Il est ressuscité !
N° 270 – Octobre 2025
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
Les Saints Cœurs de Jésus et Marie
n’abdiquent pas !
INTRODUCTION : LES LEÇONS D’UN PÈLERINAGE

LA Phalange de l’Immaculée s’est rendue aux pieds de sa Reine, pour la supplier de faire entendre à notre Saint-Père le pape Léon non seulement “ le cri des pauvres ”, qu’il évoque dans son exhortation apostolique Dilexi te, mais les « cris et les gémissements de douleur et de désespoir » des damnés que Lucie, François et Jacinthe ont entendus à la Cova da Iria le 13 juillet 1917.
Auparavant, nous avons envoyé une supplique au Saint-Père, en date du 13 octobre, pour lui confier les intentions de notre pèlerinage de réparation à Notre-Dame du Saint Rosaire, à Lourdes, afin de lui demander de bien vouloir “ exhorter ” les enfants de l’Église à prier pour les pauvres pécheurs qui tombent en enfer parce que personne ne prie pour eux. Le Cœur Immaculé de Marie transpercé par leurs blasphèmes a demandé réparation voilà cent ans, à Pontevedra, et notre salut, à nous, pauvres pécheurs, dépend de l’obéissance à cette demande. Ce fut l’objet de notre pèlerinage, et de notre supplique au Saint-Père.
C’est là véritablement une œuvre de Contre-Réforme, mais à la manière et avec les armes de l’Immaculée, notre Mère chérie, à qui notre bienheureux Père a passé la main le 8 décembre 1997.
En effet, en priant à ses pieds, dans sa grotte de Massabielle, pour le Saint-Père et pour l’Église, nous Lui avons demandé pour nous-mêmes la grâce de nous consacrer à Elle de nouveau, sans réserve, selon l’exemple de saint Maximilien-Marie Kolbe, pour qu’Elle se serve de nous comme Elle le voudra.
Le plus grand service que nous pourrions lui rendre serait d’offrir nos vies en témoignant de notre foi, comme l’a fait son Chevalier dans le bunker de la faim, à Auschwitz, le 14 août 1941. Mais notre Mère du Ciel a aussi besoin de fidèles serviteurs qui témoignent de ses volontés, et qui combattent avec Elle la grande apostasie dont meurt notre monde, en luttant ouvertement contre le démon, ses suppôts et les funestes doctrines qu’ils répandent.
Pour le comprendre, il est bon d’étudier de nouveau, à la suite et dans leur contexte, les grandes apparitions récentes de notre Reine et de son divin Fils, comme nous l’avons fait au cours du Camp de la Phalange.
PROLOGUE : LE GRAND DESSEIN DU CŒUR DE JÉSUS
C’est une histoire qui commence le 27 décembre 1673, à la Visitation de Paray-le-Monial où Notre-Seigneur montre à sainte Marguerite-Marie son Sacré-Cœur embrasé d’amour, surmonté de la Croix, entouré d’épines “ qui signifiaient les blessures que nos péchés lui faisaient ”. Elle raconte : « Et il me fit voir que l’ardent désir qu’il avait d’être aimé des hommes et de les retirer de la voie de perdition où Satan les précipite en foule, lui avait fait former ce dessein de manifester son Cœur aux hommes. » Il demande donc qu’on rende un culte à son Sacré-Cœur, par des petites pratiques de dévotion, de réparation. Et « Il me fit voir que cette dévotion était comme un dernier effort de son amour qui voulait favoriser les hommes en ces derniers siècles, de cette Rédemption amoureuse, pour les retirer de l’empire de Satan lequel il prétendait ruiner pour nous mettre sous la douce liberté de l’empire de son Amour, lequel il voulait rétablir dans les cœurs de ceux qui voudraient embrasser cette dévotion. » (Lettre au Père Croiset du 3 novembre 1689)
Notre-Seigneur a soif d’être aimé, et il veut nous sauver de l’enfer... Pour cela, Il veut étendre au monde entier le privilège qu’a la France de le voir régner effectivement, par son lieutenant, ainsi qu’il l’a révélé deux cents ans auparavant à sainte Jeanne d’Arc. Il demandait donc au roi de France, Louis XIV, de se faire l’instrument obéissant de ce règne, promettant de combler son royaume et sa personne de tous les trésors de son Divin Cœur. L’obéissance du roi de France, en cette fin du dix-septième siècle, aurait pu, aurait dû convertir le monde entier : le Sacré-Cœur lui aurait donné la victoire contre les nations protestantes acharnées contre lui, ces « têtes orgueilleuses et superbes, ennemies de la Sainte Église ».
Le Royaume des lys aurait pu ensuite conquérir et évangéliser le monde entier, de concert avec les autres nations catholiques, qui auraient suivi la France dans la dévotion au Sacré-Cœur : « Mon Cœur adorable veut triompher du sien, fait-il dire à Louis XIV, et, par son entremise, de celui de tous les grands de la terre. »
C’ÉTAIT CELA OU LE RÈGNE DE SATAN...
Le refus d’une telle offre par Louis XIV et ses successeurs, et l’indifférence des ecclésiastiques, à commencer par la Compagnie de Jésus, dont le Sacré-Cœur voulait se servir pour son grand dessein, attira un châtiment terrible, proportionné : la destruction des nations catholiques, à commencer par la France, auxquelles le sort de l’Église est intimement lié. De 1689 à 1789, on assiste à la montée en puissance des nations protestantes, à la perte de nos colonies, et à la diffusion de l’esprit voltairien, impie, dans le Royaume de France. Enfin, la Révolution éclate, et sous la Terreur, il apparaît clairement que c’est le règne de Satan. Pour entraîner les âmes en enfer, il détruit l’ordre millénaire de la monarchie, par lequel Notre-Seigneur régnait effectivement sur son peuple, et il persécute l’Église, particulièrement les dévots du Sacré-Cœur.
Si Napoléon rétablit la liberté des cultes en 1799, c’est parce qu’il a compris qu’il ne pourrait pas persécuter l’Église indéfiniment, mais qu’il est bien plus judicieux de se l’asservir par un Concordat, que le pape Pie VII a eu le malheur d’accepter.
Mais le Sacré-Cœur, touché par tant de martyrs immolés par la Révolution, offrit de nouveau sa miséricorde. En 1815, la Restauration monarchique rend au pays sa paix et à l’Église sa liberté. Notre-Seigneur révéla alors à sœur Marie de Jésus, religieuse de la Congrégation de Notre-Dame au couvent des Oiseaux à Paris : « La France est toujours bien chère à mon divin Cœur, et elle lui sera consacrée. Mais il faut que ce soit le Roi lui-même qui consacre sa personne, sa famille et tout son royaume à mon Divin Cœur [...]. Je prépare à la France un déluge de grâces lorsqu’elle sera consacrée à mon Divin Cœur. » (cité dans l’Histoire volontaire de sainte et doulce France, p. 314)
Mais Louis XVIII, puis Charles X refusèrent d’obéir à cet ordre par lequel ils auraient reconnu la souveraineté totale du Sacré-Cœur, aux dépens de la Charte et de la prétendue souveraineté populaire revendiquée par la Chambre des députés, qui ne cessait d’entraver leur gouvernement.
