Le Portugal, “ vitrine ” de Notre-Dame
« Pour exprimer ce qui s’est passé ici depuis vingt-cinq ans », déclarait le cardinal Cerejeira, patriarche de Lisbonne, le 13 mai 1942 lors du jubilé des apparitions, « le vocabulaire portugais n’a guère qu’un seul mot : miracle. Oui, nous avons la ferme conviction que nous devons à la protection de la très Sainte Vierge la transformation merveilleuse du Portugal. »
En effet, la petite nation lusitanienne se trouvait dans un triste et pitoyable état lorsque l’Ange du Portugal, au cours de l’été 1916, invita les trois pastoureaux d’Aljustrel à se sacrifier pour elle. La République avait été proclamée en 1910 et le Portugal connaissait la période la plus noire de toute son histoire. (...)
LES PREMIÈRES DÉFAITES DES FRANCS-MAÇONS
Dès le lendemain du miracle du 13 octobre 1917, lors des élections municipales, on put constater les heureuses conséquences du mouvement de foi et de piété populaires qu’il avait provoqué. Les foules, qui s’étaient précipitées à Fatima pour assister au miracle, boudèrent les urnes, et les journaux de Lisbonne constatèrent « une régression des “ forces démocratiques ” dans le pays ».
Furieux de leur échec, survenu par « la faute de la Vierge », les républicains tentèrent une riposte violente. Le préfet du district de Santarem, franc-maçon notoire, organisa dans la nuit du 22 au 23 octobre 1917 le saccage du lieu des apparitions. Le lendemain, à Santarem, une centaine de braillards défilèrent avec les cierges, les lanternes, la croix du portique, en hurlant des litanies blasphématoires. Mais l’indignation des masses se retourna contre les auteurs de la profanation. Même la presse libérale fut unanime à blâmer pareil geste.
Quelques semaines plus tard, le coup d’État du commandant Sidonio Pais annonça l’aurore de la renaissance catholique et du relèvement national. Son action « contre la démagogie des démocrates » trouva tout de suite le meilleur accueil dans l’opinion, et le soulèvement national triompha le 8 décembre, en la fête de l’Immaculée-Conception, fête patronale du Portugal.
Brisant net avec le jacobinisme républicain, le commandant Sidonio Pais renoua avec les meilleures traditions nationales et prit les mesures nécessaires pour réparer les injustices commises contre l’Église depuis la révolution de 1910. Après sept ans de persécution violente, l’Église allait retrouver la jouissance des libertés auxquelles elle a droit et dont elle a besoin pour accomplir son œuvre de salut des âmes.
Mais Sidonio Pais fut assassiné un an après, le 14 décembre 1918, et le pays retomba dans l’anarchie politique. Cependant, l’essentiel de son œuvre subsista : les républicains, revenus au pouvoir, n’osèrent plus remettre en vigueur les lois anticléricales. (...)
LE PREMIER SANCTUAIRE
Pendant ce temps, les pèlerinages à Fatima s’organisaient spontanément. Nous avons le témoignage de Maria Carreira, la fidèle de la première heure :
« Depuis le jour où le soleil avait dansé dans le ciel, raconte-t-elle, ce fut une procession continuelle, spécialement les dimanches après-midi, et les treize de chaque mois. Il y avait des gens du pays, et des gens qui venaient de loin. (...) On faisait beaucoup pénitence, et avec beaucoup de joie. Les gens revenaient chez eux tout contents et satisfaits. Ils venaient demander des miracles à Notre-Dame, et Notre-Dame les exauçait tous. (...) »
Le curé de Fatima, l’abbé Ferreira, ne montrait guère d’empressement à accomplir la modeste demande de Notre-Dame : « Que l’on fasse ici une chapelle en mon honneur. » Les pèlerins s’en affligeaient. Si bien qu’un jour, Maria Carreira s’enhardit à aller demander à son curé la permission d'en faire une. (...) Le prêtre ne donna pas la permission, mais il ne s’opposa pas non plus au projet. Il n’en fallait pas davantage pour que l’entreprenante Maria Carreira passe à l’exécution, non sans avoir obtenu l’autorisation nécessaire du père de Lucie, propriétaire du terrain. « Faites-la de la grandeur que vous voudrez ! » lui répondit-il.
