Le mystère profond de la vie 
et de la mort de Jean-Paul Ier

L E 26 août 1978, au soir d’une admirable journée d’été, le cardinal Felici annonçait à l’Église de Rome une grande joie pour la Ville et le monde entier, l’élection au souverain pontificat du patriarche de Venise, le cardinal Albino Luciani, qui prenait le nom de Jean-Paul Ier.

L'élection de Jean-Paul Ier
« Peut-être sa mémoire s’est-elle aujourd’hui estompée dans certains milieux. Mais ce n’est pas le cas des fidèles. Les gens simples savent reconnaître et oublient difficilement ceux qui se tournent vers eux avec l’amour, avec l’affection d’un bon père. Je crois que son bref pontificat a été comme une bouffée d’oxygène pour la vie de l’Église. Comme l’aube d’une journée lumineuse… Nous avons, comme on dit en portugais, saudale, la nostalgie de ce sourire. Je suis convaincu qu’un jour, bon gré, mal gré, Jean-Paul Ier accèdera à l’honneur des autels. » (cardinal Aloiso Lorscheider, 30 JOURS, juillet 1998) En septembre 2003, l’évêque de Belluno-Feltre ouvrait le procès diocésain en vue de la béatification de Jean-Paul Ier.

UN AUTRE SAINT PIE X

Forno di Canale
Forno di Canale

Albino Luciani était né le 17 octobre 1912 à Forno di Canale, dans les Dolomites. Il avait été ordonné prêtre à l’âge de vingt-deux ans, le 7 juillet 1935. Un parallèle rigoureux, étonnant, avec Giuseppe Sarto, qui devint Pape et fut porté sur les autels sous le nom de Pie X, s’impose, à soixante-quinze ans de distance. Issus l’un et l’autre de familles pauvres, très pauvres, de Vénétie, tous deux sont entrés au petit puis au grand séminaire de leur diocèse rural. Au lendemain de leur ordination, ils sont devenus modestement vicaires et, au bout de quelques années, ils ont été appelés à la curie épiscopale, celui-ci directeur spirituel du séminaire de Mantoue et chancelier, celui-là vice-recteur du grand séminaire de Belluno et professeur en toutes matières, et cumulant bien d’autres fonctions, dont celle de vicaire général du diocèse en 1954. Vingt ans d’exact ministère, de dévouement aux âmes, aux vrais pauvres, jusqu’à y perdre leur santé, accompagnés de la silencieuse admiration et du respect de tous.

Albino Luciani

En 1884, don Sarto fut nommé évêque de Mantoue, à cinquante ans. En 1958, le 15 décembre, don Luciani, à quarante-six ans, sera évêque de Vittorio Veneto, sacré à Saint-Pierre de Rome le 27 décembre, par Jean XXIII. À l’instar de saint Charles Borromée, il choisit pour devise Humilitas. Comme Mgr Sarto à Mantoue, comme tous les saints évêques des temps passés, il trouva des routines à secouer, des décisions à prendre pour un meilleur apostolat, pour une piété plus ardente, un souci plus poussé de la formation doctrinale des prêtres, des séminaristes, des religieux diocésains, des laïcs. Il trouva aussi des désordres, parfois des scandales financiers à sanctionner. Mgr Luciani s’y employa en jeune évêque, avisé, énergique, réformateur au sens ancien du mot.

Mgr Albino Luciani, évêque de Vittorio Veneto
Mgr Albino Luciani,
évêque de Vittorio Veneto

Mgr Luciani se rendit à Venise lorsque la châsse de saint Pie X, venue de Rome, fut honorée et vénérée dans la basilique Saint-Marc, par un peuple en liesse, au printemps 1959. Dans plusieurs homélies, prononcées à Vittorio Veneto, il exprima son admiration pour toutes les œuvres du saint, particulièrement pour ses combats politiques contre la franc-maçonnerie. (...)

Dans une autre homélie sur “ le Pape du catéchisme et de l’Eucharistie ”, Mgr Luciani évoquait l’affliction de la très Sainte Vierge. À la même époque, sœur Lucie déclarait au Père Fuentes : » La Vierge Marie est bien triste »...

En 1959, au cours des mois qui précédèrent la consécration solennelle de l’Italie au Cœur Immaculé de Marie, la statue de Notre-Dame de Fatima, entourée de la radieuse escorte des colombes qui faisaient l’émerveillement des foules, poursuivit une marche triomphale dans toute la péninsule. Ce fut alors que Mgr Luciani manifesta sa dévotion à la Vierge de Fatima. Il exhorta vivement ses diocésains, dans sa lettre du 15 juin 1959, à accomplir le pèlerinage auprès de cette statue :

« Pour que les âmes soient préparées à cet important événement, j’ai décidé, il y a quelque temps, que l’on mette à profit la prédication du mois de mai ; j’ai également encouragé la consécration de chaque paroisse au Cœur Immaculé de Marie ; et, aujourd’hui, je vous recommande le pèlerinage à la statue de Notre-Dame de Fatima qui, de ville en ville, portée par les ailes de l’hélicoptère et par l’amour de millions d’âmes, dans un triomphe croissant de la foi, est en train de s’approcher de nous.

« Elle sera le 12 juillet à Trévise et le 16 à Belluno. J’ai hâte de me rendre dans ces deux villes, avec le plus grand nombre possible de prêtres et de fidèles, pour consacrer, à Belluno, le doyenné de Mel et, à Trévise, tout le reste du diocèse, à la Sainte Vierge.