Leur intrigant cousin, Louis-Phillipe d’Orléans, suscita alors une révolution que le peuple de France ne désirait pourtant pas du tout... Ce fut le retour des horreurs révolutionnaires et d’un gouvernement athée, anticlérical. En 1830, le règne de Satan s’installa durablement en France. C’est un châtiment implacable : il n’y a plus de souverain légitime, de droit divin, pour obéir aux demandes du Sacré-Cœur, et ainsi sauver la France.
Pire : dans l’Église, qui est asservie à ce gouvernement par le Concordat, on vit la naissance du libéralisme, cette idéologie initiée par Félicité de Lamennais, qui place plus haut que tout l’idéal de la liberté, faisant ainsi le jeu de la Révolution. Ainsi, après avoir détruit le premier “ glaive ”, la monarchie sacrée par laquelle Dieu régnait sur la société, Satan commençait insensiblement d’infester le second, le pouvoir spirituel.
L’INTERVENTION INAUGURALE DE L’IMMACULÉE, À PARIS
« Dans sa grande miséricorde, notre très chéri Père céleste avait prévu que la Vierge Immaculée demeurerait au centre de la ville si comblée de grâces déjà, à Paris, au plein milieu des horreurs révolutionnaires, pour en soutenir les persécutés et y maintenir la dévotion à son Cœur Immaculé à travers les temps d’apostasie qui allaient venir... », écrivait notre Père (CRC n° 321, avril 1996, p. 2)
C’est donc une véritable régence, pour suppléer la monarchie déchue, que Notre-Dame vient instaurer en apparaissant à sainte Catherine Labouré, au noviciat des sœurs de la Charité, Rue du Bac.
Quelques jours avant la Révolution, le 18 juillet 1830, Elle lui annonce que « “ des malheurs vont fondre sur la France, le trône sera renversé ; le monde entier sera renversé par des malheurs de toutes sortes. ” Elle avait l’air très peinée en disant cela, témoigne sœur Catherine. “ Là je serai moi-même avec vous : j’ai toujours veillé sur vous, je vous accorderai beaucoup de grâces... Le moment viendra où le danger sera grand, on croira tout perdu, là je serai avec vous, ayez confiance. Pour le clergé de Paris, il y aura bien des victimes... Monseigneur l’archevêque mourra. Mon enfant, la croix sera méprisée, le sang coulera dans les rues. ” Ici la Sainte Vierge ne pouvait plus parler, la peine était peinte sur son visage. “ Mon enfant, le monde entier sera dans la tristesse... ” Je pensais : quand cela arriverait ? J’ai très bien compris : “ quarante ans ”... »
Notre-Dame est donc venue annoncer quarante ans de châtiments pour la France, mais au cours desquels Elle reste auprès de son peuple souffrant, comme son unique recours : « Mais venez au pied de cet autel : là, les grâces seront répandues sur toutes les personnes qui les demanderont avec confiance et ferveur ; elles seront répandues sur les grands et sur les petits. »
Et le 27 novembre suivant, dans une apparition d’une importance comparable à celles de l’Apocalypse de saint Jean, Elle apparaît dans toute sa gloire, foulant le serpent qui enserre la terre, et tenant dans ses mains un globe doré surmonté d’une petite croix, les yeux levés au ciel, dans l’attitude de la prière. Puis apparaissent des anneaux à ses doigts, qui jettent des rayons sur le monde, « tous plus beaux les uns que les autres », disait sainte Catherine. Une voix se fit entendre : « Cette boule que vous voyez représente le monde entier, particulièrement la France, et chaque personne en particulier... » – quant aux rayons, « c’est le symbole des grâces que je répands sur les personnes qui me les demandent. »
La Sainte Vierge se manifeste donc en Souveraine universelle, tenant le monde entre ses mains, et en Médiatrice de toute grâce. C’est Elle qui doit convertir, sauver, sanctifier la terre, écraser le serpent qui l’enserre dans ses volutes depuis la Révolution.
Dieu veut tout sauver par Elle, afin que tous les cœurs se tournent vers Elle. Et pour cela, il a conçu un moyen merveilleux : faire frapper une médaille qui puisse faire connaître à tous cette somptueuse apparition, et assurer sa diffusion rapide par d’innombrables miracles, afin que toutes les âmes puissent contempler cette Immaculée Médiatrice, et avoir recours à Elle.
La médaille connut rapidement une extraordinaire diffusion, cent millions en dix ans !
Mais la majeure partie du message de Notre-Dame fut occultée, jusque dans les années 1880 : la vision de la Vierge au globe, et surtout l’annonce des châtiments, et la demande qu’on vienne trouver refuge au pied de son autel.
Notre-Dame trouva l’instrument propre à surmonter cet obstacle en la personne de l’abbé des Genettes, fondateur de l’Archiconfrérie du très saint et Immaculé Cœur de Marie, foyer de dévotion et de prière pour les pauvres pécheurs rayonnant dans le monde entier.
Mais cela n’a pas suffi à endiguer l’apostasie, l’impiété qui se répand partout depuis 1830. Il faut bien voir à quel point cette Révolution de Juillet fut une prise de possession de la France par Satan. L’Église, qui était soutenue par la monarchie de Charles X, est désormais humiliée, sourdement persécutée par l’administration. Le blasphème se répand partout, le clergé est moqué, insulté. La France n’est plus une chrétienté, bien au contraire, la pression sociale est désormais hostile à la Religion : irrésistiblement, la foi se perd.
À tel point qu’en 1843, Notre-Seigneur révèle à sœur Marie de Saint-Pierre, carmélite à Tours, que sa Justice ne peut plus tolérer de tels outrages, son châtiment doit tomber, terrible. C’est alors que Notre-Dame intervient de nouveau.
LES AVERTISSEMENTS DE LA VIERGE À LA SALETTE
Elle apparaît à deux pauvres bergers, Mélanie et Maximin, sur la montagne de La Salette, le 19 septembre 1846. Ses épaules sont chargées de chaînes, Elle a les reins ceints d’un tablier et un crucifix sur la poitrine. Lorsque les enfants l’aperçoivent, Elle pleure, la tête dans les mains et les coudes sur les genoux. Puis Elle se lève, et laisse échapper sa plainte :
« Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils. Il est si lourd et si pesant que je ne puis plus le retenir. Depuis le temps que je souffre pour vous ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse pour vous ; et vous autres, vous n’en faites pas cas ! Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour vous ! »
Elle se plaint ainsi de l’insoumission de son peuple, puis de ses blasphèmes, et du travail du dimanche. Ces crimes, qui étaient punis, entravés sous l’Ancien Régime, sont bien les conséquences de la Révolution. Au nom de la liberté, on ne se soumet plus à Dieu, à l’Église, à sa Loi. Le vice a libre cours, outrageant la Justice divine... Au point que la Sainte Vierge Elle-même ne peut plus épargner le châtiment à son peuple : « Je suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils ! »
C’est un message de colère, mais où Dieu veut qu’Elle seule soit en vue. Il veut nous toucher en montrant son chagrin à Elle, sa divine Mère et la nôtre, et ce qu’Elle doit souffrir pour nous obtenir miséricorde : « Depuis le temps que je souffre pour vous ! » C’est une sublime révélation de sa médiation, de sa corédemption, et, au passage, de sa préexistence, puisqu’Elle dit : « Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le septième, et on ne veut pas me l’accorder. » C’est donc qu’Elle était déjà là, au temps de l’Exode, quand Yahweh donnait ses commandements à son peuple.
