SŒUR LUCIE : BIOGRAPHIE “ OFFICIELLE ”
complot contre la messagère du Ciel

Un chemin sous l’œil de Marie

APRÈS la mort de sœur Lucie, survenue il y a presque dix ans, le 13 février 2005, les carmélites de Coïmbre ont dépouillé et classé ses archives qui contenaient des manuscrits inédits. Grâce à ces documents, elles ont rédigé et publié une volumineuse biographie de la voyante, sous le titre Um caminho sob o olhar de Maria ; Un chemin sous l’œil de Marie (éd. Carmelo, octobre 2013).

L’ouvrage, préfacé par Mgr Virgilio Antunes, l’actuel évêque de Coïmbre, fut officiellement “ révisé ” par trois ecclésiastiques portugais membres de la Commission historique de son procès de béatification : Mgr Luciano Guerra, le chanoine Luciano Cristino et le Père Pedro Ferreira.

Ce livre constitue en quelque sorte la biographie “ officielle ” de sœur Lucie.

Il nous a permis d’enrichir la nôtre (Sœur Lucie, confidente du Cœur Immaculé de Marie, éd. CRC, 2014, 490 pages) grâce à plusieurs sources dont l’accès nous a été continuellement refusé : notamment les archives du carmel et l’autobiographie inédite de sœur Lucie, ou son Diaire, intitulé par elle Mon Chemin.

Toutefois, le livre nécessite une étude critique attentive, car la “ vraie Lucie ” se trouve peut-être davantage dans les passages de sa vie qui ont été censurés, ou que le livre passe sous silence.

Nous savons en effet que cette longue vie fut traversée par un drame, celui d’une hiérarchie opposée à la transmission du message de Fatima, message sans aucun équivalent dans toute l’histoire de l’Église.

LE CARMEL INTERDIT

Sœur Lucie en 1921Sur l’enfance de Lucie et les apparitions de 1916 et 1917, le livre s’appuie fidèlement sur les Mémoires, il n’y a rien à redire.

À partir de son départ de Fatima, en 1921, les emprunts au Diaire enrichissent nos informations en montrant surtout à quel point sa vocation au Carmel a été contrecarrée par ses supérieurs.

Ceux-ci la forcèrent à s’engager par vœux chez les dorothées, malgré de très grandes répugnances. Même lorsque le pape Pie XII autorisa son transfert, Mgr da Silva voulut s’y opposer encore :

« Vous devez y renoncer. Restez tranquille là où vous êtes, car vous y êtes bien. »

« En entendant cela, écrit Lucie, les larmes coulèrent sur mes joues et je répondis :

– Maintenant, je ne peux plus reculer.

– Comment ? Vous ne pouvez plus ? Notre-Dame ne vous a-t-elle pas dit de suivre le chemin que je vous indiquerai ? »

Si, mais maintenant que j’ai reçu l’approbation du Saint-Père pour mon transfert, je crois que je dois aller dans un carmel. »

Sœur Lucie sortit extrêmement affligée de cet entretien.

« Monseigneur me fit penser aux parents qui repoussent leurs filles quand elles se conduisent mal ou s’obstinent à vouloir faire des faux pas. Il me fit pleurer des jours et des nuits mais il me fit aussi du bien, car il me détacha beaucoup des créatures. C’est dans le Tabernacle que je trouve toujours du réconfort.

« Ô mon bon Jésus, tu m’avais encore réservé, au fond du calice, cette goutte de plus, si amère. Je veux pour toi en savourer toute l’amertume ! Et j’ai confiance, tandis que je répète avec le psalmiste : “ Les justes ont crié et le Seigneur les a entendus. Il les a délivrés de toutes leurs afflictions. Proche est le Seigneur de tous ceux qui ont le cœur affligé, et les humbles d’esprit, il les sauvera. ” (Ps 33, 18-19). » (Mon Chemin, t. 1, p. 242)

C’est bien un chemin d’immolation qui s’ouvre devant elle, et qui durera toute sa vie. Cela, le livre ne nous le dira plus.

LA PERFIDIE DE DHANIS... IGNORÉE

Venons-en à sa mission de témoin du grand Secret du 13 juillet 1917. La question de la crédibilité de sœur Lucie, messagère de Notre-Dame, n’est pas traitée dans cette biographie : on n’y trouve aucune allusion aux controverses sur ce sujet.

Loin de nous en réjouir, nous disons que c’est extrêmement regrettable.

