La circumincessante charité
Communication de la charité
par le réseau des relations d’origine et de grâce
II. La charité fraternelle
NOUS ne pouvons vivre nos relations terrestres que si nous sommes reliés aux êtres célestes qui nous donnent leur grâce. Notre Père nous enseigne une morale tout imbibée de vie mystique.
La métaphysique relationnelle de notre Père est vraiment la clé qui nous ouvre la compréhension de sa théologie et de la morale mystique qui en découle. Nous ne sommes pas seulement de la matière et une âme, mais nous sommes relations. Chacun de nous est objet et sujet de relations qui descendent en cascades de Dieu, Fons et Origo. Dieu le Père est la source de l’amour, la source de l’être créé et de toutes les relations qui s’établissent entre les êtres. Et cette relation n’est nullement un accident, contrairement à ce que dit Aristote, pour la bonne raison que la relation de filiation est déterminante pour tout être humain.
Tout homme est fils de son père. La filiation est donc ce qu’il y a de plus sacré dans l’homme, déterminant sa personnalité, sa vocation. « La relation d’origine constitutive de l’être, c’est tout notre pédigrée, tout notre trésor ! »
Nos relations ne sont pas des rapports abstraits entre nous et le Ciel comme on peut les exposer sur un tableau par des traits de craie reliant des substances semblables, mais cela n’apporte rien en fait de connaissance existentielle, cela n’explique pas la vie. Non ! L’exemple emblématique de saint Joseph nous a montré le Cœur de Dieu s’ouvrant pour laisser couler en lui un torrent d’amour nuptial pour la Vierge Marie et un torrent d’amour paternel pour l’Enfant-Jésus. Paternité et filiation sont des courants comme électriques, spécifiques selon la singularité des grâces et vertus qu’ils véhiculent : amour du père pour son enfant, confiance de l’enfant envers son père, c’est vrai pour saint Joseph et l’Enfant-Jésus, c’est encore vrai pour un père quelconque. C’est une vie, un échange de forces spirituelles. Ainsi, nos relations sont ontologiques : elles portent existence et sont spécifiées selon leur nature : il y a de la paternité, il y a de la filiation, il y a de la masculinité, il y a de la féminité ; ce sont des données premières.
Ainsi, l’amour du Père des cieux coule en ruisseau de force et chaleur paternelles, éveillant comme mécaniquement un enthousiaste cri de reconnaissance. Il n’est pas nécessaire d’expliquer dans cette optique que nous enseigne notre Père, pourquoi il nous faut honorer notre père sur la terre. Dieu qui est Père a engendré son Fils duquel jaillit la reconnaissance, car Dieu lui a donné le jour et c’est la plus grande merveille ! On peut tabler là-dessus, et partout où il y aura un homme qui donne naissance à un fils, son amour paternel viendra de Dieu le Père. En retour, l’enfant aime son père. Il en résulte un ordre moral de perfection : si un enfant maudit ses parents, c’est contre-nature.
De même et suprêmement, la munificence du don divin à la Vierge Marie conçue Immaculée à l’origine des temps suscite en Elle une immense action de grâces qui La porte à s’unir à Dieu comme à son Époux. Jésus la reçoit de son Père, La choisissant pour Mère et suscitant en Elle le désir de Le servir en toutes choses : « Je suis la servante du Seigneur ». Puis, vient le don du Saint-Esprit qui choisit Marie comme sanctuaire. Toutes ces relations vont tomber sur chacun de nous. Beau spectacle que de voir cette divine charité prendre sa source et son abondance dans le sein de notre très chéri et adorable Père Céleste. Du coup, Il devient vivant pour nous, car Il nous donne tout. Les Personnes divines qui procèdent de son infinie liberté et sagesse, le Fils et le Saint-Esprit et jointe à eux la “ Divine Marie ”, sanctuaire du Saint-Esprit, s’abouchent aux âmes chrétiennes assoiffées. Nous, fils d’Adam et Ève voyons nos liens de mort brisés. Nous recevons des liens meilleurs qui les remplacent ; c’est Dieu même qui recoud les choses en nous adoptant pour ses fils et en nous rendant enfants de Marie. Donc, nous sommes maintenant en contact, on a mis tous les tuyaux voulus entre la source et le bâtiment afin que l’eau passe. Dieu et les saints versent dans nos relations, de leurs propres vertus, qualités, perfections qui sont les leurs. Ainsi, la Sainte Vierge donne de sa pureté parce que c’est Elle qui est la plus surabondante et parfaite en pureté. On tombe à genoux devant saint Joseph et on le prie pour qu’il nous donne un peu de son courant de vie, de son autorité. Nous voilà embarqués dans la chaîne qui constitue le corps mystique du Christ pour devenir semblables aux saints que nous prions.