Elle eut encore bien des difficultés à surmonter, mais finalement, en mai 1919, on parvint à élever une petite chapelle, la Capelinha. (...)
Ce pèlerinage, avec ses milliers de fidèles accourus de toutes parts malgré les obstacles dressés par le gouvernement, était une nouvelle victoire de la foi populaire sur la tyrannie stupide des autorités civiles. (...) Toutefois, en attendant la restauration d’un pouvoir politique qui renouerait avec les antiques traditions portugaises, l’Église demeurait menacée.
Or, ni le pape Benoît XV, ni le cardinal Antonio Mendes Belo, patriarche de Lisbonne, qui avaient imposé aux catholiques portugais le ralliement à la République en décembre 1919, ne voulaient œuvrer pour cette restauration. Non seulement le Patriarche était sceptique et méprisant à l’égard des apparitions, mais il craignait surtout que le développement du pèlerinage tienne en échec cette politique d’entente diplomatique. Cependant, grâce à l’évêque de Leiria, l’attitude de la hiérarchie portugaise à l’égard de Fatima allait peu à peu changer.
LA HIÉRARCHIE RÉPOND À LA GRÂCE DE FATIMA
Intronisé sur le siège épiscopal de Leiria le 5 août 1920, Mgr da Silva s’informa sur les événements de 1917 et fut bientôt convaincu de l’authenticité des apparitions. Il décida donc de prendre sous sa surveillance le culte spontané qui se poursuivait à la Cova da Iria, jusqu’alors sans contrôle du clergé. Le 14 septembre 1921, pour la première fois, il se rendit lui-même à la Capelinha et y récita le chapelet. Le 13 octobre, pour le quatrième anniversaire de la dernière apparition, la chapelle fut enfin bénite avec sa permission et il autorisa la célébration d’une messe basse avec sermon les jours de grande affluence. (...)
Le premier numéro de la Voz da Fatima parut précisément ce 13 octobre. (...) Le nouveau périodique allait faire connaître Fatima dans tout le Portugal et les innombrables miracles, guérisons et conversions, qu’y opérait Notre-Dame du Rosaire. Son tirage, de 50 000 exemplaires déjà en 1925, augmentera régulièrement et atteindra 380 000 exemplaires à la fin des années trente.
En 1923 et 1924, les autorités administratives prétendirent encore interdire l’accès à la Cova da Iria. Mais ce fut en vain. L’Administrateur « ayant laissé les soldats à côté de la ferme dite de “ Carreira ”, ceux-ci formèrent les faisceaux, puis ils se joignirent aux pèlerins, achetant médailles et chapelets et les faisant toucher à l’image vénérée tout comme les autres “ délinquants ” ».
En quelques années, la Vierge de Fatima avait réduit à l’impuissance la rage anticléricale des autorités maçonniques.
À Fatima, le 13 mai 1924, on constata une affluence de pèlerins jamais vue : deux cent mille fidèles, trois fois plus que pour le miracle solaire, se pressaient aux pieds de Notre-Dame. Et Mgr da Silva, bien qu’il n’y officiât pas encore lui-même, était présent parmi ses ouailles. La Reine du Ciel voulut-elle manifester sa satisfaction ? En tout cas, comme déjà le 13 septembre 1917 et le 13 mai 1918, la foule put assister au spectacle féerique d’une pluie de flocons, ou de pétales, qui tombaient gracieusement du ciel et se dissipaient dès leur arrivée au sol. Mgr da Silva attesta lui-même le fait.