Personne dans l’Église, du moins dans ses hautes sphères, n’ignore les théories modernistes du Père Dhanis et de ses émules, ravalant les récits de sœur Lucie au rang d’imaginations et d’inventions. Répandues dans les milieux intellectuels de l’après-guerre, elles ont eu une influence prépondérante à Rome, même sur le pape Pie XII. Et ses successeurs, Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI, y ont trouvé une couverture pour justifier leur scandaleux mépris des révélations de la Vierge au Cœur Immaculé.

Ce silence laisse donc ouverte la possibilité d’une telle controverse.

Il serait pourtant très simple de la trancher par une étude critique du témoignage de la voyante, ou par le renvoi aux démonstrations décisives du Père Joaquin Alonso.

UNE NOUVELLE PIERRE TOMBALE

Le titre de la biographie, Un chemin sous l’œil de Marie, révèle déjà une orientation tendancieuse. En effet, sœur Lucie y apparaît comme une religieuse vivant sous l’œil de Marie : se plaçant sous sa protection, possédant beaucoup de vertu et des dons extraordinaires, opérant même des conversions miraculeuses, mais on ne la voit guère agir en messagère de l’Immaculée, on ne comprend pas sa préoccupation constante de transmettre à la hiérarchie le message de Notre-Dame.

DÉVOTION RÉPARATRICE... NÉGLIGÉE !

Après le récit des apparitions de Pontevedra (1925-1926), on nous montre les résolutions personnelles de la voyante pour faire « réparation au Cœur Immaculé de Marie », mais on ne nous dira rien, absolument rien, de ses démarches répétées auprès de Mgr da Silva pour obtenir l’approbation de la dévotion réparatrice des cinq premiers samedis du mois.

Ce fut pourtant sa croix, et quelle croix ! Les atermoiements de l’évêque la firent souffrir pendant... quinze ans !

« En ce moment, expliquait Mgr da Silva au Père Aparicio, les évêques s’occupent de promouvoir dans tout le Portugal la communion réparatrice des treize de chaque mois », et donc « que plus tard seulement on traiterait de la dévotion des premiers samedis. »

Mgr da Silva et sœur Lucie
Mgr da Silva et sœur Lucie

« La réponse de son Excellence, confiait sœur Lucie, m’a été un coup bien pénible. »

Et de s’exclamer : « Patience ! » C’est la parole qui revient le plus fréquemment dans sa correspondance avec ses directeurs spirituels. Or, on ne la trouve pas une seule fois dans cette biographie ! Son cruel tourment y est entièrement gommé.

En 1939, quand Mgr da Silva approuva enfin la dévotion réparatrice, il n’exposa pas les demandes de Notre-Dame avec exactitude. Sœur Lucie le regretta. Quelle peine !

De plus, Dieu voulait, et veut encore aujourd’hui, que le Pape lui-même approuve cette dévotion, ce qui n’est jamais affirmé. À la page 201 de l’ouvrage, on prétend même le contraire !

Ensuite, tous ses efforts pour l’obtenir, au cours de sa longue vie, sont passés sous silence.

Ainsi, sa lettre à Pie XII du 2 décembre 1940 est amputée du passage suivant : « Je profite, Très Saint-Père, de ce moment pour demander à votre Sainteté de daigner répandre et bénir cette dévotion pour le monde entier. »

SIGNES ET PROPHÉTIES... MÉCONNUS !

De surcroît, on ne voit pas du tout le lien de cette dévotion avec les prophéties du Secret : il n’est jamais rapporté que la paix du monde lui est liée, malgré l’insistance de sœur Lucie à ce sujet.

Les carmélites ne font pas même une allusion au phénomène atmosphérique extraordinaire du 25 janvier 1938 où sœur Lucie reconnut immédiatement la « lumière inconnue » annoncée par Notre-Dame vingt ans plus tôt, le 13 juillet 1917.

Elle écrivait à Mgr da Silva : « De la pratique de cette dévotion, unie à la consécration au Cœur Immaculé de Marie, dépend la guerre ou la paix du monde. »

Et au Père Aparicio le 20 juin 1939 : « Notre-Dame a promis de remettre à plus tard le fléau de la guerre si cette dévotion était propagée et pratiquée. Nous la voyons repousser ce châtiment dans la mesure où l’on fait des efforts pour la propager. Mais je crains que nous ne puissions faire davantage que ce que nous faisons, et que Dieu, mécontent, lève le bras de sa miséricorde et laisse le monde être ravagé par ce châtiment, qui sera comme il n’y en a jamais eu, horrible, horrible. » (op. cit., p. 244)

Ces avertissements prophétiques sont passés sous silence.