C’est un rappel des fondamentaux de la Religion, qui s’expriment par la prière du Notre Père, que nous a enseigné Notre-Seigneur : Notre Père, qui êtes aux Cieux, que votre Nom – de “ Père ” – soit “ sanctifié ” et non blasphémé, que votre règne arrive, et non pas la démocratie ! Que votre volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel par notre soumission à vos commandements ! Cette leçon fut très bien comprise par le pauvre peuple de Notre-Dame. Les paysans de La Salette et des environs furent les premiers à se convertir et à faire pèlerinage au lieu de l’Apparition, avant même que le clergé ne fasse écho à son message.
Ainsi, Notre-Dame de La Salette a suscité par son apparition un vaste mouvement de conversion, de réparation, dans plusieurs associations de prière et de pénitence, encouragé ensuite par de nombreux évêques. C’est notamment grâce à cette apparition que fut fondée l’œuvre réparatrice que Notre-Seigneur réclamait en vain à l’évêque de Tours depuis plusieurs années, par le moyen de sœur Marie de Saint-Pierre. Notre-Seigneur lui-même révéla que cette réparation lui avait permis de tempérer le châtiment de la France. Ce fut la révolution de 1848, dont les crimes ne durèrent pas, et qui n’entraîna pas de persécution contre l’Église.
Néanmoins, en Souveraine maîtresse des temps et de l’histoire, Notre-Dame confia à Mélanie et Maximin deux secrets concernant l’avenir. Ces secrets nous sont maintenant connus dans leur teneur originelle, celle de 1851, avant que Mélanie ne sombre dans l’affabulation et l’illusion. Ils ont été retrouvés par l’abbé Michel Corteville dans les archives vaticanes, qui ont été ouvertes à la recherche historique (la publication des conférences du Camp de la Phalange en exposera le détail).
Dans ces secrets, on apprend la vraie cause du chagrin de Notre-Dame de La Salette. Elle annonce, si l’on ne se convertit pas, le châtiment de la France, de grands malheurs dans l’Église, la grande apostasie et l’avènement de l’Antéchrist, avec, tout de même, un certain temps de paix et la conversion des nations.
Dans le secret qu’Elle a confié à Maximin, Elle dit notamment : « La France a corrompu l’univers, un jour elle sera punie. La foi s’éteindra dans la France. »
Mais pour sauver son peuple de cette apostasie, seulement douze ans plus tard, Notre-Dame a obtenu d’intervenir de nouveau.
1858 : À LOURDES,
L’IMMACULÉE CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRE
La grâce de Lourdes fut certainement obtenue par le mouvement de dévotion et de réparation qui a suivi l’apparition de La Salette, ainsi que l’expliquait “ le saint homme de Tours ”, monsieur Dupont : « À La Salette, disait-il, Marie [...] dit et répète de faire passer ses plaintes à son peuple : c’est-à-dire, sans doute, aux petits et aux simples ; car les prétendus savants n’étaient pas de force à adopter le miracle de l’apparition. Les petits, au contraire, ont cru au premier moment ; ils auront prié, et l’on peut penser qu’ils ont obtenu au moins un répit, puisque quelques années après, en 1858, la très Sainte Vierge se montrait à Lourdes revêtue d’un vêtement de fête ; Elle ouvre ses mains qu’Elle tenait cachées à La Salette, Elle se nomme triomphalement l’Immaculée Conception, toutes choses qui peuvent nous faire espérer un meilleur avenir. » (Vie de la sœur Saint-Pierre par l’abbé Janvier, 1896, p. 376)
Notre Père expliquait que la grâce de Lourdes fut que Notre-Dame put y fonder le centre de la contre-révolution qu’Elle avait été empêchée de faire à Paris, Rue du Bac. Elle fuit le Paris révolutionnaire, à l’autre bout de la France, « dans un éloignement bien significatif des nouveaux pouvoirs et des nouvelles mœurs qui s’y instauraient, dans ses palais et dans son parlement, afin de garder au cœur des Français la foi des anciens jours. » (CRC n° 321, p. 2)
Comme à La Salette, dans nos montagnes, Elle a toute la place voulue et des serviteurs dociles pour y réunir son bon peuple, le faire prier, l’exhorter à la pénitence, et lui révéler son Nom, le secret de sa puissance : Je suis l’Immaculée Conception.
C’est la plus haute révélation de toute cette orthodromie, qui éclaire tout le dessein de Dieu : « Je suis l’Immaculée Conception. »
Ce mot de “ Conception ”, expliquait notre Père, implique une perfection de sainteté positive. Elle est la Conception Immaculée, parfaite, de Dieu, avant toutes les autres créatures, l’objet premier de son Amour, le cœur de son Cœur, c’est pourquoi Il veut la glorifier. Elle est “ complètement divine ” comme disait le Père Kolbe, donc préexistente bien avant le péché originel et d’une puissance telle qu’Elle peut écraser le démon dans le monde entier et offrir au Père éternel cette terre sanctifiée, surmontée de la Croix de son Fils, ainsi qu’Elle l’a montré Rue du Bac.
Mais, en quoi cette apparition de Lourdes est-elle contre-révolutionnaire ?
Nous sommes en 1858, sous le Second Empire. Napoléon III fait régner l’ordre, il inaugure de nombreux progrès sociaux et économiques, et se montre pour le moment plutôt favorable à l’Église.
À cette date, la Révolution n’est donc pas persécutrice. Mais il ne faut pas croire pour autant que Satan est en repos. Dans l’opulence et le progrès de cette société française, ce sont les idées, les doctrines de la Révolution qui gagnent les esprits, jusque dans l’Église. Pie IX le voyait bien, et il combattait sans relâche le libéralisme, cet esprit de ralliement aux idées révolutionnaires qui corrompait la foi en émancipant la vie sociale et politique de la souveraineté du Christ Roi. Son encyclique Quanta cura (1864), condamnant le libéralisme, était déjà en cours de rédaction en 1858.
