10 MARS 2019

La lutte contre le démon

EN ce premier dimanche de Carême, l’Église nous donne à méditer un extrait du chapitre 4e de saint Luc où nous voyons comment Jésus a été tenté par le diable au désert. À sa suite, nous devons lutter contre le démon qui est le prince de ce monde profondément laïc et sans Dieu dans lequel nous vivons. En effet, quand on parle d’école ou de télévision neutre ou laïque, c’est une tromperie de Satan d’appeler neutre ce qui est déjà tout à lui. Le démon se cache sous des apparences de neutralité. Il règne sur notre société.

Qu’allons-nous faire contre le démon ? Nous allons écouter notre conscience. Nous allons refuser la collusion avec le démon, si peu que ce soit. Un grand historien célèbre disait : « Heureux celui qui peut se rendre témoignage qu’il n’a participé en rien, d’aucune manière, à aucun moment à la Révolution française. » Aujourd’hui, c’est la même chose et, au jour du jugement, ce sera Jésus-Christ lui-même qui dira : « Bienheureux ceux qui n’ont été complices d’aucun de ces mensonges, d’aucune de ces trahisons, d’aucun de ces crimes qui ont fait le malheur de l’humanité, parce qu’ils ne se sont pas laissé posséder par le démon », car il s’agit d’une véritable possession démoniaque. Alors, vous vous rendez compte que celui qui résiste à ce démon va être mis au ban de la société. C’est ce que Jésus nous a dit : « Vous serez persécutés à cause de la justice. »

Aujourd’hui, on ne peut pas être fidèles à l’Évangile sans se trouver persécutés. La collusion avec les idées nouvelles, le respect des opinions d’autrui nous mènent peu à peu au reniement de notre foi et de notre morale. C’est le démon qui s’inscrit dans notre vie, sous des dehors parfois bien élégants, bien mondains, bien modernes. Voilà pourquoi c’est mon devoir de vous dire, pendant ce temps du Carême qu’il ne s’agit pas simplement de mortifier sa chair, de vivre dans la modestie, de remplir son devoir d’état en fuyant la gloire mondaine. Il s’agit de rester fidèles à la Vérité, au Bien, à la Justice dans un monde qui méprise la Vérité, qui déteste le Bien, qui fuit toute Justice. Et cela, au point d’en devenir comme une sorte de martyr, comme une sorte de persécuté.

Comment pouvons-nous le faire ? En commençant par chasser le démon de nous-mêmes, en ne cédant pas aux emprises du démon.

Comment, pendant ce Carême, pouvons-nous lutter contre les tentations démoniaques ? En voyant bien que le démon travaille en nous de deux manières :

1) Il nous aveugle sur nous-mêmes.

2) Il nous aveugle sur les autres.

Il nous aveugle sur nous-mêmes au point que nous ne voyons plus nos défauts. C’est la parabole de la paille et de la poutre : nous voyons les défauts des autres dans une cruelle lumière et nous ne nous rendons pas compte que c’est le démon qui travaille en nous, afin de mettre en contraste notre excellence avec leur malheur ou leur misère.

Quand le démon a réussi cette œuvre de nous rendre tellement fous de nous-mêmes que nous nous préférons à tout le monde, le démon va s’installer à la place.

La première phase, c’est le culte de l’homme par l’homme : c’est le culte du moi par moi. Je deviens le centre d’intérêt – égocentrisme, égoïsme –, je deviens le centre de tous les besoins de la terre. Je me fais servir et je ne sers jamais personne. Quand je me suis ainsi idolâtré moi-même, il y a quelqu’un qui prend la place en moi, c’est le démon.

La deuxième phase, le démon me laisse dans le cœur je ne sais quelle idée dépravée qui vient de lui. Et comme je m’identifie à ce jugement, je ne me rends plus compte que ce n’est plus moi-même, mais que je suis possédé par une force mauvaise, et c’est cette force mauvaise que j’adore. Je crois m’adorer encore moi-même que déjà, j’adore le démon.

Alors, vous comprenez que lorsqu’on a cédé à cette double horreur de s’adorer soi-même et, finalement, d’être ainsi dépersonnalisé, d’être aliéné et d’adorer le démon en nous-mêmes, alors on accepte toutes les œuvres du démon dans le monde.

Comment nous guérir de cela ? Lorsque nous défendons une idée qui est fausse, nous la défendons parce qu’elle a été la nôtre un jour. C’est là qu’il faut attaquer. Chercher la vérité, c’est mettre le démon dehors. Reconnaître ses erreurs, renoncer à ses hérésies pour se soumettre à la vérité de Dieu, pour se soumettre à la loi de Dieu, c’est déjà chasser le démon de nous-mêmes.

Lorsque nous avons ainsi été remis dans la vérité par l’obéissance et la soumission à nos supérieurs, nous n’adorons plus le démon en nous-mêmes, mais nous continuons peut-être à nous adorer, à nous préférer nous-mêmes à toutes choses. Nous en sommes à la deuxième étape : pour chasser le démon, il faut préférer les autres à soi-même. Systématiquement, voir les vertus des autres et nos défauts, servir les autres et non pas se servir soi-même, aimer les humiliations, aimer l’humilité par laquelle nous sommes remis à notre vraie place. L’humilité, c’est la vérité.

Aimons la vérité de l’Église, soumettons-nous à l’Église et à son magistère. Et ensuite, travaillons à aller plus loin dans l’humilité, en nous jugeant inférieurs aux autres. Le démon sera mis à la porte de notre âme et nous aurons une vue aussi claire sur nous-mêmes que sur le monde extérieur. Ainsi, ayant fait la place vide, ayant chassé le démon, c’est Jésus-Christ qui entrera en nous et qui y régnera pacifiquement.

Abbé Georges de Nantes
Extraits du sermon du dimanche 16 mars 1980 (S 45)