Les lumières divines dont sœur Lucie était privilégiée, qui la faisait voir les événements futurs et les annoncer comme un prophète sont négligées, oubliées, méconnues.

LES ARTICLES DU PÈRE JONGEN... OUBLIÉS !

En 1946, le montfortain hollandais Hubert Jongen eut quatre entretiens avec la voyante, grâce auxquels il put démasquer aussitôt les mensonges du Père Dhanis.

La biographie officielle n’évoque jamais ces entretiens, qui sont pourtant d’un intérêt décisif, et qui nous font revivre sœur Lucie dans toute la plénitude de sa mission divine et la vivacité de son esprit.

Le Père l’interroge sur toutes les questions controversées de l’époque, invoquant des arguments prétendument théologiques contre les prières de l’ange, ou des précisions historiques sur le déclenchement de la deuxième guerre mondiale, ou les circonstances entourant la rédaction de ses mémoires. Elle y répond avec une assurance digne de sainte Jeanne d’Arc. (...)

CONSÉCRATION DE LA RUSSIE... OCCULTÉE !

Sœur Lucie en 1947
Sœur Lucie en 1947

La question si importante de la consécration de la Russie est traitée dans un chapitre de... neuf pages ! Ensuite, il n’en sera plus question.

On y passe presque sans transition de la théophanie de Tuy (1929) au pontificat de Jean-Paul II. On ne saura donc rien des innombrables démarches de sœur Lucie, pendant soixante-dix ans, pour communiquer cette requête aux Papes.

Si elle désirait rencontrer Pie XII en 1946-1947, c’était, nous dit-on, pour lui demander son transfert au Carmel. Un point, c’est tout !

Elle voulait aussi lui rappeler les requêtes de Notre-Dame. Elle était convaincue que si elle lui en parlait de vive voix, elle arriverait à le persuader de faire la consécration de la Russie, et de la seule Russie, au Cœur Immaculé de Marie, en union avec tous les évêques du monde.

Pourquoi ne l’avoir pas dit ?

Que le Pape accomplisse la consécration de la Russie fut son souci lancinant pendant toute sa vie. Que de sacrifices n’a-t-elle pas offerts à cette intention !

Cela aussi... oublié !

La conclusion du chapitre est doublement erronée. On nous parle d’une consécration du monde, et non de la Russie :

« La consécration du monde, conformément à ce que Notre-Dame a demandé [erreur ! Elle n’a demandé que la consécration de la Russie]... a été faite par le pape Jean-Paul II le 25 mars 1984. » (p. 204-205)

Non, Jean-Paul II n’a pas satisfait à la requête de Notre-Dame, mais il fit semblant d’y répondre par des actes d’offrande du monde, qui n’étaient que des contrefaçons de l’acte demandé.

SON TÉMOIGNAGE... TRAVESTI !

Sœur Lucie à FatimaAprès l’acte du 25 mars 1984, sœur Lucie a affirmé clairement : « La consécration de la Russie n’a encore jamais été faite comme le veut Notre-Dame. »

Les carmélites de Coïmbre connaissaient sa pensée. Dans les années 1985, nos amis pèlerins purent s’en assurer plusieurs fois personnellement.

Pourtant, dans la biographie officielle, elles reproduisent une lettre à Marie de Bélem, datée du 29 août 1989 dont nous avons dénoncé le caractère apocryphe. La messagère de Notre-Dame n’a pas pu la rédiger elle-même parce qu’elle contient de grossières erreurs sur le message de Fatima.

J’ai soupçonné Mgr Luciano Guerra – l’un des trois réviseurs de la biographie – d’avoir lui-même rédigé cinq lettres apocryphes, dont la dernière, datée du 21 novembre 1989, reprend l’argumentaire sans valeur développé par lui dans l’article Fatima e o romano pontifice (Apelo et resposta, éd. Convento dos Capuchinhos, 1983, p. 46).

En 1992, lors d’un congrès international à Fatima, je l’ai publiquement accusé d’être l’auteur de cette lettre. Il m’a répondu : « Vous n’avez pas de cœur ! Vous n’avez pas de cœur ! » Ce qui ne répondait pas à la question posée.

