Il est ressuscité !

N° 270 – Octobre 2025

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Centenaire des apparitions de Pontevedra 

Jubilé à Lourdes et à Garaison

Procession devant le parvis de la basilique.
Phalange de l’Immaculée,
Marchons a ses côtés,
Pour livrer le dernier combat,
Contre Satan et sa loi.
Engageons-nous sitot sous l’étendard de l’armée de Marie
Pour être un jour assurés du départ vers notre vraie Patrie. (Y. Leca)

UN PÈLERINAGE DE RÉPARATION
AU CŒUR IMMACULÉ DE MARIE

IL y a cent ans, le 10 décembre 1925, à Pontevedra,  l’Enfant-Jésus et sa Très Sainte Mère révélaient à l’Église la dévotion réparatrice des cinq premiers samedis du mois que Dieu veut établir dans le monde pour la consolation du Cœur Immaculé de Marie et le salut des pauvres pécheurs qui tombent en enfer. Mais depuis un siècle, la hiérarchie de l’Église est restée sourde aux demandes du Ciel. Et Sa Sainteté le pape Léon XIV, aujourd’hui, marche sur les traces de ses prédécesseurs. Le 11 octobre, célébrant le “ jubilé de la spiritualité mariale ”, devant la statue de la Capelinha, il ne mentionna même pas Notre-Dame de Fatima, réduisant au contraire la Vierge Marie à n’être que l’icône des joies et des souffrances humaines.

Il y a soixante ans, devant le triomphe de la secte moderniste et progressiste au concile Vatican II, notre Père poussait son cri d’alarme : « L’hérésie est au Concile ! » Mais depuis des décennies, son inlassable combat de Contre-Réforme, ses appels au jugement infaillible du Souverain Pontife se sont heurtés à une forfaiture inouïe.

Que faire donc pour restaurer le dogme de la foi au Vatican et donner satisfaction aux volontés de Jésus et Marie ?

Notre Père se posait déjà la question avec angoisse en 1982 : « Que devons-nous faire ? Une croisade militaire, une polémique intellectuelle, un apostolat ? Oh ! alors comme nous nous sentirions impuissants ! faibles ! désarmés ! »

C’est précisément la prière de l’Ange du Cabeço qui lui fournit la réponse : « Le Ciel entend partager le travail avec la terre dans ces temps difficiles. À nous de prier et de demander pardon, et je ne dis pas même d’expier, de nous livrer à de rudes pénitences dont notre lâcheté est incapable ; simplement de nous prosterner avec confusion pour nous et pour nos frères et de demander pardon ! C’est-à-dire de reconnaître la sainteté, la majesté, l’autorité de notre Roi et de notre Reine à tous, leur bonté infinie et leur miséricorde, puis de confesser que le monde et l’Église même sont ingrats, injurieux, provocants dans leur impiété, leur révolte et dans leurs autres péchés. Et alors, nous interposer entre le monde et Dieu pour implorer le pardon.

« Et cela suffira. Le reste, le Cœur Immaculé de Marie le fera ; lui seul doit pouvoir le faire, et non pas nous, aucun d’entre nous, c’est un dessein mystérieux, c’est une volonté de notre Père céleste et de son Fils Jésus-Christ pour notre siècle. Ce Cœur Immaculé, ce Cœur maternel et royal fera des signes et des prodiges et tous les enfants prodigues que nous désespérons de sauver, de ramener, de convertir, elle les touchera et sans effort apparent, sans lenteur ni retard, elle les retournera en masse, comme un seul homme, vers Jésus et vers le Père. » (Lettre à nos amis n° 43, 15 août 1982)

C’est dans cette intention que frère Bruno lança le projet d’un grand pèlerinage phalangiste de réparation au Cœur Immaculé de Marie, au centenaire de sa révélation de Pontevedra. Las ! la petite ville galicienne et son modeste sanctuaire s’avérèrent trop étroits, trop dépourvus matériellement pour nous accueillir. Les chapelains de La Salette, haut lieu de la réparation en France, fermèrent ensuite leurs portes à un pèlerinage de la CRC. Lourdes, enfin, consentit à nous accueillir. À son recteur, qu’il était allé visiter, frère Michel précisa que nous ne venions pas pour polémiquer, mais pour faire réparation au Cœur Immaculé et que nous participerions volontiers aux célébrations organisées par le sanctuaire.

Mais est-il encore possible, dans l’Église conciliaire, de rendre à l’Immaculée Conception le culte privilégié que Dieu veut établir dans le monde, au rebours du minimalisme qui prévaut depuis soixante ans et du refus obstiné opposé par tous les papes successifs – Jean-Paul Ier excepté – à la petite dévotion réparatrice ?

C’est avec cette inquiétude lancinante, entretenue par une série d’oukases venus du sanctuaire, que frère Michel et ses auxiliaires se mirent à l’ouvrage pour donner corps au projet de frère Bruno. Ce fut une formidable préparation matérielle et spirituelle ! Établissement des listes de pèlerins, mise au point du programme avec les chapelains, prospection et réservation des hôtels, nolisement des cars, impression des badges, gestion des innombrables cas particuliers, publication de nouveaux enregistrements sur la VOD... La plus belle réussite fut peut-être le riche livret de pèlerinage : deux cents pages pour exposer l’esprit de la réparation, guider notre visite des sanctuaires, nous proposer de belles prières et méditations. Rédaction, composition, impression, quel travail ! Nos sœurs se chargèrent du brochage, mais aussi de confectionner quelques centaines de paniers-repas, et encore quinze superbes bannières de Notre-Dame de Lourdes. S’ajoutant aux quinze autres fabriquées en 2017 pour le centenaire de Fatima et à nos grandes bannières du Cœur Immaculé de Marie, de la Sainte Face et de Jean-Paul Ier, elles montreraient à tous dans quel esprit et sous quelle Reine nous nous placions !

SAMEDI 18 OCTOBRE : PRIÈRE ET PÉNITENCE

MESSE D’OUVERTURE À L’ÉGLISE SAINTE-BERNADETTE

Messe d’ouverture de notre pèlerinage à l’église Sainte-Bernadette

Messe d’ouverture de notre pèlerinage à l’église Sainte-Bernadette

Premier rassemblement de notre Phalange

Les larges allées bétonnées s’avérèrent très utiles pour loger la centaine de poussettes !

Enfin, le samedi 18 octobre, à dix heures et demie, près de mille cinq cents amis convergèrent à travers le sanctuaire de Lourdes vers l’église Sainte-­Bernadette, située en face de la Grotte, sur la rive opposée du Gave. Jamais nos communautés et notre Phalange ne s’étaient retrouvées si nombreuses ni surtout si unanimes, réunies par l’amour de l’Immaculée. L’allégresse du “ Chant de départ des pèlerins ”, lors de la procession d’entrée, la puissance du Credo III, le recueillement du Notre Père firent oublier le béton gris et les canalisations apparentes de l’édifice. Nous étions réunis par l’amour de l’Immaculée, pour la consoler et rien d’autre n’avait d’importance ! D’ailleurs, pendant la longue distribution de la communion, pour laquelle une douzaine de frères aidèrent le célébrant, nous eûmes le temps de chanter tous les couplets du cantique “ Jésus Enfant ”, qui formule si bien le message de Pontevedra, nous imprégnant de l’intention de notre pèlerinage.

Enfin, dans un ordre parfait, nos trente-quatre bannières, suivies d’une cinquantaine de frères, d’une soixantaine de sœurs et de la foule sortirent de l’église en procession pour se déployer à l’extérieur, sous un beau soleil d’automne. “ Reine de France, priez pour nous ! ” Notre chant, notre prière suppliante envahit le parvis, couvrit le fracas du Gave, retentit jusqu’à la Grotte, jusqu’à l’Immaculée. Frère Bruno nous avait plusieurs fois assuré que dans l’anarchie institutionnalisée où croupit notre patrie, notre pèlerinage de réparation serait la plus utile des manifestations publiques pour son salut. Nous voulions représenter à Lourdes notre peuple dans les fers, Gallia pœnitens et devota, la France aimante, pénitente et invinciblement attachée à sa Reine ! pour l’assurer qu’il lui reste quelques cœurs fidèles, quelques âmes dévouées dans son royaume de prédilection.

SAINTE BERNADETTE, NOTRE MODÈLE.

Au sortir de l’église qui lui est consacrée, nous étions accueillis par la statue de sainte Bernadette. Elle serait notre guide dans notre pèlerinage de réparation, car l’exemple de sa vie nous représente les vertus qui plaisent à la Sainte Vierge. Dès les apparitions, les témoins contemplèrent sur son visage transfiguré le reflet de l’Immaculée Conception. Ses traits soudain empreints d’une beauté céleste exprimaient tour à tour les sentiments successifs de la Belle Dame. Et par la suite, tout au long de sa vie effacée et immolée, sa conduite héroïque réfléchit la sainteté de sa Mère Immaculée. Notre Père l’avait expliqué notamment le 2 février 1975, lors de la vêture de notre sœur Bernadette du Très Saint Rosaire :

Reliquaire de sainte Bernadette.
Reliquaire de sainte Bernadette à la Crypte
La confidente de l’Immaculée nous est un modèle pour entrer dans la dévotion réparatrice. « Ô Jésus, je ne sens plus ma croix quand je songe à la vôtre. »

« Si, dans les premières années de notre dévotion à Lourdes, dans nos premiers pèlerinages, nous avons été absorbés par le rayonnement de la Vierge Marie, il faut dire que, en approfondissant le message de Lourdes, nos yeux se sont reportés bientôt de la gloire de la Vierge du Rosaire à l’éminente sainteté de sa petite servante. À force d’humilité, de petitesse, de soumission à la volonté de Dieu, qui, finalement, l’a anéantie, écrasée, il me semble que la petite enfant, par l’amour, s’est trouvée, comme le dit saint Thomas d’Aquin, sur un pied d’égalité avec la Vierge Marie. Oui, elle a été élevée par la Vierge, sa Mère, sa Maîtresse des novices pour ainsi dire, à un tel degré de perfection que, en voyant, en étudiant, en scrutant jusque dans les détails la vie de sainte Bernadette, de sœur Marie-Bernard à Nevers, ses moindres paroles, et en méditant les prières qu’elle a recopiées sur son gros cahier pour les réciter bien souvent, ne pas les oublier, on comprend dans l’enfant toutes les vertus de la Mère. »

À Lourdes, la mémoire de sainte Bernadette demeure encore bien vivante et entre deux cérémonies au sanctuaire, nous pouvions marcher sur ses traces en visitant les lieux qui la virent grandir. Nos sœurs, divisées en quatre escouades, toujours en groupe, sillonnèrent la ville sans jamais perdre une minute. Nos amis, en ordre dispersé, s’attachaient aux pas d’un frère pour profiter de ses explications. Le temps nous étant compté, certains des jeunes les plus ardents, entraînés par quelques jeunes frères, n’hésitèrent pas à partir dès quatre heures du matin pour Bartrès où notre sainte séjourna chez sa nourrice, gardant ses troupeaux. Là-bas, le parallèle s’impose entre la bergère lourdaise et les pastoureaux d’Aljustrel. De même dans le moulin de Boly, qui la vit naître, et au moulin Lacadé où fut placée sa famille après les apparitions et qui recèle tant de précieux souvenirs. On y respire la même bonne odeur de pauvreté évangélique, de vertus laborieuses, de piété simple et profonde, de charité chrétienne que chez les dos Santos et les Marto. Nous découvrons ainsi peu à peu les prédilections de l’Immaculée, exprimées avec une céleste simplicité par Bernadette enfant : « J’aime tout ce qui est petit. »

HEURE SAINTE DE RÉPARATION À LA BASILIQUE SAINT-PIE-X

Heure sainte à la basilique Saint-Pie X

Heure sainte à la basilique Saint-Pie X

Frère Bruno, à l’ambon, annonce nos intentions de pèlerinage

« Nous voulons vous tenir compagnie, en esprit de réparation, en méditant les mystères de votre Rosaire, comme vous nous l’avez demandé il y a cent ans, à Pontevedra. Notre seconde intention est d’offrir cette heure d’adoration et ce cha- pelet pour le Saint-Père. »

Le 10 décembre 1925, l’Enfant-Jésus pria Lucie, au couvent de Pontevedra : « Aie compassion du Cœur de ta très Sainte Mère, couvert des épines que les hommes ingrats lui enfoncent à tout moment, sans qu’il y ait personne pour faire acte de réparation afin de les en retirer. »

C’est dans l’immense basilique Saint-Pie-X que nous pûmes, l’après-midi, méditer et mettre en œuvre cette révélation, durant une heure d’adoration eucharistique.