Or, par son apparition à Lourdes, la Sainte Vierge est venue le soutenir dans cette lutte, et c’est en cela qu’Elle s’opposait à la révolution en France et dans l’Église. Tous les catholiques intégraux, et sainte Bernadette elle-même, ont bien compris que Pie IX était particulièrement chéri de la Sainte Vierge, puisqu’Elle confirmait le dogme de son Immaculé Conception, qu’il avait défini quatre ans plus tôt. C’était déjà une pierre dans le jardin des libéraux, qui étaient sourdement hostiles au Saint-Siège, ou même favorables aux révolutionnaires qui assiégeaient les États pontificaux. De plus, il est évident que Notre-Dame de Lourdes combattait le rationalisme – et donc aussi la tendance au scepticisme des libéraux catholiques – par l’irréfutable vérité de son apparition et de ses miracles. Cela même rappelait l’autorité absolue, divine, de notre Religion, dont le refus est le fondement même du libéralisme, selon l’enseignement de Pie IX.
Par son appel à la pénitence, à la prière pour les pécheurs, Elle s’opposait au libéralisme moral, à l’esprit de tolérance que manifestait par exemple un Lacordaire, chef de file du libéralisme, qui avait fait une série de prédications très remarquée en 1851 sur “ le grand nombre des élus ”. Il voulait ainsi présenter aux ennemis de l’Église le christianisme sous un visage moins sévère, moins exigeant, plus moderne... La Sainte Vierge, Elle, veut tous nous avertir du péril de la damnation éternelle que nous encourons, si nous ne nous convertissons pas !
Enfin, en demandant un culte public, des processions, une chapelle, Notre-Dame de Lourdes montrait bien qu’il ne faut pas cantonner la religion au fin fond des consciences, mais que toute la société doit lui rendre un culte afin de plaire à Dieu.
La Sainte Vierge voulait ainsi conserver une foi intégrale en son peuple de France, spécialement en vue des événements tragiques qui devaient advenir.
À la Rue du Bac, n’avait-Elle pas annoncé quarante ans de châtiment ? L’échéance 1870 approchait.
LOURDES, C’EST DE LA POLITIQUE !
TENEZ, si je vous le dis brutalement, cela vous surprendra : Lourdes, c’est de la politique. L’événement de Lourdes, c’est un chaînon dans la chaîne des grâces de Dieu et dans la chaîne des crimes de l’humanité au dix-neuvième siècle.
Il y avait le démon qui soutenait la République, la Révolution, le Second Empire, la IIIe République, et la Révolution est toujours là, qui agite les choses et qui fait prendre parti aux catholiques à contrecœur, c’est-à-dire contre le Sacré-Cœur de Jésus, à ce que le Cœur de Jésus ne veut pas ; ils se précipitent dans les urnes et c’est là qu’ils cherchent à faire leur victoire... C’est la victoire du diable ! Cela ne les empêche pas aussi d’aller à Lourdes pour se faire guérir des yeux ou bien des rhumatismes, mais pour qui prennent-ils la Vierge Marie et son Fils Jésus-Christ ? Pour le Roi du monde ? Pour Notre-Dame de France ? Pas du tout ! C’est Jésus et Marie qui se font leurs guérisseurs et voilà ! Et on vote démocrate-chrétien !
On ne peut rien comprendre à l’histoire moderne si on n’a pas crevé cette baudruche et si on ne dit pas aux gens qui vous disent : « Monsieur l’abbé, pourquoi faites-vous de la politique ? » « Parce que Jésus et la Vierge Marie font de la politique ! » La politique, c’est le terrain de bataille entre le démon et Notre-Seigneur Jésus-Christ... Et vous voudriez qu’on se laisse aller à une politique contraire à tout cela ? C’est épouvantable quand on pense à cela ! Que notre sainte religion est en partie une relation avec Dieu, d’obéissance, de confiance, etc. En partie, oui ! pour les choses spirituelles, et en partie pour se retourner contre les adversaires de l’Église, les démons et ceux qui les courtisent et leur faire la guerre.
Lourdes, c’est un aspect de la lutte entre la Vierge Marie et le démon et plus exactement, entre la France catholique et les francs-maçons. Ce n’est pas fini, et cela va durer encore longtemps comme ça ? Quand on a repris un peu de poil de la bête – si vous permettez cette expression vulgaire dans le sanctuaire de la Vierge Marie –, si vous avez compris cela, vous allez comprendre que par votre montée à Fatima et votre accompagnement des nôtres qui iront en pèlerinage, vous serez en ligne directe de ce que je vais vous raconter de ce qui s’est passé au dix-neuvième siècle et qui a préludé à la visite de la Vierge Marie.
Nous sommes les seuls à être là à voir le démon en face et savoir que si nous faisons des chemins de croix, si nous disons des chapelets et tout cela, c’est pour que la Sainte Vierge puisse libérer l’Église des horreurs de tous ces gouvernements francs-maçons, anticléricaux qui pourrissent les âmes, pendant que nous, nous chantons des cantiques. Allez donc chanter vos cantiques, mais combattez le démon au même moment au lieu de l’aider dans tous ses partis, dans toutes ses méchancetés ! Voilà, c’est cela qui est très rare !
Aussitôt, je vois défiler dans mon esprit des gens qui j’aime bien, mais je ne leur ai pas pardonné ! On ne pardonne pas à des gens une erreur aussi fantastique !
Je pourrais leur dire : « Mais la Vierge Marie, ma Mère, à qui je décide d’obéir pour toujours, ne cesse de faire de la politique. Quand cesserez-vous de fermer vos oreilles à ses enseignements ? » Non !
Alors, on regarde les gens prier autour de nous et c’est bien simple : on ne retrouve pas des Croisés, on trouve des bonnes gens bien pieux, bien gentils, mais cela ne suffit pas. La Sainte Vierge ne tolère pas que ce soit là l’essentiel.
(Extraits d’un sermon de notre Père, le 14 février 2000)
1870, LE CHÂTIMENT. NOTRE CÉLESTE RÉGENTE
INTERVIENT DE NOUVEAU.
Napoléon III prétendait généreusement défendre la liberté et la démocratie dans le monde entier, contre les dictatures... Cette folle politique étrangère nous jeta dans la guerre contre la Prusse, alors que son démocratisme foncier avait fait obstacle au réarmement de la France, et préparé la Révolution à renaître dans la capitale.
Après la capitulation de l’Empereur à Sedan, en septembre 1870, et les défaites successives de toutes nos armées, à Metz, au Mans, jamais la France n’était tombée si bas. À Paris, la République est proclamée, entraînée par Gambetta, ancien séminariste devenu franc-maçon, qui veut continuer la guerre à outrance, réveillant le mythe de la “ nation en armes ”, de 1792.
Pour tous les bons Français, c’est le châtiment de la France, de la France révolutionnaire, corrompue par les principes de 1789. Mgr Freppel, jeune évêque d’Angers, le disait ouvertement à ses diocésains dans son mandement de Carême du 10 février 1871 (cf. frère Pascal du Saint-Sacrement, Mgr Freppel, t. II, un évêque de combat, p. 29).