Le témoignage de sœur Lucie est aussi travesti dans son livre Comment je vois le message, qui fut l’un de ses derniers écrits, rédigé sur demande de ses supérieurs ecclésiastiques. Ce livret, resté inachevé, ne fut publié qu’après sa mort. Comme si sœur Lucie avait senti que son écrit manquait « d’onction divine » – on sait que l’interprétation du message ne faisait pas partie de sa mission, mais seulement sa transmission.

J’ai pu en consulter le manuscrit au carmel de Coïmbre et vérifier qu’il était bien de sa plume.

Toutefois, je me suis étonné auprès de Mgr Albino Cleto, évêque de Coïmbre, de son contenu. Il y est écrit que Gorbatchev s’est agenouillé aux pieds de Jean-Paul II pour lui demander pardon de ses péchés !

L’évêque me répondit : « Sœur Lucie a été trompée par quelqu’un » sans préciser de qui il s’agissait. Mais c’est certainement le pape Jean-Paul II lui-même qui a témoigné auprès de sœur Lucie d’un repentir de Gorbatchev. Il lui en a parlé lors de sa rencontre seul à seule avec elle le 13 mai 1991 (cf. Sœur Lucie, confidente du Cœur Immaculé de Marie, p. 444).

Jean-Paul II à Fatima en 1991 avec sœur Lucie, Mgr Guerra et Mgr do Amaral
Jean-Paul II à Fatima en 1991
avec sœur Lucie, Mgr Guerra et Mgr do Amaral

Presque à la fin de la biographie, on nous dira que, le 13 mai 2000, sœur Lucie a pu chanter son Nunc dimittis. Le troisième Secret était divulgué, « la consécration du monde faite comme Notre-Dame l’avait demandé », donc sa mission était « accomplie », achevée (p. 427).

Mais si “ Tout a été fait et bien fait ! ”, c’est donc qu’il n’y a plus rien à espérer des révélations de Notre-Dame ! Les fruits attendus ne sont pas au rendez-vous, ni conversion de la Russie au catholicisme, ni paix du monde, n’importe : Fatima, c’est fini !

Cette biographie est une pierre tombale pour enterrer définitivement les deux grandes requêtes qui s’adressent au Saint-Père : l’approbation de la dévotion réparatrice et la consécration de la Russie.

CE QUE L’ON NOUS CACHE

Quand on ment sur l’attitude de la hiérarchie à l’égard des demandes de Notre-Dame de Fatima, on en vient à occulter le témoignage de sa messagère et sa patience héroïque dans ses tribulations, pendant plus de cinquante ans !

“ MON CHEMIN ”... CENSURÉ !

LSœur Lucie et Notre-Dame de Fatima en 1950es citations de son récit Mon Chemin deviennent rarissimes quand les carmélites relatent sa vie dans leur monastère. Les trois derniers cahiers (le troisième compte plus de 385 pages !) ne sont presque jamais cités.

Que nous cache-t-on ?

Ses avertissements pathétiques !

Pas un mot de son entretien avec le Père Lombardi d’octobre 1953 : « Mon Père, nombreux sont ceux qui se damnent. »

Pas un mot de ses déclarations au Père Fuentes, du 26 décembre 1957, qui constituent en quelque sorte son testament parce qu’elle s’attendait alors à partir prochainement pour le Ciel.

« N’attendons pas, lui disait-elle, que vienne de Rome un appel à la pénitence de la part du Saint-Père pour le monde entier ; n’attendons pas non plus qu’il vienne de nos évêques dans leur diocèse, ni non plus des congrégations religieuses. Non. Notre-Seigneur a déjà utilisé bien souvent ces moyens et le monde n’en a pas fait cas. C’est pourquoi, maintenant, il faut que chacun de nous commence lui-même sa propre réforme spirituelle. Chacun doit non seulement sauver son âme mais aussi toutes les âmes que Dieu a placées sur son chemin.

« Le démon est en train de livrer une bataille décisive avec la Vierge, et une bataille décisive est une bataille finale où l’on saura de quel côté est la victoire, de quel côté la défaite. Aussi, dès à présent, ou nous sommes à Dieu ou nous sommes au démon, il n’y a pas de moyen terme.

