisé et du confirmé est purement et simplement la vie chrétienne c’est-à-dire l’existence en pleine conformité avec la foi. Dans cette existence, et pour en exprimer la signification vraie devant Dieu et devant les hommes (au Saint-Office, par exemple ? demande notre Père), la confession de foi occupe une place importante. Aussi souvent que cette signification aura besoin d’être dégagée et affirmée (ah !), selon les temps, les lieux et les circonstances, la confession publique de la foi devra intervenir. Cela nous montre que l’office propre du chrétien dans l’Église est la “ conduite chrétienne ”, avec tout ce qu’elle comporte. » (p. 155 et 156) Et notre Père de citer encore le dominicain, du temps où il était bon dans la fermeté et le courage dans la foi : « Confesser sa foi est une obligation universelle, aussi universelle que la foi. Confesser la foi est la conduite du salut. Impossible pour l’homme d’être sauvé s’il ne se rattache au Christ par la foi et donc ne manifeste sa foi par la confession. » (p. 141) « C’est saint Thomas qui l’enseigne : “ Là où la foi est en danger, tout chrétien est tenu de proclamer la foi. ” Et le Père Hamer précise en quelles circonstances plus instantes : “ Saint Thomas répond : chaque fois que l’honneur à rendre à Dieu ou l’utilité du prochain l’exigent. ” (p. 146) Nulle trace d’autorisation à demander au Saint-Siège. » (Pour l’Église, tome 4, p. 217 et 218)
Mais le Mgr Hamer du 13 mai 1983, fonctionnaire zélé qu’un concile a retourné, invoque désormais le respect dû à la personne du Saint-Père et auquel manquerait le Livre d’accusation qu’il n’a pourtant pas lu. Il réclame la charité.
Et notre Père lui oppose la foi : « La charité est commandée par la foi et par l’espérance. On ne peut trouver de véritable charité là où n’est plus la vraie et intégrale foi catholique. Notre-Seigneur a manifesté sa charité en étant violent contre les grands prêtres et les pharisiens (...). Mes accusations, vous devez les juger au fond, selon la vérité doctrinale. Je ne suis pas venu à Rome pour écouter des discours moralisateurs. Je ne vous demande pas de brosser mon portrait psychologique. Mes audaces, mes outrances, mes insolences, mon orgueil n’ont rien à voir avec l’objet et la matière de ma requête, à savoir l’examen doctrinal de mes graves accusations contre le pape Jean-Paul II. » (Pour l’Église, tome 4, p. 208)
Ne pouvant atteindre la personne de notre Père qui refusait de discuter de quoi que ce soit, Mgr Hamer en vint à l’ultimatum qu’il lança en quatre salves, minutieusement préparées à l’avance.
Premièrement, il refusa net le livre d’accusation, n’étant pas possible selon lui, « d’accepter des accusations injustifiées et gravement offensantes contre le Souverain Pontife ».
Deuxièmement, notre Père se voyait interdit de publier et diffuser le livre d’accusation.
Troisièmement, la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi signifiait à notre Père qu’elle attendait toujours la rétractation de ses erreurs et de ses accusations en hérésie portées contre les Actes de Paul VI et du concile Vatican II.
Et enfin quatrièmement, tant que cette rétractation ne serait pas faite, y compris les attaques nouvelles contre Jean-Paul II, le désir de réconciliation manifesté par notre Père en 1978 et en 1981 ne pourra être considéré comme sincère.
Et notre Père aussitôt de s’inscrire en faux contre l’assertion selon laquelle des erreurs lui auraient été signalées par la Congrégation en 1968 : « D’erreurs, je n’en ai jamais reconnu parce qu’il ne m’en a été reproché aucune au cours de l’instruction de mon procès. » S’en suivit alors une joute que notre Père termina ainsi : « Au nom du Christ crucifié, au nom de mon Dieu qui sera notre juge, je dis, Excellence, que vous êtes un menteur. » (Pour l’Église, tome 4, p. 212).
