Les mensonges du Père Dhanis
Àpartir de 1944, le témoignage de sœur Lucie a été très attaqué par le jésuite Édouard Dhanis, professeur à l’université de Louvain. Celui-ci accusait sœur Lucie d’avoir eu, dans ses Mémoires, une « propension à la fabulation inconsciente ». Selon lui, vingt ans après les révélations de 1917, elle les aurait augmentées et travesties, en inventant les prophéties du Secret et les demandes de Notre-Dame : c’est cette « nouvelle histoire de Fatima » qui donna au message son caractère politique. (...)
La « nouvelle histoire de Fatima », selon son expression, n’était pas si « nouvelle » qu’il le disait. Les thèmes prétendument “ nouveaux ” du message, développés dans les Mémoires, avaient déjà été dévoilés par sœur Lucie à ses supérieures, à ses confesseurs et directeurs spirituels, à des enquêteurs et des historiens, à des évêques, ainsi qu’à Pie XI et Pie XII.
L’ANGE DU PORTUGAL... EXCLU !
La politique divine révélée par Fatima est récusée par Dhanis. Non, les nations ne peuvent avoir un ange gardien, et surtout pas le Portugal du président Salazar ! Les apparitions de l’Ange seraient donc une invention de Lucie, à la fin des années 1930, en pleine fièvre nationaliste, alors que l’Espagne et le Portugal étaient menacés par la révolution communiste.
Dhanis écrit : « La nouvelle histoire de Fatima, celle qui repose sur les rapports (Mémoires) de Lucie, exige davantage de réserve. On doit craindre, sans nier le jugement sain et la sincérité de la voyante, que certaines inventions se soient glissées dans ses récits. Les apparitions de l’Ange et la communion miraculeuse qu’il aurait distribuée aux petits voyants restent incertaines. » (Revue Streven, 1944, p. 213)
Erreur ! Les apparitions de l’Ange n’appartiennent pas à une “ nouvelle histoire de Fatima ”.
Il en est question dès 1917 dans les interrogatoires du chanoine Formigao, celui de Lucie, du 19 octobre, et celui de sa mère, du 10 octobre.
Ensuite, sœur Lucie les a relatées dès 1918 à son premier directeur de conscience, l’abbé Jacinto Ferreira, doyen d’Olival, qui lui ordonna de n’en parler à personne ; puis, au début des années 1920, à Mgr da Silva, évêque de Leiria-Fatima, lors de “ vacances ” passées avec lui, dans sa propriété, à la Quinta da Formigueira.
Après l’avoir écoutée attentivement, Mgr da Silva lui imposa de continuer à les garder secrètes jusqu’à nouvel ordre.
Le Père Hubert Jongen rapporta le fait en 1946 dans la revue Médiatrice et Reine (p. 33) pour réfuter l’allégation mensongère de Dhanis. Sans fondement puisque le jésuite belge refusa de se rendre au Portugal pour s’informer auprès de Mgr da Silva qui l’y invitait. Dhanis ne voulait pas connaître la vérité... pour n’avoir pas à se rétracter !
S’il avait fait le voyage, en 1946, il aurait pu recueillir sur place d’autres témoignages sur ces apparitions de 1916, par exemple celui du chanoine Formigao.
« Les faits parlent contre l’interprétation de Dhanis. Le chanoine Formigao a expliqué plus tard, à la demande du Père Joao de Marchi, que, en 1917, “ au cours de l’interrogatoire, Lucie a répondu à l’une de ses questions, qu’un Ange leur était apparu ”. Le chanoine pensait cependant qu’elle usait d’un subterfuge pour ne pas parler des apparitions de la Sainte Vierge. Voilà pourquoi il a signifié énergiquement à la fillette : “ Laisse les Anges et réponds-moi sur ce que je te demande. ” C’est la raison pour laquelle l’enfant ne lui a plus parlé de l’Ange. » (Michael Stickelbroeck, Forum katholische theologie, 2017, cahier n° 1, p. 7)
Le chanoine Barthas, qui enquêta à Fatima quelques années après le Père de Marchi, interrogea Manuel et Olimpia Marto, les parents de François et Jacinthe. Ceux-ci lui dire avoir remarqué « dès le temps des apparitions que leurs deux enfants récitaient certaines formules qu’ils appelaient “ Prière de l’Ange ” » (Toute la vérité sur Fatima, t. 1, p. 79).