« La très Sainte Vierge a dit que Dieu donnait les deux derniers remèdes au monde : le saint Rosaire et la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. »

Pas un mot de ses parloirs avec le Père Umberto Pasquale qui entendit de ses lèvres ce constat peiné : « Ce que je peux vous dire, c’est que le monde n’a pas encore reçu le message de Fatima. » Ni le monde, ni l’Église.

SA RÉCLUSION... OUBLIÉE !

On nous cache les mesures prises par le Vatican, à partir de 1955, pour restreindre ses parloirs et la réduire au silence.

« Le pape Pie XII, rapporte John Haffert, décida que seules les personnes qui l’avaient déjà rencontrée pourraient la voir de nouveau, sans autorisation expresse du Saint-Siège. » Rome enjoignait en même temps à la voyante de ne plus répondre à toute question portant sur les apparitions et le message de Fatima sans permission expresse du Vatican.

Enfin, il interdisait la publication du moindre de ses écrits inédits.

Ces interdits romains, la biographie officielle les passe complètement sous silence.

On ne saura pas que sa voix a été étouffée.

Paul VI et sœur Lucie à Fatima le 13 mai 1967.
Paul VI et sœur Lucie à Fatima, le 13 mai 1967

Pie XII demeura sourd à sa supplique du 6 juin 1958 : « Dieu veut qu’on fasse entendre dans le monde, comme un écho de la Sienne, ma propre voix, exposant ce que fut et ce qu’est le Message de Fatima concernant Dieu et les âmes, dans le temps et dans l’éternité, afin d’éclairer les esprits sur le chemin de la vie chrétienne qu’ils doivent suivre et sur les erreurs dont ils doivent s’éloigner, afin qu’ils ne se laissent pas tromper par de fausses doctrines. »

Deux ans plus tard, en 1960, sœur Lucie est séquestrée derrière les grilles de son carmel sur l’ordre exprès du pape Jean XXIII.

« La croix se fait plus pesante, écrit-elle à une amie. Le sacrifice que Dieu nous demande maintenant est aussi plus sanglant. » (15 mai 1960)

Les carmélites rapportent que sœur Lucie voulait s’entretenir seule à seul avec le pape Paul VI le 13 mai 1967.

Mais pour quelle raison, cela n’est pas dit.

Elle voulait supplier le Pape de lui rendre sa liberté de parole, c’est le Père Kondor lui-même qui l’a révélé, et cela afin de remplir sa mission, c’est-à-dire de faire connaître et aimer le Cœur Immaculé de Marie.

Éconduite par Paul VI, la messagère de Notre-Dame écrivit au Père Pasquale : « Moi qui suis feu et flamme pour tout, je dois continuellement jeter de l’eau sur le foyer pour l’étouffer sous la cendre. »

ET LA « DÉSORIENTATION DIABOLIQUE » ?

On nous cache ses mises en garde contre la « désorientation diabolique » dans les années 1960 et 1970. L’expression ne se trouve pas une seule fois dans l’ouvrage.

Pourtant, sœur Lucie l’employait souvent dans ses conversations comme dans sa correspondance.

« Sœur Lucie est convaincue, me disait son neveu salésien, que Satan s’insinue jusque dans l’Église, que des évêques font le jeu de l’Ennemi parce qu’ils sont gagnés par la désorientation diabolique. »

On retrouve ce constat dans ses lettres, au début des années 1970. Pour elle, le mal n’est pas seulement dans le monde, « plongé dans les ténèbres de l’erreur, de l’immoralité et de l’orgueil », il est dans l’Église où le démon a ses « séides ». La foi elle-même est attaquée : sœur Lucie parle de « fausses doctrines », d’ « aveuglement » chez ceux-là mêmes « qui ont de grandes responsabilités ». Elle déplore que, parmi les Pasteurs, plusieurs « se laissent dominer par la vague diabolique qui envahit le monde » et soient autant d’ « aveugles qui conduisent d’autres aveugles ».

Si Notre-Dame a demandé, en 1917, la récitation quotidienne du chapelet, c’était prophétiquement « pour nous prémunir contre ces temps de désorientation diabolique ».

Cette expression, au jugement de notre Père, caractérise parfaitement l’état de l’Église depuis la Réforme conciliaire, qui conserve une discipline, une hiérarchie, mais qui est liée par une force diabolique. » (CRC n° 338, septembre 1997, p. 6) (...)

La prophétie de Notre-Seigneur, à Rianjo, annonçant que ses ministres tomberaient « dans le malheur » pour n’avoir pas satisfait à la demande de Notre-Dame, est édulcorée dans la biographie officielle, ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’elle met en cause les plus hautes autorités de l’Église et qu’elle continue de se vérifier à chaque nouveau pontificat. (...)

