Les grandes crises de l’Église
La grande apostasie :
PAUL VI ET SON MASDU
SOUS LE SIGNE DE L’ANTÉCHRIST
Celui que Dieu avait prédestiné dans sa Sagesse insondable pour être le Chef Suprême et Pasteur de l'Église en ces temps d'Apostasie universelle, est né en cette fin du siècle dernier dont nous avons dit qu'elle montra le prélude et comme la répétition générale de l’autodémolition que nous vivons maintenant. (…) Comment fut-il préparé et comment se disposa-t-il à l'épreuve décisive ?
LE DÉBUT D'UNE CARRIÈRE
Giovanni-Battista Montini naquit le 26 septembre 1897 de Georges et Judith Alghisi. (…)
De petite noblesse rurale, les grands-parents et parents de notre Pape donnent toutes les preuves incontestables d'une profonde piété et d'un dévouement rare aux œuvres comme à la cause de l'Église. Georges Montini est, depuis 1880, directeur d’un quotidien catholique, et il le restera jusqu'en 1912 où la confiance de tous, et celle de saint Pie X éminemment, l'appellera à des tâches plus considérables. Quant à sa mère, elle était d’une piété intelligente et profonde. (...)
L'enfance de notre Pape se résume en peu de mots. Sa santé ne lui permit pas une scolarité suivie. (…) Il entre dans un Collège tenu par les Jésuites en 1908 mais bientôt doit poursuivre ses études à la maison. En 1916, il entre au Séminaire pour être ordonné prêtre, le 29 mai 1920. Il a 22 ans. La même année, il est docteur en droit canonique à Milan. Études rapides et solitaires donc.
Durant toute son adolescence, il fréquente assidûment les Œuvres de Jeunesse des Oratoriens. (…) Il est aussi membre, à partir de 1918, d’un groupe d'étudiants aux idées avancées et prend part à la rédaction de leur journal, où il écrit des articles pieux et moraux jusqu’en 1925 où le journal disparaît devant la montée du fascisme. (…)
LE TOURNANT DE SA VIE
Il semble qu'il n'y ait rien encore de saillant dans la vie de ce jeune prêtre secret, chétif, souvent malade, qui dévore les livres, ne joue jamais, mais cache une volonté implacable sous des apparences d'irrésolution, “ un petit homme de fer ”, dit sa mère. En fait, tout est déjà joué. Voici comment. (...)
En 1859, les nationalistes italiens voulaient chasser le Pape de Rome et fonder un État anticlérical, violemment sectaire, tout entier au pouvoir de la maçonnerie. C'est contre cette puissance que se dressèrent les meilleurs catholiques patriotes. Georges Montini fut de ceux-là. Son journal fut l'instrument de cette résistance. (…)
Tout cela se faisait dans l'esprit de Pie IX, sous la bannière de l’Œuvre des Congrès, fondée en 1875 dans le but d'unir les catholiques pour la défense des droits de l'Église et des intérêts sociaux et religieux de la Patrie. Le mouvement était doctrinal, structuré, soumis à la hiérarchie. Le futur Pie X en était, avec modestie, l'un des grands animateurs parmi les évêques italiens, et le père de Paul VI l’un des plus actifs protagonistes. On luttait pour Dieu, pour la liberté de l'Église et pour le peuple pauvre, avec la force que donnent l'union et la discipline catholiques. C'était parfait.
Mais un courant progressiste, gauchiste, se fait jour avec la fondation en 1895 par Don Murri des Cercles Universitaires où sont proposés aux jeunes du vieux mouvement des Œuvres Catholiques, le projet de Démocratie chrétienne. (…)
Don Murri se considère comme le Lamennais italien. Au lieu de l'ancienne lutte « pour Dieu, pour la Patrie et pour les pauvres », menée par les catholiques organisés sous la direction des Évêques, Murri souffle un enthousiasme révolutionnaire : « Tout pour le Peuple et par le Peuple ».
Le résultat ne se fait pas attendre. Une crise s'ensuit au sein de l’Œuvre des Congrès. (…) Don Murri, lui, entend jeter l’Église dans la révolution. Léon XIII tergiverse et ne soutient personne. (…) Plus tard, saint Pie X jette l'interdit sur la Ligue Démocratique Nationale fondée par Don Murri et en 1910 il excommunie celui-ci qui perd la foi, se marie en 1912, et ne se réconciliera avec l’Église qu'en 1943, quand l’Église reviendra à lui et que déjà il tiendra sa vengeance et sa victoire... (...)