Si Notre-Dame a voulu accompagner ses apparitions d’innombrables prodiges, c’est pour attirer à la Cova da Iria la foule des fidèles, mais aussi pour convaincre les autorités de l’Église d’honorer son Cœur Immaculé et de répandre son culte dans toute l’Église. Car, et c’est là un point essentiel du message, si la Vierge Marie est la Médiatrice toute-puissante capable de répandre sur le monde des torrents de grâces qui le convertiraient, Dieu ne veut les accorder qu’en réponse à la dévotion filiale, publique et solennelle, des Pasteurs du troupeau envers son Cœur Immaculé. (...)
Le 13 octobre 1930, treize ans après les événements, l’évêque de Leiria, dans sa lettre pastorale A divina Providentia, prononçait son jugement solennel. Après avoir présenté les preuves fournies par l’enquête canonique, Mgr da Silva concluait ainsi :
« En vertu des considérations que nous venons d’exposer et d’autres que nous omettons pour être bref, en invoquant humblement le divin Esprit-Saint et nous confiant en la protection de Marie très Sainte, après avoir entendu les Révérends consulteurs de notre diocèse, nous jugeons bon :
« Premièrement de déclarer dignes de foi les visions des enfants, qui ont eu lieu du 13 mai au 13 octobre 1917 à la Cova da Iria, paroisse de Fatima, en notre diocèse.
« Deuxièmement de permettre officiellement le culte de Notre-Dame de Fatima. »
Paroles décisives qui remplirent d’allégresse les cent mille fidèles présents à la Cova da Iria ce 13 octobre 1930.
LA RESTAURATION DE L’ÉTAT PAR LE PRÉSIDENT SALAZAR
L’allégresse du peuple était d’autant plus grande que le Portugal venait de sortir d’une période de troubles politiques extrêmement graves. Après l’assassinat de Sidonio Pais le 14 décembre 1918, et l’échec, en février 1920, de la restauration de la monarchie, le pays était retombé dans l’anarchie républicaine : grèves, violences de groupes anarchistes et de la Légion rouge, succession accélérée de gouvernements fantoches. La durée moyenne d’un ministère était de quatre mois.
Enfin, le 28 mai 1926, l’armée entreprit le coup d’État sauveur. Ce fut de Braga, la “ Rome lusitanienne ”, la capitale du bastion catholique du Nord, que partit le soulèvement militaire.
Au même moment, deux cent mille fidèles participaient à un congrès marial au cours duquel le nonce avait attribué aux apparitions de Fatima la renaissance catholique qui s’opérait dans le pays. D’une fenêtre de son poste de commandement, le général Gomes da Costa assistait à la procession des congressistes qui se rendaient au Sameiro, le sanctuaire national dédié à l’Immaculée Conception.
Ce général prestigieux, qui avait pris la tête du soulèvement, le dirigeait en partant de Braga tandis que le général Carmona marchait sur la capitale à partir d’Évora. Prenant Lisbonne en tenailles, le mouvement correspondait si bien à l’attente de la nation, tant dans ses masses que dans ses élites, « qu’en trois jours il gagna le pays tout entier, et triompha sans qu’ait été tiré un seul coup de fusil ni versée une seule goutte de sang, cas unique dans l’histoire des révolutions militaires au Portugal. Les fidèles l’attribuèrent à une protection spéciale de la Vierge du Sameiro. »
Au mois d’avril 1928, pour redresser la situation financière catastrophique léguée par l’ancien pouvoir, le général Carmona appela le seul homme qui semblait capable d’affronter une telle difficulté : Oliveira Salazar. Celui-ci entra au gouvernement comme ministre des Finances ; il en deviendra le chef, comme président du Conseil, en 1932.
« De tous les États européens, écrivait Bainville, le Portugal est certainement celui qui avait donné, pendant trente ans, les signes de l’anarchie la plus tenace. » Eh bien ! il allait devenir, à partir de 1928, le pays le plus stable de l’Europe : le général Carmona demeura président de la République jusqu’à sa mort, en 1951, et Salazar dirigea le gouvernement jusqu’en 1968 !