LE CARDINAL BERTONE PRIS EN DÉFAUT

Sans le vouloir peut-être, la biographie officielle met en évidence un autre mensonge, celui du cardinal Tarcisio Bertone, concernant la date de 1960, que sœur Lucie spécifié être la date limite où devait être dévoilé le troisième secret.

Dans le dossier officiel accompagnant la divulgation du troisième Secret, le cardinal secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi publia un compte rendu de son entretien avec sœur Lucie du 27 avril précédent où il lui attribuait la réponse suivante :

« Ça n’a pas été Notre-Dame, mais c’est moi qui ai choisi la date de 1960, car, selon mon intuition, avant 1960, on n’aurait pas compris, on comprendrait seulement après. »

Sous le titre Difficulté pour écrire le Secret, les carmélites reproduisent un long passage de Mon Chemin où tout est raconté : le déchaînement du diable l’empêchant d’écrire, l’apparition du 3 janvier 1944 lui donnant lumière et force nécessaire :

Sœur Lucie à Fatima en 1944
À Fatima en 1944

« Perplexe, à moitié absorbée, sous le poids d’une nuée obscure qui semblait planer au-dessus de moi, le visage dans les mains, j’attendais, sans savoir comment, une réponse. Je sentis alors une main amie, tendre et maternelle, me toucher l’épaule ; je levai les yeux et je vis ma chère Mère du Ciel.

« “ Ne crains pas, Dieu a voulu éprouver ton obéissance, ta foi et ton humilité ; sois en paix et écris ce qu’ils te demandent, mais pas ce qu’il t’a été donné de comprendre de sa signification. Après l’avoir écrit, mets-le dans une enveloppe, ferme-la et cachette-la, et écris à l’extérieur qu’elle ne pourra être ouverte qu’en 1960, par le cardinal patriarche de Lisbonne ou par Mgr l’évêque de Leiria. ” » (Mon chemin, t. 1, p. 158)

Quand on interrogeait sœur Lucie sur ce sujet, après 1960, elle répondait : « Je n’ai pas la permission d’expliquer comment j’ai eu connaissance de cette date » (Lettre du 24 juin 1987)

Cela confirme ce que notre Père, l’abbé de Nantes, a toujours affirmé : avoir refusé de divulguer le Secret en 1960 fut une désobéissance du Pape à la Vierge Marie elle-même.

DÉVOTIONS COMMUNAUTAIRES... REFUSÉES !

On nous cache la peine de la Vierge Marie et la volonté de sœur Lucie de la consoler par des pratiques de dévotion “ communautaires ”.

Les carmélites conservent dans leurs archives une longue lettre de sœur Lucie où elle supplie Jean-Paul II de reconnaître le rosaire comme une prière liturgique, pourquoi ne l’avoir pas citée ?

Parce qu’elles se sont elles-mêmes opposées à ce désir, refusant d’ajouter le chapelet à leurs dévotions communautaires sous prétexte que cela « ne s’accorde pas avec l’esprit du Carmel. »

Sœur Lucie voulait aussi que la dévotion réparatrice des cinq premiers samedis du mois soit officiellement pratiquée dans son carmel. Des sœurs s’y opposèrent.

Avant de mourir, elle leur renouvela sa requête.

Oublié !

C’est d’autant plus regrettable que, un an après sa mort, les carmélites ont commencé de la pratiquer officiellement.

LES PLEURS DE NOTRE-DAME... EFFACÉS !

Sœur Lucie contemplant les pleurs de Notre-Dame le 26 mai 2003
Les pleurs de Notre-Dame, le 26 mai 2003

On remarque une autre omission, stupéfiante : les pleurs de Notre-Dame le 26 mai 2003. Mère Marie- Céline, prieure du carmel de Coïmbre, en fut pourtant le témoin privilégié :

« J’étais avec sœur Lucie dans le chœur pour la prendre en photo, auprès d’une statue du Cœur Immaculé de Marie que l’on nous avait offerte peu avant. La photo prise, sœur Lucie continua à regarder la statue. Je ne la dérangeai pas... Se tournant vers moi, elle me dit avec angoisse : “ Notre-Dame pleure. ” » (Sœur Lucie, confidente du Cœur Immaculé de Marie, p. 454-455)

En 2003, la Vierge Marie n’avait plus seulement le visage marqué par une ombre de tristesse, comme en 1917, mais elle versait des larmes, réclamant, silencieusement, consolation et réparation.

