17 MARS 2019
Comment faire oraison
sur le mystère de la Transfiguration
Ô mon Dieu, Père, Fils, et Saint-Esprit, je vous adore et je vous aime dans cette merveilleuse théophanie, et pour donner une direction ferme à ma méditation d’aujourd’hui, je ne vous demanderai pas de m’apparaître d’une manière si glorieuse. Il suffit qu’elle ait eu lieu, cette glorieuse apparition du Thabor, pour que je m’en applique les mystères et que mon âme en retire un profit spirituel.
Veuillez canaliser toutes mes pensées, retenir toutes mes imaginations, exciter ma mémoire, embraser mon cœur, mon Dieu, par votre Esprit-Saint. Je voudrais jouir aujourd’hui de cette grâce de la Transfiguration comme m’étant offerte, donnée à moi-même. Ainsi, au lieu de me lamenter, je vivrai dans l’enthousiasme de la foi.
Et vous, ô Vierge Marie, par votre prière, disposez s’il vous plaît mon cœur et obtenez-moi la grâce de rester dans le silence de cette sainte montagne toute la journée, quelles que soient mes occupations.
- Le premier point de mon oraison est de reprendre cette marche que firent Pierre, Jacques et Jean, les trois apôtres prédestinés, à la suite de Jésus. L’ascension de cette sainte montagne fut une montée pénible dans le soir tombant. Son sens spirituel m’invite à un effort analogue, qui sera celui de me détacher des créatures, de toutes mes passions, de mes soucis, etc., pour entrer dans le silence de la sainte Montagne avec Jésus seul. Cela est rigoureusement indispensable. C’est le seul effort qui a été demandé aux apôtres et qui m’est demandé à moi aujourd’hui.
Cet exercice d’ascension spirituelle, de dépouillement de mes passions ou de mes soucis mondains est fatigant, mais avec la grâce de Dieu, je dois l’entreprendre et me mettre totalement dans la solitude et le silence intérieurs, pour être cœur à cœur avec vous, ô Jésus.
Me voici donc avec vous, Jésus, avec les apôtres, avec l’Église, mais vraiment seul avec vous, dans une solitude troublante, émouvante.
- Dans le deuxième point de ma méditation, je me vois, avec les yeux de la foi, suivant Jésus. Il marche devant moi, m’entraînant où ? Je ne sais. Quand il arrive au sommet de la montagne où il n’y a rien, tout simplement, il se retourne vers moi et s’offre à mon adoration, à mon regard, à mon amour. Cela suffit et me captive et me fait comprendre le mystère : Seigneur, si vous m’entraînez si loin de tout, dans la solitude, c’est pour vous donner à moi, pour que je goûte le bonheur qu’il y a de vivre cœur à cœur avec vous dans la foi.
Je comprends mieux à quel degré de perfection, de pureté, de générosité, cette ascension devra mettre mon âme pour que, au moment où vous vous retournerez vers moi, ô Jésus, je sois prêt à vous contempler, à vous adorer ; pour que mon désir décuplé par cette ascension puisse ainsi correspondre à votre don et que je le reçoive en moi sans y faire obstacle.
Que vous êtes grand, que vous êtes beau, Jésus, que vous troublez mon cœur par cette manifestation de votre amour pour moi, que vous excitez tous mes désirs ! Et ainsi tandis que mon cœur vous contemple avec un très grand amour, vous vous transfigurez en ma présence ou plutôt, vous vous révélez, vous laissez percer tous les rayons de votre gloire, et je vous dis : “ Vous êtes mon Maître, vous êtes mon Sauveur, vous êtes ma Sagesse, vous êtes ma tendresse, vous êtes l’Envoyé de Dieu, vous êtes le Fils unique de Dieu, le Bien-Aimé de Dieu, vous êtes mon Dieu. ” Ainsi, vous vous révélez à moi qui suis la moindre de vos créatures, la plus pécheresse. Et pourquoi, ô mon Dieu ? Je suis bouleversé et confus d’une telle prédestination, et tout réjoui intimement d’une telle grâce, d’un tel bienfait qui inonde mon cœur.
Je vois bien que tout dépend de la pureté de mon regard ; mon âme est comme un miroir, plus elle sera pure, et plus vous rayonnerez jusqu’au fond de mon cœur. Et je me réjouis parce qu’à la différence des apôtres, je peux demeurer là, sans inquiétude pour demain, car dans l’oraison, je puis toujours monter sur cette montagne sainte et vous y retrouver. Vous serez toujours là pour vous retourner, vous donner à moi, et cela, tous les jours de ma vie et pour l’éternité. Que cette perspective m’enflamme et me donne de chasser distractions, soucis ou inquiétudes.
- Dans le troisième point de ma méditation, je comprendrai que s’il faut bien redescendre de la montagne, c’est pour garder cette pureté acquise dans ce cœur à cœur avec vous, et la conserver au prix de tous les combats afin de pouvoir gravir de nouveau, vite, cette montagne et vous y retrouver.
Je serai donc aujourd’hui plein d’ardeur pour être fidèle afin de jouir de nouveau de vos révélations si douces, de cette impression si grande que vous me faites, et ainsi, de degré en degré, d’apparition en apparition, enfin ouvrir mon cœur à la dimension du don qui m’est offert. Enfin pouvoir contenir ce don, et vous être une humanité de surcroît en laquelle vous puissiez renouveler tout votre mystère, comme les saints apôtres qui, en définitive, sont morts pour vous dans un martyre d’amour et sont montés de la terre vers le Ciel pour la transfiguration définitive.
“ Ne craignez pas, c’est moi ”, avez-vous dû dire à vos apôtres quand ils se sont retrouvés seuls avec vous. Mais comme mon oraison s’achève, toujours trop brève, et qu’il faut repartir pour le combat spirituel, je garderai ce mot de passe entre vous et moi, ce mot très mystérieux que vous proclamerez bientôt à la face de vos ennemis dans Jérusalem : “ En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, JE SUIS ” (Jean 8, 57). “ JE SUIS ”. Pour mon âme fragile et inquiète, cette parole est une force qui me galvanise et me donne un grand désir de contemplation. Je ne dois plus craindre, car je sais maintenant que vous êtes toujours là, que vous vous révélez toujours, que vous êtes toujours prêt à m’entraîner sur la sainte montagne, pourvu que je le veuille, afin de renouveler pour moi, pour moi seul, votre transfiguration bienheureuse.
Abbé Georges de Nantes
Extraits de l’oraison du 6 août 1978