Dans cette dernière partie où notre Père doit nous prêcher la morale, il nous dit tout simplement : « Suivez l’Évangile et pas Aristote ! » Or, dans l’Évangile, il n’est pas question d’une morale médiocre. Jésus nous dit : « Soyez parfaits comme votre Père Céleste est parfait ! Soyez saints comme votre Père Céleste est saint ! » C’est bien à une perfection égale à celle de Dieu et à une sainteté achevée que Jésus nous invite. Cela ne peut se comprendre comme le résultat d’un effort même surhumain de la créature, même rachetée et purifiée. Cela s’explique par cette application des Êtres divins à notre faiblesse humaine, pourvu que nous soyons dociles. Voilà bien le fondement de la morale évangélique. Notre Père ne nous fera pas un manuel de morale laïque et stoïcienne sans aucun fruit. Inutile de prêcher les exigences de la morale, dans le domaine de la pureté, par exemple, à des gens non baptisés ou baptisés non pratiquant, ce serait comme demander à des culs-de-jatte s’ils ont droit de se promener. Il faut d’abord leur enseigner la doctrine et les amener à la source divine qui les rendrait parfaits et leur donnerait le courage d’agir : à savoir les dévotions, les sacrements, la lecture de la sainte Écriture...
En effet, notre sainte religion catholique, et elle seule, a toutes les richesses et énergies surabondantes pour sauver notre monde en perdition. Si Jésus, connaissant parfaitement notre faiblesse, met la barre très haut en nous demandant de pardonner à nos ennemis, d’être chastes comme des anges, c’est parce que Jésus se charge de nous monter à cette perfection ! Il faut d’abord nous “ brancher ” sur le courant de circumincessante charité, nous aboucher aux êtres célestes et aux saints qui infusent en nous la vertu divine qui nous rendra consortes divinæ naturæ, comme dit saint Pierre dans son épître : participants de la nature divine. Que notre conversation soit dans le Ciel, comme le recommande saint Paul. Remplissons-nous l’esprit, l’imagination, le cœur de la tendresse que nous avons pour le Père, le Fils, le Saint-Esprit, la Vierge Marie et l’Enfant-Jésus, les saints, d’abord ! Notre intimité est dans le Ciel et nos tendresses pour le Ciel s’appellent dévotions. Notre Père les récapitule en une sorte de bouquet spirituel auquel il nous faut sans cesse revenir pour intensifier nos relations avec ces Personnes célestes aimées : « À ce moment de notre retraite, la joie plénière de notre âme est de nous être livrés à l’amour de notre Père Céleste parce qu’Il est notre Père, à l’amour de la Vierge Immaculée, par le seul motif qu’Elle est par sa vocation notre Mère à tous, et de recevoir de leurs mains jointes et de leur très unique et Sacré-Cœur, dans l’Esprit-Saint, leur Fils Jésus-Christ, le Verbe du Père fait chair de la Vierge Marie, de sa chair, de son sang, de son lait maternel. »
Ce principe premier étant posé, notre Père va développer ce que va être notre charité fraternelle sous ce titre :
« Nous sommes tous frères par la circumincessante charité divine, dans l’unique sacrifice des deux Cœurs transpercés de Jésus et de Marie crucifiés. »