Ce furent les derniers mots de cet entretien. Mais il restait à ce dernier de déterminer s’il devait obéir ou non aux quatre injonctions qui lui avaient été signifiées par Mgr Hamer au nom du Saint-Père et qui furent rendues publiques par une notification dans l’Osservatore romano du 16 mai.
Lors de la réunion du 19 mai à la Mutualité, à Paris, notre Père expliqua à ses auditeurs :
« J’aurais pu vous dire ce soir qu’ayant accompli mon devoir en portant le Liber à Rome, je sursois à sa diffusion pour manifester ma soumission à l’autorité légitime. Mais une telle attitude serait interprétée comme une discrète rétractation de toute l’action que j’ai menée contre les hérésies des papes Paul VI et Jean-Paul II. Il me faut donc, au contraire, désobéir aux injonctions de Mgr Hamer si je veux confesser ma foi catholique et manifester la vérité nécessaire à la vie de l’Église. Je vais maintenant, dans une Lettre ouverte au Pape, répondre à la Notification et justifier la publication du Liber. » (Pour l’Église, tome 4, p. 214 et 215).
Lettre ouverte que notre Père écrira le 31 mai 1983, qu’il publiera dans le numéro de juin de la Contre-Réforme catholique avec la conviction intime, mais non moins tranquille, qu’elle lui vaudrait immanquablement le martyre spirituel de la peine d’excommunication. En effet, en 1966, interdiction lui avait été faite de publier sa requête du 16 juillet, adressée au cardinal Ottaviani, par Mgr Le Couëdic qui infligea sans ménagement une suspense a divinis, aussitôt après la Lettre à mes amis n° 231 dont la diffusion contrevenait à un pareil ordre. Mais là l’interdiction venait du Pape en personne. Eh bien ! plutôt que de publier son livre d’accusation et d’attendre la sanction, notre Père va par avance invalider l’excommunication dont il était menacé en démontrant d’autorité et directement au Souverain Pontife sa nullité.
Premièrement, notre Père proteste de la façon la plus rigoureuse contre ce double mensonge contenu dans la Notification du 9 août 1969 et réitérée avec un aplomb incroyable par Mgr Jérôme Hamer à savoir, d’une part, que des erreurs doctrinales lui auraient été signalées lors de son procès devant la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi et, d’autre part, qu’il les aurait reconnues et même rétractées. Ces “ erreurs ” prétendues sont indémontrées.
Mais, deuxièmement, des erreurs avérées et démontrées sont du côté des Actes du concile Vatican II, de Paul VI et désormais de Jean-Paul II. Or les accusations lancées pour les établir méritent tous les qualificatifs sauf celui de « injustifiées », car plus étayées les unes que les autres sans jamais avoir été réfutées. Le Pape, désormais, est au-dessus de pareilles accusations, car il « est maintenant substitué à Dieu. Le Pape se conduit comme une sorte de Messie (...). Le Pape d’aujourd’hui est d’une autre extrace et d’une autre nature que les Papes précédents. Comme Vatican II serait d’une tout autre autorité que les vingt conciles œcuméniques antérieurs. Depuis ce Concile, le Pape et les évêques jouiraient du charisme apostolique de l’inspiration constante et universelle, et collégiale ou “ soviétique ”, qui laisserait loin derrière elle l’ “ assistance ” promise par le Christ à son Église à travers les siècles. Vous auriez le charisme des fondateurs pour recommencer l’histoire sur de nouvelles bases. » Résultat : dans toute affaire, il n’est jamais question de reconnaître à notre Père l’un quelconque des droits fondamentaux dont le Pape fait pourtant un usage si abondant et si surprenant à propos de tous les hommes qu’accablent d’autres pouvoirs que le sien. Mais pire, les devoirs, les obligations, les interdictions et menaces opposées systématiquement à notre Père le sont sans que jamais l’objet, la matérialité des délits qu’on lui reproche ne sont même, un tant soit peu, évoquée.