« Je suis sûr que vous serez nombreux à m’accompagner pour accomplir cet acte de piété filiale et d’amour. Mais plus que le nombre, c’est l’esprit qui m’importe. Nous irons visiter celle qui, à Fatima, a dit et répété : “ Priez et repentez-vous ! ” Celle qui, pour rendre plus impressionnant le message, a fait tourner trois fois le soleil devant un très grand nombre de personnes. »

Le Concile s’inscrivit tout naturellement dans cette grande et belle activité pastorale. Mgr Luciani y prépara ses diocésains, les appelant à la prière, à la pénitence aussi, pour que ce Concile porte des fruits de grâce et procure à l’Église le renouvellement attendu, dans la ligne de la régénération doctrinale et scripturaire, liturgique et canonique entreprise par Pie XII. Il était temps de moissonner ce qu’il avait semé : redressement doctrinal, renouveau liturgique, adaptation pastorale à la société moderne... C’est ce que nous espérions tous du Concile. (…)

L’évêque de Vittorio Veneto suivit cet aggiornamento avec ferveur, avec confiance, donnant à tout une interprétation systématiquement bienveillante. La manière dont il en expliqua les Actes à ses diocésains et dont il les mit en œuvre montre qu’il n’en retint que le bon, et en oublia le discutable ou le mauvais... la question de la liberté religieuse mise à part. (…)

La paix revenue à l’Église

« Jean-Paul Ier, observait l’abbé de Nantes, n’avait pas cette morgue des novateurs, ce dogmatisme incroyable des nouveaux théologiens et réformateurs assurés en tout de leur infaillibilité à l’encontre même de l’Église séculaire et de son magistère. »

Albino Luciani n’avait-il pas avoué, » avec son entière loyauté et sa simplicité coutumière », que sur un point, pendant le Concile, sa conscience s’était rebellée ? Et notre Père d’en tirer une leçon capitale :

« Entre Jean-Paul Ier et nous, entre l’héritage de Jean et Paul qu’il déclarait assumer et notre Ligue de Contre-Réforme demeurait une contradiction irréductible sur des points de foi, précis, importants. Nous ne pouvions, nous ne pourrons jamais accepter comme un dogme nouveau le prétendu droit social de l’Homme à la liberté religieuse, pas plus que le culte de l’Homme proclamé par Paul VI à la face de toute l’Église le 7 décembre 1965, pour la clôture du Concile. Aussi, nous disait-on en France et à Rome depuis quinze ans que nous nous trouvions engagés dans une voie sans issue.

« Or l’issue, Jean-Paul Ier nous l’a rouverte. Par un simple mot, d’honnêteté, d’humilité. Le mot à lui seul défait l’hérésie, débloque l’impasse conciliaire. À lui seul, ce mot justifierait le règne trop bref de ce Pontife sur le trône de saint Pierre, dans l’unanimité de l’Église se reconnaissant en lui. Avouant ses luttes intimes, lors du Concile, et la difficulté de se rallier aux thèses des novateurs, en particulier à leur théorie de la liberté religieuse, il avait eu cette confidence : “ Pendant des années nous avions enseigné que l’erreur n’a aucun droit. J’ai étudié à fond le problème et, à la fin, je me suis convaincu que nous nous étions trompés. Une autre version de la même confidence dit : “ On m’a convaincu de mon erreur. ”

« D’un coup, la franchise du Pape restaurait le droit de tous d’être entendus, même après Vatican II, sans excommunication frauduleuse, et les vraies proportions du drame présent. Voici : Certains ont fini par se laisser convaincre ou se convaincre eux-mêmes que l’Église s’était trompée jusqu’à ce jour. D’autres sont demeurés convaincus ou ont enfin compris que se sont trompés et nous ont trompés les novateurs de ce Concile plutôt que l’Église de toujours. Avouer l’erreur possible, la tromperie dans un sens ou dans l’autre, c’est rendre la paix à l’Église en renvoyant ces questions difficiles au domaine des libres opinions, dans l’attente d’un Vatican III dogmatique ou de définitions infaillibles du Pape. »

Abbé Georges de Nantes, CRC n° 134, octobre 1978, p. 4

LE PATRIARCHE DE VENISE

Le patriarche Albino Luciani, pèlerin de Lourdes, au printemps 1971.
Le patriarche Albino Luciani, pèlerin de Lourdes, au printemps 1971.

Mgr Luciani est nommé patriarche de Venise le 15 décembre 1969. Il est animé par le même Esprit que son saint prédécesseur don Sarto. Ignoré de tous, il décida de ne rien changer dans sa doctrine traditionnelle, son réformisme bien tempéré, son mode de vie pauvre, modeste, et sa prédilection pour les petits et les malheureux ; il étonnera et scandalisera la ville aristocratique par son incomparable douceur et simplicité, ses gros souliers de montagnard, sa bicyclette, ses allées et venues en vaporetto...

Mais il s’aliénera plus gravement les prêtres progressistes de la banlieue industrielle par son apostolat populaire totalement contraire à leurs perspectives de lutte des classes et de matérialisme social... qui réussit mieux que le leur. (…) Il s’opposera aussi au capitalisme crapuleux de la maffia milanaise et vaticane qui venaient d’escroquer, en 1971, la Banca Cattolica del Veneto. Mgr Marcinckus était directement impliqué puisqu’il venait de vendre, à l’insu des évêques de Vénétie, cette honnête et cléricale banque, la “ banque des prêtres ”, à un franc-maçon notoire, qui l’avait transformée en maison de passe et de blanchiment de l’argent, de la drogue et autres saletés...