Alors qu’il refusait de s’informer, Dhanis s’obstina, affirmant de nouveau, en 1952, à propos des apparitions de l’Ange : « On n’ose pas écarter absolument l’hypothèse d’un récit dû pour une grande part à l’imagination. » (N. R. Th., 1952, p. 588-589)
Au Portugal, en 1946, Dhanis aurait pu, de surcroît, constater que ce pays avait été préservé des malheurs et des effroyables destructions de la guerre.
On sait avec quelle générosité Lucie, François, et Jacinthe avaient répondu à l’appel de l’Ange : « De tout ce que vous pourrez, offrez à Dieu un sacrifice en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs. De cette manière, vous attirerez la paix sur votre patrie. » Le miracle de paix, dont le Portugal a joui pendant la Seconde Guerre mondiale, était aussi l’un des fruits de sa consécration nationale au Cœur Immaculé de Marie, du 13 mai 1931.
LE CŒUR IMMACULÉ DE MARIE... EXCLU !
Dhanis poursuit : « Le secret [du 13 juillet 1917] récemment publié [en 1942] présente une situation assez complexe... Les messages de Notre-Dame portent les traces de différentes additions... Le nouveau thème du Cœur Immaculé de Marie ne se présente pas dans des circonstances très rassurantes. » (Streven, 1944, p. 213)
Perfide insinuation ! Il ne s’agit pas d’un nouveau thème : dès les années 1925, la correspondance de sœur Lucie avec ses directeurs spirituels montre que le Cœur Immaculé de Marie est un thème du Secret du 13 juillet 1917. En effet, en décembre 1927, le Père jésuite José Aparicio lui demanda de rédiger, de nouveau et en détail, le récit des apparitions de Pontevedra (donc du Cœur Immaculé de Marie, en 1925-1926), en indiquant si elles avaient un lien avec les messages de 1917.
Cet ordre la jeta dans une profonde perplexité, précisément parce que la dévotion au Cœur Immaculé de Marie était un des thèmes du Secret. C’est dans ces circonstances qu’une nouvelle communication divine vint l’éclairer :
« Le 17 décembre 1927, elle se rendit auprès du tabernacle pour demander à Jésus comment satisfaire à la demande qui lui était faite, si l’origine de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie était renfermée dans le Secret que la très Sainte Vierge lui avait confié.
« Jésus, d’une voix très claire, lui fit entendre ces paroles : “ Ma fille, écris ce que l’on te demande ; et tout ce que t’a révélé la très Sainte Vierge dans l’apparition où Elle t’a parlé de cette dévotion écris-le aussi ; quant au reste du Secret, continue à garder le silence. ” » (Documentaçao critica de Fatima, vol. 5, t. 1, p. 737)
DÉVOILÉ... DIX ANS AVANT LES MÉMOIRES !
Lucie ayant ainsi reçu la permission de révéler partiellement le Secret écrivit ce que le Père Aparicio lui demandait. Plus tard, elle donna des précisions à ce sujet au Père Jongen : « Quand avez-vous reçu la permission du Ciel de révéler le Secret ?
– En 1927, ici, à Tuy, dans la chapelle. Cette permission ne s’étendait pas à la troisième partie du Secret.
– En avez-vous parlé à votre confesseur ?
– Oui, tout de suite après.
– Qu’a-t-il dit ?
– Il m’a ordonné d’écrire le Secret, à l’exception de sa troisième partie. Je pense qu’il ne l’a pas lu. Il me l’a rendu. Peu après, j’eus un autre confesseur. Ce dernier m’a ordonné de le brûler, après quoi il m’a dit de l’écrire de nouveau.
– À qui avez-vous révélé encore le Secret avant la guerre ?
– À la supérieure provinciale des Dorothées, à l’évêque de Leiria et au chanoine Galamba.
– Leur avez-vous révélé tout, sans exception ?
– Je ne sais plus.
« Nous faisons remarquer :
– Dommage que le Secret n’ait pas été publié avant la guerre. Ainsi, la prédiction aurait eu plus de valeur. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait connaître davantage ?
– Parce que personne ne me l’a demandé. » (Médiatrice et Reine, 1946, p. 11)
L’évêque de Leiria ne le lui avait pas demandé parce qu’il ne percevait pas toute l’importance du Secret et des demandes de Notre-Dame. Mgr da Silva ne se préoccupait que d’organiser et de développer les pèlerinages des 13 du mois.
