La circumincessante charité

Le Paradis éternel

I. Le Ciel est un lieu

ACCUEILLIS dans les bras de la Vierge Marie, enfermés dans son Cœur Immaculé où brûle l’Esprit Saint, nous avons été amenés par notre Mère à Jésus, pris sur son Cœur, comme saint Jean au soir de la Cène. Et là, Le regardant face à Face, Lui, le Fils, nous découvrons le visage du Père qui nous attend avec une sorte d’impatience dans sa gloire : c’est la béatitude du Ciel où on ne peut entrer définitivement que par la mort.

Déjà deux êtres que nous connaissons bien nous y ont précédés : Jésus et Marie.

Ascension de Notre-SeigneurJésus, mort et ressuscité le troisième jour, est monté au Ciel corporellement quarante jours après, le jour de l’Ascension. C’est un article de notre Credo, donc nous y croyons, c’est-à-dire que nous en sommes absolument sûrs, dans une Église conciliaire qui nie cette vérité, n’y voyant qu’une manière symbolique de parler, de la part des évangélistes ! Ça ne se discute pas : « À ces mots, sous leurs regards, Il s’éleva et une nuée le déroba à leurs yeux. Et comme ils étaient là, les yeux fixés au Ciel pendant qu’Il s’en allait, voici que deux hommes vêtus de blanc se trouvèrent à leurs côtés ; ils leur dirent : “ Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous ainsi à regarder le Ciel ? Celui qui vous a été enlevé, ce même Jésus, viendra comme cela de la même manière dont vous l’avez vu s’en aller vers le Ciel. ” » (Ac 1, 9-11)

La Bienheureuse Vierge Marie dont la dormition a été interrompue par son Assomption en corps et en âme, l’Immaculée, est au Ciel auprès de son Fils béni, Jésus-Christ. C’est un dogme de notre foi catholique cru depuis toujours dans la tradition de l’Église et défini infailliblement par le pape Pie XII :

Assomption de la Vierge Marie« L’auguste Mère de Dieu mystérieusement unie à Jésus-Christ de toute éternité et par un seul et même décret de prédestination, immaculée dans sa conception, vierge parfaitement intacte dans sa maternité divine, généreusement associée au divin Rédempteur, lequel a remporté un complet triomphe sur le péché et ses suites, [Marie] a enfin obtenu, comme le couronnement suprême de ses privilèges, d’être gardée indemne de la corruption du sépulcre, pour être, comme déjà son Fils par la victoire sur la mort, transportée en corps et en âme dans la suprême gloire du Ciel où, Reine, elle resplendit à la droite de son Fils, Roi immortel des siècles. »

Ainsi, la Mère a rejoint son Fils, l’épouse son Époux, pour être présentée à Lui au Père. À la circumincession éternelle des trois Personnes divines, se trouvent à jamais associée la nature humaine du Seigneur Jésus, en toute sa corporéité, et son âme spirituelle, depuis l’Ascension. Pareillement, la Vierge sa Mère, simple et pure créature humaine, créée subsistante, est montée au Ciel avec sa pleine réalité de personne née dans un lieu, dans un temps et conservant cette identité matérielle. Il faut donc affirmer, ce qui est l’objet de notre foi : il y a un lieu appelé Ciel qui contient Jésus et Marie, que eux deux ont créé par leur matérialité glorieuse. Saint Thomas l’explique : tout corps délimite un espace. C’est mystère sur mystère, mais c’est notre foi et nous y croyons fermement, car toute la suite dépend de la fermeté de cette affirmation.

Puis, notre Père fait remarquer que c’est Jésus-Christ et Jésus-Christ seul qui nous a révélé ce qu’il y avait après la mort, car Lui seul est venu du Ciel et en connaît tous les secrets qu’Il nous a révélés.

En effet, Dieu a laissé les juifs de l’Ancien Testament dans l’ignorance de nos fins dernières. Quant aux philosophes grecs, aussi haut qu’ils soient placés, ils en savent moins que n’importe quel enfant du catéchisme qui connaît son Credo : « Je crois à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. »

Nous, chrétiens, croyons fermement et savons que la mort n’est qu’un changement d’état de notre esprit immortel, lequel retrouvera sa chair à la résurrection des morts. La Préface de la Messe des défunts le dit très bien : « Vita mutatur, non tollitur. » Notre vie change, elle ne nous est pas enlevée et la maison de notre séjour terrestre détruite, une demeure éternelle nous attend dans les cieux. On passe d’un lieu à un autre !

Notre esprit est immortel : réalisons un peu ce que signifie que dans des milliards d’années, nous vivrons !