Troisièmement, Karol Wojtyla, lors du Concile, se ménagea avec audace la liberté d’errer pour embrasser la vérité, d’accepter le danger de l’erreur. Notre Père revendique, lui, la liberté de la vérité et de la professer. Il publiera en conséquence son Deuxième livre d’accusation et s’il en est frappé d’une excommunication, cette peine sera nulle et non avenue, car arbitrairement disciplinaire et non pas doctrinale, lancée hors de toute référence à la foi catholique, comme déjà le fut la suspense fulminée par Mgr Le Couëdic.
Enfin, quatrièmement, notre Père réitère son offre d’une réconciliation qui peut être réalisée par l’exercice souverain du pouvoir judiciaire et coercitif, par la voie d’un procès normal conduit par la Congrégation pour la doctrine de la foi, en toute vérité doctrinale et régularité canonique. Dans cette éventualité, notre Père se tient prêt à répondre de nouveau à toute convocation romaine et toute instruction d’un véritable procès. Et ce sera justice pour le bien des âmes et de l’Église !
Notre Père publia sa Lettre ouverte adressée à Jean-Paul II, entama progressivement la diffusion du deuxième livre d’accusation... et ne reçut, pour toute réponse hormis un poli accusé de réception de Mgr Hamer, un silence radio assourdissant. Aucune réponse, aucune sanction ! Rien.
ULTIMES TENTATIVES DE RÉCONCILIATION
C’est donc en toute liberté et en toute loyauté que notre Père a pu poursuivre son œuvre, son combat de contre-réforme catholique c’est-à-dire travailler à une œuvre de renaissance de l’Église en continuant à développer tout un monument de doctrine dans les domaines de la métaphysique, de la théologie, de la morale, de la politique... et à poursuivre sans relâche cette critique de la réforme de l’Église, de son ouverture au monde, aux autres religions... bref de ce culte de l’homme pour lequel Jean-Paul II a développé un monument de doctrine satanique dont la rencontre interreligieuse d’Assise, en 1986, qu’il organisa et présida, fut un “ sommet ” d’apostasie. Tout ce combat comme Notre-Seigneur au milieu du Temple à Jérusalem, fut mené au grand jour, dans les colonnes du bulletin de la Contre-Réforme catholique ou, à Paris, lors de réunions publiques de la Mutualité.
Mais notre Père ne perdra pas de vue cette réconciliation qu’il voulait provoquer pour le bien de l’Église en maintenant un lien avec les autorités supérieures de la hiérarchie soit pour les provoquer dans leurs erreurs, soit pour les louer et les soutenir dans les œuvres de bien... mais toujours pour obtenir de l’Église cette œuvre de justice et de vérité par l’exercice souverain de son magistère. En 1984, il apporta son soutien au cardinal Ratzinger lorsque retentit dans les colonnes de la Documentation catholique son cri d’alarme sur l’état de l’Église. Notre Père lui apporta publiquement son soutien.
Mais les espérances du cardinal se tournaient vers le renouveau charismatique, ce fut une première cause de déception. Son refus de répondre à la Lettre ouverte de notre Père en fut une seconde. Enfin la réédition d’anciens ouvrages (Les principes de la théologie catholique et La foi chrétienne hier et aujourd’hui) puis, et enfin, la publication proprement dite d’Entretien sur la foi, furent une troisième et particulière déconvenue. « Sur l’importance, la richesse, l’opportunité et la nécessité des grands documents de Vatican II, il ne se trouve personne, catholique, et voulant le rester, qui ait – ou puisse nourrir – quelque doute que ce soit. » Pourtant c’est contre nous, gens de contre-réforme que ce livre polémique « pour que nous nous ralliions au Concile ou que nous nous en allions et enfin nous taisions, nous, gens qui n’existent pas ! » (Pour l’Église, tome 4, p. 280)