Ajoutons qu’aussitôt après la révélation du 17 décembre 1927, sœur Lucie rapporta au Père Aparicio les promesses du Cœur Immaculé, du 13 juin 1917, en parlant d’elle-même à la troisième personne :
« Elle (Lucie) demanda à la Vierge de les emmener au Ciel. La très Sainte Vierge lui répondit :
“ Oui, Jacinthe et François iront bientôt ; mais toi, Lucie, tu demeureras ici un certain temps. Jésus veut se servir de toi pour Me faire connaître et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. À qui embrassera cette dévotion, je promets le salut. Ces âmes seront chéries de Dieu, comme des fleurs placées par Moi pour orner Son trône.
– Je vais demeurer ici toute seule ? ” dit-elle avec tristesse.
– Non, ma fille, je ne t’abandonnerai jamais. Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu. ” » (Documentaçao critica de Fatima, v. 5, t. 1, p. 737)
La relation de Lucie fut transmise par le Père Aparicio à Mgr da Silva le 11 octobre 1928 (ibid.).
Récapitulons nos acquis : dès les années 1927-1928, sœur Lucie a révélé à ses directeurs spirituels que la dévotion au Cœur Immaculé de Marie est un des thèmes des révélations du 13 juin 1917 et du Secret du 13 juillet 1917.
Non, ce n’est pas une nouveauté qu’elle inventa en rédigeant ses Mémoires, à la fin des années 1930, dix ans plus tard.
Dhanis était informé de l’existence de cette relation de Lucie, datant de 1927. Il la mentionna en citant le Père da Fonseca (Streven, 1944, p. 194). Mais il n’a pas cherché à en connaître le texte exact et intégral, encore inédit, en s’adressant à Mgr da Silva, ou en écrivant au Père da Fonseca ou au Père Aparicio, comme il aurait dû le faire puisqu’il prétendait accomplir une œuvre critique.
Le chanoine Sebastiao Martins dos Reis la publia en 1958 dans un livre où il réfutait certaines de ses erreurs (Na orbita de Fatima : rectificaçaoes e achegas, Évora, p. 112-113). Le jésuite n’en tint aucun compte et persista dans ses mensonges jusqu’à sa mort, le 17 décembre 1978.
LE ZÈLE DES SAINTS POUR ÉTABLIR CETTE DÉVOTION.
« D’après l’ancienne histoire de Fatima, écrit Dhanis, il ne semble pas que la visiteuse [la Vierge Marie !] se soit fait connaître en parlant de ce cœur [le Cœur Immaculé !] comme du sien. » En effet, « rien n’est exprimé sur ce sujet dans les comptes rendus des interrogatoires de 1917 publiés par le chanoine Formigao » (Streven, 1944, p. 213 et Nouvelle revue théologique, 1952, p. 599).
Donc, sœur Lucie aurait affabulé dans ses Mémoires.
Eh bien, non ! Cela montre simplement que la fillette n’a rien dévoilé du Secret en 1917.
En revanche, après 1927, c’est-à-dire après ses premières transcriptions du Secret, le chanoine Formigao apprit que la dévotion au Cœur Immaculé de Marie était un des thèmes essentiels des révélations de Fatima. Le 8 octobre 1928, donc dix ans avant la rédaction des Mémoires, il écrivait à Madre Cecilia :
« Le Père Mateo est venu intensifier la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, maintenant Lucie vient intensifier la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, qui en est le complément nécessaire. Par ces deux dévotions réparatrices, les offenses que l’on fait au Fils et à la Mère sont ainsi réparées, comme il est absolument juste.
« Hier après-midi, j’ai couru à Porto en automobile pour faire connaître cette dévotion [réparatrice des cinq premiers samedis] qui a été accueillie avec le plus grand enthousiasme. » (Sœur Lucie, confidente du Cœur Immaculé de Marie, p. 198)
Le Père Aparicio fut un apôtre très zélé de cette dévotion au sein du noviciat des jésuites portugais. Le Père Antonio Leite raconte :
« Peut-être vers la fin de 1927 ou au début de l’année suivante, il nous parla de la dévotion des cinq samedis et nous déclara son origine : il nous dit expressément qu’il s’agissait de Lucie.