Profondément indigné par un si grave scandale, le cardinal Luciani alla à Rome pour réclamer justice. Mgr Marcinkus le mit à la porte de son bureau en lui recommandant de s’occuper de ses ouailles et non des banques… Dès lors le patriarche ne cachera pas sa pensée : » Je ne veux rien faire avec le Vatican ! Il y a le diable au Vatican ! »

Il retourna à Venise et continuera d’aller tranquillement son droit chemin, cachant sous un sourire de jour en jour plus héroïque, la tristesse, la souffrance des blessures qu’il reçoit de ses prêtres, de ceux qu’il veut aimer et servir comme des frères et des amis. Créé cardinal en 1973, notre jeune et dynamique patriarche réagit vigoureusement contre les campagnes scandaleuses de son clergé attaquant la récitation du Rosaire. C’est une première convergence de l’humble cardinal, encore inconnu du monde, et de la carmélite de Coïmbre, sœur Marie-Lucie de Jésus et du Cœur Immaculé qui, au même moment, dénonce dans sa correspondance les campagnes de dénigrement des progressistes contre le chapelet.

Plusieurs événements providentiels vont conduire le cardinal Luciani à manifester sa piété pour Notre-Dame de Fatima, en 1977, lors du soixantième anniversaire des apparitions. À cette époque, les révélations de Fatima étaient plus que jamais bafouées à Rome. (...) Le 5 janvier, il fit lui-même, dans la basilique Saint-Marc, à l’heure des vêpres, un sermon sur Fatima qui émut toute l’assistance. Sa narration des événements de 1917 était détaillée, captivante, et toucha les cœurs. (...) Il critiqua la thèse du Père Dhanis, jésuite moderniste qui jetait la suspicion sur le témoignage de sœur Lucie, mais c'est sa rencontre avec celle-ci qui lui permettront d'en comprendre la fausseté radicale.

ALBINO – LUCIA : LA RENCONTRE DE DEUX SAINTS

Et voici grande merveille... la rencontre de ces deux saints le 11 juillet 1977, un an avant l’élection du patriarche au souverain pontificat. Cela se fit comme d’un saint François de Sales et d’une sainte Jeanne de Chantal. Sans préambule, machination ni savantes stratégies d’approche. Ce fut si simple. Le confesseur du cardinal Luciani, le P. Leandro Tiveron, lui proposa d’accompagner un pèlerinage du diocèse de Venise à Fatima, organisé en l’honneur du soixantième anniversaire des apparitions de Notre-Dame : » Oui, je viendrai volontiers, répondit-il avec enthousiasme, c’est un désir que je porte dans mon cœur depuis longtemps. C’est une promesse faite à la Madone. » (…)

Le cardinal Luciani célèbre la messe à Fatima, le 10 juillet 1977.
Le cardinal Luciani célèbre la messe à Fatima, le 10 juillet 1977.

Le 10 juillet 1977, il était donc à Fatima, participant à la concélébration solennelle, devant plus de vingt mille pèlerins. Il fit l’homélie, voici la jolie parabole qui en fournit le thème, tellement dans la manière du cardinal Luciani :

« Des âmes, après leur jugement particulier, arrivent à la porte du Ciel et veulent y entrer. Saint Pierre, derrière la porte, leur demande d’attendre. Il ne trouve plus la clé. Il la cherche en vain quand l’âme d’une pieuse femme, mise au courant, s’exclame : “ Moi, j’ai la clé pour ouvrir ! ” Elle montre son chapelet, glisse la petite croix du chapelet dans la serrure. La porte s’ouvre. » Et le cardinal de conclure : » C’est votre chapelet qui vous ouvrira la porte du Ciel. »

Cela dit dans un ineffable sourire, il cite les prières de l’Ange et les paroles de la Sainte Vierge :

« Les paroles et les demandes de la Sainte Vierge aux pastoureaux sont comme un cri qui revient dans chaque apparition, en cette année si chargée de malheurs pour l’humanité. Notre-Dame demande de prier, de faire pénitence, d’accomplir des sacrifices en réparation des offenses faites à son Fils Jésus et à son Cœur Immaculé.

« Récitons, nous aussi, le chapelet, seuls ou en famille.

« Frères et sœurs, des nuages noirs de tempête passent au-dessus de l’humanité. Notre cœur est troublé. La Sainte Vierge a dit cependant aux enfants de Fatima, lors de l’apparition du 13 juillet : “ À la fin mon Cœur Immaculé triomphera. Le Saint-Père me consacrera la Russie qui se convertira et il sera donné au monde un certain temps de paix. ” » (…)

Le 11 juillet au matin, alors qu’il venait de concélébrer la messe dans la chapelle des carmélites, la religieuse fit savoir, par sa Mère prieure, qu’elle désirait ardemment lui parler. Surpris et subitement intimidé, déjà comme d’une Annonciation, le cardinal répondit qu’il saluerait volontiers sœur Lucie. (…) Notre-Dame a voulu ménager cette entrevue entre son serviteur et sa messagère, car lui-même n’aurait pas, dans son extrême humilité, songé à demander ce parloir. (…) Leur entretien se prolongea près de deux heures. Il en sortit le visage blême, en proie à une vive émotion. Éludant toutes les questions indiscrètes, il confiera bientôt aux siens :