Les graves avertissements de sœur Lucie au Père Fuentes étaient plus que jamais d’actualité : « Père, la très Sainte Vierge est bien triste car personne ne fait cas de son message, ni les bons, ni les mauvais. »

LE MYSTÈRE DE LA CROIX

Sœur Lucie s’est exprimée elle-même en termes impressionnants sur le fait des persécutions et de l’ostracisme dont elle fut victime. Fut-elle à ce point incomprise, méprisée et contredite jusque dans son couvent ?

« Tel est le chemin des âmes que Dieu choisit pour qu’elles le suivent sur la voie de la Croix (...) Notre-Seigneur l’avait prévu lorsqu’il a dit : “ Viendront des temps où ceux qui vous persécuteront, penseront rendre gloire à Dieu. ” Ils sont si nombreux les genres de persécution dont Dieu se sert pour purifier les âmes et en faire des victimes pour lui et l’humanité pécheresse, que lui seul connaît la diversité des chemins qui conduisent au Ciel. »

« Jésus-Christ nous dit que nous serons bienheureux si l’on nous persécute à cause de Lui, parce que déjà les prophètes ont été persécutés. Mais pourquoi persécute-t-on ou opprime-t-on ceux que Dieu a choisis pour quelque mission spéciale et avec lesquels il entretient une relation plus directe ? C’est le mystère de la Croix qui se continue et qui nous met sur le chemin du Ciel. » (Appels du message de Fatima, p. 213)

Réduite au silence et séquestrée, la messagère de Notre-Dame préparait encore, par sa vie immolée, le triomphe de son Cœur Immaculé puisqu’elle était, selon sa propre expression, une « pierre mal taillée cachée dans les fondations de ce triomphe » (Mon chemin, t. 1, p. 146).

LA PROBITÉ DES CENSEURS

MGR GUERRA SE TRAHIT

Mgr Luciano Guerra, premier “ réviseur ” de la biographie “ officielle ”, a été pendant plus de trente ans le recteur du sanctuaire de Fatima. Néanmoins, il a toujours gardé ses distances vis-à-vis de sœur Lucie. À ma connaissance, il ne s’est jamais entretenu avec elle du message de Fatima. Le 27 juin 1991, il écrivait : « Sœur Lucie ne m’a jamais parlé des apparitions ou de leur contenu. » (CRC n° 284, août 1992, p. 4)

Comme nous le dénoncions comme le rédacteur des lettres “ apocryphes ”, il disait en confidence à l’abbé Laurentin : « Il n’est pas bon de mêler Lucie à ces controverses sur la consécration. Bien des choses pourront être dites plus clairement après sa mort. » (ibid.)

Quel aveu ! Ce jour-là, il s’est trahi.

Je commentai : « Mgr Guerra attend la mort de la voyante afin d’avoir la liberté d’occulter définitivement les demandes de Notre-Dame qui “ importunent ” le Saint-Père, et en premier lieu cette requête de consécration de la Russie et de la seule Russie. » (ibid.)

Les menées de Mgr Guerra pour travestir le témoignage de sœur Lucie, nous les avons déjouées, dévoilées et dénoncées, il y a plus de vingt ans.

De plus, en prenant connaissance de ses lettres élogieuses à l’égard du président Salazar, il avait déclaré : « Jamais nous ne les publierons. » De fait, on n’en trouve pas une seule dans la biographie officielle. Monseigneur, vous n’êtes pas un réviseur, mais un censeur !

FERREIRA, CRISTINO : GARANTS DU MENSONGE !

Je me suis entretenu à plusieurs reprises avec le deuxième réviseur, le Père Pedro Ferreira, ancien provincial des carmes. Il m’expliquait :

« Sœur Lucie était très préoccupée par la consécration du monde. Elle voulait que le Pape l’effectue. » Ce Père carme parlait bien de « la consécration du monde [sic] ». Preuve que lui-même n’avait guère prêté attention aux paroles de la voyante !

« Je ne sais pas, me disait-il encore, si le Pape doit approuver la dévotion réparatrice des premiers samedis. Ça ne m’intéresse pas. »

Et il fut confesseur de la messagère de Notre-Dame ! Pauvre Lucie !