Georges Montini entre dans les vues de Pie X. Et c'est lui qui, en 1912, est choisi pour Président de l'Union Électorale des Catholiques Italiens en vue des élections de 1913, qui seront pour eux une grande victoire. La politique de Pie X, innovée par lui et par G. Montini dès 1895, porte ses fruits. Poursuivie sagement, elle aurait été le salut de l'Italie catholique !
Mais, saint Pie X disparu, sa doctrine est aussitôt trahie. Benoît XV favorisa la rentrée des démocrates-chrétiens sur la scène politique et religieuse. (…)
Ce n'est plus dès lors le Parti de Dieu, c'est le Parti du peuple, c’est la Démocratie chrétienne, chrétienne parce que le Parti Populaire entend conquérir le Pouvoir et le conserver par l'Action catholique, par l'Église devenue une vaste organisation électorale au service d'un Parti qui se veut non confessionnel. (…)
C'était la Lettre sur le Sillon bafouée, piétinée. Georges Montini est l’un des fondateurs de cette démocratie chrétienne. En 1919, il deviendra député au Parlement et bénéficiera du soutien de la gauche politique italienne. (…)
TRENTE ANS DE DOUBLE JEU, 1924 – 1954
Don Giovanni-Battista Montini passe l’été 1924 à Paris. Il rentre à Rome juste pour entendre le fameux discours de Pie XI aux étudiants catholiques qui désapprouve formellement l’alliance entre démocrates-chrétiens et socialistes. C’est pratiquement un ordre de ralliement à l’État nouveau. Or, très précisément ces jours-là, don Montini se voit attribuer un bureau à la Secrétairerie d'État et reçoit du Pape la charge d'aumônier de la Fédération des Universitaires Catholiques Italiens de Rome. Il y correspond si bien aux directives du Saint-Père que l'année suivante – il n'a que 27 ans – Pie XI le nomme Aumônier National de la FUCI. Et pourtant, c’est au même moment où son père, Georges Montini, et les autres députés du Parti populaire italien se font chasser à coups de bâtons de la Chambre où ils étaient venus protester contre les “ violences fascistes. ” (…)
Pie XI, qui s'y connaît en hommes, sait que ce jeune prêtre est capable de jouer auprès de Mussolini, arrivé au pouvoir en 1919, son double jeu, avec souplesse et obstination : feindre le ralliement de l’Église au Pouvoir établi, coopérer utilement avec lui, mais aussi sauver l'idée démocratique, afin de préparer en secret sa revanche, la reprise du combat électoral aux premiers signes d'affaiblissement du Fascisme.
Comme tant d’autres aumôniers d’Action catholique, Montini veut inculquer aux étudiants sa vision du christianisme. Il cherchera à leur communiquer son horreur du fascisme. En effet, tandis que le Vatican mène avec Mussolini les négociations qui préludent aux Accords du Latran du 11 février 1929, don Montini collabore en apparence seulement. Pour lui, la lutte contre le Fascisme, qu’il a hérité de tradition familiale, est avant tout un devoir religieux, seul le service de la démocratie est évangélique.
La carrière du futur Pape à la Secrétairerie d’État est sans relief et sans bavure. On n'en connaît que la progression de degrés en degrés jusqu'aux plus élevés. Il travaille longtemps dans l'ombre des fonctions subalternes. À partir de 1933, il loge au Vatican. C'est une promotion. (…)
Protonotaire Apostolique en 1938, il devient, à l'avènement de Pie XII l'année suivante, secrétaire aux Affaires ordinaires et remplit en outre le rôle de secrétaire privé du Pape. (…) Il sera le second de Pie XII jusqu'en 1954 où sa carrière subira un accident mystérieux et imprévu. De toutes les affaires qu'il a brassées pendant ces trente ans on ne sait rien, on ne voit rien de remarquable...