« Toutefois, il nous recommanda de ne rien dire à propos de cette origine, jusqu’à ce que l’évêque de Leiria, à qui elle avait été déjà communiquée, la rende publique ou permette qu’elle soit publiée. » (Toute la vérité sur Fatima, t. 2, p. 326)
Certaines religieuses Dorothées, qui connaissaient à l’intime la messagère du Ciel, comme mère Magalhaes, sa supérieure, la propagèrent dès ces années-là.
D’autres religieuses étaient réservées. Lorsque sœur Lucie demanda du papier à sa Mère maîtresse pour écrire sa révélation du 17 décembre 1927, celle-ci lui répondit : « Ma sœur, croyez-vous qu’un jour vous verrez établie dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, comme on y voit celle du Cœur de Jésus ?! Jamais vous ne verrez cela. » (Sœur Lucie, confidente du Cœur Immaculé de Marie, p. 191)
Si sœur Lucie ne l’a pas vu, et si nous ne le voyons pas encore, c’est à cause de la pusillanimité de Mgr da Silva qui demeura longtemps dans l’expectative, jusqu’en 1937-1939, puis de la perfidie du Père Dhanis, enfin de l’aveuglement des plus hautes autorités romaines.
FISCHER, VRAI SERVITEUR DE MARIE.
Ce que le professeur de Louvain qualifie à tort d’histoire nouvelle de Fatima, et qui englobe certains thèmes essentiels du Secret, particulièrement la Russie et la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, était selon lui une sorte de délire mystique de Lucie dont le psychisme aurait été détraqué par le choc émotionnel de la révolution communiste en Espagne, de 1936.
Dhanis écrit : « La difficulté que nous avons rencontrée est celle-ci : le thème du Cœur Immaculé prend une place toute centrale dans la vie des petits voyants, d’après les rapports (Mémoires) récents de Lucie, tandis que rien n’est exprimé sur ce sujet dans les livres sur Fatima antérieurs à 1936. » (Nouvelle revue théologique, 1952, p. 599)
Dhanis se trompe et trompe ses lecteurs.
Cela éclate aux yeux quand on connaît les enquêtes de l’abbé Ludwig Fischer et ses livres publiés dix ans avant les articles du jésuite de Louvain.
En effet, en 1932, l’abbé Fischer, professeur à l’université de Bamberg, en Bavière, mena une enquête approfondie au Portugal et en Espagne pour mieux connaître les révélations de Notre-Dame de Fatima. Historien consciencieux et perspicace, animé d’une vraie dévotion, il aurait aimé connaître tout le Secret de Fatima pour mieux comprendre les volontés du Ciel et y satisfaire.
Le Père Aparicio, voyant qu’il s’agissait d’un homme de Dieu, lui donna à lire sa correspondance avec sœur Lucie. Puis l’abbé Fischer interrogea lui-même la messagère de Notre-Dame les 26, 27 et 28 septembre 1932.
Cependant, Mgr da Silva lui interdit de divulguer tout ce qu’il avait appris, notamment les demandes de la Vierge pour établir dans le monde la dévotion à son Cœur Immaculé.
Toutefois, en 1934, dans son livre Jacinthe, la petite fleur de Fatima, l’abbé Fischer dévoila, avec la permission de l’évêque, la promesse du 13 juin 1917 : « Je ne t’abandonnerai jamais. Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu. »
De surcroît, l’abbé Fischer expliquait : « Lucie a encore une magnifique mission à remplir. Je ne pourrai en dire davantage sur cette mission confiée par l’Époux divin que le jour où l’évêque de Leiria estimera le moment venu pour cela. »
Le professeur allemand avait en outre découvert le secret intime de Jacinthe, à savoir sa dévotion au Cœur Immaculé de Marie, et il le publia :
« Parmi les saints du Ciel, il n’existe probablement pas une étoile qui a su, comme Jacinthe, parler si gracieusement et à l’intime de la Mère de Dieu. Il y a au Ciel, parmi les saints dévots de Marie, d’éminents théologiens qui ont écrit des livres savants, des prédicateurs qui furent très zélés, des compositeurs de grand talent qui la chantèrent, des peintres qui en brossèrent des portraits.
« Mais la petite étoile que fut Jacinthe nous a appris quelque chose sur notre Mère, la Vierge Marie, que personne d’autre ne nous a révélé si intimement et si tendrement : la tristesse et l’affliction du Cœur maternel et Immaculé de Marie à cause des péchés et de la perte temporelle et éternelle de ses enfants qu’Elle aime tant ! » (p. 177)
Non, la dévotion de sainte Jacinthe au Cœur Immaculé de Marie ne fut pas une chose inconnue jusqu’à la rédaction des Mémoires de Lucie, comme le prétendait Dhanis.