Quant au troisième réviseur, le chanoine Luciano Cristino, directeur du Service d’études et de diffusion du sanctuaire de Fatima, c’est-à-dire archiviste officiel de Fatima, et cela depuis quarante ans, il est devenu la cheville ouvrière du procès de béatification de sœur Lucie. Je le rencontre presque tous les ans et il m’a déjà dit : « Vous êtes un historien sérieux. C’est certain. »

Il connaît ma dénonciation des lettres apocryphes, il sait que mes démonstrations, par la critique interne de ces documents, sont demeurées sans réplique de personne.

Comme le 26 février dernier, je lui reprochai de n’avoir pas corrigé les erreurs et les mensonges contenus dans cette biographie, il me répondit finalement : « Ce n’est pas un livre scientifique, ce n’est qu’une biographie pieuse.

– Pardon ! lui répliquai-je. Il ne faut pas confondre piété et mensonge. »

Sachant la solidité de mes accusations, il se trouva décontenancé et parut même défaillir.

J’ajoutai : « Vous pouvez et vous devez réparer le mal que vous avez fait. »

Assurément, il est bien placé pour informer le Pape des authentiques demandes de Notre-Dame de Fatima, non encore satisfaites.

RESSUSCITONS SŒUR LUCIE

Sœur LucieSi nous n’avons pas été désorientés par les mensonges officiels, c’est parce que nos enquêtes, recherches et travaux, nous les avons menés sous la direction de notre Père, l’abbé de Nantes, qui a parfaitement discerné la vocation extraordinaire de sœur Lucie et ses épreuves. Il écrivait :

« La voyante de Fatima, carmélite à Coïmbre, combattue dans sa mission, se trouve dans la même déréliction que Jeanne d’Arc dans sa prison. Méprisée, vilipendée, elle se heurte à la lâcheté, à la duplicité et à l’hypocrisie de la hiérarchie. Mais l’humiliation, par laquelle on parvient à l’humilité, est le propre des vocations véritablement prédestinées. Elle n’empêche pas l’œuvre de Dieu ; au contraire, elle est comme le porche obligé de la fécondité de la vie apostolique, ouvrant sur la gloire céleste. » (Sœur Lucie, confidente du Cœur Immaculé de Marie, p. 467-468)

Alors que la biographie officielle est une nouvelle pierre tombale sur Fatima, notre biographie ressuscite la messagère de Notre-Dame, avec l’espérance que ses pressantes requêtes seront bientôt connues de notre Saint-Père le pape François et honorées par lui comme les clauses d’une « nouvelle alliance », riches de merveilleuses promesses.

Assurément, c’est par ce moyen que, demain, l’Église et la Chrétienté renaîtront.

Extraits de Il est ressuscité  ! tome 14, n° 144, octobre 2014

SUPPLIQUE À Paul VI... ET AU PAPE FRANÇOIS

Quand sœur Lucie écrivait au Saint-Père, elle gardait une copie manuscrite de sa lettre. Les carmélites en ont donc retrouvé plusieurs dans ses archives.

Lorsque j’ai demandé à l’évêque de Coïmbre de les consulter, il m’a répondu en levant les bras au ciel : « Il faudrait obtenir la permission du Saint-Siège. »

Les carmélites ont publié, en tout et pour tout, une et une seule lettre inédite adressée au Pape et concernant le message de Fatima. Il s’agit de sa supplique remise à Paul VI, lors de sa venue à Fatima, le 13 mai 1967. Elle a gardé toute son actualité. Nous pourrions l’adresser au pape François :

« Très Saint-Père,

« Le message de Notre-Dame est un message de paix, de miséricorde et de supplication.

« En mai 1917, Notre-Dame a dit : “ Récitez le chapelet tous les jours afin d’obtenir la paix pour le monde et la fin de la guerre. ”

« C’est pour cela que je supplie Votre Sainteté de daigner intensifier la prière du chapelet et, dans la mesure du possible, d’instituer que tous les dimanches et jours saints, dans toutes les églises et chapelles publiques et semi-publiques où il n’y a pas de messe vespérale, on récite le chapelet devant le Très Saint-Sacrement exposé, en terminant par la bénédiction, en esprit de réparation, d’adoration et de supplication. En implorant votre Bénédiction apostolique.

« Marie-Lucie du Cœur Immaculé. »

Paul VI dédaigna cette supplique qui illustre bien la persévérance de sœur Lucie à remplir sa mission.