Notre Père appréciait cette nef souterraine colossale dont les puissants piliers arqués lui évoquaient le vaisseau de l’Église battue par les tempêtes, sa fragilité face aux périls qui la menacent, guerre atomique et persécutions, mais aussi la fermeté de sa foi et de son espérance surnaturelles. Nos chants redoublèrent cette leçon : le sublime “ Sub tuum præsidium ” de frère Henry, qui exprime si bien notre confiance à toute épreuve dans la protection de Notre-Dame, puis le “ Christus vincit ” qui éclata au moment de la reposition du Saint-Sacrement, assourdissant, comme un cri formidable de notre foi victorieuse des ténèbres de l’apostasie qui règnent encore dans l’Église.

Avant de commencer la récitation du chapelet, frère Bruno avait pu nous en indiquer brièvement les intentions : « Ô Immaculée Conception, Mère de votre Divin Fils, que nous adorons, que nous voulons aimer par vous et en vous, dans le Sacrement de son amour ! Nous voulons vous tenir compagnie, en esprit de réparation, en méditant les mystères de votre Rosaire, comme vous nous l’avez demandé il y a cent ans, à Pontevedra.

« “ N’oublie pas de faire l’offrande pour les pécheurs ”, dit un jour Lucie à Jacinthe alors qu’elle souffrait.  Oui, mais d’abord j’offre cela pour consoler Notre-­Seigneur et Notre-Dame, et ensuite je l’offre pour les pécheurs et pour le Saint-Père. 

« C’est pourquoi notre seconde intention est d’offrir cette heure d’adoration et cette prière du chapelet pour le Saint-Père, le pape Léon, à ses intentions, dans l’espérance d’obtenir pour lui la force de nous conduire sur le chemin du Ciel, et pour nous la grâce du Jubilé, l’indulgence plénière, la purification de nos âmes. »

Ce devait être la première et la dernière prise de parole de notre frère. Dans un échange antérieur, frère Bruno avait soumis ses méditations au chapelain qui devait nous recevoir. Ce dernier avait alors déploré une prétendue « absence de citations de passages de la Parole de Dieu pour entrer dans la méditation du mystère évoqué et prié » et le manque de « références au message de Lourdes ou encore à l’Année jubilaire que vit l’Église ». Frère Bruno tenta de corriger ses épreuves, en vain. Il fut donc convenu qu’avant chaque dizaine de chapelet nous disposerions d’un temps de prière silencieuse pour adorer Jésus au Saint-Sacrement. Durant celle-ci, chacun fut libre de lire mentalement les méditations de notre frère imprimées dans nos livrets de pèlerinage. Un chant à la Sainte Vierge rompait le silence et frère Bruno récitait à l’ambon une dizaine de Je vous aime ô Marie auxquels nous répondions avec cœur et enthousiasme. La cérémonie fut conclue par une grande bénédiction du Saint-Sacrement que le célébrant reposa enfin au tabernacle.

Las. Nous apprîmes le lendemain matin que notre chapelain avait été scandalisé par la liberté que notre Père nous avait donnée de changer les paroles du Je vous salue Marie. Pourquoi ? Était-ce la vraie raison ? Nous devions comprendre peu à peu que, malgré notre bonne volonté de nous soumettre à tous leurs désirs et à tous leurs ordres, notre seule existence, notre “ ADN CRC , notre combat de Contre-Réforme étaient insupportables à une partie du clergé.

Nous n’avons ni pouvoir ni autorité, aucune autre force que celle de la vérité qui resplendit dans notre anéantissement. Et la méditation du troisième mystère joyeux, la Nativité de Notre-Seigneur, nous indiquait précisément la voie de la victoire par l’humiliation.

« “ Vous êtes trop petit pour faire tout cela ”, m’a dit quelqu’un hier. Me parlait-il à moi, ou à nous autres, de cette humble famille spirituelle engagée dans un combat de géants qui nous dépasse tous ? Ô Saint enfant Jésus, je crois qu’il Vous parlait à vous, si petit, si faible et tout désarmé dans votre crèche de Bethléem en cette nuit de Noël. Et je me sens revigoré dans ce froid, dans cette solitude de vos derniers fidèles, à la pensée que nous sommes bien de Vous, comme Vous, puisque les gens nous parlent comme ils vous parleraient à Vous, avec les mêmes solides raisons, le même bon sens qui seulement ne prend point garde au mystère. Car on n’est jamais trop petit quand il est question de vous être, ô mon Dieu-Enfant, mon Jésus-Dieu, une humanité de surcroît, un peuple choisi, une famille dévouée, digne enfin par sa petitesse même de Vous revêtir d’un étincelant manteau de gloire ! » (Georges de Nantes, Page mystique n° 84, Noël 1975)

Nous sommes donc tout proches de l’Enfant-­Jésus, bien placés pour comprendre ses appels et consoler beaucoup notre Mère au Cœur douloureux et immaculé.

SOUFFRIR AVEC LUCIE ET BERNADETTE.

Sœur Lucie achevait ainsi son récit de l’apparition de 1925 : « Après cette grâce, comment pouvais-­­je me soustraire au plus petit sacrifice que Dieu voudrait me demander ? Pour consoler le Cœur de ma chère Mère du Ciel, je serais contente de boire jusqu’à la dernière goutte le calice le plus amer. »

Sainte Bernadette, déjà, avait reçu de ses apparitions la force de bien souffrir, pour “ se gagner ” le Ciel, que Notre-Dame lui avait promis après une vie d’épreuves : « Je vous promets de vous faire heureuse, non pas en ce monde, mais dans l’autre. »

Savez-vous à quelle date l’Immaculée prononça cette parole merveilleuse ? Le 18 février, lors de sa troisième apparition. Si vous n’avez pas su donner la réponse, vous irez utilement visiter le diorama de la porte Saint-Michel ou bien le musée Sainte-­Bernadette dont une salle raconte les dix-huit apparitions. Nous l’avons parcourue avec des enfants que frère Paul interrogeait et enseignait. Gageons qu’ils auraient su, ensuite, répondre à notre question !

Déjà, dans son enfance, dans la misère du Cachot ou le délaissement de Bartrès, Bernadette avait fait montre d’une héroïque soumission à la Providence : « Quand on pense : le Bon Dieu le permet, on ne se plaint pas. »

À chaque nouvelle visite du Cachot de la rue des Petits-Fossés, on est stupéfait de l’exiguïté de cette méchante pièce, pourtant recrépie proprement.

Sainte Bernadette restera toute sa vie fidèle à sa vocation de souffrance, encouragée au couvent de Saint-Gildard par son confesseur, le Père Douce : « Rappelez-vous souvent cette parole qui vous a été exprimée par la Très Sainte Vierge :  Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! Vous devez être la première à la mettre en pratique. Pour cela, souffrez tout en silence de la part de vos compagnes, de vos supérieures pour que Jésus et Marie soient glorifiés. Demandez bien à Notre-Seigneur de vous faire connaître la croix qu’il veut que vous portiez cette année. Portez-la avec amour, fidélité et générosité. »

Notre livret de pèlerinage offrait à notre méditation de nombreuses maximes de sainte Bernadette témoignant de son acceptation de la souffrance et, spécialement, de son goût pour le Chemin de Croix. À Nevers, elle le faisait tous les jours, dans la chapelle de la communauté, agenouillée sur les dalles.

CHEMIN DE CROIX DES ESPÉLUGUES

Chemin de Croix des Espélugues

Chemin de Croix des Espélugues

IVe station, Jésus rencontre sa sainte Mère

« À Pontevedra, vous êtes revenue accompagnée de Jésus votre Enfant, pour nous dévoiler votre compassion mutuelle. Ô Mère du bel Amour, ô Vierge blessée par l’indifférence des pécheurs, faites-nous comprendre ce grand devoir de compassion, d’expiation, de mortification et de pénitence, seuls moyens, par grâce divine, de vous consoler réellement et de régénérer nos âmes coupables. »

Nous étions maintenant dans les meilleures dispositions pour entreprendre le Chemin de Croix, dont les stations sont représentées de manière si digne et tellement suggestive sur les pentes du rocher des Espélugues. En raison de notre nombre, il fallut nous échelonner en trois groupes de quatre à cinq cents pèlerins, sous la direction de frère Michel, frère Christian puis frère Bruno. Et ce fut encore un petit tour de force de sonoriser tout ce dispositif, suffisamment pour que chacun entende, mais sans gêner pour autant les autres groupes !

Cette foule de religieux, religieuses, fidèles de tous âges et de toutes conditions gravissant derrière leurs bannières une montagne escarpée dominée par la Croix, quelle vivante image du troisième Secret, qui nous engageait à unir nos prières au sang des martyrs pour la consolation du Cœur Immaculé de Marie, le salut des pécheurs et de toute l’Église « à moitié en ruine ».

Pendant ce temps, les plus anciens d’entre nous ainsi que nos grands malades accomplissaient avec frère Louis-Joseph le même exercice de dévotion au Chemin de Croix des malades, édifié par l’abbé Zambelli sur la rive nord du Gave. Quel émouvant spectacle de les voir appliqués à unir leurs souffrances à celles de Jésus et Marie, pour faire réparation à leur unique Cœur !

Au même moment, sur les chemins raboteux des Espélugues, nos pèlerins agenouillés dans les cailloux offraient eux aussi volontiers ce sacrifice, bien exhortés par les méditations rédigées pour la circonstance. À chaque station, elles mettaient en rapport les souffrances de Notre-Seigneur dans sa Passion avec les apparitions de Fatima et la dévotion réparatrice. Par bonheur, sur ces sentiers escarpés, nos frères pouvaient librement nous encourager à la prière, au sacrifice, à l’amour du Cœur Immaculé de Marie. Ils se faisaient l’écho du triple appel de la Dame de Massabielle, répété par l’Ange à l’épée de feu du troisième Secret, relayé par leurs petites confidentes : « Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! »

IXe STATION : JÉSUS TOMBE POUR LA TROISIÈME FOIS

ARRIVÉ presque jusqu’au terme d’une marche exténuante, Jésus tombe une nouvelle fois, accablé par l’épreuve, épuisé par la douleur de ses blessures. Il est entraîné par le poids de la Croix, et sa divine Face vient heurter le sol avec violence. La pensée cruelle de nos fautes continuelles et de son Sang coulant en vain pour un très grand nombre de pécheurs oppresse infiniment son Cœur de douleur.

Et voilà qu’à la Cova da Iria, ô divine Messagère de paix, de grâce, de pardon et d’amour, vous avez parcouru la terre et donné un autre moyen de relever les pauvres pécheurs de leurs chutes : le plus efficace, le plus puissant, le plus miséricordieux de tous.