Durant tout ce temps de fonctionnariat, il n’a jamais exercé le moindre ministère paroissial. Il n’a jamais eu un peuple ni une église à sa charge. Il a été seulement aumônier d’Action Catholique à la FUCI de 1924 à 1933. (…)
Quelle est sa spiritualité ? Pour le dire franchement, elle apparaît alors plus moralisante que mystique, plus humaine que biblique, plus exhortative que dogmatique, et ces traits se retrouveront identiques durant son épiscopat à Milan et depuis, dans ses œuvres pontificales...
Il a peur du monde et horreur des divertissements vulgaires où il voit tout de suite le vice. (…) Il exhorte à le fuir et à mépriser les amusements du monde, mais c'est pour être homme, pour être libre, digne, joyeux, conquérant, pour se livrer aux nobles tâches, aux exaltants apostolats. “ Hommes, soyez homme ! ”, ces mots prononcés à Fatima livrent la quintessence de sa spiritualité. Du point de vue religieux, c'est un peu vide. Toute l'Action Catholique du temps a vécu dans cette sorte de vide. Mais l'amitié humaine, chaude, fraternelle, son excitation perpétuelle devaient suppléer au manque de souffle religieux. (…)
Où est dans cette carrière et dans cet apostolat, dans cette spiritualité, le mérite rare qui fera de GBM, comme l'appellent familièrement ses étudiants, l’élu du Conclave de 1963 ? Il est ailleurs, dans la lutte sourde menée par lui, en pleine conformité avec les directives de Pie XI, contre le Fascisme mussolinien. (…)
À l’ombre de Saint-Pierre, le chef spirituel des étudiants insoumis à Mussolini commence à recevoir une foule de gens, et monte un extraordinaire réseau de renseignement et de regroupement des opposants au fascisme dépassant les frontières de l'Italie, allant jusqu'en URSS... déjà ! C’est là qu'il faut trouver la raison de l'influence désormais grandissante du personnage et le principe de son ascension vers le Pouvoir Suprême. Il est arrivé par la politique, il y a développé vingt ans une activité semi-clandestine, semi-officieuse, pour le compte du Pape, mais en partie pour son compte personnel, et je crois qu'on ne mentirait pas en faisant de lui, dès cette époque, la cheville ouvrière de cette grande conjuration internationale qui aboutit à la Guerre de 1939 : Croisade des Démocraties contre les Dictatures, ouverture à l’Est, c'était Staline ! et Subversion anticolonialiste. Voilà le rare travail qui l’a mis en relations suivies avec les grands Pouvoirs qui mènent le monde et le rare mérite qui lui valut très tôt d'être le futur Pape de la Synarchie mondiale.
Cette action de Résistance s'inspirait cependant d'une morale et d'une idéologie qu'en retour elle devait contribuer à développer, au détriment de toute foi et religion pour devenir plus tard tout le Credo pratique du Pape Paul VI : un jugement moral : Mussolini, c’est le diable... le fascisme, c'est le mal absolu ! (…)
UNE IDÉOLOGIE NEUVE : L’HUMANISME INTÉGRAL DE JACQUES MARITAIN
Contre l'Hydre Fasciste, il fallait que toutes les forces démocratiques se réconcilient et se coalisent dans le monde. Mgr Montini, qui suit de près l'évolution des idées démocratiques en Europe et particulièrement en France, est l’un des premiers lecteurs de l'Humanisme intégral que Jacques Maritain, reniant l'Action Française, vient de publier. Il s’agit d’opposer à la “ Cité Catholique ” chère à saint Pie X une “ Chrétienté de type profane ”, démocratique et laïque. Il s'agit de faire pièce au “ Nationalisme intégral ” maurrassien, qui est foncièrement contre-révolutionnaire, par un “ Humanisme intégral ” qui en est la contrefaçon libertaire, l'antithèse. Il s’agit enfin d’opposer au “ compromis nationaliste ” qui prépare en France un “ coup de force ” et l'instauration d'un “ dictateur et roi ”, un “ compromis démocratique ” qui permette à toute la gauche, avec la bénédiction de l'Église, de faire le Front Populaire dont elle rêve pour casser l'opposition nationale.