Sur ces entrefaites, Jean-Paul II annonça en janvier 1985 qu’il organisait un synode des évêques, sans doute dans le dessein de « replonger l’Église dans l’euphorie des sessions conciliaires où les Pères ne distinguaient plus leur droite de leur gauche. Ce fut l’occasion pour notre Père d’adresser à tous les membres de cette assemblée une Supplique pour la paix de l’Église afin d’obtenir un examen de cette division primordiale qui touche à la foi et de cette discorde insupportable qui date de l’issue du Concile, pour décider de cette question dogmatique primordiale, de manière définitive, irrévocable et infaillible, de la conformité des acquis conciliaires avec la foi catholique de toujours. Et notre Père de pointer du doigt les deux hérésies majeures de cette religion dans laquelle le parti réformiste avait jeté l’Église lors du Concile : un illuminisme charismatique parfaitement moderniste et schismatique comme source, un libéralisme charismatique pleinement maçonnique comme dogme central. Des mille exemplaires qui furent envoyés ou distribués sur place à Rome, notre Père ne reçut qu’une seule réponse, celle d’un personnage romain connu pour sa foi catholique indéniable qui lui prêcha la soumission et le ralliement à la réforme conciliaire parce qu’une interprétation traditionnelle des Actes du concile était selon lui possible. « Sainte soumission, pieuse innocence que je suis loin de blâmer, encore moins de condamner », répondit notre Père. « Cependant que je ne peux la faire mienne, ayant vu trop clairement la contradiction de la nouveauté conciliaire, papale et synodale avec la tradition catholique et apostolique. Épousant cette attitude qui est, de leur part, prudence, obéissance respectueuse, humilité, serait pour nous mensonge et apostasie : Non possumus, non loqui ! »
Notre Père va ensuite s’adresser à trois évêques majeurs de l’Église de France. Le 25 août 1986, une première lettre ouverte au cardinal Decourtray, archevêque de Lyon, Primat des Gaules, pour lui demander si nous les catholiques de contre-réforme qui demeurons des témoins d’hier et d’avant-hier contre l’Église du Concile et de l’après-Concile, nous avons tort, et de persuader le Pape « d’intervenir de manière décisive, j’entends par un acte de son magistère extraordinaire et solennel, qui est, de toutes, la manière la plus éminemment et certainement pastorale, pour mettre fin à cet intolérable conflit doctrinal auprès duquel tout le reste n’est que péripéties ». Le prélat lyonnais se contenta de répondre à notre Père le 30 août qu’il transmettrait sa demande au Saint-Siège, mais injurieusement il travestit les propos de notre Père : « Seul, pensez-vous, un acte “ infailliblement sûr et certain ” pourrait “ terminer cette division ” et vous “ ramener dans l’unité de la foi catholique, apostolique et romaine ”. J’ai quelque peine à croire qu’un tel acte aurait l’effet escompté. » (Pour l’Église, tome 4, p. 293-295)
Dans une lettre ouverte datée du 11 octobre 1986, notre Père provoqua Mgr Vilnet, président de la Conférence des évêques de France, pour lui donner l’occasion « de vous justifier de nos accusations, et si vous le pouvez, à confondre vos accusateurs, publiquement, dans une controverse sans aucun ménagement pour quiconque, n’ayant en intention que la manifestation de la vérité. Vous dites la détenir ? Montre-le, prouvez-le ! » Cette proposition demeura sans réponse, mais on apprit que Mgr Vilnet avait prié le Père Sesboüé de lui présenter une étude sur la liberté religieuse, et cela pour savoir si cette doctrine est oui ou non contraire à la révélation chrétienne et à la tradition de l’Église.