Les meilleurs se tournent vers le Ciel. Des vœux diocésains au Sacré-Cœur, à la Sainte Vierge, sont offerts partout, mais les prières qui ont le plus touché le Cœur de la Sainte Vierge furent certainement celles de la très fervente paroisse de Pontmain, bien unie autour de son saint curé, l’abbé Guérin. C’est là qu’Elle apparut, au soir du 17 janvier 1871, publiant son message dans le ciel de France :
Mais priez mes enfants Dieu vous exaucera en peu de temps • Mon Fils se laisse toucher.
Comme jadis les prophètes au temps de l’Exil et de la captivité, Notre-Dame est revenue pour annoncer à son peuple que la miséricorde, le salut lui sont offerts, mais à condition qu’il prie, qu’il se convertisse...
Mon Fils se laisse toucher... Il a certainement été touché par la prière inscrite sur la bannière des zouaves pontificaux, pour laquelle ils ont versé leur sang à Loigny, le 2 décembre 1870 : Cœur de Jésus, sauvez la France !
En effet, la Sainte Vierge est revenue exhorter son peuple parce que le Sacré-Cœur veut de nouveau accomplir son grand dessein.
MADAME ROYER : LE GRAND DESSEIN
DU SACRÉ-CŒUR APRÈS LE CHÂTIMENT
En 1830, Charles X avait été renversé pour n’avoir pas obéi au Sacré-Cœur, laissant ainsi le gouvernement aux révolutionnaires. Mais depuis, en véritable Régente, la Sainte Vierge est intervenue à quatre reprises, pour convertir, sanctifier son peuple, l’exhorter à la prière, à la pénitence. Aussi, après les tourments de la défaite et de la Commune, la France fut-elle soulevée par un grand mouvement de conversion, de dévotion, avec notamment les pèlerinages nationaux à Paray-le-Monial, à Lourdes, à La Salette, ainsi que le Vœu national de construire le sanctuaire du Sacré-Cœur de Montmartre, “ au nom de la France pénitente et dévote ”.
Au même moment, le Sacré-Cœur apparaissait de nouveau, à Madame Édith Royer (photo à la page suivante). Par ses grâces extraordinaires comme par ses pénitences, elle fut une nouvelle Marguerite-Marie, de qui elle reçut d’ailleurs de nombreuses recommandations pour accomplir sa mission. La vérité de ses révélations fut affirmée par une commission diocésaine d’enquête en 1880 (cf. Maurice Berthon, Madame Royer, 1946, p. 145). À partir de 1873, Notre-Seigneur fit savoir à Madame Royer qu’Il était de nouveau disposé à accomplir son grand dessein. Il lui demanda de communiquer toutes les révélations qu’elle avait reçues à son évêque, Mgr Rivet, ainsi qu’au Saint-Père, pour leur faire savoir « que son Sacré-Cœur s’offre à l’Église pour qu’elle y puise le salut, la délivrance, le remède aux erreurs, aux passions de notre temps, le moyen de régénérer, de ranimer la foi, de réchauffer la charité, de ramener les nations infidèles ou séparées de l’Église, avec un dessein de miséricorde particulier pour la France et l’Italie ».
Pour cela, Notre-Seigneur demandait que Pie IX consacre particulièrement sa personne et toute l’Église au Sacré-Cœur, et surtout que soit fondée une association dans laquelle toutes les âmes de bonne volonté aideraient au salut de l’Église et de la France, en faisant réparation par leurs prières et leur pénitence. « Le Divin Maître brûle du désir de nous délivrer, écrivait Madame Royer, mais la justice du Bon Dieu s’y oppose encore. Il supplie ses amis de l’aider, de former, en union avec son Sacré-Cœur, une association de prière, de pénitence, pour apaiser la colère de son Père, pour enlever les obstacles qui s’opposent à ses désirs de miséricorde. »
En même temps, Notre-Seigneur chargeait Madame Royer d’écrire au comte de Chambord « pour lui demander d’entrer dans les désirs de son Cœur, de se donner à Lui, de lui donner la France, de lui confier sa restauration, de le charger de guérir la France des mauvaises doctrines, du mauvais esprit, de rétablir la paix, la concorde avec la religion, la foi, de lui rendre sa puissance, sa prospérité. Le Sacré-Cœur s’offre à Sa Majesté pour faire tout cela ; il lui demande seulement, outre ces engagements, de consacrer la France au Sacré-Cœur, de se servir de cette dévotion pour y ramener la foi, la piété, de ne pas séparer la cause de l’Église de celle de la France, de travailler dès qu’il aura le pouvoir à la délivrance du Saint-Père, et de se constituer le défenseur de l’Église. » (cf. frère Pascal du Saint-Sacrement, Mgr Freppel, t. II, p. 246)
Le Prince ne répondit rien, jugeant d’abord “ inopportun ” d’accomplir la consécration avant d’être revenu en France. Mais plus profondément, il ne concevait pas de monter sur le trône s’il n’y avait pas été appelé au préalable par la Nation, à travers ses représentants... Il croyait en la prétendue souveraineté populaire...
Si bien que la restauration monarchique, qui fut, même humainement, si proche d’advenir en cette année 1873, fut un échec.
Il n’y eut pas non plus de réponse du Saint-Siège, mais Pie IX consacra solennellement l’Église au Sacré-Cœur en 1875, en union avec tous les évêques du monde. Il avait déjà beaucoup encouragé cette dévotion, l’invoquant contre les erreurs révolutionnaires et libérales.
L’autorité responsable était surtout l’ordinaire du lieu, Mgr Rivet. C’était à lui qu’il revenait d’examiner ces révélations, de les soutenir de son autorité, et surtout de fonder l’Association réparatrice. Mais il n’a rien répondu à la lettre de Madame Royer, malgré les recommandations de son curé, qui la dirigeait.