Après la crainte de l’enfer et la pratique des exercices de piété du chapelet et des premiers samedis du mois, vous avez offert votre Cœur Immaculé, vous l’avez présenté à notre dévotion, à notre amour, à notre consolation. Par lui, avez-vous assuré, Dieu attirera tous les cœurs.

Vous nous avez révélé le danger de notre damnation, mais vous avez aussitôt ouvert les bras de votre miséricorde en nous indiquant cette voie de salut facile et attrayante : « Pour sauver les âmes des pauvres pécheurs, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. » Cette dévotion est le gage certain du salut de nos âmes, mais aussi de la Russie, de la Chrétienté et de toute l’Église.

Ô Marie, qui offrez avec une certaine crainte votre Cœur Im­­maculé, car vous nous savez rebelles, ne permettez pas que nous restions ingrats devant ce dernier moyen de salut.

Ne souffrez pas que le Saint-Père méprise et repousse plus longtemps cette grâce maternelle, mais forcez tous vos enfants à entrer dans votre Cœur très compatissant, et pardonnez à ceux qui n’y croient pas, qui lui refusent tout culte, qui n’espèrent pas en lui et qui ne l’aiment pas.

LE PRIVILÈGE DE LA CROIX.

En redescendant du Chemin de Croix, on rentre dans l’enceinte du sanctuaire de Lourdes par le parvis de la basilique de l’Immaculée Conception. Un tout petit crochet et vous voici dans la crypte, vouée à l’adoration du Saint-Sacrement. Dès l’entrée, obliquez à droite, puis à gauche et vous voici devant le reliquaire de sainte Bernadette, dominé par son grand portrait, si pur. Certains eurent la grâce d’y retrouver frère Bruno et de répondre aux litanies de sainte Bernadette qu’il y récitait avec émotion. Rien de tel pour y comprendre un petit peu le prix de la souffrance.

Dans son couvent de Nevers, sœur Marie-Bernard apprit peu à peu à l’apprécier comme une grâce, une récompense même, elle qui notait dans son carnet : « Jésus, Marie, la Croix, je ne veux d’autres amis que ceux-là. » Et encore « Ô Jésus et Marie, faites enfin que toute ma consolation en ce monde soit de vous aimer et de souffrir pour les pécheurs. »

De la même manière, notre Père inscrivit dans nos 150 Points : « La Croix est le privilège de la Phalange. Le phalangiste entre résolument dans le mystère de la Croix, sachant qu’en renonçant à tout et se renonçant lui-même, le centuple en ce monde et la vie éternelle lui sont promis. » (Point n° 10)

Et depuis que notre Père a voué notre Phalange à l’Immaculée, la croix est devenue le sceau de notre appartenance à notre Reine. Le 20 août 1997, au moment où il recevait au Canada l’inspiration de cette consécration, notre Père nous dictait cette résolution : « S’user jusqu’à la corde, aimés des bons, haïs des ennemis de Jésus-Christ et de sa Sainte Mère, prêts à toutes les croix pour l’amour de l’Immaculée. »

PROCESSION AUX FLAMBEAUX

La procession aux flambeaux

La procession aux flambeaux

Unis à des milliers de fidèles, nous répondons avec enthousiasme à la demande de Notre-Dame : « Je veux qu’on vienne ici en procession. » (23 février 1858). « Une procession est la réunion des enfants venant en grand nombre vers leur Mère, ne formant qu’un cœur pour chanter ses louanges, pour la prier et pour l’aimer. » (P. Marie-Antoine)

Le soir, dès vingt heures trente, la Phalange commence à se regrouper autour de ses bannières, près du pont des arcades, en vue de la procession nocturne. Bientôt, voici la statue de l’Immaculée, copie de celle de Cabuchet, celle que sainte Bernadette trouvait « la moins mal ». Brillamment éclairée, elle attire les regards et captive tous les cœurs : “ Virgo raptrix cordium ” !

À neuf heures moins cinq résonne le mot d’introduction de la procession, en français, en italien, en espagnol et en anglais. Quand on considère la foule de milliers de fidèles qui se presse chaque soir derrière le brancard de l’Immaculée, assoiffée de grâce, affamée de vérité, avide de conversion, on est consterné par le néant de la prédication. Il semble qu’il n’y ait personne pour les conduire à la source de la grâce, leur rompre le pain de la doctrine, les appeler à la prière et à la pénitence. Non, les animateurs de cette procession mariale ne savent qu’appuyer sur le bouton “ lecture ” pour que les haut-parleurs de l’esplanade dévident en toutes langues les slogans préenregistrés : « pèlerins d’espérance », « miséricorde sans condition ». Miséricorde pour quoi ? Espérance de quoi ? Notre sainte religion livrée au caprice des rhéteurs conciliaires, sans plus de péché, sans rédemption, sans Ciel, se réduit à un enchaînement d’abstractions vides. Et la Vierge Immaculée, la Maîtresse de ces lieux, Notre-Dame de Lourdes ? Seule la bande-son italienne l’évoque. Les autres se contentent en dernière phrase, comme pour réparer un oubli, de compléter leur slogan : « Avec Marie, pèlerins d’espérance ». Ce choix, ce tri dans la doctrine, cette mutilation de la vérité, c’est très précisément ce qui définit une hérésie.

Heureusement, le chant du Credo retentit bientôt par tout le sanctuaire et nous le reprenons de tout notre cœur avec la foule, tandis que l’immense cortège embrasé par mille et mille flambeaux s’ébranle derrière la statue de l’Immaculée. Au « Credo in unam, sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam », nous nous mettons en marche à notre tour. Et lorsqu’au Gloria ou lors du refrain de l’Ave Maria, nous levons nos cierges avec des milliers d’autres fidèles pour saluer notre Reine bien aimée, nous ressentons profondément le bonheur d’être avec eux enfants de Marie et de l’Église, c’est tout un !

Parmi cet immense concours de peuple, notre Phalange se distingue par son bel ordre. Aucune fonction ne nous sera confiée dans aucune des processions mariales auxquelles nous participerons durant notre séjour à Lourdes, mais qu’importe : c’est par notre cohésion, notre ferveur, notre soumission même, que nous nous faisons remarquer. Bien rangée derrière ses bannières, en rangs par huit, la Phalange de l’Immaculée attire l’attention et les flashs photographiques !

L’immense fleuve de feu s’écoule lentement autour de l’esplanade, contournant le calvaire des Bretons à la suite de la statue de l’Immaculée, s’amassant peu à peu sur le parvis de la basilique du Rosaire, sous le regard de la Vierge couronnée. Et nous avons le temps, en égrenant nos chapelets, de repenser aux admirables élévations transcrites dans notre carnet sur le mystère de l’Immaculée Conception. Et d’abord celles du Père Marie-Antoine :

« Tous les docteurs, tous les saints semblaient avoir épuisé toutes ses louanges, ils en avaient rempli d’innombrables volumes, tous ont dit qu’elle était pure, qu’elle était sainte, qu’elle était sans péché, mais aucun ne l’a appelée et surtout ne l’a définie : l’Immaculée Conception. Plus on approfondit ces trois mots, plus on les médite, plus on découvre de merveilles et de trésors cachés... » (Le Lis immaculé, manuel du pèlerin de Lourdes)

Voilà qui est alléchant ! Quelles donc merveilles ? Quels trésors ? Lisons saint Maximilien-Marie Kolbe qui scruta si profondément ce mystère :

« Il faut tout faire pour que l’Immaculée soit toujours mieux connue. Il faut que soient connues les relations de l’Immaculée avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit, avec la Sainte Trinité, avec Jésus, les anges et nous-mêmes... Il y a là un champ d’étude illimité. Chaque grâce a passé par ses mains ! Tout cela doit être présenté aux âmes pour les nourrir de l’Immaculée ; et s’assimilant à elle, ces âmes vont en vivre. » (1935)

Comme on aimerait distribuer ces enseignements à tant d’âmes affamées autour de nous et qui ne trouvent personne pour leur expliquer le mystère de ce Nom que nous a révélé Notre-Dame de Lourdes ! Mais le Père Kolbe nous invite à chercher encore plus loin et notre Père s’est élancé dans la voie qu’il a ouverte.

« Notre-Dame de Lourdes n’a pas fini son rôle. Il faudrait y retourner s’agenouiller devant la Grotte et supplier la Sainte Vierge de nous expliquer ce que l’on n’a pas encore compris, qu’on répète indéfiniment sans chercher au-delà. Et là, je crois qu’on trouverait. Il faut prier pour cela. » (13 février 1999)

Et alors ? Nous répétons avec ces saints : Qui êtes-vous, Immaculée ? C’est la question instante, perpétuelle de l’enfant qui aime, qui L’aime, Elle, et voudrait la connaître mieux pour l’aimer plus encore, infiniment.

« Elle est une créature, mais plus proche de Dieu que des autres créatures. Ce mot immaculée est positif. Il dit son rapport intime, incomparable avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit, au point qu’on la croirait divine. Elle n’est divine que par le don de la grâce, mais elle n’a été conçue que pour être le vase d’élection remplie de la Sainteté de Dieu, comme aucune autre créature ne peut l’être.

« Elle est relative à Dieu, mais cette relation est tellement parfaite, elle implique positivement une telle sainteté qu’elle ressemble sans l’être à la Sainteté de Dieu. C’est ce mot d’immaculée dans sa bouche virginale qui nous le fait comprendre.  Je suis l’Immaculée. Elle aurait pu s’en tenir là, mais il fallait bien qu’elle marque qu’elle est humblement la servante de Dieu en étant sa créature, créature d’exception suréminente, sa Conception. » (2 mars 1997)

Ce n’est qu’au Ciel que nous appréhenderons pleinement ce mystère, mais déjà, notre cœur est attiré, embrasé par ces vérités sublimes un instant entrevues et nous répétons inlassablement : Ave Maria ! Je vous aime, ô Marie !

DIMANCHE 19 OCTOBRE 
CROISADE EUCHARISTIQUE ET MARIALE

Le 10 décembre 1925, Notre-Dame confia à Lucie :

« Vois, ma fille, mon Cœur entouré d’épines que les hommes ingrats m’enfoncent à chaque instant par leurs blasphèmes et leurs ingratitudes. Toi, du moins, tâche de me consoler et dis que tous ceux qui, pendant cinq mois, le premier samedi, se confesseront, recevront la sainte Communion, réciteront un chapelet, et me tiendront compagnie pendant quinze minutes en méditant sur les quinze mystères du Rosaire, en esprit de réparation, je promets de les assister à l’heure de la mort avec toutes les grâces nécessaires pour le salut de leur âme. »

Voilà par quelles armes nous sauverons nos âmes, celles de nos frères, nous consolerons notre Mère et lui reconquerrons son beau royaume. Nous nous sommes exercés à leur maniement pendant cette seconde journée à Lourdes, la citadelle de l’Immaculée, véritable camp d’entraînement pour ses phalanges affrontées au monde et à Satan.

MÉDITATION DES MYSTÈRES DU ROSAIRE

Nous avions rendez-vous le lendemain à huit heures et quart à l’église Sainte-Bernadette pour une seconde adoration réparatrice. Comme nous l’avons évoqué plus haut, cela commença mal. Le prêtre qui devait célébrer le salut du Saint-Sacrement nous aborda en nous informant que si nous avions encore le droit de chanter, nous ne pouvions plus parler. Il lirait donc lui-même le texte de frère Bruno et présiderait le chapelet, « avec la formule normale ». C’était donc bien notre façon d’exprimer notre amour de l’Immaculée qui était proscrite du sanctuaire de Lourdes.