LA DEMANDE DE CONSÉCRATION DE LA RUSSIE DIVULGUÉE AU MONDE.
Nous en arrivons à la Seconde Guerre mondiale. Depuis dix ans, le Saint-Père, c’est-à-dire Pie XI puis Pie XII, refusait d’effectuer la consécration de la Russie. Les châtiments annoncés dans le Secret avaient donc commencé à s’accomplir. C’était vraiment l’heure de Dieu pour la divulgation au monde des deux premières parties du Secret.
En 1942, le chanoine Galamba les publia au Portugal, dévoilant ainsi la demande au Saint-Père de la consécration de la Russie. Il révélait par là même au monde la politique de la Sainte Vierge.
Politique encore et toujours refusée par les plus hautes autorités de l’Église !
En effet, à Rome, en cette année 1942, la deuxième partie du Secret, annonçant que « la Russie répandra ses erreurs dans le monde », fut travestie par complaisance pour les démocraties libérales qui collaboraient avec les Soviétiques. Dans son ouvrage La Madonna di Fatima, don Luigi Moresco substitua aux paroles de la Vierge, avec l’approbation de Pie XII, des formules vagues et ambiguës, destinées à viser tout autant l’Allemagne nazie que la Russie bolchevique. De plus, la demande de consécration de la Russie était changée et falsifiée en demande de consécration du monde (sic).
Alors qu’on était en pleine confusion, le Père Hubert Jongen, montfortain hollandais, publia les deux versions du Secret : la version « autorisée (sic) par Rome » et le « texte original ». Il les reproduisit dans son ouvrage en néerlandais Notre-Dame de Fatima, missionnaire de Dieu, qui connut aussitôt un très grand succès. Le Père Jongen y avait admirablement exposé l’essentiel du message et de la vie intime des trois pastoureaux : « Au centre de la vie des voyants se trouvait Marie, ou plus exactement le Cœur Immaculé de Marie. »
RÉPLIQUE DU DIABLE.
Dans cette conjoncture, en 1944, le Père Dhanis, qui ignorait tout de Fatima, vint demander au Père Jongen de consulter sa documentation sur ce sujet. Celui-ci mit sa bibliothèque personnelle à la disposition du jésuite belge qui publia, quelques mois plus tard, deux longs articles où il insinuait que, dans ses Mémoires, sœur Lucie avait inventé une « nouvelle histoire de Fatima » où la Vierge Marie intervenait dans la politique.
Stupéfaction du Père Jongen !
Celui-ci réagit en dénonçant les graves déficiences de la critique historique du jésuite, dans trois articles intitulés Brouillard sur Fatima, qui parurent dans Standaard van Maria, L’étendard de Marie :
« Nous sommes en présence d’un ensemble de faits communément acceptés. » Comprenant, faut-il le rappeler ? des signes extraordinaires, dont le miracle du soleil, les prophéties du Secret, la demande de consécration de la Russie, etc.
« Leur crédibilité est directement ou indirectement garantie par des personnes de grande autorité morale », le chanoine Galamba, Mgr da Silva, le cardinal Cerejeira, patriarche de Lisbonne, les directeurs spirituels de Lucie, ainsi que des experts dans le discernement des esprits, tel le Père Isacio Moran.
« Ces personnes disposent de toutes les données nécessaires pour se forger un jugement sur les faits en question. Ce jugement est positif, c’est-à-dire il n’est pas incertain, mais conclut à la pleine véracité des faits de Fatima, tels qu’on les trouve maintenant exposés. Et personne n’en prend le contre-pied. Personne, sauf le Père Dhanis.
« Les informations sur lesquelles il se fonde ne peuvent pas le moins du monde être comparées à celles qui garantissent la crédibilité de Fatima. Et c’est sur ces renseignements insuffisants que le Père Dhanis va fonder sa recherche. Est-ce vraiment là une preuve d’un sain esprit critique ?
« L’esprit critique exige, à notre avis, que si l’on met en doute la version communément admise, l’on s’élève au même niveau que ceux qui la répandent dans le monde. Aussi longtemps que l’on se situera à un niveau inférieur, on a parfaitement le droit, à titre personnel, d’émettre des réserves, mais en public on doit se taire.