Au cours de l’année 1875, le Sacré-Cœur se manifesta de nouveau et avec insistance, à sa messagère, lui montrant que « son plus grand désir est de sauver l’Église et la France, mais que si on ne fait pas pénitence, si l’Association n’est pas fondée, ses mains sont liées, Il ne peut pas nous sauver ! » Notre-Seigneur se montrait les bras étendus, demandant qu’on le représente ainsi, pour nous montrer son désir de nous sauver, nous attirer à Lui, mais aussi nous rappeler son immolation, à laquelle il faut nous unir pour l’aider à satisfaire la Justice divine. Une fois, Madame Royer le vit pleurer, « comme autrefois sur Jérusalem ; et il lui semblait qu’Il disait pour Paris : “ Encore s’il pouvait comprendre ce moment qui lui est donné, accepter cette planche de salut ! ” » (Berthon, op. cit., p. 103)
Elle écrivait encore : « Dans ces derniers temps où la foi et la charité sont refroidies, notre divin Sauveur semble faire un appel plus général encore qu’à Paray-le-Monial, plus retentissant, plus suppliant si je puis dire, plus en rapport avec les malheurs et les besoins de son peuple [...]. Ce n’est plus seulement l’Époux mystique des âmes pures et ferventes, leur consolateur, leur confident intime. C’est le Dieu-Roi de l’Église, du monde, levant un étendard, rassemblant une armée contre les puissances de l’enfer et appelant, par une irrésistible invitation, tous les chrétiens de tous les états où il reste un peu de foi, de charité, tous ceux qui ne sont pas encore des membres morts de son Église... » (ibid., p. 111)
Une autre fois, le Sacré-Cœur se plaignit que, dans sa lutte contre Satan, « nombre de ses soldats, de ceux qui portent ses livrées, ont des intelligences secrètes avec l’ennemi, ils passent dans ses rangs, ils ne tirent pas ou bien tirent en l’air des coups qui ne portent pas... » (p. 104)
On reconnaît bien là la trahison des libéraux, que Pie IX dénonçait au même moment. Dans cette même période, Notre-Seigneur donna à Madame Royer de nombreuses lumières sur l’Association qu’Il demandait, et surtout sur l’esprit de réparation et de pénitence qui devait l’animer. C’est véritablement une contre-révolution qu’Il voulait faire par ce moyen, en s’unissant les cœurs, en rappelant la nécessité de la Rédemption et l’urgence du salut des âmes, de l’Église et de la France.
En cette année 1875, Madame Royer sollicita donc de nouveau Mgr Rivet, qui ne répondit toujours rien.
PELLEVOISIN : L’IMMACULÉE APPARAÎT
POUR LE RÈGNE DU SACRÉ-CŒUR.
C’est alors, en 1876, que Notre-Dame apparut à Pellevoisin, à Estelle Faguette : Elle intervient pour soutenir le grand dessein de son Fils. Le 9 septembre, lors de sa neuvième apparition, Elle dit à sa confidente : « Depuis longtemps les trésors de mon Fils sont ouverts ; qu’ils prient. » Puis, en dévoilant un scapulaire du Sacré-Cœur qu’Elle portait autour du cou : « J’aime cette dévotion. » Elle s’arrêta et reprit : « C’est ici que je serais honorée. » Et lors de sa quinzième et dernière apparition, le 8 décembre, évoquant ce scapulaire, Elle dit : « Rien ne me sera plus agréable que de voir cette livrée sur chacun de mes enfants, et qu’ils s’appliqueront tous à réparer les outrages que mon Fils reçoit dans le Sacrement de son amour. »
Notre-Dame venait ainsi, Elle aussi, recommander la dévotion au Sacré-Cœur, que ses enfants devaient manifester ostensiblement, en en portant l’insigne sur la poitrine, comme les croisés de jadis.
Elle dit aussi qu’Elle-même sera honorée dans le Cœur de son Fils... En effet, à Pellevoisin, Elle révèle cet intime secret : « Son Cœur a tant d’amour pour le mien qu’Il ne peut refuser mes demandes. Par moi, Il touchera les cœurs les plus endurcis. Je suis toute miséricordieuse et Maîtresse de mon Fils. » C’est pourquoi Elle demande à Estelle : « Je veux que tu publies ma gloire. »
Elle demande que l’on prie sincèrement, dénonçant « l’attitude de prière que l’on prend quand l’esprit est occupé d’autres choses. Je dis cela pour les personnes qui prétendent être pieuses ». Le 15 septembre, lors de sa onzième apparition, Elle se plaignit : « Il n’y a pas, dans l’Église, ce calme que je désire. Il y a quelque chose... »
Cela rejoint les plaintes du Sacré-Cœur à Madame Royer, visant les agitations, les trahisons des libéraux, qui furent la cause de l’échec de la restauration politique et religieuse de notre pays. C’est bien cela qui préoccupait Notre-Dame, puisqu’Elle a dit aussi : « Et la France ! Que n’ai-je pas fait pour elle ! Que d’avertissements, et pourtant encore elle refuse d’entendre ! Je ne peux plus retenir mon Fils. » Estelle raconte : « Elle paraissait émue en ajoutant : “ La France souffrira. ” Elle appuya sur ces paroles. Puis Elle s’arrêta encore et reprit : “ Courage et confiance. ” »
Précisément, cette année 1876 marqua la transition du régime réactionnaire issu de la défaite contre la Prusse, à la “ République des républicains ”, violemment anticléricale.
« LA FRANCE SOUFFRIRA »...
En 1880, enfin, Mgr Rivet fit le minimum requis permettant la fondation de l’Association de pénitence, ainsi que lui demandait la commission qui avait enquêté sur les révélations faites à Madame Royer. L’association se développa rapidement, et fut affiliée au sanctuaire de Montmartre, ce qui contribua encore à son extension. Mais l’esprit, dans le sanctuaire du Sacré-Cœur, n’était plus celui de Pie IX. Au contraire, le libéral Mgr Guibert, archevêque de Paris, avait bien veillé à en écarter tous les légitimistes, interdisant toute critique de la Révolution, de la République... Ainsi, à Montmartre, la dévotion au Sacré-Cœur était amputée de ses implications temporelles, politiques.
En 1883, alors que la République commençait déjà ses persécutions contre l’Église, le Sacré-Cœur fit une nouvelle offre au comte de Chambord, lui donnant la solution de “ l’affaire des drapeaux ” : il devait laisser à l’armée le drapeau tricolore, mais adopter pour sa maison et sa garde l’étendard du Sacré-Cœur, montrant bien ainsi qu’il plaçait la restauration sous son égide. Madame Royer eut révélation que le Prince tomberait malade, et qu’il ne guérirait qu’en entrant dans les désirs du Ciel. Mais l’entourage du Prince refusa de lui faire parvenir ces demandes, pour ne pas le fatiguer dans sa maladie... Il mourut finalement le 24 août 1883 (cf. frère Pascal, Mgr Freppel, t. II, p. 246-248).
Après sa mort, Notre-Seigneur demanda l’union des catholiques, et l’union des royalistes autour de son Divin Cœur, pour combattre l’incendie qui menaçait l’Église et la France (cf. Berthon, p. 176). Mais on ne trouva personne pour faire la politique du Sacré-Cœur. L’association de pénitence qu’Il avait demandée s’étendit beaucoup, mais il se plaignit que « s’il y avait beaucoup de noms, il y avait peu de pénitents... » (p. 221)
Les évêques auraient dû faire cas de ces révélations, et agir en conséquence, comme le fit Mgr Forcade, l’archevêque d’Aix-en-Provence, qui fut exemplaire en s’appliquant à ce que tout son clergé adhère à l’Association de pénitence et embrasse les volontés du Sacré-Cœur. Mais dans son ensemble, la hiérarchie n’a pas fait cas des appels à la réparation. Nombreux étaient déjà les évêques libéraux, voulant plaire au gouvernement. Évidemment, il n’était pas question pour eux de travailler à tout instaurer dans le Christ, jusqu’au champ de la politique ! Le pire fut sans doute Mgr Servonnet, archevêque de Bourges, d’une servilité sans égal envers la République, qui s’acharna contre Notre-Dame de Pellevoisin, parce que ce pèlerinage était devenu le refuge des vrais contre-révolutionnaires. Et parmi les fidèles, l’esprit de parti, les trahisons des libéraux, la politique démocratique mettaient le désordre et l’agitation partout, même et surtout parmi les royalistes.