Frère Bruno s’effaça avec une telle abnégation que la plupart de nos amis ne soupçonnèrent même pas le climat de malaise dans lequel se déroula notre adoration et qu’ils goûtèrent sans trouble la splendeur de nos chants, de la liturgie, le bonheur de tenir compagnie au Cœur Immaculé de Marie devant Jésus-Hostie, selon les intentions formulées par l’introduction de frère Bruno, que nous lut le chapelain :

« Nous vous adorons, ô Divin Cœur eucharistique de Jésus... Nous savons que Vous êtes ici présent, dans votre Corps ressuscité, votre Sang, votre Âme et votre Divinité, tout réunis en votre unique et parfaite Personne de Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité, à jamais donné à vos créatures comme Victime salutaire et comme Médiateur, comme Sauveur et comme Roi, Seigneur tout-puissant et miséricordieux.

« C’est vous qui êtes apparu à Pontevedra, il y a cent ans, nous ordonnant d’avoir compassion du Cœur de notre très sainte Mère, couvert des épines que les hommes ingrats lui enfoncent à chaque instant, sans qu’il n’y ait personne pour faire acte de réparation afin de les en retirer.

« Et nous craignions que, cent ans après, il n’y ait toujours personne pour faire réparation, pour vous ôter les épines du Cœur.

« Nous, du moins, nous voulons tâcher de vous consoler, ô notre Divine Mère, en vous tenant compagnie durant cette heure sainte, comme vous l’avez demandé, en compatissant à vos douleurs, en vous suppliant d’obtenir pour le pape Léon, pour nos évêques, nos prêtres, pour tous les fidèles présents ici à genoux devant vous, le pardon, la miséricorde et le salut pour l’Église et pour la France, grâce que nous espérons spécialement recevoir en cette année jubilaire. “ Nous n’avons qu’une chose à faire, disait sainte Bernadette, c’est de beaucoup prier la Très Sainte Vierge, afin qu’elle veuille bien intercéder pour nous tous auprès de son cher Fils, et nous obtenir pardon et miséricorde. ” »

Sainte Bernadette, déjà, avait pris la pieuse habitude de méditer les mystères du Rosaire. « Dans son oraison, nous dit-on, elle ne se livrait pas à des considérations élevées, elle se contentait de contempler Notre-Seigneur dans ses différents mystères et d’en faire une application pratique pour la direction de sa vie. Parmi les prières vocales, le rosaire était sa prière de prédilection.

« La vénérable, témoigne sœur Casimir Callery, méditait sur les mystères. Un jour, je lui avouai que je ne pouvais pas prier ; elle me répondit confidentiellement : Transporte-toi au jardin des Olives, ou au pied de la croix et restes-y, Notre-Seigneur te parlera, tu l’écouteras. ” » (Histoire exacte de la vie intérieure et religieuse de sainte Bernadette, Père Petitot)

C’est bien de cette manière que les textes préparés par frère Bruno nous faisaient contempler la Passion entre chaque dizaine de notre chapelet. Sa compréhension savoureuse de la Parole de Dieu, héritée de notre Père, et sa connaissance du Saint Suaire enrichissent notre méditation tandis que les enseignements de Notre-Dame de Fatima en actualisent la leçon. Ainsi du Couronnement d’épines de Notre-Seigneur, car, nous rappelle frère Bruno, nous avons revu cette même couronne douloureuse, le 13 juin 1917 :

« “ Devant la paume de la main droite de Notre-Dame se trouvait un Cœur entouré d’épines qui semblaient s’y enfoncer. Nous avons compris que c’était le Cœur Immaculé de Marie, outragé par les péchés de l’humanité, qui demandait réparation. 

« Ô Jésus, vous avez une soif plus ardente encore qu’Elle règne sur “ le monde entier, particulièrement la France, et chaque âme en particulier ” ! Qu’Elle soit partout aimée, glorifiée ! Et les hommes n’ont pas voulu. Partout, notre Reine est humiliée, abaissée, outragée.

« Pardon, ô Cœur douloureux et Immaculé de Marie, et que votre Règne arrive, par le Saint-Père. »

VIDI AQUAM.

Au cinquième mystère, à la pensée du Cœur ouvert de Notre-Seigneur laissant jaillir le sang et l’eau en signe de perpétuel jaillissement de la grâce, nos esprits s’échappent de l’église Sainte-­Bernadette pour retraverser le Gave, là où elle ouvrit de ses mains, sur l’ordre de la Belle Dame une autre source, au côté droit du rocher : “ Vidi aquam ” !

« Lourdes est comme la Cité sainte, la Jérusalem céleste descendue d’auprès de Dieu, écrivait notre Père. Massabielle est le rocher de l’Alliance bienheureuse, d’où jaillit le flot pressé où doivent se laver tous les peuples, dont ils boiront pour être purifiés et renouvelés afin d’avoir part au banquet des Noces de l’Agneau. Des multitudes se pressent, fraternelles, et je me lave, je bois, heureux d’être pris, d’être poussé, perdu dans cette foule qui m’entraînera au Paradis si je reste confondu parmi tous ces rachetés, ces sauvés. » (Page mystique n° 90, août 1976)

Nous n’avions obtenu de ne réserver qu’une vingtaine de places aux piscines, pour nos grands infirmes. L’opportunité de quelques places libres permit à certains frères et amis supplémentaires d’en profiter également. Les autres accomplirent avec dévotion le geste de l’eau, aux fontaines ou bien au bord des piscines. C’était un spectacle bien édifiant que celui de familles entières, parfois sous la direction d’un frère, se lavant et buvant en priant avec recueillement.

Le musée des miracles, situé dans le bâtiment du Bureau des constatations et facile à visiter entre deux rendez-vous, était là pour nous attester la puissance spectaculaire de l’Immaculée et les prodiges qu’elle daigne accomplir par l’entremise de cette eau miraculeuse.

LA CONFESSION

Mais plus que la guérison des corps, c’est celle des âmes que Notre-Dame veut accomplir à Lourdes. Dans l’un des sermons mis à disposition de nos amis sur la VOD pour les aider à préparer leur pèlerinage, notre Père mettait en parallèle l’immersion du baptême et celle des piscines qui en renouvelle la grâce :

« La Sainte Vierge a voulu faire de Lourdes un lieu de conversion. Il faut descendre dans l’eau, comme dans l’eau du baptême. Combien j’ai vu de personnes désirer refaire leur baptême ! On leur dit que ce n’est pas la peine, il n’y a qu’à se confesser. Oui, mais je voudrais sentir symboliquement que l’eau coule sur moi pour me laver de toutes mes fautes et que je sorte de là comme une nouvelle créature, avec ma nouvelle robe baptismale et ne plus jamais la perdre. » (11 février 1995)

Et pour expliciter le geste de l’eau, nos pèlerins prirent d’assaut les confessionnaux. Les chapelains y constatèrent un fort pic d’affluence durant ces deux jours !

Mais la confession que nous demande Notre-Dame chaque premier samedi n’est encore qu’une étape. C’est sa “ petite barrière blanche ”, comme l’expliqua délicieusement notre Père dans un sermon du 8 septembre 2000. Telle la poinçonneuse du métro de jadis, la Sainte Vierge nous y demande notre billet, notre billet de confession, pour nous ouvrir l’accès à son jardin, pour nous disposer à recevoir le plus grand des sacrements.

Ce qu’il faut demander à la Sainte Vierge

Le Lis Immaculé, Père Marie-Antoine de Lavaur.

VOUS pouvez tout demander à  Marie ; elle peut par sa prière autant que Dieu par sa puissance.

Les Pères de l’Église l’appellent : Omnipotentia supplex. Allez à Marie, dit saint Jean Damascène, allez à elle en toute confiance : demandez-lui les miracles que vous voudrez, il n’en est pas qu’elle ne puisse faire ; elle est le grand laboratoire des miracles de Dieu : Miraculorum officina.

Mais c’est à nous de comprendre les miracles qu’il nous importe le plus de demander ; c’est à nous de comprendre que l’âme doit passer avant le corps.

Quel aveuglement est le nôtre : nous allons trouver notre Mère du Ciel et nous ne lui demandons pas les choses du Ciel ! Nous lui demandons la santé du corps et nous ne lui demandons pas celle de l’âme ; nous lui demandons les richesses, les consolations du temps, et nous ne lui demandons pas les richesses et les joies de l’éternité !

Aussi l’Église met-elle dans notre bouche cette admirable prière : « Mon Dieu, enseignez-nous d’abord ce que nous devons désirer et demander, et exaucez nos prières. »

S’il en est ainsi, nous ferons désormais nos pèlerinages avec des intentions toujours élevées, toujours saintes et toujours pures : s’il s’agit de choses temporelles, ne demandons rien d’une manière absolue, remettons-nous-en à la sagesse et à la bonté de Dieu et supplions simplement Marie de lui demander pour nous ce qui nous est le plus utile, et Marie, qu’on n’invoque jamais en vain, nous l’obtiendra toujours.

Les maladies du corps, ne l’oublions pas, sont souvent utiles au salut : elles servent à nous détacher de la terre, à nous faire rentrer en nous-mêmes, à expier nos péchés, à embellir notre couronne.

Mais les maladies de l’âme ne servent qu’à notre malheur et à notre damnation ; Marie, si nous le lui demandons, nous en guérira toujours.

LA COMMUNION

À dix heures commença la messe dominicale du sanctuaire. Nos pèlerins ne formaient que la moitié de la nombreuse assistance. Nos bannières, alignées le long du rocher, côté évangile, prêchaient à tout le peuple de Dieu la dévotion réparatrice ! Pleins des enseignements de notre Père, précieusement consignés dans notre livret, nous avions à cœur, par notre participation au Saint-Sacrifice et par notre communion, de consoler beaucoup le Cœur Immaculé de Marie. Le Cœur à cœur de la communion est pour Jésus et Marie d’une importance telle que si, à ce moment-là, nous éprouvons quelque compassion pour la Sainte Vierge tellement offensée par tant d’outrages, sacrilèges et indifférences et lui offrons alors notre peu d’amour en réparation, et non pas seulement pour notre bien personnel, nous obtenons des flots de grâce pour le salut des pécheurs, dont nous sommes les premiers.

Il n’est pas difficile d’entrer dans cette intention : « Notre-Dame de Fatima a l’air triste et elle montre son Cœur tout piqué d’épines. Ce sont tous les blasphèmes, les injures qu’elle reçoit des pécheurs, et les pécheurs sont même dans l’Église catholique. On regarde la statue, on voit la Sainte Vierge et on a pitié d’elle. Ce sont des plaies cuisantes. C’est comme le glaive dans le Cœur de notre Mère, comme une mère insultée par ses enfants. Jésus ne peut pas le supporter ; alors, nous intercédons comme des enfants qui embrassent leur mère pour la consoler parce que des gens méchants l’ont frappée. Il n’y a pas besoin de chercher beaucoup pour les trouver. » (1er mars 1997)

Effectivement, hélas ! Car la distribution de la sainte communion fut ce jour-là bien mal organisée à la Grotte pour la foule des assistants. Et cela, dans l’indifférence du clergé. Le célébrant acheva même la messe sans se préoccuper des derniers fidèles qui n’avaient pas encore reçu Jésus-Hostie et qui furent donc privés du Pain célestiel en ce dimanche ! À Lourdes, jamais le fossé entre l’administration cléricale et les pauvres fidèles ne nous est apparu plus béant. Et nous comprîmes mieux la plainte de Notre-Dame de Pellevoisin : « Ce qui m’afflige le plus, c’est le manque de respect qu’on a pour mon Fils dans la sainte communion. »

« L’ange de Fatima a dit aux enfants : “ Consolez votre Dieu. ” Il faut consoler Jésus, consoler Marie. C’est une chose merveilleuse. Comme on console sa maman quand elle pleure. On a une douceur au cœur de pouvoir la consoler. Là, il faut consoler la Sainte Vierge qui est notre Maman du Ciel. “ Ô ma pauvre petite maman, comme vous avez été maltraitée par les pécheurs, mais ayez pitié d’eux. 