« En un certain sens, l’incertitude et le doute nuisent davantage à une affaire qu’une opposition déclarée. Quand quelqu’un manifeste son opposition, on peut examiner ses arguments et on sait à quoi s’en tenir. Mais quand quelqu’un émet seulement un doute, et qu’il l’émet à partir d’informations lacunaires, on ne sait plus ce que l’on doit croire.
« Une étude comme celle du Père Dhanis en dit trop ou trop peu : trop pour croire encore à Fatima, et trop peu pour condamner l’ensemble de ces faits prodigieux. » (Standaard van Maria, 1946, p. 181-186)
Édouard Dhanis fut, hélas ! suivi par tous ceux que la demande de consécration de la Russie dérangeait.
Il écrivait : « Il n’est pas besoin de longues réflexions pour voir que le Souverain Pontife était dans l’impossibilité pratique de faire une pareille consécration. Chef de l’Église, le Pape peut consacrer celle-ci au Cœur Immaculé de Marie ; Vicaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, chargé à ce titre de conduire au salut le genre humain tout entier, il peut consacrer le monde au Cœur Immaculé de Marie ; il peut aussi, absolument parlant, lui consacrer un pays comme la Russie, puisqu’il fait partie du monde.
« Mais au concret les choses apparaissent plus difficiles. Schismatique, comme unité religieuse, marxiste comme unité politique, la Russie ne pouvait être consacrée par le Pape, sans que cet acte prît une allure de défi, tant à l’égard de la hiérarchie séparée, qu’à l’égard de l’Union des Républiques soviétiques. Ceci rendait la consécration pratiquement irréalisable. Il est clair qu’il ne s’agit ici que d’une impossibilité morale en raison des réactions qu’elle devait normalement [?] susciter. La très Sainte Vierge a-t-elle pu demander une consécration qui, prise en rigueur de termes, était pratiquement irréalisable ? Cette question paraît bien appeler une réponse négative. » (Nouvelle revue théologique, juin 1952, p. 595)
L’ENQUÊTE DÉCISIVE DU PÈRE JONGEN.
Le Père Jongen remarquait :
« Le témoignage de ceux qui connaissent Lucie depuis des années, de ceux qui ont vécu longtemps avec elle, ne pourrait-il pas donner de précieux renseignements sur le comportement, la mémoire, le jugement sain de la voyante ? Surtout le contact direct avec Lucie ne pourrait-il pas être décisif en vue d’éclaircir des questions précises ?
« Le Père Dhanis n’a envisagé aucune de ces possibilités pour résoudre les [prétendues] difficultés qu’il a soulevées. » (Standaard van Maria, 1946, p. 181)
Parce que, précisément, il ne voulait surtout pas les résoudre, sinon d’une manière a priori négative.
Après la guerre, dès que les frontières furent rouvertes, le Père Jongen, lui, se rendit au Portugal ainsi qu’en Espagne, où il mena une longue enquête.
Au couvent des Dorothées de Tuy, il put interroger sœur Lucie les 3 et 4 février 1946. Il lui rapporta les objections du Père Dhanis.
« Ce Père jésuite, lui répondit Lucie, pourrait écrire à mes confesseurs, pour demander ce que je leur ai communiqué vers 1927. C’étaient les Pères José da Silva Aparicio et José Bernardo Gonçalves. » Sœur Lucie lui remit les adresses des deux jésuites.
– Notre-Dame a-t-elle vraiment dit à la deuxième et à la troisième apparition : Mon Cœur Immaculé ?
– Oui. » (Médiatrice et Reine, 1946, p. 11 et 111)
De retour en Belgique, le Père Jongen publia des comptes rendus de ses entretiens avec Lucie, lesquels apportaient des éclaircissements décisifs, ainsi que des réponses convaincantes à toutes les objections du jésuite. Nous en avons naguère reproduit de larges extraits (Il est ressuscité n° 66, février 2008, p. 29-32).
“ A RUSSIA ” DÈS LE 13 JUILLET 1917.