Puis, viendra l’œuvre dernière de la création incessante de Dieu en vue de laquelle Il veille sur toutes choses au long de l’histoire par sa Providence : la résurrection de la chair. Nous serons de nouveau comme nous sommes maintenant, des êtres corporels. Ce sera alors l’ouverture du Royaume universel et éternel de Jésus-Christ établi Roi de toute la création. Roi dans le Ciel, en gloire et en béatitude entouré de tous ses élus, toutes les choses belles et bonnes de l’univers leur faisant un décor merveilleux. Il régnera aussi avec justice sur les lieux inférieurs des enfers, par la damnation des méchants. Voilà notre foi.

La question qui est vitale pour chacun de nous, et qui seule compte est : qu’en sera-t-il du jugement de Dieu nous établissant personnellement parmi les élus ou parmi les damnés ? Sommes-nous en marche vers le Ciel ou vers l’enfer ? Il n’y a pas d’autre voie, le Purgatoire étant l’antichambre du Ciel. C’est donc dès maintenant qu’il faut s’occuper de cette question selon l’adage : “ il faut savoir, pour prévoir, afin de pourvoir. ”

Mort – Jugement – Éternité.

Ces trois mots inscrits en lettres noires sur le linteau en pierre de taille du réfectoire de l’abbaye de Notre-Dame des Neiges, se sont gravés pour toujours dans l’âme de notre Père qui les méditait souvent et nous les prêchait. Pas de désir du Ciel, nous disait-il, sans crainte de l’enfer : l’un va avec l’autre. C’est tellement la pierre fondamentale de tout l’édifice, que la Vierge Marie, au début du XXe siècle, a montré l’enfer aux trois enfants de Fatima pour qu’on en ait l’angoisse, assez pour ne pas y aller. Ce fut le 13 juillet 1917, la Vierge Marie ouvrit les mains :

Voyants de Fatima le 13 juillet 1917
Les trois enfants, le 13 juillet,
peu après la vision de l'enfer.

« Le reflet de la lumière parut pénétrer la terre et nous vîmes comme un océan de feu. Plongés dans ce feu, nous voyions les démons et les âmes (des damnés). Celles-ci étaient comme des braises transparentes, noires ou bronzées, ayant formes humaines. Elles flottaient dans cet incendie, soulevées par les flammes qui sortaient d’elles-mêmes, avec des nuages de fumée. Elles retombaient de tous côtés, comme les étincelles dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, au milieu des cris et des gémissements de douleur et de désespoir qui horrifiaient et faisaient trembler de frayeur. (C’est à la vue de ce spectacle que j’ai dû pousser ce cri “ Aïe ! ” que l’on dit avoir entendu de moi). Les démons se distinguaient (des âmes des damnés) par des formes horribles et répugnantes d’animaux effrayants et inconnus, mais transparents comme de noirs charbons embrasés. ”

« Ici, dans son troisième Mémoire, sœur Lucie ajoutait : “ Cette vision ne dura qu’un moment, grâce à notre bonne Mère du Ciel qui, à la première apparition, nous avait promis de nous emmener au Ciel. Sans quoi, je crois que nous serions morts d’épouvante et de peur. ”

« Effrayés et comme pour demander secours, nous levâmes les yeux vers Notre-Dame qui nous dit avec bonté et tristesse : “ Vous avez vu l’enfer ou vont les âmes des pauvres pécheurs. Pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. ” » (Toute la vérité sur Fatima, frère Michel de la Sainte Trinité, t. I, p. 223)

Notre Père a très souvent commenté cette vision de l’enfer en montrant la justesse théologique du langage de la voyante, en parfait accord avec tout ce que l’Église nous en révèle. Voici comment il nous engageait à en profiter : « Ce regard sur l’enfer est une grâce, une interpellation : regarder l’enfer maintenant pour ne pas avoir à le regarder pendant l’éternité, regarder pour avoir le courage de sortir du péché, des désordres, résister aux tentations, abominer toutes les choses qui peuvent nous engager sur une voie de perdition, de damnation. Et on ne discute pas : c’est absolument juste et on reçoit la crainte salutaire de l’enfer qui ne fait qu’augmenter à mesure que nous aimons Dieu et que nous voulons aller au Ciel. »

Mais puisque cette retraite s’adresse à des baptisés passés de l’état de péché mortel habituel et du mépris de Dieu à la seconde conversion qui les met dans les bras de la Sainte Vierge et sur le Cœur de Jésus, laissons l’enfer et parlons de notre entrée au Ciel après une sainte mort.