Finalement, notre Père se tourna vers le cardinal Lustiger, archevêque de Paris, mais également « parangon indiscutable de la Réforme actuelle de l’Église, du Concile dans sa lettre et dans son esprit, des Papes Paul VI et Jean-Paul II, un tenant obstiné du culte de l’homme, un constant et fanatique partisan de la liberté sociale en matière de religion, y entendant et comprenant toutes ses conséquences d’œcuménisme, de rapprochement de toutes les communautés religieuses, d’ouverture au monde, telles que les définissent et imposent à l’Église d’aujourd’hui l’ensemble des actes, constitutions, décrets, déclarations et discours entendus et promulgués par le Concile le 7 décembre 1965, date de l’apostasie. Or vous êtes cet homme marqué du signe de Vatican II. » (Pour l’Église, tome 4, p. 298)
Notre Père estime qu’il est vain d’attendre indéfiniment sans rien oser faire, sans rien entreprendre et laisser à Dieu seul le soin de sauver son Église. Non ! « À chacune de ces anxieuses attentes, c’est encore un peu de la foi qui s’en va. »
Aussi, notre Père propose au cardinal Lustiger de faire appel au jugement de Dieu, d’ici un an, pour qu’il fasse droit aux bons pasteurs et foudroie les pasteurs de mensonge, pour que celui des deux qui erre dans la foi soit frappé par Dieu de mort, et que l’autre soit épargné. « Ainsi, aurons-nous servi l’Église soit que nous vivions soit que nous mourions. Pour ma part, je crois fermement que Dieu, le juste Juge, fera diligente justice à notre requête que dicte une foi purement catholique exempte de toute intention perverse. » (Pour l’Église, tome 4, p. 300)
Un an plus tard, le 5 décembre 1987, à trois jours du terme fixé, le cardinal Lustiger publia un livre, Le choix de Dieu, dans lequel l’archevêque de Paris faisait l’étalage de sa mort spirituelle en se prétendant de religion juive et, de surcroît, lévite pour l’éternité. Ce ne fut donc pas le signe demandé par notre Père, mais bien la réponse de Dieu à son appel : le cardinal Lustiger est mort, non pas dans son lit mais dans son livre, « faisant naufrage spirituel, renégat de la foi catholique, sans laquelle nul ne peut plaire à Dieu et vivre, étant retourné au judaïsme ancestral, peinturluré pour la montre d’un bariolage chrétien » (Pour l’Église, tome 4, p. 328).
Cinq années plus tard, donc en 1993, notre Père va revenir sur cette affaire du jugement de Dieu : « Ayant fait appel au Jugement de Jésus-Christ Notre-Seigneur, je n’eus pas ce que je demandais, mais seulement un signe pour les déjà convaincus : Lustiger se disait “ le choix de Dieu ”, en tant qu’héritier du sacerdoce de de Lévi et d’Aaron... Celui qui voulait bien croire que Dieu se devait de répondre, selon la parole de l’Évangile à laquelle j’ai cru, acceptait surnaturellement ce signe mineur, au lieu de l’autre imploré ; et celui qui n’était pas disposé à croire, le niait, se moquait, se détachait de nous.
« J’ai toujours senti quel effort surhumain produisait et devait entretenir notre acceptation du signe reçu, cette renonciation au signe majeur demandé et refusé. Et depuis, c’est la foi nue ; je veux dire : c’est le simple acte intellectuel par lequel chacun voit l’opposition entre le Credo et la nouvelle religion que les autorités de l’Église lui substituent, qui nous fait tenir à la CRC.
« Il m’est donc absolument clair que Dieu Tout-Puissant n’a pas voulu répondre à nous, à notre appel, parce qu’il était déjà trop évidemment insulté, blasphémé, et Sa sainte Mère également, pour se sentir enclin à donner des signes surérogatoires à cette “ génération perverse et adultère ”
« L’effet de cette claire lumière est de légitimer et légaliser à mes propres yeux et à ceux qui ont la même certitude, mon œuvre dans ces deux efforts constants, majeurs et tout à fait principaux : la lutte dogmatique et canonique contre la Réforme conciliaire et pontificale, menée publiquement et fortement depuis vingt-cinq ans ; et la lutte contre tous les autres mouvements traditionalistes, schismatiques ou ralliés, libéraux, modérés, charismatiques, qui évitent cette défense de leur foi tout à fait première et seule absolument catholique, hors de laquelle il n’y a pas de salut, sinon pour les gens sans intelligence. » (Pour l’Église, tome 4, p. 331 et 332)
Notre Père a fait preuve d’une foi, d’une confiance absolument incroyable en Dieu dans sa demande de jugement. Dieu n’a pas exaucé sa demande parce que, dans sa liberté souveraine, il a jugé meilleur pour le bien commun de l’Église de confirmer son serviteur dans ce travail harassant, décourageant, humiliant, écrasant, crucifiant, de faire remontrance aux pasteurs légitimes de l’Église pour dénoncer leurs hérésies et leurs schismes, pour obtenir l’exercice de leurs pouvoirs et faire œuvre de vérité et de justice, mais sans que jamais ne soit remise en cause, ne soit contestée, leur autorité qu’ils détiennent de Jésus-Christ auquel il n’appartient à quiconque de se substituer pour la leur nier.