La parabole du bon Samaritain continue toujours à nous guider : Jésus et Jésus crucifié est notre plus proche et premier prochain à qui doit donc aller en priorité notre amour. Nous sommes tous frères, mais c’est dans le Christ qui porte sa Croix, en Marie qui l’accompagne et c’est par la Vierge Marie que nous pourrons exercer notre charité. Notre cœur est tellement plein de toutes ces amours célestes qui déversent leur grâce dans notre âme, que cette grâce ne demande qu’à déborder. Étant ainsi privilégiés, nous voulons absolument partager, répandre cette lumière, cette chaleur, cet amour sur nos proches, nos parents, les créatures aimées de Dieu d’abord. Notre Père dénonce l’hypocrisie de nos contemporains qui sont remplis de charité d’abord pour les hommes les plus lointains donc inaccessibles, les plus opposés à notre foi et à notre civilisation... et qui laissent pendant ce temps mourir le voisin s’il n’est pas leur vieux grand-père ! Aimons d’abord nos proches, puis les amours de Jésus, c’est-à-dire tous ceux que Dieu nous montre à aimer, à aider, à convertir peut-être et sauver ! Amis, indifférents, ennemis même. C’est l’exemple que Jésus, notre modèle unique, nous donne dans l’Évangile : lorsque Jésus aborde quelqu’un, Il est ému : la Samaritaine, l’aveugle-né, le paralytique qu’Il vient de guérir. Son amour divin se fait humain. Imitons cette douceur exemplaire de Jésus dans nos rapports avec le prochain. Comment faire ? En l’aimant comme nous nous aimons nous-mêmes. Le principe divin, surnaturel de l’amour de soi vaut pour tous les amours. Cela peut se dire ainsi : je m’aime, c’est-à-dire que j’aime en moi tout ce que Dieu m’a donné de grâce et j’applique à tous les humains, mes frères, ce même principe : il suffit que je sorte de moi-même pour considérer ce qu’ils ont de bien, de bon, en quoi Dieu les privilégie, avec moi ; ou s’Il les frappe d’épreuves, maladie, accident, ayant moi-même expérimenté la croix dans ma vie comme un bien, une grâce, je les aiderai à y voir encore un don d’amour de Dieu pour bien la porter au lieu de se révolter.
Je suis l’accompagnateur de Dieu dans les bienfaits qu’Il distribue à ces pauvres gens qui m’entourent, comme moi je suis pour eux ce pauvre homme que Dieu bénit. C’est dans cette bénédiction que nous trouvons le lien de notre admiration mutuelle, de notre amour mutuel et de notre générosité mutuelle.
Nous avons là des lumières pour exercer notre paternité ou notre filiation, nos amours, nos affections, nos relations fraternelles et sororelles. Résumons-les dans ces trois maximes ou lignes de conduite :
- Aimer comme notre Père nous aime et par la grâce qui nous vient de Lui. Le bon Dieu met en nos cœurs tous les secours nécessaires pour que nous agissions selon sa volonté.
- Aimer Jésus, notre premier prochain et tous ceux que je reçois de Lui comme ses amis. Ainsi, Jésus pourra me demander un jour d’aller visiter les Chinois persécutés en camp de concentration. Jésus les aime, Il m’aime en me les montrant et je vais au secours de ses propres désirs en me proposant tout de suite, comme sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus prête à partir pour l’Indochine.
- Aimer Marie, enfin, et en Elle, par Elle, tous les “ enfants de Marie ” qui se trouvent dans le monde, les aidant à se dégager des prestiges et manières du serpent : pour les filles d’Ève, c’est la coquetterie et la perversion, pour les fils d’Adam rebelles à Dieu, c’est l’orgueil et la brutalité. Je veux aimer ces gens du même amour dont Dieu les aime.
Comment concilier amour de Dieu et amour du prochain ?