Don Montini trouve là exactement l'idéologie dont il a besoin pour relancer en Italie le Front démocratique antifasciste de ses ambitions et de ses rêves. (…) Aussitôt, il travaille à la traduction de l'Humanisme Intégral et en rédige une Préface enthousiaste. C’est désormais son Credo politico-religieux, il n'en bougera plus. (…)
« ET LES SAINTS SERONT VAINCUS »
Mussolini égorgé et pendu à un croc de boucherie, son cadavre insulté et souillé par la foule, la poursuite des fascistes dans toute la Péninsule, leur mise à mort dans les tortures, la dénonciation et la mise au ban de la nation des gens de droite remplit Mgr Montini d’allégresse. (…) Sortirent alors des églises et des couvents, frais et dispos, pour prendre le Pouvoir, la main dans la main poisseuse de sang des communistes, tous les bons jeunes gens de l'Action Catholique et les anciens du Parti Populaire. (…) La démocratie chrétienne italienne peut se considérer comme la fille légitime de l'Église. Et s'il lui faut trouver un père, c’est Mgr Montini qu’on désignera. Il a été l'âme du mouvement clandestin et il va rester secrètement l'orienteur, l'accélérateur de la DCI. (…)
La DCI ne renonce pas à la chimère d'une démocratie avancée mais elle en retarde la réalisation pour conserver, avec des idées socialistes, le profit matériel et la tranquillité spirituelle de l'ordre établi.
Cependant, le Parti sera bientôt tiraillé, sollicité d'aller plus loin, de tendre la main à la gauche et de faire les grandes réformes révolutionnaires qui sont dans son programme. De son bureau de la Secrétairerie d'État, antichambre obligé de celui du Pape, Mgr Montini soutient cette aile gauche, avec discrétion, contre le gouvernement et... contre la modération et l'anticommunisme foncier de Pie XII ! C'est une autre “ résistance ” qui commence pour lui, dans l'Église même. (…)
On entend dans l'antichambre des discours contraires à ceux qu'on entendra dans le bureau du Pape ; Montini commence ainsi une opposition larvée à la politique de Pie XII, qui le pose en Successeur... (…)
UNE SUCCESSION AVORTÉE, 1950 – 1954
Dès ce moment, il agit en candidat à la succession. (…) Il faudrait quand même que le Pape l’élève à la pourpre cardinalice. Mais en janvier 1953, dans un discours étonnant, Pie XII fait connaître au monde que ses collaborateurs directs, Montini et Tardini, ont tous deux et de leur propre mouvement renoncé à la consécration épiscopale et donc au cardinalat, qu'ils méritaient fort, par humilité !
En réalité, nous avons de bonnes raisons de croire que si Mgr Tardini refusa si fermement la pourpre, ce ne fut pas seulement par humilité. Certes, il n’avait, quant à lui, aucune ambition, et il pouvait tout aussi bien continuer à assumer sa charge au service de l’Église sans cette nouvelle dignité. Mais il avait pressenti que Pie XII hésitait à nommer Montini cardinal. Il comprit qu’il rendrait service à l’Église et au Pape en refusant obstinément le cardinalat, ce qui obligerait Montini à faire de même.
Le 28 août 1954, le Pape est frappé d’une nouvelle attaque cardio-vasculaire. Il assiste impuissant aux intrigues que Mgr Montini noue sous ses yeux en vue de la succession. Miraculeusement remis, il décide d'employer le sursis que lui accorde la Providence pour éloigner Montini et renforcer le groupe traditionaliste.
Quelques mois après, Pie XII prend connaissance d'un rapport secret selon lequel Mgr Montini en était venu à communiquer directement avec des représentants du Kremlin, à Moscou, à l’insu du Pape. Il découvrit également que son pro-secrétaire d’État lui avait caché toutes les dépêches relatives au schisme des évêques chinois. L’amertume du Saint-Père fut si vive que sa santé en fut affectée et qu’il se résigna à assurer seul la marche des affaires extérieures. (…)
Il décida donc, soudainement, de se séparer de son plus proche et intime collaborateur. Mais, il choisit la manière douce qui ne provoquerait ni éclat ni scandale et opta pour un compromis. Pour sanctionner le coupable et pour satisfaire les justes exigences des membres de la Curie au courant de l’odieuse trahison, il décida d’éloigner Montini de la secrétairerie d’État en le nommant à l'Archevêché de Milan, l'un des plus glorieux Sièges de la Chrétienté. Promoveatur ut amoveatur. (...)