LE TROISIÈME ET DERNIER LIVRE D’ACCUSATION
En 1993, notre Père était donc confirmé par Jésus-Christ pour engager cette nouvelle et sainte controverse qui devait le conduire à Rome pour le dépôt de son troisième et dernier livre d’accusation.
Le 11 octobre 1992, à dessein le trentième anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II, Jean-Paul II donnait à l’Église un catéchisme pour répondre au vœu des Pères du Synode de 1985. Le projet avait été confié à une commission de cardinaux présidée par le cardinal Ratzinger et assistée par un comité de rédaction de sept évêques résidentiels.
Ce Catéchisme de l’Église catholique publié par Rome se révéla d’une importance considérable. Notre Père l’étudia et, au premier abord, en fut séduit, conquis par l’ardeur religieuse, la joie spirituelle, la magnanimité contagieuse. Cet ouvrage se révélait donc pour quiconque comme très séduisant, très merveilleux, très envoûtant même et donc très maléfique car, comme notre Père le comprit à l’issue d’une étude très attentive, il invitait savamment chacun à consentir au lâchage de l’ancienne religion catholique et à renverser son dogme étroit. « On comprend que le Concile nous ait répété à satiété que Dieu en se révélant révélait l’homme à lui-même ! Cette religion sous-jacente qui fait la “ dignité ” de l’homme, cette communion déjà établie et rassasiante de Dieu avec tous les hommes, ne sont-ce pas des révélations exaltantes, dépassant de beaucoup nos anciennes leçons de catéchisme sur le péché d’Adam, la nécessité du baptême, les limbes, l’enfer... ? » (Pour l’Église, tome 4, p. 403)
Avec l’autorité usurpée de toute l’Église, le pape Jean-Paul II aidé de son fidèle cardinal Ratzinger imposait à tout le peuple fidèle, à tout le clergé et à toute la hiérarchie ce breuvage catéchétique hallucinogène mêlant savamment culte de Dieu et culte de l’Homme, « comme à égalité, en osmose, mariant leurs deux infinis, leurs deux béatitudes, leurs deux libertés comme agréées enfin l’une par l’autre dans une Alliance définitive, sans obligations ni sanctions, et déjà comblée de félicités terrestres qui laissent présager l’heureux nirvana où passent de génération en génération tous les hommes, toutes les femmes, hors du temps et de l’espace, abîmés en Dieu, dans l’Amour. » (Pour l’Église, tome 4, p. 403).
Ce catéchisme constituait l’occasion providentielle pour notre Père de réaliser à la fois une synthèse géniale de la religion nouvelle d’une Église réformée telle que définie par la charte du concile Vatican II et ses lois organiques prises par Paul VI et Jean-Paul II, et de résumer, de condenser notre opposition doctrinale de contre-réforme aux douze hérésies majeures que contient ce prétendu catéchisme catholique et qui pourront constituer les douze articles d’un jugement du magistère infaillible et solennel soit pour les confirmer soit pour les condamner et permettant ainsi par œuvre de justice et de vérité de rétablir l’unité et la paix.