« Demander qu’elle ait pitié d’eux, cela lui fait plaisir et lui permet de s’entremettre, d’intercéder pour les pécheurs devant le grand Dieu du Ciel. Si la Sainte Vierge pleure devant son Père céleste et demande pardon pour les pécheurs, ils sont sûrs d’aller au Ciel. » (ibid.)

À la fin de la messe fut entonné l’Ave Maria de Lourdes. Joie de le chanter ici, au pied de cette roche bénie ! Notre ardeur en fut si échauffée que lorsque le chantre s’interrompit, après un bref couplet, dix, cent, mille voix reprirent ce chant d’amour : Ave, ave, ave Maria ! La foule fut unanime, chacun chantant le couplet dans sa langue avant de se fondre dans le refrain commun : Ave Maria !

C’est à ce moment que la formation de nos bannières quitta la Grotte en procession et entreprit de rallier la permanence qui nous avait été assignée, près de la porte Saint-Joseph. Or, sous la conduite de frère Frédéric et frère Marie-Bruno, ils s’y rendirent en si bon ordre que leur mouvement nous entraîna tous dans leur sillage, spontanément : les frères, d’abord, puis quelques centaines de phalangistes. Remontant la berge du Gave, franchissant les grandes arcades, nous fîmes irruption sur le parvis du Rosaire, toujours chantant à pleins poumons nos Ave Maria, sous le regard ravi des pèlerins. Il y eut un court instant d’hésitation : qu’étions-nous donc en train de faire et où aller ? Sur un ordre de frère Michel, aussitôt répercuté par nos frères cérémoniaires, les bannières se déployèrent aux pieds de la Vierge couronnée, face aux frères et aux phalangistes qui s’immobilisèrent en demi-cercle. Que l’Immaculée nous parut belle, alors ! C’est cette statue qui fut solennellement couronnée, le 3 juillet 1876, en présence de trente-six évêques et archevêques et d’un immense concours de peuple. Nous savons que cette cérémonie plut beaucoup à notre Mère du Ciel puisque, le soir même, elle apparut à Estelle Faguette, à Pellevoisin, en lui disant « Je suis venue pour terminer la fête. »

À notre tour, nous venions achever la messe à ses pieds. Le chant terminé, frère Bruno entonna notre acte de consécration à l’Immaculée Conception que nous avons coutume de réciter en action de grâces après nos communions. Ce renouvellement public et solennel de la consécration de la Phalange à sa Reine, dans son improvisation toute providentielle, fut l’un des plus émouvants moments de notre pèlerinage de réparation !

Renouvellement, après la messe, de la consécration de la Phalange à l’Immaculée Conception au pied de la Vierge couronnée.
Renouvellement, après la messe, de la consécration de la Phalange à l’Immaculée Conception au pied de la Vierge couronnée : « Disposez avant tout de moi comme vous le désirez, pour que se réalise enfin ce qui est dit de vous : “ La Femme écrasera la tête du Serpent ” ; et aussi : “ Vous seule vaincrez les hérésies dans le monde entier ”. »

LES BASILIQUES – L’ABBÉ PEYRAMALE.

C’est Notre-Dame elle-même, remarquait notre Père, qui, à Lourdes, n’a rien eu de plus pressé que d’y attirer son Fils, Jésus-Eucharistie : « C’est vous qui avez demandé une chapelle en cet endroit sauvage et mal aimé, comme à Nazareth vous invitiez Dieu déjà par votre prière et l’attiriez au saint tabernacle de votre Chair. C’est pour le donner en amour à des générations de frères et de pèlerins. » (Page mystique n° 90, août 1976)

L’abbé Peyramale, curé de Lourdes, une fois connue l’identité de la Dame de Massabielle, devint le promoteur enthousiaste du chantier de construction de la « chapelle » qu’elle avait commandée. Plusieurs groupes de nos pèlerins poussèrent leurs pas jusqu’à l’église paroissiale du Sacré-Cœur qu’il bâtit aussi. Malgré les travaux qui gênaient l’accès à la crypte, ils parvinrent à s’y recueillir sur la tombe de cet obscur serviteur de Marie Immaculée.

Un jour qu’il présidait les travaux, on le vit déchirer le projet de l’architecte et en jeter les morceaux dans le Gave. « Sachez bien, dit-il, qu’il ne faut pas ici une petite chapelle ; il faut quelque chose de grand comme l’Immaculée Conception. Et si la dépense vous effraye, sachez que Celle qui a fait jaillir de ce roc cette source vive est assez puissante pour en faire sortir de l’or. »

Le résultat de tant d’efforts est une merveille d’architecture et de piété, « ouvrage de haute magnificence et d’immense travail » (Saint Pie X). L’étagement de la basilique supérieure, de la crypte et de la basilique du Rosaire se prolonge harmonieusement, par les deux rampes embrassant le vaste parvis, jusqu’à la longue esplanade, si propice aux processions. La statue de la Vierge couronnée règne sur cet ensemble tout ordonné à son culte. Dans la lumière rosée du levant où sous les feux du crépuscule – car la Providence nous avait gratifiés d’une météo favorable – le spectacle était splendide. Et, à Lourdes, où tout parle de l’Immaculée Conception, l’esthétique conduit de plain-pied à la mystique.

En début d’après-midi, nous avions un intervalle nous permettant d’achever nos visites dans le sanctuaire et dans la ville.

Rejoignons donc d’abord nos amis visitant la basilique supérieure, vouée à l’Immaculée Conception et consacrée dès 1876. D’un style néo-­gothique très pur, elle élève les âmes à la prière. Ses vitraux, surtout, sont remarquables. Les verrières basses racontent les apparitions, mises en correspondance avec leurs figuratifs de l’Ancien Testament. Quant aux vitraux supérieurs, ils évoquent le mystère de l’Immaculée Conception. L’un d’entre eux retint spécialement notre attention : il montrait l’introduction de ce dogme dans le Credo ! Voilà dans la tradition un répondant irrécusable pour l’innovation de notre Père l’abbé de Nantes, de laquelle on lui fait tant grief.

Descendons ensuite dans la basilique du Rosaire, de style romano-byzantin, consacrée en 1901. Très vite, le regard y est attiré par les mosaïques monumentales qui représentent chacun des quinze mystères du Rosaire. Il n’y est pas difficile de méditer un quart d’heure puis d’y réciter le chapelet pour tenir compagnie au Cœur Immaculé de Marie, ainsi qu’elle l’a demandé à Pontevedra !

LE CHAPELET

Nous devions précisément nous rendre à la Grotte pour nous y joindre à la récitation du chapelet. Une consolation bien douce y attendait notre frère Bruno. En effet, un homme, dans la foule, entendant prononcer son nom, le reconnut de loin et se fraya un passage jusqu’à lui. Se penchant à son oreille pour se faire bien comprendre, il se présenta : « Je suis Algérien. Je me suis converti de l’islam après avoir lu vos ouvrages sur le coran. » Il avait été baptisé à Pâques tandis que son épouse, qui l’accompagnait, était encore catéchumène. Depuis plus de soixante ans qu’il étudie le coran, c’est la première fois que notre frère recevait un tel témoignage. Cette conversion justifierait à elle seule ce travail gigantesque de traduction scientifique qu’il a initié sous la direction de notre Père. Frère Bruno offrit à ce nouveau fils spirituel son livret de pèlerinage, afin de parachever sa conversion en lui faisant embrasser la dévotion au Cœur Immaculé de Marie.

Notre supérieur général avait décidé ce pèlerinage pour consoler Notre-Dame et, à l’évidence, elle tenait à lui montrer sa satisfaction en le dédommageant ainsi de ses peines !

Cette anecdote mettait en relief le scandale du colloque interreligieux qui se tenait au même moment dans le sanctuaire, annoncé par tous les tableaux d’information : « Chrétiens et musulmans, pèlerins d’espérance. » Décidément, deux religions s’affrontent dans notre unique Église.

En ce dimanche, le chapelet à la Grotte était présidé par Mgr Micas, évêque de Tarbes-Lourdes. Ses courtes introductions à chaque dizaine nous furent un vrai réconfort. Par exemple, pour le quatrième mystère glorieux, il nous exhorta dans ces termes : « En contemplant ce mystère, nous voyons Notre-Dame être élevée à la gloire du Ciel, dans son corps et dans son âme. Celle qui promit à Bernadette le bonheur de l’autre monde y réside déjà et nous y attend de pied ferme, chacune et chacun. C’est dans le mystère de son Assomption que la Sainte Vierge veille sur notre pays de France. Portons en cette dizaine les intentions de notre pays, de l’Église qu’il sert. Que Notre-Dame de l’Assomption ravive notre foi, soutienne notre espérance et décuple notre charité. »

De l’autre côté du Gave, la statue de sainte Bernadette, récitant le chapelet à genoux lors de la dernière apparition du 16 juillet et toute tendue vers la Grotte, nous rappelait qu’elle fut indéfectiblement attachée à son chapelet. Et cela, dès avant les apparitions. Ne confia-t-elle pas un jour, à propos de son enfance, « Je ne savais que mon chapelet » ? Les pèlerins qui se rendirent au Cachot purent d’ailleurs y vénérer son chapelet de deux sous ; mais pourquoi avoir remplacé le gros chapelet tellement édifiant qui ornait le manteau de la cheminée par un crucifix moderne de style vaguement néo-médiéval tel que Bernadette n’en a jamais vu de sa vie ?

Notre-Dame elle-même, lors de la douzième apparition, le 1er mars, avait tenu à ce que sa confidente ne se serve pas d’un autre chapelet que le sien, si pauvre. Notre Père nous en explique la raison : « C’est une sorte de sacramental et qui doit nous être recommandé. Quand on voit qu’une personne tient énormément à son chapelet, ce n’est pas du tout sans raison, c’est plein de raisons. Ce chapelet devient, entre la Vierge Marie et la personne qui y tient, un lien de communion spirituelle. » (Petit traité sur le chapelet, août 1999)

Sœur Marie-Bernard conservera cette fidélité au chapelet au couvent. La religieuse qui l’a le mieux et le plus intimement connue à Nevers, mère Éléonore Cassagnes, témoigne : « Elle récitait le chapelet avec une piété angélique, elle l’avait d’ailleurs toujours à la main lorsqu’elle traversait les cloîtres ; cela nous poussait, disaient les novices, à en faire autant. »

Or, depuis Fatima, la récitation du chapelet, quotidienne, n’est plus affaire de dévotion personnelle, mais c’est une volonté de Notre-Dame, répétée à chacune de ses apparitions. La Très Sainte Vierge lui a donné une efficacité nouvelle dans le combat des derniers temps que nous vivons. C’est pourquoi sœur Lucie saisira toutes les occasions de demander au Saint-Père de reconnaître le saint Rosaire comme une prière liturgique : non plus seulement une dévotion facultative laissée à la libre appréciation de chacun, mais une prière officielle de l’Église, au même titre que la liturgie des heures.

PROCESSION EUCHARISTIQUE

Procession eucharistique

Procession eucharistique

Dans la basilique Saint-Pie X, à l’issue de la procession eucharistique, Jésus-Hostie bénit les malades et la foule des pèlerins ; ici, mère Lucie et nos sœurs. Deux médecins suivent le Saint-Sacrement pour constater les guérisons miraculeuses.

« Fils de David, ayez pitié de nous !

Seigneur, faites que je voie !

Seigneur, faites que je marche !