Le Ralliement à la République imposé par Léon XIII vint porter le coup fatal au règne du Sacré-Cœur en France. En contraignant les Français à se soumettre “ sans arrière-pensée ” à ce gouvernement franc-maçon et persécuteur, il les forçait pratiquement à renoncer au règne politique du Sacré-Cœur. Pourtant, depuis sainte Marguerite-Marie, et plus encore grâce à Madame Royer, la politique du Sacré-Cœur est bien connue : Il attend que le Roi légitime, conscient de recevoir son pouvoir de Dieu seul, se soumette à Lui comme un lieutenant à son Suzerain. C’est pourquoi Il a sollicité la soumission du comte de Chambord, jusque dans ses derniers instants.
Tandis que la politique tout humaine, libérale, de Léon XIII visait à plaire au gouvernement républicain, croyant ainsi pouvoir obtenir la liberté pour l’Église.
Dès lors, le salut de la France, qui ne pouvait venir que de l’Église, était rendu impossible. Et l’Église elle-même fut de plus en plus atteinte par le venin révolutionnaire : cette fin du dix-neuvième siècle vit, en France, la naissance de la démocratie chrétienne et du modernisme.
ULTIME TENTATIVE DU SACRÉ-CŒUR.
C’est alors que Notre-Seigneur tenta une ultime “ manœuvre ” : convertir Léon XIII lui-même, pour qu’il se mette au service de son Sacré-Cœur. Par l’intermédiaire de mère Marie du Divin Cœur, Il lui demanda la consécration du monde, promettant la conversion des pécheurs, le retour des hérétiques et des schismatiques à l’Église et tout spécialement, en cette année 1898, la victoire de la catholique Espagne affrontée à l’impérialisme protestant des États-Unis. Le Sacré-Cœur montrait ainsi à son Vicaire quelle était sa politique, exempte de toute compromission libérale.
Léon XIII n’en a pas fait cas, et l’Espagne battue dut abandonner Cuba, qui fut livrée au mercantilisme protestant. Cette victoire des États-Unis les lança dans la politique hégémonique que nous subissons encore aujourd’hui.
L’année suivante, suite à une nouvelle demande transmise par mère Marie du Divin Cœur, Léon XIII prononça enfin la consécration que le Sacré-Cœur lui demandait, mais sans vouloir paraître faire état d’une “ révélation privée ”, et en persévérant dans sa politique de ralliement à la République. Rien ne montre qu’il ait voulu se convertir pour se soumettre au Sacré-Cœur... Les promesses de Notre-Seigneur ne se sont donc pas accomplies.
Au contraire, le libéralisme de Léon XIII a provoqué partout un recul, une ruine de la Chrétienté, et a engagé l’Église sur une voie nouvelle de tolérance et de liberté, dans tous les domaines. Sa politique d’entente avec les gouvernements révolutionnaires a donné naissance à la démocratie chrétienne des abbés Lemire, Murri, Toniolo, au Sillon de Marc Sangnier, voie d’apostasie... En reconnaissant l’état de fait, le désordre établi depuis la Révolution qui avait arraché le champ de la politique à l’autorité de l’Église, Léon XIII a ouvert la porte à toutes les contestations, les remises en questions de la théologie, du dogme, de la morale, qui ont triomphé lors du concile Vatican II.
Que pouvait faire Notre-Seigneur, après trois refus – Louis XIV, Charles X et le comte de Chambord – des rois de France, et son Vicaire lui-même qui sombrait dans l’hypocrisie, en faisant obstacle à Son Règne ?
Il fit tout de même une ultime grâce, avec le pontificat de saint Pie X pour être le phare de ce vingtième siècle, et mettre un frein à l’apostasie. On peut penser que cette grâce a été obtenue par la dévotion suscitée par la consécration de Léon XIII, par l’Association de prière et de pénitence et l’archiconfrérie de Notre-Dame de Pellevoisin, qui rassemblèrent tout de même des centaines de milliers d’adhérents.
Saint Pie X voyait bien les châtiments que méritait la terre, mais il espérait aussi, par une lumière prophétique, le triomphe de l’Immaculée Conception. Il écrivait en 1904 : « Tant et de si insignes bienfaits accordés par Dieu sur les pieuses sollicitations de Marie, durant les cinquante années qui vont finir, ne doivent-ils pas nous faire espérer le salut pour un temps plus prochain que nous l’avions cru ? Que la tempête se déchaîne et qu’une nuit épaisse enveloppe le ciel : nul ne doit trembler. La vue de Marie apaisera Dieu et il pardonnera. » (Ad Diem illum)
La tempête vint, avec la Première Guerre mondiale, qui fut d’ailleurs une conséquence de la diplomatie désastreuse de Léon XIII en faveur de Bismarck. Madame Royer, qui vécut jusqu’en 1924, eut l’annonce prophétique de ce conflit, le 24 mai 1914 : elle vit le sol de la France labouré de profonds sillons, remplis de sang.
FATIMA, RENOUVELLEMENT DE L’ALLIANCE
Après trois ans de guerre, en 1917, Notre-Seigneur envoya sur la terre, “ avec une certaine crainte ”, sa Sainte Mère pour révéler leur ultime dessein de Miséricorde : tout sauver par son Cœur Immaculé. Ainsi que l’expliquait notre Père, Il a permis que son grand dessein soit entravé jusque-là, pour que la gloire du triomphe en revienne à sa Sainte Mère. Il permet que Satan se déchaîne, qu’il paraisse corrompre la hiérarchie de l’Église elle-même, pour que soient manifestées la splendeur et la gloire du Cœur Immaculé de Marie, à qui revient d’écraser l’Adversaire, et de conduire tout ce monde au salut, pour que tous les cœurs se tournent vers Elle.
C’est le terme de cette orthodromie. Ce secret dessein de Dieu, était déjà annoncé dans la Sainte Écriture, avec de plus en plus d’insistance, puis au cours des apparitions successives de la Sainte Vierge, spécialement depuis 1830.