Ces douze hérésies présentées par notre Père sont : une erreur sur la prédestination universelle et absolue de tous les hommes, à la grâce, à la rémission des péchés, à la vie éternelle ; une erreur d’un Fils de Dieu uni à chaque homme, pour toujours, à travers ses mystères, les sauvant tous infailliblement ; une erreur sur l’innocence des juifs et la culpabilité des chrétiens dans la passion et la mort de Jésus crucifié ; l’erreur d’un au-delà perdu hors de l’espace et du temps, d’un Christ désincarné et d’un royaume évanescent ; une erreur sur le Saint-Esprit, animateur du monde ; l’erreur d’un peuple de Dieu, convoqué, conduit par l’esprit, Dieu seul sait où ! Dieu sait comment ! ; une erreur du sacerdoce commun antithèse du sacerdoce hiérarchique, la théodémocratie contre le Christ souverain prêtre et roi ; l’apostasie d’un culte de l’homme antichrist, dans la répudiation du cœur et de la croix de Jésus ; une erreur de la démocratie dite chrétienne, laïque, personnaliste et socialisée ; la laïcité de l’État, la liberté de l’homme au mépris de la loi divine, signe de l’apostasie finale et du châtiment de Dieu, et enfin la gnose personnelle de Jean-Paul II.
Mais la première hérésie permettant toutes les autres et à laquelle notre Père fut solennellement requis d’adhérer sous menace à peine voilée d’excommunication par Paul VI en 1968 et 1969 et par Jean-Paul II en 1983 : « Une extension abusive de l’infaillibilité et de l’indéfectibilité de l’Église en son chef, en ses pasteurs et en son peuple. »
Et notre Père de proposer de jeter l’anathème sur pareille prétention hérétique avec cinq sentences dogmatiques suivantes qui résument et démontrent la justesse à la fois de sa soustraction d’obédience vis-à-vis des seuls Actes du concile Vatican II et des enseignements subséquents des papes Paul VI et Jean-Paul II, actes par définition faillibles, provisoires et réformables, sans remise en cause ni contestation schismatique de leur autorité qu’ils tiennent de Notre-Seigneur Jésus-Christ :
« I. Nul homme, nulle assemblée, seraient-ils Pape, Concile, collège d’évêques ou de prêtres, collection de théologiens ou masse de laïcs, voire même une prétendue Église universelle, ne saurait imposer ses opinions doctrinales ou morales comme revêtues d’une quelconque infaillibilité, hors des frontières parfaitement définies du Magistère solennel ou ordinaire.
« II. Tout fidèle catholique a le droit, si ce n’est le devoir de s’élever contre un enseignement nouveau, même émané du magistère “ authentique ” du Pape et des évêques, pour en appeler, de ce magistère aux frontières imprécises, aux décisions du Magistère infaillible de ces mêmes autorités légitimes.
« Il est nécessaire de préciser que l’autorité ne peut se réclamer de la puissance du Magistère ordinaire, à moins qu’elle ne s’emploie à rien d’autre qu’à enseigner ce que l’Église a cru, depuis toujours et partout ; la nouveauté est exclue absolument de ce qui s’appelle “ magistère ordinaire ”, et elle n’est proposée comme “ authentique ” que par un regrettable abus de confiance.
« III. C’est par un abus de langage ou même d’intention, qu’en de nombreux textes le Magistère postconciliaire déclare, par des affirmations ne laissant aucune place au doute ni à la discussion que lui-même et le peuple de Dieu exercent constamment leur vertu de foi catholique, les uns pour enseigner la doctrine, les autres pour y consentir et y adhérer, sans pouvoir se tromper ni vouloir tromper le monde.
« IV. Un Concile, un Pape même, toute assemblée épiscopale ou sacerdotale, hors de l’exercice de leur Magistère officiel dans ses formes canoniques, peuvent être hérétiques, matériellement et même formellement, schismatiques ou scandaleux, car ils ne sont pas des dieux, mais des êtres faillibles et défectibles comme les autres hommes.
« V. Le Magistère catholique a dans ses attributions le pouvoir et le devoir de discerner les révélations improprement dites “ privées ”, mais, les ayant reconnues “ authentiques ”, dans leurs faits surnaturels et leur doctrine pure de toute erreur, il n’a pas la liberté de les rabaisser au-dessous de son autorité et de son pouvoir pastoral, pour les ignorer et les combattre. Son office est d’en étudier la vérité, la réalité, et non point de décider de leur opportunité ou de leur intérêt pour l’Église. Ce qui est du Ciel s’impose à tous.