« Je dois retourner à Fatima, je veux parler à la Madone. Sœur Lucie m’a laissé un gros souci sur le cœur. Désormais, je ne pourrai plus oublier Fatima. »

Quelques jours plus tard, sous le titre “ À Fatima... avec sœur Lucie ”, le patriarche publia un compte rendu de son entrevue dans l’hebdomadaire de Venise, Gente Veneta, exprimant une vénération pour la messagère de Notre-Dame :

« Sœur Lucie a soixante-dix ans, mais elle les porte vaillamment, comme elle me l’a assuré elle-même en souriant. Elle n’a pas ajouté, comme Pie IX, “ Je les porte si bien, mes années, que je n’en ai laissé tomber aucune. ” Le caractère jovial, l’aisance de parole, l’intérêt passionné que sœur Lucie manifeste envers tout ce qui regarde l’Église d’aujourd’hui, avec ses graves problèmes, sont la preuve de sa jeunesse d’esprit. »

Mais voici l’important : » Sœur Lucie ne m’a pas parlé des apparitions. » Alors, de quoi se sont-ils donc entretenus familièrement, deux heures durant ? eux qui ne se connaissaient pas, et n’avaient jamais communiqué leurs secrets ainsi !

Il finira bien par s’en ouvrir à ses intimes. Au début de l’année 1978, il prêcha le Carême dans son pays natal, à Canale d’Agordo. Son frère Edoardo et sa belle-sœur, qui le recevaient, observèrent son air absorbé, soucieux, impénétrable. Le 27 février, pendant le dîner, sa belle-sœur remarqua qu’il était très pâle et paraissait angoissé.

Il s’excusa, prit son bréviaire et, sans donner d’explication, se retira dans sa chambre. Le lendemain soir, même indisposition. Madame Luciani lui demanda si la nourriture qu’elle lui servait en était la cause. Le cardinal répondit : » J’étais en train de penser à ce que sœur Lucie m’a dit à Coïmbre. »

Il répéta encore deux fois : » Sœur Lucie m’a dit... » Sans achever sa phrase.

« Plus tard, expliquera Edoardo Luciani, lorsque nous avons rassemblé toutes les allusions faites par mon frère, tout est devenu clair. La voyante lui avait annoncé quelque chose qui concernait non seulement l’Église, mais aussi sa propre vie, le destin que Dieu lui préparait. »

En fait, le « destin » du cardinal Luciani ne faisait qu’un avec celui de l’Église. Mais le troisième Secret de Fatima nous le révélera plus tard. (…)

LE PAPE DU SOURIRE

Jean-Paul Ier
« Le sourire de Jean-Paul Ier, sa sérénité continuelle n’étaient pas un don naturel : ils étaient le fruit de sa patience, de sa prière et de son intimité avec Dieu. » (don Andrich, curé de Canale d’Agordo)

Le pape Paul VI mourut le 6 août 1978. La veille de son départ pour Rome, où il devait prendre part au Conclave, le cardinal Luciani marchait dans les ruelles des quartiers pauvres de Venise. Des enfants s’écrièrent joyeusement : » Regardez, regardez ! Voilà le prochain Pape ! »

Le cardinal répondit en souriant : » Oh ! non, ce ne sera pas moi, mais un autre et, pour cet autre, récitons tous ensemble un Ave. »

L’épisode est digne des fioretti de saint Pie X. Malgré ses dénégations, le cardinal Luciani dut se dire à lui-même, en cette circonstance, que la vérité sort de la bouche des enfants. Il savait, en effet, depuis son entretien avec sœur Lucie au parloir de Coïmbre, l’année précédente, qu’il serait Pape. (…)

Le cardinal Sin, son voisin au Conclave, lui affirma à l’ouverture du premier scrutin de l’après-midi du 26 août : » Je suis sûr que ce sera vous le nouveau Pape. » Une fois l’élection acquise, le cardinal Luciani lui dit : « Vous avez été prophète, mais mon pontificat sera bref. »

UNE RENAISSANCE CATHOLIQUE SPONTANÉE

Au lendemain de l’élection du nouveau Pontife, la joie et l’allégresse avaient saisi l’abbé de Nantes. Sous le titre « Un conclave inspiré », il écrivait :

« Sans disputer au Collège des cardinaux son surprenant, son éclatant mérite, il faut bien parler de miracle à propos de ce conclave rapide, unanime, et cette satisfaction générale dans l’Église universelle, comme si l’élection et l’humble apparition du nouveau Pape avaient fait passer sur le monde une grâce de renouvellement, j’allais dire un exorcisme, tous se sentant, se montrant meilleurs, plus heureux, plus unis. En quelque sorte, délivrés. C’est comme un miracle de conversion des cœurs. Mgr Etchegaray le dit bien en évoquant “ la confiance massive des électeurs et même, au-delà du conclave, de tous les catholiques. C’est un signe d’espérance pour l’Église de voir un Pape élu dans ces conditions. ” Il est beau, il est réconfortant de penser que les cardinaux ont été séduits par la vertu, plus encore par la foi d’un de leurs pairs. Foi sûre, vertu humble qui se veut cachée et n’en est que plus manifeste. »

Jean-Paul IerNotre Père exultait parce qu’il discernait les signes certains d’une renaissance catholique que Jean-Paul Ier était déjà en train d’opérer :

« Ce Pape religieux et ferme dans la foi, si bon, si gracieux, par sa seule apparition a refait l’unité cordiale du peuple chrétien, sur l’essentiel qui est le culte de Dieu, la foi en Lui, la piété personnelle et le labeur des vertus, surtout l’amour fraternel. Et l’Église s’est senti revivre, délivrée du carcan des nouveautés postconciliaires, de la tyrannie des intellectuels réformistes, des exigences insupportables de l’ouverture au monde. Il était donc si simple d’être catholique ? Le sourire du Pape montrait aussi, prêchait que c’était une joie, un bonheur.