Le pèlerinage officiel que firent à Fatima, le 12 mai 1929, le général Carmona, Salazar, ainsi que plusieurs membres du gouvernement, symbolisa la merveilleuse transformation du Portugal passé, en quelques années, du pire des régimes maçonniques à un gouvernement national résolument favorable à l’Église. Si Salazar fut l’instrument providentiel de cet heureux changement, la cause première en fut sans conteste la magnifique renaissance religieuse dont Fatima était la source divine. La consécration nationale au Cœur Immaculé de Marie allait en libérer toutes les grâces.
LA CONSÉCRATION NATIONALE AU CŒUR IMMACULÉ DE MARIE
Le Père Alonso affirme que sœur Lucie en fut elle-même l’inspiratrice, mais nous ne savons ni quand ni comment la voyante connut cette volonté du Ciel. Son évêque, Mgr da Silva, toujours circonspect, la proposa à ses confrères sans leur indiquer de qui il tenait ce projet. La décision fut prise par les évêques portugais dans les derniers jours de janvier 1931. Le cardinal Cerejeira, patriarche de Lisbonne, rédigea un éloquent appel aux fidèles qui fut entendu : trois cent mille pèlerins venus de tout le Portugal se pressaient à Fatima le 13 mai 1931. En présence du nonce apostolique, de tous les évêques du pays ou de leurs représentants, le Patriarche prononça l’Acte de consécration en insistant sur son caractère officiel, engageant l’autorité de l’Église portugaise :
« Les Pasteurs choisis par votre Fils pour garder et paître en son Nom les brebis qu’il s’est acquises au prix de son Sang, dans cette Terre de Sainte Marie dont le nom ne peut se prononcer sans prononcer le vôtre, viennent aujourd’hui, comme représentants consacrés et officiels de leurs troupeaux et dans un acte de filial hommage de foi, d’amour et de confiance, consacrer solennellement la nation portugaise à votre Cœur Immaculé. Prenez-la de nos mains fragiles dans les vôtres, défendez-la et gardez-la comme votre bien propre ; faites qu’en elle règne, vainque et gouverne Jésus, hors duquel il n’y a point de salut. »
Après une allusion à la situation dramatique de l’Espagne où la persécution de l’Église faisait rage, le Patriarche continuait :
« Intercédez pour le Portugal, ô Notre-Dame, en cette heure très grave où soufflent de l’Orient des vents furieux, porteurs de cris de mort contre votre Fils et contre la civilisation fondée sur ses enseignements, égarant les intelligences, pervertissant les cœurs et allumant dans le monde des foyers de haine et de révolution. Secours des chrétiens, priez pour nous ! Intercédez pour le Portugal, ô Notre-Dame, en cette heure de passions et d’incertitudes où même les bons courent le risque de se perdre. Unissez tous les Portugais dans l’obéissance à votre Fils, dans l’amour de l’Église et aussi dans le culte de la vertu, dans le respect de l’ordre et dans la charité fraternelle. Reine de la paix, priez pour nous !
« Souvenez-vous enfin, ô Patronne de notre patrie, que le Portugal enseigna jadis à tant de peuples à vous proclamer bénie entre toutes les femmes. En souvenir de ce qu’il fit pour votre gloire, sauvez-le, Vierge de Fatima, en lui donnant Jésus dans lequel il trouvera la Vérité, la Vie et la Paix. »
En réponse à cet acte de dévotion publique envers son Cœur Immaculé, Notre-Dame de Fatima va accomplir, en faveur de la nation qui lui était ainsi consacrée, un triple miracle dont les évêques se diront émerveillés, lors du jubilé de 1942 : « Celui qui aurait fermé les yeux il y a vingt-cinq ans et les ouvrirait maintenant, ne reconnaîtrait plus le Portugal tellement est profonde et vaste la transformation opérée par le fait modeste et invisible de l’apparition de la Sainte Vierge à Fatima. Réellement, Notre-Dame veut sauver le Portugal. »
UNE ADMIRABLE RENAISSANCE CATHOLIQUE
Premier miracle : la rénovation religieuse du Portugal qu’atteste indubitablement l’accroissement des vocations sacerdotales et religieuses. En 1917 il y avait dix-huit séminaristes dans le diocèse de Portalegre, en 1929 il y en a cent vingt, et quatre ans plus tard ils sont deux cent un ! Dans le petit diocèse de Leiria, à l’arrivée de Mgr da Silva en 1920, le séminaire était fermé, en 1933 il compte déjà soixante-quinze séminaristes. Dans le bastion catholique du Nord, c’est une véritable explosion de vitalité. En 1933, on compte quatre cent soixante-dix-huit séminaristes pour le seul diocèse de Braga. Quant aux religieux, leur nombre a presque quadruplé en dix ans.