À Fatima, la Sainte Vierge annonce tout d’abord la fin de la guerre. Puis, tout au long de ses apparitions, Elle rappelle les grandes vérités de notre Credo, de manière à pouvoir sauver les âmes de la grande apostasie, et à soutenir, dans l’Église, les défenseurs de la foi. Surtout, le 13 juillet, Elle montre l’enfer aux trois pastoureaux, l’enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs, où ils tombent en tourbillon. Tel est le drame immense de ce vingtième siècle apostat, que Dieu a voulu rappeler à son Église, mais en lui en donnant le remède : Il veut établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Si l’on obéit, beaucoup d’âmes seront sauvées et l’on aura la paix. Sinon, la terre elle-même deviendra un enfer, à cause du péché des hommes, par la guerre, la famine, les persécutions contre l’Église. Le grand miracle du soleil, le 13 octobre 1917, atteste la vérité et l’importance mondiale de cette révélation.
Au Portugal, sans délai, l’apparition de Notre-Dame a porté de grands fruits de conversion. Grâce à Fatima, disait le chanoine Formigao, « dans toutes les provinces, la foi était avivée, la piété croissait, l’amour pour Jésus au Saint-Sacrement s’intensifiait et la dévotion envers la Vierge de Fatima se propageait, subjuguant même les âmes les plus froides, les cœurs les plus durs et les plus réfractaires. » Mieux encore, toute la hiérarchie, tous les évêques portugais répondirent à la grâce de Fatima en consacrant solennellement leur nation au Cœur Immaculé de Marie le 13 mai 1931, et en publiant des lettres collectives exhortant les fidèles à la pénitence, à la réparation, selon l’exemple des enfants de Fatima.
En réponse à ces actes de dévotion publique, Notre-Dame de Fatima put accomplir la conversion totale du pays, en y restaurant la Chrétienté, grâce au président Salazar. Ainsi, le Cœur Immaculé de Marie a réussi, au Portugal, la restauration intégrale qu’Elle n’a pas obtenue en France, tout au long du dix-neuvième siècle, à cause du libéralisme de l’épiscopat, et de la politique démocratique. Preuve que la dévotion au Cœur Immaculé de Marie est le moyen voulu par Dieu pour sauver de l’apostasie non seulement les âmes, mais aussi les nations, et accomplir ainsi le grand dessein du Sacré-Cœur, son règne dans le monde entier.
AU TERME DE CETTE ORTHODROMIE : PONTEVEDRA. ULTIME REMÈDE.
Mais les conditions nécessaires pour cela sont la consécration de la Russie et la dévotion réparatrice au Cœur Immaculé de Marie, qu’Elle est venue demander à Tuy (1929) et à Pontevedra (1925), ainsi qu’Elle l’avait annoncé le 13 juillet 1917.
Parce que depuis Pie XI, les Papes n’ont pas voulu obéir à ces demandes, l’esprit libéral et démocratique, corrupteur de la foi, a gagné peu à peu dans l’Église, jusqu’à y triompher lors du concile Vatican II, au point que le Portugal lui-même fut atteint par l’apostasie. Mais il demeure certain qu’au “ Portugal spirituel ”, là où l’on pratique la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, où l’on récite le chapelet, où l’on fait réparation, les âmes conservent le dogme de la Foi, ainsi que l’a promis Notre-Dame. Mais ailleurs, tant d’âmes tombent en enfer ! Que notre Mère du Ciel doit être triste de la damnation éternelle de tant de ses enfants ! Eh bien ! il suffit que nous compatissions, que nous accomplissions avec esprit de réparation les petites pratiques de dévotion demandées par Notre-Dame, pour obtenir le salut d’un grand nombre d’âmes. Et si, sur l’ordre du Saint-Père, toute l’Église embrasse cette dévotion, les promesses du Cœur Immaculé de Marie s’accompliront, lui permettant d’accomplir dans le monde le grand dessein de son Fils. Telle est l’importance cruciale du message de l’Enfant-Jésus et de sa Sainte Mère à Pontevedra.
Car, depuis, Dieu se tait. Il a tout dit, Il a fait ses ultimes demandes, il y a cent ans, Il attend qu’on se soumette à ses volontés.
Le pape François a fait, formellement, l’acte de consécration demandé. Mais pour que cet acte ne soit pas vain, comme celui de Léon XIII, il faut de toute urgence que l’Église embrasse la dévotion réparatrice au Cœur Immaculé de Marie, afin que cette consécration traduise une conversion, une soumission réelle à l’Immaculée, selon l’exemple du Père Kolbe.
« De la pratique de cette dévotion, disait sœur Lucie, dépend la guerre ou la paix du monde. » Et nous comprenons bien en écoutant notre pape Léon, qui ne connaît que la “ religion ” conciliaire, que s’il embrassait et promouvait cette dévotion, comme l’ont fait les évêques d’Angleterre et des Philippines, il retrouverait, et toute l’Église à sa suite, le dogme de la Foi, à savoir l’urgence du salut des âmes, la nécessité de la rédemption, de la réparation, l’existence du Ciel et de l’enfer... Tout le reste suivra.
CONCLUSION : LES SAINTS CŒURS DE JÉSUS
ET MARIE DIRIGENT LA CONTRE-RÉFORME.
Cette histoire aboutit à notre dramatique actualité. Au fil des désobéissances aux volontés de Dieu, Satan paraît avoir obtenu de plus en plus de pouvoir pour perdre les âmes et les nations en les jetant dans l’apostasie, depuis la révolution de 1789 jusqu’à celle de 1917, avec toutes leurs conséquences... Au point que les doctrines révolutionnaires – Liberté, égalité, fraternité – sont entrées dans l’Église, toujours à la faveur des refus de la dévotion aux Saints Cœurs de Jésus et Marie. Liberté religieuse, vis-à-vis de Dieu, de sa Révélation, de ses volontés, Égalité de tous, émancipation de l’autorité hiérarchique, effacement du magistère, en vue d’une utopique Fraternité universelle, fondée sur la seule nature humaine.
Mais au fur et à mesure que Satan enserrait ainsi la terre dans ses volutes, l’Immaculée et son Divin Fils commençaient déjà à lui écraser la tête. Ils sont intervenus sans cesse, pour offrir de « nouveaux appels à la foi, à l’espérance et à l’amour », comme l’écrivait sœur Lucie. Leurs messages raniment notre foi catholique, la foi intégrale de notre credo, et ils avivent en nous la foi, la confiance, la sainte espérance en l’Immaculée Conception, notre Mère à tous, à jamais, qui doit passer première, parce que Dieu le veult !
Ainsi, la vocation de la Phalange de l’Immaculée est de confesser coûte que coûte cette foi catholique, en luttant contre toute hérésie, toute apostasie politique, dans une croisade de contre-réforme et de contre-révolution, dont la bataille décisive consiste à obtenir la soumission de nos pasteurs aux volontés divines révélées pour notre temps.
Notre Reine nous conduira à la victoire dans ce combat qui est le sien, si nous saisissons les armes qu’Elle nous donne, armes de tendresse et dévotions, armes de compassion et de réparation, afin que la miséricorde l’emporte sur la justice, et la grâce convertisse ceux dont dépend le salut de l’Église et de nos patries.
Hæc est victoria quæ vincit mundum, fides nostra !
Frère Bruno de Jésus-Marie