« Aux applaudissements de toute l’Église, Jean-Paul Ier restaurait cette religion de toujours que nous défendions à contre-courant depuis vingt ans, et ouvertement ! face à la toute-puissante révolution dite conciliaire et postconciliaire. »

Le sourire, et même le grand rire joyeux de Jean-Paul Ier, où parfois perçait une forte émotion, » n’était ni plaisanterie ni insouciance. Mais une démonstration communicative et une prédication invincible de foi surnaturelle, d’espérance et de charité. (...)

« Jean-Paul Ier avait visé juste. Derrière les déclarations d’optimisme officielles, le peuple fidèle n’en pouvait plus du climat de faillite et d’effondrement des dix dernières années. Il réagit à ce sourire par une formidable ovation qui se répercuta aux quatre coins de la terre. Car ce sourire, ce rire, à leur manière étaient une affirmation de don de soi héroïque, de confiance en Dieu, en l’Église, en nous tous, et d’amour.

« Sous ce visage souriant, dans cette sainteté tellement aimable qui révèle le disciple fervent de saint François de Sales, tous ont vu, admiré, accepté et aimé ces deux vertus majeures : une rigueur doctrinale et morale inflexible, qu’adoucit une grande bonté pour les personnes et surtout les plus pauvres. »

La vraie religion paraissait ou plutôt resplendissait dans les gestes, les prières, les paroles du Saint-Père. « Je ferai peu de discours, avait-il averti. Ils seront brefs et à la portée de tous. »

Ses audiences publiques attirèrent une foule de plus en plus nombreuse : il y eut vingt mille personnes le 27 septembre et, ce jour-là, l’audience dut être tenue deux fois.

Son enseignement très évangélique était une invitation à la piété, à la charité, au zèle apostolique : il s’agissait, de nouveau, de faire son salut, de plaire au Maître intérieur par la pratique des vertus, de continuer la tradition de sainteté de l’Église, et le reste serait donné par surcroît.

L'ÉLU DE L'IMMACULÉE

Le pape Jean-Paul IerLe 3 septembre, en la fête de saint Pie X, au jour de son intronisation, avant le début des cérémonies, Jean-Paul Ier resta longtemps en prière, dans la crypte de la basilique vaticane, devant la tombe de saint Pierre, sous l’autel de la Confession, comme l’avait fait saint Pie X, en ce même moment lors de son élection, pour calmer l’horrible tumulte de son âme. (…)

Au cours de la cérémonie, Jean-Paul Ier exprima en quelques phrases, à la fin de son homélie, sa tendre dévotion pour l’Immaculée. Il se confiait à Elle de tout son cœur : « Nous commençons notre service apostolique en invoquant comme la splendide étoile qui éclairera notre chemin, la Mère de Dieu, Marie, Salus populi romani et Mater Ecclesiæ que la liturgie vénère particulièrement en ce mois de septembre. Que la Vierge qui a guidé avec une tendresse maternelle notre vie d’enfant, de séminariste, de prêtre et d’évêque, continue à éclairer et à diriger nos pas, afin que, devenu la voix de Pierre, les yeux et l’esprit fixés sur son Fils Jésus, nous proclamions à la face du monde, avec une joyeuse fermeté, notre profession de foi : “ Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. ” (Mt 16, 16) ».

Ce jour-là, il reçut l’hommage des cardinaux avec sa merveilleuse cordialité. À chacun, il disait un mot chaleureux et, surtout, il mendiait des prières : « Éminence, souvenez-vous de réciter un Ave Maria pour le Pape. »

Le cardinal Joseph Slipyj, archevêque de Lviv des Ukrainiens, rend hommage au Saint-Père.
Le cardinal Joseph Slipyj, archevêque de Lviv des Ukrainiens, rend hommage au Saint-Père.

À vrai dire, la pensée de Fatima et de sœur Lucie ne le quittait pas. Il en parla à don Germano Pattaro, son ami théologien de Venise, d’ailleurs très engagé dans le mouvement œcuménique postconciliaire : « C’est une chose qui m’a troublé durant toute l’année. J’en ai perdu la paix et la tranquillité spirituelles. Ce qu’elle m’a dit m’est devenu un poids sur le cœur. J’aurais voulu confier tout cela à une personne chère, à mon frère Edoardo, mais je n’y suis pas arrivé. Cette pensée était trop embarrassante, trop contraire à tout mon être. Ce n’était pas croyable, et pourtant la prévision de sœur Lucie s’est vérifiée. Je suis ici. Je suis Pape.