UN ÉTAT CORPORATIF
Deuxième miracle : la Vierge de Fatima suscita le seul remède efficace contre le communisme, celui d’une véritable contre-révolution catholique, mise en œuvre avec une ténacité invincible par Salazar, devenu président du Conseil en 1932. Voici ce qu’il déclarait aux quatre-vingt mille Portugais qui l’acclamaient à Braga en mai 1936 :
« Nous sommes contre tous les internationalismes, contre le communisme, contre le socialisme, contre le syndicalisme libertaire, contre tout ce qui diminue, divise, dissout la famille, contre la lutte des classes, contre les sans-Patrie et les sans-Dieu, contre l’esclavage du travail, contre la conception purement matérialiste de la vie, contre la force comme origine du droit. Nous sommes contre toutes les grandes hérésies de notre temps. Nous sommes antiparlementaires, antidémocrates, antilibéraux, et nous voulons constituer un État corporatif. »
« Pour moi, déclarait encore Salazar, je n’ai qu’un but. Ce que je me propose, c’est de faire vivre le Portugal habituellement ! Nous voulons à tout prix préserver de la vague qui déferle sur le monde, la simplicité de vie, la pureté de mœurs, la douceur de sentiments, l’équilibre des relations sociales, cet air familial, modeste mais digne, qui est le propre de la vie portugaise. » Mais l’héritage national, ce n’est pas seulement « ce vieil esprit patriarcal » qu’il faut s’efforcer de maintenir, c’est aussi un passé glorieux, c’est la Croisade, et c’est l’épopée coloniale et missionnaire.
Ainsi, Salazar fut l’homme providentiel accordé par Dieu au Portugal pour son salut temporel. Sœur Lucie l’a elle-même affirmé en 1945, quand une conjuration internationale se noua contre lui, avec la complicité de la démocratie chrétienne. La voyante écrivait à Mgr da Silva, le 7 novembre 1945 : « Le Bon Dieu veut que Nos Seigneurs les évêques, pendant le peu de jours qui nous restent avant les élections, parlent au peuple, par l’entremise du clergé et de la presse, pour dire que Salazar est la personne qu’Il a choisie pour continuer à gouverner notre patrie, que c’est à lui que seront accordées la lumière et la grâce pour conduire notre peuple par les chemins de la paix et de la prospérité. »
Au fil des ans, les relations de Salazar avec la voyante de Fatima devinrent de plus en plus intimes. Il s’entretenait avec elle par téléphone et il la visitait au carmel de Coïmbre lorsqu’il se rendait à Vimieiro, son village natal, où il possédait une modeste maison de campagne. Quand il se trouvait accablé de lourds soucis, il implorait ses prières.
LE PORTUGAL PRÉSERVÉ DE LA GUERRE
Troisième et éclatant miracle : Notre-Dame préservera le Portugal du fléau de la Seconde Guerre mondiale.
En mai 1936, les évêques se réunirent à Fatima pour suivre leurs Exercices spirituels. Les élections espagnoles du 16 février avaient été un succès pour le Frente popular et les évêques portugais voyaient avec effroi la nation voisine sombrer peu à peu dans l’abîme. À vues humaines, il était presque inévitable que la contagion révolutionnaire gagnât leur pays.