Il se pose aussi parfois une question : Comment accorder l’amour de Dieu et l’amour du prochain ? Jésus dit qu’il n’y a pas deux commandements, mais qu’il n’y en a qu’un : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et tu aimeras ton prochain comme toi-même, et cela n’est qu’un seul commandement. » (Mc)
« QUAND sera-ce que nous serons tous détrempés en douceur et suavité envers notre prochain ? Quand verrons-nous les âmes de nos prochains dans la Sacré poitrine du Sauveur ? Hélas ! Qui regarde le prochain hors de là, il court fortune de ne l’aimer ni purement, ni constamment ni également, mais là, mais en ce lieu-là, qui ne l’aimerait ? Qui ne le supporterait ? Qui ne souffrirait ses imperfections ? Qui le trouverait de mauvaise grâce ? Qui le trouverait ennuyeux ? Or il y est ce prochain, ma chère fille, il y est dans la poitrine et le sein du divin Sauveur ; il y est comme très aimé et tant aimable que Jésus meurt d’amour pour lui. »
Saint François de Sales
à madame de Chantal, 15 mai 1616
Si on aime Dieu de toute son âme, de tout son cœur, de toutes ses forces et de tout son esprit, on fait comme Lui : on aime son prochain, évidemment ! La charité fraternelle des enfants de Dieu, des enfants de Marie, des frères et des sœurs de Jésus, émane comme naturellement – en fait, c’est du surnaturel à l’état pur – de ces amours divines, de ces parentés spirituelles qui nous poussent suavement et fortement à aimer nos frères et nos sœurs en raison de leurs propres relations aux divines Personnes et donc à nous-mêmes qui en sommes tout occupés. C’est ainsi qu’on verra les sœurs hospitalières aller à la Messe, communier puis vite courir à leurs malades pour faire les soins les plus humbles avec une abnégation totale. Cela ne leur pose pas de problème. La sœur vient de recevoir Jésus dans son cœur et comme Jésus est plein de commisération pour le pauvre malade, finalement, la sœur, en allant auprès de son malade, va auprès de Jésus, Le voit dans le malade. Elle ne sait plus si c’est Jésus qu’elle soigne ou son malade : c’est ce que Jésus voulait !
Le laïcisme détruit la charité
Mais ce programme si alléchant de charité fraternelle n’est possible qu’aux vrais catholiques, entièrement pris et imprégnés par l’amour de Dieu. En face, c’est l’horreur et le désastre partout où le laïcisme agnostique, politique et social a dressé un mur bétonné entre le Ciel et la terre. On ne fait plus aucun cas de la tendresse divine du Père, de celle de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints. La tendresse humaine dépérit quand il n’y a plus de tendresse céleste. Dans une société laïque, il est interdit de parler de Dieu, des choses de Dieu, de ces dévotions qui nous transportent et nous aident à supporter les épreuves de la vie. La dévotion disparaît de la terre au profit de l’ennui, des vices, de l’apostasie, du désespoir et finalement du suicide.
Restaurons les “ dévotions ”,
sources de toute charité
À l’encontre de ce malheur, notre Père nous exhorte à raviver notre tendresse et nos dévotions envers les êtres célestes chéris et les saints du Paradis. La notion même de “ dévotion ” n’est absolument plus comprise : cette retraite de notre Père en redit les fondements et en redonne le goût qu’avaient tous les saints et le bon peuple fidèle. Il y a depuis notre baptême une pluie de grâces véhiculée par tous les canaux que sont nos relations de nature, de naissance humaine que l’eau vive survenant du Ciel trouve et emprunte pour animer toute notre existence. Nos dévotions, c’est monter vers le Ciel chercher des forces. Ensuite, notre comportement sera le fruit de la générosité des êtres divins qui nous communiquent leurs vertus.