« Si je vis, je retournerai à Fatima pour consacrer le monde et particulièrement les peuples de la Russie à la Sainte Vierge, selon les indications que celle-ci a données à sœur Lucie. »

LE PAPE DE L’HOLOCAUSTE

« Si je vis »... On le dirait averti, par quel pressentiment ? qu’il ne vivrait pas. Comme si c’était écrit. Mais ça l’était ! dans le troisième Secret... (…)

« Et nous vîmes dans une lumière immense qui est Dieu : “ quelque chose de semblable à l’image que renvoie un miroir quand une personne passe devant ” : un évêque vêtu de blanc. “ Nous eûmes le pressentiment que c’était le Saint-Père. ” Plusieurs autres Évêques, Prêtres, religieux et religieuses gravissaient une montagne escarpée, au sommet de laquelle était une grande Croix de troncs bruts comme si elle était en chêne-liège avec l’écorce ; le Saint-Père, avant d’y arriver, traversa une grande ville à moitié en ruine et, à moitié tremblant, d’un pas vacillant, affligé de douleur et de peine, il priait pour les âmes des cadavres qu’il trouvait sur son chemin ; parvenu au sommet de la montagne, prosterné à genoux au pied de la grande Croix, il fut tué par un groupe de soldats qui lui tirèrent plusieurs coups et des flèches… » (…)

Jean-Paul Ier en audience

Dès les premiers jours, les propos malveillants des faux frères criblèrent le nouveau Pape de “ flèches meurtrières ” et de leurs grossiers mépris, de coups de poing brutaux. Comme Jésus en sa Passion. (…)

The Times va jusqu’à dire de lui que sa démarche ressemble à celle d’un » plombier qui entre dans un appartement ». Le Monde insinue méchamment que le caractère populaire de sa catéchèse et son aversion pour les contorsions de la théologie « viennent de ce qu’il n’a pas fait beaucoup d’études ». Et Minute se moque : c’est « don Camillo au Vatican » ; pareil crachat vous demeure collé au visage.

Comme saint Jean accompagnant Jésus à Jérusalem, témoin de ses terribles altercations avec les grands prêtres et les pharisiens, notre Père comprit que la confrontation était inévitable, et qu’elle serait implacable, mortelle. Après avoir souligné le trésor de doctrine caché sous la forme bénigne des “ paraboles ” dont Jean-Paul Ier émaillait sa prédication, le théologien de la Contre-Réforme catholique annonçait ce qui était encore caché aux yeux de tous :

« Parfois les paraboles annonçaient la polémique future, comme les allégories terriblement claires du Christ à Jérusalem, qui faisaient grincer des dents les scribes et les pharisiens, car ils s’y voyaient découverts, et il leur prenait alors l’envie de le tuer. »

Mais ce qui a noué le complot des adversaires, c’est l’argent. (…)

Depuis le traité du Latran, passé entre Pie XI et Mussolini en 1929, l’Église était installée, fondée, non pas sur le Roc, sur Pierre, mais sur Mammon : sur un tas d’or, prix des États pontificaux auxquels l’Église a renoncé contre ce magot. (…)

« Le Vatican devint ainsi, il y a cinquante-cinq ans, un consortium financier, un élément de cette “ fortune anonyme et vagabonde ” qui ne connaît d’autre activité lucrative que la spéculation sur les monnaies, l’agiotage, ce vilain jeu à la hausse et à la baisse sur les marchés internationaux des valeurs industrielles et commerciales, le blanchiment de l’argent sale, l’évasion des capitaux, etc., toutes pratiques simplement illégales ou parfaitement criminelles. » (…) En 1942, Mussolini dispensa le Saint-Siège du paiement de l’impôt sur les dividendes. Mais en 1967-68, l’État italien voulut abolir cette exemption fiscale.

Alors, Paul VI organisa l’évasion des capitaux, dans des proportions tellement énormes que toute l’Italie s’en trouva plongée dans une grave crise économique, qui se répercuta durement sur les plus pauvres. Tous agissements condamnés par l’encyclique Populorum progressio (1967) ! Comme écrit notre Père, « c’est la parabole vécue de la paille et de la poutre ».

C’est surtout le point de départ d’un engrenage criminel qui va mener à l’assassinat du pape Jean-Paul Ier. Le crime appelle le crime. « Le chantage érigé en système, la corruption, et finalement la Solution italienne qui consiste à tuer par manière d’intimidation un magistrat trop pressé de savoir, un policier trop gênant, un mafioso imprudent », ou un Pape trop regardant ? (…)

Le cardinal Luciani, que Mgr Marcinkus avait chassé comme un malpropre en 1972, revenait à Rome… en maître, en Pape ! en ce mois de septembre 1978.

Le 28 septembre, Jean-Paul Ier commençait de passer aux actes. Et le 29, il était mort... À Rome, ce fut un cri unanime, ce matin du 29 septembre : » Hanno mazzato il Papa ! » Ils ont tué le Pape ! (…)

Cinq ans plus tard, paraissait le livre de David Yallop, Anglais né catholique romain, sous le titre Au nom de Dieu, 434 pages d’enquête rigoureuse, minutieuse, confirmant tous les soupçons le pape Jean-Paul Ier a bel et bien été assassiné.