Aussi, le 13 mai, firent-ils ensemble un vœu qu’ils gardèrent secret cette année-là : ils promettaient tous, du moins les évêques du Portugal continental, de venir le 13 mai 1938, à la tête du pèlerinage national, rendre de solennelles actions de grâces à la très Sainte Vierge, au nom de toute la nation, si elle obtenait pour le Portugal la victoire sur le communisme athée et le bienfait de la paix.
Eh bien ! la Terre de Sainte Marie échappa à la contagion révolutionnaire et, lorsqu’en 1938 tout danger fut écarté, le cardinal Cerejeira en rendit de solennelles actions de grâces à Notre-Dame de Fatima :
« Arrivés presque au moment d’accomplir notre vœu, écrivait-il, notre cœur exulte d’allégresse en constatant que notre confiance en la Patronne du Portugal n’a pas été déçue. Depuis que Notre-Dame de Fatima est apparue en 1917, une spéciale bénédiction de Dieu est descendue sur la terre portugaise... En nous reportant spécialement à la période des deux ans écoulés depuis notre vœu, on ne peut manquer de reconnaître que la main invisible de Dieu a protégé le Portugal, éloignant de lui le fléau de la guerre et la lèpre du communisme athée. Le bienfait de la paix que l’Église demande si instamment dans ses prières liturgiques, et que nous avions demandé avec confiance à Fatima, nous a été accordé d’une manière presque miraculeuse. »
Le 13 mai 1938, cinq cent mille pèlerins entouraient les vingt évêques portugais présents à la Cova da Iria. La consécration nationale au Cœur Immaculé de Marie fut renouvelée, tandis que, dans toutes les églises du pays, des millions de fidèles s’y unissaient par la prière.
Cependant, en cette année 1938, le conflit mondial approchait. La Terre de Sainte Marie parviendrait-elle à conserver sa neutralité ? Rien n’était moins sûr. Aussi le Ciel voulut-il avertir sa messagère avant les événements, comme pour faire précéder par une incontestable prophétie la protection miraculeuse qui serait accordée à la petite nation consacrée à son Cœur Immaculé.
Le cardinal Cerejeira témoignera que l’imminence de la guerre avec sa violence et son extension, avait été communiquée par sœur Lucie à l’évêque de Leiria sept mois avant son déclenchement : « En effet, disait-il, j’ai eu en main la lettre du 6 février 1939 où la voyante disait imminente (elle a écrit éminente) la guerre prédite par Notre-Dame » et promettait la protection de Notre-Dame au Portugal « grâce à la consécration à son Cœur Immaculé faite par l’épiscopat portugais ».
Les évêques portugais furent conscients des prédilections du Ciel pour leur nation. « Le Portugal, déclaraient-ils le 2 décembre 1941, est aujourd’hui le seul pays d’Europe vraiment en paix. Les étrangers l’éprouvent mieux que nous-mêmes, eux qui en arrivant ici n’en croient pas leurs yeux, s’imaginant être dans un pays de rêve et de légende. Une telle conjoncture est un vrai miracle, une grâce extraordinaire qui nous vient des mains de la Reine du Ciel. »
LE CHAPELET DU PRÉSIDENT SALAZAR
Salazar attribuait la renaissance du Portugal à Notre-Dame de Fatima, mais lui-même en a été l’instrument prédestiné.
En juin 1952, Douglas Hyde, ex-directeur d’un journal communiste anglais vint à Fatima remercier Notre-Dame de sa conversion et rendit visite à Salazar. Il lui demanda :
« La renaissance spirituelle du Portugal ne serait-elle pas liée à Fatima ?
– C’est l’opinion générale ici, tous pensent ainsi... et moi je suis de ce nombre, mais nous ne devons pas pour cela nous enorgueillir. »
Congréganiste de Notre-Dame à l’âge de treize ans, Salazar disait volontiers : « Notre-Dame est pour moi une intime amie. » Et l’on peut dire que c’est à sa prière que le Portugal doit d’avoir été épargné par la guerre.