Ainsi, pour acquérir l’enfance spirituelle qui est le premier ressort de la vie mystique ici-bas, la première relation de la créature avec son Dieu qui se révèle être son Père si bon, c'est la dévotion au Cœur très doux et humble de l’Enfant-Jésus. Jésus le dit de façon très solennelle et impérative dans l’Évangile : « Si vous ne devenez semblables à de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume de Dieu. » C’est la fameuse petite voie de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui vient providentiellement rappeler à l’homme moderne perdu d’orgueil, qu’il n’y aura point de salut s’il ne redevient comme un petit enfant. « Le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent » dit Jésus. Alors imitons l’Enfant-Jésus dans son abandon total et plein d’amour à son Père, son obéissance parfaite. Invoquons le doux divin Cœur de ce petit Enfant-Jésus. Il nous donnera dans les bras de sa Mère, ou donnant la main à saint Joseph, une merveilleuse leçon en même temps que son patronage nous sera une grâce, une source de mérites pour nous, nous aidant à retrouver cette attitude d’enfant humble et confiant.
La dévotion des saints à l'Enfant-Jésus...
« L’ENFANT-JÉSUS a fait des vertus de sa sainte Enfance, un bouquet dont Il a orné le sein de sa Mère, vertus de douceur, d’humilité, d’innocence, de pureté, de simplicité que les frères de Jésus, enfantés par Marie au pied de la Croix, doivent venir chercher auprès de leur Mère adoptive. Oh ! J’aperçois un grand mystère ! Oui, Marie est nourrice d’un Dieu ! Mais Elle est aussi nourrice de l’homme ! »
Sœur Marie de Saint-Pierre
« Si on eût demandé au doux Enfant-Jésus, étant porté entre les bras de sa Mère, où il allait, n’eût-il pas eu raison de répondre : je ne vais pas, c’est ma Mère qui va pour moi. Et qui lui eût demandé : Mais au moins, n’allez-vous pas avec votre Mère ? N’eût-il pas eu raison de dire, Non, je ne vais nullement, ou si je vais là par où ma Mère me porte, je n’y vais pas avec elle ni par mes propres fins, ains [mais] j’y vais par les pas de ma Mère, par elle et en elle. Et qui lui eût répliqué : mais au moins, ô très cher divin Enfant, vous vous voulez bien laisser porter à votre douce Mère ? Non fais certes, eût-il pu dire, je ne veux rien de tout cela, ains, comme ma toute bonne Mère marche pour moi, aussi elle veut pour moi : je lui laisse également le soin et d’aller et de vouloir aller pour moi où bon lui semblera, et comme je ne marche que par ses pas, aussi je ne veux que par son vouloir, et dès que je me trouve entre ses bras je n’ai aucune attention ni à vouloir ni à ne vouloir pas, laissant tout autre soin à ma Mère hormis celui d’être sur son sein, de sucer son sacré chicheron, et de me tenir bien attaché à son col très aimable pour la baiser amoureusement des baisers de ma bouche. »
Saint François de Sales,
Le Traité de l’amour de Dieu, livre IX, chapitre XIV
Puis, chacun de nous est appelé tout au long de sa vie à jeter des ponts, établir des liens. Ainsi, on veut se marier, choisir un métier, des amis ; on passe son temps à tisser des relations toujours nouvelles. C’est le moment de faire appel aux être divins qui ayant connu les mêmes situations, sont dans le Ciel tout prêts à répondre à notre appel pour nous inculquer leur propre expérience, leurs mérites, et nous pousser à faire ce qu’il faut.
Ainsi, on s’amourache de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus ou de sainte Marguerite-Marie. Elles nous emballent au point que leurs vertus commencent à s’infiltrer dans nos âmes par la grâce de Dieu, de la Sainte Vierge, de l’Esprit Saint. Au bout du compte, on fait spontanément sa petite sainte Marguerite-Marie ou sa petite sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. C’est comme cela qu’on passe vers la perfection et non pas en tenant son cahier de morale bien à jour !