Seigneur, guérissez-moi ! »

Après le chapelet, nous traversâmes le Gave pour nous rendre au podium de l’adoration eucharistique, d’où part la procession du Saint-Sacrement. Il s’agit de l’une des grandes dévotions du pèlerinage de Lourdes. Dans ce sanctuaire béni se comprend mieux qu’ailleurs, peut-être, l’identification mystérieuse de la prière à Marie et du culte eucharistique. Le célébrant, après avoir exposé Jésus dans l’ostensoir à l’adoration de l’assistance, rappela d’ailleurs : « Aux pieds de Jésus, nous sommes en compagnie de Marie, première adoratrice du Dieu fait chair, le premier tabernacle, le premier ostensoir. »

Plus profondément, en 2008, le Père Raymond Zambelli, alors recteur des sanctuaires de Lourdes, avait expliqué dans un éditorial que frère Bruno nous avait commenté avec enthousiasme : « En apportant aux hommes l’Évangile sous cette forme la plus dépouillée qui soit, le chapelet, Marie nous offre en fait le Christ puisque l’Évangile c’est le Christ. À Lourdes, pour bien des raisons, tous les pèlerins ne peuvent recevoir l’Eucharistie, mais tous peuvent recevoir de Marie le Christ mystérieusement présent dans le chapelet et représenté par cette croix qui le désigne comme le Sauveur des hommes. » (Lourdes, n° 157)

Voilà la charte d’une authentique pastorale des périphéries de l’Église, populaire et mariale ! résumée par sœur Lucie dans une formule audacieuse : « La prière du chapelet est la plus accessible à tous, aux riches comme aux pauvres, aux savants comme aux ignorants. Elle doit être comme le pain spirituel de chacun. »

Tel était bien le pain que demandait sainte Bernadette dans sa prière à Jésus au Saint-Sacrement que nos pèlerins méditaient en adorant silencieusement Jésus-Eucharistie.

Ô Jésus, donnez-moi, je vous prie,
le pain de l’humilité,
le pain de l’obéissance,
le pain de la charité,
le pain de force pour rompre ma volonté et la fondre à la vôtre,
le pain de mortification intérieure,
le pain de détachement des créatures,
le pain de patience pour supporter les peines que mon cœur souffre,
ô Jésus, vous me voulez crucifiée, fiat !
le pain de force pour bien souffrir,
le pain de ne voir que vous seul en tout et toujours.

Au signal des cérémoniaires, la procession s’ébranle. Que ce cortège a fière allure ! Nos bannières vont en tête, agitées par le vent, suivies par l’impressionnant bataillon de nos communautés de Petits frères et de Petites sœurs du Sacré-Cœur, largement mis à l’honneur par la réalisation vidéo du sanctuaire. Puis vient le peuple fidèle, composé pour une bonne moitié de nos pèlerins. Enfin, le clergé et Jésus-Hostie sous un dais porté par quatre pères de famille phalangistes.

Le cérémoniaire laïc qui supervise les grandes cérémonies du sanctuaire félicitera ce jour-là les frères chargés de la direction de nos porte-bannières : il avait rarement vu un si beau pèlerinage ! De même, au spectacle de notre groupe uni, fervent, et de si bons fruits de dévotion, les âmes droites reconnaîtront le bon arbre dont ils proviennent. Des Nicodèmes se déclareront.

Après avoir franchi le Gave, la procession s’engage sur l’esplanade, en direction de la porte Saint-Michel et du Calvaire des Bretons : la croix grandit sur l’horizon. La prière de sainte Bernadette suit la même direction :

Jésus, Marie, la Croix,
je ne veux pas d’autres amis que ceux-là.
Ô Jésus, gardez-moi sous l’étendard de votre Croix.
Que le crucifix ne soit pas seulement
sous mes yeux, sur ma poitrine,
mais dans mon cœur, vivant en moi.
Que je sois moi-même cette crucifiée vivante
transformée en lui par l’union de l’Eucharistie,
par la méditation de sa vie,
des sentiments les plus intimes de son Cœur,
attirant les âmes, non pas à moi mais à Lui,
du haut de cette Croix où vivante,
son amour m’attache à jamais.

Enfin, sous les bourrasques, nous nous engouffrons lentement dans la basilique Saint-Pie X, pour le rite de la bénédiction des malades. Quelle cérémonie émouvante, quel acte de foi ! En regardant le célébrant bénir successivement avec le Saint-Sacrement les malades, puis les groupes de pèlerins, on se rappelle la multitude de miracles qui se sont produits à cette occasion tout au long de l’histoire du sanctuaire de Lourdes. Par exemple, la guérison de Gabriel Gargam, que frère Bruno avait racontée lors du Congrès, pour stimuler la foi et l’espérance de nos amis. Deux médecins suivent d’ailleurs le Saint-Sacrement afin de pouvoir constater ces prodiges.

Comme la procession aux flambeaux, la procession du Saint-Sacrement, à Lourdes, est née d’une initiative de la foi incandescente du Père Marie-Antoine.

Au cours du pèlerinage national de 1886, au moment où va être donnée la bénédiction du Saint-­Sacrement et où le diacre se dispose à mettre l’Hostie dans l’ostensoir, l’ardent capucin s’avance : « Quand le Saint-Sacrement est à la Grotte, on a remarqué que les guérisons sont plus nombreuses. Ayez la foi. Voici notre Dieu qui vient : Benedictus qui venit in nomine Domini.

« Ce matin, il y a eu neuf guérisons. Les heureux privilégiés accompagnent Notre-Seigneur. Mais ce n’est pas assez de neuf, il en faut douze, pour représenter, auprès du Sauveur, le cortège des Apôtres. Demandons, avec une grande foi et un amer repentir de nos péchés trois autres guérisons. La Sainte Vierge nous les obtiendra. Mettez-vous tous à genoux, baisez la terre, et les bras en croix ! »

Le ton est impressionnant.

« Mes frères, criez vers Lui comme les foules de Judée : fils de David, ayez pitié de Nous !

– Ayez pitié de nous, crie la foule.

– Seigneur, faites que je voie ! Seigneur faites que je marche ! Seigneur, guérissez-moi ! »

On prie, on crie miséricorde. Et, au moment de la bénédiction, ce ne sont pas trois malades, mais quatre qui s’avancent depuis les piscines, guéris. Ils seront treize à accompagner Notre-Seigneur, la Reine des Apôtres ayant voulu avoir aussi son représentant dans ce nouveau cortège apostolique.

Près d’un siècle et demi plus tard, à notre tour, nous répétons « Kyrie eleison », tandis que Jésus-­Hostie passe à travers nos rangs. Mais nous ne demandons pas d’abord la guérison de nos malades, placés au premier rang, dans leurs fauteuils roulants et si édifiants. Non, tandis que nous sommes ainsi étroitement mêlés à la foule pèlerine, pleinement intégrés au corps mystique de l’Église, c’est de son organisme malade que nous implorons la guérison. Et, plus particulièrement, nous demandons grâce pour notre Saint-Père le pape Léon XIV, aveugle sur les causes de la ruine de l’Église et atteint lui aussi par les mêmes erreurs doctrinales que ses prédécesseurs réformateurs. Seigneur, ayez pitié de Nous ! Notre-Dame de Lourdes, guérissez-nous !

En regardant la Sainte Hostie, dans l’ostensoir, parcourir l’esplanade populeuse puis les larges allées de la basilique Saint-Pie X, nous éprouvions les mêmes sentiments qui furent ceux du jeune abbé de Nantes, lors de son pèlerinage du 16 juillet 1958 :

« Lourdes, c’est une ville sainte, comme Vézelay, Le Puy et tant d’autres au Moyen Âge. C’est, en un point de l’espace, un rassemblement d’Église, une image de l’immense communauté chrétienne (...). Jésus passe sans cesse au milieu de cette foule, l’Eucharistie est partout distribuée et adorée : sur son passage on s’agenouille, on demande guérison et pardon avec foi. Il est là parmi les siens comme celui qui sert. Nul ne s’étonne de Le voir si proche, si mêlé à eux. ­L’Esprit-Saint insuffle à tous l’être, la vie, le mouvement. C’est Lui qui donne figure d’Église à ces masses de toutes langues et de toutes nations, comme d’une seule paroisse. » (Lettre à mes amis n° 38)

Vue aérienne de la basilique.

« Tu es Petrus et super hanc petramædificabo Ecclesiam meam »

C’est sur le roc du dogme de l’Immaculée Conception que le Saint-Père restaurera l’Église, plus belle que jamais, comme les basiliques de Lourdes sont fondées magnifiquement sur le rocher de Massabielle.

PROCESSION AUX FLAMBEAUX

Le soir, nous étions de nouveau au rendez-vous de la procession aux flambeaux. Finalement, nous aurons participé à quatre d’entre elles, avec un regard chaque fois un peu plus averti, mais sans que notre émerveillement ne se lasse au spectacle de cette multitude cosmopolite mais fraternelle, rassemblée par l’amour de l’Immaculée.

« Nous nous sommes mêlés à cette foule croyante, priante, espérante, aimante, poursuivait notre Père. Il n’y a sur terre rien de plus beau que ces deux œuvres de l’Esprit-Saint, à la ressemblance l’une de l’autre, comme il convient à une Mère et sa fille : la Vierge douce et compatissante, cette Église qui est son enfant (...).

« Celui qu’anime la vraie foi ne peut rester insensible à ce spectacle : cette foule est trop visiblement humaine pour que la raison se défie et craigne l’illuminisme ou l’hypocrisie de la ferveur ; mais cette foule est tellement heureuse dans ses peines, confiante dans ses détresses, fervente avec candeur, héroïque avec simplicité, que le cœur admire en elle le don de Dieu, la grâce et la beauté de l’Épouse du Verbe, la puissance surhumaine de la Vertu du Très-Haut. Cela se voit à la grotte, à la piscine et aux fontaines, à la chapelle des confessions et lors des messes solennelles, dans la basilique souterraine, près des innombrables chers malades lors de la procession du Saint-Sacrement et enfin dans la nuit qu’illuminent les milliers de flambeaux. Je ne sais pourquoi alors les larmes coulent et l’intime de l’âme est broyé à cette vue ; ce doit être que l’homme ne peut voir de si près le divin ni toucher le mystère céleste sans mourir, sans que l’âme ne vienne à défaillir. Comprenne qui pourra. » (ibid.)

Ces lignes datent des derniers mois du règne de Pie XII. Depuis, le Concile a fait triompher le modernisme et le progressisme dans l’Église et jugulé le culte marial. L’apostasie a submergé Rome et déferlé sur toute l’Église, vidant les sanctuaires. Dans la Cité de l’Immaculée elle-même, un évêque de Tarbes claironnait pour le cinquantenaire du Concile : « À Lourdes, il n’y a pas de message ! » L’accès aux piscines a été drastiquement contrôlé, mis aux normes sanitaires de l’État socialiste.

Mais voici la merveille, le miracle : au bout de soixante ans de désorientation diabolique, chaque soir, des milliers de fidèles persistent à se rassembler, sous la présidence d’un clergé souvent étranger à sa piété, pour acclamer l’Immaculée. L’introduction en italien – et elle seule, malheureusement – rappelle très justement que cet acte de culte est la réponse de l’Église à la demande de la Belle Dame de Massabielle : « Allez dire aux prêtres de me faire bâtir ici une chapelle et qu’on y doit venir en procession. » Les fidèles de 2025 qui agitent leurs smartphones sont sans doute moins nombreux, peut-être moins recueillis et davantage sollicités par les sirènes du monde qu’en 1958, mais ils demeurent chaque soir fidèles à ce rendez-­vous fixé par Notre-Dame. Frère Bruno s’exclamait ensuite avec ravissement : « La Sainte Vierge a demandé des processions, et elle les a, chaque soir ! »

LA PIERRE ANGULAIRE DE L’ÉGLISE.