Pour la demande de consécration de la Russie, la voyante avait renouvelé son témoignage, d’abord oralement, puis dans une réponse manuscrite au Père Jongen, que nous avons consultée aux archives du sanctuaire de Notre-Dame de Fatima : « La demande exacte de Notre-Dame était que le Saint-Père fasse la consécration de la Russie à son Cœur Immaculé, en ordonnant à tous les évêques du monde catholique de la faire en même temps, en union avec Sa Sainteté. » (K-2A, D 3324)
Sœur Lucie répétait ainsi exactement ce qu’elle avait communiqué aux Pères Bernardo Gonçalves et Francisco Rodrigues, ainsi qu’à Mgr da Silva, dès 1929-1930, et qui fut aussitôt transmis au pape Pie XI.
En 1946, interrogée par le chanoine Barthas, sœur Lucie lui répondit fermement qu’elle avait « bien entendu a Russia lors de l’apparition du 13 juillet 1917, sans savoir alors la signification de ce mot ».
Elle l’avait déjà confirmé au Père Gonçalves : « Ce que nous percevions au cours des apparitions de Notre-Dame restait tellement gravé en nous-mêmes qu’on ne l’oubliait jamais. C’est pour cela que je sais bien, et avec certitude, que Notre-Dame a parlé expressément de la Russie en juillet 1917. »
MAUVAISE FOI ET DÉSORIENTATION.
Ce n’est pas l’amour ni la recherche de la vérité qui motivait le Père Dhanis puisqu’il ne voulut jamais consulter les documents ni interroger les témoins, particulièrement sœur Lucie, alors que l’évêque de Leiria l’y invitait avec insistance.
Il ignora délibérément les comptes rendus des entretiens des vrais serviteurs de Marie avec sœur Lucie, lesquels donnaient de nouvelles preuves de la vérité divine du Secret : les prophéties et les demandes de Notre-Dame, notamment la demande au Saint-Père de la consécration de la Russie, avaient été rapportées mot pour mot par sa messagère.
Mais dans sa controverse avec le Père Gonzaga da Fonseca qui dénonçait ses grossières erreurs, il se dérobait avec un style onctueux et louvoyant : il feignait d’avoir été souvent mal compris ou mal interprété. À vrai dire, il s’était préparé des positions de repli dès son premier article, en accompagnant toujours ses affirmations de doutes ou de formules alambiquées.
Le Père jésuite Agostinho Veloso remarquait la malhonnêteté de sa défense qui consistait à dire : « Fonseca m’attribue telle objection, mais je n’ai jamais affirmé rien de tel, je ne l’ai dite que sous la forme conditionnelle et interrogative. » (Veloso, Ainda algumas confusoes e erros sobre Fatima, Brotéria, 1953, p. 176)
Certes, le professeur de Louvain, qui fut bientôt promu à Rome, louait le pèlerinage de Fatima qui « contribue grandement, écrivait-il, à répandre la dévotion au Cœur Immaculé de Marie ». Mais, en même temps, il maintenait ses objections contre les demandes précises de Notre-Dame, sous une forme conditionnelle et interrogative, alors que le Père da Fonseca lui avait parfaitement répondu. En réitérant, avec beaucoup de circonlocutions, ses soupçons injustifiés et ses insinuations perfides, il propageait le doute sur l’origine céleste des requêtes de la Vierge au Cœur Immaculé.
C’est ainsi qu’il trompa et désorienta la plupart de ses lecteurs, et jusqu’aux plus hautes autorités de l’Église : depuis le pape Pie XII jusqu’au pape François.
OU NOUS SOMMES À MARIE, OU NOUS SOMMES AU DÉMON.
L’abbé de Nantes, notre Père, était formel : rejeter les révélations et les demandes instantes de la Reine du Ciel et de la terre, Médiatrice de toutes grâces, c’est s’engager sur un chemin de perdition.
Sœur Lucie elle-même nous en a avertis avec insistance, en disant au Père Fuentes : « Dès à présent, ou nous sommes à Dieu ou nous sommes au démon : il n’y a pas de moyen terme. »
Assurément, celui qui méprise les écrits inspirés de sœur Lucie, méprise Marie et passe au service de son Adversaire : il en devient, hélas ! l’instrument et se damne.
En revanche, celui qui adhère, sans réserve ni restriction, aux révélations de Notre-Dame de Fatima entre ainsi dans le grand dessein de grâces et de miséricorde de notre Père Céleste, et sauvera son âme ainsi que des multitudes d’autres âmes, grâce à Marie et par la Médiation de son Cœur Immaculé !
frère François de Marie des Anges.
Extraits de Il est ressuscité ! tome 17, n° 175, mai 2017