Vingt-deux ans plus tard, la publication du troisième Secret de Fatima non seulement confirme les dires de Yallop, mais encore donne la réponse du Ciel à cet acte de foi de notre Père exprimé dans son éditorial d’octobre 1978 : » Dieu a permis, c’est chose sûre, la mort de son serviteur, et l’Église continuera dans la même voie malgré ses ennemis. »

C’est précisément ce qu’annonce la vision contemplée par avance le 13 juillet 1917 par les voyants, dans une lumière immense qui est Dieu, en énigme, comme dans un miroir. La mort de l’évêque vêtu de Blanc, dans le troisième Secret de Fatima, est un sacrifice rédempteur, le sacrifice du bon Pasteur donnant sa vie pour ses brebis. (…)

LE COMPLOT EN TOUTE VÉRITÉ

David Yallop reconstitue l’engrenage infernal qui va mener à l’assassinat de Jean-Paul Ier si rigoureusement que personne n’a pu lui opposer le moindre démenti. (…)

« Quand les cardinaux élurent Albino Luciani à la papauté par une chaude journée d’août 1978, écrit Yallop, ils jetèrent un pape honnête, saint et parfaitement incorruptible sur la route de Vatican Entreprise S. A. » Il fallait l’empêcher de » fouiner dans la banque ». À tout prix. « La collision était inévitable. L’inébranlable intégrité d’Albino Luciani allait affronter les irrésistibles forces du marché de la banque du Vatican », dont les responsables étaient le cardinal Villot et l’évêque Marcinkus, les complices Michele Sindona et Roberto Calvi, tous de la loge P 2 ou affiliés, et leur protecteur Licio Gelli son Grand Maître. (…)

LE COUP DE MAJESTÉ.

Yallop raconte : « Le dimanche 27 août, Luciani demanda à Villot de rester secrétaire d’État pour quelque temps, lui dit-il, jusqu’à ce que je m’y retrouve. (…) Il ordonna à son secrétaire d’État, ainsi confirmé dans ses fonctions, de lancer une enquête sur-le-champ. Il fallait réexaminer toutes les opérations financières du Vatican, en analyser chaque aspect en détail, discrètement, rapidement, complètement. Sans exclure aucun département, aucune congrégation, aucune section. » (…)

Le 28 septembre 1978, donc, après une audience orageuse imposée au cardinal Baggio qui refusait de quitter Rome pour lui succéder à Venise, le Pape téléphona au cardinal Felici, qui était à Padoue, pour lui raconter cette dure confrontation avec Baggio dont le refus d’accepter Venise l’étonnait quand même ! Puis il appela Benelli pour lui parler de sa prochaine nomination à la secrétairerie d’État, qu’il devait faire connaître le soir même au cardinal Villot.

Jean-Paul Ier et le cardinal Villot
Jean-Paul Ier et le cardinal Villot

Puis il reçut cet homme.

Le Pape avait étudié son rapport sur la banque du Vatican. Première décision : Marcinkus serait remplacé par Mgr Abbo, un homme intègre. Non pas dans un mois, ni dans une semaine. Demain. Il fallait renvoyer non seulement Marcinkus, mais toute sa maffia, et couper les ponts, dans les plus brefs délais, avec le groupe corrompu de la Banco Ambrosiano, Sindona, Calvi...

Le Pape passa au problème de Chicago et à l’ultimatum qu’il fallait adresser au cardinal John Cody, perdu de mœurs et impliqué, lui aussi, dans le scandale financier. Enfin le Pape fit part au cardinal Villot de sa détermination de voir Baggio aller là où on lui disait d’aller... Mais le Souverain Juge n’en avait pas tout à fait fini, et la suite inquiéta le cardinal secrétaire d’État : « Benelli serait nommé secrétaire d’État. Il prendrait le poste de Villot. » Comme l’écrit notre Père, « on n’avait plus connu pareil acte d’autorité depuis saint Pie X. Pie X, soixante-quinze ans plus tôt, cassant le formidable secrétaire d’État de son prédécesseur Léon XIII, le cardinal franc-maçon Rampolla ! »

Villot feignit de réfléchir profondément, à ce coup du roi, cette tranquille estocade qui le désarçonnait complètement et le privait de tous ses pouvoirs en même temps. « Je croyais, articula-t-il, que vous pensiez à Casaroli pour me remplacer ? » Il objecta encore que ces nominations étaient contraires aux souhaits du défunt Saint-Père et seraient considérées comme une sorte de désaveu de son pontificat : « On dira que vous avez trahi Paul. » Certes !

Avant de se coucher, le Pape reçut encore un coup de fil de son médecin, Antonio da Ros. Celui-ci a témoigné quinze ans plus tard, pour mettre fin aux mensonges, que le Pape allait bien.

IL MOURUT SANS BRUIT...

Le vendredi 29 septembre, sœur Vincenza pénétra dans la chambre à 4 h 45 et trouva le Pape mort, dans son cabinet de toilette, selon ses paroles haletantes jetées à un groupe de pèlerins dont notre Père reçut le témoignage le 6 novembre suivant. Aussitôt après, le cardinal Villot obligeait sœur Vincenza à garder le silence par un vœu ! et elle dira à Yallop qu’elle avait trouvé le Pape dans son lit, selon la version officielle.

À 5 heures, le cardinal Villot constata la mort et commença d’agir en maître, de manière illégale, exclusive et méthodique. Illégale, parce que tous ses pouvoirs avaient expiré avec la mort du Pape. (…)

Il empocha la fiole d’Effortil sur la table de nuit, prit des mains crispées du Pape les notes sur les nominations et mutations décidées la veille, emporta aussi les lunettes et les pantoufles du Pape, probablement souillées de vomissures. Il aurait fait disparaître aussi le testament du Pape. (…)

À 6 heures, le docteur Buzzonati, qui n’était pas le médecin en chef, constata le décès, sans rédiger aucun certificat, et l’attribua à un infarctus aigu du myocarde, qu’il situa la veille au soir, vers 23 heures. Cette déclaration sur commande n’a évidemment aucune valeur médicale.