Notre Père continuait ainsi sa lettre : « Tandis que j’écris, la procession s’achève. Le Credo vient d’être entonné. Dix, vingt mille voix le chantent. Cette foi proclamée n’est pas la voix la plus puissante de Lourdes, mais celle de Dieu qui y répond : Dieu agit ici partout. »

Lourdes demeure donc la citadelle de la foi contre laquelle Satan ne prévaudra pas, le gage de la renaissance de l’Église, du relèvement de ses ruines, sur le fondement du dogme de l’Immaculée Conception.

Nous n’avons cessé de prier pour la conversion du Pape, le Vicaire du Christ. Notre-Dame de Fatima a en effet voulu faire dépendre le salut de l’Église de sa foi et de son obéissance : « Tu es Petrus et super hanc Petram, ædificabo Ecclesiam meam. »

Mais en nous insérant dans la file ininterrompue de pèlerins qui passent au fond de la Grotte pour s’approcher davantage de Celle qui y descendit et y révéla son Nom, en touchant, en embrassant ce roc froid et dur, on murmure de même : « Super hanc Petram, ædificabo Ecclesiam meam. »

L’Immaculée Conception est la pierre d’achoppement sur laquelle trébuchent, se révèlent et se brisent ses ennemis. Nous l’avons bien constaté pendant ces deux jours : à Lourdes, notre amour de Marie a opéré le discernement des cœurs !

L’Immaculée Conception est aussi la pierre angulaire sur laquelle se fondera la restauration de l’Église et du dogme de la foi. Saint Pie X l’enseignait déjà dans son encyclique Ad Diem illum lætissimum : « Que les peuples croient et qu’ils professent que la Vierge Marie a été, dès le premier instant de sa conception, préservée de toute souillure : dès lors, il est nécessaire qu’ils admettent, et la faute originelle, et la réhabilitation de l’humanité par Jésus-Christ, et l’Évangile et l’Église, et enfin la loi de la souffrance : en vertu de quoi tout ce qu’il y a de rationalisme et de matérialisme au monde est arraché par la racine et détruit, et il reste cette gloire à la sagesse chrétienne d’avoir conservé et défendu la vérité. »

Laissons notre Père conclure : « L’Immaculée Conception, c’est une arme secrète du Bon Dieu. Si on savait ce que c’est que l’Immaculée Conception, si l’Église découvrait ce mystère que la Sainte Vierge nous a confié et dont on n’a rien fait, aujourd’hui, demain, le monde se convertirait. » (13 février 1999)

LUNDI 20 OCTOBRE : PÈLERINAGE À GARAISON

DE GARAISON A LOURDES

Pourquoi avoir fait pèlerinage à Garaison ? Pour le comprendre, il faut au préalable répondre à une autre question : pourquoi l’Immaculée Conception a-t-elle choisi de révéler son Nom et de distribuer ses largesses précisément à Lourdes ? Parce qu’elle possédait en Bigorre une terre bien disposée et irriguée depuis longtemps par l’eau vive de sa grâce.

C’est en 1062 que le comte Bernard Ier de Bigorre avait fait don de son comté à Notre-Dame du Puy. En 1515, tandis qu’en Allemagne, Luther mûrissait son attentat contre l’Église et contre sa foi, la Vierge Marie se manifesta à Garaison, apparaissant près d’une fontaine à une bergère, Anglèse de Sagazan, et lui promettant d’y répandre ses dons. Ce pays était pourtant le plus mal famé, peut-être, de tout le royaume de France, une lande sauvage réputée hantée par le diable : la lande du bouc. C’est néanmoins de ce lieu que Notre-Dame voulut prendre possession, afin d’y établir un rempart pour la foi et une source vive de ses grâces et ses miséricordes. C’est elle qui maintiendra la Bigorre dans la foi catholique, à la différence du Béarn voisin, soumis à la tyrannie des reines de Navarre.

En 1586, cependant, la région sera saccagée par un capitaine calviniste qui mettra le comble à ses forfaits en jetant la statue en bois de Notre-Dame de Pitié vénérée dans le sanctuaire dans un grand brasier. « Le feu brûla plus de deux heures, sans offenser tant soit peu l’image sainte », écrit le chapelain Étienne Molinier en 1630.

Ce miracle éclatant annonçait la renaissance du sanctuaire qui se réalisa à partir de 1604, avec l’arrivée à Garaison de Pierre Geoffroy. Ce prêtre zélé releva le pèlerinage et fut bientôt institué “ premier chapelain ” à la tête de douze prêtres pour lesquels il rédigea une règle, dans l’esprit du concile de Trente. C’est à lui que le sanctuaire doit sa physionomie actuelle, avec sa cour d’honneur bordée par la façade de la chapelle de style jésuite et la vaste maison des chapelains. Garaison devint ainsi un haut lieu de la Contre-Réforme catholique, rayonnant sur tout le Sud-ouest de la France et cela, jusqu’à la Révolution française.

Le sanctuaire fut alors de nouveau dévasté : la propriété des chapelains fut vendue, la chapelle désaffectée et les trésors artistiques dilapidés. Les chapelains refusèrent de prêter serment à la Constitution civile du clergé et la plupart s’exilèrent en Espagne. Quelques-uns se cachèrent dans le pays.

Notre-Dame n’abandonnait pas pour autant son fief de Garaison. 1835, l’évêque de Tarbes racheta le domaine, désirant en faire une pièce maîtresse de son plan de restauration de la vie chrétienne dans son diocèse. Il y installa le Père Jean-Louis Peydessus, à la tête de trois autres prêtres, avec pour mission de faire de ce sanctuaire ruiné par la Révolution un foyer rayonnant de vie spirituelle et mariale. Aussitôt, les pèlerins accoururent de toutes parts, par milliers ! Les chapelains, certains jours, distribuèrent six à huit mille communions, ce qui signifiait autant de confessions ! Ils entreprirent en outre l’œuvre des missions paroissiales et furent bientôt chargés par Mgr Laurence de relever de même d’autres sanctuaires marials du diocèse.

Ce digne évêque dit un jour, en montrant la fontaine des apparitions à Garaison : « C’est d’ici que sortent et sortiront toujours les grâces de mon diocèse. »

En février 1858, Mgr Laurence se trouvait précisément à Garaison quand lui parvint la nouvelle des apparitions de Lourdes. Il y reconnut la réponse du Ciel à l’effort de restauration mariale entreprise dans son diocèse. En annonçant à ses diocésains le prochain couronnement de la Vierge de Garaison, l’évêque leur expliqua ainsi : « Le Ciel semble avoir eu pour agréables le zèle que ce diocèse a montré et les sacrifices qu’il s’est imposés, depuis trente ans, pour restaurer ou relever ces asiles de piété que nos ancêtres avaient élevés en l’honneur de Marie et que les sanglants événements de la fin du siècle dernier avaient abattus ou remis à des mains laïques. Aussi la Sainte Vierge vient-elle de le gratifier d’une nouvelle et très remarquable faveur : de son apparition de la grotte de Massabielle, près de la ville de Lourdes. »

La cérémonie du couronnement eut lieu le 17 septembre 1865, devant quarante mille pèlerins et cinq cents prêtres. Dans la pensée de Mgr Laurence, cette journée de triomphe était le chant de reconnaissance que le diocèse adressait à Notre-Dame pour les dons qu’elle avait promis à la petite Anglèse et qu’elle avait si libéralement répandus à travers toute la Bigorre.

Ainsi, Garaison a été un premier sourire de Marie et une longue préparation grâce à laquelle le peuple des petits et des humbles accueillirait avec enthousiasme le message confié à Bernadette : « Je suis l’Immaculée Conception. »

Depuis plusieurs mois, frère Michel avait conçu le projet de conclure notre grand pèlerinage de réparation avec les frères et les sœurs dans un sanctuaire plus intime. De fil en aiguille, nous proposâmes à nos familiers de se joindre à nous. Finalement, ce furent près de mille pèlerins qui nous suivirent une journée de plus, pour être bien sûrs de ne pas perdre une miette des biens spirituels qui leur sont si largement dispensés par le CRC dans ces moments privilégiés de pèlerinages.

DE MONLÉON À GARAISON

L’un de nos groupes de pèlerins se rendant de Monléon à Garaison.

L’un de nos groupes de pèlerins se rendant de Monléon à Garaison. Nous avons reproduit la première procession des habitants convaincus par le miracle des pains de la vérité des apparitions de la Sainte Vierge à Anglèse de Sagazan.

Avant le lever du jour, donc, quatre autocars et plus de deux cents voitures quittèrent Lourdes en direction de l’Ouest. À quatre-vingts kilomètres de là, ils déchargèrent leurs passagers au village de Monléon-Magnoac, au prix d’un savant ballet automobile destiné à éviter les croisements sur les routes étroites de cette campagne reculée. Manœuvre délicate, mais qui réussit grâce à la bonne coordination des bénévoles du sanctuaire de Garaison, aidés de nos frères de Fons, Frébourg et Magé. Une fois les effectifs rassemblés, répartis en quatre groupes, nous nous mîmes en marche vers Garaison, à cinq kilomètres de là, sous un ciel bas et menaçant.

Cet itinéraire n’était pas anodin. En 1515, ce fut celui de la première procession qui honora Notre-Dame en son nouveau domaine. La fontaine, en effet, se trouvait sur la paroisse de Montléon. Or, lorsque Notre-Dame apparut à la petite Anglèse de Sagazan, qui gardait son troupeau auprès d’une source, elle lui dit doucement :

« Ne craignez rien, je suis la Vierge Marie, Mère de Dieu. Mais allez dire à votre père d’avertir le recteur de Monléon qu’il doit bâtir ici une chapelle, car j’ai choisi ce lieu et j’y répandrai mes dons. »

La fillette raconta la chose à ses parents et le brave père Sagazan se hâta de porter ce message à Monléon. Les habitants ne le crurent pas, non plus que le lendemain lorsque, l’apparition s’étant renouvelée et ayant réitéré sa demande, le brave paysan répéta son ambassade.

Le troisième jour, cependant, plusieurs personnes accompagnèrent Anglèse et, merveille ! s’ils ne virent pas sa céleste visiteuse, tous entendirent sa voix ! Plus incontestable encore, le méchant pain noir que la bergère portait en sa panetière fut changé, oh, miracle ! en un savoureux pain blanc. La Sainte Vierge dit à la bergère d’avertir ses parents, alors dans une extrême misère, qu’ils trouveraient leur coffre rempli du même pain merveilleux. Ce qui fut aussitôt vérifié !

Les témoins, ravis, coururent aussitôt vers Monléon, parlèrent aux consuls de la ville et leur donnèrent des preuves palpables du double miracle. Les consuls en firent rapport au recteur. Toute la ville fut en émoi ; les prêtres revêtirent leurs ornements de fête. Une procession s’organisa, telle qu’elle est représentée sur l’un des arcs du narthex de la chapelle de Garaison : la croix en tête, suivie du clergé, des consuls et du peuple accouru en foule. Des guérisons soudaines répondirent à cet élan de foi et une église y fut bientôt construite.

Tout à la méditation de cette ravissante histoire, nos pèlerins marchaient allègrement, chantant des cantiques et des Ave Maria ou répondant aux litanies. Le temps semblait s’éclaircir à mesure que nous approchions du but. Soudain au sommet d’un épaulement du terrain, nous vîmes venir à nous un autre cortège suivant la bannière de Notre-Dame de Garaison et un brancard de la Vierge de Lourdes. C’étaient tous les petits marcheurs, les malades, les poussettes qui, derrière frère Bruno, venaient à notre rencontre. La jonction faite, l’arrivée à Garaison de cette longue procession fut solennelle ! Une fois tous regroupés au pied d’une statue de la Vierge Marie, le Père recteur nous souhaita la bienvenue : « Vous êtes ici chez vous, chez la Sainte Vierge ! »

« ICI JE RÉPANDRAI MES DONS »

En pénétrant dans le domaine de Marie, nous eûmes la joie de découvrir un clergé “ catholique sans épithète ” (Mgr Freppel), ne demandant qu’à nous faire bénéficier de son ministère et secondé dans sa tâche par un essaim de bénévoles efficaces, rivalisant de dévouement et de bonne humeur.