Toutefois, la nomination au cardinalat, préface obligée à l'élection pontificale, ne viendra jamais. Montini demeurera, par la volonté inflexible de Pie XII, écarté du prochain conclave.
LA CONQUÊTE DU POUVOIR, 1954 – 1963
(…) Le 5 janvier 1955, Mgr Montini fait son entrée solennelle à Milan. C'est son premier ministère pastoral. Il a 57 ans, beaucoup d'idées livresques mais aucune pratique, aucune tradition. Tout ce qu'il va faire durant ces huit ans aura un caractère d'insolite très artificiel et superficiel. (…)
Mgr Montini se voudra “ l'Archevêque des Travailleurs ”, il ira dans les usines pour y discourir, sans succès. Ses efforts vers la gauche, suivis de coups de barre contraires, lui vaudront d’être qualifié d' “ Archevêque Rouge ” par les conservateurs. (…)
Pasteur d'un grand diocèse, il prêche – jamais il n'avait prêché un peuple. Il prêche l'amour du monde. (…) Un humanisme chrétien, libéral, démocratique, pacifiste, où tout se trouve réconcilié de manière assez nébuleuse au niveau des Droits de l'Homme... Que souhaite-t-il, quand il évoque les masses catholiques embrigadées dans le Parti Communiste ? (…) Le dialogue fraternel, dans un climat de démocratie évolué !
Pie XII meurt enfin. Le conclave se réunit sans l'Archevêque de Milan, mais il est présent à tous ; son parti exige et l'emporte, un marché est conclu. Le Cardinal Roncalli, qui est âgé et qui a partagé sa disgrâce, donne son accord. Il sera le Pape de transition, dont le rôle précis est de faire Montini cardinal et de mourir vite pour céder la place à l'élu de la majorité progressiste et libérale. Élu le 28 octobre, Jean XXIII nomme dès le 17 novembre, en tête de liste, l'archevêque de Milan cardinal. (…)
Dès lors, il manifeste une haute réserve dans les grands débats d'idées, comme il sied à un futur Pape. (…) Avec une audace calculée, il prend des positions politiques spectaculaires qui frappent l'opinion.
Dès le 26 janvier 1959, moins d’une semaine après que Jean XXIII eut annoncé son intention de réunir un concile, dans une Notification adressée à ses diocésains, le Cardinal Montini déclare que ce sera “ le plus grand Concile ” de l’histoire et il en fixe souverainement le thème : ce devra être la réconciliation de l'Église avec le monde moderne. Entre elle et lui vont s'instaurer des rapports nouveaux d'harmonie dans la liberté C'est, cent ans après le Syllabus, son reniement et cinquante ans après saint Pie X, sa contradiction ! (…)
Mais voici le Concile. (…) Montini peut paraître à Rome l'arbitre des partis, l'homme que la Providence tient en réserve, le successeur désigné de Jean XXIII. Le Souverain Pontificat va tomber dans ses mains, bientôt, comme un fruit mûr.
De fait, Jean XXIII l'accueille comme son fils et le loge, lui seul parmi les cardinaux, au Vatican. Il lui confie la tâche décisive de préparer et rédiger son Discours d’ouverture du Concile. (…) Lu par le “ bon pape ” Jean, il sidéra les progressistes autant que les conservateurs, mais personne ne broncha. La dose voulue de cyanure était passée dans les veines de l'Église. (…)
Après la mort de Jean XXIII, Montini proclame son union totale au Pape défunt et affirme la nécessité de poursuivre le Concile dans la voie qu'il a tracée. (…)
Et une fois élu Pape, le monde, conditionné par les mass-médias, acclama follement celui qui allait le conduire au chaos “ l’œil fixé sur une chimère ”, comme avait dit saint Pie X le Clairvoyant. (…)
« L'AGNEAU AU SERVICE DU DRAGON »
Il prit le nom de Paul. (…) Ce choix indique un programme apostolique, œcuménique et social. Un programme hors-série pour un Pape hors du commun des papes qui l'ont précédé ! Ce nom signifie pour l'Église ouverture au monde, prédication et dialogue. (…)
Une invisible main, un Esprit caché mènent la Papauté depuis cent ans, suivant une progression d'une saisissante logique, à cet Événement, cette Épiphanie moderne, conjonction d'un Concile et d'un Pape novateurs, où elle rompt avec son passé, abroge ses lois, bouleverse ses rites, abat ses frontières, pour s’ouvrir à toutes les religions et construire avec tous les peuples la fraternité universelle et la paix. (…) Que faut-il donc désormais ? Croire en l’homme, construire le monde, libérer les peuples, abattre les tyrannies, développer la culture et instaurer la démocratie. Paul est le prophète de ce nouvel âge où toutes les religions, cessant de s'opposer entre elles, se feront le Mouvement d'Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle, le MASDU de Paul VI !