Villot commença de prévenir les cardinaux à partir de 6 h 30, donc environ deux heures après le coup de téléphone à l’institut de Médecine avertissant les embaumeurs, les frères Signoracci. Ces derniers passaient donc avant les sacrements, avant les cardinaux, avant l’archiatre. Ce n’était là que détail. L’important pour le cardinal était que toute autopsie médicale en soit rendue impraticable, et je passe sur les détails (cf. Yallop, p. 102). (…)

ET ILS L’ENSEVELIRENT...

Tandis que les fidèles se pressaient en larmes dans la chapelle ardente, salle Clémentine où le corps fut transporté selon l’usage, on s’activait au troisième étage du palais pontifical : les sœurs lavaient, astiquaient, sous les ordres du soi-disant chef de l’Église intérimaire, pour effacer les traces, toutes les traces : les traces de pas, les empreintes digitales, les vomissures. Les secrétaires emballaient et emportaient les hardes du pauvre pape, « y compris ses lettres, ses notes, ses livres et la petite poignée de souvenirs personnels ». Afin qu’il ne reste pas la moindre relique du premier Pape martyr des temps modernes.

À 18 heures, la totalité des dix-neuf salles des appartements pontificaux étaient entièrement vidée de tout objet associé, même de loin, au pontificat de Jean-Paul Ier. C’est alors, et alors seulement, que les scellés furent apposés sur les portes. Suprême imposture : les scellés apposés sur des appartements après en avoir fait disparaître tout objet compromettant ! (…)

Villot s’en fut alors diriger le travail des embaumeurs afin qu’ils ne retirent ni une goutte de sang, ni le moindre organe pouvant prêter à quelque analyse.

Seize heures après son singulier trépas, Jean-Paul Ier n’était déjà plus qu’un souvenir là où il régnait, la veille encore, en saint et bien-aimé Père Commun. C’était comme s’il n’était jamais venu là, comme s’il n’avait jamais existé. (…)

En 1984, notre Père recensait l’ouvrage de David Yallop dans les numéros 202 et 203 de la CRC, de juillet et d’août, pour tenter de réveiller l’opinion, et surtout, pour tenter de réveiller l’Église et, première intéressée, la conscience du pape Jean-Paul II, successeur immédiat du Pape assassiné. Mais notre Père ne se faisait pas d’illusion :

« Il est fort à redouter que le complot du silence, un silence meurtrier, l’omertà sicilienne, ne fasse participer tout le monde, l’Église entière, les maîtres de l’opinion publique, la conscience mondiale, au crime de quelques-uns, le plus énorme qui se puisse commettre après celui du Vendredi saint, celui du vendredi 29 septembre 1978, le meurtre du Pape du sourire, “ notre doux Christ en terre ”. » (…)

Jean-Paul II et Mgr Marcinkus
Jean-Paul II et Mgr Marcinkus

De fait, rien n’a bougé : la Justice ne s’est pas émue, ni la Justice italienne, ni la Justice vaticane. (…) Villot fut reconfirmé dans ses fonctions de secrétaire d’État jusqu’à ce qu’il meure de sa belle mort, quelques mois après Jean-Paul Ier en mars 1979 ; et il eut pour successeur Casaroli, selon son choix.

Baggio n’alla pas à Venise, qui n’avait toujours pas de patriarche ! Jean-Paul II nomma Mgr Cé le 7 décembre 1978, celui-là même que le patriarche avait expulsé du séminaire de Belluno et refusé pour successeur à Venise...

Cody resta à Chicago, au grand scandale de tous.

Marcinkus demeura en place. Et donc Calvi, Gelli, Sindona conservèrent la liberté… pour un temps seulement...

Mais la révélation du troisième Secret a réveillé les morts. Depuis le 26 juin 2000, tout est changé, car l’évêque vêtu de blanc qui meurt dans le 3e secret, ce ne peut-être Jean-Paul II quoiqu’en dise l’interprétation officielle. L’élu du cœur de Marie Immaculée est Jean-Paul Ier : Albino Luciani, blanche lumière, qui fut le “ candidat de Dieu ” au jour de son élection et le martyr de ses frères, au trente-troisième jour de son service pontifical.

Pour ne pas préjuger de l’avenir, disons qu’Albino Luciani nous est apparu comme le figuratif du Pape du Secret. Car la prophétie peut encore s’accomplir d’une manière plus littérale.

Toujours est-il que par son Secret, Notre-Dame a déjà rendu à notre affection, à notre admiration, à notre culte, le saint pape Jean-Paul Ier. Au moment où l’Église hiérarchique paraissait être frappée de consomption, conformément à l’un des tableaux du Secret, celui-ci renouvela notre espérance d’une prochaine résurrection de l’Église : Jean-Paul Ier sort de l’oubli où son successeur l’avait enseveli. À la parole de la Sainte Vierge, l’Église se tournera vers ce saint Pontife, avec un élan d’amour pour ce chéri de son Cœur Immaculé, et c’est par lui qu’elle renaîtra, lorsque les demandes de Notre-Dame seront enfin honorées comme les clauses d’une nouvelle alliance, riche de merveilleuses promesses.

frère Bruno de Jésus
Extraits de la CRC n° 372, nov.-déc. 2000 p. 10-21
et de Toute la vérité sur Fatima, tome IV.