« Tels les dons divins reconnus par l’Église antéconciliaire, le culte du Saint Suaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et surtout les apparitions et demandes de Notre-Dame de Fatima, événements mondiaux, secours providentiels pour l’Église et joie intime pour les âmes prédestinées. »
Notre Père porta ce livre d’accusation à Rome le 13 mai 1993 qu’un Mgr Caotorta « d’une jeunesse et d’une naïveté rayonnantes » accepta de recevoir au nom de la Congrégation de la doctrine de la foi, mais avec l’idée bien arrêtée de ne rien en faire d’autre que de le ranger au fond d’un tiroir, ce que Mgr Sandri assesseur à la secrétairerie d’État confirma en termes aimables et élégants lors d’un entretien qui se déroula quelques jours plus tard, le 21 mai 1993, dans le but d’obtenir l’ouverture officielle d’un examen doctrinal de ce prétendu catéchisme catholique, en déclarant : « Si nous faisons ce que vous demandez, cela voudrait dire que tout cela a un fundus veritatis, un fond de vérité. Si nous commencions à examiner, cela voudrait déjà dire que vous avez raison. Nous ne pouvons le faire. Tout le magistère postconciliaire a expliqué Vatican II. L’abbé de Nantes doit ouvrir son esprit à toutes les nouveautés. Lui-même doit se faire le Saint-Office pour lui-même. Même si vous n’êtes pas déclarés formellement hérétiques, il vous faut chercher à comprendre pourquoi, on ne vous répond pas, voir dans la globalité de l’Église la réponse à votre contestation. Au lieu de rester bloqués sur vos positions comme des mammouths ! »
Et de fait, à la suite de cette démarche, plus aucune nouvelle de Rome qui ainsi, pour la troisième fois, refusait d’accueillir la plainte de notre Père et d’engager un examen doctrinal, mais aussi de sanctionner notre Père pour une telle accusation en hérésie contre Jean-Paul II et le cardinal Joseph Ratzinger, maître d’ouvrage et maître d’œuvre de ce résumé de toute la foi et de la morale de l’Église, mais revues et présentées à la lumière d’une tradition tout humaine que papes et évêques se sont inventée et donnée lors du concile Vatican II et à sa suite, certes dans l’exercice de leurs redoutables pouvoirs d’enseigner, sous la désignation abusive de “ Magistère ”, pour se libérer, selon leurs caprices du moment, de l’autorité de l’Écriture sainte, de la Tradition et du Magistère ordinaire et extraordinaire... et ainsi gouverner seuls le “ peuple de dieux ”, certes au nom de Jésus-Christ qu’ils invoquent de leurs lèvres, en réalité mais sans Lui et finalement contre Lui.
Ce troisième livre d’accusation fut l’ultime tentative de conciliation de notre Père pour réveiller les pasteurs de l’Église dans leur inertie face à cette molle apostasie dans laquelle tous s’adonnaient avec plus ou moins de complaisance, conduits par un Jean-Paul II victorieux mettant tous ses espoirs dans l’avènement de l’an 2000.
En juillet 1993, il bénéficia d’une grâce tout à fait particulière, en la forme d’un contrat qu’il se vit proposé par le Sacré-Cœur et dont il retranscrivit les conditions dans son cahier phalangiste :
« Hier, 3 juillet, je me suis trouvé intérieurement très bouleversé par une sorte de marché qui m’était proposé, donc imposé par mon unique Maître et Sauveur, ma Sainte Mère y participant des deux côtés, de Lui et de moi : plutôt que le martyre maintenant, vingt-cinq ans de vie pour porter du fruit, mais à condition que celle-ci soit déjà une mort corporelle dont la façon doit se tirer de la consécration formulée par mère Marie du Divin Cœur. Voilà ! C’est tout ? c’est bref. J’ai dit OUI. »
L’année 1993 marque le début de la troisième partie de la vie sacerdotale de notre Père au cours de laquelle les Autorités Supérieures de l’Église, pour la première fois, vont prendre l’initiative pour obtenir par tous les moyens sa condamnation canonique et son silence.
frère Pierre-Julien de la Divine Marie.