Un jeune homme veut-il se marier ? Il activera par sa tendresse, sa dévotion, ses intimités avec saint Joseph. Ce saint daignera faire pour lui l’équivalent de ce que Dieu le Père a opéré en son cœur à lui, saint Joseph pour accomplir son rôle d’époux de la Bienheureuse Vierge Marie et de père adoptif de l’Enfant-Jésus.
Pour illustrer cet enseignement si encourageant, notre Père aimait raconter la rencontre providentielle de ses grands-parents à la grotte de Lourdes : « L’heureux jeune homme dévot à la Vierge Marie découvre, en prière à la grotte de Lourdes, celle que l’Immaculée, en réponse à sa prière, lui désigne ainsi clairement. En elle, il trouvera pour toute la vie un bienheureux reflet de la beauté immaculée de sa divine Mère. Et parallèlement, la jeune fille, renversée à la grotte par le tringlot que poussait le jeune homme, aura trouvé son mari, sous les regards de Marie ! C’est la Sainte Vierge qui a tout fait ! Elle se sentira en grande paix, ensuite, quand ils seront mariés, en communiant à son côté chaque matin pour établir leur amour sur l’infinie charité du Cœur eucharistique de Jésus et de Marie. » Quelle merveilleuse restauration de la vie chrétienne nous apporte cette morale mystique de notre Père !
La douce paternité divine remplit les pères humains, à l’image de saint Joseph et la maternité de la Vierge Marie donne une impulsion merveilleuse aux épouses fidèles et aux mères chrétiennes. Les prêtres, religieux et religieuses voués par l’Église à des tâches d’apostolat ont des affinités et connaturalités avec leurs “ homologues ” du Ciel, leur patron, leur patronne, leurs fondateurs. Pour avoir lu leur vie, leurs œuvres, s’être enthousiasmés de leur héroïsme, de leur pureté, de leur obéissance, ils les aiment fortement. Et eux, dans le Ciel, nous aiment aussi avec tendresse. C’est un commerce qu’on entretient avec eux par la prière, la visite au Saint-Sacrement où chacun se rencontre avec le saint ou la sainte qu’il aime (Pensons par exemple au saint curé d’Ars avec sainte Philomène). Ainsi, ils sont fortifiés pour exercer un ministère fécond et les religieuses pour répondre à l’appel évangélique, aux vœux religieux d’obéissance, de pauvreté, de chasteté.
Pour chacun de nous, quand vient le jour de notre fête, de notre saint Patron, tombent des grâces, car c’est comme un câble électrique qui nous relie ! Le saint prie pour nous et nous recevons cette grâce. Nous nous hâtons de l’en remercier : il y a donc un autre canal qui répond par l’action de grâces. Et cette grâce reçue, nous la partageons avec nos proches qui nous souhaitent notre fête et à qui nous pourrons témoigner de l’affection, voire nous réconcilier avec eux. La charité fraternelle ne fait qu’un avec l’amour de Dieu !
Pour clore ce chapitre, notre Père nous remet sous les yeux l’exemple de la plus grande charité possible : la mort du Sauveur, et la mort d’amour de la Vierge Marie au pied de la Croix, car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn15, 13). Comme dit saint François de Sales : « Après le motif de la Bonté divine connue et considérée en elle-même, celui de la mort du Sauveur sera le plus puissant pour ravir les esprits bienheureux en la dilection de Dieu ! (...) Ô Jésus, mon Sauveur, que votre mort est amiable puisqu’elle est le souverain effet de votre amour ! Vive Jésus duquel la mort montra combien l’amour est fort ! (...) Le Mont-Calvaire est le Mont des amants. Tout amour qui ne prend pas son origine dans la Passion du Sauveur est frivole et périlleux. »
Conservons cette vue de Jésus crucifié nous tendant sa Croix pour mieux nous aimer et de la Vierge Marie qui L’accompagne jusqu’au Calvaire pour nous enfanter à cette vie divine, source de toute vraie charité fraternelle, impossible sans oubli de soi, pardon des injures, tellement important que Jésus, dans le Notre Père en fait la condition pour être pardonnés nous-mêmes par Dieu.