En effet, quand Hitler fit connaître son intention d’envahir le Portugal, Salazar passa la nuit entière à téléphoner au généralissime Franco pour le convaincre de ne pas permettre aux troupes allemandes de traverser l’Espagne, et, en même temps, il ne cessait de réciter le chapelet. Il passa ainsi la nuit avec une main au téléphone et son chapelet dans l’autre. Et le miracle se produisit.
On n’est pas étonné que, connaissant la campagne qui se faisait contre le chapelet, il prononça textuellement ces paroles : « On est en train de mettre de côté la récitation du chapelet. Quelle catastrophe ! Ne récitez pas le chapelet et vous verrez ce qui arrivera ! Notre-Dame aime beaucoup cette dévotion, on doit la maintenir dans notre patrie. »
Heureux État, heureuse nation, dont le président recommande le chapelet à ses concitoyens !
LE PORTUGAL ET LES PROMESSES DU SECRET
Maintenant que nous connaissons le troisième Secret, nous pouvons constater à quel point le miracle de la paix, dont le Portugal a joui, illustre la vision inaugurale du troisième Secret, il en est même le premier accomplissement : oui, l’éclat qui jaillit de la main droite de Notre-Dame a bien empêché que l’incendie atteigne et ravage la petite nation qui s’était solennellement consacrée à son Cœur Immaculé !
Or, il ne faut pas oublier que cette paix devait être méritée par la conversion des âmes ; des communications divines, transmises par sœur Lucie à ses directeurs spirituels, rappelaient cette exigence, écho du triple appel de l’ange à la pénitence.
Le 1er décembre 1940, la voyante écrivait au Père Gonçalves : « Le Cœur de notre bon Dieu et de notre bonne Mère du Ciel demeurent tristes et amers. Le Portugal, dans sa majeure partie, ne correspond ni à leurs grâces ni à leur amour. Les saints Cœurs de Jésus et de Marie se lamentent fréquemment de la vie de péché de la plus grande partie du peuple, même de ceux qui se disent catholiques pratiquants. »
Les évêques portugais prirent très au sérieux les avertissements de la confidente de Jésus et de Marie. Dès le 2 février 1941, ils publièrent une lettre pastorale collective sur les angoisses de la guerre et la nécessité de l’expiation. L’année suivante, pour le jubilé des apparitions, ils adressaient, une fois de plus, une vigoureuse exhortation à tous les Portugais, assortie de décisions pratiques qu’ils avaient prises en vue d’obtenir l’amendement du peuple fidèle, ils les présentaient ainsi :
« Les promesses de la Vision sont liées à une condition : la fidélité au double devoir de la prière et de la pénitence. Dans ses révélations à la voyante, il n’est question que de péché, de pécheurs, d’enfer, de réparation, de conversion, de miséricorde. Fatima, comme Lourdes, est un insistant appel à la pénitence, une anxieuse demande aux âmes de se tourner vers Dieu. »
Or, ce que Dieu a effectué au Portugal, en réponse à l’acte solennel de consécration du pays au Cœur Immaculé de Marie, il voulait le réaliser au même moment en Russie et dans le monde entier. À un journaliste américain qui, en 1946, l’interrogeait sur la Russie, Salazar fit une réponse remarquable qui nous ramène au cœur même du Secret de Fatima : « D’après ce que nous savons des affaires intérieures de Russie, une révolution y paraît improbable pour le moment. Mais il y a une espérance de paix, c’est que la Providence fasse en Russie ce qu’elle a fait ici, au Portugal. »
Si toutes les demandes de Fatima avaient été satisfaites, ce qui s’est accompli magnifiquement au Portugal se serait produit aussi en Russie et à l’échelle du monde, donnant ainsi la preuve de la toute-puissante médiation de la Vierge Marie.
Extraits de Fatima, Salut du monde, p. 207-222