En haut de la façade de la chapelle, dans un médaillon, nous pouvions lire l’inscription rappelant la parole de Notre-Dame à Anglèse : « Ici je répandrai mes dons. » Nous allions vérifier pendant toute la journée la vérité de cette promesse !

La messe commença presque aussitôt, célébrée dans le parc du sanctuaire. Les bénévoles avaient installé l’autel sur un podium somptueusement orné d’antependiums brodés à l’effigie de Notre-Dame de Lourdes et de Notre-Dame des Sept Douleurs.

Mais le plus beau fut l’homélie sur l’Évangile de la messe du Cœur Immaculé de Marie (Jn 19, 25-27). Le prédicateur nous montra dans la compassion de la Vierge au Calvaire le fondement de la dévotion réparatrice au Cœur Immaculé de Marie et la victoire du Christ rédempteur sur le péché et sur l’enfer.

Tel était le principal cadeau que nous réservait Notre-Dame : de retrouver dans ce petit sanctuaire, aux pieds d’une statue vénérable de la Vierge de Pitié, la même intention réparatrice qui avait guidé tout notre pèlerinage, mais ici prêchée par l’Église !

Après la messe, nous nous divisâmes en petits groupes pour visiter le sanctuaire.

La chapelle de Notre-Dame de Garaison.

En médaillon à droite : La fontaine miraculeuse. « C’est d’ici que sortent et sortiront toujours les grâces de mon diocèse. » (Mgr Laurence)

La chapelle de Notre-Dame de Garaison. Au centre du retable, la statue miraculeuse couronnée le 17 septembre 1865 par Mgr Laurence, évêque de Tarbes. Mgr Micas a renouvelé cet hommage le 14 septembre 2025.

VISITE DU SANCTUAIRE.

Emmenés par le recteur ou un bénévole, commençons par le narthex, dont les fresques naïves et animées retracent l’histoire des apparitions et du sanctuaire, ainsi que de nombreux miracles consignés dans le Livre des merveilles de Notre-Dame de Garaison de Pierre Geoffroy.

Entrons ensuite dans la chapelle, dont le magnifique retable doré du seizième siècle attire d’emblée les regards. Notre Père aurait immensément admiré cette présentation mariale de toute l’économie du Salut, ce qu’il appelait « le cantique de la Femme ». Tout l’Ancien Testament nous donne à contempler des figures de l’Immaculée, ici représentées par des statues expressives : Marie sera une mère heureuse et miraculeusement féconde comme Sara, mais aussi femme de douleurs comme Noémie, et victorieuse, enfin, comme Yaël et Judith.

Mais le trésor de ce retable, c’est l’image miraculeuse de la Vierge de Pitié. Le 14 septembre dernier, pour célébrer le cent soixantième anniversaire de son couronnement, l’évêque de Tarbes, Mgr Micas, a déposé sur sa tête un nouveau diadème en or, fruit de la générosité des fidèles. Cette couronne est fleurdélysée, pour rappeler la souveraineté de Marie sur la France, en vertu du vœu de Louis XIII. Décidément, nous retrouvons à Garaison tous nos amours, toutes nos dévotions !

De l’église, passons à la sacristie, pour y admirer toute une catéchèse en images. Les voûtes surbaissées y sont en effet ornées de fresques représentant la Passion, l’Eucharistie et la Pentecôte.

Nous en ressortons assez vite, pressés de parvenir au terme de notre visite : la fontaine miraculeuse. Ne vous fiez pas à la pancarte insolente qui met en garde contre une « eau non potable » ! Car cette eau fait des miracles, aujourd’hui encore. Le recteur nous a même appris qu’ayant fait des recherches dans les archives du sanctuaire, il s’est aperçu que dans les anciens récits de miracles, l’eau de la fontaine ne jouait pas de rôle particulier. Mais c’est depuis 2020 et la fermeture des piscines de Lourdes lors de l’épidémie de covid-19 que Notre-Dame y a suppléé en se servant dorénavant de l’eau de Garaison pour opérer des guérisons. Le canal de ses grâces se tarissait-il à Lourdes ? Eh bien ! Elle mettait en service une conduite dérivée qui les ferait jaillir à Garaison pour que, toujours, ses miséricordes se répandent sur les pauvres âmes. Certains de nos amis n’ont d’ailleurs pas tardé à en éprouver les bienfaits !

Le sanctuaire et l’institution scolaire Notre-Dame de Garaison

Le sanctuaire et l’institution scolaire Notre-Dame de Garaison

La bénédiction du Saint-Sacrement clôt notre pèlerinage, après que la lecture de la lettre de frère Bruno au Pape en a résumé toutes les intentions.

ADRESSE AU SAINT-PÈRE.

À quinze heures trente, nous étions de nouveau rassemblés au pied du podium eucharistique pour une dernière heure sainte de réparation, par laquelle s’achèverait notre pèlerinage. Frère Bruno en profita pour nous lire la lettre qu’il avait écrite au Saint-Père, le 13 octobre dernier. En lisant la dernière exhortation apostolique Dilexi te, consacrée à l’amour des pauvres, nous avions été désappointés d’y retrouver tout le progressisme de ses prédécesseurs, le double mouvement de naturalisation du surnaturel et de surnaturalisation du naturel dénoncé par l’abbé de Nantes depuis 1958 et ses premières lettres sur Le Mystère de l’Église et l’Antichrist.

Frère Bruno résolut néanmoins de tirer parti de ce souci du Pape pour les nécessiteux afin d’attirer son attention sur une catégorie de pauvres à laquelle il ne pense manifestement pas, bien qu’elle soit la plus misérable de toutes, celle en tout cas pour laquelle Notre-Dame de Fatima nous a révélé sa préoccupation angoissée : les pauvres pécheurs qui tombent en enfer, « parce qu’il n’y a personne qui se sacrifie et prie pour eux » (19 août 1917).

« Pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. » (13 juillet 1917)

Voilà pourquoi notre frère renouvelle auprès de Sa Sainteté le pape Léon XIV les supplications instantes adressées en son temps à ses prédécesseurs par sœur Lucie, la messagère des volontés du Ciel : que le saint Rosaire soit promu à la dignité de prière liturgique, que la fête du Cœur Immaculé de Marie soit élevée au rang de fête solennelle et devienne l’une des plus importantes de l’Église et, surtout, que la dévotion réparatrice des premiers samedis du mois soit approuvée et encouragée.

Le célébrant apporta ensuite Jésus-Hostie sur l’autel et nous pûmes recommander cette lettre à nos célestes intercesseurs tout au long d’un dernier chapelet et du Salut du Saint-Sacrement qui suivit. Un chaud soleil avait victorieusement dispersé les nuages, mais plus encore, le Cœur Immaculé de Marie avait réchauffé celui de ses enfants, tant il est vrai que lorsque nous avons à cœur de la consoler, elle ne se laisse pas vaincre en générosité et prend soin plus encore de toutes nos intentions.

Après une ultime bénédiction de Jésus-Hostie et le chant d’Yvon Leca “ Phalange de l’Immaculée ”, il fallut bien se séparer, ayant retrempé notre charité phalangiste au foyer ardent du Cœur Immaculé de Marie.

« Ce Cœur est l’aimant qui attire les âmes à moi, le foyer qui irradie sur la terre les rayons de ma lumière et de mon amour, la source intarissable qui fait jaillir sur la terre l’eau vive de ma miséricorde. » (Notre-Seigneur à sœur Lucie, 1943)

CONCLUSION : ÉGLISE DES CATACOMBES

Voici le sermon que frère Bruno prononça le mardi matin, à la messe de six heures, avant que nous ne remontions dans les cars. Une panne de courant inopinée fournit la meilleure des mises en scène pour rendre plus saisissant le figuratif de cette ultime exhortation, à la lueur des lampes de poche !

Mes bien chers frères, mes sœurs, chers amis,

Au moment de nous séparer, cette messe nocturne, célébrée presque à la dérobée, nous suggère l’image d’une Église des catacombes, que notre Père évoquait déjà dans un sermon prononcé à Rome, le 14 mai 1983, aux Catacombes de Saint-Callixte, précisément. Non pas pour nous égaler aux chrétiens des premiers siècles, qui confessèrent leur foi dans un monde agressivement corrompu, sans craindre ni le feu ni la dent des fauves ! Les persécutions que nous endurons dans l’Église n’ont rien de commun avec celles de nos frères égorgés en terre d’islam ou livrés par le Vatican aux communistes chinois. Nous ne sommes rien à côté d’eux, mais nous sommes de leur lignée, témoignant de la même foi.

Pour résumer notre combat, il suffit de rappeler qu’en 1858, Notre-Dame a révélé ici, à Lourdes, « Je suis l’Immaculée Conception », et que ce Nom très saint ne paraît pas une seule fois dans tous les Actes du concile Vatican II ! Le 13 juin 1917, Notre-Dame de Fatima nous a dit : « Jésus veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. » Or, le 7 décembre 1965, Paul VI, le malheureux ! a proclamé, devant l’aula conciliaire, une tout autre “ dévotion ” : « Nous, plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme. »

Eh bien ! en réparation de cette impiété, nous, plus que quiconque, nous voulons avoir le culte du Cœur Immaculé de Marie ! Nous professons toutes les vérités révélées par Jésus et Marie, envoyés par notre très chéri Père céleste, et qu’ils nous ont rappelées en ces derniers temps pour nous prévenir de la grande apostasie. Nous y croyons de foi divine ! C’est pour cela que notre Père a inséré le dogme de l’Immaculée Conception dans la récitation du Credo !

Ainsi, comme les martyrs, nous témoignons de notre foi. Non pas de nos vertus, de nos mérites, mais de notre foi. Il faut le savoir : le mérite suprême d’un homme, c’est de garder la foi ! C’est sur la foi que nous serons jugés. Sans la foi, nul ne peut plaire à Dieu ! Et donc, pour cette foi, nous sommes prêts à vivre, à mourir, dans la certitude de la résurrection promise. « Je crois à l’Immaculée Conception ! »

Samedi, déjà, le spectacle de notre foule, dans l’immense basilique souterraine, qui faisait monter ses prières et ses chants vers Jésus-Eucharistie, nous donnait l’image de la force sereine et de l’espérance joyeuse d’une Église des catacombes, sûre de sa foi, inséparable en sa charité.

« On ne peut prier dans ce caveau, écrivait notre Père en 1958, sans penser à la bombe atomique, au communisme mondial, aux immenses charniers des persécutions. » (Lettre à mes amis n° 38, juillet 1958) Et nous ajoutons en 2025 : sans penser au corps raide et glacé de notre pauvre mère, l’Église !

« Mais, continuait notre Père, ce sépulcre est plein de lumière, comme à l’aube d’une sûre résurrection. Telle est l’image qu’on emporte de Lourdes. »

Mes chers amis, mes chers enfants, la nuit touche à sa fin, voici l’aurore, voici que se lève le grand jour de la victoire du Cœur Immaculé de Marie. « Et ce sera notre bonheur d’avoir un peu travaillé et souffert pour ce triomphe. » (Sœur Lucie) Ainsi soit-il !

frère Guy de la Miséricorde.