Telle est la chimère de celui que l’Église s’est donné pour Chef Suprême et, dès lors, il a bien fallu qu'elle le suive ! Sans comprendre, avec vénération, les yeux fermés. Sans chercher si cela indique le Meilleur des meilleurs ou le Pire des pires.
Qui est Paul VI ? Un être d'une exceptionnelle activité et habileté, homme de vaste lecture et de parole facile, d’écriture rapide, pleine de sinuosités, de replis, de volte face. Il dit tout sans laisser pénétrer sa pensée, il décide tout sans paraître savoir où il va. Un “ homme de fer ”...
Paul VI n'est pas pieux. Il n’en a jamais donné la moindre apparence, sauf en représentation. Depuis cinquante ans, son horaire journalier ne mentionne que le temps étroitement calculé de la Messe et du bréviaire. Jamais aucun chapelet, aucune dévotion, aucun geste de piété personnelle.
Il n'est ni savant ni théologien, mais il a toujours dévoré les livres. (…)
Cette boulimie de lecture, cette excitation à parler, ce contrôle rapide et minutieux de tout le conduisent à croire que tout va vite, que tout évolue et se transforme selon sa volonté. Mais tant de secousses ne font qu'ébranler et fissurer l'immense vaisseau de l'Église qui sombre peu à peu dans l'anarchie. (…)
Pour que le monde aille bien, Paul VI a conçu clairement qu'il lui fallait être Pape. Ensuite, il savait qu'il proclamerait une grande Réforme et qu'il instaurerait la Liberté ; qu’il lui faudrait fortement détruire toute opposition mais en même temps modérer les trop grandes ardeurs, bref, tout tenir en mains. Et cela aussi, il a su le faire. Alors sa Réforme apporterait la joie à l’Église, la Paix au monde. Ce brillant avenir se perdait dans les nuages du rêve, les brumes d'un bonheur futur où les plans se confondent, où le ciel et la terre se touchent.
Quelles doctrines et entreprises sont sorties de ce génie de l'Utopie, mon Liber accusationis in Paulum VI le dit en cent pages dont les discours et les événements survenus depuis lors, en 1973, n'ont fait qu'enrichir la teneur et renforcer l'accusation. Libéral plus que catholique, il a tout autorisé sauf la Vérité, la Loi de Dieu, la Justice qu'il bafoue. Démocrate plus que chrétien, il poursuit de sa vindicte Mussolini en Franco, c’est chez lui un complexe, une obsession, et il flatte la Révolution même communiste, croyant à la fraternité universelle sous l'égide d'un Gouvernement Mondial. Ainsi, loin d'ouvrir des Temps nouveaux, ce Pape est venu clore l'époque de la Réforme et de la Révolution en précipitant l'Église et le monde dans le pire, le plus sanglant chaos et châtiment divin de leur histoire...
Moderniste ? Non, on ne peut dire que Paul VI l’ait été, parce que le Modernisme est une erreur religieuse et que Paul VI ne s'intéressait pas à la religion mais à la politique. L'assertion surprendra. Il est de toute évidence qu'il travaillait à rendre les hommes fraternels, qu'il citait le Christ en exemple de noble humanité, qu'il plaçait Dieu au sommet de sa Tour, de la Babel Moderne. Mais le culte de l'homme prenant toute la place, le culte de Dieu s'est retiré sans bruit, de son cœur et du cœur de l'Église. La charité s’est refroidie.
Le rêve a couru, l'expiation devra venir. Mais quand l'heure aura sonné, saint Pie X sera de retour, par son intercession, son exemple, sa doctrine, et l'Église refleurira.
Abbé Georges de Nantes
Extraits de la CRC n° 97, octobre 1975, p. 3-14
Toute la vérité sur Fatima, tome III, p. 245-246